Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a soutenu que l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a omis de la représenter correctement après un accident de travail – elle a affirmé qu'elle a été harcelée et que l'employeur a omis de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de son incapacité – elle a aussi interjeté deux appels devant la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) – l'IPFPC l'a informée qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable que ses appels devant la CSPAAT soient accueillis ou qu'elle ait gain de cause pour sa plainte de harcèlement et qu'il cesserait de la représenter pour ces affaires – l'employeur a changé la nature du congé de la plaignante d'un congé de maladie payé à un congé de maladie non payé lorsqu'elle a omis de fournir les renseignements médicaux requis – la plaignante a refusé le conseil de l'IPFPC de fournir les renseignements requis et l'IPFPC l'a informée qu'il ne la représenterait pas, jusqu'à ce qu'elle fournisse les renseignements médicaux requis – la plaignante a demandé conseil à l'IPFPC au sujet d'une offre de règlement présentée dans le cadre de la médiation d'une plainte qu'elle avait déposée contre l'employeur auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, sans avoir mis l'IPFPC au courant ni sans lui avoir demandé son avis – l'IPFPC lui a conseillé d'accepter la contre‑offre de l'employeur et l'a informée que, si elle la rejetait, il ne la représenterait plus – l'IPFPC a fait appel aux services d'un avocat externe pour aider la plaignante avec les questions non réglées liées à sa cessation d'emploi imminente ou à sa réinsertion dans le lieu de travail, mais, dans un accord de représentation signé par la plaignante, l'IPFPC a clairement indiqué que la représentation ne s'étendrait à aucune autre affaire – la relation entre la plaignante et l'avocat externe était caractérisée par plusieurs problèmes qui semblaient éroder sa relation avec l'IPFPC – l'IPFPC a informé la plaignante qu'il lui retirait sa représentation, mais qu'il laissait la porte ouverte pour la représenter sur les questions de mesures d''adaptation si elle fournissait les renseignements médicaux requis – la plainte était volumineuse et incohérente et, malgré deux demandes pour que la plaignante fournisse des précisions, cette dernière ne l'a pas fait – elle a déposé des centaines de pages de documents à l'appui de sa plainte sans tenter d'une quelconque manière de les lier à ses allégations – il ne revenait pas à une formation de la Commission de passer les documents au crible et de tenter de comprendre la question – la plaignante a omis de fournir un exposé cohérent de la manière dont, selon elle, la législation avait été violée – la majorité des allégations étaient hors délais – la plaignante avait renoncé à son droit de plainte sur certaines questions lorsqu'elle avait signé l'accord de représentation, et elle n'a déposé aucune plainte connexe dans les délais prescrits – le seul incident qui était dans les délais prescrits était la lettre de l'IPFPC à la plaignante par laquelle l'IPFPC retirait ses services de représentation – la plaignante a omis de satisfaire à l'obligation de prouver comment l'IPFPC avait manqué à son devoir de représentation équitable – le ton, le contenu et la fréquence de la correspondance de la plaignante avec l'IPFPC et avec l'avocat dont il a retenu les services, frisaient l'outrage – l'IPFPC n'avait pas l'obligation de représenter une employée qui avait refusé de collaborer avec lui ou dont le manque de confiance était si dévastateur que la relation ne pouvait être fonctionnelle. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150423
  • Dossier: 561-34-652
  • Référence: 2015 CRTEFP 36

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

MARILYN GIBBINS

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Gibbins c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour le défendeur:
Isabelle Roy, avocate
Décision rendue sur la base d'arguments écrits déposés
le 20 novembre 2013, le 6 janvier, le 21 février
le 24 juin et les 16 et 31 juillet 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

1 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission.

I. Plainte devant la Commission

2 Le 30 octobre 2013, Marilyn Gibbins (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l'article 190 de la LRTFP contre son syndicat, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'« IPFPC » ou le « syndicat »). Bien que la plaignante ait déposé sa plainte au moyen de la formule 16, tel qu'il était exigé par l'ancien Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79; le « Règlement »), l'énoncé des lois qui faisaient l'objet de sa plainte consistait en une série de documents comprenant plus de 69 pages jointes à la formule de plainte. La plaignante a affirmé que la plainte était fondée sur de présumées violations des alinéas 190(1)a), b), c), d), e), f) et g) de la LRTFP.

3 Le 1er novembre 2013, le greffe de la CRTFP a écrit à la plaignante afin de demander des précisions relativement à l'objet de la plainte. Plus particulièrement, il a été demandé à la plaignante de préciser quelles dispositions de la LRTFP s'appliquaient à sa plainte contre le syndicat, et d'expliquer en quoi ces dispositions étaient liées aux particularités de sa situation.

4 La plaignante a répondu le 5 novembre 2013, comme suit :[traduction] « En ce qui concerne ma plainte contre l'IPFPC, soit le syndicat, je crois qu'elle devrait être examinée en vertu de l'alinéa 191g), de l'article 185, et plus particulièrement des articles 186, 187, 188 et 189, tel qu'il est énoncé dans le document volumineux que j'ai déjà présenté à la CRTFP. »

5 Il est à noter que, parallèlement au dépôt de sa plainte contre le syndicat, la plaignante a aussi déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre l'Agence du revenu du Canada (l'« employeur »; voir Gibbins c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 17), laquelle a été traitée séparément.

6 Comme je l'ai souligné, la plainte consiste en un document volumineux. Elle semble découler de la croyance de la plaignante selon laquelle le syndicat ne l'a pas représentée adéquatement dans les négociations de règlement avec l'employeur à la suite d'une plainte déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP »). Cependant, la plainte ne suit ni thème ni chronologie. La plaignante saute plutôt d'une allégation à une autre, et inversement, sans préciser les détails factuels, le cadre temporel ou le contexte. Il y a des allégations selon lesquelles le syndicat n'aurait pas aidé la plaignante à la suite des accidents survenus en milieu de travail qui ont eu lieu avant 2009. Selon d'autres allégations, le syndicat ne l'aurait pas aidée à obtenir des prestations d'invalidité et ne l'aurait pas représentée relativement aux questions touchant l'indemnisation des accidentés du travail. Il y a également eu des allégations selon lesquelles le syndicat n'a pas déposé de plainte de harcèlement et de discrimination en 2011 et qu'il n'aurait pas assisté aux séances de médiation ni répondu aux arguments concernant la plainte à la CCDP.

7 Les paragraphes 172, 173 et 174 de la plainte illustrent bien la portée et le style du document, ainsi que les questions qui y sont abordées. Ils sont ainsi rédigés :

[Traduction]

172.   Le syndicat ne m'a pas aidée à obtenir les prestations d'invalidité de la Sun Life, les prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) ou une retraite pour cause de maladie et n'a pas rédigé d'offre de règlement, même s'il l'avait promis depuis des mois. Le syndicat s'est assuré que je me heurte à un mur de briques toutes les fois où j'ai tenté de me renseigner, de demander de l'aide, ou d'aller de l'avant avec un règlement. Je n'ai touché absolument aucun revenu pendant plus de sept mois et, malgré cela, le syndicat ne m'a pas représentée et ne s'est pas soucié de moi. Ils m'ont dénigrée, ont essayé de me convaincre que je ne valais rien, que je ne méritais rien, que j'étais la cause du problème, et ils m'ont dit cela en pleine face. Ils m'ont plus ou moins traitée de menteuse à chaque occasion, m'ont piégée, puis ont essayé de contourner le fait qu'ils ont été négligents et ont jeté le blâme sur moi.

173.   Mme Roy m'a écrit deux lettres dans lesquelles elle a prétendu que le syndicat avait fait beaucoup pour moi et que j'étais la cause du problème; elle y dénaturait entièrement la situation. Mme Dolenc a affirmé en mars 2011 que j'étais « la cause du problème », malgré le fait qu'elle n'avait pas discuté des questions en cause avec moi et n'avait pas lu mes plaintes de harcèlement et de discrimination. Cette façon de m'intimider afin que je laisse tomber mes plaintes, tout en me dénigrant, est de mauvaise foi et constitue un manquement absolu au devoir de représentation équitable. Le syndicat m'a harcelée, a joué au plus fin avec moi et a amplifié le harcèlement et la discrimination qui étaient survenus auprès de mon employeur. Les gens du syndicat ont collaboré avec l'ARC afin de m'empêcher de retourner au travail, se sont mis de leur côté et ne m'ont pas défendue au mieux de mes intérêts.

174. De 2009 à 2011, leur représentation est passée de totalement et ouvertement non existante à un manquement au devoir de représentation équitable pendant quelques mois à partir de mars 2011, pour redevenir totalement non existante, puis arbitraire et de mauvaise foi; ensuite, le syndicat a manqué totalement au devoir de représentation équitable et a de nouveau agi de mauvaise foi lorsqu'il a une fois de plus mis fin à sa représentation, en juillet 2013, lorsque les agissements de M. Englemann ont clairement démontré que l'IPFPC n'avait aucunement l'intention de soutenir mon retour au travail, de s'efforcer de négocier un règlement ou même de voir si le règlement initial que j'avais obtenu était de retour à la table, ou encore de m'aider dans l'appel relatif à la Sun Life et pour obtenir un rendez-vous avec le Dr Sudaby.

