Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Un processus de nomination interne annoncé a été lancé aux fins de la création d'un bassin de candidats qualifiés pour des postes PM 02. La plaignante a été jugée qualifiée, et sa candidature a été placée dans le bassin. Elle a obtenu deux nominations intérimaires à partir du bassin, et la personne sélectionnée en vue d'une nomination pour une période indéterminée en a obtenu trois. La plaignante n'a pas porté plainte à propos de ces nominations intérimaires. Elle avance que l'intimé l'a mal informée au sujet d'une des nominations intérimaires, ce qui l'a empêchée de se prévaloir de son droit de porter plainte. Elle soutient que l'intimé a utilisé des pratiques de dotation inappropriées en détachant à un poste PM 02 la personne nommée. Or, cette personne occupait un poste CR 04, et les détachements sont censés se faire à un poste de même niveau. La plaignante affirme par ailleurs que l'intimé a abusé de son pouvoir en choisissant des critères inappropriés afin de sélectionner la personne qui a été nommée pour une période indéterminée à partir du bassin. L'intimé nie ces allégations et soutient que les critères utilisés pour sélectionner un candidat dans le bassin ont été déterminés en fonction du travail à effectuer et des besoins de l'organisation.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150514
  • Dossier: 2013-0251
  • Référence: 2015 CRTEFP 44

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

DANIELLE POND

Plaignante

et

LE SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

Intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Pond c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Décision:
La plainte est rejetée
Devant:
Merri Beattie, commissaire
Pour la plaignante:
Raymond Brossard
Pour l'intimé:
Zorica Guzina
Pour la Commission de la fonction publique:
Louise Bard (observations écrites)
Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba)
les 21 et 22 octobre 2014

Introduction

1 Danielle Pond, la plaignante, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant des postes d'agent de l'inscription des Indiens/formateur (AII) et d'agent des successions et de l'administration des bandes (ASAB) de groupe et niveau PM-02 à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC). La plaignante soutient que l'intimé, le sous-ministre d'AADNC, a abusé de son pouvoir en utilisant des pratiques de dotation inappropriées et en lui transmettant des renseignements faux, voire trompeurs. Les allégations se rapportent à l'ensemble du processus de nomination, y compris les nominations intérimaires qui ont été effectuées avant la nomination pour une période indéterminée en cause. La plaignante affirme en outre que l'intimé a abusé de son pouvoir en choisissant des critères inappropriés pour sélectionner un candidat dans le bassin en vue d'une nomination pour une période indéterminée.

2L'intimé nie les allégations. Il soutient que la plainte concerne seulement la nomination pour une période indéterminée et que les critères utilisés pour sélectionner un candidat dans le bassin avaient été déterminés en fonction du travail à effectuer et des besoins de l'organisation.

3La Commission de la fonction publique (CFP) n'était pas présente lors de l'audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n'a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4Pour les motifs énoncés ci-après, la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la CRTEFP) conclut que la plaignante n'a pas démontré que l'intimé avait abusé de son pouvoir.

Contexte

5En juillet 2011, l'intimé a lancé le processus de nomination interne annoncé no 11-IAN-IA-AO-MB-GOV-117998 en vue de créer un bassin de candidats qualifiés pour des postes d'AII et d'ASAB. Un seul énoncé des critères de mérite a été établi pour le processus.

6Le 28 octobre 2011, un bassin de candidats qualifiés a été établi pour une période de un an, qui a ensuite été prolongée. Sarah Chammartin et la plaignante ont toutes deux été jugées qualifiées, et leur candidature a été placée dans le bassin. La plaignante a obtenu deux nominations intérimaires à partir du bassin, et Sarah Chammartin en a obtenu trois.

7En juin 2013, l'intimé a publié une Notification de nomination ou de proposition de nomination en vue de nommer Mme Chammartin (la candidate nommée) pour une période indéterminée. Le 4 juillet 2013, la plaignante a présenté une plainte d'abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP), L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13.

8 Le 1er novembre 2014, l'entrée en vigueur de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique a entraîné la création de la CRTEFP, qui exerce dorénavant les anciennes fonctions du TDFP.

