Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante s'est plainte que son agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu'il a refusé de la représenter à l'arbitrage de ses deux griefs et de la représenter dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire par laquelle elle contestait l'enquête effectuée par son employeur quant à ses plaintes de harcèlement – la Commission a jugé que la plaignante n'avait présenté de preuve suffisamment claire, forte et convaincante pour démontrer que les décisions de l'agent négociateur avaient été arbitraires ou discriminatoires ou avaient été prises de mauvaise foi – la Commission a jugé que les affaires de la plaignante avaient été entièrement et sérieusement prises en compte par son agent négociateur avant qu'il décide de limiter sa représentation – la Commission a jugé que les décisions de l'agent négociateur étaient motivées par des considérations véritables concernant le lieu de travail, dont un manque d'éléments factuels et d'éléments de preuve pour appuyer les griefs de la plaignante – la Commission a confirmé qu'un agent négociateur a une obligation de tenir compte des intérêts légitimes de l'unité de négociation dans son ensemble au moment de prendre des décisions relatives à la représentation d'employés individuels qui souhaitent exercer leurs droits. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150319
  • Dossier: 561-34-629
  • Référence: 2015 CRTEFP 27

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

TANYA MCFARLANE

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
McFarlane c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour le défendeur:
Martin Ranger, avocat
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
le 8 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 17 juin 2013, Tanya McFarlane (la « plaignante ») a présenté une plainte contre l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur » ou l'« Institut »). Le défendeur était, pendant la période pertinente, l'agent négociateur de la plaignante.

2 La plaignante a allégué que le défendeur avait contrevenu à son devoir de représentation équitable en refusant de la représenter relativement à deux griefs qu'elle avait déposés contre son employeur, l'Agence du revenu du Canada (ARC), et dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire déposée devant la Cour fédérale. Sa plainte a été déposée en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui est ainsi libellé :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l'employeur, l'organisation syndicale ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185.

3 Au sens de l'article 185 de la Loi, une pratique déloyale s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) ou (2), les articles 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1). La disposition de la Loi citée à l'article 185 qui s'applique le mieux aux fins de la présente plainte est l'article 187, qui prévoit ce qui suit :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

4 Cette disposition a été édictée afin que les organisations syndicales et leurs représentants s'acquittent de leur devoir de représentation équitable. Selon la plaignante, le défendeur ne s'est pas acquitté de cette obligation.

5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission.

II. Résumé de la preuve

6 À l'audience, la plaignante a témoigné en son nom. Le défendeur a cité Isabelle Roy, avocate générale de l'Institut, à témoigner.

7 L'ARC a embauché la plaignante pour un poste d'une durée déterminée dont la période initiale s'étendait de mai 2011 à février 2012. Elle travaillait comme analyste de la technologie de l'information, un poste classifié au groupe et niveau CS-01. La période initiale a par la suite été prolongée jusqu'au 4 mai 2012, date à laquelle l'emploi d'une durée déterminée de la plaignante n'a pas été renouvelé, mettant ainsi un terme à son emploi à l'ARC.

8 La plaignante a allégué que, pendant son emploi d'une durée déterminée, elle a fait l'objet d'un comportement inapproprié en milieu de travail, notamment de l'abus psychologique et verbal, des actes discriminatoires et du harcèlement sexuel.

9 En janvier 2012, avec l'aide de l'Institut, la plaignante a déposé six plaintes de harcèlement distinctes désignant plusieurs chefs d'équipe et collègues en tant que complices relativement au harcèlement présumé. Une enquête externe indépendante a été tenue. Selon chacun des six rapports définitifs déposés par l'enquêteur indépendant entre le 28 novembre 2012 et le 7 décembre 2012, les allégations de la plaignante étaient sans fondement et il n'y a pas eu de harcèlement. Même si l'Institut a tout d'abord accepté de contester ces conclusions, lesquelles ont été approuvées par l'ARC subséquemment, en déposant une demande de contrôle judiciaire notamment pour protéger les délais prescrits associés à une telle procédure, il a clairement indiqué à la plaignante qu'il ne la représenterait plus dans le cadre de cette procédure.