8 Les trois premières pages du long document joint à la plainte contiennent un énoncé de la réparation demandée par la plaignante. Toutefois, elle a également inséré un bref énoncé de la réparation demandée dans la formule de plainte, comme suit :

[Traduction]

Que mon grief soit renvoyé à l'arbitrage, que les syndicats me représentent équitablement, en négociant ou en acceptant un règlement ou un arrangement pour le retour au travail ou des mesures d'adaptation; ou encore, que le syndicat obtienne des évaluations physiques et psychologiques dont il couvrira les frais, qu'il interjette APPEL du refus de mes prestations d'invalidité par la Sun Life et obtienne une retraite pour cause de maladie, advenant le cas où l'arrangement visant le retour au travail ne se concrétise pas. Que le syndicat poursuive les appels devant la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) comme il l'a promis. Qu'il agisse de manière équitable et non arbitraire, et non au moyen de représailles ou par mauvaise volonté, hostilité personnelle et intimidation; qu'il cesse d'enfreindre la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'agir de manière discriminatoire ou de mauvaise foi. Que les représentants syndicaux cessent de dire qu'ils étaient « trop occupés » comme ils l'ont fait pendant quatre ans. Qu'ils cessent de refuser d'assister aux séances de médiation ou de tenir des réunions avec l'employeur et moi-même.

9 Le grief auquel la plaignante faisait allusion était joint à la plainte. Il concernait une allégation de harcèlement et de discrimination au motif d'une déficience physique; même si la plaignante et un représentant syndical l'ont signé le 20 mai 2011, il pourrait avoir été présenté le 24 mai 2011. Aucune copie des courriels, des notes manuscrites et des autres documents mentionnés dans la plainte n'était jointe.

10 Le 14 janvier 2014, le personnel de la CRTFP a prié la plaignante de fournir à la Commission et au syndicat des copies des documents mentionnés dans la plainte, et ce, le 28 janvier 2014 au plus tard. Entre le 14 et le 28 janvier 2014, la plaignante a produit un grand nombre de documents liés à sa plainte. Il est à noter qu'elle ne les a pas identifiés expressément comme étant ceux auxquels elle faisait allusion dans la plainte. La plupart des documents présentés étaient des copies de courriels de la plaignante à des personnes du syndicat et ils faisaient écho aux allégations soulevées dans sa plainte.

11 Le 20 novembre 2013, le syndicat a écrit à la CRTFP au sujet de la plainte et lui a laissé entendre qu'à son avis, la médiation de la plainte ne serait pas utile. Il a également soulevé un certain nombre de questions de procédure. Plus précisément, le syndicat a fait valoir que la plainte était non ciblée, vague, répétitive et difficile à suivre, et il a ajouté qu'il semblait qu'un bon nombre des allégations de la plaignante avaient été soulevées en dehors des délais prescrits, puisqu'elles portaient sur des événements qui étaient survenus en dehors du délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) de la LRTFP concernant les plaintes de pratique déloyale de travail. Le syndicat a soutenu que la seule affaire qui se situait à l'intérieur de la limite de 90 jours était sa décision de retirer sa représentation de la plaignante, laquelle a été communiquée à la plaignante le 2 août 2013.

12 Le syndicat a demandé que la plaignante soit priée de fournir un énoncé concis des allégations présentées dans les délais prescrits qui constituaient la teneur de la plainte, afin de pouvoir mieux y répondre. Le syndicat a aussi demandé une prorogation du délai de réponse à la plainte, compte tenu des questions qu'il avait relevées.

13 La lettre du syndicat en date du 20 novembre 2013 a été transmise à la plaignante. Elle a été priée de fournir tout autre document nécessaire pour répondre aux questions du syndicat, au plus tard le 5 décembre 2013. À sa demande, le délai a été prorogé jusqu'au 6 janvier 2014.

14 Le 6 janvier 2014, la plaignante a expédié un courriel de deux pages accompagné d'une pièce jointe de 18 pages, qui traitaient tous deux de sa plainte contre l'employeur et de sa plainte contre le syndicat. Comme elle l'a reconnu, le document est [traduction] « incohérent ». Les observations ne sont présentées ni suivant un ordre chronologique ni par thèmes. Peu de dates permettent de reconstituer la séquence des événements. Il ne s'agit pas d'un document qui se prête à une synthèse.

15 Ce qui ressort des observations, cependant, c'est que la plainte est fondée sur la conviction de la plaignante que l'IPFPC ne l'a pas représentée équitablement, parce qu'il n'a pas, pour reprendre ses mots, [traduction] « accepté » une entente de règlement qu'elle prétendait avoir conclue avec l'employeur en octobre 2013. Elle a fait valoir que le syndicat avait accepté de la représenter dans l'affaire liée au règlement avec l'employeur, en février 2013, mais qu'il avait omis de le faire par la suite.

16 La plaignante a aussi affirmé que le syndicat ne l'avait pas représentée pendant un certain nombre d'années, tant avant qu'après qu'elle ait été, comme elle l'a décrit, forcée de quitter son emploi. Selon son argumentation, le syndicat n'a accepté de la représenter qu'après qu'elle eut négocié un règlement avec son employeur, avec l'aide de la CCDP. Elle a affirmé qu'à un moment donné, le syndicat a accepté de retenir les services d'un avocat indépendant afin de l'aider dans les négociations d'un règlement avec l'employeur, mais seulement si elle renonçait à certains de ses droits. Elle a prétendu que l'avocat engagé par le syndicat afin de la représenter avait trahi sa confiance en n'agissant pas dans son intérêt supérieur et qu'il avait ensuite refusé de continuer de la représenter. La plaignante a allégué en outre que le syndicat l'avait ensuite laissé tomber et qu'il avait l'intention de se débarrasser d'elle afin de ne pas avoir à négocier avec l'employeur. La plaignante a également soulevé la question du respect des délais lié à sa plainte.

17 Le 28 mai 2014, les parties ont été priées de présenter une argumentation écrite,n'excédant pas 10 pages, concernant les questions qui n'avaient pas déjà été abordées dans leurs observations précédentes, conformément à un calendrier préétabli. Les parties ont été avisées qu'une fois toutes les observations reçues, l'affaire serait renvoyée à une formation de la CRTFP, qui pourrait rendre une décision en se fondant sur les observations produites ou, s'il le fallait, demander de plus amples observations ou décider qu'une audience est nécessaire.

18 Plutôt que de produire les observations demandées, la plaignante a déposé, le 24 juin 2014, ce qu'elle a qualifié de deuxième plainte contre le syndicat. Cependant, la plainte présumée n'a pas été déposée de la manière prescrite par l'article 2 du Règlement et, par conséquent, la CRTFP ne l'a pas acceptée à titre de nouvelle plainte. En outre, la plaignante a souligné dans la lettre d'accompagnement qu'en raison du fait qu'elle avait été limitée à 10 pages, elle n'avait pu aborder toutes les questions qu'elle voulait, ce qui laisse entendre qu'en réalité, le document faisait partie du processus relatif à l'argumentation écrite.

19 J'ai traité ce document et celui de la réfutation ultérieure que la plaignante a fait de l'argumentation par écrit du syndicat comme s'il s'agissait de l'argumentation écrite fournie en réponse à la demande de l'ancienne Commission datée du 28 mai 2014, et non comme s'il s'agissait d'une deuxième plainte, et ce, même si une grande partie de l'argumentation porte sur des événements postérieurs à la date du dépôt de la plainte, soit le 30 octobre 2013. À mon avis, les questions soulevées par la plaignante découlent des faits qui ont donné lieu à la plainte déposée le 30 octobre 2013, plutôt que d'une nouvelle question distincte.

20 Les objections du syndicat qui sont fondées, d'une part, sur le respect des délais et, d'autre part, sur le défaut de la plaignante de détailler la plainte, ne seront pas traitées séparément. J'ai décidé de résumer les éléments de preuve et les arguments des parties liés au respect des délais, au défaut de fournir des détails et au bien-fondé de la plainte, en me fondant sur l'ensemble de leur argumentation, afin d'éviter la répétition. Je souligne également que la plaignante a produit un grand nombre de documents sans suivre un ordre particulier et sans schéma d'identification. Lorsque je ferai allusion à ces documents dans la présente décision, je mentionnerai simplement leurs dates, plutôt que la date de leur présentation. Les documents présentés par le syndicat ont été versés à leur argumentation et identifiés par numéro d'onglet, et j'utilise les dates de présentation et les numéros d'onglet pour les désigner lorsque je m'y reporte expressément.

II. Résumé de la preuve

21 Entre 2003 et 2006, la plaignante a été victime de deux accidents en milieu de travail qui lui ont causé des blessures aux deux pieds. Des complications sont survenues en raison de ses blessures aux pieds et son travail s'en est ressenti. À un moment donné, entre 2009 et 2011, elle a pris un congé de maladie payé.

22 La plaignante a allégué avoir demandé l'aide du syndicat au cours de cette période, parce qu'elle a fait l'objet de harcèlement et de discrimination au motif de sa déficience alors qu'elle était toujours au travail, et que l'employeur n'avait pas tenu compte des besoins liés à son invalidité. Cependant, elle a affirmé que le syndicat ne l'avait pas représentée au cours de cette période, malgré ses demandes à cet égard. Plus particulièrement, elle a soutenu que la représentante syndicale désignée pour l'aider à l'hiver 2011, Marija Dolenc, s'était montrée hostile et peu aidante, et qu'elle ne l'avait pas représentée de façon appropriée dans le cadre de sa plainte de harcèlement.

23 Au cours de cette période, la plaignante a interjeté deux appels à la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (la « CSPAAT »), déposé une plainte de harcèlement en milieu de travail, et présenté un grief de harcèlement.

24 Le 7 avril 2011, Patrizia Campanella, la conseillère juridique du syndicat, a avisé la plaignante que, d'après son examen des dossiers, elle croyait qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable que les appels devant la CSPAAT soient accueillis et que, par conséquent, elle ne recommandait pas de les poursuivre. Elle a cependant laissé la porte ouverte à un examen plus ample de l'appel interjeté par la plaignante relativement aux prestations pour perte de gains, à condition que la plaignante produise le rapport médical détaillé demandé par la CSPAAT (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 2).

