Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'agent négociateur a déposé un grief collectif soutenant que les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas été correctement rémunérés – les fonctionnaires s'estimant lésés ont réclamé le droit à l'indemnité de transbordement en mer, conformément à la clause 23.05 de leur convention collective, pour chaque déplacement à destination et en provenance de la péniche sur laquelle ils accomplissaient leur travail – les fonctionnaires s'estimant lésés étaient des soudeurs et ils travaillaient sur la coque endommagée d'un navire qui était accosté dans une grande cale – la péniche sur laquelle les fonctionnaires s'estimant lésés accomplissaient leur travail était attachée au navire – pour avoir accès à la péniche, les fonctionnaires s'estimant lésés descendaient une échelle depuis le quai jusqu'à une péniche qui était attachée à une jetée – puis ils montaient dans une embarcation gonflable à coque rigide qui les transportait de l'autre côté de la cale à la péniche sur laquelle ils travaillaient – la clause 23.05 prévoit une indemnité lorsqu'un employé « [...] doit être transbordé sur un navire, un sous‑marin ou une péniche (non accostée) par hélicoptère, embarcation de navire, bâtiment de servitude ou bâtiment auxiliaire [...] » – l'arbitre de grief a conclu que l'expression « non accostée » s'applique aux navires et aux sous-marins également, non seulement aux péniches – il a statué que la péniche était accostée – si la péniche avait été attachée directement au quai ou à la jetée, elle aurait été considérée, selon lui, comme accostée – il ne faisait aucune différence que la péniche sur laquelle les fonctionnaires s'estimant lésés travaillaient était attachée au navire plutôt qu'au quai – les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas clairement établi leur droit à l'indemnité. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150410
  • Dossier: 567-02-134
  • Référence: 2015 CRTEFP 33

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CONSEIL DE L'EST DES MÉTIERS ET DU TRAVAIL DES CHANTIERS MARITIMES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Conseil de l'est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief
Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Raymond Larkin, c.r., et Jillian Houlihan, co-avocate
Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
le 6 janvier 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le Conseil de l'est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (le « Conseil ») est l'agent négociateur des employés qui sont membres des 10 syndicats affiliés travaillant à l'Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott (« IMF CS ») à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Pendant toute la période pertinente, le Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) (l'« employeur ») et le Conseil étaient parties à une entente qu'ils ont conclue et dont la date d'expiration est le 31 décembre 2011 (la « convention collective ») (pièce U1 – versions française et anglaise). Les parties ont reconnu qu'il s'agissait de la convention pertinente au grief dont je suis saisi.

2 Le 14 mai 2013, l'agent négociateur a déposé un grief collectif au nom de Michael Jessome, d'Anthony Reeves et de Bruce Ellis, les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires »).Le grief découle du travail effectué par les fonctionnaires sur le NCSM Athabasca à l'Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott (« IMF CS ») à Halifax, en Nouvelle-Écosse en avril et en mai 2013. Pour avoir accès au site de travail, les fonctionnaires ont été emmenés par une embarcation gonflable à coque rigide (une « RHIB ») à une péniche attachée au côté du navire. La péniche était utilisée comme plate-forme de travail. Les fonctionnaires ont demandé une indemnité pour chaque déplacement à destination et en provenance de la péniche en vertu de la clause 23.05 de la convention collective, qui prévoit ce qui suit :

23.05 Indemnité de transbordement en mer

Lorsqu'un employé doit être transbordé sur un navire, un sous-marin ou une péniche (non accostée) par hélicoptère, embarcation de navire, bâtiment de servitude ou bâtiment auxiliaire, il touche une indemnité de transbordement de dix dollars (10 $), sauf lorsqu'il est transbordé entre des navires ou des plates-formes de travail amarrés les uns aux autres afin d'effectuer une tâche particulière telle que la démagnétisation. Si l'employé quitte le navire, le sous-marin ou la péniche par un transbordement semblable, il touche dix dollars (10 $) de plus.

3 L'employeur a rejeté la demande, d'où le grief.

4 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») dans sa version antérieure à cette date.

II. L'audience

5 Les faits n'ont pas été contestés. La question à trancher concerne plutôt l'interprétation de la clause 23.05 et son application aux présents faits. À l'audience du 6 janvier 2015, le seul témoin appelé par l'agent négociateur était M. Jessome, l'un des fonctionnaires. Un certain nombre de photographies, un diagramme du chantier et trois versions antérieures de l'article 23 (Indemnités) ont été déposés en preuve.

III. Les faits

6 La coque de l'Athabasca a subi des dommages à bâbord, près de la ligne de flottaison vers sa proue. Les fonctionnaires étaient des soudeurs qui ont travaillé à l'extérieur du navire afin de réparer les dommages. Le travail nécessitait le retrait de la partie endommagée de la coque et l'installation de nouvelles plaques pour la coque.

