Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Quatre fonctionnaires s’estimant lésés ont présenté un grief relatif au paiement d’une prime de poste qui, selon eux, avait été rejetée injustement – les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient en tant qu’opérateur de véhicules et avaient un horaire de jour de 7 h à 15 h 30 – l’employeur avait imposé un deuxième poste temporaire, de 15 h 30 à minuit, durant une période de six semaines, juste avant Noël, afin de satisfaire aux exigences opérationnelles du transport de personnel militaire retournant au pays – la question à trancher est de savoir si les fonctionnaires s’estimant lésés avaient droit à une prime de poste pour la période de six semaines, durant laquelle leurs heures régulières de jour furent changées pour un nouvel horaire de fin d’après-midi et de soirée – l’employeur a rejeté la demande de prime de poste au motif que, puisqu’il s’agissait simplement d’un changement d’horaire, il n’y avait pas de roulement, contrairement à ce qu’exige la définition de « travail posté » de la convention collective – la formation de la Commission a déterminé qu’une prime de poste est mise en place en raison du fait qu’en établissant des horaires de travail en alternance sur une période de plus de 16 heures, l’employeur avait créé un horaire comprenant des heures de travail moins souhaitables pour lesquelles les employés devraient être indemnisés – la formation de la Commission a conclu que, puisqu’il y avait deux postes d’équipes qui travaillaient en alternance, sans chevauchement, il y avait une rotation, et la situation temporaire correspondait à la définition de « travail posté » prévue par la convention collective – la formation de la Commission a conclu que, durant la période de six semaines, l’employeur avait créé un horaire de poste, conformément à la définition prévue par la convention collective – par conséquent, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient droit à une prime de poste pour les heures travaillées après 16 h durant la période de six semaines, à titre d’indemnisation pour le poste nouvellement créé, lequel avait considérablement perturbé leur vie. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-12-30
  • Dossier: 566-02-6282 à 6285
  • Référence: 2015 CRTEFP 100

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

ARCHIE CAMPBELL, JOHN MUIR, KARL RADTKE ET CLARENCE WELTON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Campbell c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 25 février, le 27 mars, le 10 avril et le 8 mai 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

2 Le 12 janvier 2011, le fonctionnaire s'estimant lésé, Archie Campbell, a présenté un grief auprès du ministère de la Défense nationale (l'« employeur »), pour contester le fait qu'il s'est vu refuser, à tort, le versement d'une prime de poste. L'agent négociateur qui le représente, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« AFPC »), a renvoyé le grief en arbitrage devant l'ancienne Commission le 26 août 2011. l'AFPC a également renvoyé les griefs de trois autres fonctionnaires s'estimant lésés, John Muir, Karl Radtke et Clarence Welton (collectivement, avec M. Campbell, les fonctionnaires s'estimant lésés, ci-après les « fonctionnaires »). Des dossiers distincts ont été créés pour chaque fonctionnaire. Toutefois, puisque les griefs sont pareils, une seule décision sera rendue pour les quatre dossiers.

3 Après plusieurs tentatives de mettre au rôle des audiences, les parties ont convenu de procéder au moyen d'observations écrites basées sur un exposé conjoint des faits.

4 Pour les motifs suivants, les griefs sont accueillis. Durant six semaines, l'employeur a créé un horaire de poste conformément à la définition prévue par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services de l'exploitation (tous les employé-e-s), dont la date d'expiration était le 4 août 2011 (la « convention collective »). Les fonctionnaires ont droit au versement de primes de poste pour les heures travaillées après 16 h.

II.Résumé de la preuve

5 Les fonctionnaires, l'AFPC et l'employeur se sont entendus sur les faits suivants :

     [Traduction]

1. Au moment du grief, les fonctionnaires s'estimant lésés étaient tous des conducteurs pour le ministère de la Défense nationale. À l'exception de M. Campbell, ils occupaient tous un poste classifié au groupe et niveau GL-MDO-05. Le poste d'attache de M. Campbell était classifié au groupe et niveau GL-MDO-04; cependant, il recevait une rémunération d'intérim au groupe et niveau GL-MDO-05 durant la période visée par le présent grief puisqu'il avait les qualifications requises pour conduire un autobus et un camion de transport.