25 Le 19 mai 2011, Mme Dolenc a écrit à la plaignante au sujet de sa plainte de harcèlement et des questions d'accommodement (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 3). Elle a évoqué dans les termes suivants les difficultés entourant leur relation de travail :

[Traduction]

Je pense que nous pouvons nous entendre sur le fait que nos échanges n'ont pas bien progressé, et que notre relation de travail a été soumise à de fortes pressions. Vous m'avez régulièrement accusée de ne pas représenter adéquatement vos intérêts et de manquer de professionnalisme envers vous. Vos critiques ne se sont pas limitées à moi, mais ont visé aussi d'autres membres du personnel de l'IPFPC qui avaient tenté de travailler avec vous […] Vous m'avez interdit de communiquer avec les représentants de l'employeur afin de discuter de votre affaire, à moins d'avoir votre autorisation expresse. Vous avez refusé de collaborer en fournissant les renseignements médicaux à l'employeur, au mépris de mes conseils et de ceux de mon prédécesseur, ce qui a contrecarré le processus d'accommodement. De façon générale, vous avez exprimé une réticence à accepter et à suivre mes conseils en matière de relations de travail, ou encore à répondre aux questions que je vous ai posées, qui, selon moi, étaient pertinentes à votre affaire.

26 Mme Dolenc a avisé la plaignante qu'à son avis, la plupart des incidents mentionnés dans sa plainte de harcèlement en milieu de travail étaient hors délai ou susceptibles d'entraîner le rejet de sa plainte. Elle a déclaré qu'elle avait recommandé que l'IPFPC cesse de représenter la plaignante dans tous les autres dossiers en cours, à l'exception de la plainte orale la plus récente, que le syndicat n'avait pas eu encore la possibilité d'évaluer.

27 À la suite de la lettre de Mme Dolenc à la plaignante, le 19 mai 2011, cette dernière a écrit à Isabelle Roy, l'avocate générale du syndicat, afin de lui demander un autre représentant. La plaignante a souligné ses nombreuses préoccupations en ce qui concerne la représentation de Mme Dolenc, notamment que, selon elle, Mme Dolenc ne la soutenait pas, avait violé ses droits et avait manqué à l'obligation de confidentialité à son égard. Elle a également indiqué qu'elle était entrée en contact avec un avocat spécialisé en droit du travail et la [traduction] « Commission des relations de travail », ainsi qu'avec la [traduction] « CDP » (ni l'un ni l'autre organisme n'était identifié dans la lettre), et qu'elle avait fourni des copies des documents concernant le défaut de l'IPFPC de la représenter. Elle a ajouté que la CDP et la Commission des relations de travail lui avaient dit qu'elles enquêteraient si l'IPFPC ne la représentait pas adéquatement.

28 Le 17 juin 2011, Mme Roy a répondu à la plaignante, en confirmant les recommandations de Mme Campanella, Mme Dolenc et d'autres représentants, voulant que le syndicat cesse de la représenter dans le cadre de ses appels devant la CSPAAT et sa plainte de harcèlement en milieu de travail (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 1). De plus, Mme Roy a fait remarquer ce qui suit :

[Traduction]

En dernier lieu, nous estimons qu'il est vraiment regrettable d'avoir à vous parler du ton de vos communications avec notre personnel, mais nous remarquons que la majeure partie de la correspondance de votre part à l'intention des divers membres de notre personnel, que nous avons examinée, est plutôt agressive, de nature accusatoire et, parfois, simplement irrespectueuse. L'Institut tire fierté du professionnalisme de son personnel et de ses membres, et dans cet esprit, nous vous prions immédiatement d'envisager une approche plus respectueuse lors de vos futurs échanges avec notre personnel.

29 À la fin de juin 2011, l'employeur a modifié la nature du congé de la plaignante pour un congé de maladie non payé, apparemment parce qu'elle n'avait pas fourni les renseignements médicaux demandés. Même si la plaignante s'est adressée au syndicat afin d'obtenir de l'aide, ce dernier et la plaignante ont convenu que la relation de travail était demeurée difficile.

30 Le 19 juillet 2011, Mme Roy a de nouveau écrit à la plaignante (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 4). Elle a souligné que le syndicat s'était efforcé de fournir des conseils et d'appuyer la plaignante pour l'aider à s'occuper de la question de son changement de situation, mais que la plaignante avait résisté aux conseils portant sur la nécessité de fournir des renseignements médicaux détaillés à l'employeur. Mme Roy a avisé la plaignante que, dans ces circonstances, le syndicat ne pouvait plus l'aider jusqu'à ce qu'elle ait fourni les renseignements médicaux demandés.

31 Le point de vue de la plaignante sur la situation était passablement différent. Le 13 juillet 2011, elle a envoyé un courriel à Mme Dolenc, dans lequel elle a allégué que les renseignements médicaux demandés par l'employeur reposaient sur des questions inappropriées et trompeuses qui étaient adressées à son médecin. Elle a allégué que le syndicat ne l'avait pas représentée, qu'il n'était pas intervenu relativement à sa situation et que, par conséquent, l'employeur croyait qu'il pouvait faire tout ce qu'il voulait pour la forcer à quitter son emploi. Dans un autre courriel à Mme Dolenc, le 19 juillet 2011, la plaignante a fait valoir qu'après avoir consulté son avocat spécialisé en droit du travail, elle souhaitait obtenir une réponse officielle quant aux motifs pour lesquels le syndicat n'avait pas porté de grief contre la décision de l'employeur de la forcer à prendre un congé non payé.

32 Dans son courriel à Mme Roy, le 20 juillet 2011, ainsi qu'à Mme Dolenc, le 22 juillet 2011, la plaignante a continué à insister sur le fait que les questions auxquelles l'employeur souhaitait que son médecin réponde étaient inexactes, et que le syndicat invoquait le délai d'obtention des renseignements médicaux comme excuse pour éviter de s'occuper de ses problèmes. Dans son courriel à Mme Dolenc, la plaignante a conclu ce qui suit :

[Traduction]

Et je me permettrai de dire que vous ne m'avez ni soutenue ni offert des conseils, sauf lorsque vous insistiez pour que je collabore aveuglément avec la direction, sans égard au fait que j'ai été blessée à trois reprises en raison de la négligence délibérée de la direction. Vous avez refusé de demander que la direction maintienne le statu quo en vertu duquel je pouvais être accommodée en travaillant de la maison jusqu'à ce que le médecin puisse répondre aux questions.

Ce document ainsi que la lettre inexacte de Mme Roy seront transmis à la Commission des relations de travail, dans le cadre de la documentation continue relativement au refus de l'IPFPC de collaborer avec moi ou de m'aider.

Si vous décidiez soudainement de faire preuve d'éthique et de professionnalisme, d'accepter la vérité et les faits existants, et de m'aider adéquatement comme le prévoit le mandat lié à votre emploi, veuillez communiquer avec moi.

33 En août 2011, la plaignante a écrit à son député dans l'intention qu'il intercède auprès de son employeur et du syndicat. Dans un courriel qu'elle lui a adressé le 10 août 2011, elle a souligné qu'elle avait communiqué avec la Commission des relations de travail (non identifiée), mais qu'on lui avait dit qu'une enquête s'échelonnerait sur des mois, voire des années. Elle a affirmé qu'elle attendait une réponse d'un cabinet d'avocats de Toronto, en Ontario, au sujet de la possibilité d'intenter une poursuite contre le syndicat pour pratique déloyale de travail, mais que le processus serait long et dispendieux.

34 Le 11 août 2011, la plaignante a envoyé un autre courriel à son député. Dans ce courriel, elle a souligné que tous les avocats qu'elle avait consultés lui avaient dit qu'elle pouvait déposer uneplainte de pratique déloyale de travail contre le syndicat, mais que seulement 15 p. 100 de ces plaintes étaient accueillis avec succès. Elle a fait valoir que le dépôt d'une telle plainte serait coûteux, et qu'elle croyait que si le syndicat était tenu responsable, il serait encore plus difficile de traiter avec lui.

35 Entre août 2011 et février 2013, la plaignante a continué à demander au syndicat de la représenter. Dans une lettre rédigée le 22 février 2013 (qui, selon le syndicat, portait la date inexacte du 22 février 2012), Mme Roy a résumé les communications du syndicat avec la plaignante au cours de la période en question (observation du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 5). Elle a mentionné qu'en novembre 2011, la plaignante avait été avisée que le syndicat cesserait de l'aider jusqu'à ce qu'elle se soit conformée à ses directives. Mme Roy a en outre souligné qu'en juillet 2012, la plaignante lui avait demandé conseil au sujet d'une offre de règlement qui avait été présentée dans le cadre de la médiation d'une plainte contre l'employeur déposée à la CCDP qui, selon Mme Roy, avait été déposée sans que le syndicat soit mis au courant et sans la participation de ce dernier. Mme Roy a souligné qu'elle avait demandé une copie de la plainte à la plaignante mais qu'elle ne l'avait pas reçue, et qu'avant de pouvoir prendre d'autres mesures, elle avait reçu une copie d'un courriel de la plaignante à l'employeur dans lequel celle-ci rejetait le règlement proposé.

36 Mme Roy a par ailleurs fait remarquer que, le 13 juillet 2012, la plaignante avait de nouveau demandé au syndicat de lui fournir une représentation à l'égard d'un certain nombre de questions, notamment la présentation d'un grief contestant la décision de l'employeur de la mettre en congé non payé, la demande de renseignements médicaux, ainsi que le processus de médiation qui était en cours avec l'aide de la CCDP. Mme Roy a avisé la plaignante qu'elle ne pourrait plus compter sur l'aide du syndicat, et ce, tant qu'elle ne répondrait pas à sa demande de renseignements médicaux, lesquels Mme Roy jugeait nécessaires pour faciliter son assistance.

