Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'employeur a déterminé que le licenciement de la fonctionnaire était justifié au motif que son absence non autorisée continue du travail constituait un abandon de son emploi – la fonctionnaire s'estimant lésée a constamment miné les efforts visant à faciliter l'évaluation de SC – la fonctionnaire s'estimant lésée est entrée dans son lieu de travail, a remis son laissez‑passer et sa carte d'identité au représentant de son agent négociateur et est repartie – l'employeur a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée un certain nombre de fois pour l'informer qu'elle était en congé non autorisé du travail et pour lui ordonner de se présenter au travail ou de fournir des documents médicaux à l'appui de son absence du travail – selon la fonctionnaire s'estimant lésée, elle ne s'est pas présentée au travail tel qu'il lui avait été ordonné parce qu'elle était malade et bouleversée – la fonctionnaire s'estimant lésée n'a présenté aucune note du médecin à l'employeur et n'a déposé aucune preuve médicale quelconque pendant l'audience à l'appui de cette allégation – l'arbitre de grief a rejeté le grief en s'appuyant sur la jurisprudence bien établie en matière de droit du travail selon laquelle lorsqu'un employé s'absente du travail sans s'être vu accorder un congé autorisé quelconque, cet employé a, à toutes fins et intentions, abandonné son emploi, ce qui représente un motif au sens de l'alinéa 12(1)e) de la LGFP. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150420
  • Dossier: 566-02-8961
  • Référence: 2015 CRTEFP 34

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THERESA NAVIKEVICIUS

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l'Emploi et du Développement social)

employeur

Répertorié
Navikevicius c. Administrateur général (ministère de l'Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même
Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Hamilton (Ontario),
le 22 juillet 2014 et du 3 au 5 mars 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Theresa Navikevicius, la « fonctionnaire s'estimant lésée » (la « fonctionnaire »), était au service de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (« RHDCC »), maintenant appelé Emploi et Développement social Canada (collectivement, l'« employeur »), à titre d'agente du service au centre d'appels de RHDCC, à Hamilton, en Ontario. Elle faisait partie du groupe Administration des programmes (PM) et elle était classifiée au niveau 01. Le 22 juin 2012, la fonctionnaire a été licenciée en vertu de l'alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C., 1985, ch. F-11)(la « LGFP »). L'employeur a déterminé que le licenciement était justifié au motif que son absence non autorisée continue du travail constituait un abandon de son emploi.

2 Le 26 juillet 2012, la fonctionnaire a déposé un grief contestant son licenciement et a demandé ce qui suit :

  1. l'annulation de son licenciement;
  2. le retrait de la lettre de licenciement datée du 22 juin 2012 de son dossier personnel et de son dossier des ressources humaines;
  3. une indemnisation intégrale;
  4. Des dommages, y compris, sans s'y limiter, le rétablissement de tous ses avantages;
  5. toute autre mesure corrective jugée appropriée par un arbitre de grief.

3 Le 4 octobre 2013, le grief de la fonctionnaire a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 4 septembre 2013, elle a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») en vue d'un arbitrage. Le renvoi de son grief à l'arbitrage comprenait une allégation de contravention à l'article 19 (« Élimination de la discrimination ») de la convention collective conclue entre l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« AFPC ») et le Conseil du Trésor, qui est arrivée à échéance le 20 juin 2014.

4 Le grief devait être entendu entre le 22 et le 25 juillet 2014, à Hamilton, en Ontario. Le 18 juillet 2014, l'AFPC a retiré sa représentation de la fonctionnaire et a également retiré de son grief la partie qui portait sur une contravention alléguée à la convention collective.

5 Les journées d'audience prévues du 23 au 25 juillet 2014 ont été reportées.

6 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

7 Dès le début de l'audience, j'ai rendu une ordonnance excluant les témoins.

II. Résumé de la preuve

8 L'employeur a cité trois témoins : John Bedic, gestionnaire des services intérimaire pour le centre d'appels de Hamilton; Brian St John, directeur responsable de tous les centres d'appels de l'employeur en Ontario; Shannon Hughes, consultante en relations de travail. La fonctionnaire a témoigné pour son compte.

9 L'employeur m'a remis un recueil de documents comprenant 16 onglets, que j'ai désigné comme la pièce E-1. Il est entendu que tous les documents compris dans le recueil, à l'exception des copies du grief, de la réponse au grief au dernier palier et du renvoi à l'arbitrage (formulaire 21), devraient être identifiés adéquatement à défaut de quoi ils seraient supprimés du recueil et ne seraient pas retenus. Les documents inclus dans la pièce E-1, aux onglets 4, 6, 12, 13, 15 et 16 ont tous été retirés et ne font pas partie de la pièce.

10 La fonctionnaire a commencé son emploi auprès de l'employeur en mai 2001 à titre d'employée à temps partiel nommée pour une période indéterminée. Ses heures normales de travail étaient de sept heures par jour, cinq jours par semaine.

11 Au moment de son licenciement, la fonctionnaire relevait de Mark Broerse, qui était son chef d'équipe. M. Broerse relevait à son tour de M. Bedic. Ce dernier est devenu le gestionnaire des services intérimaire en mai 2011 et relevait de M. St John.

12 Avant mai 2011, Lorene Slaughter était la gestionnaire des services pour le centre d'appels de Hamilton.

13 À compter d'environ janvier 2011, Mme Hughes a été consultée par Mme Slaughter, M. Bedic et M. St John relativement aux questions concernant la fonctionnaire.

14 La fonctionnaire a témoigné qu'elle éprouvait des problèmes de longue date avec son employeur en ce qui concerne son environnement de travail. Elle a témoigné que la charge de travail était lourde et que les conditions ergonomiques étaient mauvaises. M. St John, qui était responsable de l'ensemble des centres d'appels de l'Ontario, dont le centre d'appels de Hamilton, a déclaré dans sa preuve que les centres d'appels étaient des lieux de travail difficiles et qu'il arrivait souvent que l'on reçoive des demandes et des exigences relativement à des mesures d'adaptation.

15 La fonctionnaire a témoigné qu'avant l'été 2010, elle n'avait pas de médecin de famille. Lorsqu'elle éprouvait des troubles médicaux, elle consultait un médecin dans une clinique sans rendez-vous ou allait à l'urgence d'un hôpital local. À l'été 2010, le Dr Mark Levy est devenu son médecin de famille.

16 Le 6 janvier 2011, la fonctionnaire a remis à son employeur une note du Dr Levy, datée du 3 décembre 2010 (la « note du 3 décembre »), qui était rédigée à la main sur ce qui semblait être une feuille d'un carnet de prescriptions. La note du 3 décembre indiquait que la fonctionnaire ne serait en mesure de travailler que 4 ou 2 jours par semaine en raison [traduction] « de ses troubles médicaux et des stresseurs dans sa vie au travail ». Dans la note, avant le terme [traduction] « jours », il semble que le chiffre « 4 » ait été écrit par-dessus le chiffre « 2 ».

17 La fonctionnaire a témoigné qu'elle avait remis la note en janvier 2011 plutôt que le 3 décembre 2010, car elle ne pouvait pas se permettre de perdre des journées de travail. Le 11 janvier 2011, il y a eu un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Slaughter relativement à la note du 3 décembre. En réponse à une demande de renseignements formulée par la fonctionnaire quant à savoir si elle travaillerait une journée donnée, Mme Slaughter a posé des questions à la fonctionnaire à propos du délai dans la communication de la note :

[Traduction]

[…] En outre, votre note du médecin était datée du 3 décembre 2010, j'ai besoin d'une explication quant à savoir pourquoi vous avez tardé à la remettre à votre chef d'équipe, car vous n'auriez pas dû travailler selon un horaire à temps plein en décembre. […]

18 En réponse à la demande de renseignements de Mme Slaughter concernant le délai, la fonctionnaire a répondu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J'aurais bien voulu avoir les moyens financiers pour commencer cette mesure d'adaptation au début de décembre 2010. Si je l'avais fait, j'aurais perdu 7 journées de salaire pour ce mois, car je ne suis pas rémunérée pour Noël, le lendemain de Noël et le jour de l'An.

[…]

19 Le 21 janvier 2011, l'employeur a remis une lettre (la « lettre du 21 janvier ») à la fonctionnaire à l'intention du Dr Levy, qui constituait une réponse à la note du 3 décembre. Dans la lettre du 21 janvier, on demandait au Dr Levy de donner à l'employeur une explication claire des limitations fonctionnelles de la fonctionnaire, le cas échéant, afin que toutes mesures d'adaptation dans le milieu de travail soient mises en place, au besoin. Dans la lettre du 21 janvier, un sommaire des fonctions et des responsabilités de la fonctionnaire était présenté et un formulaire sur les capacités fonctionnelles ainsi qu'une copie de la description de travail de la fonctionnaire étaient annexés. Les questions suivantes étaient posées dans la lettre du 21 janvier :

[Traduction]

  1. Theresa a-t-elle une invalidité à l'égard de laquelle on doit prendre des mesures d'adaptation dans le milieu de travail?
  2. Theresa travaille actuellement de _____ à _____ par jour (7 heures par jour, 35 heures par semaine). Est-elle apte à continuer à se présenter au travail au centre d'appels national du RPC et de la SV de Hamilton selon son horaire actuel?
  3. Si l'on recommande une réduction des heures présentement à l'horaire de Theresa, quel est le nouvel horaire que vous recommandez? Quelle est la durée de ce nouvel horaire?
  4. Theresa est-elle en mesure de remplir toutes les fonctions de sa description de travail en tant qu'agente des services à la clientèle? Sinon, quelles sont les fonctions qu'elle n'est pas en mesure de remplir?
  5. Theresa a-t-elle des limitations fonctionnelles à l'égard desquelles on doit prendre des mesures d'adaptation dans le milieu de travail? Dans l'affirmative, veuillez fournir des détails relativement à toutes les limitations ou restrictions fonctionnelles qu'elle pourrait avoir.
  6. Les limitations ou restrictions fonctionnelles sont-elles désignées comme étant de nature permanente ou temporaire? Si elles sont temporaires, veuillez indiquer les échéanciers.
  7. Y a-t-il des déclencheurs et des stresseurs dans le milieu de travail dont l'employeur devrait être informé qui empêcherait la fonctionnaire de remplir les fonctions de son emploi?
  8. Pourriez-vous également remplir le formulaire sur les capacités fonctionnelles ci-joint, qui fournira des renseignements supplémentaires sur les capacités et les restrictions en milieu de travail?

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

20 La lettre du 21 janvier a été remise à la fonctionnaire en même temps qu'une deuxième lettre datée du même jour, qui lui était adressée, en provenance de Mme Slaughter. Cette lettre à l'intention de la fonctionnaire indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…] Afin de vous fournir des mesures d'adaptation appropriées en milieu de travail, il est nécessaire que nous comprenions clairement toutes les limitations fonctionnelles que vous pourriez éprouver dans le milieu de travail.