2. Le lieu de travail des fonctionnaires était la BFC Petawawa, qui se trouve à l'extérieur d'Ottawa, en Ontario.

[…]

4. Avant novembre 2010, l'horaire de travail prévu des fonctionnaires était de 7 h à 15 h 30, du lundi au vendredi.

5. Le 4 octobre 2010, une réunion a eu lieu entre les quatre fonctionnaires et le Lt Larosée, durant laquelle les fonctionnaires ont été avisés qu'ils auraient la tâche d'aller chercher les soldats qui reviendraient par des vols en rotation en provenance d'Afghanistan. On a demandé aux employés s'ils envisageraient de travailler de 15 h 30 à 24 h, du 11 novembre au 23 décembre 2010, ce à quoi ils ont répondu par la négative.

6. Le 22 octobre 2010, l'employeur a affiché un avis qui indiquait que les personnes qui conduisaient pour les vols en rotation verraient leurs heures de travail modifiées et qu'ils travailleraient de 15 h 30 à 24 h, du 11 novembre au 23 décembre 2010. Une note de service a été publiée le 26 octobre 2010, précisant les employés qui seraient affectés aux vols en rotation.

7. À partir du 11 novembre 2010, les fonctionnaires ont commencé un changement temporaire de leurs heures de travail. Pour la période du 11 novembre au 23 décembre 2010, ils ont travaillé de 15 h 30 à 24 h, du lundi au vendredi.

8. Il y a une différence entre les GL-MDO-05 et les GL-MDO-04, tant en ce qui concerne la taille des véhicules qu'ils peuvent conduire que les qualifications qu'ils détiennent pour ce faire. Les GL-MDO-04 travaillent dans la « section légère », alors que les GL-MDO-05 travaillent dans la « section lourde ».

9.  Pour la période en question, le Transport à la base a continué d'employer des GL-MDO-04 qui conservaient leurs heures normales de travail (soit de 7 h à 15 h 30). Ces employés n'accueillaient aucun vol.

10. Seuls les GL-MDO-05 ont subi une modification de leurs heures de travail. [Il y avait deux autres GL-MDO-05 dont les heures de travail n'ont pas été modifiées].

11. Même si les heures des fonctionnaires classifiés au poste et niveau GL-MDO-05 ont changé, ils ont continué de travailler du lundi au vendredi. Aucun travail n'était requis les fins de semaine.

12. En novembre 2010, des discussions ont eu lieu entre les Ressources humaines et la direction afin de déterminer si ce changement d'heures constituait un poste et si, par conséquent, les employés avaient droit à une prime de poste. Dans son dernier courriel, en date du 22 novembre, l'unité a décidé qu'il s'agissait d'un changement d'heures de travail et que ce changement ne répondait pas à la définition de travail posté (conformément à l'alinéa 25.01d) de la convention collective), et que les employés n'auraient donc pas droit à une prime de poste.

[…]

III. Dispositions pertinentes de la convention collective

6 La question est de savoir si les fonctionnaires ont droit à une prime de poste. Pour que ce soit le cas, ils doivent satisfaire à deux conditions : ils doivent travailler par postes et ils doivent travailler avant 8 h ou après 16 h.

7 La définition de « travail posté » de la clause 25.01d) de la convention collective est reproduite ci-dessous.

d) « travail posté » désigne le roulement de deux (2) périodes ou plus de huit (8) heures ou plus lorsque l'Employeur exige des postes d'une durée de seize (16) heures ou plus chaque jour ou lorsque l'Employeur demande à l'employé-e-s de travailler de façon indéterminée et non par roulement le soir ou la nuit, dont au moins la moitié (1/2) ou plus des heures sont travaillées entre 18 h et 6 h.

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

8 Voici les dispositions relatives au versement d'une prime de poste :

27.01 Prime de poste

L'employé-e qui travaille par postes touche une prime de poste de deux dollars (2 $) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 16 h 00 et 8 h 00. La prime de poste n'est pas payée pour les heures de travail effectuées entre 8 h 00 et 16 h 00.

IV. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires

9 Durant toute l'affectation, le Transport à la base à Petawawa, en Ontario, était en exploitation 17 heures par jour, ce qui respecte le premier critère de la définition de travail posté. Il y avait un roulement, puisque les heures de travail des fonctionnaires sont passées de 7 h à 15 h 30, à 15 h 30 à minuit.

10 Le deuxième critère de la définition de « travail posté » est également respecté. L'employeur a imposé le nouvel horaire. Il a donc exigé des fonctionnaires qu'ils travaillent le soir, période durant laquelle plus de la moitié des heures étaient travaillées après 18 h.