37 En mars 2013, la plaignante s'est de nouveau adressée au syndicat afin d'obtenir de l'aide. Dans un courriel adressé à Mme Roy le 13 mars 2013, la plaignante a affirmé que les négociations avec l'employeur sous l'égide de la CCDP se poursuivaient, mais que l'employeur avait refusé de traiter avec elle directement et qu'il avait plutôt demandé l'intervention du syndicat.

38 La plaignante a déposé sa plainte à la CCDP sans l'aide du syndicat et sans que ce dernier en prenne connaissance. De plus, le syndicat n'a pris part à aucune négociation de règlement avant que la plaignante lui demande son aide, en mars 2013.

39 Dans sa correspondance à la plaignante, le 5 avril 2013, la CCDP a indiqué que le rapport de l'enquête initiale avait été communiqué aux parties et que leurs observations sur ce rapport devaient être présentées au plus tard à la fin d'avril 2013.

40 Le 22 avril 2013, le syndicat a commencé à représenter la plaignante dans le cadre des discussions de règlement et à prendre d'autres mesures jugées nécessaires pour régler la plainte à la CCDP. La plaignante a signé une autorisation à cet égard (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 6).

41 Le 4 mai 2013, la plaignante a communiqué par courriel avec Mme Roy et avec Linelle Mogado, sa représentante syndicale, afin de se plaindre de la représentation fournie par Mme Mogado et, plus particulièrement, du temps que le syndicat mettait à intervenir dans son dossier. Entre autres questions, la plaignante a souligné que ses prestations d'invalidité lui avaient été retirées, la laissant sans revenu. Elle a affirmé espérer que cela inciterait le syndicat à agir en son nom, mais qu'il y avait plutôt [traduction] « davantage de délais inutiles ».

42 Le 10 mai 2013, Mme Mogado et un autre représentant syndical ont rencontré la plaignante pour discuter de diverses questions, et lui ont offert de l'aide pour interjeter appel relativement à la cessation de ses prestations d'invalidité. Cependant, le 13 mai 2013, la plaignante a envoyé à Mme Mogado un courriel l'enjoignant à accorder la priorité au règlement de la plainte à la CCDP, plutôt qu'à sa plainte concernant les prestations d'invalidité.

43 Au mois de juin 2013, il était clair que les négociations de règlement concernant la plainte à la CCDP tiraient à leur fin. Il semble que les discussions aient porté principalement sur un paiement forfaitaire et sur le départ à la retraite de la plaignante pour cause de maladie. L'employeur avait rejeté les demandes de la plaignante et avait présenté une contre-offre, qu'elle souhaitait rejeter.

44 Le 27 juin 2013, Mme Roy a écrit à la plaignante afin de l'aviser qu'à son avis, la contre-offre de l'employeur était probablement le meilleur règlement qu'il était possible d'obtenir à la lumière des faits de l'affaire. Elle a conseillé à la plaignante d'accepter l'offre, et l'a avisée que si elle la rejetait, le syndicat ne la représenterait plus dans les négociations visant à régler la plainte. Mme Roy a dit à la plaignante que, de l'avis du syndicat, si elle rejetait l'offre de règlement de l'employeur, les seules questions qu'il resterait à résoudre avec lui seraient son retour au travail et les mesures d'adaptation relativement à son invalidité, ce qui exigerait des renseignements médicaux. Mme Roy a par ailleurs rappelé à la plaignante que le syndicat n'assurerait sa représentation dans aucune autre affaire que celle en lien avec les discussions de règlement concernant sa plainte à la CCDP, et qu'avec son rejet ou son acceptation de l'offre de règlement de l'employeur, la représentation assurée par le syndicat prendrait fin.

45 Le 28 juin 2013, la plaignante a unilatéralement rejeté l'offre de règlement de l'employeur visant la plainte à la CCDP. En conséquence, le 4 juillet 2013, Mme Mogado a avisé la CCDP et l'employeur que le syndicat ne représentait plus la plaignante dans les affaires liées à sa plainte à la CCDP.

46 Le 11 juillet 2013, le syndicat a décidé de retenir les services d'un avocat indépendant pour aider la plaignante relativement aux questions non réglées concernant sa [traduction] « […] cessation d'emploi imminente ou son retour au travail à l'Agence du revenu du Canada (« ARC ») » (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 12). Dans sa lettre à la plaignante, le syndicat a évoqué les difficultés qu'il avait éprouvées à établir une relation de confiance avec elle, et a exprimé l'espoir qu'en lui fournissant une représentation au moyen d'un avocat indépendant chevronné, elle finirait par trouver une solution à sa situation d'emploi.

47 Cependant, le syndicat a aussi mentionné dans la lettre du 11 juillet 2013 que la portée de la représentation offerte par l'avocat dont les services ont été retenus au nom de la plaignante serait limitée, et ne comprendrait pas la représentation relative aux affaires de la CSPAAT, le grief de harcèlement présenté le 24 mai 2011, ou la plainte à la CCDP déposée le 16 novembre 2011. L'avocat ne serait autorisé qu'à aider la plaignante à négocier un règlement visant la cessation de son emploi ou, à titre subsidiaire, à soutenir sa réinsertion dans le milieu de travail en réglant des questions telles qu'un arrangement en milieu de travail.

48 La lettre du 11 juillet 2013, qui définit la portée de la représentation assurée par l'avocat indépendant, fait aussi mention des précisions suivantes (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 12) :

[Traduction]

[…] Nous avons discuté à maintes reprises du fait que des documents médicaux s'avéreront nécessaires pour soutenir l'arrangement dont vous pourriez avoir besoin pour retourner au travail. Les documents médicaux peuvent aussi être pertinents aux discussions de règlement avec l'ARC. Si vous acceptez les conditions proposées quant à la représentation […] [l'avocat] discutera de la question des documents médicaux avec vous et indiquera les nouvelles autorisations à vous faire signer, afin de leur permettre d'obtenir des renseignements auprès de votre médecin traitant.

49 Une lettre d'autorisation, que le syndicat avait demandé à la plaignante de signer avant que l'avocat indépendant ne soit autorisé à agir en son nom était jointe à la lettre du 11 juillet 2013; la plaignante a signé cette lettre le jour même. Il y est expressément fait mention de la portée de la représentation établie dans la lettre d'accompagnement, et l'énoncé suivant y est inséré (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 13) :

[Traduction]

Comme l'Institut accepte de payer les coûts associés à cette affaire, je reconnais qu'il se réserve le droit de retirer ce soutien, s'il est établi qu'il est dans l'intérêt supérieur des effectifs de le faire. [L'avocat] conseillera l'Institut si je ne collabore pas ou crée des obstacles inutiles ou des complications relativement à ma représentation, moment auquel l'Institut pourra décider de retirer les services [de l'avocat]. Je comprends que je serai avisée de cette décision et des motifs du retrait.

50 Malheureusement, la relation entre la plaignante et l'avocat dont les services avaient été retenus pour l'aider a été affectée par un bon nombre de problèmes qui semblaient miner la relation de celle-ci avec le syndicat. Le 31 juillet 2013, elle lui a envoyé un courriel contenant la déclaration suivante :

[Traduction]

[…] En toute franchise, je suis méfiante à l'égard du fait que l'Institut retienne vos services, et je crois qu'ils l'ont fait dans leur propre intérêt et probablement pas dans le mien. La raison qui me porte à croire cela, c'est que je ne vois aucun motif pour lequel ils le feraient, si vous n'êtes pas en mesure de poursuivre la Sun Life en mon nom, de donner suite aux plaintes de harcèlement, ou même de négocier un règlement avec l'ARC. Par conséquent, je crois que l'Institut vous a engagé afin d'obtenir une preuve que je ne peux pas retourner au travail, ce qui aura pour effet de dégager à la fois l'Institut et l'ARC de toute responsabilité envers moi et à l'égard de ma situation […]

51 Entre le 31 juillet et le 2 août 2013, la plaignante a envoyé une avalanche de courriels volumineux à l'avocat dans lesquels elle a insisté, notamment, pour qu'il lui fournisse une confirmation par écrit qu'il se conformerait aux demandes et aux directives qu'elle a établies, y compris une demande selon laquelle le syndicat et lui doivent la [traduction] « représenter adéquatement » dans l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre du refus de ses prestations d'invalidité, ainsi qu'à l'égard des questions de harcèlement dont elle fait l'objet. Elle était préoccupée par le fait d'avoir à reporter les négociations avec l'employeur jusqu'à ce que les rapports médicaux demandés par l'avocat soient reçus, parce qu'elle ne voyait pas la nécessité de fournir les renseignements médicaux.

52 Malgré les explications qui ont été fournies à la plaignante, la relation entre celle-ci et l'avocat dont les services avaient été retenus pour l'aider s'est détériorée à un point tel que la plaignante a refusé d'autoriser que ses renseignements médicaux ne lui soient communiqués, et l'a accusé de la [traduction] « duper », de la [traduction] « manipuler » et de la [traduction] « tromper » dans l'intention de la forcer à accepter la retraite pour cause médicale.

