Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« agent négociateur ») a déposé un grief de principe alléguant que l'employeur a omis de s'acquitter de ses obligations contractuelles en vertu d'une annexe de la convention collective – l'agent négociateur a allégué que l'employeur avait omis de se rencontrer pour formuler des recommandations conjointes visant à proposer des modifications à la convention collective en fonction des résultats d'une étude sur la rémunération effectuée conformément à l'annexe J de la convention collective – au moment de la signature de la convention collective, il existait une différence entre la rémunération des enseignants qui travaillaient selon un horaire de 10 mois par rapport à ceux qui travaillaient selon un horaire de 12 mois – afin de régler cette question, les parties ont convenu de mener une étude sur la rémunération – l'annexe J exigeait que les parties se rencontrent une fois l'étude sur la rémunération achevée en vue de formuler des recommandations conjointes, lesquelles devaient être renvoyées à l'employeur et à l'agent négociateur aux fins d'examen et de traitement, y compris la possibilité de rouvrir la convention collective – la convention collective est venue à échéance sans la formulation de recommandations conjointes – l'arbitre de grief a conclu que l'exigence, selon laquelle les recommandations conjointes font partie des considérations du rapport publié en vertu de l'annexe J, nécessitait une modification du libellé de la convention collective, ce qu'elle ne pouvait pas faire en vertu de l'article 229 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. De même, l'arbitre de grief a déterminé qu'elle ne pouvait pas ordonner aux parties de formuler des recommandations conjointes dans le cadre d'une intervention d'un tiers, en l'absence de tout libellé portant sur le règlement de différends – l'arbitre de grief a conclu que les parties faisaient face à une annexe mal rédigée, qui ne prévoit aucunement le résultat si les parties ne parvenaient pas à formuler des recommandations conjointes. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150123
  • Dossier: 569-02-128
  • Référence: 2015 CRTEFP 9

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
James Cameron et Dana Steinfeld, avocats
Pour l'employeur:
Ketia Calix, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 27 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief de principe renvoyé à l'arbitrage

1 L'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« agent négociateur ») a déposé un grief de principe dans lequel elle allègue que le Conseil du Trésor (l'« employeur ») a omis de respecter ses obligations prévues aux annexes J et L de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Enseignement et bibliothéconomie (« tous les employés »); date d'expiration, 30 juin 2014 (la « convention collective »). Dans le grief, il est allégué que l'employeur a omis de respecter ses obligations contractuelles prévues à l'annexe L de la convention collective en faisant défaut de rencontrer l'agent négociateur afin d'élaborer des recommandations pour proposer des modifications à la convention collective en fonction des résultats d'une étude sur la rémunération menée conformément à l'annexe J de la convention collective.

2 La présente affaire devait être entendue le 14 avril 2014, mais elle a été ajournée pour permettre aux parties de se rencontrer comme le prévoit l'annexe L de la convention collective afin de discuter de l'étude sur la rémunération menée par les parties conformément à l'annexe J. Cela n'a pas réglé la question, et l'audience s'est tenue le 27 octobre 2014.

3 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

4      Au début de l'audience, les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits en tant que pièce 1.

5      M. Byron Duguay, Mme Julie Chiasson et M. Holmann Richard ont témoigné au nom de l'agent négociateur. Au moment de la signature de la convention collective, il y avait une différence dans la façon dont les enseignants qui travaillaient pendant un calendrier de 10 mois et ceux qui travaillaient pendant le calendrier de 12 mois étaient payés. Afin de régler cette question, les parties ont accepté de mener une étude sur la rémunération conformément à l'annexe J. Les parties ont convenu de recourir au Hay Group, qui a présenté son rapport final, [traduction] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada/Alliance de la Fonction publique du Canada, Étude sur la compatibilité des salaires (ED-EST), en septembre 2011 (l'étude Hay) (pièce 1, onglet 3). L'employeur a avisé l'agent négociateur par courriel le 9 février 2012 qu'il avait l'intention de demander d'autres renseignements au moyen d'une comparaison avec les enseignants des établissements carcéraux provinciaux (pièce 1, onglet 4). Cet examen devait être terminé au plus tard en mars 2012.

