Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a une incapacité – il a déposé des griefs alléguant que l'employeur avait agi de façon discriminatoire à son endroit en omettant de procéder à une évaluation ergonomique pour faciliter son travail et en omettant de prendre des mesures d'adaptation conformément aux recommandations de son médecin – il a également allégué qu'il avait été muté à un autre poste sans son consentement et a déposé une plainte selon laquelle il a fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir exercé son droit de refuser un travail non sécuritaire en application de l'article 128 du Code canadien du travail (CCT) – le fonctionnaire s'estimant lésé a établi une preuve prima facie qu'il a été défavorisé dans le cadre de son emploi en raison de son incapacité en démontrant que, à l'intérieur de l'environnement qui lui était fourni par son employeur, son incapacité constituait un obstacle à son exécution du travail, ce qui l'a éventuellement mené à exercer son droit en vertu du CCT de refuser du travail – l'employeur, cependant, a fourni une explication raisonnable, faisant la démonstration qu'il avait effectivement pris des mesures d'adaptation pour répondre aux besoins du fonctionnaire s'estimant lésé – il y a eu un retard lié à la capacité de l'employeur à prendre des mesures d'adaptation à l'égard de l'incapacité du fonctionnaire s'estimant lésé, mais ce retard a été causé par son manque de collaboration concernant l'obtention des renseignements médicaux nécessaires – le fonctionnaire s'estimant lésé a fait défaut de respecter son obligation de collaborer avec l'employeur en omettant de fournir des renseignements quant à la nature et à l'étendue de l'incapacité, de façon à permettre à l'employeur de déterminer les mesures d'adaptation nécessaires – même si les mesures d'adaptation mises en œuvre pouvaient ne pas être parfaites, elles répondaient aux limites du fonctionnaire s'estimant lésé et étaient raisonnables – les allégations du fonctionnaire s'estimant lésé voulant que l'employeur ait eu recours à une pratique discriminatoire étaient donc sans fondement – quant à la mutation présumée sans son consentement, l'arbitre de grief aurait compétence relativement à l'affaire uniquement si une mutation avait eu lieu – cela exige l'existence d'un élément subjectif (intention de muter) et un élément objectif (respect des conditions établies dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et les directives du Conseil du Trésor) – le fonctionnaire s'estimant lésé n'a établi aucun de ces éléments – en ce qui concerne l'allégation du fonctionnaire s'estimant lésé voulant qu'il ait fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir refusé d'accomplir un travail non sécuritaire, la mesure prise par l'employeur était administrative et non disciplinaire – la preuve montre que certains commentaires inappropriés ont été formulés par une représentante des relations de travail dans ses communications tout au long du processus des mesures d'adaptation, pour lesquels le fonctionnaire s'estimant lésé demande des dommages – l'employeur a pris des mesures appropriées pour corriger le comportement inacceptable – le fonctionnaire s'estimant lésé n'a déposé aucune preuve permettant d'évaluer les répercussions de ces commentaires. Plainte rejetée. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Code canadien du travail

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150129
  • Dossier: 560-02-086 et 566-02-8064 à 8067
  • Référence: 2015 CRTEFP 12

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

PETER TATICEK

plaignant e fonctionnaire s'estiman lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur et employeur

Répertorié
Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l'article 133 du Code canadien du travail et des griefs renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et arbitre de grief
Pour le plaignant et fonctionnaire s'estimant lésé:
Dejan Toncic, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour le défendeur et employeur:
Christine Diguer, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
du 19 au 21 février 2014.
(Observations écrites déposées en date du 25 juillet, du 25 août et du 9 septembre 2014.)
(Traduction de la CRTEFP)

I. Plainte devant la Commission et griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s'estimant lésé, Peter Taticek, a déposé une série de griefs alléguant que l'employeur, l'Agence des services frontaliers du Canada (l'« ASFC »), a omis d'effectuer une évaluation ergonomique requise pour faciliter son travail et de prendre une mesure d'adaptation à son endroit conformément aux limites qui lui ont été imposées par son médecin. Il a de plus allégué que son employeur avait fait preuve de discrimination lorsqu'il a omis de prendre une mesure d'adaptation à son égard, conformément aux recommandations de son médecin, et qu'il l'a muté à un autre poste sans son consentement dans le cadre d'une situation où son consentement était requis. De plus, M. Taticek a déposé une plainte en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail (L.R.C. 1985, ch L-2; le « CCT »), dans laquelle il a allégué avoir fait l'objet d'une mesure disciplinaire par l'employeur, contrairement à l'article 147 du CCT. Par souci de commodité, M. Taticek sera appelé le « fonctionnaire » tout au long de la présente décision et l'employeur et défendeur sera appelé l'« employeur ».

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003 ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date. En d'autres termes, la Commission exerce maintenant les fonctions qui étaient antérieurement exercées par la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

II. Résumé de la preuve

3 Le fonctionnaire a rejoint l'ASFC en 2007 dans le domaine de la technologie de l'information (TI). En septembre 2011, dans le cadre d'un programme de retour au travail, il s'est joint au groupe du Système des douanes pour le secteur commercial (« SDSC »). Son rôle était d'appuyer le SDSC et de mener diverses appréciations et évaluations du système informatique de l'employeur. Avant cela, il travaillait au système de passage à la frontière pour le secteur commercial (Système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales [le « SSMAEC »]) à titre de coordonnateur de projets. Pendant qu'il travaillait au SSMAEC, il était chargé de la mise à l'essai et de l'établissement de l'horaire des mises à jour du système. Dans le cadre de ce rôle, il pouvait parfois travailler à domicile. Son rôle au SSMAEC était tout à fait différent de celui au SDSC; il était un analyste technique et non un programmeur.

4 En novembre 2010, le médecin du fonctionnaire a ordonné qu'il cesse de travailler jusqu'à ce que des modifications soient apportées à son lieu de travail en vue d'accommoder son incapacité et de lui permettre de travailler de nouveau. Le fonctionnaire a donc été absent du lieu de travail du 8 décembre 2010 à septembre 2011, date à laquelle il est retourné au lieu de travail.

5 Malgré les précisions fournies par le médecin du fonctionnaire à la suite d'une demande de l'employeur, le fonctionnaire est demeuré en congé jusqu'en septembre 2011, même s'il était en mesure de retourner au travail en mai 2011. L'une des conditions de son retour au travail était qu'il ne soit plus membre de l'équipe du SSMAEC. Il a fait parvenir à son directeur général, Pierre Ferland, une copie de son curriculum vitæ et il a indiqué le nom des gestionnaires et des secteurs où il souhaitait travailler.

6 En avril ou en mai 2011, la société d'assurance-incapacité de longue durée, la Sun Life, a informé le fonctionnaire que, puisqu'il pouvait retourner au travail en mai, elle envisageait de clore sa demande, ce qui aurait laissé le fonctionnaire sans revenu. Selon la Sun Life, la question de savoir si l'employeur collaborait au retour au travail du fonctionnaire n'avait aucune incidence sur sa décision. Peu importe, la Sun Life a communiqué avec l'employeur pour amorcer l'élaboration d'un plan de retour au travail.

7 Le fonctionnaire a d'abord pris connaissance de sa mutation au SDSC à la réunion portant sur son retour au travail, alors qu'il a appris qu'il devait se présenter au SDSC à son retour. En plus du changement d'équipe de travail, certaines modifications ergonomiques devaient être apportées au poste de travail modulaire du fonctionnaire, conformément à une évaluation ergonomique effectuée en 2009. Ces modifications incluaient une chaise et un clavier particuliers ainsi que deux moniteurs. L'évaluation a été effectuée dans son poste de travail modulaire situé au 250, chemin Tremblay, à Ottawa, en Ontario, et s'appliquait à cet espace de travail en particulier.

8 À partir de son retour au travail, le fonctionnaire a été relocalisé quatre fois au cours d'une période de huit mois. Aucun des postes de travail modulaires qui lui ont été attribués n'étaient identiques, quant à la configuration et à la taille, au poste de travail modulaire qu'il occupait à l'emplacement du chemin Tremblay. À chaque déménagement, de l'équipement disparaissait; par conséquent, non seulement les postes de travail modulaires ne satisfaisaient pas les exigences de l'évaluation ergonomique, mais l'équipement dont il avait besoin était également souvent manquant.

9 Le fonctionnaire a communiqué ses préoccupations à son l'employeur et son médecin au sujet du fait que l'employeur ne prenait pas les mêmes mesures d'adaptation qui avaient été prises au chemin Tremblay. L'employeur l'a informé que, si l'équipement ne pouvait être trouvé, il devrait être remplacé. Avant d'amorcer son programme de retour au travail, son médecin a demandé qu'une évaluation ergonomique à jour soit effectuée dans son nouveau poste de travail modulaire.

10 La Sun Life et le médecin du fonctionnaire lui ont élaboré un programme de retour au travail, lequel comportait des délais. La Sun life a présenté le plan à l'employeur en septembre 2011. À la demande du fonctionnaire, la Sun Life était la personne-ressource de l'employeur pour discuter du plan. L'employeur a intégré le plan de la Sun Life à son propre plan (pièce 1, onglet 10). Le plan a été mis en œuvre en partie; le fonctionnaire a été muté à une autre équipe de travail et à un autre emplacement.

11 Les problèmes quant au type de travail qui a été attribué au fonctionnaire n'ont pas été traités. Il estimait avoir été muté à un emploi sans avenir qui ne correspondait pas à ses intérêts ni à son ensemble de compétences. Le nouvel emploi ne permettrait pas sa réintégration réussie dans le lieu de travail.

12 Le fonctionnaire a insisté sur le fait qu'il avait soulevé ses préoccupations auprès de l'employeur au cours de réunions tenues avec ses gestionnaires et M. Ferland. Il n'était pas d'accord avec l'attribution de ses tâches et il l'a exprimé. Il se méfiait de l'intention de l'employeur, mais il a soutenu ne pas avoir fait preuve d'insubordination ou de non-collaboration. Selon lui, la nouvelle affectation aurait dû être temporaire jusqu'à ce qu'un poste à son niveau et qui correspond mieux à l'ensemble de ses compétences et intérêts soit disponible.