10 En mars 2012, la plaignante a déposé un grief alléguant qu'elle avait été victime de harcèlement sexuel par les mêmes collègues qu'elle avait précédemment nommés dans les plaintes de harcèlement. Bien que l'Institut ait initialement appuyé ce grief dans l'espoir que les rapports sur les plaintes de harcèlement offriraient quelques preuves à l'appui, il a retiré sa représentation après le dépôt des rapports en raison de l'absence de preuve à l'appui.

11 En mai 2012, la plaignante a déposé un grief contestant le non-renouvellement de son emploi d'une durée déterminée. Une fois de plus, l'Institut a initialement appuyé ce grief, notamment en raison de l'allégation de la plaignante selon laquelle le non-renouvellement de son emploi était lié d'une façon quelconque à ses plaintes de harcèlement. Toutefois, l'Institut a ultérieurement retiré cet appui au motif qu'il n'avait pas été en mesure de trouver des éléments de preuve démontrant que l'emploi d'une durée déterminée de la plaignante n'avait pas été renouvelé en guise de représailles par l'ARC pour avoir eu à composer avec ses plaintes de harcèlement.

12 En mai 2013, l'Institut a informé la plaignante, par écrit, des raisons pour lesquelles il ne l'appuierait pas, ou ne la représenterait pas, pour les deux griefs et la demande de contrôle judiciaire. Par l'intermédiaire de deux appels internes distincts, la plaignante a épuisé le processus interne de réexamen de l'Institut, sans succès. En fin de compte, les décisions de l'Institut de ne pas représenter la plaignante dans ces trois procédures distinctes ont été maintenues et lui ont été communiquées par écrit le 7 juin 2013 et le 17 juillet 2013.

13 Étant donné que la plaignante a cherché, par l'intermédiaire de cette plainte, à être représentée par le défendeur dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire en attente, l'Institut a demandé et a obtenu une suspension des procédures devant la Cour fédérale le 2 juillet 2013, en attente du résultat de la présente plainte. L'Institut a assumé tous les coûts associés à cette suspension. D'après le défendeur, on a agi ainsi par équité envers la plaignante de même que pour protéger ses droits. Toutefois, l'Institut a indiqué clairement à la plaignante qu'il ne la représenterait pas, à moins que je ne le lui ordonne.

14 Mme Roy a témoigné qu'elle avait demandé un avis juridique relativement au bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire auprès d'un cabinet d'avocats privé spécialisé dans les questions liées au travail et à l'emploi. Selon l'avis détaillé qu'elle a reçu le 13 mai 2013, l'enquête sur les plaintes de harcèlement de la plaignante a été menée conformément aux règles d'équité procédurale. Il a aussi été conclu que la Cour fédérale déterminerait probablement que les conclusions de l'enquêteur étaient raisonnables.

15 Mme Roy a parlé de l'avantage minime dont la plaignante bénéficierait concrètement en raison de la demande de contrôle judiciaire étant donné qu'elle n'était plus employée par l'ARC. Elle avait déjà expliqué à la plaignante que la procédure de la Cour fédérale ne pouvait pas aboutir à une nouvelle période d'emploi d'une durée déterminée ou à une prolongation de la durée de l'emploi qui s'était terminé en mai 2012, et que cela ne donnerait pas lieu à une indemnité pécuniaire ou autre.

16 Mme Roy a également confirmé que les deux griefs de la plaignante étaient en suspens en attendant le résultat de la présente plainte, et ce, afin de protéger les droits de la plaignante.