6 Le 3 octobre 2012, l'employeur a informé l'agent négociateur qu'il attendait que son Secteur de la gestion des dépenses lui fournisse certaines données salariales et une analyse liée à l'étude menée conformément à l'annexe J de la convention collective (pièce 1, onglet 5). Malgré un certain nombre de demandes, l'employeur n'a participé à aucune autre des discussions et n'a pas fourni sa position officielle sur l'étude Hay. En conséquence, il n'y a eu aucune réunion pour formuler des recommandations conjointes, comme le prévoit l'annexe L.

7 Après l'ajournement d'avril 2014 de la présente audience par l'ancienne Commission, l'agent négociateur a fourni à l'employeur une liste de ses recommandations portant sur la mise en œuvre de l'étude le 11 juin 2014 (pièce 1, onglet 9). Les parties se sont rencontrées le 25 juin 2014, et l'employeur a déposé ses propositions (pièce 1, onglet 10). Le 26 juin 2014, l'employeur a confirmé par courriel qu'il ne pouvait accepter les propositions de l'agent négociateur parce que, à son avis, les recommandations ne respectaient pas les principes d'établissement de la rémunération (facteurs prépondérants) des articles 148 et 175 de la LRTFP (pièce 1, onglet 11), qui exigent que les niveaux de rémunération et les autres conditions d'emploi des fonctionnaires tiennent compte de la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires (pièce 1, onglet 11). Comme le recrutement et le maintien n'étaient pas en litige, selon l'employeur, aucune recommandation n'était nécessaire pour aborder les différences de paie entre les deux groupes.

8 Selon l'agent négociateur, cette approche visant les annexes J et L de la convention collective était un acte de mauvaise foi de la part de l'employeur. C'était la première fois que la question du recrutement et du maintien était soulevée. La convention collective est venue à échéance le 30 juin 2014, sans que des propositions conjointes ne soient préparées. L'employeur ne souhaitait plus discuter de propositions conjointes. Toute discussion portant sur l'étude Hay devait se faire en vertu des négociations collectives, qui ont commencé en juillet 2014. Aucune discussion portant sur l'étude Hay n'était incluse dans le premier ensemble des propositions de négociations de l'employeur.

9 John Park, négociateur, Section de la rémunération et des relations de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor, a témoigné pour le compte de l'employeur et il a déclaré qu'il n'avait pas le mandat de négocier une augmentation du taux de rémunération pour le groupe ED à la suite de l'étude. Les propositions conjointes prévues devaient être élaborées et communiquées par sa voie hiérarchique pour information et directives. L'employeur a examiné l'étude Hay, et la divergence entre le taux horaire de la rémunération et le salaire annuel le préoccupait. Selon les conclusions de Hay Group, il y avait une différence notable entre le salaire minimum et le salaire maximum des deux groupes faisant l'objet de l'étude en fonction de la question de savoir si les salaires étaient affichés selon un taux horaire ou un taux annuel (pièce 1, onglet 3). D'autres considérations qui préoccupaient l'employeur étaient le recrutement et le maintien, la situation du marché extérieur, la relativité interne, la rémunération au rendement et l'abordabilité. Même si M. Park était autorisé à discuter de l'étude avec l'agent négociateur, il n'était pas autorisé à s'engager à formuler des recommandations conjointes.

10 M. Park a rencontré les représentants de l'agent négociateur en mai 2014 afin de discuter de la façon dont ils iraient de l'avant. À cette rencontre, il a soulevé les préoccupations de l'employeur en ce qui concerne le recrutement et le maintien ainsi que les principes figurant dans la LRTFP. L'employeur a reçu les recommandations de l'agent négociateur le 12 juin 2014. Les parties se sont rencontrées le 25 juin 2014 afin d'en discuter et de fournir à l'agent négociateur les recommandations de l'employeur. Comme il était évident que les parties ne pouvaient s'entendre, M. Park s'est engagé à envoyer les deux ensembles de recommandations aux échelons de direction de l'agent négociateur et de l'employeur. L'employeur a proposé que les résultats de l'étude soient utilisés pour aider les parties à préparer leurs propositions de rémunération pour la prochaine ronde de négociation collective.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'agent négociateur

11 Selon l'annexe L de la convention collective, les recommandations conjointes ont été formulées et mises en œuvre. Les articles 148 et 175 de la LRTFP ne s'appliquent pas à l'annexe L. Leur utilisation prévue et la question du recrutement et du maintien relèvent de l'arbitrage de différends et de la conciliation. Les appliquer à l'interprétation de l'annexe L est contraire à l'application de la convention collective actuelle. L'employeur ne peut les appliquer à la convention collective.