Par conséquent, nous vous demandons de remettre la lettre et les pièces jointes ci-jointes à votre médecin traitant aux fins de discussion et de demander à votre médecin de nous répondre par écrit aux questions posées. Veuillez prendre note que nous ne demandons pas à votre médecin de nous présenter un diagnostic médical, seulement qu'il nous indique vos limitations fonctionnelles dans le milieu de travail.

Ces renseignements devraient m'être communiqués au plus tard le 11 février 2011. Lorsque nous aurons reçu les renseignements en provenance de votre médecin traitant, vous et moi serons alors en mesure de déterminer les options appropriées concernant des mesures d'adaptation convenables en milieu de travail. […]

21 Le 11 février 2011, la fonctionnaire a déposé un grief relativement à une partie du libellé de la lettre du 21 janvier. Le grief a été rejeté.

22 Selon la preuve, le Dr Levy facturait des honoraires de 200 $ pour fournir une réponse à la lettre du 21 janvier et remplir le formulaire sur les capacités fonctionnelles. Il semble qu'un problème soit survenu quant à la façon et le moment où ces honoraires devaient être payés. La preuve sur ce point est plutôt vague. Selon la fonctionnaire, le Dr Levy voulait être payé en espèces plutôt que par chèque ou carte de crédit, et il voulait être payé à l'avance, ce que la fonctionnaire n'était pas prête à faire. Pour cette raison, le Dr Levy a refusé de fournir la réponse nécessaire.

23 L'employeur, selon la preuve présentée, était prêt à payer les honoraires.

24 La fonctionnaire a déclaré qu'elle ne croyait pas l'employeur, même si, selon la preuve présentée par l'employeur, ce dernier était prêt à payer pour obtenir la réponse à la lettre du 21 janvier et avait offert de payer les honoraires par carte de crédit (carte affaires American Express), à défaut de quoi il était prêt à conclure un contrat avec le Dr Levy et à le payer par chèque (une fois que ce dernier aurait fourni une réponse à la lettre du 21 janvier).

25 La pièce E-8 comprend une série d'échanges de courriels datés des 3 et 4 mars 2011; l'échange initial se déroule entre la fonctionnaire et Mme Slaughter, et le dernier échange se déroule entre Mme Slaughter et des membres du personnel de l'employeur qui pouvaient faciliter le versement des fonds au Dr Levy. Ces documents ont clairement démontré que l'employeur prenait des mesures pour veiller au paiement des honoraires de 200 $ au Dr Levy.

26 La pièce E-9 comprend une autre série d'échanges de courriel entre la fonctionnaire et Mme Slaughter. Dans un courriel qui fait partie de la pièce E-9 daté du 20 mars 2011, Mme Slaughter a écrit à la fonctionnaire et, entre autres choses, lui a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] Les renseignements médicaux sont requis afin de répondre de façon appropriée à votre demande de mesures d'adaptation en milieu de travail. Seulement à titre de confirmation, l'employeur paiera pour le rapport médical une fois que des mesures appropriées auront été prises relativement au paiement. Cette question doit être réglée dès que possible.

27 Un courriel du 22 mars 2011 provenant de la fonctionnaire et adressé à Mme Slaughter faisait aussi partie de la pièce E-9. Le courriel mentionnait ce qui suit : [traduction] « Ce médecin ne remplira pas les formulaires, à moins que l'argent lui soit versé à l'avance. Il n'est plus mon médecin. Je verrai si je peux faire remplir les formulaires dans une clinique sans rendez-vous. Je ne sais réellement pas quoi faire. »

28 En mai 2011, Mme Slaughter a cessé d'être la gestionnaire responsable de l'unité de travail de la fonctionnaire. M. Bedic est devenu le gestionnaire responsable.

29 Mme Slaughter n'a pas témoigné devant moi.

30 Selon son témoignage, M. Bedic n'a eu aucune discussion avec la fonctionnaire concernant le paiement pour la réponse du Dr Levy à la lettre du 21 janvier et n'a rien fait relativement au paiement pour cette réponse.

31 M. Bedic a témoigné que, même s'il était au courant qu'il y avait eu un changement concernant la note du 3 décembre 2010 du Dr Levy, et qu'il avait été informé par Mme Slaughter des mesures qu'elle avait prises à cet égard, il n'avait eu aucune discussion avec la fonctionnaire à propos de ce changement. Selon M. Bedic, lorsqu'il a pris la relève de Mme Slaughter, la fonctionnaire travaillait quatre jours par semaine. Il a confirmé que la fonctionnaire lui avait dit qu'elle subissait les répercussions de son travail et qu'elle éprouvait de la douleur. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il a fait à propos de la situation, il a indiqué qu'il avait besoin de l'évaluation des limitations fonctionnelles.

32 Le Dr Levy n'a pas témoigné devant moi.

33 La fonctionnaire a témoigné qu'elle était en congé non payé pendant l'été 2011 et qu'elle était censée retourner au travail en septembre. Elle a indiqué qu'elle était retournée à la mi-septembre et qu'elle avait travaillé jusqu'à la fin d'octobre 2011. On ne m'a pas communiqué les dates exactes du congé.

34 La pièce E-10 comprend un courriel daté du 7 octobre 2011 envoyé par M. Bedic à Mme Hughes. Le courriel concernait la fonctionnaire. M. Bedic a déclaré, dans sa preuve, qu'il avait communiqué avec Mme Hughes, car le rôle de gestionnaire était nouveau pour lui et qu'il ignorait qu'elles étaient les options possibles, particulièrement en l'absence d'une note du médecin. Le courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

J'ai parlé à l'une des membres de mon personnel et elle m'a indiqué qu'elle voulait être transférée à l'extérieur du centre d'appels dès que possible. Elle souhaite prendre un congé de trois ans, dans l'espoir qu'un nouvel emploi lui sera offert avant la fin de cette période de trois ans. Une partie de ses motifs est l'environnement de travail et une autre partie est pour des raisons médicales. Je lui ai recommandé de présenter une note du médecin, mais elle a indiqué qu'elle n'avait pas de médecin et que les cliniques ne peuvent pas l'aider (il semble qu'elle ne veut pas suivre cette voie). Quelles options puis-je lui présenter?

35 La fonctionnaire a admis avoir parlé à M. Bedic à propos du fait qu'elle souhaitait prendre d'autres congés en octobre 2011, mais a nié avoir demandé un congé de trois ans, car elle n'avait pas les moyens de prendre un congé d'une telle durée. Elle a déclaré avoir effectivement pris un congé à cette époque, ce qu'a confirmé M. Bedic dans son témoignage. La période et la durée du congé pris à ce moment n'étaient pas claires. On ne m'a remis aucun document concernant les détails du congé; cependant, la fonctionnaire a témoigné qu'elle avait pris un congé non payé pendant en novembre et décembre 2011 ainsi qu'en janvier 2012.

36 M. Bedic a témoigné avoir eu une conversation téléphonique avec la fonctionnaire en janvier 2012. Au cours de cette conversation, il a été question d'une évaluation menée par Santé Canada (« SC »). Il a témoigné qu'au cours de la discussion sur l'évaluation de SC, la fonctionnaire a déclaré qu'elle voulait que le médecin qui allait mener l'évaluation soit né et élevé au Canada, qu'il parle anglais et qu'il soit de la même race et de la même ethnicité qu'elle. M. Bedic a déclaré que la fonctionnaire lui avait dit qu'elle était au courant qu'on avait offert à des immigrants dans sa collectivité les services de médecins qui parlaient leur langue et qui partageaient leurs origines ethniques, et qu'elle estimait qu'il était juste qu'on lui accorde les mêmes droits que ces immigrants. M. Bedic a témoigné qu'il avait répondu à la fonctionnaire qu'on ne pouvait pas répondre à ces exigences.

37 Dans sa preuve, la fonctionnaire a nié avoir demandé, dans le cadre de sa demande concernant le médecin de SC, que celui-ci soit en mesure de parler anglais.

38 M. Bedic a déclaré qu'il avait demandé à la fonctionnaire de soumettre sa demande par écrit, car il espérait que si elle voyait réellement ce qu'elle demandait, elle comprendrait pourquoi sa demande était inappropriée.

39 La pièce E-10 comprend un échange de courriels entre la fonctionnaire et M. Bedic, daté du 21 février 2012, portant sur l'évaluation de SC et la demande de la fonctionnaire relativement au médecin qui mènerait l'évaluation. Voici en quoi consiste l'échange :

[9 h             De la fonctionnaire à M. Bedic :]

[Traduction]

Je n'ai reçu aucune réponse de votre part à propos de mon évaluation médicale par Santé Canada. Il s'est écoulé un mois depuis notre dernière discussion à ce sujet. A-t-on pris un rendez-vous?

[9 h 59       De M. Bedic à la fonctionnaire :]

[Traduction]

Lorsque nous avons parlé, vous avez indiqué que vous aviez des exigences précises par rapport aux médecins. Vous deviez me les remettre afin de vérifier s'il était possible de répondre à votre demande.

Si ce n'est plus une préoccupation pour vous, veuillez me l'indiquer.

[11 h 31      De la fonctionnaire à M. Bedic :]

[Traduction]

Je crois que j'ai effectivement présenté ma demande de mesures d'adaptation au téléphone. Je serais plus à l'aise avec un médecin qui est né et a été élevé au Canada, et qui a la même race et ethnicité que moi.

40 M. Bedic a déclaré qu'il avait acheminé l'échange tel que présenté au paragraphe 39 ci-dessus à Mme Hughes et qu'il lui avait demandé des conseils. Les conseils de Mme Hughes se trouvent dans un courriel qu'elle a envoyé à M. Bedic le 28 février 2012, à 14 h 58 (pièce E-12), qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Pour le moment, il s'agit d'un cas de relations de travail relativement à l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, puisque Theresa ne s'absente pas du travail en raison d'une maladie ou d'une blessure, ou n'effectue pas un retour à la suite d'une absence en raison d'une maladie ou d'une blessure.

Veuillez rencontrer Theresa pour discuter de ses préférences quant au type de médecin qu'elle demande à voir dans le cadre de l'évaluation de l'aptitude au travail (EAT) de Santé Canada. Veuillez vous assurer d'aborder les renseignements suivants :

-Theresa a eu l'occasion de revoir les exigences concernant le médecin de Santé Canada qu'elle vous a indiqué au téléphone.

-Theresa a effectué un suivi par écrit afin de réitérer qu'elle se sentait plus à l'aise avec un médecin qui est né et qui a été élevé dans ce pays, et dont la race et l'ethnicité sont les mêmes qu'elle.