9Dans ses allégations écrites, la plaignante avance que le président du comité d'évaluation, Carmen Kardoes, directeur de la Gouvernance et du développement communautaire, se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts puisqu'il avait déjà travaillé avec Sarah Chammartin. La plaignante a retiré cette allégation à l'audience; en conséquence, la CRTEFP n'en tiendra pas compte.

Questions en litige

10La CRTEFP doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en fournissant de faux renseignements à la plaignante et en utilisant des pratiques de dotation inappropriées dans le processus de nomination?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant des critères inappropriés afin de sélectionner la candidate nommée pour une période indéterminée?

Analyse

11L'article 77 de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de sélection pour un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la CRTEFP une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou n'a pas fait l'objet d'une proposition de nomination en raison d'un abus de pouvoir. Le fardeau de la preuve revient à la plaignante, qui doit présenter suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer à la CRTEFP qu'il y a lieu, selon la prépondérance des probabilités, de conclure à l'abus de pouvoir (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, para. 49, 50 et 55).

Question I : L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en fournissant de faux renseignements à la plaignante et en utilisant des pratiques de dotation inappropriées dans le processus de nomination?

12Comme il est indiqué dans l'introduction, ces allégations concernent en partie les nominations intérimaires d'abord effectuées dans le cadre du processus interne annoncé. L'intimé soutient pour sa part que la plainte concerne seulement la nomination pour une période indéterminée. La plaignante a eu l'occasion de porter plainte à propos des nominations intérimaires, mais ne l'a pas fait. Selon l'intimé, lui permettre de le faire maintenant contreviendrait à la LEFP.

13Dans la décision Brown c. Canada (Procureur général), 2009 CF 758, la Cour fédérale a mentionné qu'il faut prendre en considération les éléments de preuve pertinents dans leur ensemble, notamment au regard des événements qui se sont produits, afin d'établir s'il y a eu abus de pouvoir dans un processus de nomination. Avant d'obtenir la nomination pour une période indéterminée qui est en cause, Sarah Chammartin a obtenu trois nominations intérimaires à partir du bassin. La plaignante n'a pas porté plainte à propos de ces nominations intérimaires. Elle avance que l'intimé l'a mal informée au sujet d'une des nominations intérimaires, ce qui l'a empêchée de se prévaloir de son droit de porter plainte. Comme les nominations intérimaires font partie de la suite d'événements qui ont mené à la nomination de Mme Chammartin pour une période indéterminée dans le cadre du processus, la CRTEFP en tient compte dans l'évaluation de la présente plainte d'abus de pouvoir.

14La plaignante a été avisée par courriel le 28 octobre 2011 qu'elle était jugée qualifiée dans le processus de nomination et que sa candidature était placée dans un bassin qui servirait à effectuer des nominations. Il était précisé dans le courriel que le nom des différents destinataires avait été masqué à des fins de protection des renseignements personnels; or, leurs noms étaient bien visibles. La plaignante n'a fait référence à aucune disposition législative ou réglementaire en vertu de laquelle il serait obligatoire de garder confidentiel le nom des personnes faisant partie d'un bassin de candidats qualifiés. Selon la CRTEFP, si une telle façon de faire ne correspond pas à la procédure habituelle, comme la plaignante l'a indiqué, elle n'en est pas pour autant inappropriée.

15La plaignante soutient que l'intimé a détaché à un poste PM-02 la candidate nommée. Or, cette dernière occupait un poste CR-04, et les détachements sont censés se faire à un poste de même niveau. M. Kardoes a déclaré que la candidate nommée avait d'abord été sélectionnée dans le bassin PM-02 en vue d'une nomination intérimaire. Elle occupait un poste CR-04 à Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et, selon M. Kardoes, comme il s'agissait d'une nomination temporaire, il était nécessaire de la détacher pour qu'AADNC puisse la payer durant sa nomination intérimaire. Il a expliqué que le détachement et la nomination intérimaire avaient eu lieu en même temps : la candidate nommée n'a jamais occupé de poste CR-04 à AADNC, et le détachement avait pour but de régler la question de la rémunération.