13 Le fonctionnaire a exprimé ses préoccupations auprès de son gestionnaire et de son directeur lors d'une réunion tenue avec les représentants de la division des relations de travail de l'employeur et son agent négociateur. Il a également souligné qu'une entente mutuelle devait être conclue afin que son retour au travail soit une réussite. Malgré cela, il a été menacé de faire l'objet d'une mesure disciplinaire s'il ne communiquait pas avec son gestionnaire au sujet de cette nouvelle affectation. Son numéro de poste et le financement y afférent de l'équipe du SSMAEC ont été transférés au SDSC. Il a supposé que cela signifiait qu'il exercerait les mêmes fonctions et qu'il aurait les mêmes rôles et responsabilités au SDSC que lorsqu'il faisait partie de l'équipe du SSMAEC. En fait, il s'agissait d'un emploi différent qui comportait des rôles et responsabilités différents. De plus, il relevait d'un autre gestionnaire. Ce poste ne tenait pas compte du travail qu'il exécutait lorsqu'il a quitté le lieu de travail le 8 décembre 2010. Lorsqu'il a demandé une description de travail, il en a reçu une de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, laquelle indiquait qu'il travaillait pour l'Agence du revenu du Canada. Selon le fonctionnaire, cela constituait une mutation à laquelle il n'avait pas consenti.

14 Le fonctionnaire a discuté avec son gestionnaire, Beverly Ifill, des exigences de son évaluation ergonomique de 2009 qui a été perdue pendant les transferts d'un poste de travail modulaire à un autre. Son médecin a également envoyé, à intervalles continus, des rappels de ces exigences. Le fait que ses préoccupations n'aient pas été traitées inquiétait le fonctionnaire et rendait difficile sa réintégration. Son aggravation relativement à cette nouvelle affectation a été exacerbée par son poste de travail modulaire mal adapté, ainsi que par les questions continues en matière d'adaptation. Il a été informé que, malgré l'évaluation ergonomique de 2009, l'employeur avait été informé par les relations de travail de ne pas lui fournir un deuxième moniteur. Le fonctionnaire a été étonné parce qu'il avait deux moniteurs lorsqu'il a quitté le lieu de travail en 2010. Selon lui, le fait de lui fournir un deuxième moniteur ne constituait pas une contrainte excessive à l'égard de l'employeur. Le deuxième moniteur lui a éventuellement été fourni.

15 Dès le début de son retour au travail, le fonctionnaire a remis en question son aptitude à l'égard du poste au sein de l'équipe du SDSC. Il a suscité la participation de son agent négociateur et a rédigé une lettre à l'intention de la vice-présidente des ressources humaines (la « VPRH ») de l'employeur en vue de discuter de son mécontentement quant à l'affectation. En fin de compte, l'agent négociateur a réussi à organiser une réunion pour discuter les problèmes du fonctionnaire liés à son retour au travail et à sa situation en matière d'adaptation.

16 Lorsque Virginie Martel-Charest, une conseillère en relations de travail employée par l'ASFC, a pris connaissance de l'intention du fonctionnaire de rencontrer la VPRH de l'ASFC, elle a envoyé un courriel à plusieurs collègues dont l'objet était le suivant : [traduction] « Mise à jour : renseignements essentiels » (pièce 1, onglet 15). Dans le courriel, elle mentionnait le fonctionnaire au moyen du pseudonyme [traduction] « Mousquetaire T ». Lorsqu'il a reçu une copie du courriel en vertu d'une demande d'accès à l'information, le fonctionnaire était étonné et insulté par le pseudonyme utilisé par les relations de travail à son égard. C'était insultant et, de ce fait, il a remis en question la volonté de l'employeur quant à sa réintégration au lieu de travail.

17 Il a soutenu que l'utilisation du terme [traduction] « Mousquetaire T. » démontrait que l'employeur était biaisé à son égard. Le pseudonyme a été utilisé à maintes reprises, y compris dans les communications avec Santé Canada (pièce 1, onglet 16). Pendant toute la période de retour au travail, Mme Martel-Charest a donné des conseils à la direction de l'ASFC et a souvent utilisé le pseudonyme [traduction] « mousquetaire » et [traduction] « Mousquetaire T. » (voir la pièce 1, onglet 18) dans les communications électroniques internes et externes. Beverley Boyd, que la VPRH a affectée au règlement des questions liées au retour au travail du fonctionnaire, faisait également partie du groupe qui recevait des courriels où le terme [traduction] « mousquetaire » était utilisé. Le fonctionnaire a fait valoir que l'utilisation de ces termes démontrait que l'employeur ne l'avait pas réellement aidé dans le but de répondre à ses besoins en matière d'adaptation.

18 Le fonctionnaire a, en fin de compte, demandé de travailler à domicile jusqu'à ce que le problème relatif au lieu de son poste de travail modulaire et à l'aménagement de celui-ci soit réglé. Il avait eu la permission de travailler à partir de son domicile avant son congé de maladie en 2010. Cette demande a tout d'abord été refusée, mais a finalement été accordée lorsque le médecin du fonctionnaire l'a recommandé (pièce 1, onglet 21).

19 Toutefois, lorsque le fonctionnaire est allé au lieu de travail situé sur le chemin Tremblay pour récupérer un ordinateur portatif qui avait été configuré pour lui à la demande de Mme Ifill, à l'été de 2011, il a dû attendre deux heures pour ensuite être informé que les relations de travail ne lui permettraient pas de travailler à partir de son domicile. Il a ensuite reçu un courriel de Mme Ifill (pièce 1, onglet 23) indiquant que la note de son médecin ne comportait pas suffisamment de renseignements pour appuyer sa demande de travail à domicile.

20 Ce courriel indiquait également que, sans égard au fait que tous les besoins ergonomiques du fonctionnaire avaient été satisfaits, l'employeur avait accepté qu'une évaluation ergonomique à jour de son lieu de travail soit effectuée; elle l'a été en mai 2012 (pièce 1, onglet 13). Même si cette évaluation était initialement prévue le 9 mai 2012, elle n'a été effectuée que le 22 mai 2012 en raison de l'absence du fonctionnaire à son travail.

21 Le fonctionnaire a ensuite été déménagé du poste de travail modulaire où l'évaluation avait été menée à un poste de travail modulaire dont la configuration était différente. Des discussions entre le fonctionnaire et la section d'adaptation de l'ASFC visant à obtenir un poste de travail modulaire sécurisé ayant la même configuration que celui qu'il avait occupé en mai 2012 n'ont pas été fructueuses. Il a exigé un poste de travail modulaire privé qui lui permettait d'ouvrir son chandail lorsqu'il utilisait un appareil TENS pour traiter son mal de dos.

22 Lorsque le fonctionnaire a été relocalisé à son nouveau poste de travail modulaire en juin 2012, son équipement n'était pas là et la configuration du poste ne répondait pas aux recommandations de l'ergothérapeute. Puisqu'il croyait que cela constituait une menace en matière de santé et sécurité au travail à son endroit, il a informé Ron Easey, le conseiller en santé et sécurité au travail de l'ASFC pour la région de la capitale nationale, de son intention d'exercer ses droits en vertu du paragraphe 129(1) du CCT de refuser un travail dangereux. Son refus de travailler a duré trois semaines.

23 Lorsqu'il est retourné au travail, un nouveau poste de travail modulaire lui a été attribué, au septième étage du 174, rue Slater, lequel avait été installé en vue de répondre à ses besoins. Le nouvel équipement avait été commandé, même s'il n'est arrivé qu'environ un mois plus tard. Pendant que le fonctionnaire exerçait son droit de refuser de travailler, l'employeur tenait des discussions avec l'agent négociateur. L'employeur était d'avis que le fonctionnaire avait abandonné son poste. En fin de compte, l'absence du fonctionnaire du lieu de travail en raison de son refus de travailler a été codée, aux fins de la paie, comme un congé payé pour d'autres motifs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

24 À l'automne 2012, toutes les questions ergonomiques du fonctionnaire avaient été traitées. Il ne restait que la question de son opposition au poste au SDSC qui, selon lui, constituait une mutation forcée. Lorsqu'il a signé l'entente de retour au travail, le fonctionnaire n'avait pas consenti à une mutation. Il avait accepté le poste au SDSC afin d'éviter d'être sans revenu. Selon lui, l'employeur était tenu de lui trouver un poste approprié. L'employeur n'a déployé aucun effort pour chercher en dehors de l'ASFC en vue de lui trouver un poste approprié. En avril 2012, le fonctionnaire a envoyé un curriculum vitæ à jour et lui a indiqué les domaines d'intérêts possibles, mais personne n'a communiqué avec lui relativement à des postes vacants. Il a été laissé à la gestion de sa propre carrière, malgré le fait qu'il avait été informé par Mme Ifill, pendant son évaluation annuelle du rendement, que son ensemble de compétences ne convenait pas aux fins de son équipe.

25 Toutefois, l'employeur a soutenu que la mutation au poste au SDSC respectait toutes les exigences prévues aux certificats médicaux du fonctionnaire.M. Ferland est le directeur général de la Direction des solutions, une division de la Direction générale de la TI, de l'ASFC, qui est responsable de la division du SDSC à laquelle le fonctionnaire a été affecté. Le fonctionnaire a remis les notes médicales (pièce 3, onglets 3 et 4) directement à M. Ferland. La pièce 3, onglet 4, visait à remplacer la pièce 3, onglet 3. Les certificats médicaux, en date du 10 novembre 2010 et du 25 novembre 2010, indiquaient que le fonctionnaire devrait être muté à un autre milieu de travail comportant une structure hiérarchique différente.

26 En novembre 2010, deux événements importants sont survenus, à savoir : la mise en œuvre du remaniement du programme du SSMAEC, d'une valeur de 60 millions de dollars, pendant une période qui a toujours été la plus active de l'année en ce qui concerne le secteur commercial, et la réception par l'ASFC d'un avis indiquant qu'elle devait être aux aguets relativement à des explosifs expédiés du Yémen. L'ASFC savait qu'elle lançait la nouvelle version pendant une période où le système commercial ne pouvait pas être désactivé en raison de cette menace. Aucune personne participant au projet n'exerçait ses fonctions selon un niveau de stress normal.