L'employeur n'est pas en mesure d'appuyer la demande de Theresa qu'un médecin de Santé Canada procède à l'évaluation de l'aptitude au travail (EAT) en fonction des préférences qu'elle a décrites. La direction est très préoccupée par les préférences qu'elle a décrites, car elles entrent en conflit avec ce qui suit :

1) le Code de valeurs et d'éthique du secteur public;

2) la Loi canadienne sur les droits de la personne;

3) les Lignes directrices de conduite de Service Canada.

*Il est important qu'elle comprenne que ce type de comportement n'est pas approprié et qu'il ne sera pas toléré. Pour le moment, on recommande de traiter ce problème en soulignant les attentes (encadrement) plutôt que de prendre des mesures disciplinaires.

Si Theresa souhaite qu'un médecin examinateur de Santé Canada ou indépendant procède à une EAT pour déterminer toutes les limitations fonctionnelles qu'elle pourrait éprouver dans le milieu de travail, veuillez l'informer qu'on attend des employés qu'ils soient collaboratifs et raisonnables dans le cadre du processus des mesures d'adaptation. L'employeur n'est pas en mesure d'appuyer des préférences personnelles qui ne respectent pas la loi et qui ne sont pas conformes aux valeurs et à l'éthique de la fonction publique.

En dernier lieu, veuillez communiquer à Theresa une date limite pour remettre les deux formulaires de consentement requis pour l'EAT par l'intermédiaire de Santé Canada (fermeture des bureaux mardi prochain). Il y a deux formulaires de consentement à signer : Consentement à subir une évaluation de l'aptitude au travail et Consentement à divulguer les données médicales. Le consentement à subir une évaluation médicale est signé par l'employée et doit être remis au gestionnaire. Le gestionnaire joint ce formulaire signé (Consentement à subir une évaluation de l'aptitude au travail) à la lettre qu'il prépare et l'envoie à Santé Canada. L'employée doit signer le formulaire de consentement à divulguer des données médicales et l'envoyer directement à Santé Canada (le formulaire doit être envoyé par l'employé).

[…]

41 M. Bedic a témoigné qu'aux environs de cette période, on a pris la décision d'inscrire le centre d'appels de Hamilton sur une liste de fermeture. La fermeture du centre de Hamilton était prévue vers la fin d'août ou le début de septembre 2012.

42 Une rencontre a eu lieu le 2 mars 2012. La fonctionnaire, M. Bedic et la représentante de l'agent négociateur de la fonctionnaire, Donna Kinchen, étaient présents. Les parties ne s'entendent pas sur le déroulement des événements pendant la rencontre.

43 M. Bedic a témoigné que son intention lors de la rencontre était d'aller de l'avant avec le processus d'évaluation de SC. Pour ce faire, il fallait répondre à la demande de la fonctionnaire en ce qui a trait à ses exigences concernant le médecin et supprimer ces exigences. Il avait avec lui les documents (comme le lui avait conseillé Mme Hughes dans son courriel du 28 février 2012) pour expliquer à la fonctionnaire les raisons pour lesquelles on ne pouvait accepter sa demande. M. Bedic a témoigné que, pendant la rencontre, il a expliqué à la fonctionnaire les raisons pour lesquelles les exigences qu'elle avait posées relativement au médecin de SC n'étaient pas acceptables pour l'employeur. Il a indiqué que la fonctionnaire n'était pas prête à accepter ce qu'il avait à dire à ce sujet. Il a déclaré que la fonctionnaire l'avait accusé de [traduction] « la piéger ». M. Bedic a affirmé avoir dit à la fonctionnaire que ce n'était pas son intention et a précisé qu'il visait plutôt à lui faire voir sa propre demande afin qu'elle comprenne en quoi celle-ci était inappropriée. Il a déclaré que les documents de référence indiqués dans le courriel de Mme Hughes daté du 28 février 2012 (pièce E-12) avaient été remis à la fonctionnaire.

44 La fonctionnaire a témoigné qu'elle croyait comprendre que la rencontre avait pour but de faciliter l'évaluation par SC. Elle a témoigné que M. Bedic a commencé la rencontre en déclarant combien il avait été troublé par sa demande et qu'il l'avait fait circuler dans le milieu de travail, et que d'autres personnes dans le milieu de travail avaient également été troublées par la demande. La fonctionnaire a affirmé que M. Bedic lui avait dit qu'il aurait pris des mesures disciplinaires à son égard s'il avait pu le faire, mais qu'il avait demandé aux collègues de la fonctionnaire si elle avait déjà eu ce genre de comportement auparavant et, comme ils avaient répondu que non, il ne pouvait prendre aucune mesure disciplinaire à son égard. Selon la fonctionnaire, Mme Kinchen n'a rien dit et n'a rien fait. La fonctionnaire a confirmé que M. Bedic avait avec lui les documents indiqués dans le courriel de Mme Hughes du 28 février 2012. Elle a affirmé qu'il était en colère et qu'il criait après elle; qu'il plantait son stylo dans les documents, et que de la salive s'échappait de sa bouche et s'accumulait dans les coins de sa bouche.

45 Pendant son contre-interrogatoire, M. Bedic a confirmé à la fonctionnaire qu'il lui avait dit pendant leur conversation téléphonique que l'employeur ne pouvait donner suite à sa demande portant sur certaines exigences quant au médecin de SC.

46 La fonctionnaire n'a jamais demandé à M. Bedic s'il avait montré sa demande concernant le médecin de SC à d'autres employés du centre d'appels de Hamilton et ne lui a jamais laissé entendre qu'il l'avait fait.

47 La fonctionnaire n'a jamais demandé à M. Bedic, ni n'a laissé entendre, qu'il avait planté son stylo dans les documents sur son bureau ou que de la salive s'était échappée de sa bouche et s'était accumulée dans les coins de sa bouche.

48 La pièce G-2 comprend un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Kinchen. Le premier courriel de la chaîne de correspondance est celui de la fonctionnaire daté du 6 août 2012 et le deuxième courriel est la réponse de Mme Kinchen datée du 10 août 2012. L'échange de courriels porte sur un certain nombre de questions découlant du licenciement de la fonctionnaire, dont les souvenirs de la fonctionnaire et de Mme Kinchen sur les événements de la réunion du 2 mars. Étant donné que l'échange intégral est pertinent aux fins de la présente affaire, je le présente dans son intégralité.

49 Le courriel de la fonctionnaire du 6 août 2012 à 10 h 58 à Mme Kinchen se lit comme suit :

[Traduction]

Donna,

Lorsque je vous ai rencontré le jeudi 26 juillet 2012 pour vous remettre mon formulaire de présentation de grief, je vous ai posé des questions concernant le grief que j'avais déposé avant de quitter le bureau concernant le fait de ne pas avoir été rémunéré pour toutes les heures de travail que j'avais accomplies. Vous avez répondu que j'avais démissionné et que vous n'aviez pas donné suite au grief. J'ai le droit à une représentation équitable, que je sois ou non une employée. Je ne travaille pas gratuitement. Comment allez-vous corriger cette situation?

Vous avez déclaré que vous estimiez que je méritais d'être congédiée, car j'avais eu l'occasion de me présenter au bureau. Je dois donc me poser la question quant à savoir si votre attitude reflète l'appui du syndicat que je suis sur le point de recevoir.

Vous avez également affirmé que John Bedic ne criait pas après moi à la réunion à laquelle vous étiez présente à la fin du mois de février 2012. Je vous ai dit que je savais que vous diriez cela et que c'était la raison pour laquelle j'ai demandé une copie de vos notes de cette réunion, que vous avez refusé de me remettre. Lorsque nous sommes parties de cette réunion, je pleurais et je vous ai dit que j'allais démissionner en raison de son comportement abusif. Vous m'avez répondu de réfléchir et de prendre une décision pendant la fin de semaine.

Theresa

50 Voici la réponse de Mme Kinchen au courriel de la fonctionnaire datée du 10 août 2012 à 13 h 58 :

[Traduction]

Bonjour Theresa,

Lorsque je vous ai rencontré le 26 juillet 2012, nous marchions et nous parlions. J'essayais donc de me souvenir de l'état du grief à propos de votre salaire, car vous aviez pris un CNP et la direction avait retenu un trop-perçu sur le paiement forfaitaire du paiement de votre grief de classification.

Vous aviez indiqué précédemment que le dépôt d'OEC avait été retiré également. Nous avons posé des questions à Brian St. John à ce sujet, le directeur principal, et il vous a fait parvenir de la correspondance dont nous avions discuté avec lui pendant une conférence téléphonique. Nous avons discuté que vous aviez été rémunérée pour deux jours fériés auxquels vous n'aviez pas droit et du fait que vous en aviez informé la direction et il avait fallu plusieurs payes pour recouvrer ces montants. De plus, nous avons discuté de la raison pour laquelle beaucoup de temps était nécessaire pour régler la question. Il y avait également quelques autres problèmes liés à la rémunération. Les talons de chèque de paie étaient très difficiles à suivre pour déterminer si tout était en ordre. Je vais revoir mes notes pour déterminer quelles sont les prochaines étapes. Je ne crois pas qu'il s'est écoulé beaucoup de temps après cela lorsque vous m'avez informé que vous démissionniez et c'est la première fois que vous communiquez avec moi depuis cette annonce.

JE N'AI JAMAIS DIT QUE VOUS MÉRITIEZ D'ÊTRE CONGÉDIÉE!!! J'ignore d'où vous vient cette idée; j'ai dit qu'on vous avait remis une lettre vous indiquant de vous présenter au bureau à une date précise, soit pour présenter votre demande de congé ou retourner au travail, et vous n'avez ni répondu à cette lettre ni ne vous êtes présenté au bureau. J'ai dit que la direction vous avait donné la possibilité de communiquer avec elle et vous ne l'avez pas fait. Elle a donc supposé que vous aviez abandonné votre emploi, car vous aviez remis votre pièce d'identité, la clé de porte et vous avez informé les gens au bureau que vous démissionniez.

Je vous ai demandé si vous retourneriez au travail dans l'éventualité où vous aviez l'occasion de voir un médecin de Santé Canada (et de demander qu'il s'agisse uniquement d'une femme). À cette question, vous avez répondu qu'il s'agissait d'un environnement abusif où le gestionnaire crie. Vous n'avez donc pas vraiment répondu à ma question; je ne suis donc pas certaine si vous le voulez ou non. Je vous ai informée que nous allions procéder à un traitement en vertu de l'AE, de sorte que nous ne serons pas le centre d'appels à compter du 13 janvier.

