Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté plusieurs sanctions disciplinaires, son placement dans un programme de gestion du rendement et son licenciement disciplinaire – le fonctionnaire s'estimant lésé occupait un poste classifié CX-02 à l'Établissement de Matsqui lorsqu'il a signé un protocole d'entente (« PE ») en vue de résoudre une série de griefs qu'il avait déposés relativement à une mesure disciplinaire qui avait été entamée contre lui et des allégations de harcèlement qu'il avait déposées contre ses supérieurs – le PE prévoyait son transfert à l'Établissement du Pacifique pendant deux ans au groupe et niveau CX-01, mais ne prévoyait pas le retrait de tout grief existant – alors qu'il était à l'Établissement de Matsqui, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief contestant une sanction pécuniaire de 380 $ pour avoir omis de consigner une absence et un deuxième grief alléguant qu'il avait fait l'objet d'une directive illégale et de mesures disciplinaires pour avoir omis de suivre la directive de remplir des demandes de congé – ces griefs ont été renvoyés à la Commission ainsi que ceux qu'il avait déposés à la suite de son transfert – après son transfert, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait preuve des mêmes types de comportements qui avaient entraîné son transfert – il a été vu sans ses insignes de grade CX-01 à plusieurs reprises, avec sa chemise non rentrée dans son pantalon et avec le bas de son pantalon dans sa botte; de même, il aurait quitté le travail plus tôt, et ce, sans permission – il a également été accusé d'avoir rangé son vaporisateur de poivre de manière inadéquate – l'employeur a tenu une audience disciplinaire et a imposé une suspension de 18 jours – l'employeur a continué de se préoccuper du manque de respect de la part du fonctionnaire s'estimant lésé pour ses heures de travail, sa tenue vestimentaire et sa conduite, ainsi que son refus de fournir un certificat médical pour son utilisation de congés de maladie – une autre audience disciplinaire a été convoquée afin d'aborder une longue liste d'infractions, dont certaines dataient de plus d'un an – compte tenu des délais d'un grand nombre des allégations, la direction a décidé qu'une pénalité plus légère était appropriée et a imposé une lettre de réprimande – l'employeur a pris connaissance d'un incident où un détenu a été libéré de l'établissement contrairement à la règle et a accusé le fonctionnaire s'estimant lésé d'avoir omis de s'assurer que l'équipe d'escorte avait reçu l'autorisation appropriée – l'employeur a également accusé le fonctionnaire s'estimant lésé d'avoir son téléphone cellulaire dans l'aire de travail, contrairement aux directives – le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu en attendant la tenue d'une enquête et a ensuite été licencié – l'arbitre de grief a conclu que le PE n'était pas une entente de la dernière chance, comme l'a soutenu l'employeur, mais plutôt de nature administrative – l'employeur n'a fourni aucune preuve orale relativement aux événements qui ont entraîné l'imposition d'une sanction pécuniaire de 380 $ et la preuve du fonctionnaire s'estimant lésé en la matière n'a pas été contestée – la pénalité pécuniaire pour avoir omis d'inscrire son absence a été renversée par l'arbitre de grief, mais elle a rejeté le grief contestant l'ordre de remplir des demandes de congé puisque le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était pas acquitté de son fardeau de prouver que l'ordre était illégal ou un abus de pouvoir – l'arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait omis de porter les insignes de grade appropriés et qu'il avait omis de ranger de manière adéquate son vaporisateur de poivre, mais elle a rejeté l'allégation de l'employeur voulant qu'il ait quitté les lieux du travail plus tôt que prévu – la suspension de 18 jours a été maintenue puisque le fonctionnaire s'estimant lésé avait un long dossier disciplinaire et qu'une mesure disciplinaire était justifiée pour deux des trois allégations – en ce qui concerne la question de la passe manquante pour l'entrée, de nombreuses personnes étaient responsables de cette omission, mais seul le fonctionnaire s'estimant lésé a fait l'objet de mesures disciplinaires – il a démontré que les téléphones cellulaires étaient acceptées dans son espace de travail – l'arbitre de grief a conclu que la mesure disciplinaire imposée pour ces deux questions n'était pas justifiée – l'arbitre de grief a exprimé sa préoccupation quant à l'attitude de la direction envers le fonctionnaire s'estimant lésé et la manière dont elle l'a surveillait de près – le grief contre le placement du fonctionnaire s'estimant lésé dans le programme de gestion des présences n'était plus pertinent puisque l'employeur l'avait retiré du programme lorsqu'il avait conclu qu'il n'y était pas admissible, mais l'arbitre de grief a conclu que le placement du fonctionnaire s'estimant lésé dans le programme était une preuve de surveillance et du fait que la direction tentait de monter un dossier contre lui – les problèmes d'assiduité du fonctionnaire s'estimant lésé quant à son heure d'arrivée au travail découlaient de sa condition médicale et relevaient d'une question de rendement ou de mesures d'adaptation, pour laquelle des mesures disciplinaires n'auraient pas dû être imposées – l'employeur a fait preuve de partialité pendant l'audience disciplinaire et a entraîné le licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé, lui refusant ainsi la justice naturelle – l'arbitre de grief a invalidé le licenciement – la lettre de licenciement renvoyait uniquement à la mesure disciplinaire progressive et non à un incident culminant, et il n'y avait aucune preuve à l'appui de l'existence d'un incident culminant suffisant pour maintenir le licenciement – l'arbitre de grief a rejeté l'argument de l'employeur selon lequel elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder au fonctionnaire s'estimant lésé un paiement tenant lieu de réintégration si le licenciement était invalidé – une suspension de trois mois a été imposée et le fonctionnaire s'estimant lésé a été réintégré au groupe et niveau CX-01 pendant le reste du temps convenu, à la suite duquel il devait retourner au groupe et niveau CX-02. Les griefs sont accueillis en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150325
  • Dossier: 566-02-7436, 7437, 7989, 8666 et 9588
  • Référence: 2015 CRTEFP 30

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GARTH KINSEY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Kinsey c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN
Pour le défendeur:
Talitha Nabbali, avocate
Affaire entendue à Abbotsford, en Colombie-Britannique,
du 10 au 13 juin 2014
et à Langley, en Colombie-Britannique,
du 9 au 11 septembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Garth Kinsey, le fonctionnaire s'estimant lésé (le « fonctionnaire »), a allégué que l'employeur, le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), avait pris à son égard une mesure disciplinaire sans motif valable en lui imposant une sanction pécuniaire de 380 $, le 8 février 2012 (le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-7436), qu'il avait également fait l'objet d'une mesure disciplinaire sans motif valable, le 30 janvier 2012, pour avoir omis de suivre un ordre de remplir les demandes de congé (le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-7437), qu'il avait été suspendu sans salaire sans motif valable pour 18 jours, le 9 novembre 2012, (le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-7989), qu'il avait été inscrit au Programme national de gestion des absences (le « PNGA ») et qu'il avait dû fournir un certificat médical pour chaque absence pour cause de maladie, en violation de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l'« agent négociateur ») qui est venue à échéance le 31 mai 2010 (la « convention collective ») et de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6) (le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-8666). Enfin, il a allégué qu'il avait été licencié sans motif valable le 20 décembre 2013 (le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-9588).

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003 ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

3 Au moment de son licenciement, le fonctionnaire était un employé du SCC à titre d'agent correctionnel 01 (« CX-01 »). Il était affecté au poste principal de commande et de contrôle (le « PPCC ») à l'Établissement du Pacifique, à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Le PPCC est adjacent à l'entrée principale de l'établissement, tous deux situés dans l'immeuble d'entrée principale. Entre autres choses, le PPCC contrôle les entrées et les sorties au point d'entrée de l'établissement à partir de l'entrée des véhicules, par laquelle les véhicules accèdent et quittent l'établissement. Le fonctionnaire a été nommé à ce poste à la suite d'un protocole d'accord (pièce 7) conclu entre lui et le SCC en vue de régler une série de griefs qu'il avait déposés relativement aux mesures disciplinaires prises à son égard par l'employeur pendant qu'il occupait un poste classifié CX-02 à l'Établissement de Matsqui (les griefs de la CRTFP 566-02-7436 et 7437) et des allégations de harcèlement soulevées par le fonctionnaire contre son gestionnaire correctionnel (« GC »), Andrew Marshall, le directeur, Vince Leblanc, et M. Busey.

4 Selon le protocole d'accord, le fonctionnaire devait être muté à l'Établissement du Pacifique à titre de CX-01 pendant une période de 24 mois, après quoi il devait être réaffecté automatiquement à un poste classifié CX-02. La mutation à l'Établissement du Pacifique devait être un nouveau départ pour le fonctionnaire, qui avait éprouvé des difficultés importantes dans le cadre de ses entretiens avec son GC, M. Marshall, et le directeur Leblanc, à l'Établissement de Matsqui en 2012. M. Leblanc est ensuite devenu le directeur de l'Établissement du Pacifique et il était responsable du licenciement du fonctionnaire, le 20 décembre 2013.

5 Dans le protocole d'accord (pièce 7), le fonctionnaire a convenu de ne prendre aucune autre mesure administrative relativement à [traduction] « cette question ou toute question connexe, y compris un grief devant la CRTFP » (au paragraphe 11). Le protocole d'accord a été signé par les parties en mai 2012. Les renvois à l'arbitrage des dossiers 566-02-7436 et 7437 ont été déposés auprès de l'ancienne Commission le 8 août 2012. Le protocole d'accord ne stipule pas que tout grief existant serait retiré par le fonctionnaire et l'employeur n'a soulevé aucune objection au renvoi à l'arbitrage, conformément au protocole d'accord.

