Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« LRTFP ») alléguant que l'agent négociateur défendeur se serait livré à une pratique déloyale de travail au sens de l'article 185 de la LRTFP – le plaignant a été embauché par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC ») à titre d'agent d'approvisionnement PG-01 – lorsqu'il s'est vu refuser une promotion au poste d'agent d'approvisionnement PG‑02, il a communiqué avec son agent négociateur – selon le plaignant, l'agent négociateur a contrevenu à l'article 187 de la LRTFP lorsqu'il a omis de correctement étudier ses demandes de l'aider – l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne CRTFP ») a demandé aux parties de présenter des arguments écrits sur la question de savoir si elle avait compétence pour examiner la plainte sur le fond – après avoir examiné la jurisprudence de l'ancienne Commission et celle de son prédécesseur, la formation de la Commission a conclu que les plaintes selon lesquelles il y a eu contravention du devoir de représentation équitable présentées en vertu l'article 187 s'appliquent seulement aux affaires ou aux litiges visés par la LRTFP ou la convention collective applicable – elle a examiné la question de savoir si le processus de dotation en litige en l'espèce était visé par la LRTFP ou la convention collective applicable – elle a conclu que l'affaire n'était pas visée par la LRTFP, puisque la question de dotation en litige concernait la mutation d'un autre fonctionnaire – même si, aux termes du sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur sa mutation, la LRTFP n'accorde aucun droit de présenter un grief lié à la mutation d'un autre employé – de plus, une allégation selon laquelle la plainte vise les termes d'une convention collective pertinente n'est pas fondée – puisque la dotation continue d'être une question non négociable dans les négociations collectives, l'affirmation du plaignant selon laquelle l'affaire est visée par la convention collective ne peut être appuyée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150319
  • Dossier: 561-02-710
  • Référence: 2015 CRTEFP 26

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

DHIMUTH ABEYSURIYA

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Abeysuriya c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Catherine Ebbs, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour le défendeur:
Martin Ranger, avocat
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 28 octobre, le 21 novembre et le 1er décembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 21 août 2014, Dhimuth Abeysuriya (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP), selon laquelle l'agent négociateur défendeur, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185 de la LRTFP.

2 Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a embauché le plaignant en 2009, à titre d'agent d'approvisionnement stagiaire PG-01, dans la catégorie des minorités visibles (MV) de l'EE. Selon le plaignant, on lui a refusé une promotion au poste d'agent d'approvisionnement PG-02, qui aurait dû lui être donnée au lieu qu'elle le soit à M. « L ».

3 Le plaignant a communiqué avec l'IPFPC pour obtenir de l'aide. Il affirme que l'IPFPC a contrevenu à l'article 187 de la LRTFP (représentation inéquitable par l'agent négociateur), lorsqu'il a omis de correctement étudier ses demandes de l'aider dans cette affaire. Le plaignant allègue aussi avoir fait l'objet de discrimination en raison de sa couleur, sa race, son âge, son sexe et sa religion dans le cadre de cette mesure de dotation et d'autres mesures de dotation.

4 La mesure corrective demandée par le plaignant est l'obtention d'un poste d'agent des approvisionnements PG-02 au bureau de TPSGC de Bedford Row, en Nouvelle-Écosse.

5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. En d'autres mots, la nouvelle Commission remplit maintenant les fonctions qui étaient exercées séparément par l'ancienne Commission et le TDFP. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission.

6 Pour les motifs qui suivent, je conclus que les questions de dotation visées par la présente plainte ne relèvent pas de la LRTFP ou de la convention collective applicable, soit la convention conclue entre le Conseil du Trésor et l'IPFPC pour le groupe Vérification, commerce et achat (tous les employés) dont la date d'expiration est le 21 juin 2014 (la « convention collective »). Par conséquent, la nouvelle Commission n'a pas compétence pour examiner la plainte sur le fond.