Quant à la question de savoir si le gestionnaire criait, il ne criait pas. Lorsque vous lui avez dit « vous tentez de me piéger » et qu'il a répondu « qu'est-ce que j'aurais à gagner de cela », il s'est redressé sur son siège et il a modifié son ton légèrement, mais il n'a pas crié. Je crois qu'il a été insulté par votre accusation, car il a réussi à vous obtenir un rendez-vous avec un médecin de Santé Canada, malgré le fait que vous ne lui aviez pas remis une note du médecin.

Comme vous vous souvenez, lorsque nous sommes parties de la rencontre avec John, je vous ai dit que nous devrions parler, car vous étiez manifestement bouleversée. Nous nous sommes donc assises dans la salle d'encadrement pendant environ une heure et demie. J'ai dit beaucoup plus que « vous devriez y réfléchir pendant la fin de semaine ». Je vous ai conseillé d'envisager d'accepter de voir tout médecin de Santé Canada que l'employeur vous fournirait ou, si vous vous sentiez plus à l'aise, demander que le médecin soit une femme. Je vous ai dit que vous pourriez vouloir envisager de présenter une demande à la CSPAAT relativement à votre blessure ou des prestations de maladie de l'AE et une invalidité de longue durée. Vous avez dit que vous ne feriez pas beaucoup moins d'argent si vous receviez des allocations familiales étant donné que vous travailliez à temps partiel et vous avez dit que vous y penseriez. J'ai également indiqué que nous ne serions plus au centre d'appels bien longtemps et qu'il convenait de se tourner vers l'avenir et de travailler au centre de traitement.

J'ai également discuté de la demande que vous avez faite concernant un médecin de Santé Canada répondant à certains critères et je vous ai indiqué que cette demande n'était pas acceptable en vertu du Code de valeurs et d'éthique du ministère. Vous avez indiqué que des personnes dans votre immeuble demandaient à être examinées par des médecins d'origines ethniques précises; vous croyiez donc que vous seriez en mesure de présenter le même type de demande. Je vous ai répondu qu'il devait s'agir d'une règle provinciale et que, comme nous relevons du fédéral, cette règle ne s'appliquerait pas à notre ministère.

Le gestionnaire a indiqué qu'il aurait pu prendre des mesures disciplinaires, mais il ne l'a pas fait; il ne vous a demandé que de passer en revue les Lignes directrices sur les valeurs et l'éthique.

Vous vous êtes présentée au bureau le lundi suivant, avez déposé vos cartes sur mon bureau. Vous avez ensuite mentionné que Shannon ne se trouvait pas au bureau et vous êtes repartie. Je vous ai demandé de vous arrêter et de me parler, mais vous avez refusé d'acquiescer à cette demande.

Je vous ai envoyé un courriel, mais vous n'y avez pas répondu. Je vous ai donc conseillé de communiquer avec Patricia Harmony et, pour autant que je sache, elle vous a parlé et vous a remis des renseignements par écrit.

Je n'ai plus eu de vos nouvelles, jusqu'à maintenant, alors que vous vouliez déposer le grief demandant l'annulation de votre congédiement.

[…]

51 La pièce G-2 était entre les mains de la fonctionnaire au moment de l'audience, mais n'a jamais été présentée aux témoins de l'employeur, dont M. Bedic. Cette pièce n'a été déposée que lorsque l'employeur avait terminé sa preuve principale.

52 La fonctionnaire a témoigné que, le lundi 5 mars 2012, elle s'est présentée au centre d'appels de Hamilton et a laissé son laissez-passer et sa carte d'identité (« ID ») avec Mme Kinchen. En contre-interrogatoire sur ce sujet, la fonctionnaire a déclaré que lorsqu'elle a agi de la sorte, elle était malade, en désarroi, émotive et déprimée.

53 La fonctionnaire n'est pas retournée au travail après le 5 mars 2012.

54 Le 12 avril 2012, M. Bedic a écrit à la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 7) une lettre indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite aux événements menant à votre absence du milieu de travail. Votre dernier jour au bureau était le 5 mars 2012 et vous êtes actuellement absente du travail en congé non autorisé.

Le 5 mars 2012, vous avez indiqué que vous aviez l'intention de démissionner du Ministère et que vous présenteriez votre avis écrit prochainement. Subsidiairement, je vous ai demandé d'examiner les options de congé prévues par la convention collective et je vous ai recommandé de parler avec votre représentante syndicale.

Jusqu'à présent, je n'ai reçu aucune demande de congé ni lettre de démission. Vous êtes désormais tenue de me remettre des documents appuyant une demande de congé ou une lettre de démission. Ces renseignements doivent m'être communiqués au plus tard le 20 avril 2012. Si ces renseignements ne me sont pas communiqués d'ici le 20 avril 2012, on considérera que votre congé sera non autorisé, ce qui peut donner lieu à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

En outre, j'aimerais vous rappeler que le Programme d'aide aux employés (PAE) du Ministère peut vous aider en tout temps au 1-800-268-7708.

Veuillez communiquer avec moi si vous avez des questions au 905-572-2765.

[…]

55 La fonctionnaire a confirmé avoir reçu la lettre du 12 avril 2012.

56 La fonctionnaire a témoigné qu'elle savait que si elle s'absentait du travail, elle devait demander un congé et que cette demande devait être approuvée.

57 La fonctionnaire n'est pas retournée au travail après avoir reçu la lettre du 12 avril 2012; elle n'a pas envoyé de lettre de démission non plus.

58 Le 30 avril 2012, M. Bedic a écrit une deuxième lettre à la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 8) indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à ma lettre du 12 avril 2012 concernant votre absence du milieu de travail.

Le 5 mars 2012, vous avez indiqué que vous aviez l'intention de démissionner du Ministère et que vous présenteriez votre avis écrit prochainement. Subsidiairement, je vous ai demandé d'examiner les options de congé prévues par la convention collective et je vous ai recommandé de parler avec votre représentante syndicale.

Selon ma lettre du 12 avril 2012, vous étiez tenue de me présenter une demande de congé ou de fournir des documents à l'appui de votre intention de démissionner au plus tard le 20 avril 2012. En plus, je vous ai demandé de communiquer avec moi si vous aviez des questions. Jusqu'à présent, je n'ai ni reçu de réponse de votre part ni eu de vos nouvelles. Par conséquent, votre absence est actuellement non autorisée.

Qui plus est, je vous demande de vous présenter à mon bureau le lundi 7 mai 2012, à 9 h, relativement à votre absence du milieu de travail. Le défaut de vous conformer à cette demande pourrait donner lieu à votre licenciement.

Veuillez prendre note que le Programme d'aide aux employés (PAE) du Ministère peut vous aider en tout temps au 1-800-268-7708.

Si vous avez des questions ou des préoccupations relativement à cette question, veuillez communiquer avec moi au 905-572-2765.

[…]

59 La fonctionnaire a confirmé qu'elle avait reçu la lettre du 30 avril 2012.

60 La fonctionnaire ne s'est pas présentée à la rencontre du 7 mai 2012, à 9 h, avec M. Bedic.

61 La fonctionnaire n'est pas retournée au travail après avoir reçu la lettre du 30 avril 2012.

62 Le 30 avril 2012, la fonctionnaire a écrit une lettre à l'intention de M. St John pour se plaindre à propos du processus interrompu de l'évaluation de SC et la rencontre du 2 mars 2012 avec M. Bedic. La fonctionnaire a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

M. Bedic commence la réunion en colère et en haussant la voix en déclarant qu'il ne pouvait pas croire que je puisse demander cette mesure d'adaptation. Il me dit qu'il a été choqué par ma demande et que d'autres étaient aussi choqués lorsqu'il leur a fait circuler mon courriel pour qu'ils le lisent. J'étais assise là et je n'étais pas en mesure de comprendre ce qu'il disait. Je croyais que nous allions discuter d'une date de rendez-vous, de questions liées au transport, etc. C'était comme si mon cerveau était gelé. À ce stade, la représentante syndicale a pris la parole et a demandé si je pouvais expliquer la raison pour laquelle j'avais fait cette demande. J'ai indiqué qu'il existait de nombreux programmes financés par le gouvernement fédéral qui permettaient à une personne de recevoir des services délicats sur le plan culturel. J'ai demandé si j'allais faire l'objet de mesures disciplinaires et M. Bedic a répondu qu'il voulait prendre des mesures disciplinaires à mon égard, mais qu'il avait posé des questions à mes collègues et ceux-ci lui ont répondu que je n'avais jamais traité aucun d'eux de la sorte. Par conséquent, il ne pouvait prendre aucune mesure disciplinaire à mon égard.

À ce stade, je me suis demandée pourquoi M. Bedic ne m'avait-t-il pas prise à part plus tôt pour m'expliquer pourquoi on ne pouvait acquiescer à ma demande de mesures d'adaptation si ma demande était si troublante. C'est ce que je lui ai dit et je lui ai dit qu'il tentait de me piéger. À ce stade, il a complètement perdu son calme et il a commencé à crier. Il était abusif, effrayant, humiliant et dégradant. J'étais tellement sous le choc que je suis demeurée assise là, la tête baissée pendant ce qui m'a semblé être une éternité, pendant qu'il continuait sans cesse. Je ne pouvais pas rester là et continuer à écouter cela alors j'ai levé les yeux et je lui ai dit que je voulais parler avec ma représentante. J'ai ensuite constaté qu'en raison du fait qu'il me criait après, une énorme bulle de salive s'était accumulée dans le coin de sa bouche. J'ai quitté son bureau en pleurant.

[…]

63 M. St John a indiqué qu'il avait reçu, le 8 mai 2012, la lettre de la fonctionnaire datée du 30 avril 2012 et que, par conséquent, il avait communiqué avec M. Bedic et Mme Kinchen et les avait interviewés. Les notes de M. St John sur la téléconférence du 31 mai 2012, à 14 h, avec Mme Kinchen, figurent dans la pièce E-1, onglet 11. Les notes de M. St John sur la téléconférence du 8 juin 2012, à 13 h 30, avec M. Bedic figurent dans la pièce E-1, onglet 14.

64 M. Bedic, dans sa discussion avec M. St John, a nié avoir crié après la fonctionnaire pendant la rencontre du 2 mars 2012 et a indiqué qu'il ne lui était pas venu à l'esprit que des bulles aient pu se former dans le coin de sa bouche, car il n'est atteint d'aucune condition physique pouvant causer cela. M. Bedic a également affirmé que la fonctionnaire n'avait pas quitté la rencontre en pleurant.