6 Le fonctionnaire est obèse et souffre d'apnée du sommeil non maîtrisée, d'insomnie, d'hypertension artérielle, d'anxiété et de troubles dépressifs. Il a également subi une blessure au genou, laquelle est survenue dans le cadre d'un accident du travail et pour laquelle il attendait une deuxième chirurgie. Tous ces troubles médicaux ont fait qu'il a dû être accommodé sous la forme d'un poste non-réponse à l'Établissement du Pacifique. Un tel poste a été trouvé et le fonctionnaire a commencé son emploi à l'Établissement du Pacifique le 6 juin 2012. Le directeur Terry Hackett et le GC Ian Clark ont rencontré le fonctionnaire au moment de son arrivée à l'Établissement du Pacifique et ils ont décrit la mutation à l'Établissement du Pacifique comme un nouveau départ pour le fonctionnaire. Ils étaient au courant des difficultés qu'il avait éprouvées à l'Établissement de Matsqui et de son dossier disciplinaire, ainsi que du fait qu'il avait été muté à l'Établissement du Pacifique en raison d'une entente conclue avec le SCC.

7 Toutefois, selon M. Hackett et M. Clark, les mêmes comportements du fonctionnaire qui ont donné lieu à sa mutation à l'Établissement du Pacifique se sont reproduits à son arrivée. Avant sa mutation à l'Établissement du Pacifique, le fonctionnaire avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire prise par le directeur Leblanc pour avoir demandé un congé auquel il n'avait pas droit, pour avoir fait des gestes obscènes à la caméra de sécurité dans les entrées principales de l'Établissement de Matsqui et pour avoir apporté des articles non autorisés au lieu de travail. Le directeur Leblanc avait imposé une suspension de 15 jours sans rémunération et une rétrogradation de CX-02 à CX-01 à titre de sanctions. La suspension a ensuite été annulée en vertu du protocole d'accord. La lettre disciplinaire (pièce 6) n'a pas été donnée au fonctionnaire et elle est ultérieure au protocole d'accord qui a donné lieu à la mutation du fonctionnaire à l'Établissement du Pacifique. La lettre disciplinaire avait été rédigée par Meena Chima-Brar, une conseillère en relations de travail du SCC, qui n'a pas participé à la négociation du protocole d'accord et qui n'était pas au courant de son contenu.

8 Le GC Marshall avait antérieurement imposé une sanction pécuniaire de 380 $ au fonctionnaire pour avoir contrevenu aux normes 1 et 3 du Code de discipline de l'employeur parce qu'il ne s'était pas acquitté de ses obligations de manière responsable lorsqu'il a omis de consigner un congé (lettre disciplinaire, pièce 4) et parce qu'il n'avait pas respecté un ordre direct de remplir les demandes de congé. Ni M. Leblanc ni M. Marshall n'ont témoigné au sujet de ces incidents ou de tout autre incident. Les représentants de l'équipe des relations de travail régionale qui étaient présents lors de l'audience disciplinaire ont témoigné relativement à leur participation au processus d'audience disciplinaire, mais aucune preuve directe pertinente des véritables incidents visés par les griefs n'a été déposée par l'employeur.

9 M. Clark a été affecté à titre de GC du fonctionnaire à l'Établissement du Pacifique. M. Clark était au courant des difficultés disciplinaires du fonctionnaire à l'Établissement de Matsqui; il était ami avec M. Marshall. M. Clark a consigné chaque préoccupation qu'il avait au sujet du fonctionnaire, et ce, dès l'arrivée de ce dernier à l'Établissement du Pacifique et il a fait suivre un avis par les voies hiérarchiques ainsi qu'aux relations de travail aux fins d'information, de commentaires et d'orientation. Il a suivi les allées et les venues du fonctionnaire à l'aide des caméras de sécurité de l'Établissement du Pacifique et a consigné les heures d'arrivées tardives et les heures de départ hâtives du fonctionnaire, ainsi que les fois où il n'était pas à son poste, tel qu'assigné. M. Clark a également conservé les courriels qu'il avait reçus d'autres GC rendant compte de l'assiduité du fonctionnaire.

10 M. Clark avait des préoccupations récurrentes quant à la tenue vestimentaire du fonctionnaire et à sa conduite pendant qu'il était à l'Établissement du Pacifique. Malgré le fait d'avoir été ordonné à porter l'insigne de rang d'un CX-01 et que des insignes usagés lui avaient été fournis à deux reprises, le fonctionnaire a été observé à maintes reprises sans ces insignes alors qu'il travaillait à l'Établissement du Pacifique. Le fonctionnaire a également été vu au lieu de travail avec sa chemise non rangée dans son pantalon et une jambe de son pantalon dans sa botte et, au moins une fois, avec la fermeture éclair de son pantalon baissée. Toutes ses questions relatives à la tenue vestimentaire et à la conduite contrevenaient au Code disciplinaire et au code vestimentaire de l'employeur et ont été traitées avec le fonctionnaire dans le cadre du processus disciplinaire décrit au paragraphe 13 ci-dessous.

11 La prochaine préoccupation de M. Clark au sujet du fonctionnaire se rapportait à l'entreposage inapproprié de son vaporisateur de poivre. À l'établissement du Pacifique, le vaporisateur de poivre devait être entreposé dans la boîte aux lettres de l'agent situé dans le vestiaire des agents au deuxième étage de l'immeuble d'entrée principale. Il a été découvert, après une vérification régulière de l'entreposage du vaporisateur de poivre, que le fonctionnaire n'avait pas entreposé le sien conformément aux exigences. Lorsque M. Clark a interrogé le fonctionnaire à ce sujet, il lui a dit qu'il l'avait entreposé dans son casier personnel dans la même salle. Le casier était sécurisé par un cadenas de moindre qualité et le fonctionnaire a dit à M. Clark qu'il pouvait le couper afin de vérifier si le vaporisateur de poivre était dans le casier.

12 M. Clark a consulté son conseiller en relations de travail au sujet des contraventions des politiques sur la tenue vestimentaire, sur la conduite et sur le vaporisateur de poivre. Elle a communiqué ses préoccupations au bureau de l'administration centrale des relations de travail situé au siège social du SCC, à Ottawa, et a été avisée qu'une audience disciplinaire devrait être convoquée. L'audience disciplinaire a été tenue le 27 août 2012, et elle a été présidée par M. Hackett.

13 L'audience visait à traiter les trois questions suivantes : le fonctionnaire ne portait pas les insignes de rang, contrairement à la « ligne directrice 351-1 » (pièce 10), il partait plus tôt et entreposait son vaporisateur de poivre de manière inappropriée. Le fonctionnaire a reconnu toutes les allégations, mais il a donné une explication pour chacune d'elles. Il ne portait pas l'insigne de rang CX-01 puisqu'il n'en avait pas et ne disposait d'aucun point pour en obtenir. Il portait donc son insigne de rang de CX-02 plutôt que de ne pas en porter. Quant à la question du vaporisateur de poivre, il l'avait entreposé de manière conforme à la politique de l'Établissement de Matsqui. Il n'avait pas lu la politique sur l'entreposage approprié du vaporisateur de poivre qui lui avait été fourni aux fins de signature par l'agent de gestion de la sécurité (l'« AGS ») à l'Établissement du Pacifique puisqu'à ce moment-là, l'agent était contrarié quant à la présence du fonctionnaire. Selon le motif fourni par le fonctionnaire pour être parti plus tôt, sans en informer M. Clark, il était malade et il l'avait signalé au GC Photinopoulos, qui était affecté au bureau de GC ce jour-là.

14 Selon l'enregistrement de l'audience (pièce 67(1)), lorsqu'il a répondu aux explications du fonctionnaire, le directeur Hackett a répété les commentaires qu'il avait formulés lors de la réunion tenue à l'arrivée du fonctionnaire selon lesquels le fonctionnaire devait, pour réussir à l'Établissement du Pacifique, surmonter les problèmes qu'il avait éprouvés à l'Établissement de Matsqui. Pour ce faire, le fonctionnaire devait être le [traduction] « CX-01 de l'année ».

15 Par conséquent, une suspension de 18 jours sans rémunération a été imposée. Dans sa détermination de la sanction, le directeur a tenu compte du fait que le fonctionnaire avait été un agent correctionnel pendant 12 ans et il avait consulté les relations de travail relativement aux facteurs atténuants. Il a également tenu compte du refus ou de l'incapacité du fonctionnaire de suivre les politiques et les procédures du SCC. Cette mesure disciplinaire fait l'objet du grief 566-02-7989.

16 Après la suspension de 18 jours sans rémunération, M. Clark a continué de recevoir des courriels d'autres GC dans lesquels ils exprimaient leur préoccupation quant aux retards du fonctionnaire (pièces 39, 40, 41, 43, 44 et 45). M. Clark a consigné les heures d'arrivée du fonctionnaire, en indiquant tous les retards, peu importe leur importance. M. Clark a continué d'avoir des préoccupations quant à la tenue vestimentaire et à la conduite du fonctionnaire. Il a été informé que le fonctionnaire avait quitté plus tôt la séance de formation, et ce, sans approbation et qu'il n'était pas retourné à son poste le 30 avril 2013. M. Clark était d'avis que cela constituait une absence sans permission. De plus, le fonctionnaire n'assistait pas régulièrement aux séances d'information matinales et il a refusé de fournir des certificats médicaux quant à son utilisation des congés de maladie, ce qui a entraîné des congés non payés autorisés.