16Dans la décision Pugh c. Sous-ministre d'Environnement Canada, 2007 TDFP 3, le TDFP a précisé qu'un détachement est le placement temporaire d'un fonctionnaire dans un autre ministère pour que ce fonctionnaire assume, pendant une période donnée, certaines tâches énoncées dans une entente interministérielle officielle. La personne en détachement demeure une employée du ministère d'attache. Elle est payée à son groupe et niveau de titularisation, et, à la fin de la période prévue, elle retourne à son poste d'attache au sein du ministère d'attache. Dans l'affaire Pugh, le plaignant a été détaché à un poste de même niveau dans un autre ministère et s'est vu offrir une nomination intérimaire à un niveau plus élevé pour la même période, offre qu'il a acceptée. En l'espèce, la CRTEFP constate que l'intimé a également eu recours simultanément à un détachement à un poste de même niveau et à une nomination intérimaire. La plaignante n'a fait référence à aucune disposition législative qui démontre que l'intimé n'était pas autorisé à prendre ces mesures de dotation simultanées. Par ailleurs, M. Kardoes a expliqué pourquoi il avait dû procéder de la sorte, et aucun élément de preuve ne contredit son explication.

17La plaignante a déclaré que le directeur des Ressources humaines (RH) l'avait informée au printemps 2012 que tous les processus de nomination seraient interrompus et que les bassins de candidats qualifiés cesseraient d'être utilisés en raison du plan d'action pour la réduction du déficit du gouvernement ainsi que d'un exercice ministériel de restructuration. En vue de la réduction possible de l'effectif, tous les employés devaient regagner leur poste d'attache.

18La plaignante a expliqué que sa nomination intérimaire à un poste PM-02 s'était terminée à la fin du mois de mars 2012 et qu'elle avait alors regagné son poste d'attache CR-04 aux Services ministériels. Toutefois, la candidate nommée occupait également un poste PM-02 à titre intérimaire et n'avait pas regagné son poste d'attache à RHDCC. Ryan Young, gestionnaire des Successions, des revenus et de l'administration des bandes, a fait valoir que l'effectif de son unité n'était pas touché et que RHDCC n'avait pas demandé à ce que la candidate nommée regagne son poste d'attache dans ce ministère.

19La plaignante n'a pas présenté d'élément de preuve qui contredit le témoignage de M. Young à ce sujet. Elle a présenté une page du site intranet d'AADNC, qui indique qu'un [traduction] « gel opérationnel » était en cours. Cependant, il n'y est fait aucune mention des employés d'autres ministères travaillant à AADNC ni du fait que tous les employés d'AADNC devaient regagner leur poste d'attache. Il y est annoncé que l'organisation d'attache de la plaignante, les Services ministériels, serait touchée, mais pas l'unité des Successions, revenus et administration des bandes. Cet élément de preuve explique pourquoi la plaignante a dû retourner à son poste CR-04 aux Services ministériels, mais ne démontre pas qu'il était inapproprié de garder la candidate nommée à l'unité des Successions, revenus et administration des bandes.

20La plaignante affirme que le fait d'avoir prolongé la période de validité du bassin PM-02 au-delà du 28 octobre 2012 et continué de l'utiliser [traduction] « pouvait être perçu » comme une façon de garder à AADNC la candidate nommée et ainsi de lui permettre de présenter sa candidature dans le processus en vue d'une nomination pour une période indéterminée. La CRTEFP estime que cette allégation est sans fondement. S'il y a eu divers processus visant à sélectionner des candidats dans le bassin aux fins de nomination, il n'y a eu qu'un processus de nomination dans lequel les candidats pouvaient présenter leur candidature, soit le processus no 11-IAN-IA-AO-MB-GOV-117988. Il a été établi que la candidate nommée faisait partie de la zone de sélection du processus, puisqu'elle était une personne employée dans la fonction publique fédérale à Winnipeg, au Manitoba, ou dans un rayon de 100 kilomètres de Winnipeg. Comme elle a été jugée qualifiée et que sa candidature a été placée dans le bassin, elle n'était pas tenue de travailler à AADNC ou d'y être employée pour être sélectionnée aux fins de nomination. Même si l'intimé a changé de stratégie quant à l'utilisation continue du bassin PM-02, rien n'indique que cette décision ait été inappropriée. Elle a d'ailleurs profité à la plaignante, qui a obtenu deux nominations à partir de ce bassin alors qu'il était censé ne plus être utilisé, et a donc occupé un poste PM-02 de façon intérimaire en continu du 5 novembre 2012 au 31 octobre 2013.