53 Le 2 août 2013, l'avocat a avisé le syndicat qu'il ne pouvait plus continuer à travailler à ce dossier compte tenu des accusations de la plaignante et de sa méfiance évidente (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 16). Par conséquent, le syndicat a retiré sa représentation de la plaignante. Dans une lettre en date du 2 août 2013, Mme Roy a écrit ce qui suit (observations du syndicat en date du 21 février 2014; onglet 15) :

[Traduction]

[…] Nous sommes extrêmement déçus de la tournure des événements, et nous contestons les accusations portées contre l'Institut et son personnel. Contrairement à vos allégations graves, au fil des ans, l'Institut a pris des mesures allant bien au-delà de son devoir envers vous en tant que membre pour tenter de vous aider. Notre dernière tentative a été d'engager un avocat chevronné et réputé dans les domaines des relations de travail et des droits de la personne pour vous représenter. Au lieu de vous amener à collaborer et à aller de l'avant, cette démarche a abouti à d'autres accusations et à des demandes déraisonnables.

Au cours des derniers jours, vous avez envoyé plusieurs courriels dans lesquels vous exprimez, en termes non équivoques, votre manque absolu de confiance envers l'Institut et les membres de son personnel qui se sont efforcés de vous fournir de l'assistance et des conseils, ainsi que, tout récemment, envers les avocats indépendants dont les services ont été retenus pour vous aider. Vous faites aussi allusion au fait d'avoir retenu les services de votre propre « conseiller juridique ». L'Institut ne fournit pas de représentation aux membres relativement à des questions pour lesquelles ils retiennent les services de leur propre avocat. Pour tous ces motifs, il s'ensuit que l'Institut doit maintenant retirer tout à fait ses services de représentation visant vos questions liées au milieu de travail […]

54 À la suite du retrait de sa représentation par le syndicat, la plaignante a continué à solliciter son aide pour régler le litige en cours concernant son milieu de travail, même après avoir déposé la présente plainte.

55 Le 17 janvier 2014, après avoir reçu de nombreux courriels de la plaignante concernant sa situation d'emploi, le syndicat lui a écrit en faisant valoir que les questions qui la préoccupaient étaient les mêmes que celles qu'il avait tenté de résoudre avec l'aide d'un avocat. Il a réitéré sa décision de retirer ses services de représentation, comme il l'avait communiqué dans la lettre du 2 août 2013, au motif que rien n'indiquait que leur relation de travail serait plus fructueuse qu'elle ne l'avait été dans le passé.

56 Cependant, dans une lettre à la plaignante en date du 30 janvier 2014, le syndicat a laissé entendre qu'il serait prêt à l'aider relativement aux questions de mesures d'adaptation qui pourraient se présenter à son retour au travail. Toutefois, le syndicat a souligné que son appui était conditionnel à ce que l'information médicale lui soit présentée et à l'analyse consistant à déterminer s'il était possible et nécessaire de l'aider, compte tenu des circonstances.

57 Le 14 mars 2014, la plaignante a écrit à Mme Roy et à un représentant de l'employeur, afin de demander que le syndicat la représente à l'égard des questions liées à son milieu de travail, y compris son appel relatif aux prestations d'invalidité et son appel à la CSPAAT, ainsi que pour fixer un rendez-vous avec un médecin.

58 En mai 2014, l'employeur a communiqué avec la plaignante dans l'intention de résoudre le litige non réglé. Selon la compréhension de l'employeur, la plaignante avait décidé de retourner au travail. Afin de faciliter cette décision, l'employeur a demandé une évaluation de l'aptitude au travail. La plaignante a de nouveau sollicité l'aide du syndicat, en déclarant dans un courriel expédié le 12 juin 2014 qu'elle [traduction] « exigeait » qu'il intervienne.

59 Le syndicat a répondu à la demande de la plaignante le 27 juin 2014. Il a résumé sa compréhension de la position de la plaignante concernant son retour au travail en faisant remarquer plus particulièrement qu'elle continuait à insister sur le fait qu'elle ne fournirait pas les renseignements médicaux nécessaires à l'employeur, tant qu'il n'aurait pas réuni toutes les conditions qu'elle avait prescrites. Le syndicat a répondu comme suit (observations du syndicat en date du 16 juillet 2014; onglet A) :

[Traduction]

[…] vous demandez l'aide de l'Institut pour faire valoir votre position. Afin d'aider ses membres dans une situation comme la vôtre, l'Institut leur demande de collaborer en fournissant la preuve de leur invalidité et de leurs limitations pour raison médicale, afin que nous puissions évaluer leur cas et les conseiller à l'égard des questions d'accommodement qui les concernent. En raison de votre refus de fournir les preuves médicales concernant votre aptitude au travail et les demandes de mesures d'adaptation, il a été impossible pour l'Institut d'évaluer votre cas et de décider quelles mesures nous pouvions prendre en votre nom, le cas échéant. Il ressort clairement de la jurisprudence qu'un employeur peut demander, dans un cas où un employé retourne au travail à la suite d'une absence prolongée, la confirmation que l'employé soit concrètement apte au retour au travail.

Si, en pareilles circonstances, un employé demande que des mesures d'adaptation soient prises à son retour au travail, la jurisprudence confirme aussi clairement la notion selon laquelle l'employeur est également en droit d'obtenir des renseignements médicaux confirmant l'existence d'une invalidité et de limitations ou de contraintes en découlant. En dernier lieu, il est amplement établi dans la jurisprudence que les employés qui sont en mesure de démontrer qu'ils ont besoin d'obtenir des mesures d'adaptation sont en droit d'obtenir un arrangement raisonnable – et non parfait.

À ce stade-ci, nous devons, avec regret, réitérer que nous ne pouvons pas vous aider, à moins que vous ne décidiez de collaborer avec nous et avec l'employeur dans les échanges visant votre retour au travail et vos demandes d'arrangement. L'Institut est certainement en mesure de vous aider d'une manière quelconque et est disposé à le faire, dès que vous aurez fourni les renseignements mentionnés aux présentes.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la plaignante

60 Les observations de la plaignante sont exhaustives et constituent un mélange de faits, d'affirmations et d'argumentations, de sorte qu'il est difficile de les résumer. En outre, l'idée maîtresse de ses préoccupations varie d'une observation à l'autre. Cependant, d'après ce que je comprends de sa position, elle croit que le syndicat a contrevenu à la LRTFP, et plus particulièrement à [traduction] l'alinéa « 191g) » (ce qui s'entend probablement au sens de l'alinéa 190(1)g)) et aux articles 185, 186, 187, 188 et 189, en ne la représentant pas conformément à ses directives, entre 2009 et 2011, relativement aux affaires de la CSPAAT, à la plainte de harcèlement et au grief de harcèlement; en ne la représentant pas dans les discussions de règlement relatives à sa plainte à la CCDP au cours de l'été 2013; en exigeant en 2012 qu'elle signe un document de renonciation de son droit de donner suite à certaines questions avant que le syndicat ne la représente; en décidant de retirer ses services de représentation le 2 août 2013; en ne procédant pas à l'exécution du règlement qu'elle croyait avoir négocié, et en refusant de façon permanente de la représenter à l'égard des questions en milieu de travail qui demeurent non réglées.

61 La plaignante a soutenu qu'entre 2009 et 2011, les représentants syndicaux ne l'avaient pas soutenue, n'avaient pas respecté certains délais et avaient refusé de la représenter à l'égard des questions auxquelles elle croyait devoir donner suite, comme ses appels devant la CSPAAT, ainsi qu'un grief et une plainte de harcèlement. Elle a affirmé qu'au bout du compte, le syndicat avait décidé de ne pas la représenter à l'égard de ces questions, et que cette décision illustrait bien ses tactiques contraires à l'éthique et sa mauvaise foi.

62 La plaignante a soutenu que le syndicat l'avait laissée agir de son propre chef, mais que lorsqu'elle avait négocié un règlement sous l'égide d'un processus de médiation de la CCDP, en 2013, il avait refusé de l'approuver. Elle a allégué que le syndicat lui avait dit qu'elle devait recevoir plus d'argent dans le cadre de ce règlement, mais que par la suite, il n'avait pas négocié en son nom. Par conséquent, elle a prétendu s'être retrouvée dans une situation où elle avait dû créer par elle-même une offre de règlement, que le syndicat avait présentée à l'employeur sans discuter. Elle a aussi affirmé que lorsque l'employeur avait décliné cette offre et fait une contre-offre, le syndicat lui avait dit de l'accepter.

63 La plaignante a allégué que le syndicat, qui n'avait pas négocié un meilleur règlement pour elle, l'avait ensuite forcée à signer un document de renonciation de son droit d'être représentée par le syndicat aux fins de son appel lié aux prestations d'invalidité, en échange d'une représentation assurée par un avocat indépendant dans les discussions de règlement en cours. Elle croyait que le fait que le syndicat fût disposé à retenir les services d'un avocat indiquait qu'il croyait qu'elle ne devait pas accepter le montant plus faible proposé par l'employeur.

64 Même si le syndicat a retenu les services d'un avocat pour la représenter, la plaignante a soutenu qu'il n'était pas intervenu en temps utile pour l'aider. Elle a affirmé que l'avocat n'avait pas négocié un règlement plus élevé pour elle, ne l'avait pas aidée non plus à l'égard de son éventuel retour au travail, et qu'il ne s'était pas assuré que si elle prenait sa retraite pour raisons médicales, elle obtiendrait le montant qu'elle avait négocié avec l'employeur lors du processus de règlement de la CCDP. Elle a prétendu que l'avocat lui avait fait de fausses déclarations, qu'il n'avait pas répondu à ses questions et qu'il ne lui avait pas dit comment il avait envisagé de procéder. Elle a fait valoir que ses agissements démontraient que le syndicat avait retenu ses services afin de la forcer à prendre sa retraite pour raisons médicales, et qu'il n'avait jamais eu l'intention de s'assurer qu'elle obtiendrait le règlement qu'elle avait négocié avec l'employeur lors du processus de médiation de la CCDP, ou qu'elle recevrait de l'aide à son retour au travail. Elle a soutenu que ses agissements démontraient que la représentation qui lui était fournie par le syndicat était arbitraire, de mauvaise foi et discriminatoire, et que cette représentation avait eu pour seul objectif de se débarrasser d'elle. La plaignante a prétendu que le fait que le syndicat continue de refuser de l'aider constituait une preuve supplémentaire de ses agissements de mauvaise foi.