7 Le travail a été effectué dans une grande cale sur le côté nord d'un édifice dans le chantier désigné D200. La cale avait la forme d'un « U » ouvert, l'ouverture étant située vers l'est. Le côté tribord du bateau a été attaché, la proue sortie, au quai qui longe le côté sud de la cale. Le côté nord de la cale (ou du « U ») était composé d'une longue jetée élevée. Les côtés de la cale – le quai et la jetée – étaient hauts afin de s'adapter à la montée et à la descente du niveau de la mer en raison des marées. (La cale dans le contexte global du chantier a été illustrée dans un diagramme déposé en preuve en tant que pièce E5).

8 Les dommages à la coque se trouvaient à bâbord de l'Athabasca, plus près de la proue que de la poupe. M. Jessome a indiqué dans son témoignage que la zone endommagée était trop près de la ligne de flottaison pour que le travail soit effectué à partir du côté amarré du navire. (Cela s'explique parce que le niveau du quai était supérieur à celui de la mer, même à son niveau le plus élevé.) Il a également déclaré que les travaux de réparation ont dû être effectués à partir de l'extérieur du navire. Les dommages touchaient une partie de la coque qui était opposée à la cuisine étroite. Il aurait été trop difficile, voire impossible, d'effectuer les travaux de réparation dans un espace aussi restreint.

9 M. Jessome a continué en expliquant qu'une péniche (son terme) était tirée près du côté du navire qui touchait l'eau. Comme la photo déposée en tant que pièce U9 le démontre, la péniche a été traînée sur le côté bâbord du navire. Les fonctionnaires se tenaient sur le côté de la péniche le plus près de la coque pour effectuer leur travail.

10 Pour avoir accès à la péniche, les fonctionnaires se rendaient d'abord sur le côté ouest, ou sur le quai, de la cale – soit celui qui est le plus près de l'extrémité du « U ». Une autre péniche a été traînée vers ce côté de la cale. Une ou deux RHIB étaient attachées à la péniche. Les fonctionnaires descendaient une échelle fixée au côté du quai jusqu'à la péniche. Ils traversaient ensuite la péniche jusqu'à une RHIB. Parfois, ils montaient d'abord d'une RHIB qui était attachée au côté de la péniche pour monter dans la RHIB (qui se trouvait à côté de la première RHIB) qui les emmenait au navire. La RHIB qui les transportait était conduite par deux membres de la Marine. Les fonctionnaires devaient porter des gilets de sauvetage lorsqu'ils se trouvaient dans la RHIB. La RHIB franchissait alors 75 mètres à 100 mètres à travers la cale, se dirigeant vers l'extérieur en direction de la péniche qui était traînée sur le côté de l'Athabasca. Le déplacement prenait environ deux minutes, même si le temps pouvait varier selon les conditions de surface et météorologiques. Une fois à la péniche (dont le niveau se trouvait à environ un mètre au-dessus du bord supérieur de l'arcasse de la RHIB), les fonctionnaires se levaient et montaient à la surface de la péniche. Cette étape pouvait être risquée, puisque la RHIB et la péniche montaient et descendaient en fonction de la houle, dont le niveau dépendait de la température ou des sillages créés par la circulation maritime dans le port. M. Jessome a indiqué dans son témoignage qu'à une occasion, l'un des marins de la RHIB est tombé à l'eau. Les fonctionnaires traversaient alors de l'autre côté de la péniche, qui était attachée sur le côté du navire. C'est là qu'ils commençaient leurs travaux de réparation à la coque. La séquence du déplacement était inversée lorsque les fonctionnaires allaient manger ou partaient pour la journée.

11 M. Jessome a tenu une liste des transbordements au cours de la période du 18 avril 2013 à juin 2013 : pièce U14.

12 Pendant le contre-interrogatoire, M. Jessome a été interrogé au sujet d'un document publié le 10 avril 2013, intitulé [traduction] « Monter à bord de navires militaires en mer » : pièce E15. Deux méthodes ont été décrites dans le document. La première était une [traduction] « méthode de l'échelle sautée », qui semble représenter une longue échelle flexible descendue sur le côté d'un navire pour qu'une personne dans une petite embarcation le long du navire puisse monter sur le pont. L'autre, appelée la [traduction] « méthode Billy Pugh », désigne une plate-forme munie d'un câble sur laquelle la ou les personnes à transborder peuvent monter et qui est ensuite élevée ou descendue par une grue jusqu'au navire. Il a expliqué qu'il n'a jamais utilisé l'une ou l'autre; il n'a jamais non plus été transbordé sur un navire en haute mer.

13 La question est donc devenue celle-ci : le transbordement de la terre au navire était-il un transbordement en mer au sens de la clause 23.05?