21La plaignante affirme que l'intimé a manipulé les avis de nomination intérimaire relatifs aux nominations intérimaires de la candidate nommée et ne les a pas publiés en temps opportun. Elle a porté à l'attention de la CRTEFP la [traduction] « date de publication » qui figure sur chaque avis. Néanmoins, la CRTEFP constate que ces dates ne démontrent pas de façon fiable le moment où les avis ont été publiés. Par exemple, deux versions de l'avis relatif à la nomination intérimaire de la candidate nommée commençant le 1er avril 2012 et se terminant le 28 septembre 2012 ont été présentées comme éléments de preuve. Toutes deux proviennent de Publiservice et sont identiques, à l'exception de la « date de publication » : le 7 novembre 2013 sur l'une et le 19 février 2014 sur l'autre. La plaignante a également présenté une liste de tous les avis de Publiservice relatifs à ce processus de nomination, y compris sept avis de nomination intérimaire, l'Annonce de possibilité d'emploi, la Notification de candidature retenue et la Notification de nomination ou de proposition de nomination visant la nomination pour une période indéterminée dont il est question en l'espèce. Il y a une « date de publication » sur ce document, à savoir le 28 janvier 2014, mais il ne s'agit manifestement pas de la date à laquelle tous ces avis ont été publiés. La « date de publication » sur les avis de nomination intérimaire de Publiservice qui ont été présentés ne démontre pas que l'intimé a manipulé ces avis, comme l'avance la plaignante.

22La CRTEFP accepte les observations de la plaignante, à savoir que l'avis relatif à la deuxième nomination intérimaire de la candidate nommée a été publié trop tard. La nomination a été effectuée pour la période commençant le 1er avril 2012 et se terminant le 28 septembre 2012, et l'avis n'a été publié que le 26 juillet 2012, alors que la période pour porter plainte prenait fin le 10 août 2012. Selon l'article 13 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334, dans le cas d'une nomination intérimaire de quatre mois ou plus, l'avis doit être transmis lorsque la nomination est faite ou proposée. En l'espèce, le défaut de donner un avis de recours en temps opportun dénote de la négligence. Toutefois, le retard n'a pas empêché la plaignante de porter plainte pendant que la nomination intérimaire était encore en vigueur.

23La plaignante a déclaré qu'elle n'avait pas porté plainte quand l'avis relatif à la deuxième nomination intérimaire de la candidate nommée avait été publié parce qu'elle était seulement intéressée par un poste d'ASAB, et que l'avis indiquait que la candidate retenue serait nommée de façon intérimaire à un poste d'AII. Elle a mentionné avoir appris plus tard que la candidate nommée avait occupé un poste d'ASAB durant cette période; or, la période pour porter plainte était terminée. La plaignante avance qu'en indiquant le mauvais titre de poste, l'intimé l'a empêchée de se prévaloir de son droit de porter plainte.

24L'avis en question visait une nomination intérimaire à un poste d'AII du 1er avril au 28 septembre 2012. Selon un formulaire de demande de fin d'emploi, le 28 septembre 2012, Mme Chammartin a quitté AADNC, où elle occupait un poste d'ASAB. En outre, une demande de mesures de dotation du Conseil de gestion de l'effectif (CGE) a été présentée. Elle concerne l'autorisation de reporter du 29 juin au 28 septembre 2012 la fin d'un détachement et d'une nomination intérimaire à un poste d'ASAB. Aucun nom ne figure sur la demande, mais les dates concordent en partie avec la période durant laquelle la candidate nommée a assuré un intérimaire et ne correspondent à aucune autre nomination pour de laquelle des éléments de preuve sont à la disposition de la CRTEFP.

25La CRTEFP constate qu'il y a eu une erreur dans le titre du poste, ce qui dénote également de la négligence dans la préparation de l'avis relatif à la deuxième nomination intérimaire de la candidate nommée. Même si cette erreur a eu des conséquences pour la plaignante, cette dernière a présenté sa candidature dans un processus de nomination visant des postes d'AII et d'ASAB. Elle a en outre décidé de ne pas porter plainte, voire de ne pas se renseigner, au sujet de cette nomination intérimaire, bien qu'elle affirme avoir vu la candidate nommée travailler à l'unité des Successions, revenus et administration des bandes.