11 Le changement était pour une période définie. Les fonctionnaires ont toutefois affirmé que la durée du changement, particulièrement juste avant le congé de Noël, était très perturbatrice et suffisamment longue pour qu'elle soit considérée comme indéfinie.

12 Les fonctionnaires citent deux décisions de l'ancienne Commission à l'appui de leurs arguments : Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, et Samborsky c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossiers la CRTFP 166-02-19803 à 19805 (19900827).

B. Pour l'employeur

13 Le changement des heures de travail des fonctionnaires n'était rien de plus qu'un changement visé par les clauses 25.04 et 25.05 de la convention collective, reproduites ci-dessous :

25.04 L'Employeur revoit avec les représentants locaux de l'Alliance les changements à l'horaire de travail qu'il propose d'apporter, quand ces changements toucheront la majorité des employé-e-s régis par le calendrier de travail. Chaque fois, l'Employeur tient compte, si possible, des demandes des employé-e-s communiquées par les représentants de l'Alliance.

Par entente mutuelle et par écrit, l'Employeur et les représentants locaux de l'Alliance peuvent annuler sans préavis l'application des dispositions relatives au changement de poste.

25.05 Le calendrier de travail est affiché au moins quinze (15) jours civils avant le début du nouveau calendrier et l'Employeur établit, si possible, des calendriers qui restent en vigueur pour une période d'au moins vingt-huit (28) jours civils. L'Employeur essaie, en principe, d'accorder à I'employé-e au moins deux (2) jours consécutifs de repos. Ces deux (2) jours consécutifs de repos peuvent être séparés par un jour férié payé, et les jours consécutifs de repos peuvent chevaucher deux (2) semaines civiles distinctes.

14 Contrairement à ce qu'affirment les fonctionnaires, le travail n'était pas en roulement ni indéfini. Les fonctionnaires ont eu un horaire de six semaines pour satisfaire aux exigences opérationnelles. Il n'y avait pas d'alternance de l'horaire, contrairement à ce que suggère « […] le roulement de deux (2) périodes ou plus de huit (8) heures […] ».Il y avait un seul nouvel horaire, pas un roulement. Si le deuxième critère est pris en compte, une période définie de six semaines ne peut pas être considérée comme indéfinie.

15 L'employeur évoque également son droit d'établir les horaires de travail des employés en vertu des dispositions particulières au groupe de l'appendice B de la convention collective.

16 L'employeur affirme que les parties sont liées par le libellé de la convention collective. Il présente l'exemple du nouveau libellé dans la convention collective négociée par les parties (quoique pour un autre groupe) qui fait en sorte que les employés dont les heures de travail ne satisfont pas à la définition de « travail posté » précisée à la clause 25.01d) de la convention collective ont tout de même droit à une prime de poste si leurs heures de travail commencent avant 6 h ou se terminent après 18 h.

17 En résumé, les heures de travail des fonctionnaires ne satisfont pas aux exigences de la définition de « travail posté » et ils n'ont, par conséquent, pas droit aux primes de poste.

C. La réponse des fonctionnaires

18 Les fonctionnaires répètent que ce qui s'est produit constitue un « roulement » — une situation a été temporairement remplacée par une autre.

19 Cependant, si le travail est fait sur une base non-rotative, on peut dire qu'il est « indéfini », c'est-à-dire que sa durée est importante. Afin de prévenir l'application de primes de poste, l'employeur peut simplement fournir une date ultérieure éloignée, ce qui crée une période définie, peu importe sa durée.

20 Les employés peuvent travailler durant une journée normale de travail, soit de 8 h à 16 h, environ. S'ils travaillent régulièrement en dehors de ces heures, ou s'ils travaillent par postes de telle manière que la durée de 16 heures ou plus pour le poste signifie qu'ils travaillent un nombre d'heures important en dehors des heures de travail régulières, la convention collective leur accorde une compensation. Ce raisonnement doit être appliqué en l'espèce.

V. Motifs

21 Les parties ne parviennent pas à s'entendre sur la question de savoir si les fonctionnaires ont droit à la prime de poste durant une période de six semaines durant laquelle leurs heures de travail régulières de jour ont été modifiées par un nouvel horaire de fin d'après-midi et de soirée. Les parties ont présenté peu de jurisprudence sur ce sujet précis. Samborsky et Chafe ont été tranchées avant que la convention collective ne comprenne une définition de « poste ».