27 M. Ferland était au courant des plaintes provenant du 6e étage du 250, chemin Tremblay, où travaillait le fonctionnaire lorsqu'il a rejoint l'organisation en février 2010. Il savait qu'il faisait face à une restructuration des activités et qu'il avait besoin de nouveaux dirigeants, soit Marc Pitre et Mme Ifill. Avant qu'il ne puisse mener à terme ses plans, les événements de novembre 2010 sont survenus. Le manque de leadership dont a fait preuve le directeur intérimaire de l'époque a contribué à la tempête parfaite. M. Ferland croyait que les demandes du fonctionnaire d'être affecté à un autre milieu de travail comportant une structure hiérarchique différente découlaient directement des événements survenus en novembre et du manque de leadership de la part du gestionnaire.

28 M. Ferland était également au courant de l'utilisation du terme [traduction] « mousquetaire » par Mme Martel-Charest et il s'est dit préoccupé à ce sujet. Selon lui, ce type de communication n'était ni approprié ni professionnel. Il a embauché un coach pour Mme Martel-Charest afin de l'aider à améliorer ses compétences en matière de relations de travail et de communication.

29 En décembre 2010, à la suite des événements survenus en novembre 2010, le fonctionnaire a présenté deux notes médicales provenant de son médecin qui indiquaient que certaines mesures d'adaptation devaient être prises à son égard, y compris une mutation à une nouvelle équipe. Le gérant intérimaire du SSMAEC a demandé à obtenir des précisions du médecin du fonctionnaire quant à la raison pour laquelle deux notes différentes avaient été fournies par le médecin et des renseignements sur l'aptitude à travailler du fonctionnaire. L'employeur essayait de comprendre la véritable nature des problèmes du fonctionnaire et ce dont il avait besoin en tant que mesure d'adaptation. Cette demande a été faite le 6 décembre 2010 et le fonctionnaire a pris son congé de maladie le 8 décembre 2010.

30 À l'été de 2011, M. Ferland avait affecté un nouveau gestionnaire. Le leadership de l'équipe a changé. L'employeur a trouvé un nouveau poste de travail modulaire pour le fonctionnaire, au 8e étage de l'édifice Vanguard, situé au 171, rue Slater, à Ottawa. Le poste de travail modulaire précédent, à l'édifice Sir Robert Scott, s'était avéré non approprié pour les besoins du fonctionnaire et, par conséquent, M. Ferland a demandé au gérant des installations de lui trouver un autre lieu de travail. Pendant la série de déplacements, la chaise et le clavier du fonctionnaire ont été perdus. Entre-temps, il a été informé qu'il serait muté au SDSC où son rôle serait d'assurer le fonctionnement des systèmes de transport de marchandises commerciales en tout temps. Le SDSC comportait un niveau de stress moins élevé par rapport au secteur d'alertes en matière de sécurité du SSMAEC. Cette affectation offrait une possibilité de promotion professionnelle importante au fonctionnaire, puisqu'une initiative de réécriture du logiciel importante était sur le point d'être amorcée au SDSC. On lui a offert la possibilité d'être muté à une toute nouvelle plate-forme de logiciels.

31 Ces changements de lieux et d'affectation répondaient aux besoins exprimés par le fonctionnaire. Il n'était plus situé au 250, chemin Tremblay, il ne relevait pas du même directeur et n'était plus membre de la même équipe, même s'il était encore au sein de la même division.

32 Lorsque le fonctionnaire est revenu au travail, les cadres supérieurs précédents n'étaient plus employés à cette division. De plus, il y avait une séparation d'au moins trois degrés entre lui et le bureau du directeur général. Par 2012, elle avait augmenté à quatre degrés de séparation.

33 M. Pitre a assumé la gestion du SDSC au début de l'exercice 2011-2012. Le fonctionnaire était absent à ce moment-là, puisqu'il était en congé de maladie. M. Pitre a pris en charge le traitement de la demande de mesure d'adaptation du fonctionnaire qui avait été présentée au gestionnaire précédent et à M. Ferland. Le 17 mai 2011, il a envoyé une lettre au fonctionnaire dans laquelle il a lui demandé des renseignements supplémentaires et des précisions quant à ses restrictions et limites précises, ainsi que leur durée prévue. Il lui a également demandé la date à laquelle il pourrait retourner au lieu de travail et exécuter toutes ses fonctions. Le médecin du fonctionnaire a répondu le 24 mai 2011 (pièce 1, onglet 9 et pièce 3, onglet 9) et il a fourni une perspective plus approfondie des problèmes auxquels faisait face le fonctionnaire. Par conséquent, le fonctionnaire pouvait retourner au travail une fois que toutes les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises.

34 M. Pitre savait que, avant que le fonctionnaire prenne son congé de maladie, son poste de travail avait été aménagé en vue de répondre aux exigences d'une évaluation ergonomique effectuée en 2009. De plus, d'autres modifications étaient requises en vue de réduire ce qui semblait être un stress interpersonnel excessif. Aucune explication de la nature du stress interpersonnel n'a été fournie. M. Pitre a mis en œuvre l'augmentation progressive des heures de travail. Le fonctionnaire a été relocalisé, ses exigences ergonomiques qui pouvaient être respectées l'ont été et il a obtenu une nouvelle affectation. Il a fallu du temps pour trouver un lieu de travail convenable, à la suite duquel les autres modifications ergonomiques requises ont pu être apportées.

35 Malgré les efforts pour s'assurer que la chaise, le moniteur et le clavier fournis au fonctionnaire conformément à l'évaluation ergonomique de 2009 lui soient de nouveau fournis à son retour, l'équipement a disparu après son transfert au nouvel emplacement. L'équipement a ensuite été retrouvé et déménagé à l'édifice Vanguard avant le retour du fonctionnaire au lieu de travail.

36 Après le retour au travail du fonctionnaire, il y a eu des problèmes avec sa chaise, lesquels ont été réglés selon la garantie. Les problèmes se sont poursuivis jusqu'à ce que le fabricant informe l'employeur qu'un mécanisme devait être remplacé. Le fonctionnaire n'était pas satisfait de la chaise réparée et en a demandé une nouvelle, qu'il a reçue. La chaise réparée a été utilisée ailleurs.

37 Le problème quant au rapport hiérarchique soulevé par le médecin du fonctionnaire a clairement indiqué que le fonctionnaire ne pouvait pas retourner au travail dans le secteur du SSMAEC. M. Pitre a discuté avec le fonctionnaire de ses options en vue de déterminer ses intérêts. Le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Pitre dans lequel il a décrit ses options privilégiées. M. Pitre a ensuite étudié les options avec ses collègues d'autres directions et divisions. M. Pitre a essayé de promouvoir le fonctionnaire et il a discuté avec les directeurs du côté client, dont deux ont exprimé un intérêt. Il a acheminé le curriculum vitæ du fonctionnaire à ses collègues aux fins d'examen (pièce 5). Il a acheminé le curriculum vitæ du fonctionnaire à ses collègues aux fins d'examen et il a informé le fonctionnaire de leur intérêt de l'embaucher. Toutefois, ces efforts se sont avérés infructueux, parce que le fonctionnaire n'a jamais fait un suivi et communiqué avec les directeurs en vue de se [traduction] « promouvoir ».

38 En fin de compte, aucun de ces efforts ne s'est avéré fructueux et, étant donné les restrictions imposées par le médecin du fonctionnaire relativement à son retour, le poste au SDSC constituait la seule option. Il s'agissait d'un poste convenable et la seule possibilité pour laquelle M. Pitre avait le contrôle. Mme Ifill était une nouvelle gestionnaire n'ayant aucune expérience relative au SSMAEC et le fonctionnaire ne la connaissait pas.

39 M. Pitre croyait que ce poste offrait un nouveau départ pour tout le monde concerné. Toutefois, comme il a été mentionné au fonctionnaire, il ne s'agissait pas d'un exercice de dotation de la bonne personne pour le poste. Un plan de retour au travail ne constituait pas une possibilité de permettre au fonctionnaire de choisir son emploi. Le poste au SDSC était au sein de la même division, mais il répondait à tous ses besoins. La Sun Life était satisfaite du plan et savait que le nouveau poste était au sein de la même structure hiérarchique que celle du poste du fonctionnaire au SSMAEC. Toutefois, M. Pitre a accepté la demande du fonctionnaire d'élaborer un plan de carrière en tenant compte de ses commentaires. Cela n'a pas changé la position de l'employeur selon laquelle la mutation au SDSC respectait les restrictions du fonctionnaire et constituait une mesure d'adaptation adéquate relativement à ces restrictions. Il ne s'agissait pas non plus d'une promesse de mutations futures.

40 À compter de ce moment, les progrès relatifs au retour au travail du fonctionnaire ont été traités par Mme Ifill. M. Pitre a supposé que tout allait bien jusqu'à ce qu'il reçoive la lettre du fonctionnaire à l'intention de Camille Theriault-Power, la VPRH de l'ASFC et le certificat médical connexe (pièce 3, onglet 13) un mois plus tard. La note du médecin jointe indiquait que ses notes de novembre 2010 (pièce 3, onglets 3 et 4) visaient à faire en sorte que le fonctionnaire ne soit plus assujetti à l'influence de M. Ferland. Il s'agissait de la première fois que le nom de M. Ferland était mentionné et Mme Theriault-Power a ensuite demandé à Mme Boyd d'intervenir.

41 Mme Boyd a demandé à rencontrer le fonctionnaire afin de confirmer que l'employeur avait pris les mesures nécessaires pour traiter de ses besoins en matière d'adaptation. Cette réunion devait être une discussion visant à établir les faits. Les relations de travail lui avaient fourni une liste de questions.