17 Une autre audience disciplinaire a été convoquée à l'été 2013 en vue de traiter la longue liste d'infractions commises par le fonctionnaire, laquelle comprenait le dépôt d'une demande de congé pour accident au travail, identifié par M. Clark et datant de l'automne 2012 (voir l'ordre de convocation, pièce 31). M. Clark a tenu à jour un calendrier (pièces 37 et 38) depuis la dernière audience disciplinaire dans lequel il a indiqué toutes les infractions alléguées du fonctionnaire qui ont donné lieu à l'ordre de convocation (pièce 31) et qui mentionne les infractions qui auraient été commises par le fonctionnaire entre octobre 2012 et juillet 2013. À l'origine, l'audience avait été prévue le 16 août 2013, mais n'a eu lieu que le 26 septembre 2013. Cette audience a également été enregistrée (voir les pièces 67(2) et 67(3)).

18 En octobre et en novembre 2012, M. Clark a reçu trois courriels provenant d'autres GC au sujet des retards du fonctionnaire (pièce 39). Chaque courriel indiquait que l'auteur avait traité de la question avec le fonctionnaire et que celui-ci s'était toujours excusé et qu'il expliquait qu'il avait des problèmes avec son sommeil et ses médicaments. M. Clark savait que le fonctionnaire faisait l'objet d'une mesure d'adaptation par le biais d'un poste non-réponse et qu'il ne devait pas monter les escaliers. L'employeur a répondu à ces besoins, ce qui a été reconnu par le fonctionnaire, en l'affectant au poste de contrôle statique n'ayant aucun contact avec les détenus. Le fonctionnaire a refusé une autre mesure d'adaptation visant à lui permettre de travailler uniquement des quarts de jour. M. Clark était préoccupé par le fait qu'aucune amélioration de l'assiduité du fonctionnaire n'avait été constatée (pièces 40 à 44) et il a renvoyé le fonctionnaire au PNGA.

19 La directrice Barb Van Vugt a été informée des antécédents du fonctionnaire en matière disciplinaire dès son arrivée à l'Établissement du Pacifique. Le bureau des relations de travail régional et M. Clark se préoccupaient du fait que les nombreuses allégations contre le fonctionnaire ne tombent pas dans les brèches et demeurent non traitées en raison du changement de direction à l'Établissement du Pacifique. Mme Van Vugt a ordonné une audience disciplinaire et, en son absence, le directeur intérimaire, Morgan Andreassen, l'a présidée.

20 M. Andreassen était préoccupé par les délais relativement aux nombreuses allégations et il a porté cette question à l'attention de Mme Van Vugt. Mme Van Vugt a consulté son conseiller en relations de travail et a déterminé qu'une sanction plus légère était appropriée en raison du manquement à l'application régulière de la loi et au respect des délais. Mme Van Vugt avait prévu imposer une suspension sans rémunération de plus de 18 jours, mais elle a plutôt choisi une lettre de réprimande (pièce 32). Lors de son contre-interrogatoire, Mme Van Vugt a été interrogée quant au fondement de la sanction imposée et elle a indiqué que la sanction était une sanction générale applicable à toutes les infractions alléguées et qu'elle n'avait pas réparti la sanction en fonction de chacune des infractions. Lorsqu'on lui a demandé d'indiquer les allégations qui étaient fondées, elle ne pouvait pas s'en souvenir.

21 Claude Demers, directeur adjoint, Opérations, à l'Établissement du Pacifique, était chargé de la gestion du PNGA lorsqu'il était le sous-directeur intérimaire. Il a reçu une mise à jour de M. Clark relativement à ses préoccupations au sujet de l'assiduité et des retards du fonctionnaire.

22 Le fonctionnaire n'était pas d'accord avec le renvoi au PNGA (voir le grief 566-02-8666). Le fonctionnaire et une représentante de l'agent négociateur ont rencontré M. Demers en vue de discuter de cette question en plus de demander qu'il soit affecté à un autre GC. Le fonctionnaire croyait ne pas avoir obtenu le nouveau départ qui lui avait été promis. Après avoir examiné les conditions d'admissibilité au PNGA, M. Demers a déterminé que le renvoi n'était pas justifié et a révoqué l'inscription du fonctionnaire (voir la pièce 15). Il a également accepté de proroger le délai à l'intérieur duquel le fonctionnaire devait obtenir des certificats médicaux lorsqu'ils étaient requis. Toutefois, il n'a pas affecté le fonctionnaire à un autre GC. Il a également rappelé au fonctionnaire ses obligations en vertu de la « Directive du commissaire 060 (DC 060) », du « Code de discipline (voir les pièces 15 et 16).

23 M. Demers n'a eu aucun autre contact avec le fonctionnaire, mais il a continué de donner des conseils et une orientation à M. Clark, qui a continué de lui donner des mises à jour à son égard et de lui faire part de ses préoccupations au sujet du comportement du fonctionnaire.

24 En novembre 2013, M. Clark a exprimé des préoccupations quant à la participation du fonctionnaire à la mise en liberté d'un détenu de l'Établissement du Pacifique pour se rendre à un rendez-vous médical sans laissez-passer. Selon M. Clark, le fonctionnaire a omis de s'assurer que l'équipe d'accompagnement avait l'autorisation appropriée pour sortir le détenu de l'établissement (conformément à l'ordre de poste permanent; pièce 20) et il a omis de respecter les normes relatives à la tenue vestimentaire et à la conduite. M. Clark a indiqué à M. Demers que lorsqu'il a discuté avec le fonctionnaire au sujet du laissez-passer, il a constaté que le fonctionnaire avait son téléphone cellulaire avec lui, ce qui est interdit par la « Directive du commissaire, CD 566-1 » (pièce 19).

25 Le 27 novembre 2013, le fonctionnaire a été suspendu avec rémunération en attendant une enquête disciplinaire relativement à ces allégations. Le 29 novembre 2013, il a été informé au moyen d'une lettre qu'une audience disciplinaire devait être tenue le 6 décembre 2013 (pièce 22). La suspension avec rémunération a été prorogée jusqu'au 20 décembre 2013, date à laquelle la décision a été rendue par M. Leblanc, qui était maintenant le directeur. Lors de l'audience, le fonctionnaire a soulevé des questions de discrimination. Il se sentait harcelé et victime de discrimination de la part de M. Clark, en plus d'être assujetti à un examen minutieux indu et traité de manière différente que les autres agents correctionnels. L'audience disciplinaire, qui a été enregistrée (pièce 67(5)), a duré 10 minutes.

26 Selon Lucky Bal, une autre conseillère en relations de travail de la région du Pacifique, le directeur Leblanc a consulté immédiatement les services des relations de travail et de la rémunération à l'administration centrale après la réunion disciplinaire. Mme Bal a ensuite rédigé une lettre de licenciement (pièce 24) fondée sur un examen du dossier personnel du fonctionnaire. Le 6 décembre 2013, Mme Bal a envoyé une trousse d'information exhaustive aux relations de travail à l'administration nationale, laquelle comprenait le calendrier des infractions que le fonctionnaire aurait commises, établie par M. Clark, une fiche de synthèse des mesures disciplinaires et de nombreux autres documents demandant la permission de mettre fin à l'emploi du fonctionnaire (pièce 33). Le fonctionnaire a été informé de la décision au moyen d'une lettre (pièce 34).

27 M. Leblanc n'a pas témoigné, contrairement aux autres directeurs qui avaient imposé une mesure disciplinaire au fonctionnaire. Il connaissait déjà le fonctionnaire lorsqu'il était le directeur de l'Établissement de Matsqui.

28 Le fonctionnaire a témoigné que son apnée du sommeil n'était pas maîtrisée en 2012 et en 2013. Il arrivait régulièrement que les multiples réveille-matins qu'il avait placés à divers endroits dans sa chambre à coucher ne réussissent pas à le réveiller. En juin 2012, il utilisait cinq ou six réveille-matins chaque soir. L'employeur et son superviseur, M. Clark, étaient au courant de ses troubles médicaux. Il s'était présenté à Santé Canada aux fins d'une évaluation, à la demande de l'employeur, et des mesures d'adaptation avaient été déterminées et mises en œuvre.

29 Le fonctionnaire a été muté afin d'éviter le traitement dont il faisait l'objet à l'Établissement de Matsqui en réponse et en règlement de ses griefs et de ses plaintes contre M. Marshall, M. Leblanc et M. Busey. Toutefois, le nouveau départ qui lui avait été promis ne s'est pas réalisé; il a été assujetti à un examen minutieux par son GC, M. Clark. Les demandes d'affectation à un autre GC ont été refusées, sans aucune explication.

30 Lorsqu'il est arrivé à l'Établissement du Pacifique, le fonctionnaire a suivi une formation en cours d'emploi de 3,5 jours au sujet de ses postes. Aucun mentor ne lui a été affecté afin d'agir à titre de ressource permanente relativement aux procédures particulières de cet établissement, tel qu'il était la pratique à l'Établissement de Matsqui. Il a été envoyé à son poste dès son arrivée, sans préavis aux agents avec qui il devait travailler. Il n'a pas été informé des différences importantes entre l'Établissement de Matsqui et l'Établissement du Pacifique, y compris le processus de sortie à l'Établissement du Pacifique qui exigeait qu'un CX se présente au bureau du GC avant de quitter son quart et la directive selon laquelle le vaporisateur de poivre devait être entreposé dans les boîtes aux lettres à l'Établissement du Pacifique. À l'Établissement de Matsqui, le vaporisateur de poivre était entreposé dans le casier personnel de chaque CX.