65 En ce qui concerne la question du respect des délais, la plaignante a fait valoir qu'elle avait présenté sa plainte dans les délais prescrits, parce que la lettre du syndicat faisant mention du fait qu'il ne la représenterait pas était datée du 2 août 2013, et qu'elle avait déposé sa plainte le 30 octobre 2013. Elle a soutenu que tout ce qui s'était passé avant cet incident y était relié. Elle a aussi allégué qu'elle n'aurait pas pu déposer une plainte plus tôt, parce que chaque fois qu'elle avait menacé de déposer une plainte, le syndicat consentait à la représenter, pour ensuite ne pas le faire. La plaignante a affirmé que le syndicat l'avait induite en erreur et trompée quant à ce qu'il faisait concrètement à l'égard de son dossier. Cependant, elle a aussi affirmé qu'elle avait reçu des conseils d'une commission des relations de travail autre que la CRTFP, selon lesquels une plainte contre le syndicat n'aurait pas été appropriée, parce qu'il semblait que sa plainte relative aux droits de la personne était en voie de résolution. En outre, la plaignante croyait qu'étant donné qu'elle avait conclu un règlement avec l'employeur, il était inutile de porter plainte contre le syndicat.

B. Pour le syndicat

66 Le syndicat a soulevé que, à une exception près, toutes les affaires qui constituaient apparemment le fondement de la plainte étaient hors délai, et que la plainte devait être rejetée pour cette raison. Le paragraphe 190(2) de la LRTFP prévoit que les plaintes visées au paragraphe 190(1) doivent être présentées à la Commission au plus tard dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. Il a été conclu régulièrement dans la jurisprudence de la CRTFP que l'exigence prévoyant de déposer une plainte dans le délai de 90 jours était obligatoire.

67 Le syndicat m'a renvoyé à Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, Sigmund c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 115 et Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98 (confirmant 2009 CRTFP 100). Il a soutenu que la Commission n'avait pas compétence pour proroger le délai prescrit relativement au dépôt d'une plainte en vertu du paragraphe 190(2) de la LRTFP, et que le défaut de respecter le délai avait été considéré comme restreignant le droit de procéder devant la Commission.

68 Le syndicat a souligné que la présente plainte avait été déposée le 30 octobre 2013, et que, par conséquent, seuls les événements postérieurs au 1er août 2013 pouvaient en constituer le fondement. Les agissements ou les circonstances survenus avant le 1er août 2013 doivent être considérés comme étant hors délai. Bien que la plaignante n'ait pas précisé que la source de sa plainte était la lettre du syndicat en date du 2 août 2013, dans laquelle il retirait ses services de représentation, il s'agissait du seul événement mentionné dans la plainte du 30 octobre 2013 qui s'inscrivait dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP.

69 Le syndicat a aussi allégué que même si la plaignante avait des préoccupations concernant sa représentation entre 2009 et 2013, elle connaissait son droit de déposer des plaintes, puisqu'elle avait pris contact avec une commission des relations de travail en vue de déposer une plainte en mai 2011 et avait menacé de déposer des plaintes contre le syndicat en 2012 et 2013, mais ne l'avait pas fait. En outre, la plaignante avait renoncé à son droit de contester sa représentation par le syndicat avant le mois de juillet 2013, lorsqu'elle avait convenu d'accepter la représentation limitée établie dans l'entente de représentation signée le 11 juillet 2013. Le syndicat a fait valoir que si la plaignante s'était préoccupée de la représentation limitée qui lui était fournie, elle aurait dû déposer une plainte à l'intérieur du délai prescrit pour cet événement, mais qu'elle ne l'avait pas fait.

70 Le syndicat a aussi soutenu que les demandes présentées les 23 janvier, 14 mars et 12 juin 2014, qui constituaient le fondement de la soi-disant [traduction] « deuxième plainte » de la plaignante, déposée le 24 juin 2014, devaient s'inscrire dans le cadre d'une allégation continue, plutôt qu'une nouvelle plainte. Le syndicat a souligné que le document présenté le 24 juin 2014 n'avait pas été produit conformément à l'article 2 du Règlement et ne répondait pas aux exigences procédurales applicables au dépôt des plaintes. Le syndicat a de plus affirmé que ces demandes étaient liées aux mêmes objets et circonstances que ceux qui avaient donné lieu à la lettre du 2 août 2013. Essentiellement, la plaignante demandait simplement au syndicat de reconsidérer la décision qu'il avait prise le 2 août 2013, soit de retirer sa représentation, ce qui n'aurait pas dû constituer le fondement d'une nouvelle plainte.

71 Le syndicat a aussi soutenu que la plainte déposée le 30 octobre 2013 devrait être rejetée au motif qu'elle ne précisait ni les détails des agissements qui en constituaient le fondement, ni les liens entre ces agissements et les articles précis de la LRTFP auxquels le syndicat aurait contrevenu selon les allégations de la plaignante. Les affirmations de cette dernière étaient vagues, répétitives et générales. La plainte était considérable et consistait en des affirmations généralisées et imprécises. Nonobstant le fait qu'elle ait produit des documents représentant des centaines de pages, dont la plupart étaient des copies de ses courriels et lettres au syndicat faisant état des mêmes allégations que la plainte, la plaignante n'a pas démontré en quoi les agissements du syndicat avaient violé les dispositions de la LRTFP ou constitué un manquement à son devoir de représentation équitable. Selon l'équité procédurale, la plaignante devait exprimer clairement son cas afin que le syndicat puisse y répliquer.

72 Le syndicat a soutenu que la plaignante n'avait pas établi le fondement d'une cause défendable de violation de la LRTFP. Il m'a renvoyé à Therrien c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CRTFP 118, et a souligné que le défaut d'exprimer tous les éléments de la plainte, de relier celle-ci aux dispositions législatives en cause et de fournir suffisamment d'éléments de preuve à l'appui d'une preuve prima facie, devrait entraîner le rejet de la plainte.

73 Dans Therrien, comme en l'espèce, le plaignant a fondé sa plainte sur des allégations de violations des articles 185, 186, 187, 188, 189 et 190 de la LRTFP, mais a omis de donner des détails, malgré le fait que les observations et les documents qu'il avait produits représentaient des centaines de pages. Dans cette affaire, le commissaire a conclu ce qui suit à propos du défaut de préciser la plainte « […] rien de plus que des affirmations vagues et incohérentes, me renvoyant à une documentation qui ne pouvait aucunement servir de fondement plausible à ses prétentions d'une quelconque violation de la [LRTFP] ». Les plaintes ont été rejetées.

74 Le syndicat a aussi souligné que bon nombre des allégations qui semblent s'inscrire dans la plainte sont hors de la portée dudevoir de représentation équitable. Le syndicat m'a renvoyé à Vilven et autres c. Association des pilotes d'Air Canada,2011 CCRI 587, Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3, Barbeau v. Health Sciences Association of British Columbia,2012 CanLII 51963 (BC LRB) et Semancik (Re),BCLRB No. B520/99, et a soutenu que, notamment, les questions liées au règlement de la plainte à la CCDP, aux appels devant la CSPAAT et aux appels relatifs aux prestations d'invalidité ne relèvent pas de la portée dudevoir de représentation équitable. Le fait que le syndicat se soit efforcé d'aider la plaignante dans ces affaires ne donnait pas lieu à l'obligation juridique de le faire, pas plus que les efforts du syndicat n'entraînaient le devoir de représentation équitable.

75 Le syndicat a fait valoir que même si on concluait que tous les éléments de la plainte avaient été présentés dans les délais prescrits, qu'ils étaient suffisamment détaillés et qu'ils relevaient de la portée du devoir de représentation équitable, la plaignante n'a pas démontré qu'ils constituaient un manquement au devoir du syndicat envers elle. Il est établi dans la jurisprudence que les syndicats jouissent d'un pouvoir discrétionnaire considérable pour ce qui est de décider s'ils fourniront une représentation dans les cas de griefs. Si le syndicat exerce son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, sans que ce soit arbitraire ou discriminatoire, et après avoir apprécié à la fois les intérêts de ses effectifs et l'importance du grief pour l'employé, il est en droit de décider de ne pas représenter un employé dans un grief.

76 Le syndicat m'a renvoyé à Cox c. Vezina, 2007 CRTFP 100 et Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, et a soutenu que pourvu qu'il ait mené une enquête approfondie sur un grief ou une autre affaire et examiné les questions qui y sont soulevées avant de conclure que cette affaire ou ce grief aurait peu de chance de succès, il s'est acquitté de son obligation en vertu de la LRTFP.

77 Il m'a également renvoyé à Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, et a soutenu que le devoir de représentation équitable n'exigeait pas qu'il se conforme aux directives des membres à titre individuel pour décider s'il doit soutenir un grief ou quelle en sera son approche. Le droit d'une personne à être représentée par le syndicat n'est pas illimité. Tant que le syndicat exerce son jugement de manière équitable, sans que ce soit discriminatoire ou arbitraire, il est en droit de décider comment allouer ses ressources.