II. Contexte

7 À la suite d'une demande de l'ancienne Commission, le plaignant a fourni plus de précisions sur sa plainte le 4 septembre 2014. Lorsqu'on lui a demandé de présenter un bref exposé de chaque acte ou de chaque omission dont il se plaint, le plaignant a indiqué [traduction] : « Je crois que l'IPFPC ne m'a pas représenté équitablement. Je crois fermement qu'on m'a refusé une promotion au poste PG-02 lorsqu'une autre personne a été nommée au poste. Je n'ai pas reçu de réponses satisfaisantes de mon représentant syndical. »

8 Dans ses pièces justificatives, le plaignant a joint un ensemble de correspondance par courriel à l'égard de cette affaire. Les parties essentielles de cet échange de courriels sont présentées ci-dessous. Le 3 avril 2014, le plaignant a écrit à la présidente de l'IPFPC, en indiquant qu'il revenait à l'IPFPC de prendre des mesures en son nom sur les deux affaires suivantes :

[Traduction]

[…]

(2) Au sujet du processus PG-04 ci-joint et la création de bassins, alors qu'il n'était pas présenté dans l'affiche PDF,

(3) Les deux postes PG-02 au 5e étage du bureau de TPSGC à Halifax ne m'ont pas été attribués (comme le gestionnaire […] a dit à […] et à moi, le gestionnaire […] est prêt à témoigner à n'importe quelle audience sur les deux postes PG-02 et sur [M. L] qui a été licencié par le gestionnaire […] mais qui a été nommé à un poste PG-02 au bureau de Halifax par le gestionnaire […] et le chef d'équipe […] qui a pris mon poste au bureau de Bedford Row à Halifax.

[…]

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

9 La présidente de l'IPFPC a répondu que les préoccupations du plaignant ont été communiquées au chef des services de représentation de l'IPFPC aux fins d'examen. Le 14 avril 2014, un employé de l'IPFPC a envoyé un courriel au chef des services de représentation et au plaignant pour confirmer que l'IPFPC examinerait les deux questions présentées plus haut dans la présente décision et informerait le plaignant par écrit. L'IPFPC a décidé de ne pas présenter de grief ou de plainte au nom du plaignant à l'égard de cette affaire. Il a ensuite rejeté sa demande subséquente de réexamen.

10 Le 8 octobre 2014, l'ancienne Commission a ordonné aux parties de présenter des arguments écrits sur une question préliminaire de sa compétence. Plus précisément, les parties devaient répondre à la question suivante [traduction] : « Le droit à une représentation équitable prévue par la LRTFP s'applique-t-il aux affaires ou aux litiges visés par la LRTFP ou par une convention collective applicable (c.-à-d., les questions de recours en matière de dotation ne sont pas visées par la Loi)? »

11 Les parties devaient tenir compte de la décision de l'ancienne Commission dans Brown c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Edmunds, 2013 CRTFP 48, dans leurs arguments respectifs.

12 Le 28 octobre 2014, l'ancienne Commission a reçu les arguments écrits du plaignant. Le 21 novembre 2014, la nouvelle Commission a reçu les arguments écrits en réplique du défendeur. Le 1er décembre 2014, la nouvelle Commission a reçu les arguments écrits en réfutation du plaignant.

III. Questions

13 Les questions de dotation visées par la présente plainte sont-elles visées par la LRTFP ou par la convention collective applicable?

14 Si la réponse à cette question est « non », la nouvelle Commission a-t-elle compétence pour examiner la plainte sur le fond?

IV. Résumé de l'argumentation

A. Les arguments du plaignant

15 Le plaignant ne répond pas à la question préliminaire de la compétence soulevée par l'ancienne Commission. Il ne renvoie pas à Brown. De plus, il ne cite aucune jurisprudence à l'appui de sa position. Les arguments du plaignant sont, en grande partie, une reproduction des renseignements qu'il a déjà fournis en réponse à la demande d'autres précisions par l'ancienne Commission.