12 L'annexe L de la convention collective a été négociée afin de traiter un problème de rémunération connu. Les notions externes à l'annexe L ne peuvent avoir d'incidence sur la création de recommandations conjointes. Proposer que les parties traitent les problèmes de rémunération connus au moment des négociations ne tient pas compte des obligations prévues à l'annexe L. Il est possible que des recommandations conjointes soient faites mais qu'elles ne soient pas acceptées; mais refuser de se rencontrer et de formuler des recommandations conjointes équivaut à un acte de mauvaise foi. L'employeur souhaite contourner le processus et procéder directement à la négociation.

13 Le présent grief concerne le refus par l'employeur de respecter ses obligations prévues à l'annexe L de la convention collective. Toute impossibilité de formuler des recommandations conjointes découle directement du refus de l'employeur de participer véritablement au processus convenu à l'annexe L. L'agent négociateur demande une ordonnance obligeant l'employeur à participer à des discussions significatives avec lui et, avec l'aide d'un médiateur, à formuler des recommandations conjointes, comme le prévoit l'annexe L.

B. Pour l'employeur

14 La convention collective est venue à échéance en juin 2014. Les parties ont tenté de formuler des recommandations conjointes, mais n'ont pu le faire puisqu'elles n'avaient pas d'intérêts communs. L'employeur est obligé de tenir compte des facteurs énoncés dans les articles 148 et 175 de la LRTFP.L'employeur doit également tenir compte de la question de savoir si le recrutement et le maintien représentent une question qui vise cette catégorie d'employé. La nouvelle Commission ne peut ordonner à l'employeur de formuler des recommandations conjointes. L'obligation de se rencontrer afin de discuter de l'étude Hay et de formuler des recommandations a été respectée. L'impasse découle de l'incapacité des parties à formuler des recommandations conjointes.

15 L'annexe L de la convention collective ne contient pas de mécanisme de règlement des différends sans lequel il n'est pas possible de régler l'impasse. Rien dans l'annexe L n'empêche l'employeur d'ajouter de nouveaux facteurs dans ses considérations. Les parties ont tenté d'en venir à un accord de volonté, mais n'ont pu le faire. Aucune des parties n'a violé la convention collective.

IV. Motifs

16 L'agent négociateur demande une ordonnance obligeant l'employeur à participer à des discussions significatives et à formuler des recommandations conjointes, qui doivent être mises en œuvre dans une situation où il est évident que les parties sont incapables ou réticentes à le faire. L'annexe L de la convention collective oblige les parties à se rencontrer dans un délai de 120 jours, une fois que l'étude prévue à l'annexe J est terminée, afin de formuler des recommandations conjointes, y compris les modifications proposées à la convention collective. Ces recommandations conjointes devaient être renvoyées à l'employeur et à l'agent négociateur pour examen et action, y compris la réouverture possible de la convention collective. L'employeur avait raison de noter qu'aucun mécanisme de règlement des différends n'aiderait les parties à régler une impasse.

17 Les parties se sont rencontrées, même si cela n'a pas été fait dans un délai de 120 jours, et des recommandations conjointes n'ont pas été présentées. Cela s'explique par le fait que l'employeur insistait pour s'en remettre à des facteurs externes, qui ne s'appliquent pas directement à la situation à l'étude, comme les articles 148 et 175 de la LRTFP et l'absence d'un problème de recrutement et de maintien pour le groupe ED. L'annexe L de la convention collective n'établit pas quels facteurs ont été pris en considération dans la formulation des recommandations conjointes, autrement que pour indiquer qu'ils devaient être fondés sur l'étude menée conformément à l'annexe J. Si l'on insiste pour que des recommandations conjointes fassent partie du rapport publié en vertu de l'annexe J, cela nécessite une modification du libellé de la convention collective, ce que je n'ai pas le droit de faire en vertu de l'article 229 de la LRTFP.

18 De même, pour que je conclue en faveur de l'agent négociateur et ordonne aux parties de formuler des recommandations conjointes au moyen de l'intervention d'un tiers, en l'absence de tout libellé de règlement des différends, il me faudrait également modifier le libellé de la convention collective. Les parties sont aux prises avec une annexe mal libellée, ce qui laisse sans réponse la question de savoir ce que serait le résultat si les parties ne pouvaient formuler de recommandations conjointes.

19 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

20 Le grief est rejeté.

Le 23 janvier 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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