31 Puisqu'il n'a reçu aucune indication contraire, le fonctionnaire a continué de suivre les directives qui lui avaient été données à l'Établissement de Matsqui. Jusqu'à avis contraire de la part de M. Clark, le fonctionnaire ne savait pas que les pratiques variaient d'un établissement à un autre et qu'il devait entreposer son vaporisateur de poivre dans sa boîte aux lettres et non dans son casier personnel, tel qu'il l'avait fait. Lorsque le fonctionnaire est allé chercher son équipement de l'AGS, il a rencontré une personne qui semblait être contrariée par le fait qu'elle devait traiter avec lui. L'équipement lui a été remis brusquement. Il a été ordonné de signer l'accusé de réception de l'équipement, ce qui comprenait le vaporisateur de poivre, et l'AGS lui a ensuite tourné le dos et a commencé à faire autre chose. L'AGS n'a consacré aucun temps à expliquer les exigences en matière d'entreposage du vaporisateur de poivre. L'AGS n'a fourni au fonctionnaire aucune copie des documents signés ce jour-là. Le fonctionnaire les a signés sans les lire puisqu'il avait l'impression que sa présence contrariait l'AGS. Le fonctionnaire a été informé pour la première fois qu'il avait une boîte aux lettres lors de l'audience disciplinaire du 27 août 2012 lorsque M. Clark a montré au fonctionnaire la clé sur son porte-clés.

32 Lorsqu'il était à l'Établissement de Matsqui, le fonctionnaire était un CX-02; par conséquent, il n'avait aucun insigne de CX-01 à porter lorsqu'il est arrivé à l'Établissement du Pacifique. Vers la fin de juillet, pendant qu'il faisait ses rondes, le GC Ouellette a approché le fonctionnaire et lui a demandé pourquoi il portait un insigne de CX-02 alors qu'il était un CX-01. Après cette rencontre, le fonctionnaire a enlevé tous les insignes de CX-02 de son uniforme et a essayé de trouver des insignes de CX-01. Entre-temps, pendant qu'il cherchait des insignes de CX-01, il ne portait aucun insigne.

33 Les uniformes des agents correctionnels, y compris les insignes de grade, étaient fournis par l'employeur aux agents correctionnels selon un régime de points annuels. Le fonctionnaire n'avait pas suffisamment de points pour acheter un insigne de CX-01 et, par conséquent, il a demandé à ses amis s'ils en avaient qu'il pouvait utiliser. M. Clark lui en a donné une paire après l'audience disciplinaire du 27 août 2012, laquelle était sale et, selon le fonctionnaire, devait être lavée; il l'a perdue. Une deuxième paire lui a été fournie par M. Clark après l'audience disciplinaire et le fonctionnaire croyait qu'elle était trop sale pour la porter immédiatement. Il l'a apportée chez lui pour la laver et l'a perdue aussi. Après l'audience disciplinaire de septembre 2012, le fonctionnaire a reçu une autre paire d'insignes d'un ami et, au moment de son licenciement, il comptait un nombre suffisant de paires pour tous les chandails de son uniforme.

34 Après l'audience disciplinaire du 27 août 2012, le fonctionnaire ne se sentait pas bien. Il était étourdi, il voyait des taches et sa tension artérielle avait augmenté. Il sentait qu'il lui fallait un certain temps pour se rétablir avant de retourner à son poste et il est allé voir M. Clark qui l'a interrogé afin de savoir où étaient les insignes pour les épaules qui lui avaient été données. M. Clark lui a dit d'aller à la salle de bains, de laver les insignes, de les porter et de retourner à son poste. Le fonctionnaire a expliqué à la GC Photinopoulos, qui travaillait au bureau de GC à ce moment-là, qu'il ne se sentait pas bien et qu'il devait partir. Elle a hoché la tête et le fonctionnaire est retourné à son poste jusqu'à l'arrivée de son remplaçant.

35 Il a fallu plusieurs mois pour que le fonctionnaire soit ajouté à la liste de distribution par courriel de l'Établissement du Pacifique et, par conséquent, il n'a pas reçu le courriel portant sur la nouvelle procédure de sortie adoptée après son arrivée à l'Établissement du Pacifique. Plutôt que de lui expliquer la procédure, M. Clark a choisi de surveiller le fonctionnaire au moyen de la caméra de sécurité et d'ensuite prendre une mesure disciplinaire à son égard. Tout comme les courriels, le fonctionnaire n'avait été accordé aucun accès aux ordres de poste de l'Établissement du Pacifique. La formation en cours d'emploi qu'il a suivie ne portait pas sur l'entreposage du vaporisateur de poivre ni sur la procédure de sortie à l'Établissement du Pacifique. M. Clark était d'avis que le fonctionnaire n'était pas content de son nouveau grade ni de sa mutation à l'Établissement du Pacifique, ce qui a entraîné les problèmes disciplinaires. Ce n'était pas vrai. Le fonctionnaire aimait son rôle à titre de CX-01 à l'Établissement du Pacifique et envisageait la possibilité de rester à ce niveau. Le fonctionnaire a affirmé ce fait à l'audience disciplinaire d'août 2012, ce à quoi M. Hackett a répondu qu'« ils » verraient bien.

36 Le fonctionnaire a nié que M. Clark avait abordé avec lui les questions liées à la tenue vestimentaire et à la conduite, tel qu'il l'a indiqué dans son courriel du 27 novembre 2013 (pièce 17). En outre, il est impossible qu'on l'ait vu sur le lieu de travail avec la fermeture éclair de son pantalon baissée, comme l'a indiqué la lettre de suspension (pièce 18) du 27 novembre 2013, puisque le fonctionnaire se souvenait très bien que sa fermeture éclair était coincée en haut pendant toute cette journée-là, ce qui l'a obligé à faire des efforts pour réussir à baisser son pantalon sur ses hanches pour uriner.

37 Après avoir reçu l'« Avis d'audience disciplinaire » de la directrice Van Vugt, le fonctionnaire a vérifié son contenu par rapport à ses dossiers, courriels et le système de gestion des ressources humaines. La réponse du fonctionnaire à chaque point énuméré a été fournie à titre de pièce 60. La raison fournie par le fonctionnaire en ce qui concerne son absence aux séances d'information matinales se rapportait à son incapacité de monter les escaliers, ce dont M. Clark et l'employeur étaient au courant. Les séances d'information matinales étaient peu pertinentes pour le poste du fonctionnaire au PPCC. C'est à partir de son poste de travail qu'il a été informé au sujet de l'échange de poste.

38 Lorsque le fonctionnaire n'était pas au travail, il dormait. S'il prenait un somnifère pour l'aider à dormir, il ne pouvait pas conduire pendant les quelques heures suivant son réveil. La plupart de ses demandes de congé de maladie se rapportaient à des problèmes de sommeil. Le fonctionnaire consultait régulièrement son médecin, prenait des pilules pour l'insomnie, consultait un spécialiste du sommeil, avait essayé divers appareils pour maîtriser son apnée du sommeil et a participé à une clinique du sommeil, aucune de ces solutions n'a réglé ses problèmes. Chaque fois qu'il était en retard ou qu'il ne pouvait se rendre au travail, il le signalait au bureau du GC.

39 Le fonctionnaire a nié avoir quitté plus tôt la formation le 30 avril 2013, tel qu'il a été mentionné par M. Clark. Il n'était pas absent sans permission puisqu'il avait terminé sa journée de formation, laquelle s'est poursuivie pendant sa pause dîner. Le formateur lui avait donné la permission de partir pendant que les autres participants nettoyaient. Le 10 mai 2013, il n'a pas entendu son réveille-matin et il était en retard pour sa formation. Il s'est présenté à l'Établissement du Pacifique, s'est entretenu avec le GC au bureau et a ensuite terminé sa formation.

40 La fonctionnaire a présenté une demande de congé pour accident de travail le 11 mai 2013, à la suite de la formation du 10 mai 2013. La formation l'obligeait à s'agenouiller souvent, et à se lever et se rasseoir à plusieurs reprises, ce qui lui a causé des douleurs intenses. Le lendemain, il ne pouvait pas marcher. Sa demande de congé pour accident de travail a été refusée par M. Clark puisque la blessure au genou qui a été aggravée n'était pas survenue pendant qu'il travaillait pour le SCC et, par conséquent, il s'agissait d'une condition préexistante, même si la réclamation visant la blessure a été acceptée par le SCC. M. Clark a ordonné au fonctionnaire de retirer sa demande de congé, ce que le fonctionnaire a fait, et il a ensuite présenté une demande de congé de maladie, ce qui a choqué M. Clark.

41 Le 20 mai 2013, un camion est arrivé à l'entrée des véhicules pendant que le fonctionnaire travaillait. Il devait faire l'objet d'une fouille, mais le fonctionnaire n'était pas en mesure de l'effectuer en raison de ses limitations physiques. La CX-01 de l'entrée principale, qui était au courant de ce fait, a effectué la fouille du camion sans en informer le fonctionnaire. Lorsque la CX-01 de l'entrée principale a quitté son poste, le fonctionnaire aurait dû se rendre à son poste pour la remplacer, ce qu'il n'a pas fait. Lorsque M. Clark a découvert ce fait, il a commencé à crier contre le fonctionnaire. La CX-01 qui a quitté l'entrée principale est allée fournir une explication, car M. Clark ne croyait pas l'explication du fonctionnaire.