42 Le fonctionnaire a assisté à la réunion avec Mme Boyd et Mme Martel-Charest, qui a pris des notes et qui n'a pas participé à la conversation. Le fonctionnaire a informé Mme Boyd qu'il estimait qu'il n'y avait eu aucun dialogue au sujet de ses besoins et que, puisqu'il était encore à la même division, ses besoins en matière d'adaptation n'avaient pas été satisfaits. Il souhaitait avoir un nouveau départ, ce qui signifiait une mutation à l'extérieur de sa division à un niveau plus élevé. Selon lui, la mutation au SDSC ne constituait pas une mesure d'adaptation. Il a quitté le SSMAEC à titre de CS-02 et il est retourné à titre de CS-02 dans un autre édifice. La direction n'avait pas répondu à ses besoins, bien qu'il n'ait pas précisé les besoins qui n'avaient pas été traités.

43 Avant le retour au lieu de travail du fonctionnaire en septembre 2011, M. Pitre a demandé des précisions au médecin du fonctionnaire quant à ce qui était requis pour permettre à ce dernier de retourner au travail. Il n'a jamais été mentionné que le fonctionnaire devait être retiré de la chaîne hiérarchique de M. Ferland. Afin d'obtenir des précisions quant à ce qui était requis, M. Pitre a demandé des conseils à son conseiller en relations de travail, qui lui a fourni un formulaire de consentement qui devait être envoyé au médecin du fonctionnaire (pièce 3, onglet 23). La direction a tenté à maintes reprises d'obtenir le formulaire de consentement du fonctionnaire, qui a refusé de le fournir. Il semble que l'employeur visait à obtenir une évaluation de l'aptitude à travailler et non des précisions de ses restrictions.

44 Le fonctionnaire a finalement fourni une copie de la libération pour raisons médicales qu'il a rédigée lui-même. Elle n'a jamais été utilisée puisque, selon M. Pitre, l'employeur avait fait tout ce qu'il pouvait faire pour prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire et aucun autre renseignement n'était requis. Le fonctionnaire a fourni des mises à jour de son médecin le 28 mars 2012, où il était de nouveau soulevé qu'un changement de division était nécessaire et où une nouvelle évaluation ergonomique de l'espace de travail du fonctionnaire était recommandée. Il a ensuite communiqué avec le secteur d'adaptation de l'ASFC pour amorcer l'évaluation ergonomique. Un mois plus tard, la demande a été acheminée à Mme Ifill et elle l'a approuvée.

45 Le 9 mai 2012, la date prévue de la nouvelle évaluation ergonomique, le fonctionnaire a quitté le travail, en informant l'employeur que, conformément à la dernière note de son médecin, il ne retournerait pas au travail jusqu'à ce qu'il se sente mieux et qu'il ait un poste de travail modulaire qui a été adapté sur le plan ergonomique pour répondre à ses besoins médicaux (pièce 3, onglet 34). L'évaluation ergonomique a été reportée, mais elle ne pouvait pas être réalisée en son absence.

46 À ce moment-là, Bradley Simon était devenu le directeur intérimaire de la Division de la gestion des recettes, laquelle comprend le SDSC. M. Simon a ordonné au fonctionnaire de lui fournir un certificat de son médecin pour justifier son absence à compter du 9 mai 2012 (pièce 3, onglet 37) et le fonctionnaire lui a répondu qu'il exerçait ses droits de refuser d'exécuter un travail dangereux (pièce 3, onglet 39). Par conséquent, le fonctionnaire a fourni une note de son médecin en date du 15 mai 2012 (pièce 3, onglet 40) qui certifie qu'il ne retournerait pas au travail tant que l'évaluation ergonomique demandée ne sera pas effectuée et que les modifications nécessaires soient mises en œuvre. L'évaluation a finalement été effectuée le 22 mai 2012.

47 M. Simon a ordonné au fonctionnaire de lui fournir un certificat de son médecin pour justifier son absence à compter du 9 mai 2012 (pièce 3, onglet 37). Le fonctionnaire lui a répondu qu'il exerçait ses droits de refuser d'exécuter un travail dangereux (pièce 3, onglet 39). Par conséquent, le fonctionnaire a fourni une note de son médecin en date du 15 mai 2012 (pièce 3, onglet 40) qui certifie qu'il ne retournera pas au travail tant que l'évaluation ergonomique demandée ne sera pas effectuée et que les modifications nécessaires soient mises en œuvre. L'évaluation a finalement été effectuée le 22 mai 2012.

48 Lorsque l'employeur a reçu le rapport de l'ergonome, il a amorcé les travaux pour effectuer les modifications requises. Étant donné le fait que les modifications requises ne pouvaient être apportées au lieu de travail attribué au fonctionnaire, un nouveau lieu de travail a été trouvé. Comme les modifications suggérées pouvaient prendre un certain temps, le fonctionnaire et Mme Ifill ont entamé des discussions au sujet de la possibilité qu'il fasse du télétravail.

49 Mme Ifill a pris les mesures nécessaires pour établir un régime de télétravail, lequel n'a jamais été conclu (pièce 3, onglet 48). Il y avait quelques préoccupations quant au caractère convenable du domicile du fonctionnaire en tant que lieu de travail, plus particulièrement puisqu'il ne répondait pas aux besoins soulignés par l'évaluation ergonomique de 2009. Selon la recommandation des relations de travail, la proposition de télétravail a été refusée.

50 Le 8 juin 2012 (pièce 3, onglet 47), M. Simon a envoyé une lettre dans laquelle il était question des nombreuses préoccupations du fonctionnaire. En ce qui concerne le présumé refus de travailler, l'employeur a conclu que les énoncés du fonctionnaire, communiqués par courriel, ne répondaient pas à la partie II du CCT,puisque le fonctionnaire n'était pas au lieu de travail lorsqu'il a invoqué son droit de refuser un travail dangereux. En outre, la période entre le moment où le fonctionnaire a quitté le lieu de travail et la date à laquelle l'employeur a reçu le rapport sur l'évaluation ergonomique est considérée comme un congé non payé non autorisé.

51 Selon le rapport sur l'évaluation ergonomique et la période prévue pour fournir l'équipement requis, un régime de télétravail temporaire a été autorisé, malgré le fait qu'il avait été refusé antérieurement par Mme Ifill selon les directives de la représentante des relations de travail, Mme Martel-Charest. Le fonctionnaire a également été informé que les derniers certificats médicaux qu'il avait fournis ne comportaient pas suffisamment de renseignements et que d'autres précisions seraient demandées auprès de son médecin.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le plaignant et le fonctionnaire

52 Les éléments de preuve du fonctionnaire ont permis d'établir qu'il a fait l'objet de discrimination au motif de son incapacité, que l'employeur n'a pas respecté le programme de retour au travail progressif (RTP) convenu, que l'employeur n'a pas respecté une entente antérieure conclue en matière d'adaptation au moment du retour au lieu du travail du fonctionnaire et que l'employeur a muté le fonctionnaire sans son consentement. Tout cela a incité le fonctionnaire à exercer ses droits de refuser un travail dangereux en vertu de la partie II du CCT.

53 Le fonctionnaire souffre d'une incapacité qui nécessite des mesures d'adaptation. Le critère élaboré dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, (« O'Malley ») consiste à savoir si l'employeur savait ou aurait raisonnablement dû savoir que des mesures d'adaptation étaient requises à l'égard de l'employé. L'employeur du fonctionnaire n'a pas contesté la preuve de son incapacité ni qu'une mesure d'adaptation était nécessaire. Toutefois, l'employeur n'a pas démontré qu'une contrainte excessive l'empêchait de prendre la mesure d'adaptation. En agissant ainsi, l'employeur a contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6; la « LCDP »).

54 Le fonctionnaire a démontré que la représentante de l'employeur chargée de conseiller la direction relativement aux questions liées à la demande d'adaptation du fonctionnaire, Mme Martel-Charest, une conseillère principale en relations de travail, a participé à des actes insouciants qui ont démontré qu'elle n'a tenu aucun compte du fonctionnaire et des obligations légales de l'employeur visant à prendre des mesures d'adaptation à son égard. Les termes péjoratifs « mousquetaire » et « Mousquetaire T. » utilisés pour décrire le fonctionnaire étaient insultants et l'avaient plongé dans l'embarras. L'utilisation de ces termes a également démontré que l'employeur ne prenait pas ses besoins sérieusement.

55 En outre, lorsque l'employeur a mis en place les mesures d'adaptation pour répondre aux besoins du fonctionnaire, il ne l'a pas fait en temps opportun. La Commission ne doit pas décider si une des mesures du processus d'adaptation a été retardée de manière déraisonnable, mais si le processus en général a été retardé de manière déraisonnable. Si un retard déraisonnable est constaté, la Commission doit ensuite décider si l'employeur était responsable du retard global, puisque cela constituerait un manquement à son obligation de prendre des mesures d'adaptation en vertu de la convention collective et de la LCDP. Afin de trancher cette question, il faut examiner les éléments de preuve relatifs à l'ensemble du processus.

56 Selon le témoignage du fonctionnaire, ses demandes de mesures d'adaptation remontent à novembre 2010 et elles n'ont pas été traitées, ce qui a fait en sorte que son médecin exige qu'il cesse de travailler le 8 décembre 2010. L'employeur a envoyé un questionnaire médical à son médecin, lequel a été rempli et retourné. L'employeur n'a posé aucune autre question. Pendant cette période, le fonctionnaire n'a pas travaillé, même si l'employeur savait qu'il pouvait retourner au travail au début de 2011 si les mesures d'adaptation étaient prises. Des représentants de la Sun Life sont finalement intervenus pour élaborer un plan de RTP, lequel a été signé par toutes les parties.

57 Selon la preuve du fonctionnaire, l'employeur n'a pas respecté l'entente. Son médecin devait soumettre de plus en plus de demandes à l'employeur afin de répondre aux besoins du fonctionnaire en matière d'adaptation. L'employeur ne pouvait pas mettre en œuvre le plan de RTP, parce que ce dernier ne comprenait pas les mesures d'adaptation ergonomiques qui étaient déjà en vigueur avant qu'il ne quitte le lieu de travail en 2010. L'employeur savait que le fonctionnaire reviendrait au travail dès avril 2011, mais il n'a obtenu les exigences des mesures d'adaptation antérieures en place qu'en janvier 2012.