IV. Arguments des parties

A. Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

14 L'avocat de l'agent négociateur a commencé ses arguments avec trois points :

  1. la clause 23.05 s'appliquait aux transbordements du navire qui ont eu lieu dans le port d'Halifax et non seulement en haute mer en dehors des limites du port;
  2. les fonctionnaires avaient été transbordés par RHIB (un « bâtiment de servitude ») au NCSM Athabasca (un « navire ») et avaient donc droit à l'indemnité prévue à la clause 23.05; ou, subsidiairement,
  3. ils avaient été transbordés sur une péniche qui était « non accostée » et ils avaient donc droit à l'indemnité.

15 Le premier point concerne la portée de la clause 23.05. L'avocat de l'agent négociateur a noté que l'une des positions de l'employeur était que la clause ne visait,  comme son intitulé l'indique, que les transbordements qui ont eu lieu « en mer » – soit en haute mer en dehors des limites du port d'Halifax.

16 L'avocat de l'agent négociateur a fait valoir que l'interprétation de l'employeur était incorrecte.

17 Premièrement, il a fait remarquer que le mot « mer » ne figure pas dans la clause elle-même. Il figure uniquement dans l'intitulé ou le titre de la clause – « Indemnité de transbordement en mer ». Il a soutenu que même si ordinairement un titre ou un intitulé peut être pris en considération dans l'interprétation de la clause en question, il ne peut contrôler son plein effet. L'intitulé informe sur le sens de la clause, mais il ne la définit pas : voir, par exemple, Kenora Roman Catholic Separate School Board v. OECTA (1993), 37 L.A.C. (4e) 28, au paragr. 71; Southern Railway of British Columbia v. CUPE, Local 7000 (2010), 198 L.A.C. (4e) 283 au paragr. 26.

18 L'avocat a ensuite comparé le libellé de la clause 23.05 à celui de la clause 23.04, que je reproduis ici :

23.04 Service en mer à bord d'un navire de surface

Lorsque l'employé est tenu de se rendre en mer, c'est-à-dire en dehors des limites d'un port, à bord d'un navire afin d'effectuer des essais, de réparer des défauts ou de se débarrasser de munitions, il est rémunéré pour toutes les heures passées à bord jusqu'à une (1) heure après avoir atteint les limites du port sur le chemin du retour définitif, selon les conditions suivantes :

a.  pour les douze (12) premières heures ou moins passées à bord, au taux de rémunération applicable;

b.  pour toutes les heures passées à bord en sus de douze (12) heures, au taux de rémunération applicable pour toutes les heures de travail et au taux de rémunération normal pour toutes les heures non travaillées.

Aux fins de la présente clause, l'employé est censé travailler s'il remplit effectivement les fonctions de son poste ou aide à les remplir, ou s'il a reçu des instructions expresses d'être disponible pour travailler au lieu précis où le travail est exécuté.

19 L'avocat a fait remarquer que la clause 23.04 a explicitement limité le mot « mer » à une zone « en dehors des limites d'un port ». Selon lui, cela indique une entente de la part des parties selon laquelle, du moins entre elles, le mot « mer », s'il n'est pas autrement qualifié, a un sens élargi. Selon lui, ce sens peut se trouver dans la Loi sur les océans, L.C. 1996, ch. 31. Il a invoqué l'article 4 et les paragraphes 5(1) et 5(4) de la Loi, qui prévoient ce qui suit :

Mer territoriale du Canada

4. La mer territoriale du Canada est la zone maritime comprise entre la ligne de base déterminée selon l'article 5 et :

a) soit la ligne dont chaque point est à une distance de 12 milles marins du point le plus proche de la ligne de base;

b) soit, pour toute partie de la mer territoriale ayant fait l'objet d'une liste de coordonnées géographiques de points établie sous le régime du sous-alinéa 25a)(ii), les géodésiques reliant ces points.

Détermination de la ligne de base

5. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la ligne de base est la laisse de basse mer soit du littoral, soit des hauts-fonds découvrants situés, en tout ou en partie, à une distance de la côte ou d'une île qui ne dépasse pas la largeur de la mer territoriale.

Définition de « hauts-fonds découvrants »

5. (4) Pour l'application du présent article, les hauts-fonds découvrants sont des élévations naturelles submergées à marée haute et découvertes à marée basse.

20 L'avocat de l'agent négociateur a fait valoir que, selon la définition créée par la Loi sur les océans, le port d'Halifax se trouvait clairement dans la « mer territoriale » du Canada. Ainsi, ordinairement, les parties auraient compris que le mot « mer » s'appliquait au port d'Halifax ainsi qu'en haute mer en dehors de ses limites – sauf si, comme dans la clause 23.04, elles ont explicitement limité cette définition par ailleurs élargie.