42 M. Clark a indiqué que le fonctionnaire n'était pas rasé de près à titre d'exemple supplémentaire du mépris du fonctionnaire de la tenue vestimentaire et de la conduite. Le fonctionnaire a témoigné ne pas se raser tous les jours, car cela cause une irritation de la peau. M. Clark n'a jamais abordé cette question directement avec le fonctionnaire. Le Code de discipline et le Guide des politiques de l'employeur ne traitent pas de la barbe ni des poils faciaux. Selon le fonctionnaire, il n'est pas rare de voir des agents correctionnels à l'Établissement du Pacifique avec une barbe de plusieurs jours. Il est obligatoire d'être rasé de près si un agent doit porter un appareil de protection respiratoire autonome. Le fonctionnaire a suivi une formation relativement à cet appareil, mais il n'est pas censé le porter en raison de ses problèmes de tension artérielle. Les autres agents qui travaillent au même poste que le fonctionnaire ont des barbiches et ils les ont depuis plusieurs années.

43 Le fonctionnaire a admis avoir été impliqué dans un incident avec trois autres agents le 27 novembre 2013, et que cet incident a entraîné la mise en liberté d'un détenu pour un rendez-vous médical sans un laissez-passer approprié.

44 Habituellement, les agents accompagnateurs obtiennent du GC une trousse d'information pour le transport. La trousse comprend le laissez-passer et le formulaire d'autorisation relatif aux armes. Les agents accompagnateurs apportent cette trousse au PPCC. Le CX-01 et le CX-02 qui travaillent au PPCC récupèrent les armes à feu requises. Le détenu est sécurisé et mis dans le camion par les agents accompagnateurs. Une fois que l'agent de l'entrée principale vérifie que le bon détenu est dans le camion, les agents accompagnateurs fournissent le laissez-passer au CX-01, soit le fonctionnaire dans le cas présent. Le fonctionnaire consigne ensuite la mise en liberté dans la feuille des mouvements électroniques et modifie le tableau de dénombrements. Il appelle ensuite l'unité pour l'informer que le détenu a quitté l'Établissement du Pacifique.

45 Le CX-02 au PPCC contrôle les portes et les caméras. Il ou elle autorise le retrait des armes et contrôle l'entrée et la sortie à l'entrée des véhicules. Il ou elle est chargé de s'assurer que tous les documents sont reçus.

46 Le jour pertinent, les agents accompagnateurs n'ont obtenu que la moitié de la trousse et n'en ont pas pris connaissance. Les agents accompagnateurs ont fourni une trousse incomplète aux agents au PPCC en croyant sincèrement que le laissez-passer y était inclus. Au moment de leur arrivée au PPC, une autre mise en liberté était en cours de traitement et quelques-uns des autres agents sortaient des gilets pare-éclats aux fins d'utilisation dans la salle de tir. Un des autres agents accompagnateurs, qui éprouvait des difficultés à installer son arme sur sa ceinture, a demandé de l'aide. Tout cela se déroulait pendant que le fonctionnaire essayait de consigner le dénombrement. Il y avait au moins six personnes supplémentaires au PPCC, en plus des deux agents qui y étaient affectés ce jour-là. Lorsque le premier accompagnateur a été prêt à partir, le fonctionnaire était occupé avec le deuxième accompagnateur et il vérifiait le dénombrement.

47 Le fonctionnaire a demandé au premier groupe de lui donner le laissez-passer et il s'est fait répondre qu'il était sur son bureau. Le fonctionnaire a regardé le bureau, a vu le laissez-passer et est retourné aider le deuxième groupe d'accompagnateurs. Le CX-02 a ouvert la porte et a laissé sortir le premier accompagnateur. Le laissez-passer n'a pas été vérifié.

48 Lorsque les deux groupes d'accompagnateurs étaient partis, le fonctionnaire a découvert que le laissez-passer sur son bureau était celui du deuxième groupe et non le premier, tel qu'il l'avait cru. Après avoir découvert qu'il manquait un laissez-passer, le fonctionnaire et son collègue l'ont cherché. Puisqu'ils ne l'ont pas trouvé, ils ont conclu que les agents accompagnateurs l'avaient encore avec le reste de leurs documents. Cet accompagnement constituait un transfert régulier prévu, où le détenu se rendait à l'hôpital tous les deux jours aux fins de dialyse.

49 Le fonctionnaire avait l'intention d'informer M. Clark de la situation, mais il a oublié jusqu'à ce que vers 11 h M. Clark vienne au PPCC pour enquêter la question. M. Clark a interrogé le fonctionnaire quant à savoir comment il avait pu laisser un détenu sortir sans laissez-passer. Il a complètement ignoré le CX-02 qui était également présent et les affirmations de ce dernier selon lesquelles il s'agissait de sa responsabilité et qu'il avait omis de s'en acquitter de manière appropriée.

50 Alors que M. Clark effectuait son interrogatoire, le téléphone cellulaire du fonctionnaire a émis un signal sonore. M. Clark l'a interrogé à ce sujet et le fonctionnaire lui a expliqué qu'il l'avait apporté par inadvertance et qu'il avait l'intention de le retourner à son véhicule, mais qu'il n'avait pas eu l'occasion de le faire. Le fonctionnaire savait que les téléphones cellulaires étaient interdits au-delà de la porte interne, mais il a supposé que c'était acceptable dans l'immeuble d'entrée, plus particulièrement puisqu'il y avait un port d'attache pour iPhone au PPCC sur le bureau de dénombrement.

51 M. Demers a informé le fonctionnaire au sujet de l'audience disciplinaire prévue le 6 décembre 2013 relativement aux événements concernant, notamment, la question du laissez-passer. Aucun autre agent n'a été assigné à comparaître à l'audience disciplinaire en raison du même incident. M. Demers a admis, en contre-interrogatoire, que l'employeur se focalisait uniquement sur le fonctionnaire.

52 Le fonctionnaire a tenté d'expliquer ce fait à l'audience disciplinaire du 6 décembre 2013, mais le directeur Leblanc ne s'intéressait pas à ce que le fonctionnaire avait à dire. Lors de l'audience disciplinaire, on a dit à la représentante de l'agent négociateur du fonctionnaire de s'asseoir et de se taire, que ce n'était pas l'occasion de se faire entendre. Le 20 décembre 2013, le fonctionnaire a été informé que le directeur Leblanc avait décidé de le licencier avec motif (pièce 34).

53 Divers agents ont témoigné à l'audience. Le CX-02, John Bruce, qui était affecté à la porte avant de l'Établissement du Pacifique, a indiqué qu'avant le 27 novembre 2013, il était courant que les GC et d'autres membres du personnel affecté à la porte avant et au PPCC apportaient leur téléphone cellulaire. D'autres membres du personnel les apportaient et les sécurisaient dans leurs casiers. Sa tâche consistait à s'assurer que les téléphones cellulaires n'entrent pas dans l'établissement; l'entrée principale ne faisait pas partie de l'établissement. Toute personne qui apportait un téléphone cellulaire dans l'établissement, dont l'entrée se situait après l'immeuble d'entrée principal, devait avoir un formulaire d'autorisation signé par le directeur. Une liste à jour des personnes qui apportent un téléphone cellulaire dans l'Établissement du Pacifique se trouve à la réception.

54 Shauna Baker, la représentante de l'agent négociateur du fonctionnaire à l'audience disciplinaire de décembre 2013, a décrit le ton de la réunion. Elle a indiqué que le directeur Leblanc était contrarié et qu'il leur avait crié de s'asseoir dès qu'ils sont entrés dans la salle. Elle a tenté d'intervenir pour le compte du fonctionnaire afin d'expliquer que les directeurs antérieurs acceptaient la présence de téléphones cellulaires à l'entrée principale et que certains GC apportaient leurs téléphones cellulaires sans autorisation. Le directeur Leblanc n'était pas réceptif à sa participation et lui a rappelé son rôle, et ce, d'un ton agressif. Il l'a informée que son rôle ne consistait pas à parler, mais qu'il lui donnerait l'occasion de formuler des commentaires à la fin de l'audience, laquelle a duré 10 minutes. Même à ce moment-là, le directeur n'était pas ouvert à ses commentaires.

55 Mme Baker a parlé aux autres agents correctionnels qui ont participé à la mise en liberté du détenu le 27 novembre 2013. Elle a indiqué que le CX-02 qui travaillait avec le fonctionnaire ce jour-là avait assumé l'entière responsabilité de l'erreur. Il était présent lorsque M. Clark a interrogé le fonctionnaire et il a décrit l'interrogatoire comme une chasse aux sorcières. Aucune mesure disciplinaire n'a été prise à l'égard des trois autres agents concernés.

56 Selon Mme Baker, le code vestimentaire n'est pas appliqué de manière uniforme à l'Établissement du Pacifique, mais le fonctionnaire a été le seul à avoir fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour y avoir contrevenu. Elle a vu des agents comptant entre 12 et 15 années de services qui portent des insignes de recrues. Elle a également vu des agents qui ne portent pas les chemises de travail. Il était courant de voir que les chemises des agents faisant de l'embonpoint n'étaient pas rangées dans leur pantalon. Les jambes de pantalon étaient souvent coincées dans la boucle en arrière des bottes de travail. Aucune personne n'a fait l'objet d'une mesure disciplinaire à ce sujet.

57 Selon Mme Baker, l'examen auquel le fonctionnaire a été assujetti était 95 % plus approfondi que dans le cas des autres agents. D'autres agents ne se conforment pas au code vestimentaire. D'autres sont en retard. D'autres ont participé à la mise en liberté du détenu sans laissez-passer, mais le fonctionnaire a été le seul à faire l'objet d'une mesure disciplinaire.

58 Michael Pardy est un agent correctionnel depuis 12 ans. Il a travaillé à de nombreux établissements dans la région du Pacifique et il a été affecté à l'Établissement du Pacifique de 2009 à 2013. Il était l'un des agents indiqués dans la pièce 36 comme n'ayant pas entreposé son vaporisateur de poivre de manière appropriée. Il n'a pas été rencontré par son GM et il n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire relativement à cette infraction. Il avait apporté son vaporisateur chez lui ce jour-là; raison pour laquelle il n'était pas dans sa boîte aux lettres lors de la vérification. L'endroit désigné pour entreposer le vaporisateur de poivre varie d'un établissement à un autre. À l'Établissement de Matsqui, il entreposait son vaporisateur dans son casier.