17 En dernier lieu, Mme Roy a mentionné un certain nombre de communications en provenance de l'Institut et adressées à la plaignante qui, à son avis, démontraient qu'il avait examiné de façon sérieuse et légitime les griefs ainsi que la demande de contrôle judiciaire de la plaignante, et qu'il avait expliqué de façon très détaillée pourquoi il ne la représenterait pas dans ces affaires.

18 Il convient de souligner que je me suis senti dans l'obligation d'intervenir à de nombreuses reprises pendant le contre-interrogatoire de Mme Roy par la plaignante, compte tenu de l'insistance de la plaignante à poser des questions qui ne semblaient pas pertinentes ou précises, à interrompre le témoignage de Mme Roy et à lui adresser des affirmations hostiles, y compris une allégation voulant que Mme Roy et l'Institut soient membres du crime organisé.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la plaignante

19 Dans ses arguments, la plaignante a réitéré la preuve qui m'avait été présenté, soit par l'intermédiaire des témoignages ou par l'intermédiaire des documents déposés en tant que pièces. Selon elle, ces faits faisaient en sorte qu'il devait y avoir représentation.

20 La plaignante a fait valoir que le défendeur ne s'était pas acquitté de son devoir de représentation équitable dans le cadre de son processus décisionnel en agissant d'une façon qui était clairement arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi.

21 La plaignante a notamment soutenu que l'Institut l'avait traitée différemment en raison de certains troubles médicaux dont elle prétendait souffrir, ce qui, selon elle, ne constituait rien de moins qu'un acte discriminatoire de la part de l'Institut. Il convient de souligner que la plaignante n'a déposé aucun élément de preuve indépendant pertinent ou suffisamment clair, convaincant et logique à l'appui de sa position.

22 La plaignante a fait valoir que le défendeur avait agi de façon arbitraire en ne procédant pas à une enquête et à un examen suffisant du bien-fondé de ses griefs et de la nature grave de sa demande de contrôle judiciaire.

23 La plaignante a également fait valoir que le défendeur avait agi de mauvaise foi en retirant sa représentation sans fournir d'explication quant au motif pour lequel il refusait de donner suite à ces affaires et en portant délibérément atteinte à sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

24 La plaignante a fait valoir que l'Institut devrait assumer les frais de sa représentation juridique indépendante pour ses deux griefs en suspens ainsi que pour sa demande de contrôle judiciaire en suspens.

B. Pour le défendeur

25 Le défendeur m'a rappelé qu'il incombait à la plaignante d'établir qu'il y avait eu contravention du devoir de représentation équitable.

26 Le défendeur a fait valoir qu'il s'était acquitté de son devoir de représentation équitable en assurant une représentation diligente et complète à la plaignante lorsque cela était justifié, de même qu'en veillant à ce que son évaluation du bien-fondé de ses griefs soit appuyée par des considérations pertinentes et légitimes. Selon le défendeur, la preuve a démontré qu'il avait examiné sérieusement les préoccupations de la plaignante et qu'il y avait répondu intégralement et diligemment, sans que ce soit arbitraire, de mauvaise foi ou discriminatoire. En fait, il est allé au-delà de ce que l'on attendait de lui en obtenant un avis juridique indépendant relativement à la question du contrôle judiciaire.

27 Le défendeur a fait valoir qu'il est bien établi que l'ancienne Commission ne siégeait pas en appel des décisions en matière de représentation rendues par les agents négociateurs et qu'elle ne remettrait pas en doute une telle décision, sauf si elle était rendue de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. À l'appui de cette position, le défendeur m'a renvoyé à Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, et à Shouldice c. Ouellet, 2011 CRTFP 41.

28 Selon le défendeur, il est clair, d'après la preuve présentée, que les circonstances entourant les affaires de la plaignante ont été examinées par plusieurs représentants de l'Institut et que ceux-ci ont examiné les dispositions de la convention collective et législatives pertinentes, l'ensemble de la preuve disponible ainsi que la jurisprudence applicable. Ce faisant, l'Institut a rendu une décision éclairée quant à savoir s'il donnerait suite aux affaires de la plaignante et s'il répondait aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509.