16 Le point fondamental de la plainte contre le défendeur est indiqué à la page 9 des arguments écrits du plaignant, comme suit :

[Traduction]

[…] Le représentant syndical de l'IPFPC […] a omis de me représenter ou de mener une enquête approfondie à l'égard des procédures de dotation injustes, contraires à l'éthique, incorrectes, discriminatoires (en raison de ma couleur, de ma race, de mon âge, de mon sexe et de ma religion) par la présentation de griefs OU la présentation d'une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), OU auprès de la CRTFP (par exemple, aux termes du paragraphe 208(2)), OU le droit à l'arbitrage avant de prendre une décision.

17 Le plaignant a fourni des copies de ses examens du rendement de 2010 à 2011 qui, selon lui, indiquent qu'il recevrait un poste PG-02 (agent des approvisionnements). C'est plutôt M. L, qui, selon lui, n'est pas qualifié, qui a obtenu le poste PG-02. Le plaignant a de plus indiqué qu'il a été informé qu'il y aurait deux postes d'agent des approvisionnements PG-02 au bureau de TPSGC à Bedford Row, à Halifax, mais qu'il n'a obtenu aucun des deux.

B. Arguments en réplique du défendeur

18 Le défendeur affirme que la nouvelle Commission n'a pas compétence pour entendre la plainte, puisqu'elle a trait à des questions de dotation. Selon le défendeur, les plaintes présentées aux termes de l'article 187 de la LRTFP sont exclusivement limitées aux questions présentées dans la LRTFP ou dans la convention collective. L'article 187 se lit comme suit :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

19 Le défendeur est d'avis que toutes les allégations présentées par le plaignant ont trait à la procédure de dotation utilisée et à la dotation d'un poste PG-02 (agent des approvisionnements) à TPSGC.

20 Le défendeur invoque Brown (aux paragraphes 55 à 84; en particulier le paragraphe 72), de même qu'une autre décision de la Commission, Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3, aux paragraphes 188 et 189, à l'appui de sa position. Le défendeur affirme que Brown confirme que la nouvelle Commission n'a pas compétence sur le devoir de représentation équitable dans les situations où un employé se plaint de représentation liée à une question de dotation. De plus, le défendeur indique que l'ancienne Commission a appliqué Brown dans Tran c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2014 CRTFP 71. Selon le défendeur, l'ancienne Commission a confirmé que les questions de dotation doivent être exclues de son examen des cas de devoir de représentation équitable.

21 Par conséquent, le défendeur soumet que, compte tenu de la jurisprudence, tout acte de représentation d'un agent négociateur qui n'est pas visé par les paramètres de la LRTFP ou de la convention collective pertinente dépasse la compétence de la nouvelle Commission de les examiner. Le défendeur demande le rejet sommaire de la plainte, sans une audience.

C. Arguments en réfutation du plaignant

22 Le plaignant indique encore qu'il est d'avis que la nouvelle Commission a compétence pour [traduction] « enquêter » sur sa plainte. Il affirme que la plupart de ses allégations [traduction] « ne concernent pas la dotation ». Il répète sa position selon laquelle le manquement de l'IPFPC de faire une enquête approfondie ou de prendre toute autre mesure quant à sa plainte selon laquelle il a été traité injustement relativement au poste PG-02 était arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi.

23 Selon le plaignant, la raison présentée par l'IPFPC pour ne pas donner suite à cette affaire était que le poste PG-02 en question a été affiché dans Publiservice (le site des emplois du gouvernement du Canada, où les annonces et les avis d'emploi assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) sont affichés) et qu'il n'a pas présenté sa candidature. Cependant, le plaignant affirme qu'il n'y a pas eu d'annonces dans Publiservice indiquant aux employés qu'une personne avait été nommée au poste. Le plaignant indique qu'un gestionnaire lui a dit qu'il y avait eu une mutation dans ce cas. Il indique aussi qu'il l'a clairement indiqué à l'IPFPC à plusieurs reprises, mais que le défendeur n'a rien fait.