21 L'avocat s'est également fondé sur l'historique de la négociation collective en ce qui concerne l'indemnité de transbordement en mer. Une telle indemnité n'existait pas dans la convention collective qui est venue à échéance le 30 juin 1982 : pièce U2. Une version de l'indemnité a fait son apparition dans la convention qui a expiré le 19 septembre 1987 : pièce U3. À ce moment, la clause 23.05 était libellée légèrement différemment, ainsi :

23.05 Indemnité de transbordement en mer

Lorsqu'un employé est tenu de se rendre sur un navire par hélicoptère, embarcation du navire, bâtiment de servitude ou d'un bâtiment auxiliaire et qu'il doit être transbordé de l'hélicoptère, de l'embarcation du navire, du bâtiment de servitude ou d'un bâtiment auxiliaire sur le navire, il touche une indemnité de transbordement de cinq dollars (5.00 $). S'il quitte le navire de la même manière, il touche une autre indemnité de cinq dollars (5.00 $).

22 Le libellé de cette clause a été modifié pour sa version actuelle (à l'exception du fait que l'indemnité était de 5 $ plutôt que de 10 $ et de l'utilisation du terme sans distinction du sexe de l' « employé ») dans la convention qui a expiré le 31 décembre 1990 : pièce U4. Selon l'avocat, cet historique représentait une mise au point ainsi qu'un développement de la disposition. Tout cela témoignait de la sophistication des parties et appuyait la conclusion selon laquelle leur compréhension respective du mot « mer » était sophistiquée et semblable.

23 L'avocat a également fait remarquer que les parties avaient uniformément utilisé l'expression « bâtiment de servitude ». Il a soutenu que le sens ordinaire de « bâtiment de servitude », du moins dans le contexte des chantiers, portait principalement sur les types de navire de surface utilisés dans un port et non en haute mer. Cela appuie également une conclusion selon laquelle le sens prévu de la clause 23.05 visait tous les transbordements, non seulement ceux qui ont eu lieu en dehors des limites du port d'Halifax.

24 L'avocat s'est ensuite penché sur ses deuxième et troisième points : soit que les transbordements en question se faisaient « sur un navire » ou, subsidiairement sur une « péniche (non accostée) ».

25 L'avocat de l'agent négociateur a d'abord fait remarquer que la clause 23.05 faisait partie d'une série d'indemnités prévue à l'article 23 (Indemnités) :

  1. clause 23.01 (Indemnité de travail salissant)
  2. clause 23.02 (Prime de hauteur)
  3. clause 23.03 (Prime d'essais de sous-marin)
  4. clause 23.04 (Service en mer à bord d'un navire de surface)

26 L'avocat a fait valoir que toutes les indemnités étaient, comme le suggérait leur titre, versées dans des situations qui pouvaient être décrites comme déplaisantes, qui sortaient du cadre normal du travail ou qui étaient plus risquées. Un transbordement d'un navire à un autre (par opposition au simple fait de monter à bord d'un navire) était de même déplaisant ou risqué ou, à tout le moins, sortait de l'ordinaire. Il a également fait remarquer la différence entre la version de 1987 – où il y a renvoi à un employé qui doit « se rendre sur un navire »– et la version de 1990 – où le libellé a été modifié à un employé qui doit « être transbordé sur un navire ». Ce changement a apporté une importante mise au point sur ce qui, selon lui, constituait l'essentiel de la clause, l'acte d'être transbordé d'un navire à un autre. Les actions nécessaires à un transbordement d'un navire à un autre sortent de l'ordinaire et diffèrent de celles nécessaires à la simple montée à bord d'un navire attaché à un quai ou à une jetée.

27 L'avocat a ensuite soutenu que ce qui s'est passé ici était un transbordement sur un navire. La péniche que les fonctionnaires ont franchie pour se rendre sur le côté de l'Athabasca était simplement leur voie vers le navire. Leur destination – le lieu où ils devaient accomplir leur travail – était le navire, non la péniche. Le fait de traverser la péniche pour se rendre sur le navire n'était pas, en théorie, différent du fait d'escalader une échelle pour monter à bord d'un navire. Dans les deux cas, le résultat était le même.

28 L'avocat a fait valoir que le fait que le navire était accosté (c'est-à-dire attaché au quai ou à une jetée) ne faisait pas en sorte que la situation était exclue de la clause 23.05. Les règles de grammaire normales prévoient que le mot « accostée » entre parenthèses s'appliquait uniquement au mot « péniche ». Il ne s'appliquait pas pour modifier ou autrement limiter les mots « navire » ou « sous-marin ». Il a fait valoir qu'un soutien à cette conclusion pourrait provenir d'un renvoi au texte français de la convention collective puisque les « textes anglais et français de la présente convention sont des textes officiels » : clause 4.02. Le libellé pertinent de la clause 23.05 dans le texte français est le suivant : « Lorsqu'un employé doit être transbordé sur un navire, un sous-marin ou une péniche (non accostée) par hélicoptère […] ». L'avocat a soutenu qu'en français, une péniche est un nom féminin, mais qu'un navire et un sous-marin sont des noms masculins. Ainsi, l'utilisation de la forme féminine « accostée » signalait une intention de limiter le mot à « une péniche ». Si les parties avaient souhaité que le mot s'applique à tous les types d'embarcation, elles auraient plutôt utilisé la version masculine : voir Chisholm c. Conseil du Trésor (Transports Canada) dossiers de la CRTFP 166-2-21524 à 27 (19920703). (Je remarque ici que l'avocat de l'employeur a reconnu les exigences des règles de la grammaire française, mais qu'il n'était pas d'accord pour dire que ces règles s'appliquaient en l'espèce pour les raisons qui seront indiquées plus tard.)