65 Mme Kinchen, dans sa discussion avec M. St John, a déclaré que M. Bedic n'avait pas crié après la fonctionnaire pendant la rencontre du 2 mars 2012. Elle a déclaré que M. Bedic était devenu plus assertif après que la fonctionnaire a dit que M. Bedic tentait de la piéger. À la question de savoir si M. Bedic avait accumulé de la salive dans le coin de la bouche, Mme Kinchen a répondu qu'elle était assise immédiatement à côté de la fonctionnaire, en face de M. Bedic, et qu'elle ne l'avait pas remarqué. J'ai aussi demandé à Mme Kinchen si quelqu'un d'autre se trouvait dans la salle ou s'il était possible que quelqu'un d'autre ait entendu ce qui se passait; à cette question, Mme Kinchen a non seulement répondu qu'il n'y avait personne d'autre dans la salle, mais que personne d'autre n'aurait pu entendre la conversation, car il ne s'agissait pas d'une conversation bruyante.

66 En ce qui concerne le courriel de Mme Kinchen à l'intention de la fonctionnaire daté du 10 août 2012 (pièce G-2), la fonctionnaire a déclaré que les renseignements contenus dans ce courriel étaient exacts, à l'exception des deux affirmations suivantes :

  1. À la fin du troisième paragraphe, lorsque Mme Kinchen a déclaré que la fonctionnaire lui avait dit qu'elle (la fonctionnaire) avait informé les personnes au bureau qu'elle avait démissionné.
  2. Au cinquième paragraphe, dans lequel Mme Kinchen a indiqué que le gestionnaire (M. Bedic) ne criait pas.

67 M. St John a écrit à la fonctionnaire le 23 mai 2012. Cette lettre faisait suite aux lettres de M. Bedic datées des 12 et 30 avril 2012. M. St John, dans sa lettre du 23 mai 2012, a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Selon la lettre du 12 avril 2012, vous étiez tenue de présenter à votre gestionnaire une demande de congé ou de lui fournir une confirmation de votre démission au plus tard le 20 avril 2012. Aucune réponse n'a été reçue de votre part.

En outre, dans une lettre datée du 30 avril 2012, on vous avait demandé de vous présenter au travail le lundi 7 mai 2012, à 9 h. Vous ne vous êtes ni présenté au travail ni n'avez communiqué avec votre gestionnaire. Votre gestionnaire n'a reçu aucune communication de votre part afin d'indiquer que vous n'étiez pas en mesure de vous conformer aux demandes des deux lettres ou qu'on vous y en avait empêché.

En conséquence, votre absence depuis le 5 mars 2012 est considérée comme une absence non autorisée. Les absences non autorisées peuvent donner lieu à des mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le 8 mai 2012, j'ai reçu la lettre que vous m'avez envoyée dans laquelle vous avez soulevé un certain nombre de questions. J'examine actuellement vos préoccupations. Je suis certain que nous pouvons régler vos problèmes par l'intermédiaire du dialogue, de recours ou du Bureau de la gestion informelle de conflits (1-866-382-7502). Je vous encourage à travailler avec votre gestionnaire et moi-même de façon collaborative afin de régler les problèmes que vous avez soulevés, mais, pour ce faire, vous devez immédiatement régler votre situation d'emploi étant donné que votre absence du bureau est non autorisée. Je vous demande de vous présenter au travail le mercredi 6 juin 2012 à 9 h au centre d'appels de Hamilton pour traiter ces questions.

Si vous êtes inapte, je vous demande de me remettre un Certificat médical d'incapacité de travail (les copies sont ci-jointes) rempli par votre médecin au plus tard le 6 juin 2012.

Un défaut de vous présenter au travail ou un défaut de fournir vos documents médicaux à l'appui de votre absence ou un défaut de fournir un avis écrit de votre démission au plus tard le 6 juin 2012, tel qu'on vous le demande, donnera lieu à une recommandation à la sous-ministre adjointe de mettre fin à votre emploi.

Veuillez prendre note que le Programme d'aide aux employés (PAE) du Ministère peut vous aider en tout temps au 1-800-268-7708.

Vous pouvez communiquer avec moi au 416-730-1333 si vous avez des questions.

68 La fonctionnaire a confirmé qu'elle avait reçu la lettre de M. St John du 23 mai 2012 ainsi que le Certificat médical d'incapacité de travailler, le formulaire de demande de congé et un document IntraWeb de deux pages sur le PAE (tous ces documents figurent dans la pièce E-1, onglet 10).

69 Le document IntraWeb de deux pages sur le PAE indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En quoi consiste votre Programme d'aide aux employés (PAE)?

Il offre des services confidentiels et accessibles sur une base volontaire pour aider les employés de tous les niveaux et, dans la plupart des cas, les membres de leur famille qui ont des problèmes personnels influant sur leur bien-être ou leur rendement au travail.

Est-ce une thérapie?

Il s'agit d'un service de résolution de problèmes à court terme et, très souvent, seules quelques séances sont requises. Si une aide à long terme ou un service plus spécialisé est nécessaire, un renvoi peut être effectué, avec votre consentement, à un spécialiste dans votre collectivité.

Quels sont les types de difficultés qu'un PAE peut aider à résoudre?

  • Problèmes conjugaux et familiaux
  • Relations interpersonnelles
  • Problèmes personnels et émotionnels
  • Stress et épuisement professionnel
  • Stress lié au travail (employés et gestionnaires)
  • Problème de consommation d'alcool, de drogue ou de médicament sous ordonnance
  • Stress lié à un incident grave
  • Conflit au travail ou à la maison
  • Deuil
  • Tout autre problème influant ou pouvant influer sur le bien-être personnel et/ou le rendement au travail

[…]

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

70 La fonctionnaire a confirmé qu'elle avait écrit à M. St John pour ne pas avoir à traiter avec M. Bedic.

71 La fonctionnaire a confirmé qu'elle n'avait pas appelé M. St John malgré le fait qu'elle avait reçu son numéro de téléphone direct. La fonctionnaire a également confirmé qu'elle ne lui avait pas envoyé de courriel.

72 La fonctionnaire a confirmé qu'elle n'avait pas demandé à M. St John de proroger le délai tel qu'il est indiqué dans sa lettre datée du 23 mai 2012.

73 La fonctionnaire a confirmé qu'elle n'avait ni rempli ni fourni un Certificat médical d'incapacité de travailler ou un formulaire de demande de congé. Elle a indiqué qu'elle était trop bouleversée.

74 La fonctionnaire a confirmé qu'elle n'avait pas communiqué avec le PAE.

75 La fonctionnaire a confirmé qu'elle connaissait la date limite du 6 juin 2012 et qu'elle n'était pas retournée au travail.

76 La fonctionnaire a confirmé qu'elle savait que l'employeur était au courant qu'elle avait dit qu'elle avait démissionné et a confirmé qu'elle n'était jamais revenue sur cette affirmation auprès de l'employeur.

77 M. St John n'a reçu aucune communication en provenance de la fonctionnaire après sa lettre du 23 mai 2012.

78 M. St John a témoigné qu'il avait recommandé à la sous-ministre adjointe (la « SMA »), Mary Ann Triggs, de licencier la fonctionnaire.

79 Au moyen d'une lettre datée du 22 juin 2012, la SMA Triggs a licencié la fonctionnaire de son poste auprès de l'employeur.

80 La fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire que lorsqu'elle n'avait pas de médecin de famille (y compris la période après que le Dr Levy a cessé d'être son médecin de famille), et qu'elle ne se sentait pas bien, elle avait l'habitude de se présenter dans une clinique sans rendez-vous ou à l'urgence d'un hôpital.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

81 La LGFP stipule ce qui suit à l'alinéa 12(1)e) :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l'égard du secteur de l'administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d'une personne employée dans la fonction publique […]

82 Le paragraphe 12(3) de la LGFP stipule ce qui suit :

12. (3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l'application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

83 Il est bien établi dans la jurisprudence de l'ancienne CRTFP et de sa prédécesseure, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« CRTFP »), et par les arbitres de grief du secteur privé que, lorsqu'un employé omet de se présenter au travail, l'employé a abandonné son emploi et, par conséquent, le licenciement est considéré comme étant « motivé », conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP.

84 Le paragraphe 7:3100 de l'ouvrage Canadian Labour Arbitration, 4e édition, de Donald Brown et de David Beatty (« Brown et Beatty »), indique ce qui suit :

[Traduction]

7:3100 Présence au travail

La ponctualité et la présence régulière sont des attributs essentiels pour toutes relations d'emploi. Les employés qui sont incapables ou qui refusent de se présenter au travail à l'heure et selon l'horaire prévu s'exposent à des mesures disciplinaires de la part de leurs employeurs. Les arbitres de grief ont uniformément soutenu que, tant que l'employeur ne commet pas d'actes discriminatoires ou ne renonce pas à ses droits, il peut suspendre, rétrograder et, lorsque le problème persiste, licencier un employé qui s'absente du travail sans autorisation ou sans motif légitime.

[…]

85 Le paragraphe 7:3100 de Brown et Beatty stipule ce qui suit :

[Traduction]

7:3110 Avis d'absence

En plus de l'exigence de se présenter au travail à l'heure adéquate, l'obligation de la présence régulière signifie également que les employés qui prévoient s'absenter du travail ont la responsabilité d'aviser leurs employeurs de leurs situations. Les employés qui ne respectent pas leur obligation peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires, perdre leurs droits d'ancienneté, ou peuvent être réputés avoir quitté ou abandonné leur emploi ou y avoir mis fin. […]

86 Dans Toronto District School Board v. Canadian Union of Public Employees Local 4400,2009 CanLII 5414, au paragraphe 55, l'arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Le fondement de la relation d'emploi est une entente de rémunération en contrepartie du travail accompli. Le fait que l'employeur ait un intérêt à ce que les employés accomplissent régulièrement leurs fonctions n'est pas remis en question. On ne remet pas non plus en question la proposition voulant qu'une absence du travail doive être autorisée, explicitement ou implicitement par l'employeur, en vertu du contrat d'emploi ou de la loi; à défaut de quoi une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pourrait être justifiée au motif de l'abandon d'emploi ou pour un motif valable […]

Sous réserve de dispositions explicites contraires de la convention collective (ou toute restriction législative), l'employeur a le droit d'établir et d'appliquer des règles raisonnables concernant l'assiduité au travail, y compris un avis opportun des absences pour une maladie légitime, attestée par le médecin qualifié de l'employé (et tenue à jour) dans les circonstances appropriées.