24 Le plaignant n'a fourni aucune autre jurisprudence à l'appui de sa position.

V. Analyse

25 Afin de m'aider à déterminer si j'ai compétence pour entendre la plainte, je commencerai par examiner la jurisprudence applicable de l'ancienne Commission. Un certain nombre de décisions de l'ancienne Commission (et de son prédécesseur) antérieures à Brown sont pertinentes pour la présente analyse.

26 D'abord, dans Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 33, l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique traitait une plainte selon laquelle l'agent négociateur n'avait pas fourni de représentation lors d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Même si l'agent négociateur, l'IPFPC, a choisi de ne pas remettre en question sont obligation de représenter ses membres dans des affaires qui ne sont pas liées à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35; l'ancienne LRTFP), dans ce cas, les commentaires suivants de la présidente suppléante, au paragraphe 49, sont dignes de mention :

49 Au départ, je précise que j'ai des réserves en ce qui a trait à l'argument voulant que le devoir de représentation juste d'un agent négociateur englobe des questions qui sortent du champ d'application de la L.R.T.F.P. et qui, comme en l'espèce, découlent de situations relevant de la L.E.F.P.. Je suis plutôt disposée à croire que ce devoir est limité aux droits découlant de la L.R.T.F.P.

27 Plus important, pour une autre plainte relative au devoir de représentation équitable, Ouellet c. Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN, 2007 CRTFP 112, qui met en cause la décision de l'agent négociateur de refuser de représenter le plaignant dans une révision judiciaire d'une décision de la Commission de la fonction publique (CFP) à l'égard d'une enquête par la Direction des recours de la CFP, les passages suivants sont importants pour cette décision :

[…]

30 […] Toutefois, certains aspects de la relation d'emploi, dont la dotation, sont exclus du champ d'application de la Loi et sont plutôt régis par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[…]

34 De plus, la dotation ne fait pas partie de ce qui est négociable en vertu de la Loi. La dotation est régie par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui prévoit ses propres mécanismes de recours. Il ne s'agissait aucunement de s'assurer de l'application d'une disposition d'une convention collective ou même de l'exercice d'un recours prévu dans la Loi. À priori, à moins d'un engagement spécifique d'une organisation syndicale d'assurer la représentation hors de ces champs, il ne peut y avoir de devoir de représentation. Le plaignant a demandé que le défendeur agisse en son nom. Ce dernier a refusé dans un domaine où il peut choisir de refuser de fournir une représentation. Également pour ce motif je rejette la plainte.

[…]

[Je souligne]

28 Lai a été mentionnée au paragraphe 19 de Ouellet en ces termes : « Il est à noter que la commissaire croit plutôt que le devoir de représentation est limité aux droits découlant de l'ancienne Loi » (c.-à-d., l'ancienne LRTFP).

29 Dans Elliott, le commissaire traitait également d'une question préliminaire de compétence sur la foi d'arguments écrits des parties. L'ancienne Commission devait traiter une plainte selon laquelle l'agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable en raison de la manière dont il avait traité la demande du plaignant devant la Commission des accidents du travail (CAT).Comme l'a expliqué le commissaire, il devait décider si l'obligation de représentation équitable prévue par la LRTFP s'appliquait aux affaires présentées devant la CAT. Il s'est prononcé en ces termes, au paragraphe 188 :

188 […] je considère que le devoir de représentation juste qui est prévu à l'article 187 de la LRTFP concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP, qui se rapportent à la relation entre les fonctionnaires et leur employeur. En d'autres termes, la « représentation » que mentionne cet article est la représentation du fonctionnaire dans des affaires ayant trait à la relation prévue dans la convention collective ou à la LRTFP, par exemple la représentation dans la négociation collective et la présentation de griefs en vertu de la Loi.