22 En raison de l'objectif d'une convention collective et de ses clauses, la préparation de la convention collective nécessite l'application des principes d'interprétation suivants — les mots doivent se voir accorder leur sens ordinaire dans le contexte plus large des clauses et de la convention collective qui les contiennent. (Voir, de manière générale, Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, au paragr. 62.) Selon cette perspective, deux composantes des dispositions pertinentes doivent être prises en compte : la définition de « travail posté » et le but de la prime de poste. Je commencerai par cette dernière, puisqu'elle présente le contexte dans lequel le terme « poste » sera interprété.

23 Dans Appleton et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 83, une décision rendueavant que le terme « poste » ne soit défini dans la convention collective, l'arbitre de grief devait déterminer ce qui donnait droit à la prime de poste. Il s'est prononcé en ces termes aux paragraphes 20 et 21.

[20] Je traiterai d'abord du libellé de la clause 27.01. J'estime qu'il faut utiliser une interprétation téléologique. Je prends donc en considération le point de vue de l'employeur, selon qui il faut étudier le contexte pour vérifier si les mots ont un sens autre que leur sens habituel ou que le sens donné dans le dictionnaire. Cela est énoncé dans Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2110. MM. Brown et Beatty ajoutent une qualification téléologique à leur qualification contextuelle en précisant : [traduction] « […] à moins que cela ne mène à l'absurdité […] ». Compte tenu de ces deux qualifications, je suis persuadé que l'accent ne devrait pas être mis sur le terme « poste », mais sur l'expression « travailler par postes », de manière à éviter une interprétation absurde qui enlèverait tout sens à celle-ci. Certes, dans le contexte de la convention collective, tous les employés ne travaillent pas « par postes » – cela ferait en sorte que ceux qui travaillent pendant une demi-heure ou une heure avant 8 h recevraient une prime de poste. Dans une telle situation, la charge de travail supplémentaire ne suffirait pas à justifier une compensation sous forme de prime de poste.

[21] J'ai lu la décision Samborsky en tenant compte de cette question. Dans cette affaire, qui se rapporte au texte qui précède la clause 27.01 de la convention collective, Bruno Samborsky devait travailler, sans prime de poste, de 13 h à 21 h, du lundi au vendredi, comme préposé aux visites et à la correspondance au Centre psychiatrique régional d'Abbotsford. Sa plainte portait sur le fait que les nouvelles heures de travail [traduction] « l'empêchaient de participer à toute activité en soirée et que, essentiellement, sa vie sociale en souffrait » (Samborsky, page 5). L'arbitre de grief a rejeté l'affirmation de l'employeur, selon qui le travail du fonctionnaire s'estimant lésé devait être considéré comme du travail de jour, étant donné que son horaire était régulier. J'estime que la décision Samborsky s'appuie sur la proposition selon laquelle l'absence de vie sociale de Bruno Samborsky devait être compensée par une prime de poste. Dans cette affaire, il m'apparaît clairement que le choix de l'arbitre de grief d'interpréter « poste » en se fondant sur son sens habituel ou sur la définition du dictionnaire produit un résultat raisonnable.

[Je souligne]

24 Ultimement, la justification d'une prime de poste provient du fait qu'en prévoyant à l'horaire des périodes de travail alternatives qui se prolongent au-delà de 16 heures, l'employeur crée un horaire qui comprend des heures de travail moins désirables pour lesquelles il doit y avoir compensation.

25 En définissant le « travail posté » dans la convention collective, les parties ont résolu l'incertitude qui était évidente dans Samborsky, Chafe et Appleton. La question en l'espèce est de savoir si le travail des fonctionnaires satisfait l'un ou l'autre critère de la définition de « travail posté » comprise dans la convention collective.

26 Je ne peux accepter l'argument subsidiaire des fonctionnaires selon lequel le mot « défini » peut, d'une quelconque manière, désigner quelque chose d'« indéfini ». Je suis d'accord avec l'employeur qui affirme que le libellé clair ne peut être déformé à ce point.

27 Cependant, je crois que la situation des fonctionnaires correspond au premier critère « […] le roulement de deux (2) périodes ou plus de huit (8) heures ou plus lorsque l'Employeur exige des postes d'une durée de seize (16) heures ou plus chaque jour […] ».