29 L'avocat a également fait remarquer que dans les versions antérieures de la clause 23.05, le mot « accostée » n'a pas été utilisé. Il est apparu uniquement lorsque le mot « péniche » a été adopté dans la version de 1990 : pièce U4. Cela appuyait également la conclusion selon laquelle l'embarcation sur laquelle les employés étaient transbordés était accostée ou non s'appliquait uniquement dans le cas des péniches.

30 L'avocat s'est ensuite penché sur son argument subsidiaire. Dans l'éventualité où je concluais que le transbordement en question était sur une péniche plutôt que sur un navire, la péniche dans ce cas n'était pas « accostée ». L'avocat a soutenu que la péniche était attachée au côté de l'Athabasca. Elle n'était pas attachée à une jetée ou à un quai. Une péniche attachée au côté d'un navire est plus susceptible de bouger. Elle n'est pas aussi sécuritaire qu'elle le serait si elle était accostée au côté d'un quai ou d'une jetée. À cette fin, il a invoqué en partie l'exception figurant à la clause 23.05, qui s'appliquait « [lorsque l'employé] est transbordé entre des navires ou des plates-formes de travail amarrés les uns aux autres afin d'effectuer une tâche particulière telle que la démagnétisation ». Une péniche qui est accostée est de même « amarré[e] ». Une péniche qui est attachée au côté d'un navire ne l'est pas. Puisque le problème, ou peut-être ce qui sort de l'ordinaire, qui est abordé par la clause est le risque associé au transbordement entre navires, il faut interpréter le mot « accostée » de façon étroite et le limiter aux seules situations où la péniche est amarrée à un quai ou à une jetée (c'est-à-dire à la terre).

31 L'avocat a conclu en faisant valoir que le grief devrait être accueilli et que je devrais conserver ma compétence quant au calcul du nombre de transbordements (et des indemnités à verser) dans l'éventualité où les parties ne puissent le faire elles-mêmes.

B. Pour l'employeur

32 L'avocat de l'employeur a commencé ses arguments avec certaines observations générales concernant la portée du pouvoir de l'employeur en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques et ses droits de gestion d'établir une politique et d'organiser et de gérer la fonction publique, sous réserve de toute restriction explicite figurant dans une convention collective : voir par exemple Babcock v. Canada (Attorney General), 2005 BCSC 513; PSAC v. Canada (Canadian Grain Commission), [1986] FCJ No. 498 (1re inst.); Peck c. Canada (Parcs Canada), 2009 CF 686, au paragr. 33; AFPC c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2013 CRTFP 165, au paragr. 83; demande de contrôle judiciaire rejetée dans 2014 FC 1152. Les dispositions d'une convention collective doivent être interprétées dans le contexte de la convention dans son ensemble : Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112 aux paragraphes 50 et 51; Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55 aux paragraphes 25 et 26. Les dispositions qui imposent un coût financier à l'employeur doivent avoir été clairement et expressément stipulées : Wamboldt, au paragr. 27.

33 Se penchant ensuite sur la clause 23.05, l'avocat de l'employeur a fait valoir que l'agent négociateur devait établir une violation et que pour ce faire, il devait prouver cinq éléments :

  1. il y avait eu un transbordement;
  2. le transbordement a eu lieu en mer;
  3. le transbordement a été fait sur une grande embarcation, comme un navire, un sous-marin ou une péniche qui était non accosté;
  4. le transbordement a été fait à partir d'une petite embarcation, comme un hélicoptère, un bâtiment de servitude ou un bâtiment auxiliaire;
  5. l'exception – soit que le transbordement a été fait entre deux navires amarrés – ne s'appliquait pas.

34 L'avocat a reconnu comme introduction que l'Athabasca était un navire au sens de la clause 23.05, mais il a déclaré que le transbordement dans ce cas a été fait sur une péniche accostée. Il a ensuite fait valoir que les événements en question n'avaient pas eu lieu en mer. Il a fait remarquer que l'indemnité était intitulée ou appelée « Indemnité de transbordement en mer». Les intitulés sont des facteurs importants dans l'interprétation d'une clause d'une convention et servent d'éléments de preuve de l'application souhaitée par les parties : Canada Post Corp. v. CUPW (Maccoll Grievance, CUPW 600-07-00053) [2010] C.L.A.D. No. 167 aux paragraphes 7 et 10; Sensient Flavors Canada Inc. (Halton Hills) v. USW, Local 3950 (Holiday Scheduling and Payment Grievance), [2011] O.L.A.A. No. 17 au paragr. 33.