59 M. Pardy a également admis ne pas avoir porté d'insignes à maintes reprises et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire à cet égard. Lorsqu'il a quitté l'Établissement du Pacifique et est retourné à l'Établissement de Kent, il a porté des insignes de recrues à titre de blague.

60 Michael Page, qui est actuellement le vice-président de la section locale de l'Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN à l'Établissement du Pacifique, a envoyé un courriel aux membres dont le nom figure à la pièce 36 pour déterminer quelle mesure disciplinaire, le cas échéant, a été prise à l'égard de ces agents pour l'entreposage inapproprié de leur vaporisateur de poivre. Ils ont tous répondu qu'aucune mesure disciplinaire n'avait été prise. M. Page lui-même a été identifié à six reprises pour ne pas avoir entreposé de manière appropriée son vaporisateur de poivre. Il l'avait parfois chez lui, parfois dans son casier personnel. La seule conséquence avait été un suivi effectué par son GM pour lui demander où était son vaporisateur. En ce qui concerne le code vestimentaire, ce n'était pas inhabituel de voir les agents sans leur chemise d'uniforme appropriée ou sans leurs insignes. Aucune de ces personnes n'a fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

61 Le 13 juin 2014, j'ai examiné l'entrée principale et le PPCC à l'Établissement du Pacifique en présence du fonctionnaire, de sa représentante, de l'avocate de l'employeur et d'un représentant de l'employeur. L'examen comprenait le vestiaire situé au deuxième étage, l'entrée principale, le bureau du GC et le PPCC. Le PPCC est environ 20 pieds de long et 10 pieds de large. Il est divisé par un îlot au centre et il compte trois postes de travail, à savoir : le poste de surveillance du CX-02, le bureau de dénombrement et le comptoir où l'équipement est assemblé. Les armes à feu, gilets pare-éclats, les chaînes, les menottes et d'autres équipements requis par les agents accompagnateurs sont entreposés à cet endroit. Une pièce d'équipement bien en vue était un port d'attache pour iPhone, tel qu'il a été indiqué par le fonctionnaire et ses témoins.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

62 Il s'agit d'un cas simple. Le fonctionnaire a eu de nombreuses possibilités d'apprendre de ses erreurs, ce qu'il n'a pas fait. Une mesure disciplinaire progressive a été prise et aucune amélioration n'a été constatée. Le fonctionnaire a finalement été licencié. La dernière question disciplinaire était l'incident culminant selon lequel l'employeur a déterminé que la relation d'emploi était irrémédiablement brisée. Au moment où la mesure disciplinaire définitive a été prise, le fonctionnaire avait été suffisamment averti qu'il devait améliorer sa conduite. Son dossier disciplinaire comptait six sanctions (pièce 5).

63 Une suspension de 18 jours sans rémunération a été imposée par M. Hackett moins de six semaines après que le fonctionnaire a commencé à travailler à l'Établissement du Pacifique. Il a poursuivi le thème qui avait donné lieu à la mesure disciplinaire prise à son égard à l'Établissement de Matsqui. Il a continué de refuser de suivre les directives et de respecter les normes de conduites du SCC. M. Hackett a tenu compte des facteurs aggravants et atténuants. Le fonctionnaire était un agent chevronné à qui son gestionnaire avait fourni des insignes à deux reprises. Il n'a pris aucune mesure pour se conformer aux directives de son gestionnaire voulant qu'il porte les insignes appropriés. Le fonctionnaire a également omis d'entreposer de manière appropriée son vaporisateur de poivre, malgré le fait qu'il ait reconnu par écrit qu'il avait été informé de la façon dont il devait être entreposé. Le fonctionnaire a mal compris la directive ou il n'en a simplement pas tenu compte. Peu importe, il n'a demandé aucune précision auprès de l'AGS.

64 En août 2012, le dossier disciplinaire du fonctionnaire comptait 9 sanctions disciplinaires, dont 4 sanctions pécuniaires, 2 réprimandes écrites, 1 réprimande orale, une rétrogradation et une suspension de 15 jours sans rémunération. Il avait des antécédents d'insubordination, d'inconduite et de négligence dans l'exercice de ses fonctions. Le seul facteur atténuant que M. Hackett pouvait constater était le fait que le fonctionnaire n'avait pas fait l'objet d'un mentorat après son arrivée à l'Établissement du Pacifique. M. Hackett croyait qu'un message fort devait être communiqué et, pour ce motif, il a imposé une suspension de 18 jours sans rémunération.

65 En octobre 2012, le fonctionnaire a omis de suivre les directives du GC Clark à maintes reprises. Il ne s'est pas présenté au travail à temps, il n'a pas porté ses insignes de grade et il n'a pas assisté aux séances d'information, ce que le fonctionnaire a reconnu dans le cadre de son témoignage. La directrice Van Vugt croyait que les questions devaient être abordées, étant donné les antécédents du fonctionnaire.

66 Compte tenu du dossier disciplinaire du fonctionnaire, Mme Van Vugt croyait qu'une longue suspension était requise. À la suite de discussions avec M. Andreassen, qui a mené l'audience disciplinaire à sa place, les préoccupations relatives au délai de la mesure disciplinaire ont été soulevées. M. Andreassen croyait que chaque incident aurait dû être traité individuellement à mesure qu'il se présentait. Pour cette raison, elle a imposé une seule lettre de réprimande, que je n'ai pas compétence d'examiner.

67 Le rôle de M. Clarke tout au long de cette période consistait à aviser la directrice de l'inconduite du fonctionnaire. Les questions soulevées par les autres GC ont été résumées par lui et communiquées à la directrice.

68 Le 20 décembre 2013, le directeur Leblanc a licencié fonctionnaire pour avoir eu en sa possession un téléphone cellulaire à son poste, pour avoir permis à un détenu d'être mis en liberté sans laissez-passer et pour avoir violé la réglementation vestimentaire et relative à la conduite. Le fonctionnaire a admis chaque élément et, ce faisant, il a démontré son mépris envers l'autorité de l'employeur, de l'insubordination et un manque de respect pour l'employeur et ses politiques. Le licenciement était raisonnable, étant donné les allégations, le dossier disciplinaire du fonctionnaire, le type de comportement continu ainsi que l'accident du 27 novembre 2013 qui constituait une grave violation de la sécurité. Le fonctionnaire travaillait au bureau de dénombrement cette journée-là et c'est l'employé à ce bureau qui doit s'assurer qu'il y a un laissez-passer pour chaque détenu mis en liberté (voir la pièce 34).

69 L'incapacité du fonctionnaire de suivre les règles de l'employeur contrevenait au Code de discipline de l'employeur et faisait l'objet de mesures disciplinaires conformément aux alinéas 6f) et g) de ce code (voir Stead et Weda c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 87). Toutes les mesures disciplinaires étaient justifiables et découlaient du défaut du fonctionnaire de s'acquitter de ses fonctions d'une façon diligente et compétente. Ses tentatives en vue d'excuser ses comportements en soutenant que d'autres étaient également coupables et le fait qu'il n'avait pas compris ou lu la politique n'excuse en rien son comportement. Ses allégations voulant qu'il soit ciblé par le GC Clark et que M. Leblanc ne l'aimait pas n'excusaient pas non plus son comportement, car d'autres GC avaient également eu des problèmes liés à son comportement. M. Clark n'a joué aucun rôle en ce qui concerne l'imposition de la mesure disciplinaire (voir King c. Canada (Procureur général), 2012 CF 488).

70 Le fonctionnaire a blâmé ses troubles médicaux pour expliquer ses problèmes d'assiduité; néanmoins, il a admis qu'on répondait à ses besoins en mesures d'adaptation. Il a refusé d'envisager d'autres options, par exemple un horaire différent de travail par poste, lorsque celles-ci lui ont été présentées par le GC Clark. Il a continué d'être en retard. L'employeur n'avait d'autre choix que de prendre des mesures disciplinaires à l'égard du fonctionnaire dans l'espoir de modifier son comportement. On a eu recours à des mesures disciplinaires en de nombreuses occasions, mais sans obtenir de résultats.

71 Un acte culminant définitif d'inconduite suffit en soi à justifier le licenciement (voir Phillips c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 67). Même si un arbitre de grief ignore tout ce qui s'est produit avant que le fonctionnaire arrive à l'Établissement du Pacifique, le fonctionnaire a tout de même de longs antécédents en matière de mesures disciplinaires. Le fonctionnaire a peut-être admis sa faute, mais les contraventions existent toujours (voir Phillips). Selon Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, la négligence liée à l'exécution des fonctions d'une personne, l'insubordination et le défaut de respecter la politique sont tous des actes justifiant une mesure disciplinaire. Les actes justifiant des mesures disciplinaires, qui constituaient l'incident culminant dans la présente affaire, étaient les événements du 27 novembre 2013, qui étaient de même nature que les actes pour lesquels le fonctionnaire avait déjà fait l'objet de mesures disciplinaires.

72 Une mesure disciplinaire était justifiée dans chacune des affaires dont je suis saisie. L'ensemble des mesures disciplinaires a été imposé pour la même raison. Je ne devrais pas m'occuper de mesures disciplinaires lorsque celles-ci sont justifiées (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, au paragraphe 11). Dans l'éventualité où l'on détermine que les mesures disciplinaires imposées étaient déraisonnables, l'employeur croit que la relation d'emploi a été rompue et qu'une indemnité tenant lieu de réintégration basée sur une évaluation des années de service du fonctionnaire est une mesure appropriée.