78 Le retrait par le syndicat de ses services de représentation, le 2 août 2013, faisait suite à une longue et difficile relation avec la plaignante. Entre 2011 et le 2 août 2013, le syndicat avait tenté d'aider la plaignante relativement à de nombreuses questions. En avril 2011, il avait évalué les décisions de la CSPAAT concernant les allégations de la plaignante et conclu qu'en raison du fait qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable de succès, il ne pouvait pas recommander de donner suite aux deux appels que la plaignante souhaitait interjeter.

79 Dans le même ordre d'idées, en juillet 2011, le syndicat a donné des conseils à la plaignante concernant ses appels relatifs aux prestations d'invalidité. Elle a refusé de les accepter. En mai 2013, le syndicat a tenté d'aider la plaignante à l'égard d'un appel qu'elle avait interjeté à l'encontre de la cessation de ses prestations d'invalidité. Cependant, elle a refusé de fournir les renseignements médicaux nécessaires à l'appui de son appel. Les renseignements médicaux que le syndicat demandait auraient été utiles relativement au départ de la plaignante du milieu de travail et à toute autre discussion de règlement connexe, ou encore à sa réinsertion en milieu de travail et aux mesures d'adaptation à cet égard, en plus de ses appels à l'encontre de la cessation de ses prestations d'invalidité. Pour ce motif, malgré le refus de la plaignante de fournir ces renseignements, le syndicat est demeuré disposé à l'aider aux fins de son appel relatif aux prestations d'invalidité, si elle lui fournissait les renseignements demandés. Elle ne l'a pas fait.

80 Le syndicat a aussi tenté d'aider la plaignante lors des négociations avec l'employeur découlant de sa plainte à la CCDP, qu'elle avait déposée sans qu'il le sache. Elle a refusé d'accepter les conseils du syndicat concernant l'offre de règlement proposé et, nonobstant la participation du syndicat, elle a communiqué directement avec l'employeur pour rejeter l'offre. Dans ces circonstances, la décision du syndicat de retirer ses services de représentation était raisonnable.

81 Au printemps 2011, le syndicat a tenté d'aider la plaignante à l'égard de nombreuses questions, notamment un arrangement en milieu de travail et une plainte de harcèlement qu'elle avait déposée sans son aide et sans qu'il le sache. Elle a refusé de suivre ses conseils et l'a privé de sa capacité à assurer une représentation efficace. Pour cette raison, le syndicat a retiré sa représentation à ce moment-là, bien qu'il ait présenté un grief de harcèlement pour le compte de la plaignante afin de préserver ses droits. Cependant, compte tenu des difficultés permanentes en ce qui concerne la représentation, le syndicat a décidé qu'il ne pouvait pas représenter la plaignante aux fins du grief.

82 La décision du syndicat de retirer ses services de représentation, le 2 août 2013, doit être envisagée dans le contexte des nombreuses tentatives de représentation qui avaient échoué avant cette date. En juillet 2013, le syndicat s'est engagé à aider la plaignante à la suite de l'échec des négociations de règlement de la CCDP. En raison de sa relation difficile avec elle, il a retenu les services d'un avocat indépendant pour la représenter.

83 La portée de la représentation était limitée par une entente que la plaignante avait signée le 11 juillet 2013. L'entente de représentation stipulait expressément que la représentation pouvait être retirée si la plaignante ne collaborait pas ou créait des obstacles inutiles ou des complications à cet égard. En signant l'entente de représentation, la plaignante y a consenti.

84 Le syndicat a fait valoir qu'après avoir accepté les conditions de l'entente de représentation, la plaignante ne pouvait pas ensuite se plaindre de la décision du syndicat de retirer ses services de représentation qui avait été prise conformément à cette entente. Le syndicat a tenté d'aider la plaignante, mais ses efforts ont été contrecarrés par le refus de celle-ci de collaborer. La décision de retirer la représentation ne peut pas être qualifiée de discriminatoire, de mauvaise foi ou d'arbitraire. Il s'agissait d'une décision éclairée, fondée sur la portée limitée de la représentation à laquelle la plaignante avait consenti, les conditions dans lesquelles la représentation devait être fournie, la rupture de la relation de la plaignante avec l'avocat, et l'impossibilité de la représenter adéquatement qui en découlait pour le syndicat.

85 Le syndicat a souligné qu'au fil des années où il avait tenté d'aider la plaignante, cette dernière avait constamment refusé de fournir les renseignements médicaux qu'il jugeait nécessaires pour évaluer les questions concernant son retour au travail et les mesures d'adaptation ou, subsidiairement, son départ du milieu de travail dans le cadre d'une retraite pour cause de maladie ou d'un règlement.

86 L'exigence du syndicat selon laquelle la plaignante devait fournir les renseignements médicaux nécessaires à l'appui de ses demandes était raisonnable. Il est clairement établi dans la jurisprudence que les employeurs sont en droit de demander la confirmation de l'aptitude au travail à la suite d'une absence prolongée, et que les demandes visant des mesures d'adaptation en milieu de travail et les questions connexes doivent être étayées par des documents médicaux. Le syndicat a laissé entendre qu'il demeurait disposé à aider la plaignante, mais qu'il ne pouvait le faire que si elle fournissait les renseignements qu'il jugeait nécessaires pour évaluer sa situation et déterminer les mesures qu'il convenait de prendre.

87 Le syndicat a affirmé que les allégations de la plaignante selon lesquelles elle avait été traitée inéquitablement n'étaient pas appuyées par la preuve. Rien n'indique que le syndicat a agi de mauvaise foi ou qu'il a adopté une conduite arbitraire ou discriminatoire. Il incombait à la plaignante d'établir qu'il y avait eu violation des articles pertinents de la LRTFP. Elle n'y est pas parvenue. Par conséquent, la plainte devrait être rejetée.

IV. Motifs

88 La plaignante a déposé la présente plainte le 30 octobre 2013, en alléguant des violations des alinéas 190(1)a) à g) de la LRTFP. Dans sa correspondance ultérieure avec la CRTFP, elle a précisé que sa plainte contre le syndicat concernait les articles 185, 186, 187, 188 et 189, ainsi que l'alinéa « 191g) ». En raison du fait qu'il n'existe aucun alinéa 191g), je présume qu'elle voulait dire l'alinéa 190(1)g).

89 L'alinéa 190(1)g) de la LRTFP prévoit le dépôt d'une plainte concernant une allégation selon laquelle l'employeur, le syndicat ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185. Selon cet article, « pratiques déloyales » s'entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1). La plaignante a mentionné toutes ces dispositions dans sa plainte.

90 Cependant, il semble que les préoccupations de la plaignante soient liées à sa perception des problèmes découlant de sa représentation par le syndicat à l'égard de diverses questions, ce qui serait prévu par l'article 187. Comme la plainte ne vise pas l'employeur, l'article 186 (pratiques déloyales par l'employeur) ne s'applique pas. La plaignante n'a pas allégué que son adhésion au syndicat avait été touchée par des mesures du syndicat ou de l'un de ses agents, ou que le syndicat avait pris des mesures disciplinaires contre elle de quelque façon que ce soit. Par conséquent, l'article 188 (pratiques déloyales par les organisations syndicales concernant l'adhésion au syndicat ou mesures disciplinaires prises par le syndicat) n'est pas en cause. Il semble aussi qu'il ne soit pas suggéré que la plaignante ait fait l'objet, de la part de qui que ce soit, d'une forme d'intimidation ou de coercition visant à porter atteinte à son adhésion au syndicat ou à l'empêcher d'exercer un droit en vertu de la partie 1 ou de la partie 2 de la LRTFP; par conséquent, l'article 189 ne semble pas avoir été en cause. Il semble donc que la plainte déposée en vertu de l'alinéa 190(1)g) ne concerne que des allégations visées à l'article 187, qui prévoit ce qui suit :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

91 La plaignante est chargée de s'assurer que l'objet de sa plainte soit clair et que les dispositions législatives en cause soient correctement désignées. Les récentes décisions de la CRTFP, telles que Therrien et Russell c. syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, 2011 CRTFP 7, ont confirmé cette obligation. Dans Russell,la CRTFP a conclu ce qui suit au paragraphe 48 :

48Une plainte présentée en vertu de l'article 190 de la Loi n'a pas à inclure tous les détails de l'affaire lorsqu'elle est déposée auprès de la Commission, comme l'indique clairement la section 4 de la formule 16 (Plainte visée à l'article 190 de la Loi), qui demande que l'on rédige un « [c]ourt exposé de chaque action, omission ou situation reprochée […] ». Néanmoins, on s'attend à ce que la formule 16 fournisse suffisamment de renseignements relatifs à la plainte, ou bien à ce que les précisions qu'on demande par la suite révèlent ce sur quoi porte essentiellement la plainte, de sorte que la Commission puisse être convaincue 1) que la plainte a été déposée comme il se doit en vertu de l'alinéa spécifié de l'article 190(1), et 2) qu'il y a, ou qu'il pourrait y avoir, des arguments valables au soutien d'une violation de la disposition de la Loi à laquelle renvoie l'alinéa. Du point de vue de l'équité procédurale, il est également essentiel de fournir suffisamment de renseignements afin de permettre au défendeur désigné de comprendre les éléments fondamentaux de l'affaire contre laquelle il doit se défendre.

[Je souligne]

92 Bien que la CRTFP et le syndicat aient prié la plaignante de fournir des détails et des éclaircissements sur la nature de sa plainte, elle ne l'a pas fait. La plainte est un document volumineux et incohérent. Même si elles sont un peu plus brèves, les observations ultérieures sont loin de présenter l'énoncé concis qui est exigé. En outre, la plaignante a soumis des centaines de pages de documents à l'appui de sa plainte, sans s'efforcer de les relier aux allégations qu'elle y avait proférées. Pour la plupart, les documents sont des copies de courriels de la plaignante au syndicat, dans lesquels elle reprend les mêmes affirmations que dans sa plainte.