29 Le défendeur a soutenu qu'il ne devrait pas être tenu de mener chaque grief qu'il présente au nom d'un employé jusqu'au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans la présente affaire, les droits et les intérêts de la plaignante ont été pondérés par rapport aux intérêts généraux de l'Institut en tant qu'agent négociateur qui représente plusieurs dizaines de milliers d'employés et dont les ressources sont limitées.

IV. Motifs

30 Comme l'a affirmé l'ancienne Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, le fardeau de la preuve dans le cadre d'une plainte déposée en vertu de l'article 187 de la Loi incombe à la plaignante. En raison de ce fardeau, la plaignante doit présenter des éléments de preuve qui établissent, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur n'a pas respecté son devoir de représentation équitable.

31 L'ancienne Commission a souvent formulé des commentaires sur le droit de représentation des employés syndiqués. Dans Halfacree, au paragraphe 17, elle a rejeté l'idée selon laquelle il s'agissait d'un droit absolu :

17 La défenderesse, en tant qu'agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n'est pas un mécanisme d'appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l'agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l'agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision. […]

32 Mon rôle consiste à déterminer si le défendeur a agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire dans sa représentation de la plaignante.

33 Comme l'a affirmé l'ancienne Commission dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128,au paragraphe 38, « […] [l]a barre pour faire la preuve d'une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haut à dessein. […] ». La Commission a exigé de la plaignante qu'elle démontre qu'il y avait eu contravention de l'article 187 de la Loi, qui, à son tour, exige qu'elle présente le fondement factuel à l'appui de l'allégation voulant que le défendeur ait agi d'une façon qui était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. En l'espèce, j'estime que la plaignante n'a pas présenté un tel fondement. En me fondant uniquement sur les faits allégués dans la plainte, je ne suis pas en mesure de conclure que la preuve présentée constitue un fondement suffisant établissant qu'il y a eu contravention de l'article 187 de la Loi en raison d'une conduite arbitraire, d'un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part du défendeur. Pour satisfaire au fardeau de la preuve qui lui incombait, la plaignante était tenue de produire des éléments de preuve suffisamment clairs, convaincants et logiques démontrant que le défendeur n'avait pas, de quelque façon que ce soit, respecté son devoir de représentation équitable, ce qu'elle n'a pas réussi à faire à mon avis.

34 Comme l'a correctement laissé entendre le défendeur, la Cour suprême du Canada a établi la portée du devoir de représentation équitable dans Guilde de la marine marchande du Canada, à la page 527. Dans cet arrêt, la Cour suprême décrit les principes qui sous-tendent le devoir de représentation équitable comme suit :

[…]

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

35 L'ancienne Commission s'est également penchée sur le sens de l'expression de « conduite arbitraire » comme suit dans Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95, aux paragraphes 22 et 23 :

22 Sur le terme arbitraire, la Cour suprême du Canada, dans Noël c. Société d'énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, écrit au paragraphe 50 :

Se reliant étroitement, les concepts d'arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L'élément de l'arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d'un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n'a cependant pas droit à l'enquête la plus poussée.

[…]

23 Dans International Longshore and Wharehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d'appel fédérale, sur la question du caractère arbitraire d'une décision, écrit que, pour faire la preuve d'un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

36 L'ancienne Commission s'est également penchée sur la détermination d'un agent négociateur quant à savoir s'il devrait assurer une représentation dans Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, dans laquelle on retrouve les lignes directrices et les concepts utiles qui suivent :

44 […] Il revient à l'agent négociateur de décider des griefs qu'il traite et de ceux qu'il ne traite pas. Pour prendre ces décisions, l'agent négociateur peut se fonder sur les ressources et les besoins de l'organisation syndicale dans son ensemble (Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13). Ce processus décisionnel de l'agent négociateur a été décrit comme suit dans Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :

[Traduction]

[…]

42. Lorsqu'un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l'effet sur d'autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n'est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n'équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

37 La preuve en l'espèce m'a convaincu que le défendeur a démontré que les circonstances des affaires de la plaignante (les deux griefs et la demande de contrôle judiciaire) ont fait l'objet d'une enquête intégrale et sérieuse, que leur bien-fondé a été adéquatement examiné, que des décisions éclairées ont été rendues quant à savoir s'il fallait donner suite aux affaires en son nom et que ses motifs pour ne pas y donner suite ont été expliqués de façon très détaillée à la plaignante en plus d'une occasion. L'avis juridique externe très détaillé daté du 13 mai 2013, ainsi que les lettres de l'Institut adressées à la plaignante datées du 7 juin et du 17 juillet 2013, le démontrent clairement.

38 Le défendeur n'a pas démontré une attitude indifférente ou cavalière à l'égard des intérêts de la plaignante. Il n'a pas été non plus établi que les motifs du défendeur étaient inadéquats ou qu'il avait agi ainsi en raison d'une hostilité personnelle. De plus, il n'a pas été établi que l'Institut même, ou ses représentants, ont fait une distinction fondée sur des motifs illicites, arbitraires ou déraisonnables entre les employés de l'unité de négociation.

39 Je suis convaincu que les décisions du défendeur de ne pas appuyer les griefs et la demande de la plaignante étaient motivées par des considérations véritables concernant le lieu de travail, que son analyse était détaillée et complète, qu'il a traité tous les faits pertinents, qu'il s'est fondé sur des préoccupations liées à l'emploi et qu'il a respecté les critères pertinents auxquels il faut satisfaire en arbitrage. Enfin, je suis convaincu qu'il a soulevé des préoccupations véritables à propos de l'absence d'éléments factuels et de preuve documentaire clés à l'appui des griefs et de la demande de la plaignante et à propos de leurs chances de réussite.

40 Ce faisant, le défendeur s'est acquitté de son devoir de représenter les employés de l'unité de négociation, dont la plaignante. Le devoir de représentation d'un agent négociateur n'est pas défini par une acceptation aveugle de représenter tous les employés de l'unité de négociation, sans égard aux circonstances. Lorsqu'un agent négociateur décide, en se fondant sur des considérations légitimes, de ne pas donner suite à un grief comme ceux dont il est question dans la présente décision, il respecte une partie essentielle de son devoir de représentation équitable. Il est entièrement libre de décider du meilleur plan d'action pour tous les employés qu'il représente, dans leur ensemble.

41 J'irais même plus loin en mentionnant qu'un agent négociateur a le droit de prendre la mauvaise décision, à condition qu'il ait mené toutes les enquêtes nécessaires donnant lieu à sa décision et dans la mesure où son processus décisionnel ne soit pas entaché par des actions ou une conduite qui équivalent à une attitude arbitraire, à de la discrimination ou à de la mauvaise foi.

42 Un agent négociateur devrait avoir le droit de fonder ses décisions en matière de représentation sur son expérience acquise dans des affaires antérieures. Il ne devrait pas être limité uniquement aux intérêts des employés individuels; il a plutôt une obligation de tenir compte des intérêts légitimes de l'unité de négociation dans son ensemble au moment de rendre de telles décisions.

43 Après avoir tenu compte de toute la preuve dont j'ai été saisi dans le cadre de la présente audience, je conclus que la plaignante n'a pas présenté d'éléments de preuve clairs, convaincants et logiques décrivant les détails de sa plainte dans une mesure suffisante pour démontrer la façon dont les actes ou les omissions du défendeur ont contrevenu à l'article 187 de la Loi.

44 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

45 La plainte est rejetée et j'ordonne la fermeture du dossier.

Le 19 mars 2015.

Traduction de la CRTEFP

Stephan J. Bertrand,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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