B. Pour le fonctionnaire

73 Contrairement à ce que l'employeur a dit, il ne s'agit pas d'une affaire simple. Elle est complexe en raison de la mauvaise tenue des dossiers et de la mauvaise gestion du dossier par l'employeur. En outre, deux témoins importants n'ont pas été cités à témoigner : le GC Marshall et le directeur Leblanc. Le fait d'accepter une lettre disciplinaire au lieu de leur témoignage, sans avoir le droit de procéder à un contre-interrogatoire, porte atteinte au fonctionnaire. Le défaut de citer un témoin ne peut être compensé par une preuve documentaire. Les lettres disciplinaires ne constituent pas une preuve de leur contenu (voir Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43).

74 La présente affaire porte sur trois griefs disciplinaires et deux interprétations de la convention collective. Le fonctionnaire a décidé de donner suite aux trois griefs disciplinaires.

75 L'employeur a modifié ses motifs de licenciement du fonctionnaire, passant de motifs disciplinaires à un incident culminant. Il n'est pas loisible à un employeur de combiner des incidents culminants dans le cadre de mesures disciplinaires progressives. Il doit exister un lien clair entre l'inconduite antérieure et l'incident culminant (voir Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada),2008 CRTFP 61, au paragraphe 191). Le fonctionnaire n'a aucun antécédent en matière de mesures disciplinaires liées à un défaut de se conformer aux politiques et procédures liées aux sorties avec escorte des détenus.

76 L'employeur n'a pas démontré qu'une directive claire avait été communiquée au fonctionnaire voulant qu'il rende compte immédiatement à propos de son congé ou que le fonctionnaire avait un comportement abusif dans ses rapports avec le GC Marshall (voir la lettre disciplinaire datée du 8 février 2012; pièce 4). Le GC Marshall n'a pas témoigné, il n'y a donc aucun élément de preuve direct relativement à ces incidents autres que ceux présentés par le fonctionnaire, que l'on doit privilégier. Le fonctionnaire a soutenu qu'il n'avait pas été abusif dans ses rapports avec le GC Marshall, ce qui a été corroboré par la preuve présentée par M. Joe, qui a été témoin des interactions entre le GC Marshall et le fonctionnaire.

77 La mesure disciplinaire imposée par Mme Hackett (voir la lettre disciplinaire du 9 novembre 2012; pièce 8) était une suspension de 18 jours. Cette mesure ne peut pas être perçue comme étant progressive alors que la mesure disciplinaire antécédente qui figure au dossier était une suspension de deux jours. M. Hackett a témoigné qu'il avait tenu compte d'une suspension précédente de 15 jours, il n'y a toutefois aucune preuve qu'il s'agissait d'une mesure disciplinaire. Il s'agissait d'une suspension administrative, tout comme la rétrogradation, conformément aux modalités du protocole d'entente, dont découlait le transfert du fonctionnaire de l'Établissement de Matsqui à l'Établissement du Pacifique, ce qui est appuyé par la preuve présentée par Mme Chima-Brar, qui a témoigné qu'elle avait rédigé la lettre disciplinaire (pièce 6) après la conclusion de l'entente. M. Leblanc n'était pas satisfait du règlement, il a donc émis la lettre. Celle-ci n'a pas fait l'objet d'un grief, car le fonctionnaire ne l'a jamais reçue. La pièce 6 ne peut pas être incluse à titre de preuve d'une mesure disciplinaire, car celle-ci était en dehors du processus disciplinaire et contrevenait à l'article 17 de la convention collective. Le fait que celle-ci fasse partie des considérations de M. Hackett et qu'elle constitue la base des mesures disciplinaires futures n'est pas approprié.

78 Dans les circonstances, une suspension de 18 jours constituait une mesure disciplinaire excessive compte tenu des allégations formulées contre le fonctionnaire en août 2012. Le fonctionnaire n'a pas laissé son vaporisateur de poivre dans un endroit non sécurisé. Le vaporisateur était stocké dans un casier verrouillé à l'intérieur de l'Établissement du Pacifique, ce qui était conforme à la pratique utilisée pour le stockage des vaporisateurs de poivre à l'Établissement de Matsqui. Il ignorait que la pratique était différente à l'Établissement du Pacifique. Sans égard à ces facteurs, aucune autre personne ayant fait l'objet d'un signalement dans le cadre de la vérification des vaporisateurs de poivre relativement à un stockage inadéquat ou à des vaporisateurs de poivre manquants n'a fait l'objet d'une mesure disciplinaire. Seul le fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

79 Le fonctionnaire a admis qu'il ne portait pas d'insignes de grade adéquats lorsqu'il a commencé à travailler à l'Établissement du Pacifique et que, au cours de la période qui a mené à son licenciement, il est possible qu'il n'ait pas affiché adéquatement ses barres de grade. D'autres sont toutefois coupables de la même chose. La preuve concernant la question de savoir si le fonctionnaire a quitté la formation hâtivement n'est pas claire. L'explication du fonctionnaire à l'égard de ces contraventions a été cohérente pendant toute la période qu'il a passée à l'Établissement du Pacifique et à l'audience. Ces questions sont plus adéquatement classifiées à titre de questions liées au rendement plutôt qu'à titre de comportements coupables justifiant des mesures disciplinaires.

80 Toute mesure disciplinaire qui a eu lieu à l'Établissement du Pacifique était fondée sur la suspension de 15 jours antérieure à l'Établissement de Matsqui, qui n'était pas de nature disciplinaire. La lettre disciplinaire imposée par Mme Van Vugt représentait une tentative inexcusable de monter un dossier contre le fonctionnaire. Elle a admis dans sa preuve qu'elle aurait licencié le fonctionnaire à ce moment, si ce n'était du fait que de nombreux incidents sur lesquels elle s'était fondée n'avaient pas été traités en temps opportun. Un délai d'octobre 2012 à juillet 2013 pour donner suite à une mesure disciplinaire présumée est inexcusable. Mme Van Vugt était incapable d'indiquer les allégations de l'avis de l'audience disciplinaire (pièce 31) qui avaient été prouvées et celles qui ne l'avaient pas été. La lettre de réprimande (pièce 32) n'était pas précise. Il n'y a rien dans les enregistrements de l'audience (pièces 67(3) et 67(4)) à l'appui cette détermination.

81 On a refusé au fonctionnaire le respect du processus établi. Le fonctionnaire n'était pas en mesure de traiter des questions dont il n'avait pas connaissance. Mme Van Vugt a admis qu'elle avait été informée des questions liées à la présence du fonctionnaire à l'Établissement du Pacifique. Le recours à une réprimande écrite, qui n'est pas admissible à l'arbitrage, visait uniquement à s'assurer que le dossier disciplinaire tienne compte également de ces allégations. Cette lettre faisait partie du dossier présenté par les relations de travail à l'administration centrale nationale des relations de travail pour justifier un licenciement (pièce 33). Il s'agit clairement d'un manquement à la justice naturelle.

82 L'employeur est tenu d'agir de façon équitable, sans gonfler le dossier disciplinaire d'un employé pour justifier son licenciement. Pourquoi le directeur qui a pris la décision de licencier le fonctionnaire n'a-t-il pas témoigné ou été soumis à un contre-interrogatoire? Si le fonctionnaire était en retard, comme l'a allégué l'employeur et ce pour quoi il a fait l'objet de mesures disciplinaires, pourquoi aucune feuille de temps n'a été présentée? Ironiquement, les allégations de retards ne faisaient pas partie des raisons pour lesquelles une audience disciplinaire a été tenue à la suite de l'incident du 27 novembre 2013. Par conséquent, ce motif ne pouvait pas être utilisé pour établir un incident culminant.

83 Le fait que le GC Clark n'ait jamais donné de chance au fonctionnaire constitue la partie simple de cette histoire. Dès le moment où il est arrivé à l'Établissement du Pacifique, M. Clark a cherché des incidents pour justifier des mesures disciplinaires. Il n'a pas écouté l'agente de l'entrée principale qui n'a pas informé le fonctionnaire que son poste était vacant et qu'il devrait venir et le couvrir. Il n'a pas écouté les autres agents concernés dans l'incident du laissez-passer. M. Clark savait, avant que le détenu soit libéré, que le laissez-passer se trouvait sur son bureau. L'accent était placé sur le fonctionnaire, ce que M. Demers a confirmé en contre-interrogatoire.

84 Il a été établi qu'il existait un certain niveau de tolérance relativement à la présence de téléphones cellulaires dans l'entrée principale de l'Établissement du Pacifique. La règle concernant les téléphones cellulaires à l'intérieur de l'établissement était claire, mais on ne pouvait en dire autant de son application. Le fonctionnaire ne défiait pas les règles en apportant son téléphone cellulaire à l'intérieur du PPCC le 27 novembre 2013. Il savait qu'il faisait l'objet d'une surveillance minutieuse de la part de M. Clark. Il existait toutefois une pratique à l'Établissement du Pacifique qui empêchait l'employeur de prendre des mesures disciplinaires à l'égard du fonctionnaire en raison du fait qu'il avait son téléphone cellulaire avec lui ce jour-là. M. Leblanc, toutefois, ne voulait pas entendre d'arguments concernant cette pratique à l'audience disciplinaire du 6 décembre 2013.

85 Le ton de M. Leblanc à l'audience disciplinaire du 6 décembre 2013 était émotif, agressif et abrasif. M. Clark savait qu'il y avait des téléphones cellulaires dans l'entrée principale de l'immeuble et a tenté de détourner une discussion à ce sujet (pièce 67(5)).