58 La dernière évaluation ergonomique du fonctionnaire a été effectuée à son poste de travail modulaire situé au 250, chemin Tremblay, en 2009. Depuis son retour au travail en septembre 2011, le fonctionnaire a occupé trois postes de travail modulaires, dont aucun ne comportait la même configuration que celui qui avait été visé par l'évaluation effectuée au 250, chemin Tremblay. Le 14 mai 2012, le fonctionnaire a rappelé à l'employeur que son médecin et son médecin spécialiste avaient demandé une évaluation ergonomique de son poste de travail modulaire actuel le 20 mars et le 13 avril 2012. Le 8 juin 2012, l'employeur a reconnu que l'évaluation ergonomique effectuée le 22 mai 2012 exigeait l'achat de meubles précis; par conséquent, une entente temporaire de télétravail a été établie.

59 Selon M. Pitre, le 14 mars 2012, lorsque l'employeur a demandé une évaluation de l'aptitude à travailler, il n'y avait aucune confusion quant aux besoins et aux restrictions du fonctionnaire en ce qui concerne les mesures d'adaptation. Le litige porte sur l'omission de l'employeur de communiquer clairement au fonctionnaire les renseignements supplémentaires dont il avait besoin. M. Pitre a demandé que le fonctionnaire signe un formulaire de consentement afin de permettre à l'employeur de demander des précisions auprès de son médecin spécialiste. Selon M. Pitre, les relations de travail lui ont donné comme directive de demander que le fonctionnaire fasse l'objet d'une évaluation de son aptitude à travailler. Même si le fonctionnaire était disposé à y consentir afin de permettre à l'employeur d'obtenir des précisions auprès de son médecin, il n'était pas disposé à consentir à une évaluation de son aptitude à travailler.

60 En fait, l'employeur n'a pas demandé de précision auprès du médecin spécialiste. Le 27 mars 2013, M. Pitre a confirmé que l'employeur était satisfait du fait que tous les besoins du fonctionnaire en matière d'adaptation avaient été atteints et que le plan de RTP de septembre 2011 avait été respecté. Le fonctionnaire n'était pas d'avis que l'employeur avait répondu à ses besoins.

61 La Cour suprême du Canada a accepté le fait que l'obligation de prendre des mesures d'adaptation comporte à la fois un élément procédural et un élément substantif. L'élément procédural exige que l'employeur prenne des mesures pour comprendre les besoins de l'employé et pour entreprendre un examen individuel des mesures possibles pour répondre à ces besoins. L'élément substantif tient compte du caractère raisonnable de la mesure d'adaptation offerte ou des motifs de l'employeur de ne pas prendre les mesures d'adaptation. Il incombe à l'employeur de démontrer quelles sont les considérations, les évaluations et les mesures entreprises pour prendre des mesures d'adaptation à l'égard de l'employé allant jusqu'à entraîner une contrainte excessive (voir Vargas v. University of Waterloo, 2013 HRTO 1161), ce que l'employeur n'a pas démontré en l'espèce. En l'espèce, en omettant de prendre les mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire, l'employeur a agi de manière téméraire et a fait preuve de discrimination à l'endroit du fonctionnaire.

62 En ce qui concerne la présumée mutation au SDSC, le fonctionnaire soutient qu'elle a été forcée. La preuve a démontré que M. Pitre et Mme Ifill n'avaient aucune connaissance au sujet du fonctionnaire et qu'ils n'avaient jamais vu son curriculum vitæ qui avait été acheminé à M. Ferland en avril 2011. Le fonctionnaire s'est opposé au poste où il a été muté, car il n'était pas qualifié pour l'occuper et il relevait toujours de M. Ferland. M. Pitre n'avait pas le pouvoir de muter le fonctionnaire à l'extérieur de la [Direction des solutions]; il n'a pas non plus communiqué les objections du fonctionnaire auprès des superviseurs de M. Ferland.

63 En ce qui concerne les réparations demandées, le fonctionnaire a invoqué les décisions rendues par la Commission dans Johnstone c. l'Agence des services frontaliers du Canada 2010 TCDP 20, Richards, Cindy c. Canadian National Railway,2010 TCDP 24 et Audet c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada,2006 TCDP 25 à titre de comparaisons par rapport auxquelles l'évaluation des dommages à payer au fonctionnaire peuvent être faites. Il a demandé un montant de 20 000 $ pour douleurs et souffrances et un montant supplémentaire de 20 000 $ à titre de dommages spéciaux. Il convient de noter que la Cour d'appel fédérale a infirmé l'ordonnance réparatrice rendue dans Johnstone, mais uniquement en ce qui concerne certains autres recours (voir Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110). La Cour a confirmé expressément, aux paragraphes 123 à 125, l'adjudication de l'indemnité spéciale par le Tribunal en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

64 En ce qui concerne son allégation de représailles pour avoir exercé ses droits en vertu de la partie II du CCT, le fonctionnaire a souligné que, le 9 mai 2012, il a informé Mme Ifill, par courriel, qu'il ne se sentait pas bien et qu'il quittait le lieu de travail. Il n'y retournerait que lorsque son poste de travail modulaire aurait fait l'objet d'une évaluation ergonomique et qu'il se sentirait mieux. Son intention de refuser un travail dangereux était suffisante, claire et conforme à son droit de refuser de travailler en vertu de l'article 28 du CCT. Il n'existe aucun mot magique ou formule normalisée pour communiquer de manière suffisante et convenablement un refus de travailler (voir Simon v. Canada Post Corp. (1993), 91 di 1) (C.L.R.B.)(QL)).

65 La preuve a clairement indiqué que, pendant la période durant laquelle le fonctionnaire a refusé de travailler, il avait des motifs raisonnables de croire qu'il existait une condition au lieu de travail qui constituait un danger pour lui. Il s'est acquitté de son fardeau de démontrer que son refus de travailler était fondé sur de véritables préoccupations en matière de sécurité (voir Canada Post Corp.(1992), 87 di 218)(C.L.R.B.)(QL)). Le 24 mai 2012, l'employeur a informé le fonctionnaire que son absence serait considérée comme un congé non autorisé pour lequel il ne serait pas rémunéré. Entre le premier refus de travailler et la détermination finale de l'employeur selon laquelle le fonctionnaire n'avait pas respecté les dispositions de l'article 128 du CCT dans sa lettre du 8 juin 2012, le fonctionnaire a tenté de fournir les précisions supplémentaires demandées par l'employeur.

66 Le congé non payé imposé par l'employeur constituait une pénalité financière contre le fonctionnaire pour avoir invoqué ses droits en vertu de la partie II du CCT. Selon paragraphe 133(6) du CCT, il incombait à l'employeur de démontrer que le présumé manquement n'avait pas eu lieu, ce qu'il n'a pas fait.

B. Pour le défendeur et l'employeur

67 Le fonctionnaire a fait valoir qu'il avait fourni une preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles il a fait l'objet de discrimination au motif de son incapacité, que l'employeur n'a pas respecté une entente antérieure en matière d'adaptation au moment de son retour au travail, qu'il l'a muté sans son consentement et qu'il a fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour avoir exercé son droit de refuser un travail dangereux en vertu de la partie II du CCT.

68 Il incombait au fonctionnaire d'établir une preuve prima facie de l'existence de discrimination. Une fois établi, il incomberait alors à l'employeur de fournir une explication raisonnable démontrant que la présumée discrimination n'a pas eu lieu tel qu'il a été allégué ou que la conduite n'était pas discriminatoire ou justifiée (voir Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, au paragr. 86 et Maillet c. Canada (Procureur général),2005 TCDP 48, au paragr. 4).

69 Le fonctionnaire devait démontrer qu'il avait une incapacité visée par la LCDP, qu'il a fait l'objet d'un traitement négatif sur le lieu de travail et que son incapacité constituait un facteur du traitement négatif dont il a fait l'objet. Il n'est pas nécessaire que l'incapacité du fonctionnaire constitue le seul facteur, ni même le principal facteur pour établir la discrimination. Il incomberait ensuite à l'employeur d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa décision ne constituait pas une discrimination parce qu'il était impossible de prendre des mesures d'adaptation sur le lieu de travail relativement à l'incapacité sans subir une contrainte excessive (voir O'Malley).

70 La recherche d'une mesure d'adaptation convenable constitue un processus concernant des parties multiples et, en ce qui concerne une incapacité, qui exige que l'employé favorise la recherche d'une mesure d'adaptation utile et qu'il réponde aux demandes raisonnables de l'employeur qu'il lui fournisse des renseignements médicaux pertinents concernant ses limites, afin de permettre à l'employeur d'élaborer une proposition.

71 La jurisprudence a établi qu'un employé ne peut pas dicter à un employeur les modalités précises d'une mesure d'adaptation. Si le processus d'adaptation n'est pas fructueux parce que l'employé ne collabore pas, sa plainte doit être rejetée. L'employé ne peut s'attendre à obtenir une mesure d'adaptation ou une solution parfaite. Il n'existe aucune obligation de prendre une mesure d'adaptation immédiate ou parfaite (voir McGill University Health Centre (Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal 2007 CSC 4, au paragr. 22; Tweten c. RTL Robinson Enterprises Ltd., 2005 TCDP 8; Graham c. Société canadienne de postes, 2007 TCDP 40, aux paragr. 91 à 94; Canada (Ministre de l'environnement) c. Hutchinson), 2003 CAF 133, au paragr. 77).

72 Un employé qui demande une mesure d'adaptation est tenu de collaborer avec l'employeur en lui fournissant des renseignements suffisants quant à la nature et la portée de la présumée incapacité qui permettent à l'employeur de déterminer la mesure d'adaptation nécessaire. Afin de favoriser la recherche d'une mesure d'adaptation raisonnable, le fonctionnaire doit y contribuer. L'obligation de favoriser la recherche d'une mesure d'adaptation est concomitante à l'obligation de rechercher une mesure d'adaptation raisonnable. Afin de déterminer si le fonctionnaire s'est acquitté de ses obligations, sa conduite doit être prise en compte (voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud,[1992] 2 R.C.S. 970) (« Renaud »). Lorsque l'employeur a amorcé la mesure d'adaptation proposée, dont la mise œuvre lui permettrait de s'acquitter de son obligation de prendre une mesure d'adaptation, le fonctionnaire a l'obligation de favoriser la mise en œuvre de la mesure d'adaptation proposée.