30 Le commissaire dans Elliott a souligné qu'il n'a pas eu à décider si le devoir de représentation équitable s'applique aux procédures et processus se rapportant à la LEFP. Cependant, il a noté qu'il jugeait que le raisonnement général présenté dans les commentaires préliminaires de Lai mentionné plus tôt dans la décision était la bonne approche. Le commissaire a souligné que, si le Parlement entendait conférer à l'ancienne Commission le vaste mandat de superviser la prestation de services de représentation volontairement offerte par un agent négociateur, il aurait donné une indication à cet égard. Ainsi, le raisonnement du commissaire, présenté au paragraphe 195 de Elliott, est particulièrement pertinent :

195 Les services qu'un syndicat décide d'offrir à ses membres et qui ne se rapportent pas à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective concernent le syndicat et ses membres. Si le syndicat ne représente pas correctement ses membres à l'égard de ces questions […] cette question ne relève pas de la compétence de notre Commission.

31 Dans Brown, la plainte déposée à l'ancienne Commission portait sur la décision du président du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) d'indiquer au TDFP que, avant d'entendre une plainte déposée auprès du TDFP, le TDFP n'avait pas à envoyer d'assignation exigeant du commissaire du Service correctionnel du Canada de rendre un témoignage.Le plaignant a affirmé que la décision du président du SESG était arbitraire, discriminatoire et empreinte de mauvaise foi.

32 Admettant le raisonnement précisé dans Elliott, la formation de l'ancienne Commission, dans Brown, s'est prononcée en ces termes au paragraphe 54 :

54 […] la compétence de la Commission pour examiner une plainte fondée sur une allégation relevant de l'article 187 de la Loi doit trouver son origine soit dans la Loi soit dans la convention collective pertinente que l'organisme négociateur ou l'agent négociateur a négociée au nom du membre qui a déposé la plainte.

33 Dans Tran, la plaignante a allégué que l'agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de poursuivre une demande de contrôle judiciaire à la suite du rejet de sa candidature dans un processus de dotation de l'Agence du revenu du Canada (ARC). La décision Tran mettait en cause une question de dotation qui était visée par le système de recours en matière de dotation de l'ARC, de même que par l'article 54 de la Loi sur l'Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17) qui empêchait expressément la convention collective de porter sur les questions régies par le programme de dotation en personnel de l'ARC. L'ancienne Commission a remarqué que la décision Elliott (qui renvoie à Lai) a été respectée dans Brown.

34 Brown et Tran indiquent toutes deux que la dotation est un domaine qui ne s'inscrit nullement dans la LRTFP. Même si Tran traitait d'une question de dotation dans le cadre du recours en matière de dotation de l'ARC et que Brown portait sur une question de dotation en vertu de la LEFP, les deux cas ont une approche uniforme. Dans Brown, le raisonnement est présenté au paragraphe 72 comme suit :

72 Un examen des articles pertinents de la LEFP, la LGFP et la Loi indique une volonté chez le législateur de distinguer et de séparer convenablement les processus d'évaluation, de sélection et de nomination des candidats pour les postes au sein de la fonction publique fédérale d'une part, et les processus de négociation et de réglementation des conditions d'emploi d'autre part.

35 Pareillement, dans Tran, la formation de l'ancienne Commission s'est prononcée en ces termes, au paragraphe 100 :

100 Comme on peut le constater à l'examen de la LGFP, la LARC et la LRTFP, le régime législatif a clairement établi deux sphères autonomes et mutuellement exclusives, d'une part des relations de travail et d'autre part de la dotation. Les plaintes se trouvant dans la sphère de la dotation, je conclus que la Commission n'a pas la compétence pour en traiter et que par conséquent elles doivent être rejetées.