28 Les parties m'ont fourni les définitions de « roulement » et de « rotation ». J'ai reproduit ci-dessous les définitions de dictionnaires qui, selon moi, correspondent le mieux à l'essence du travail par poste :

Roulement : […] alternance de personnes qui se relayent, se remplacent dans un travail. [définition tirée du Nouveau Petit Robert, édition 2001]

Rotation : […] a regular succession of members of a group through positions or duties. [définition tirée du Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, 2004]

29 J'évaluerai maintenant ce qui s'est réellement produit en l'espèce, en gardant à l'esprit l'objectif des primes de poste précisé ci-dessus.

30 Les fonctionnaires travaillaient en tant qu'opérateur de véhicules, en fonction d'un horaire de 7 h à 15 h 30 qui s'applique aux opérateurs dont le groupe et le niveau du poste était GL-MDO-04 et GL-MDO-05. Les deux équipes opèrent des véhicules pour transporter les biens et les personnes. À un certain point, l'employeur a imposé un deuxième poste, de 15 h 30 à minuit, durant six semaines, afin de respecter les exigences opérationnelles de transport du personnel militaire qui revenait. En raison des exigences de ce transport, seuls les employés dont le poste était classifié GL-MDO-05 étaient qualifiés pour faire ce travail. Les employés dont le poste était classifié au groupe et niveau GL-MDO-04 continuaient leur horaire de travail normal.

31 L'employeur avait besoin d'une plage de 16 heures aux fins du transport. Il y avait deux postes d'équipes en alternance qui travaillaient huit heures chacune sans chevauchement. Alterner les équipes suffit pour couvrir le roulement, selon la définition du dictionnaire de ce terme. En résumé, la situation temporaire correspondait à la définition de « travail posté » prévue par la convention collective. Puisque l'horaire de travail correspondait à un horaire par poste, les employés qui effectuent des heures en dehors de la fenêtre de 8 h à 16 h avaient droit à la prime de poste prévue par la clause 27.01 de la convention collective.

32 De plus, et au soutien de ma conclusion selon laquelle une prime de poste doit s'appliquer, le poste nouvellement créé a beaucoup perturbé la vie des fonctionnaires durant six semaines, et ce, juste avant Noël. Au lieu de terminer à 15 h 30 tous les jours, ils travaillaient jusqu'à minuit, du lundi au vendredi. Cette situation illustre certainement l'objectif compensatoire d'une prime de poste.

33 Je suis rassuré par le fait qu'il s'agissait en réalité du premier raisonnement de l'employeur, ou du moins était-ce le conseil présenté par le personnel des relations de travail. En effet, selon l'appendice D de l'énoncé conjoint des faits, les Relations de travail ont répondu : [traduction] « Oui, les employés ont droit à une prime de poste, puisque la journée de travail à Tn Coy est maintenant de 7 h à 24 h, soit 17 heures – ce qui respecte la définition de “travail posté”, c'est-à–dire 2 périodes ou plus de 8 heures qui couvrent 16 heures. »

34 Après avoir reçu ce conseil, la direction a continué de discuter de la question et a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un travail posté, mais simplement d'un changement d'horaire puisqu'il n'y avait pas de « roulement ». Une équipe ne pouvait être remplacée par une autre. Je conclus qu'il s'agit d'une définition trop étroite de « travail posté », puisque les deux équipes avaient les mêmes fonctions (soit le transport) et que ce transport était nécessaire durant 17 heures.

35 Selon moi, « roulement » signifie qu'il y a une alternance entre deux équipes, chacune travaillant 8 heures, pour un total de 16 heures (plus deux pauses-repas non payées). Selon moi, durant six semaines, du 11 novembre 2010 au 23 décembre 2010, les services de transport de la BFC Petawawa étaient exploités en fonction de deux postes. Les fonctionnaires ont droit au versement de primes de poste de 16 h à minuit pour cette période.

36 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

(L'ordonnance apparaît à la page suivante)

VI. Ordonnance

37 Les griefs sont accueillis.

38 J'accorde aux fonctionnaires le versement de primes de poste pour les heures travaillées de 16 h à minuit, durant toute la période visée en l'espèce, soit du 11 novembre 2010 au 23 décembre 2010.

Le 30 décembre 2015.

Traduction de la CRTEFP

Marie-Claire Perrault,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction
publique

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