93 Il n'appartient pas à une formation de la nouvelle Commission de passer en revue les affirmations et les documents volumineux présentés par une plaignante afin de tenter d'en tirer une logique. Il incombait à la plaignante de fournir un énoncé cohérent des raisons pour lesquelles elle croyait qu'il y avait eu violation de la LRTFP. Dans Murphy (Re), [2005] B.C.L.R.B.D. No. 33 (QL), citée au paragraphe 28 de décision Reid c. syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2013 CCRI 693, la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a fait remarquer ce qui suit :

[…] Je suis d'accord avec le banc initial, selon lequel une partie qui dépose une plainte auprès de la Commission doit absolument fournir des observations cohérentes exposant les faits pertinents et ne peut simplement présenter une tonne de documents et s'attendre à ce que la Commission les examine en détail afin d'y trouver des éléments de preuve susceptibles de présenter un intérêt.

10 J'ajouterais que le plaignant ne peut se contenter de formuler une simple allégation d'irrégularité, de joindre une grande quantité de documents à cette plainte et de s'attendre à ce que la Commission devine de quelle façon ces documents prouvent qu'il y a eu manquement au Code ou appuient la simple allégation d'irrégularité.

94 Dans l'affaire qui nous occupe, la plaignante n'a pas fourni un énoncé cohérent des raisons pour lesquelles elle croyait qu'il y avait eu violation de la Loi, malgré deux demandes voulant qu'elle fournisse des précisions et des détails. Selon moi, pour cette seule raison, la plainte devrait être rejetée. Cependant, d'autres questions soulevées dans la plainte, dont le syndicat a fait mention, doivent être abordées par souci d'équité.

95 Le paragraphe 190(2) de la LRTFP exige que les plaintes déposées en vertu du paragraphe 190(1), comme celle-ci, soient présentées dans les 90 joursqui suivent la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. La plainte a été déposée le 30 octobre 2013. Pour établir qu'elle a été présentée dans les délais prescrits, il faudrait que les circonstances y ayant donné lieu soient survenues le ou après le 1er août 2013.

96 Il a été régulièrement soulevé dans la jurisprudence de la CRTFP que les délais prescrits au paragraphe 190(2) de la LRTFP sont obligatoires et ne peuvent être prorogés (voir, par exemple, les affaires Castonguay et England c. Taylor et al., 2011 CRTFP 129). Comme il a été souligné dans England,le seul pouvoir discrétionnaire pouvant découler du paragraphe 190(2) consiste à déterminer le moment où la plaignante a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte, ce qui exige de préciser l'objet essentiel de la plainte (voir Boshra).

97 Compte tenu de la nature incohérente de la plainte, la reconnaissance de son objet essentiel n'est pas un exercice facile. De façon générale, l'objet semble avoir trait à la conviction de la plaignante selon laquelle sa représentation par le syndicat à l'égard de diverses questions constituait un manquement au devoir de représentation équitableprévu à l'article 187 de la LRTFP. Cependant, la plaignante a évoqué des événements en particulier qui remontent à 2009. Elle a soutenu que ces événements devaient être perçus comme faisant partie du délai prescrit, parce qu'ils relevaient d'un problème plus vaste, et que chaque fois qu'elle s'était plainte au syndicat ou avait menacé de prendre des mesures, il avait promis de la représenter.

98 Je n'admets pas la position de la plaignante concernant le respect des délais. À mon avis, la plainte peut se résumer à une série d'allégations distinctes, ayant eu lieu sur une longue période, dont chacune aurait pu faire l'objet d'une plainte. En outre, d'après les copies de courriels fournies par la plaignante, il est évident qu'elle croyait avoir des motifs de plainte bien avant le dépôt de la présente plainte, parce qu'elle a tenté de déposer des plaintes auprès d'une commission des relations de travail en mai 2011 et a même menacé le syndicat de déposer des plaintes en 2012 et en 2013. Par conséquent, elle avait connaissance des circonstances ayant donné lieu à une plainte sur ces questions, et ce, bien avant le 1er août 2013.

99 De plus, je suis d'accord avec le syndicat pour dire que la plaignante a renoncé au droit de présenter une plainte au sujet de certaines questions qui semblent s'inscrire dans sa plainte, puisqu'elle a signé, le 11 juillet 2013, une entente de représentation qui prévoyait expressément les questions à l'égard desquelles le syndicat fournirait ou non une représentation. Même si la plaignante a affirmé qu'elle avait été forcée de signer cette entente, elle n'a pas déposé de plainte à ce propos dans les délais prescrits par la LRTFP et, par conséquent, elle ne  pouvait pas s'en plaindre dans la plainte qu'elle a déposée le 30 octobre 2013. J'ajouterais que même si l'affaire avait été présentée dans les délais prescrits, la plaignante n'a produit aucun élément de preuve à l'appui de son allégation de coercition.

100 Le seul événement évoqué dans la plainte qui s'inscrit dans le délai prescrit au paragraphe 190(2) de la LRTFP est l'envoi, le 2 août 2013, de la lettre du syndicat à la plaignante, dans laquelle ce dernier retire ses services de représentation. Il incombait à la plaignante de démontrer en quoi le syndicat avait manqué à son devoir de représentation équitable en lui retirant sa représentation. À mon avis, elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau. Hormis le manque total de cohérence et d'argumentation rationnelle permettant d'associer cet événement à une violation de la LRTFP, il n'y a tout simplement pas d'éléments de preuve à l'appui de l'allégation.

101 Compte tenu du manque de confiance de longue date de la plaignante envers le syndicat et ses représentants, que celle-ci a maintes fois exprimé, le syndicat a retenu les services d'un avocat indépendant chevronné pour la représenter à l'égard des questions spécifiées dans l'entente de représentation, qu'elle a signée le 11 juillet 2013.

102 En quelques semaines, il est devenu évident que le manque de confiance de la plaignante envers le syndicat s'était reporté sur l'avocat dont il avait retenu les services pour la représenter. La relation de travail est devenue impossible. L'avocat croyait avoir besoin d'un rapport médical détaillé du médecin de la plaignante pour déterminer la meilleure voie à suivre afin de régler les questions en suspens avec l'employeur. Elle a refusé de fournir les renseignements. Elle a commencé à demander que l'avocat prenne des mesures relativement à des questions non prévues par l'entente de représentation et, lorsqu'il a refusé, elle l'a inondé de courriels dans lesquels elle l'accusait d'être malhonnête et d'avoir un comportement contraire à l'éthique. Dans ces circonstances, l'avocat a décidé qu'il ne pouvait effectivement plus continuer à la représenter et s'est désisté de l'affaire. Par la suite, le syndicat a décidé qu'il ne pouvait pas en faire plus pour la plaignante.

103 Rien, dans les circonstances entourant le retrait de sa représentation de la plaignante par le syndicat, ne permet d'appuyer l'allégation selon laquelle il aurait agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire. Le ton, le contenu et la fréquence de la correspondance de la plaignante avec le syndicat et, ultérieurement, avec l'avocat dont le syndicat a retenu les services, frisaient l'outrage. Il est évident à la lecture de la correspondance que la plaignante croyait que seule son approche était valable, malgré sa connaissance manifestement insuffisante de la loi qui régit sa situation. Il est également clair qu'elle croyait que le syndicat était obligé de la représenter, sans égard à la faiblesse ou à la fragilité de son affaire, et peu importe sa propre façon d'agir.

104 Mais, comme il a été souligné dans Bahniuk, le syndicat n'est pas obligé de se plier aux directives de ses membres lorsqu'il s'agit de décider de la voie à suivre en matière de représentation, pourvu qu'il n'agisse pas de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire. En outre, je crois que le syndicat n'est pas obligé de représenter une employée qui ne collabore pas avec lui, ou dont le manque de confiance est si dévastateur que la relation n'est pas fonctionnelle. En pareilles circonstances, sa représentation ne serait pas fructueuse et, par conséquent, ne serait pas dans l'intérêt des membres dans leur ensemble.

105 Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'aborder l'argumentation du syndicat selon laquelle un bon nombre des questions soulevées par la plaignante n'étaient pas visées par ledevoir de représentation équitable, parce qu'elles ne relevaient pas de sa compétence exclusive. Aucun de ces incidents n'est survenu dans les délais prescrits pour le dépôt d'une plainte.

106 Pour les motifs que j'ai exposés, j'estime que la plaignante n'a pas fourni un énoncé cohérent, faisant état des motifs de sa plainte et, par conséquent, qu'elle n'a pas établi la preuve prima facie d'une violation de la LRTFP. Au cas où je serais dans le tort à ce sujet, j'estime également que le seul incident qui s'inscrit dans le délai prescrit au paragraphe 190(2) pour déposer une plainte est le retrait de sa représentation par le syndicat, le 2 août 2013. Dans cette affaire, je suis d'avis que la plaignante n'a pas établi que le retrait de sa représentation par le syndicat a été fait de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire.

107 En dernier lieu, je conclus que le refus permanent du syndicat de représenter la plaignante, à moins qu'elle n'eût agi de concert avec les directives énoncées dans la lettre du 2 août 2013, ne constituait pas l'objet d'une plainte distincte, mais était modulé dans sa décision initiale de retirer sa représentation, qui a été communiquée à la plaignante le 2 août 2013. Aucuns faits nouveaux qui auraient permis de distinguer les lettres ultérieures de la décision initiale n'ont été présentés, et la plainte n'a pas été déposée auprès de la CRTFP conformément au Règlement.

108 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

109 La plainte est rejetée.

Le 23 avril 2015.

Traduction de la CRTEFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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