35 L'accent de la clause 23.05 ne se place pas seulement sur le transbordement – il s'agit plutôt de transbordements en mer et par le mot « mer » les parties doivent avoir souhaité la mer en dehors des limites du port d'Halifax, étant donné qu'elles avaient précisé à la clause 23.04 que la mer qui les concernait était celle en dehors des limites du port d'Halifax. Les parties, ayant déjà défini le sens d'un mot dans un article, n'ont pas à répéter la définition. Les parties, qui se sont appliquées à la définition d'un mot, sont présumées avoir eu l'intention d'utiliser la même définition par la suite : Kreway c. Agence des douanes et du revenu du Canada), 2004 CRTFP 172 au paragr. 67. En venir à une conclusion contraire – interpréter que la clause 23.05 s'applique à un transbordement entre navires, peu importe où il a eu lieu – rendrait redondante ou superflue l'utilisation du mot « mer ». Cependant, il faut donner un sens à chaque mot utilisé dans une convention collective : Stevens c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 34 au paragr. 21. Même si la clause 23.05 s'appliquait dans les limites du port d'Halifax, il ne se peut pas que les parties aient souhaité qu'elle s'applique aux navires qui étaient attachés au chantier. Accepter l'argument de l'agent négociateur sur ce point aurait un résultat absurde selon lequel les transbordements sur un navire ou un sous-marin qui était accosté – qui se sont produits au lieu de travail normal des fonctionnaires au chantier – seraient admissibles à l'indemnité.

36 Se penchant sur le troisième élément, l'avocat de l'employeur a soutenu d'abord que la clause 23.05 s'appliquait aux transbordements sur un grand navire (soit un navire, un sous-marin ou une péniche qui était non accosté), mais que ce n'est pas ce qui s'était produit ici. Ce qui était arrivé ici était un transbordement sur une plate-forme de travail – soit la péniche qui était attachée au côté du navire. L'avocat a noté l'exception de la clause 23.05 qui s'appliquait lorsque le transbordement avait lieu « entre des navires ou des plates-formes de travail amarrés les uns aux autres ». Dans ce cas, la péniche était une plate-forme de travail sur laquelle les fonctionnaires ont été transbordés, non pas un navire et, comme le transbordement était sur une plate-forme de travail, l'exception de la clause 23.05 s'appliquait et l'indemnité n'était pas payable.

37 L'avocat a ensuite fait valoir que le mot « accostée » de la clause 23.05 devait s'appliquer aux trois embarcations – navire, sous-marin et péniche – et non seulement à la dernière. Il a soutenu qu'il n'y avait aucune raison logique de conclure le contraire. En théorie, un transbordement entre navires était semblable, qu'ils soient accostés ou non. Pourquoi devrait-il y avoir une différence entre une péniche qui était accostée et un navire ou un sous-marin qui ne l'était pas? Comme il est déjà indiqué, l'avocat a reconnu le problème au sujet du texte français, mais il a fait valoir qu'il devait s'agir d'une erreur de traduction. La restriction figurant dans le texte français n'a aucun sens logique. Il était contraire à la logique de suggérer qu'il y avait une différence entre une péniche accostée et un navire qui n'était pas accosté, du moins en ce qui concernait les transbordements sur eux.

38 Il a donc fait valoir que le grief devrait être rejeté.

C. Réponse au nom des fonctionnaires s'estimant lésés

39 L'avocat des fonctionnaires a soutenu que l'observation dans Wamboldt selon laquelle les dispositions qui imposent un coût financier à l'employeur doivent être claires était, dans une certaine mesure, exagérée. Pour ce qui est de la question des intitulés, il a fait remarquer que dans Canada Post, on a conclu que l'intitulé était conforme au texte de la clause. Il a insisté pour dire que l'accent de la clause 23.05 était placé sur ce qu'il a appelé [traduction] « la façon inhabituelle de monter sur un navire ». Dans le cadre normal des activités d'un chantier, les employés se retrouvant dans la position des fonctionnaires montent simplement à bord en marchant. Ils n'étaient pas descendus d'un hélicoptère ou n'avaient pas eu à escalader une échelle sur le côté élevé d'un navire qui était suspendue au-dessus de leur bâtiment de servitude. La clause 23.05 avait clairement pour but de reconnaître que dans les dernières situations, un employé était tenu d'être transbordé sur un navire ou un sous-marin d'une façon inhabituelle qui sortait de l'ordinaire. Enfin, en ce qui concerne l'absurdité supposée de la distinction entre une péniche accostée et un navire ou un sous-marin qui ne l'était pas, l'avocat a soutenu qu'il s'agissait simplement du résultat de la négociation collective. Les parties avaient leurs raisons pour s'entendre comme elles l'ont fait et si le libellé – si la grammaire – était clair, j'étais donc obligé de l'appliquer. Il a également fait valoir qu'en tout état de cause, selon les faits, il y avait une différence entre les transbordements sur un navire ou un sous-marin, d'un côté, et une péniche (qu'elle soit accostée ou non) d'un autre côté.