87 Dans Pachowski c. Canada (Conseil du Trésor),[2000] A.C.F. no 1679 (QL), la Cour fédérale a confirmé la décision de la CRTFP de rejeter un grief portant sur le licenciement non disciplinaire de la fonctionnaire pour défaut de retourner au travail. La fonctionnaire a quitté le travail en alléguant qu'elle était malade et victime de harcèlement personnel. À la suite de l'enquête sur la plainte de harcèlement, des options de retour au travail ont été offertes à la fonctionnaire en plus d'une date précise de retour au travail, à défaut de quoi on mettrait fin à son emploi. La fonctionnaire n'est pas retournée au travail en dépit du fait qu'elle avait reçu des directives en ce sens à plusieurs occasions. L'employeur a finalement mis fin à son emploi. La Cour fédérale a confirmé la décision de l'arbitre de grief de rejeter le grief en affirmant ce qui suit au paragraphe 68 :

Le fait que la demanderesse a décidé de ne pas retourner travailler était pertinent lorsque l'arbitre a conclu que le défendeur avait agi d'une façon raisonnable et de bonne foi. En se demandant s'il était illégal, immoral ou dangereux pour le ministère d'exiger que la demanderesse retourne à son poste d'attache, l'arbitre se demandait si cette exigence était arbitraire, discriminatoire ou déraisonnable, soit le critère applicable en l'espèce.

88 Dans Lindsay c. Agence des services frontaliers du Canada,2009 CRTFP 62, la fonctionnaire s'est absentée du travail dans le cadre d'un congé non autorisé. L'employeur a régularisé son congé en lui accordant un congé non payé, après que le congé ait été pris sans autorisation, mais lui a demandé de lui indiquer si elle était absente en raison d'une maladie, pour des motifs personnels ou en affectation. La fonctionnaire n'a pas répondu et, éventuellement, on lui a ordonné de retourner au travail et on l'a informé que, à défaut de retourner au travail, elle s'exposait à un licenciement. La fonctionnaire n'est pas retournée au travail. L'employeur lui a donné deux autres chances de retourner au travail avant de décider de mettre fin à son emploi. L'arbitre de grief a convenu avec l'employeur que le licenciement était pour des motifs administratifs, car la fonctionnaire ne s'était pas conformée aux directives légitimes de l'employeur. Au paragraphe 91, l'arbitre de grief est arrivé à la conclusion que, malgré la preuve de la fonctionnaire selon laquelle elle ne voulait pas abandonner son poste, c'était effectivement ce qu'elle avait fait en ne se conformant pas aux directives de l'employeur de retourner au travail.

89 Le paragraphe 93 de Lindsay stipule ce qui suit :

Un employeur a pleinement le droit de s'attendre à ce qu'un employé se présente au travail. Il s'agit d'un élément intrinsèque de la relation d'emploi et d'un contrat d'emploi. L'employé doit avoir une autorisation préalable pour s'absenter du travail. Cette autorisation est donnée en conformité avec les règles établies dans la convention collective. Les seules exceptions à cette logique fondamentale seraient les situations où l'employé ne peut pas, pour des motifs impérieux, communiquer avec l'employeur pour obtenir une autorisation. […]

90 Les faits dans Lindsay sont très semblables à ceux en l'espèce. La fonctionnaire a admis avoir remis son ID et son laissez-passer, mais a déclaré qu'elle n'en avait pas vraiment l'intention. Elle aurait pu faire plusieurs choses pour dissiper la croyance qu'elle avait l'intention d'abandonner son poste. En contre-interrogatoire, elle a admis qu'elle aurait pu faire autre chose; cependant, elle n'en a fait aucun au motif qu'elle était dépressive et qu'elle ne se sentait pas bien.

91 Selon la preuve, la fonctionnaire n'a fait aucun effort pour retourner au travail. Même si la fonctionnaire a affirmé qu'elle n'avait pas de médecin de famille, elle a admis qu'elle allait à des cliniques sans rendez-vous et à l'urgence des hôpitaux et qu'elle n'avait eu recours à aucun de ces services pour justifier son absence du travail. Elle a admis qu'on lui avait fourni des renseignements sur le PAE mais, encore une fois, n'a déployé aucun effort pour communiquer avec les responsables du programme.

92 Okrent c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada),2013 CRTFP 65, ressemble à l'affaire en cause, car l'employeur avait demandé à Mme Okrent de remplir des formulaires de demande de congé et de fournir des renseignements médicaux pour justifier ses absences du milieu de travail ainsi que sa demande de mesures d'adaptation. Mme Okrent a ignoré ces demandes même si les avertissements étaient que le défaut de se conformer aux demandes pouvait entraîner son licenciement, ce qui s'est éventuellement produit. L'arbitre de grief a soutenu ce qui suit au paragraphe 42 :

Je conclus que l'employeur avait amplement de motifs administratifs de licencier la fonctionnaire en raison de sa persistance à ne pas donner suite à ses demandes d'information légitimes afin de justifier ses absences du travail. […]

93 Dès la réception de la correspondance de M. St John, datée du 23 mai 2012, la fonctionnaire avait un accès direct à ce dernier puisqu'il lui avait fourni son numéro de téléphone direct. Elle ne l'a jamais appelé et ne lui a jamais écrit pour lui répondre. La fonctionnaire a refusé de communiquer.

94 Weiten c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise),[1995] C.R.T.F.P.C. no 68 (QL) concerne un fonctionnaire qui a allégué des actes de harcèlement et qui a ensuite commencé une longue période de congé. L'employeur a demandé au fonctionnaire, en un certain nombre d'occasions, de l'informer de ses intentions à l'égard de son emploi, à défaut de quoi il pourrait être licencié. Le fonctionnaire n'a pris aucune mesure pour communiquer avec son employeur et prendre des dispositions pour retourner au travail. L'arbitre de grief a déclaré ce qui suit à la page 9 de la décision :

[…] il n'a pris aucune mesure afin de communiquer avec son employeur en vue de son retour au travail ou de la poursuite de son congé. Il était tenu de le faire. Lorsqu'on l'a sommé de revenir au travail, M. Weiten avait le choix. Il pouvait revenir au travail et poursuivre ses recours grâce aux mécanismes de redressement à sa disposition. Il aurait également pu communiquer avec son employeur et formuler certaines suggestions quant à son retour au travail. Il a choisi de n'en rien faire. Le fait de répondre à la lettre du 14 octobre en indiquant qu'il ne reviendrait pas au travail tant que les questions en suspens ne seraient pas réglées ne lui a pas permis de s'acquitter de cette obligation.

95 L'employeur m'a aussi renvoyé à Latchford c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), [1996] C.R.T.F.P.C. no 97 (QL) dans laquelle le fonctionnaire était absent du travail sans autorisation. L'employeur a licencié le fonctionnaire, estimant qu'elle avait abandonné son poste. Au paragraphe 29 de la décision, l'arbitre de grief a énoncé ce qui suit :

[…] Je crois que l'employeur a fait tout ce qu'il était raisonnable de faire pour venir à son secours en lui offrant l'aide du Programme d'aide aux employés, en autorisant les demandes de congés antérieures faites par écrit et en essayant de la rejoindre pour discuter de la demande de congé présentée par le SESG. Elle a simplement choisi de ne pas répondre.

96 La fonctionnaire n'a présenté aucune explication raisonnable ou logique quant à savoir pourquoi elle n'avait jamais répondu à la correspondance de M. St John du 23 mai 2012. Sa seule explication était qu'elle ne se sentait pas bien. Elle n'a pas expliqué pourquoi elle n'avait exercé aucune des options qui lui avaient été présentées.

97 L'employeur a soutenu que sa conduite pendant toute la durée de la procédure avait été raisonnable.

98 La fonctionnaire a indiqué qu'elle éprouvait une douleur constante; toutefois, lorsqu'elle a obtenu un certificat médical la limitant à quatre jours de travail par semaine, elle ne l'a pas tout de suite remis à l'employeur. Elle a expliqué l'avoir gardé pendant un mois parce qu'elle ne pouvait se permettre de ne pas être rémunérée. Ce n'est ni logique ni raisonnable. Si elle se sentait si malade qu'elle n'était pas en mesure de travailler, elle aurait pu recourir à des programmes.

99 Lorsque l'employeur a reçu la note datée du 3 décembre, il s'était écoulé un mois depuis qu'elle avait été rédigée. Il était donc raisonnable de poser des questions à la fonctionnaire à propos de ses limitations fonctionnelles, car il n'en était pas question dans la note du 3 décembre. L'employeur a remis à la fonctionnaire la lettre du 21 janvier pour qu'elle la remette au Dr Levy, à qui l'on a demandé de présenter à l'employeur une évaluation des limitations fonctionnelles, afin d'aider l'employeur à prendre des mesures d'adaptation à l'égard de la fonctionnaire, le cas échéant. En réponse à la lettre du 21 janvier 2011, la fonctionnaire a déposé un grief (pièce E-5).

100 Le Dr Levy voulait être payé pour répondre à la lettre du 21 janvier 2011 et la fonctionnaire a laissé entendre que l'employeur n'était pas disposé à payer pour obtenir cette lettre. En aucun temps l'employeur n'a affirmé qu'il ne paierait pas pour la lettre. Il a été mentionné à la fonctionnaire qu'elle serait remboursée si elle payait le Dr Levy à l'avance. L'employeur a toujours été prêt à financer le paiement pour obtenir la réponse du Dr Levy. Cela est confirmé dans un courriel daté du 20 mars 2011 de Mme Slaughter à la fonctionnaire (pièce E-9).

101 Le processus visant à obtenir une description des limitations fonctionnelles de la part du Dr Levy prend fin au moment de la rupture de la relation entre le médecin et la fonctionnaire. Aucune explication raisonnable n'est communiquée à l'employeur.

102 L'employeur m'a renvoyé à Kwan c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), [1996] C.R.T.F.P.C. no 66 (QL), dans laquelle un fonctionnaire a refusé de travailler, alléguant qu'il avait peur d'un autre employé à la suite d'une altercation. Même si la peur pour la sécurité d'une personne peut constituer un motif de refuser d'obéir à un ordre, cette peur doit être évaluée objectivement.

103 La fonctionnaire a déclaré qu'à l'occasion de la rencontre du 2 mars 2012, M. Bedic criait après elle; toutefois, selon la preuve de M. Bedic, il ne criait pas. Cette preuve est corroborée par Mme Kinchen, qui, dans un courriel qu'elle a envoyé à la fonctionnaire (pièce G-2), a déclaré que M. Bedic ne criait pas. La preuve de M. St John était que M. Bedic parlait d'une voix douce et que Mme Kinchen lui avait dit que M. Bedic n'avait pas crié lors de la rencontre du 2 mars 2012 (pièce E-1, onglet 11). Selon la fonctionnaire, pendant cette même rencontre, M. Bedic a menacé de prendre des mesures disciplinaires à son égard; cependant, M. Bedic a témoigné qu'il ne l'avait pas fait. Il n'y a eu aucune menace et aucune mesure disciplinaire. Même s'il y avait eu menace de mesures disciplinaires, il ne s'agit pas d'un motif raisonnable pour désobéir à la directive de retourner au travail ou de présenter des documents de congé ou des notes de médecin, tel qu'il a été demandé.