26Enfin, la preuve démontre que, au printemps 2013, la candidate nommée occupait par intérim le poste d'ASAB no 5700 et que la plaignante occupait par intérim le poste d'ASAB no 25016. Comme Mme Chammartin a été nommée au poste d'ASAB no 25016,la plaignante a été nommée par intérim au poste d'ASAB no 5700, et sa rémunération intérimaire a été interrompue. La CRTEFP admet l'explication de l'intimé, à savoir que la nomination pour une période indéterminée ne pouvait être effectuée qu'au poste no 25016, qui n'était pas occupé par une personne nommée pour une période indéterminée. La nomination intérimaire de la plaignante a donc été transférée au poste no 5700, qui n'a été vacant que temporairement, puisque le titulaire était en congé. Bien que le changement de postes ait été source de perturbation, rien n'indique qu'il était inapproprié.

27La CRTEFP estime que la plaignante n'a pas démontré que l'intimé avait abusé de son pouvoir en utilisant des pratiques de dotation inappropriées. L'intimé a fait preuve de négligence en ce qui concerne l'avis relatif à l'une des nominations intérimaires effectuées dans le processus. Cependant, la CRTEFP n'est pas convaincue que les deux erreurs susmentionnées étaient suffisamment graves pour constituer un abus de pouvoir. Après la décision Tibbs,le TDFP a répété à de nombreuses reprises qu'il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. Par ailleurs, la CRTEFP estime que les conséquences de ces erreurs pour la plaignante ont été corrigées, puisque cette dernière a eu l'occasion de faire entièrement valoir son cas à la CRTEFP, y compris ses préoccupations en ce qui concerne la nomination intérimaire.

Question II : L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant des critères inappropriés afin de sélectionner la candidate nommée pour une période indéterminée?

28La plaignante soutient que, pour sélectionner un candidat aux fins de nomination à un poste d'ASAB, l'intimé aurait dû mettre l'accent sur les qualifications relatives au service à la clientèle, en particulier l'expérience de la prestation de services, et non sur les compétences liées à la présentation d'exposés. Elle a affirmé que, en tant qu'ASAB intérimaire, elle avait rarement présenté des exposés. Elle a ajouté que les ASAB présentent des exposés à des greffiers de bandes de Premières Nations, mais rarement aux collectivités. En outre, la plaignante a expliqué que la volonté d'augmenter le nombre d'exposés avait été minée par la limitation des déplacements. La plaignante a présenté la justification d'une de ses nominations intérimaires à un poste d'ASAB, où plusieurs critères sont énumérés sous l'entête [traduction] « souci du service à la clientèle », mais aucun relativement à la capacité de préparer des exposés et de les présenter.

29Dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, le TDFP a confirmé que les gestionnaires disposent d'un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications et choisir la bonne personne pour occuper le poste. Le terme « bonne personne » ne se trouve pas dans la LEFP. Il est toutefois utilisé dans la collectivité des RH pour décrire le principe qui permet de décider quel candidat sera nommé parmi les personnes qualifiées. Dans sa série d'orientation qui se rapporte aux Lignes directrices en matière de nomination, la CFP indique aux gestionnaires qu'ils peuvent « appliquer différents critères à différentes nominations dans le cadre d'un même processus de nomination annoncé ». Par conséquent, l'élément de preuve selon lequel les critères utilisés en vue de la nomination pour une période indéterminée n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient été utilisés pour nommer la plaignante de façon intérimaire ne suffit pas à lui seul pour conclure à un abus de pouvoir.

30Les cinq critères utilisés en vue de nommer Mme Chammartin pour une période indéterminée étaient tous énumérés dans l'Énoncé des critères de mérite établi pour le processus de nomination interne annoncé. M. Young a déclaré avoir choisi les critères pour sélectionner les candidats dans le bassin en vue d'une nomination en fonction des besoins de l'organisation et après avoir consulté le personnel des RH et M. Kardoes. En ce qui concerne la nomination pour une période indéterminée, M. Young a choisi la capacité de préparer des exposés et de les présenter parce qu'il a jugé qu'il s'agissait d'une faiblesse dans l'organisation et qu'il voulait renforcer la capacité à cet égard et améliorer les résultats dans cette partie du programme.