73 En l'espèce, le fonctionnaire a fourni deux notes médicales contradictoires et confuses de son médecin en novembre 2010 (voir la pièce 3, onglets 3 et 4). La première note indiquait la nécessité que le fonctionnaire relève immédiatement d'une autre division et que l'employeur réduise au minimum la discrimination et la stigmatisation, ainsi que de traiter de manière efficace, dans la mesure du possible, les facteurs stressants au lieu de travail et de favoriser un milieu de travail sain. Elle indiquait qu'il semblait que le niveau de stress interpersonnel dans le lieu de travail du fonctionnaire à ce moment-là faisait en sorte qu'il risquait subir une affection entraînant une incapacité. La deuxième note comprenait simplement une recommandation selon laquelle le fonctionnaire soit muté à un autre milieu de travail et qu'il soit un membre d'une équipe relevant d'un autre directeur, et ce, pour des raisons médicales urgentes.

74 M. Ferland a affirmé que, selon lui, il disposait de deux notes médicales distinctes et contradictoires. Les notes prêtaient à la confusion et ne permettaient pas à l'employeur de comprendre les limites du fonctionnaire et de déterminer les mesures d'adaptation à prendre. Il n'avait formulé aucune allégation contre une personne de l'ASFC portant sur le harcèlement ou la discrimination, ni selon laquelle il avait fait l'objet d'une stigmatisation. Toutefois, la première note de son médecin recommandait le changement de division en vue de minimiser ces facteurs. Par conséquent, l'employeur devait rédiger une lettre à l'intention du médecin du fonctionnaire pour obtenir des précisions, comme il en avait le droit.

75 L'employeur a posé des questions précises au médecin afin de déterminer les limites et les restrictions du fonctionnaire dans la mesure où une mesure d'adaptation appropriée peut être trouvée au lieu de travail (voir la pièce 3, onglet 5 et  Christiano v. Grand National Apparel Inc.,2012 HRTO 991, au paragr. 19).

76 Les deux notes subséquentes fournies par le médecin du fonctionnaire se sont avérées d'une utilité limitée dans l'avancement du processus d'adaptation (pièce 3, onglet 5). Dans une note, elle informait l'employeur que le fonctionnaire serait en congé jusqu'en janvier 2011 et, dans la deuxième, elle indiquait qu'à la lumière de sa dernière évaluation médicale et de la nature complexe de l'état du fonctionnaire, elle n'était pas en mesure de répondre à la lettre de M. Ferland. En janvier 2011, elle a recommandé que le fonctionnaire demeure en congé de maladie jusqu'à la mi-mai 2011. Selon le fonctionnaire, cela découlait de l'inaction de la part de l'employeur en ce qui concerne les mesures d'adaptation à son égard. Le médecin n'a pas été appelé à témoigner et n'a pas corroboré l'énoncé du fonctionnaire. En outre, rien dans ses notes médicales n'indiquait qu'il en était ainsi.

77 Un nouveau directeur, M. Pitre, a été nommé en avril 2011, avant le retour au travail du fonctionnaire. Des courriels ont été échangés entre le fonctionnaire, M. Pitre et M. Ferland au début d'avril 2011. Selon ces courriels, il est évident que le fonctionnaire croyait et continue de croire que l'employeur aurait dû se fier à la note médicale de novembre 2010 pour les mesures d'adaptation, même s'il avait été absent du lieu de travail depuis le 6 décembre 2010 et à l'énoncé du médecin dans sa note du 8 décembre 2010 selon lequel elle fournirait des renseignements supplémentaires à l'employeur.

78 L'employeur a reçu des renseignements supplémentaires du médecin du fonctionnaire uniquement après lui avoir rédigé une lettre en mai 2011. Encore une fois, ces renseignements n'étaient pas clairs. Les renseignements comprenaient des énoncés généraux qui étaient inutiles pour l'employeur, comme des recommandations liées à des restrictions sur le plan social, selon lesquelles l'employeur devait réduire [traduction] « […] ce qui semble être un stress personnel excessif, un conflit […] » et que l'employeur porte [traduction] « […] attention à la création d'un environnement social 'sain' qui permet que le travail soit axé sur la réalisation des attentes et des exigences […] » (voir la pièce 1, onglet 9).

79 Le médecin a également indiqué qu'elle ne pouvait recommander à l'employeur ce qu'il devait faire ou ne pas faire et elle a recommandé l'aide d'un spécialiste en réadaptation (travailleur en réadaptation) afin de déterminer la façon la plus faisable de permettre le retour au travail en temps opportun (voir la pièce 1, onglet 9). Cette note indiquait clairement que des discussions avec la société d'assurance du fonctionnaire, la Sun Life, seraient requises et que certaines mesures devraient être prises avant que l'employé ne puisse retourner au travail.

80 Le travailleur en réadaptation a proposé que l'employeur fournisse un changement de lieu, d'équipe et de structure hiérarchique afin de donner un [traduction] « nouveau départ » au fonctionnaire. Elle ne comportait aucune mention selon laquelle le fonctionnaire devait relever d'une autre division ou direction (voir la pièce 1, onglet 9).

81 L'employeur a reconnu qu'il y avait un retard à mettre en œuvre de nouveau les mesures d'adaptation ergonomiques de 2009. Il s'est avéré difficile de trouver un bureau approprié et certains équipements du fonctionnaire ont été perdus pendant le processus de réinstallation. Selon M. Pitre, il existait de nombreux problèmes et l'ensemble du processus constituait un [traduction] « cauchemar ». De plus, la chaise du fonctionnaire devait être réparée et l'employeur a agi immédiatement à cet égard. Lorsqu'elle ne pouvait pas être réparée, elle a été remplacée, ce qui a nécessité une période supplémentaire.

82 M. Pitre a invité le fonctionnaire à participer à une réunion portant sur son retour au travail le 7 septembre 2011 en vue de discuter de son plan de retour au travail. Son agent négociateur et son travailleur en réadaptation de la Sun Life y ont également assisté.

83 Lors de la réunion, l'employeur a proposé que le fonctionnaire rende compte à Mme Ifill au sein du groupe de travail du SDSC. La proposition répondait à toutes les exigences indiquées par son médecin et par la Sun Life. Elle lui offrait un changement d'emplacement et d'équipe, ainsi qu'une autre relation hiérarchique (voir la pièce 3, onglet 10). Ni le travailleur en réadaptation ni l'agent négociateur du fonctionnaire ne se sont opposés au plan élaboré par l'employeur. Le fonctionnaire a signé un plan de retour au travail et M. Pitre a reconnu qu'il ne s'agissait pas de l'énoncé final. Des modifications pourraient être nécessaires en cours de route.

84 L'employeur a fait valoir qu'il a offert des mesures d'adaptation raisonnables au fonctionnaire. Il se peut que la structure hiérarchique au sein du groupe du SDSC n'ait pas été la solution privilégiée par le fonctionnaire, mais il s'agissait d'une solution qui répondait à ses besoins et qui offrait un retour au travail sans heurt. L'employeur a également fait valoir que le fonctionnaire a omis de faciliter la mise en œuvre du plan de retour au travail. Ses actions ont mené à l'échec de la mise en œuvre de mesures d'adaptation raisonnables et ont contribué à la détérioration des communications, ce qui a nui davantage au processus d'adaptation. Seulement un mois après la mise en œuvre du processus de retour au travail, le fonctionnaire a rédigé une lettre à l'intention de la VPRH de l'ASFC, y compris une note scellée d'un autre médecin, soit la Dre Henry (voir la pièce 3, onglet 13). Dans sa lettre, le fonctionnaire a allégué que l'ASFC ne respectait pas l'entente de retour au travail et il a fourni un récit de sa version des événements.

85 La note de la Dre Henry indiquait que l'objectif des restrictions figurant à l'entente de retour au travail visait à faire en sorte que le fonctionnaire ne soit plus assujetti à l'influence de M. Ferland. Cela n'est pas appuyé par le plan de RTP élaboré par la Sun Life qui indique uniquement un changement d'équipe de travail, de structure hiérarchique et d'emplacement (voir la pièce 3, onglet 10). Au contraire, la Dre Henry a fondé ses recommandations sur l'exigence que le fonctionnaire suive un plan de travail ou de carrière permettant de concorder ses compétences et ses objectifs.

86 Après la réception par la VPRH de la lettre du fonctionnaire, l'employeur a essayé encore une fois de déterminer ses limites et restrictions. Mme Boyd a été chargée d'établir les faits relativement aux allégations formulées dans sa lettre. Elle a conclu qu'à la lumière des renseignements qui lui ont été fournis, les renseignements médicaux fournis par les médecins du fonctionnaire n'étaient pas clairs quant à ses capacités fonctionnelles véritables et quant à savoir s'il existait un état sous-jacent qui nécessitait la prise de mesures d'adaptation. Elle a recommandé que l'employeur demande d'autres précisions auprès des médecins du fonctionnaire relativement à ses besoins médicaux et au fondement de toute mesure d'adaptation recommandée à prendre sur son lieu de travail (voir la pièce 3, onglets 15 et 17).

87 Un malentendu est ensuite survenu entre l'employeur et le fonctionnaire relativement au processus d'adaptation. Par conséquent, les communications se sont détériorées et le fonctionnaire doit partager la responsabilité à cet égard. Cela a mené à la décision de l'employeur de rédiger une lettre à l'intention de la Dre Henry pour l'informer que sa dernière note ne fournissait pas suffisamment de renseignements relativement aux changements supplémentaires proposés dans le lieu de travail et qu'aucune autre mesure d'adaptation ne sera prise en fonction des renseignements médicaux existants (voir la pièce 3, onglet 27).