104 L'employeur a soutenu que, même si je conclus que les faits de cette affaire inspirent de la sympathie étant donné que la fonctionnaire a fait allusion aux pertes qu'elle a subies en raison de la perte de son emploi, ma décision ne devrait pas être motivée par cette sympathie. S'il existe une preuve convaincante, la sympathie ne devrait pas l'emporter. À cet égard, l'employeur m'a renvoyé au paragraphe 76 de Kwan, qui indique ce qui suit :

Je suis d'avis que l'employeur a produit une preuve accablante à l'appui de sa décision de licencier M. Kwan. Même si j'ai beaucoup de sympathie pour un employé tel que M. Kwan qui se trouve sans emploi par les temps difficiles que nous connaissons, il ne m'a laissé d'autre choix que de rejeter son grief. […]

105 L'employeur a également soutenu qu'un élément de crédibilité s'était inséré dans cette affaire d'une façon très restrictive. La fonctionnaire a allégué qu'au cours de la rencontre du 2 mars 2012, M. Bedic avait dit certaines choses et s'était comporté d'une certaine façon. La pièce G-2, soit un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Kinchen, n'appuie pas la version des faits alléguée par la fonctionnaire de la rencontre du 2 mars 2012. On a passé en revue ce document avec la fonctionnaire et elle a indiqué qu'elle était d'accord avec les affirmations de Mme Kinchen, à l'exception du fait qu'elle avait nié que M. Bedic ne criait pas et qu'elle [traduction] « avait dit aux gens qu'elle démissionnait ». Cela signifie que la fonctionnaire est d'accord avec la version des faits présentée dans le courriel et, pour ce motif uniquement, le grief doit être rejeté.

B. Pour la fonctionnaire

106 La fonctionnaire a fait valoir qu'elle ne se trouverait pas dans cette situation s'il n'était pas aussi difficile pour les gens d'avoir un médecin de famille en Ontario.

107 La fonctionnaire a affirmé qu'il n'était pas possible de faire reconnaître une invalidité en se rendant dans des cliniques sans rendez-vous, car celles-ci ne disposent d'aucun antécédent médical.

108 La fonctionnaire a fait valoir que son employeur aurait pu l'envoyer à SC en tout temps, mais qu'il ne l'avait pas fait. Elle n'avait aucune objection quant au fait de se rendre à SC pour subir une évaluation et son employeur aurait pu l'obliger à y aller s'il l'avait voulu.

109 La fonctionnaire a affirmé qu'elle avait pris des médicaments pendant 10 ans et que, lorsqu'elle est retournée au travail, la douleur était si intense qu'elle ne pouvait plus le supporter.

110 La fonctionnaire a affirmé qu'il est bien connu qu'il y a des problèmes de santé mentale au sein de l'effectif du gouvernement fédéral.

111 La fonctionnaire a fait valoir que M. Bedic n'avait pas dit la vérité dans son témoignage. Elle ne lui a jamais demandé un congé de trois ans, car elle n'aurait pas été en mesure de survivre financièrement.

112 M. Bedic n'a pas dit la vérité lorsqu'il a déclaré qu'il lui avait suggéré de se rendre à SC pour y subir une évaluation. Dans ses arguments, elle a soutenu que l'employeur ne recommandait jamais aux employés de subir une évaluation de SC, car il était bien au courant du niveau élevé de problèmes de santé mentale.

113 En ce qui concerne certaines mesures d'adaptation concernant le médecin de SC, la fonctionnaire a affirmé que M. Bedic avait été malhonnête lorsqu'il a déclaré qu'elle avait exigé que le médecin soit en mesure de parler anglais.

114 La fonctionnaire a affirmé que la demande qu'elle avait formulée concernant un médecin de SC qui était né et qui avait été élevé au Canada, et dont la race et l'ethnicité étaient les mêmes que les siennes, était une demande à laquelle elle croyait avoir droit, car, selon elle, des milliers de personnes formulent cette demande en Ontario. Elle a déclaré qu'elle n'aurait pas retardé l'évaluation de SC si elle avait su que l'employeur ne pouvait répondre à cette mesure d'adaptation.

115 La fonctionnaire a déclaré que M. Bedic [traduction] « l'avait piégée » en lui demandant de présenter par écrit sa demande de mesures d'adaptation concernant un médecin qui est né et qui a été élevé au Canada, et dont la race et l'ethnicité sont les mêmes que les siennes. Elle a fait valoir que la rencontre du 2 mars 2012 avait pour but de prendre une mesure disciplinaire à son égard, et c'est effectivement ce qu'il a fait. Elle a affirmé que la direction se comportait toujours ainsi.

116 La fonctionnaire a déclaré que le ministère du Travail était légalement responsable de veiller à ce que les environnements de travail soient sains et sécuritaires, et que son milieu de travail ne l'était pas et qu'aucune mesure n'avait été prise afin de corriger la situation.

117 La fonctionnaire a fait valoir que, selon la correspondance concernant le retour au travail envoyée par M. Bedic et M. St John, tous deux voulaient qu'elle retourne au travail sous la supervision de M. Bedic. Ils auraient pu offrir d'organiser un rendez-vous avec SC. La recommandation d'avoir recours au PAE n'est pas la même chose que de subir une évaluation de SC, et l'employeur le savait bien. Il était inapproprié de lui transmettre le formulaire pour demander à un médecin de le remplir, car il savait qu'elle n'avait aucun médecin de famille.

118 La fonctionnaire a fait valoir que l'employeur aurait pu lui offrir un emploi dans un autre ministère ou dans une autre division. Il aurait pu faire beaucoup de choses pour elle, mais il n'a rien fait. L'employeur avait du pouvoir et il en a abusé.

119 M. Bedic a été abusif, humiliant et dégradant.

C. Réponse de l'employeur

120 La fonctionnaire n'a jamais contre-interrogé M. Bedic relativement aux allégations qu'elle a faites dans son argument stipulant qu'il avait été abusif, humiliant et dégradant. En plus du témoignage de M. Bedic, il y a deux éléments de preuve qui abordent la question de la rencontre, soit la pièce E-1, onglet 11, et la pièce G-2. La pièce G-2 contient le courriel de Mme Kinchen à la fonctionnaire daté du 10 août 2012 et établit la version de Mme Kinchen quant à ce qui s'est déroulé lors de cette rencontre. Cette pièce n'a pas été présentée à M. Bedic. La fonctionnaire n'a jamais affirmé dans le cadre de son témoignage que M. Bedic avait été abusif, humiliant et dégradant.

121 La fonctionnaire a fait valoir que le PAE n'était pas la même chose qu'une évaluation de SC et qu'il n'avait pas le même poids. Il n'y a absolument aucune preuve des différences entre les deux et il n'y a pas non plus de preuve de ce que les services du PAE auraient pu faire pour aider la fonctionnaire, puisqu'elle ne s'est jamais adressée au PAE. La seule preuve concernant le PAE figure dans les documents joints à la correspondance de M. St John datée du 23 mai 2012 à la pièce E-1, onglet 11, soit un extrait du site Web du PAE, qui fait référence à des services de counseling à court terme et à l'aide du PAE en vue de renvoyer un employé à un spécialiste, au besoin.

122 Les arguments de la fonctionnaire sont conformes aux mesures qu'elle a prises tout au long de cette affaire; elle formule des hypothèses, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.

IV. Motifs

123 Il est bien reconnu dans la jurisprudence en matière de droit du travail que, lorsqu'un employé s'absente du travail sans s'être vu accorder une forme de congé autorisé, cet employé a, tout compte fait, abandonné son emploi, ce qui représente un motif au sens de l'alinéa 12(1)e) et du paragraphe 12(3) de la LGFP. (voir, p. ex., Lindsay, Okrent, Weiten et Latchford).

124 Les faits saillants ne sont pas contestés. Le 5 mars 2012, la fonctionnaire s'est présentée à son lieu de travail, a remis son laissez-passer et son ID à la représentante de son agent négociateur, est partie, et n'est jamais revenue.

125 Même s'il existe un litige quelconque quant à savoir si la fonctionnaire quittait son emploi ou démissionnait, la remise de son laissez-passer et de son ID à Mme Kinchen, son défaut de retourner au lieu de travail ainsi que son défaut de présenter toute forme de demande de congé indiquent fortement que son intention était, à l'époque, d'abandonner son emploi.

126 Le 12 avril 2012, le gestionnaire responsable de l'unité de travail de la fonctionnaire, M. Bedic, lui a écrit et lui a demandé si elle avait l'intention de démissionner. Dans sa lettre, il lui a suggéré d'examiner les options de congé présentées dans la convention collective et de parler avec la représentante de son agent négociateur. Il lui a donné comme directive de lui remettre des documents appuyant une demande de congé ou une lettre de démission. Il lui a dit qu'à défaut de se conformer à sa demande au plus tard à une date déterminée, elle serait considérée comme étant en congé non autorisé et qu'elle pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement. Le numéro du PAE ainsi que le numéro de téléphone du gestionnaire ont été communiqués à la fonctionnaire, de même que des directives l'invitant à communiquer avec lui si elle avait des questions. La fonctionnaire n'a répondu d'aucune façon à cette lettre.

127 Le 30 avril 2012, M. Bedic a écrit une deuxième fois à la fonctionnaire. Il a réitéré ce qui était indiqué dans sa lettre du 12 avril 2012 et a confirmé qu'il n'avait eu aucune nouvelle de sa part. Il a demandé à la fonctionnaire de se présenter à son bureau le 7 mai 2012, à 9 h, à défaut de quoi elle s'exposait à la perte de son emploi. Il lui a de nouveau fourni le numéro pour communiquer avec le PAE en plus de lui donner son numéro de téléphone pour qu'elle puisse communiquer avec lui si elle avait des questions. La fonctionnaire a reçu la lettre du 30 avril 2012. Cependant, elle n'a ni répondu à M. Bedic ni ne s'est présentée au travail le 7 mai 2012, à 9 h, comme on le lui avait demandé.

128 En même temps, la fonctionnaire a envoyé une lettre datée du 30 avril 2012 au supérieur de M. Bedic, M. St John, qu'il a affirmé avoir reçu le 8 mai 2012. Dans cette lettre, la fonctionnaire a fait des allégations concernant le comportement de M. Bedic dans le cadre d'une rencontre qui a eu lieu l'après-midi du vendredi 2 mars 2012.