V. Analyse et décision

40 Au moment d'interpréter les dispositions d'une convention collective, un arbitre de grief doit les examiner dans leur contexte. Il doit tenir compte du sens ordinaire des mots, sauf si le résultat est absurde. Je crois qu'il est également juste de dire que les parties à une convention collective, en règle générale, rédigent leur convention en gardant à l'esprit les situations ordinaires, habituelles ou communes. Ordinairement, les parties choisissent leurs mots avec soin et n'ont pas l'intention d'utiliser des mots qui n'ajoutent rien au sens de la clause où ils se trouvent ou qui ne sont pas utiles à l'interprétation ou à l'application de ce qui a été convenu.

41 Après avoir examiné les arguments des parties et le libellé de la clause 23.05, selon leurs propres modalités et leur contexte, je suis d'avis que la première question est la suivante : en ce qui concerne l'interprétation, l'expression « non accostée » de la clause 23.05 s'applique-t-elle uniquement aux péniches ou s'applique-t-elle également aux navires et aux sous-marins?

42 À mon avis, la réponse est que l'expression s'applique aux mots navire et sous-marin ainsi qu'à une péniche. J'en viens à cette conclusion en examinant la circonstance dans laquelle un employé pourrait devoir être transbordé sur un navire ou un sous-marin par hélicoptère, embarcation de navire, bâtiment de servitude ou bâtiment auxiliaire. De toute évidence, ordinairement, cela ne serait pas lorsque le navire ou le sous-marin était accosté à un quai ou à une jetée. Dans ces cas, l'employé monterait simplement à bord en marchant. Il n'aurait pas besoin d'un hélicoptère, d'une embarcation de navire, d'un bâtiment de servitude ou d'un bâtiment auxiliaire pour être transbordé sur le navire ou le sous-marin.

43 Ensuite, et peut-être pour l'exprimer autrement, un employé aurait normalement besoin d'être transporté par hélicoptère, embarcation de navire, bâtiment de servitude ou bâtiment auxiliaire parce que le navire ou le sous-marin n'était pas accessible pour monter à bord en marchant – en d'autres termes, lorsqu'ils n'étaient pas accostés mais plutôt stationnés dans l'eau loin de la terre.

44 Ces deux observations me suggèrent que les parties ont compris et souhaité que les mots « non accostée » s'appliquent aux navires et aux sous-marins ainsi qu'aux péniches.

45 À mon avis, cette conclusion est renforcée par l'intitulé de la clause. Je reconnais que l'intitulé ne peut contrôler le sens des mots utilisés dans une clause, mais il peut nous éclairer sur l'intention ou la compréhension des parties qui se sont entendues comme elles l'ont fait. Ici, l'intitulé est « transbordement en mer ». Un navire ou un sous-marin accosté n'est pas un navire ou un sous-marin qui se trouve en mer. Les navires qui sont en mer sont des navires qui ne sont pas attachés à un quai ou à une jetée. Ils ne sont pas accostés et précisément parce qu'ils ne sont pas accostés ou du moins non attachés à un quai, leur accès pouvait être fait uniquement par hélicoptère, bâtiment de servitude et ainsi de suite. L'intitulé et en particulier l'expression « en mer » renforce donc ou, peut-être mieux, précise le concept figurant déjà dans la clause elle-même.

46 Concernant ce point, je n'étais pas convaincu que l'utilisation de la forme féminine dans le texte français appuyait une conclusion selon laquelle les parties souhaitaient que le mot « accostée » s'applique uniquement aux péniches.

47 En examinant les arguments de l'avocat des fonctionnaires concernant ce point, je reconnais que la convention collective prévoit que les « textes anglais et français de la présente convention sont des textes officiels », clause 4.02. Cependant, tout ce que cela signifie c'est que lorsqu'un arbitre de grief détermine ce que les parties ont déjà réellement accepté, il ne peut donner préséance à une version de la convention de l'autre. Les deux versions sont officielles. Les deux peuvent être examinées par un arbitre de grief qui interprète la convention. Les deux peuvent être utiles pour interpréter la convention. Mais aucune ne peut avoir plus de poids que l'autre, en particulier lorsque (comme c'était le cas en l'espèce) il n'y a pas de preuve quant à la question de savoir si la convention a été négociée en français ou en anglais. Même si les négociations et la rédaction avaient été effectuées en français, il y aurait toujours le problème de contexte créé par l'observation selon laquelle, ordinairement, les employés ne seraient pas tenus d'être transbordés, par un moyen autre que la marche, sur un navire ou un sous-marin qui était accosté.