88 L'échec du processus d'adaptation a été démontré davantage par la confusion relative à l'acceptation de la demande du fonctionnaire d'obtenir une nouvelle évaluation ergonomique, tel que l'a exigé son médecin. M. Pitre a quitté la division pendant cette période et un nouveau gestionnaire, M. Simon, a pris la relève. L'employeur a accepté d'effectuer l'évaluation ergonomique du nouveau lieu de travail du fonctionnaire dans un délai de deux mois suivant la réception de la première demande de son médecin. Son grief portant sur le retard de l'employeur à approuver l'évaluation ergonomique a été accueilli en partie au dernier palier et on lui a accordé un congé payé pour la période du 10 mai 2012 au 22 juin 2012.

89 Le fonctionnaire n'a pas établi qu'il avait une incapacité visée par la LCDP qui exigeait une mutation hors de la compétence de M. Ferland. Il n'a également pas établi qu'il avait fait l'objet d'un traitement négatif dans le milieu de travail en raison de son incapacité et que cette dernière constituait un facteur du traitement négatif qu'il a subi. Le fonctionnaire n'a pas établi une preuve prima facie de l'existence de discrimination. L'employeur fait valoir qu'il s'est acquitté de son obligation de prendre des mesures d'adaptation au point de subir une contrainte excessive et qu'il n'a pas retardé le processus d'adaptation de manière déraisonnable.

90 Le fonctionnaire a tout fait pour nuire à la mise en œuvre du RTP convenu par tous les intervenants. Il n'a pas favorisé la recherche de mesures d'adaptation utiles en répondant aux demandes raisonnables de l'employeur de fournir des renseignements médicaux pertinents quant à ses limitations et restrictions. Au contraire, il a tenté de dicter à l'employeur, à l'aide de notes médicales, les modalités précises de ses préférences en matière d'adaptation. Ses actions ont mené à la détérioration des communications qui ont retardé le processus d'adaptation.

91 Le sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») accorde à la Commission la compétence de traiter les griefs individuels portant sur la mutation sans consentement en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, la « LEFP », lorsque le consentement est nécessaire. Le terme « mutation » figurant à la LRTFP a le même sens que celui figurant à la LEFP (voir Canada (Procureur général) c. Dawidowski, [1994] A.C.F. no 1791 (QL)). Selon la définition prévue à la LEFP, une mutation consiste en un transfert d'une personne d'un poste à un autre sous le régime de la partie 3de la LEFP.

92 Dans Dawidowski, la Cour fédérale a décidé que, pour appuyer une conclusion selon laquelle un employé a été muté, la Commission doit d'abord conclure qu'il existe un élément subjectif (l'intention de muter) et un élément objectif (conformités aux conditions énoncées dans la LEFP et aux directives du Conseil du Trésor; voir le paragr. 11). La Cour fédérale a rejeté l'idée d'une « mutation de facto », puisque cela pourrait porter atteinte aux droits et aux protections des employés prévus par la loi, ce qui n'est manifestement pas l'intention du législateur.

93 La Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu que Dawidowski correspond à la proposition selon laquelle les mutations reconnues en vertu de la LEFP sont uniquement celles pour lesquelles le ministère avait l'intention de procéder à une mutation et qui sont conformes à toute condition pertinente prévue par les lois, les règlements ou les lignes directrices (voir Yarney c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2013 CRTFP 45).

94 Le fonctionnaire n'a produit aucun élément de preuve selon lequel il a été muté de son poste au SSMAEC à un autre poste au SDSC. En fait, selon son témoignage, son poste au SSMAEC a été muté au SDC, ce qui a été confirmé par la preuve de l'employeur selon laquelle il a continué d'occuper le même numéro de poste aux deux endroits. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que l'employeur avait l'intention de muter le fonctionnaire à un autre poste ou qu'il s'est conformé aux politiques en matière de dotation de l'ASFC relativement aux mutations. Le plan de retour au travail indique clairement que le fonctionnaire serait affecté à l'équipe du SDSC (voir la pièce 3, onglet 10). La Commission n'a pas compétence pour trancher cette question, puisque le fonctionnaire n'a pas fait l'objet d'une mutation sans son consentement.

95 Toute action prise par l'ASFC ne correspond pas à une contravention de l'article 147 du CCT. Le fonctionnaire ne cherchait pas à exécuter un droit en vertu du CCT et il n'existait aucun lien entre les présumées représailles de l'employeur et l'exécution d'un droit en vertu du CCT. Les litiges concernant l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, même s'ils se rapportent à la sécurité au lieu de travail, ne correspondent pas à une preuve prima facie de l'existence de représailles (voir Davies v. Honda of Canada Manufacturing, 2012 CanLII 78331 (commission du travail de l'Ontario).

96 Tout comme dans Honda, l'interprétation des restrictions médicales du fonctionnaire constitue le cœur du différend. Il y avait un désaccord fondamental quant à sa capacité de rendre compte à M. Ferland et la nécessité d'une nouvelle évaluation ergonomique. L'évaluation ergonomique du fonctionnaire était prévue le même jour que le présumé refus de travail du fonctionnaire. Il a envoyé un courriel à son gestionnaire indiquant qu'il ne se sentait pas bien et qu'il se rendait chez lui. Par conséquent, l'évaluation ergonomique ne pouvait être effectuée à cette date et a dû être reportée. Il a indiqué à son délégué syndical qu'il retournerait au travail lorsqu'il se sentirait mieux et qu'un bureau de travail ayant fait l'objet d'une évaluation ergonomique comportant toutes les mesures d'adaptation requises indiquées dans le rapport lui était fourni (voir la pièce 3, onglet 34).

97 Dans sa plainte, le fonctionnaire a soulevé les mêmes questions qu'il avait soulevées dans ses griefs, plus particulièrement que l'employeur avait omis de réaliser l'évaluation ergonomique de son poste de travail. Il a également indiqué dans sa plainte qu'il avait déposé un grief portant sur cette question. La plainte ne mentionne aucun droit précis auquel l'employeur a porté atteinte et elle n'établit pas non plus un lien entre un droit prévu à l'article 147 du CCT et le présumé acte de représailles. La plainte renvoie plutôt à la mesure corrective imposée en vertu de l'article 134 du CCT. La plainte ne comporte aucun détail sur le risque à la santé et à la sécurité qu'il tentait de prévenir.

98 Même s'il y avait un désaccord quant aux capacités du fonctionnaire, cela ne constitue pas un manquement prima facie du CCT. Aucun élément de preuve n'a été déposé à l'audience relativement à la réalisation d'une enquête disciplinaire. Le fonctionnaire n'a jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire ni d'une enquête disciplinaire. La rémunération qui ne lui a pas été versée visait une période durant laquelle son absence du travail a été déterminée être une absence non autorisée. Le congé non payé pour cette période a par la suite été remplacé par un congé payé (voir la pièce 3, onglet 42).

IV. Motifs

99 Le fonctionnaire a allégué que l'employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit relativement à son incapacité, en contravention de la LCDP, de la clause 43.01 de la convention collective du groupe CS, ainsi que des politiques du Conseil du Trésor et de l'ASFC relativement aux mesures d'adaptation à l'égard des employés ayant une incapacité.

100 La clause 43.01 de la convention collective prévoit qu'il n'y aura aucune discrimination exercée ou appliquée à l'égard d'un employé du fait de son incapacité mentale ou physique, entre autres motifs.

101 Selon l'alinéa 226(2)a) de la LRTFP, un arbitre de grief ou la Commission peuvent, en ce qui concerne toute affaire renvoyée à l'arbitrage, interpréter et appliquer la LCDP, (sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l'exécution de fonctions équivalentes), qu'il y ait ou non un conflit entre la LCDP et la convention collective.

102 Selon l'article 7 de la LCDP, le fait de défavoriser un employé en cours d'emploi pour des motifs de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. L'incapacité est un motif de distinction illicite (paragraphe 3(1) de la LCDP). Selon la définition prévue à l'article 25 de la LCDP, une incapacité est une « déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue ».

103 Afin d'établir qu'un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d'abord établir une preuve prima facie de l'existence de discrimination. Une preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire s'estimant lésé en l'absence de réplique du défendeur (O'Malley, paragr. 28). La Commission ne peut pas tenir compte de la réponse de l'employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de l'existence de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, paragr. 22).

104 Un employeur faisant face à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve permettant de fournir une explication raisonnable qui démontre que ses actions n'étaient pas, en fait, discriminatoires, ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. v. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, paragr. 13). Si une explication raisonnable est fournie, il incombe au fonctionnaire de démontrer que l'explication n'est qu'un prétexte pour exercer de la discrimination (voir Maillet au paragr. 6).

105 Il n'est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l'unique raison des actions en litige pour prouver l'allégation de discrimination. Le fonctionnaire n'a qu'à démontrer que la discrimination constitue un des facteurs de la décision de l'employeur (voir Holden v. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.), paragr. 7). Le fardeau de la preuve dans les affaires concernant la discrimination est le fardeau civil de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale), 1996 CanLII 4067 (CAF), [1996] 3 FC 789).

106 Tel qu'il est expliqué ci-dessous, je conclus que, même si le fonctionnaire a établi une preuve prima facie de l'existence de discrimination, l'employeur a présenté une explication raisonnable et, par conséquent, la demande du fonctionnaire ne peut être corroborée.

107 Personne ne conteste le fait que le fonctionnaire a une incapacité. Selon la preuve qu'il a présentée, dès son retour au travail en septembre 2011, il a découvert que les modifications ergonomiques apportées à son poste de travail modulaire étaient manquantes. Ces modifications comprenaient l'utilisation d'une chaise et d'un clavier précis, ainsi que deux moniteurs. Le fonctionnaire a été relocalisé quatre fois au cours d'une période de huit mois, mais aucun des postes de travail modulaires qui lui ont été attribués n'était aménagé de manière à répondre à ses besoins, conformément à l'évaluation ergonomique effectuée en 2009. L'équipement requis était également souvent manquant.

108 En outre, il a soutenu qu'il avait été réaffecté à un poste qui n'était pas approprié au sein de l'équipe du SDSC. Selon lui, il s'agissait d'un emploi différent dont les rôles et responsabilités étaient différents de ceux du poste qu'il avait occupé au SSMAEC avant de prendre son congé de maladie en décembre 2010. L'aggravation à laquelle il a fait face en ce qui concerne ce nouveau poste, exacerbée par son poste de travail modulaire mal adapté ainsi que par les questions continues en matière d'adaptation, l'a beaucoup frustré. Il a été troublé, ce qui a fait en sorte qu'il a eu de la difficulté à s'intégrer.