129 M. St John a répondu à la lettre du 30 avril 2012 de la fonctionnaire au moyen d'une lettre datée du 23 mai 2012. Il a souligné qu'il mènerait une enquête sur les allégations qu'avait faites la fonctionnaire concernant M. Bedic lors de la rencontre du 2 mars 2012; cependant, il a également demandé à la fonctionnaire de résoudre immédiatement sa situation d'emploi, car elle était absente du travail dans le cadre d'un congé non autorisé depuis le 5 mars 2012. Elle était tenue de se présenter au travail le mercredi 6 juin 2012, à 9 h; en cas d'invalidité, elle devait remplir un certificat médical d'incapacité de travailler. Il a ajouté que si elle ne se présentait pas au travail, ne fournissait pas des documents médicaux pour justifier son absence ou si elle omettait de présenter sa démission au plus tard à la date limite du 6 juin 2012, il recommanderait son licenciement.

130 La fonctionnaire a admis avoir ignoré la lettre de M. St John ainsi que les instructions claires et sans équivoque qu'elle contenait. En termes très simples, elle devait se présenter au travail le 6 juin 2012, à 9 h, à défaut de quoi elle devait fournir une note du médecin justifiant qu'elle n'était pas en mesure de se présenter ou présenter sa lettre de démission.

131 M. St John a également fourni un accès au PAE à la fonctionnaire, en plus de lui communiquer son numéro de téléphone direct. La fonctionnaire a admis n'avoir pas communiqué avec le PAE ou avec M. St John.

132 Le 5 mars 2012, la fonctionnaire a choisi de remettre son laissez-passer et son ID et a choisi de ne pas retourner au travail. Elle savait qu'elle était absente sans congé autorisé et que l'employeur considérait son statut d'emploi comme étant un congé non autorisé. La fonctionnaire était au courant qu'elle devait, à tout le moins, demander et obtenir un congé de son employeur pendant la durée de son absence. Elle a choisi de ne pas prendre cette mesure.

133 Après avoir remis son laissez-passer et son ID, la fonctionnaire n'est pas retournée au travail. L'employeur lui a demandé à deux occasions distinctes de se présenter au travail, à défaut de quoi elle pourrait perdre son emploi. Elle ne s'est pas présentée au travail, elle n'a pas rempli de formulaire de demande de congé et elle n'a pas fourni un certificat médical pour justifier son absence.

134 La fonctionnaire a expliqué qu'elle ne s'était pas présentée au travail conformément aux instructions de M. St John parce qu'elle était malade et qu'elle était bouleversée. La fonctionnaire n'a présenté aucune note du médecin à l'employeur et n'a déposé aucune preuve médicale quelconque pendant la présente audience pour justifier cette allégation. La seule preuve médicale qui m'a été présentée était la note du Dr Levy datée du 3 décembre. Même si la fonctionnaire a effectivement témoigné qu'elle n'avait pas de médecin de famille après la rupture de sa relation avec le Dr Levy aux environs du printemps 2011, elle a affirmé que lorsqu'elle ne se sentait pas bien, elle se rendait dans des cliniques sans rendez-vous ou à l'urgence d'un hôpital.

135 La fonctionnaire a laissé entendre que c'était le comportement de M. Bedic lors de la rencontre du 2 mars 2012 qui l'avait poussée à remettre son laissez-passer et son ID. Pour un certain nombre de raisons, j'ai de la difficulté à accepter la preuve de la fonctionnaire à cet égard.

136 D'abord et avant tout, il y a la preuve de ce qui s'est produit lors de la rencontre en soi. Il n'y avait que trois personnes dans la salle, dont deux d'entre elles ont témoigné devant moi, et leur preuve était contradictoire.

137 Les questions liées à la crédibilité sont tranchées au moyen du critère énoncé dans Faryna c. Chorny,[1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si l'acceptation de la crédibilité d'un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l'apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l'administration de la justice dépendrait des talents d'acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l'apparence de sincérité n'est qu'un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'apprécier la crédibilité d'un témoin. Les possibilités de connaissance, la capacité d'observation, le jugement, la mémoire, l'aptitude à décrire avec précision ce qui a été vu et entendu contribuent, de concert avec d'autres facteurs, à créer ce qu'on appelle la crédibilité […] Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu'il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas assez peu fréquents où l'on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de preuve contradictoire, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu'il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l'espèce. En somme, le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans un tel cas doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu'une personne éclairée et douée de sens pratique peut d'emblée reconnaître comme raisonnable dans une telle situation et de telles circonstances. […]

[…]

138 La troisième personne présente à la rencontre du 2 mars 2012 était la représentante de l'agent négociateur, Mme Kinchen. Mme Kinchen n'a pas témoigné devant moi; cependant, la pièce G-2 comprend un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Kinchen. Les souvenirs des faits de la rencontre de la fonctionnaire et ceux de Mme Kinchen diffèrent sur certains des principaux aspects. La fonctionnaire a fait valoir que, pendant la rencontre, M. Bedic lui avait crié après et l'avait menacé de prendre des mesures disciplinaires à son égard. M. Bedic a déclaré dans son témoignage ne pas avoir crié après la fonctionnaire, mais qu'il avait probablement été plus assertif après que la fonctionnaire ait suggéré qu'il avait tenté de « la piéger ». Les souvenirs de Mme Kinchen, tels qu'ils sont présentés dans son courriel du 10 août 2012, envoyé uniquement à la fonctionnaire, reflètent la version des événements présentée par M. Bedic dans son témoignage.

139 M. St John avait interviewé Mme Kinchen relativement aux allégations de la fonctionnaire à propos du fait que M. Bedic criait et avait menacé la fonctionnaire de prendre des mesures disciplinaires à son égard pendant la rencontre. La preuve de M. St John concernant ce que Mme Kinchen lui a dit qu'il s'était produit pendant la rencontre reflète également ce que Mme Kinchen a écrit dans le courriel du 10 août 2012 qu'elle a envoyé à la fonctionnaire.

140 M. Bedic n'était pas le superviseur direct de la fonctionnaire mais, selon la chaîne hiérarchique, occupait un échelon supérieur à celui du superviseur direct de la fonctionnaire, M. Broerse. M. Bedic avait très peu de contact direct avec la fonctionnaire et occupait son poste depuis très peu de temps, ayant pris la relève de Mme Slaughter, en mai 2011. Selon la preuve de la fonctionnaire et de M. Bedic, la fonctionnaire était en congé pendant l'été 2011, puis en congé pendant trois mois de plus, soit en novembre et décembre 2011 et en janvier 2012; elle est retournée au travail en février 2012. D'après ce que je peux comprendre, lorsque la fonctionnaire a remis son laissez-passer et son ID le 5 mars 2012, M. Bedic aurait été le superviseur indirect de la fonctionnaire pendant environ neuf mois, durant lesquels la fonctionnaire s'est absentée du milieu de travail pendant cinq mois. En outre, il semble que les plaintes de la fonctionnaire à propos de son milieu de travail et de sa situation médicale remontent bien avant l'apparition de M. Bedic dans la chaîne hiérarchique.

141 Même si la rencontre du 2 mars 2012 semble avoir été prévue pour traiter de la question d'une évaluation de SC, la preuve dont je suis saisie laisse entendre que la fonctionnaire n'a jamais donné suite à l'évaluation de SC. L'évaluation de SC est un processus qui demande le consentement de la fonctionnaire. Selon la preuve, la fonctionnaire avait fait quelques demandes quant à la nationalité, l'ethnicité et l'éducation du médecin de SC qu'elle serait prête à rencontrer. L'employeur, pendant la rencontre du 2 mars, 2012, a indiqué clairement à la fonctionnaire que ces conditions ne seraient pas acceptables. Même s'il y a un certain désaccord quant à ce qui s'est déroulé lors de la rencontre, personne ne m'a présenté une preuve selon laquelle la fonctionnaire a accepté la position de l'employeur voulant que les conditions qu'elle avait posées à propos de l'évaluation par un médecin de SC étaient été inacceptables; ou qu'elle avait donné son consentement à l'évaluation de SC.

142 La seule preuve à propos de l'évaluation de SC qui m'a été présentée, autre que la demande de la fonctionnaire relativement aux conditions liées au médecin de SC, est présentée aux paragraphes 4 et 5 du courriel en date du 10 août 2012, de Mme Kinchen à la fonctionnaire (pièce G-2). Selon Mme Kinchen, après qu'elle et la fonctionnaire ont quitté la rencontre du 2 mars 2012 avec M. Bedic, elle a demandé à la fonctionnaire si elle retournerait au travail si elle avait la possibilité de subir une évaluation de SC et que la seule condition relative au médecin soit le genre. Selon ce courriel, la fonctionnaire a répondu à Mme Kinchen en formulant le commentaire [traduction] « à un environnement abusif où le gestionnaire crie ». Plus loin dans ce courriel, Mme Kinchen a déclaré avoir dit à la fonctionnaire qu'elle devrait envisager de voir tout médecin de SC fourni par l'employeur. La fonctionnaire, en contre-interrogatoire, a convenu que cette partie du courriel de Mme Kinchen était exacte.

143 Examinés dans leur ensemble, ces faits laissent entendre que les événements de la rencontre du 2 mars 2012 ne se sont pas déroulés comme l'a allégué la fonctionnaire.

144 M. Bedic a écrit à la fonctionnaire à deux reprises et M. St John lui a écrit une fois. Même si la fonctionnaire peut ne pas avoir voulu traiter avec M. Bedic, cela n'explique certainement pas pourquoi elle n'a pas communiqué avec M. St John lorsqu'il a donné son numéro de téléphone direct; cela n'explique pas non plus la raison pour laquelle elle n'a pas rempli un formulaire de demande de congé ou pourquoi elle ne s'est pas présentée dans une clinique ou à l'urgence d'un hôpital afin d'obtenir une note de médecin pour justifier son absence. De plus, cela n'explique pas pourquoi elle n'a pas demandé l'aide du PAE, qui aurait pu la renvoyer à un spécialiste, au besoin.

145 La fonctionnaire a eu des possibilités de régler sa situation, soit en se présentant au travail ou en présentant un certificat médical; elle n'a fait ni l'un ni l'autre. En outre, la fonctionnaire n'a pris aucune autre mesure qui, au moment pertinent, aurait peut-être pu lui donner d'autres options. La fonctionnaire n'a tout simplement rien fait.

146 La fonctionnaire s'est présentée à cette audience portant sur ces questions qui ont mené à la perte de son emploi. Certains des faits remontaient à plus de quatre ans après la présentation de la note du 3 décembre et d'autres faits remontaient à plus de trois ans après les événements des 2 et 5 mars 2012. La fonctionnaire n'avait toujours pas de preuve médicale quelconque à propos des maux dont elle souffrait à l'époque ou depuis.

147 J'arrive à la conclusion que les actions de la fonctionnaire de s'absenter du travail sans autorisation démontrent qu'elle a abandonné son emploi et, par conséquent, que son employeur était justifié de la licencier et que ce licenciement était motivé.

148 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

148  Le grief est rejeté.

Le 20 avril 2015.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.