36 Cependant, il est important de mettre l'accent sur la manière dont l'ancienne Commission a caractérisé la question qu'elle devait trancher dans Tran, soit, au paragraphe 95 : « Comme en l'espèce il s'agit d'une question de dotation, il faut déterminer si la dotation s'inscrit dans le cadre de la LRTFP ou de la convention collective applicable. »

37 Il s'agit du point clé. Contrairement à la position générale du défendeur selon laquelle la nouvelle Commission n'a pas compétence sur le devoir de représentation équitable dans les situations où un employé se plaint de représentation liée à une question de dotation, la nouvelle Commission doit se demander si la question de dotation en litige en l'espèce est visée par la LRTFP ou la convention collective applicable.

38 Si le plaignant se plaint de la nomination de M. L, alors il s'agit d'une question de dotation qui est exclusivement visée par la LEFP. Cependant, le plaignant affirme que M. L a été muté à ce poste. Si M. L a effectivement été muté, alors le plaignant n'aurait eu aucun droit de déposer une plainte devant ce qui était alors le TDFP. (Voir, p. ex., Smith c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al., 2007 TDFP 0029.) Aux termes du paragraphe 53(1) de la LEFP, une mutation n'est pas une nomination pour l'application de la LEFP.

A. Le plaignant aurait-il eu le droit de déposer un grief à l'égard de la mutation de M. L. en vertu de la LRTFP?

39 La réponse rapide est « non ». Même si, aux termes du sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la LRTFP, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur sa mutation, la LRTFP n'accorde aucun droit de présenter un grief lié à la mutation d'un autre employé.Même si le premier peut avoir trait aux « […] droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP[…] » (voir Elliott, au paragraphe 188), la LRTFP ne prévoit aucun droit ou obligation correspondant pour cette dernière situation (c.-à-d. dans la version du plaignant, celle sur laquelle la nouvelle Commission doit se prononcer en l'espèce). Par conséquent, je conclus que les questions de dotation en l'espèce ne sont pas visées par la LRTFP.

B. Ces affaires sont-elles visées par la convention collective applicable?

40 La convention collective n'était comprise dans aucuns des arguments des parties. (Je suis disposée à prendre connaissance d'office de la convention collective pertinente.)

41 À la page 7 de ses arguments, le plaignant affirme que le défendeur a agi d'une manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi relativement à ses droits prévus par la convention collective. Aucune disposition de la convention collective n'a été précisée.

42 Si l'objet de la plainte a trait à la dotation, une allégation selon laquelle la plainte vise les termes d'une convention collective pertinente n'est pas fondée. Puisque la dotation continue d'être une question non négociable dans les négociations collectives, l'affirmation du plaignant selon laquelle l'affaire est visée par la convention collective ne peut être appuyée.

VI. Conclusion

43 La jurisprudence de l'ancienne Commission est uniforme (Lai, Ouellet, Elliott, Brown et Tran) en ce sens que les plaintes présentées à la nouvelle Commission qu'une organisation syndicale ou un agent négociateur a manqué à son obligation de représentation équitable présentée à l'article 187 de la LRTFP s'appliquent seulement aux affaires ou aux litiges visés par la LRTFP ou la convention collective applicable. Le cas en l'espèce porte sur des questions de dotation.

44 Comme cela a été expliqué dans l'analyse, puisque les questions de dotation posées par cette plainte ne sont pas visées par la LRTFP ou la convention collective applicable, je conclus que la nouvelle Commission n'a pas compétence pour examiner la plainte sur le fonds. Puisqu'un grief ne peut pas être présenté relativement à l'objet de la plainte visée en l'espèce, le plaignant n'avait aucun droit de représentation et, par conséquent, la nouvelle Commission n'a pas compétence pour déterminer si le défendeur a contrevenu à l'article 187 de la LRTFP.

45 Pour ces motifs, la nouvelle Commission rend l'ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

46 La plainte est rejetée.

Le 19 mars 2015.

Traduction de la CRTEFP

Catherine Ebbs,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.