109 Ces facteurs l'ont tous empêché d'exécuter son travail de manière appropriée. En ce qui concerne les problèmes liés à son poste de travail modulaire, il a proposé, à titre de solution, de travailler à domicile. Cette suggestion a été refusée. En dernier lieu, lorsqu'un autre poste de travail modulaire lui a été attribué en juin 2012, lequel manquait encore une fois son équipement requis, il a indiqué qu'il était devenu évident que l'employeur ne se conformait pas à l'évaluation ergonomique et aux recommandations de l'ergothérapeute et que ces manquements constituaient une menace en matière de santé et sécurité au travail à son endroit; par conséquent, il estimait qu'il ne pouvait pas continuer de travailler dans ces circonstances.

110 À l'automne 2012, l'employeur a finalement mis en œuvre toutes les recommandations, et tous les problèmes ergonomiques du fonctionnaire ont été traités, ce qui l'a permis d'exécuter son travail sans obstacle.

111 En appliquant le critère établi dans O'Malley, je conclus que cette preuve, si je lui fais foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du fonctionnaire, en l'absence de réplique du défendeur. Sa preuve a démontré qu'il avait une incapacité et qu'elle constituait un obstacle à l'exécution appropriée de son travail dans le milieu fourni par l'employeur et que cela a, en fin de compte, mené à sa décision d'exercer son droit de refuser de travailler en vertu du Code canadien du travail. Par conséquent, le fonctionnaire a établi une preuve prima facie au motif qu'il a été défavorisé en cours d'emploi en raison de son incapacité.

112 Toutefois, je conclus que l'employeur a répondu de manière convaincante à la preuve prima facie du fonctionnaire, notamment qu'il avait réussi à prendre des mesures d'adaptation pour répondre aux besoins du fonctionnaire après son retour au travail en septembre 2011. Cela constitue une explication raisonnable et tout retard qui pourrait être survenu relativement à la mise en œuvre des mesures d'adaptation est attribuable au fonctionnaire.

113 Plus particulièrement, je conclus que le retard en ce qui concerne la capacité de l'employeur de moderniser un poste de travail modulaire pour l'adapter à l'incapacité physique du fonctionnaire a été causé par son manque de collaboration à fournir les renseignements médicaux nécessaires. Si le fonctionnaire avait signé l'autorisation de faire l'objet d'une évaluation de l'aptitude à travailler lorsque cela lui a été demandé, plutôt que de communiquer sans cesse avec l'employeur au sujet de quels renseignements serait autorisé à être divulgué, cette question n'aurait pas retardé davantage la détermination et la clarification de ses besoins. S'il n'avait pas fourni des notes médicales contradictoires, il se pourrait qu'aucune précision supplémentaire n'aurait été requise. Si, le 9 mai 2012, il était resté au travail assez longtemps pour faire l'évaluation ergonomique prévue à cette date, il n'y aurait eu aucun autre retard. Le fonctionnaire a donc causé le retard de la mise en œuvre de cette partie du processus d'adaptation.

114 Tel que l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans Renaud,au paragraphe 43, les employés qui demandent une mesure d'adaptation sont tenus de collaborer avec leur employeur en lui fournissant des renseignements quant à la nature et l'étendue de la présumée incapacité qui lui permettra de déterminer la mesure d'adaptation nécessaire. Le fonctionnaire n'a pas réussi à s'acquitter de manière appropriée de cette obligation.

115 Il est évident que le fonctionnaire était frustré par les tâches qui lui avaient été attribuées au SDSC et que cela a malheureusement pu jouer un rôle quant à sa réticence à collaborer. Toutefois, selon l'opinion médicale du médecin du fonctionnaire, ce dernier devait être muté à une autre division. L'employeur s'est entièrement conformé à cet avis en s'assurant que le fonctionnaire soit muté de la division du SSMAEC et qu'il soit isolé du niveau du directeur général, tel qu'il a été recommandé par la Dre Henry. Il était évident qu'il ne s'agissait pas du placement privilégié par le fonctionnaire et, une fois qu'il a fait part de ses opinions à ce sujet, M. Pitre a communiqué les intérêts du fonctionnaire en collaborant avec les gestionnaires d'autres divisions et directions, mais le fonctionnaire a lui-même omis de faire le suivi et de se « promouvoir » auprès d'eux. Néanmoins, l'employeur n'était pas, en fin de compte, tenu de muter le fonctionnaire ailleurs. Le poste au SDSC répondait aux exigences en matière d'adaptation définies par le médecin. Il s'agissait d'une mesure d'adaptation raisonnable, puisque les employeurs ne sont pas tenus d'offrir une [traduction] « mesure d'accommodement parfaite » (voir Andres c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 86 au paragr. 89).

116 L'employeur a donc fourni une explication raisonnable démontrant qu'une mesure d'adaptation complète avait été prise à l'égard du fonctionnaire. Même si la mesure d'adaptation n'était pas parfaite, elle répondait aux limites du fonctionnaire et elle était raisonnable. Les allégations du fonctionnaire selon lesquelles l'employeur a fait preuve de discrimination à son endroit n'ont donc pas été corroborées.

117 En ce qui concerne la question de la présumée mutation, le fonctionnaire a soutenu avoir été muté au poste au SDSC sans son consentement. La représentante de l'employeur a indiqué correctement le critère pour déterminer si une mutation a été effectuée. L'affaire Dawidowski exige l'établissement des deux éléments suivants à l'appui d'une allégation de mutation : l'intention de muter la personne et la conformité aux conditions énoncées dans la LEFP et les directives du Conseil du Trésor. Lorsqu'ils prennent des mesures d'adaptation relativement aux incapacités des employés, les employeurs ne sont pas tenus de suivre les règles et les règlements en matière de dotation, ce qui annule, selon moi, l'élément objectif du critère établi Dawidowski,puisqu'il ne vise pas le processus de dotation normal. En outre, le fait que le fonctionnaire a continué d'occuper le même numéro de poste annule davantage l'élément objectif. Le fonctionnaire n'a démontré aucun des éléments requis pour que j'aie compétence relativement quant à la question relative à la mutation au sens de l'article 231 de la Loi. Il n'a pas démontré que son consentement était nécessaire. Même s'il l'avait fait, la mutation n'aurait pas eu lieu sans son consentement, ni celui de son spécialiste en réadaptation et de son agent négociateur, dans le cadre de son accord à l'égard du RTP.

118 En ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire en raison de son refus d'exécuter un travail dangereux, le représentant du fonctionnaire a raison lorsqu'il affirme qu'aucun libellé précis n'est requis pour informer l'employeur que le fonctionnaire invoquait ses droits en vertu du CTC. Toutefois, le fonctionnaire n'a pas invoqué ces droits le 9 mai 2012. Il a simplement informé son gestionnaire qu'il ne se sentait pas bien, qu'il quittait le lieu de travail et qu'il y reviendrait uniquement lorsqu'un poste de travail modulaire muni de l'équipement convenable lui serait fourni. Le fonctionnaire n'a pas invoqué ses droits en vertu du CCT avant sa dernière communication avec la représentante en santé et sécurité au travail, alors qu'il n'était plus dans le lieu de travail. Il ne s'agissait pas du processus approprié pour invoquer ses droits de refuser un travail dangereux.

119 L'employeur était tenu de traiter l'absence du fonctionnaire du lieu de travail et il a choisi de le faire sous la forme d'un congé non payé non autorisé. Je suis d'avis qu'il s'agissait d'une mesure administrative et non d'une mesure disciplinaire. Je dois souligner que la mesure a été modifiée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et que le fonctionnaire a obtenu un congé spécial payé pour la période en question et, par conséquent, il a été rémunéré.

120 Le fonctionnaire demande des dommages pour les douleurs, la souffrance et l'humiliation subies en raison des appellations « mousquetaire » et « Mousquetaire T. » utilisées par la représentante des relations de travail dans ses communications tout au long du processus d'adaptation. Il n'a déposé aucun élément de preuve permettant d'évaluer l'ampleur de l'incidence de ces commentaires. Selon le témoignage de M. Ferland et de M. Boyd, ces commentaires n'étaient ni appropriés, ni professionnels. M. Ferland a indiqué qu'il avait embauché un mentor pour travailler avec l'agente des relations de travail pour l'aider au cours de son perfectionnement professionnel. Je suis d'avis que les commentaires n'étaient pas appropriés, tel que l'a indiqué M. Ferland, et je suis convaincu que l'employeur a pris les mesures appropriées pour traiter de ce comportement inacceptable. Aucun lien n'a été établi entre l'incidence de ces commentaires et l'incidence sur le fonctionnaire au cours de ce processus. Il n'était pas au courant des commentaires avant qu'il n'ait reçu les résultats d'une demande d'accès à l'information déposée après le présent grief. On ne peut dire qu'il était plongé dans l'embarras pendant le processus alors qu'il n'en avait même pas pris connaissance.

121 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

122 La plainte 560-02-086, dans laquelle le fonctionnaire allègue avoir fait l'objet d'une mesure disciplinaire, contrairement à l'article 147 du CCT, est rejetée.

123 Le grief 566-02-8065, dans lequel il est allégué que l'employeur a omis de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire contrairement à la convention collective et la LCDP, est rejeté.

124 Le grief 566-02-8064, dans lequel il est allégué que l'employeur a retardé la mise en œuvre d'une entente de RTP et qu'il a fait preuve de discrimination à l'endroit du fonctionnaire contrairement à la convention collective et la LCDP, est rejeté.

125 Le grief 566-02-8066, dans lequel il est allégué que le fonctionnaire a fait l'objet d'une mutation sans son consentement, est rejeté.

126 Le grief 566-02-8067, dans lequel il est allégué que l'employeur a omis de fournir l'équipement requis au fonctionnaire et qu'il a omis de mettre en œuvre une entente de RTP, contrairement à la convention collective et la LCDP, est rejeté.

Le 29 janvier 2015

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction
publique et arbitre de grief

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