48 En tenant compte de ces observations et en l'absence de toute preuve sur ce point, j'ai conclu que le texte français ne pouvait m'être utile pour la tâche d'interprétation que je devais remplir.

49 La prochaine question est la suivante : est-ce que l'Athabasca ou, subsidiairement, la péniche qui y était attachée et à partir de laquelle les fonctionnaires travaillaient, était accosté? Selon les faits, il est évident que le navire était accosté. La péniche l'était-elle?

50 Le Merriam-Webster Online Dictionary définit le nom [traduction] « poste d'amarrage » ainsi : [traduction] « un lieu dans l'eau près du rivage où un navire arrête et reste »; pour le verbe [traduction] « amener (un navire) à un lieu où il peut arrêter et rester : amener (un navire) à un poste d'amarrage ». Le Dictionary of English Nautical Language (www.seatalk.info) fournit une définition du nom ainsi : [traduction] « Un lieu où un navire s'amarre ou se place le long d'un quai »; comme verbe : [traduction] « amener un navire le long d'un quai; comme dans "amarrer le navire au quai cinq" ». En ayant ces définitions à l'esprit, je suis convaincu que si la péniche avait été attachée directement au quai ou à la jetée (comme l'était la péniche à partir de laquelle les fonctionnaires ont commencé leur transbordement par RHIB à l'Athabasca), elle aurait été considérée comme étant « accostée ».

51 Est-ce que cela a fait une différence que la péniche sur laquelle les fonctionnaires ont monté après être descendus de la RHIB était attachée au côté de l'Athabasca et non au quai? Je ne le crois pas. Deux navires sont parfois attachés côte à côte à un poste d'amarrage, le premier étant traîné sur le quai et le deuxième, traîné sur le premier. (Comme c'était le cas, par exemple, avec les deux RHIB décrites dans la pièce U7.) Le fait que le navire était attaché directement au quai ou à la jetée et que l'autre soit attaché au premier ne signifie pas que le deuxième n'est pas accosté. Les deux se trouvent le long d'un quai. Les deux se trouvent à un endroit où on peut dire qu'ils ont [traduction] « arrêté et resté ».

52 Étant donné ma conclusion selon laquelle la clause 23.05 s'applique uniquement à des transbordements sur des navires, des sous-marins ou des péniches qui ne sont pas accostés, il est évident que le grief doit être rejeté. Peu importe si le transbordement a été fait sur le navire ou la péniche, il demeure qu'il s'agissait d'un transbordement sur une chose qui était accostée.

53 Il est possible de s'opposer en disant qu'à ce moment, selon les faits, les hommes n'ont pas marché sur le navire ou la péniche. Ils y ont plutôt été transbordés par bâtiment de servitude (c'est-à-dire la RHIB). Cela étant le cas, ils devaient « être transbordé[s] […] par […] bâtiment de servitude » au sens de la clause 23.05.

54 Il y a deux réponses à cette objection. D'abord, comme il est déjà indiqué, la clause exige non seulement un transbordement par quelque chose mais également un transbordement sur quelque chose. Dans ce cas, l'exigence est que le transbordement soit fait sur un navire ou une péniche qui n'est pas accosté. Et comme je l'ai conclu, le navire et la péniche étaient accostés.

55 Ensuite, la clause 23.05 impose un coût direct pour l'employeur. Elle oblige l'employeur à faire un paiement en plus du salaire normal dans certaines circonstances. Ces obligations doivent expressément et clairement être établies : Wamboldt, au paragr. 27. Cette exigence ne peut être respectée si l'un des éléments requis pour déclencher l'obligation n'existe pas. Les parties ont clairement négocié avec soin les exigences nécessaires pour déclencher le paiement. La clause a été modifiée et élargie au fil du temps à l'occasion des diverses conventions. Il ne me revient donc pas d'écarter l'un des éléments requis simplement parce que les autres ont été respectés.

56 Je n'ai donc pas à examiner la question qui se rapporte à déterminer si la clause 23.05 s'applique dans les limites du port d'Halifax et en dehors de celles-ci. Il y a certainement des arguments en faveur de chaque interprétation, mais en l'espèce, peut-être parce que la situation était inhabituelle, la preuve de la pratique qui aurait été utile à la tâche d'interprétation était absente. Par exemple, il n'y avait pas de preuve quant à savoir si les employés étaient ordinairement transbordés sur des navires ou des sous-marins après que ces derniers eurent quitté leurs postes d'amarrage; ou, le cas échéant, la façon dont les employés étaient transbordés; et la question de savoir si les transbordements avaient lieu dans le port plutôt qu'en dehors des limites du port aurait fait une différence.

57 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

58 Le grief collectif est rejeté.

Le 10 avril 2015.

Traduction de la CRTEFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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