31M. Kardoes a déclaré que les ASAB présentent des exposés plusieurs fois par année aux collectivités des Premières Nations au sujet des successions et des investissements. M. Young a confirmé que les ASAB présentent des exposés quand il y a une élection dans une collectivité de Premières Nations, ce qui se produit souvent de 20 à 30 fois au cours d'une année. Les ASAB l'aident à présenter des exposés électoraux et en présentent eux-mêmes, ou avec un collègue PM-02. M. Young a ajouté que de telles situations peuvent être très difficiles, voire dangereuses, quand des questions de fraude ou de méfiance sont soulevées ou quand une élection fait l'objet d'un appel et est renversée. Il estime qu'un ASAB doit présenter un exposé dans ce genre de contexte de deux à dix fois par année. M. Young a convenu qu'il peut être utile d'avoir de l'expérience en la matière, mais a précisé qu'il recherchait une personne possédant les compétences, les capacités et la confiance nécessaires pour effectuer le travail.

32La CRTEFP est d'avis que la preuve ne permet pas de conclure à un abus de pouvoir. Au contraire, M. Young a exercé adéquatement ses pouvoirs quand il a choisi les critères permettant de nommer la bonne personne.

Autres questions

33La plaignante a d'abord allégué que la candidate nommée ne possédait pas les qualifications requises pour être nommée à un poste d'ASAB. La preuve présentée par l'intimé démontre toutefois que la candidate nommée possède toutes les qualifications essentielles requises pour effectuer le travail, et la plaignante n'a présenté aucun élément de preuve ou observation le réfutant.

34À l'audience, la plaignante a fait valoir que différents comités avaient évalué les candidats à l'entrevue. Dans l'affaire Visca, le TDFP a établi que le recours à différents comités d'évaluation dans un processus de nomination relève du pouvoir discrétionnaire considérable dont les gestionnaires bénéficient en vertu de la LEFP. La plaignante n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que des incohérences ou problèmes avaient résulté du recours à différents comités d'évaluation.

35La plaignante soutient qu'elle a eu à demander la tenue d'une discussion informelle et que M. Young n'avait pas l'information qu'elle souhaitait obtenir. Bien que la CRTEFP recommande fortement aux ministères de tenir une discussion informelle avec les candidats non retenus, l'article 47 de la LEFP n'en fait pas une obligation. Cet article énonce clairement qu'une discussion informelle peut avoir lieu à la demande du candidat.

47. À toute étape du processus de nomination interne, la CRTEFP peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n'a pas été retenue.

(Soulignement ajouté)

36M. Young a confirmé qu'il avait rencontré la plaignante pour une discussion informelle, mais n'avait pas pu répondre à toutes ses questions. Il voulait consulter le personnel des RH pour savoir ce qu'il pouvait lui dire. La discussion informelle vise d'abord à communiquer les raisons pour lesquelles un candidat a été éliminé d'un processus ou, comme c'est le cas en l'espèce, n'a pas été sélectionné aux fins de nomination. (Voir, par exemple, la décision Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, para. 76.)

37M. Young a déclaré que, durant la discussion informelle, la plaignante avait demandé comment la candidate nommée avait été choisie, ce qui devait justement être l'objectif de la discussion informelle dans ce cas. Si M. Young n'a pas répondu à cette question, la discussion informelle n'a eu que peu d'intérêt pour la plaignante. Or, la preuve dont dispose la CRTEFP n'indique pas clairement si la question a fait l'objet d'une discussion. Selon le témoignage de M. Young et celui de la plaignante, la principale préoccupation de celle-ci concernait alors sa rémunération intérimaire. Selon la CRTEFP, ce n'est pas là l'objectif de la discussion informelle, et la plainte en l'espèce ne repose pas sur la question de savoir si M. Young a fourni une explication relativement à l'interruption de la rémunération intérimaire de la plaignante.

38En ce qui concerne ces autres questions, la CRTEFP conclut que rien ne prouve que l'intimé s'est conduit de manière inappropriée.

Décision

Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Merri Beattie
Commissaire

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