86 En ce qui concerne la question relative à l'habillement et à la conduite du fonctionnaire le 27 novembre 2013, il est possible que cet incident se soit produit. M. Clark l'a remarqué uniquement lorsque le fonctionnaire sortait de son bureau. Compte tenu de la taille du fonctionnaire, il arrive souvent que sa chemise sorte de son pantalon et, compte tenu de la nature des bottes que les CX doivent porter pour compléter leurs uniformes, il n'est pas rare que la jambe d'un pantalon soit accrochée à l'anneau au derrière de la botte. Plutôt que d'aborder les préoccupations à ce moment, M. Clark a choisi de les signaler au directeur.

87 La réparation adéquate dans cette affaire est la réintégration. Selon la Cour fédérale dans Lam c. Canada (Procureur général),2009 CF 913, la réintégration est la règle, pas une indemnité tenant lieu de réintégration, laquelle devrait être réservé aux circonstances exceptionnelles. La réintégration pourrait se faire à un poste en dehors de la classification d'agent correctionnel. L'employeur n'a présenté aucun élément de preuve concernant la rupture de la confiance ou selon lequel la relation d'emploi est irréparable. Le fonctionnaire cherche à obtenir une réduction de la sanction disciplinaire ainsi que la réintégration avec paiement de tout salaire perdu. Il ne demande aucune indemnité relativement à la perte de possibilités de travailler des heures supplémentaires. Il demande toutefois des intérêts sur l'octroi du salaire, car le traitement et le comportement de l'employeur le justifient. Le fonctionnaire a fait l'objet d'actes discriminatoires en raison de son apnée du sommeil, qui a été reconnu en tant qu'invalidité, de sa taille et de ses déficiences physiques. Le ton et l'approche de M. Clark à l'égard du fonctionnaire étaient inacceptables. En règle général, les évaluations du rendement du fonctionnaire étaient bonnes et on n'y mentionnait aucun problème lié à un manque de respect ou à de l'insubordination. Il est révélateur qu'il n'y ait aucune évaluation du rendement pour 2012, l'année précédant celle où le fonctionnaire a quitté l'Établissement de Matsqui.

IV. Motifs

88 Il est évident que la carrière du fonctionnaire au sein du SCC n'était pas sans heurt. Il ne fait aucun doute qu'il fait partie de ces employés qui entrent dans la catégorie des 10 % des employés qui occupent 90 % du temps d'un gestionnaire. Cela ne signifie toutefois pas qu'il n'avait pas droit aux avantages et aux protections de sa convention collective et des principes du droit administratif et du travail. Il avait le droit d'être traité de façon respectueuse par son employeur et d'avoir toutes les possibilités de poursuivre son emploi. Il n'aurait pas pu être licencié sans un motif raisonnable démontré par l'employeur sur la base d'une preuve claire et convaincante.

89 On ne saurait substituer le témoignage des principaux intervenants par des éléments de preuve documentaires, dont la validité est au cœur même du grief (voir Oliver). Une lettre disciplinaire ne constitue ni une preuve de son contenu ni une preuve des considérations menant à la prise de décision. La preuve présentée par les conseillers en relations de travail qui ont participé à l'affaire de façon accessoire ne peut remplacer la preuve directe du décideur.

90 Sans la preuve de M. Marshall et de M. Leblanc, l'employeur ne s'est pas acquitté de son fardeau de la preuve de démontrer au moyen d'éléments de preuve clairs et convaincants que, selon la prépondérance des probabilités, les sanctions imposées par l'employeur relativement aux griefs déposés par le fonctionnaire avant son départ de l'Établissement de Matsqui alléguant que l'employeur, le Service correctionnel du Canada (SCC), avait pris des mesures disciplinaires sans motif valable en lui imposant une sanction pécuniaire de 380 $ le 8 février 2012 (le grief dans le dossier de la CRTEFP 566-02-7436) et son licenciement subséquent de l'Établissement du Pacifique, étaient justifiées.

91 En ce qui concerne le grief dans le dossier de la CRTFP 566-02-7437, le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire et j'arrive à la conclusion qu'il ne s'en est pas acquitté. Dans le cours normal des événements, la direction a le droit de diriger l'effectif et, dans le cours normal des événements, le fait d'ordonner à un employé de remplir des demandes de congé fait partie du rôle quotidien d'un gestionnaire. Je n'ai aucune raison de conclure qu'une telle directive est illégale. Cependant, compte tenu de la preuve présentée par le fonctionnaire, décrivant les circonstances dans lesquelles cette directive a été donnée, la question demeure quant à savoir si la communication de cette directive par ailleurs légitime représentait un abus de pouvoir de la part du GC Marshall. Quoi qu'il en soit, le fardeau de la preuve incombe néanmoins au fonctionnaire de démontrer que la directive alléguée était illégale et que le GC Marshall a abusé de son pouvoir. Le fonctionnaire n'a pas réussi à s'acquitter de ce fardeau en démontrant qu'une directive de remplir des demandes de congé était illégale. En outre, le fonctionnaire n'a pas réussi à démontrer au moyen d'une preuve claire et convaincante comment le GC Marshall a abusé de son pouvoir en donnant une directive légale. Par conséquent, le grief 566-02-7436 est rejeté.

92 J'ai passé en revue le dossier de la nouvelle Commission et j'ai constaté que des assignations avaient été demandées par l'employeur en ce qui concerne M. Leblanc et M. Marshall. Les deux assignations ont été émises, il est donc évident que l'employeur avait envisagé que leur preuve était requise. L'employeur a présenté une demande de report de la présente audience sur la base de certificats médicaux, lesquels indiquaient que même si M. Leblanc éprouvait un trouble médical, sa participation à l'audience n'était pas contre-indiquée; cette demande a été rejetée. La durée de l'audience a donné à l'employeur suffisamment de temps pour citer M. Leblanc ou M. Marshall à témoigner, cependant, il a choisi de ne pas le faire. Le représentant du fonctionnaire a suggéré que je devrais tirer une inférence négative de leur défaut de comparaître. Certes, compte tenu de la nature de la preuve que j'ai entendue des autres témoins de l'employeur, du fonctionnaire et de ses témoins, je suis perplexe quant à savoir pourquoi la preuve de ces principaux intervenants a été omise.

93 Étant donné l'ambiguïté du protocole d'entente mal rédigé (pièce 7), qui aborde certains des incidents qui ont suscité le dépôt des griefs dont je suis saisie, et la rétrogradation de l'employeur ainsi que son transfert à l'Établissement du Pacifique, il aurait été profitable à l'employeur de présenter une preuve directe de l'intention du document et de son lien avec les procédures dont je suis saisie, de même que tout autre renseignement général pertinent. Le document est censé annuler une suspension sans salaire et la remplacer par d'autres congés payés à compter du 23 avril 2012, créditer au fonctionnaire les crédits de congé annuel et les crédits de congé de maladie perdus, et le déployer dans l'Établissement du Pacifique, et le fonctionnaire a accepté une rétrogradation temporaire au niveau CX-01 pour une période de 24 mois, en échange de quoi il a accepté de n'entreprendre aucune autre mesure administrative relativement à cette affaire ou à toute autre affaire qui y est liée d'une façon quelconque. Les seules questions qui existaient à ce moment étaient les mesures disciplinaires auxquelles avaient pris part M. Marshall et M. Leblanc. Il est évident que Mme Chima-Brar, qui a rédigé la lettre disciplinaire datée du 28 mai 2012, n'en avait aucune connaissance réelle, autrement, elle aurait été en mesure d'expliquer pourquoi la lettre qui fait partie du dossier disciplinaire du fonctionnaire a été rédigée après la signature du protocole d'entente. Elle a déclaré qu'elle ne connaissait pas le contenu du protocole d'entente et qu'elle avait rédigé la lettre disciplinaire en fonction du dossier disciplinaire du fonctionnaire, conformément aux directives de M. Leblanc.

94  Le protocole d'entente ne fait aucune référence à une libération complète et définitive; il ne comprend également aucune mention quant à savoir si cette entente est censée représenter une entente de la dernière chance. L'avocate de l'employeur a répondu à mes questions concernant l'objet du document et a déclaré qu'il s'agissait d'une entente de la dernière chance. La représentante du fonctionnaire a affirmé que le document avait pour objet de régler les questions liées aux allégations de harcèlement visant M. Marshall et M. Leblanc pendant que le fonctionnaire se trouvait à l'Établissement de Matsqui. Le fonctionnaire l'a confirmé dans son témoignage en déclarant qu'il avait accepté la rétrogradation et le transfert à l'Établissement du Pacifique afin de se soustraire au traitement qu'il avait reçu de la part de son GC et de son directeur à l'Établissement de Matsqui. J'en conclus qu'en l'absence d'une preuve directe quelconque du contraire, le protocole d'entente ne constitue pas une entente de la dernière chance, et que le transfert et la rétrogradation du fonctionnaire à l'Établissement du Pacifique étaient, comme l'a soutenu la représentante du fonctionnaire, de nature administrative.

95 J'accepte également le témoignage non contredit du fonctionnaire selon lequel il a fait l'objet d'un examen approfondi inhabituel, de harcèlement et de mesures disciplinaires par le GC Marshall et le directeur Leblanc alors qu'il était à l'Établissement de Matsqui. Ce traitement est devenu l'objet d'allégations de harcèlement contre ces deux hommes, lesquelles allégations ont été abordées au moyen du protocole d'accord. La mesure disciplinaire qui a été imposée durant la période ayant mené à cet accord, y compris celle du 8 février 2012 (voir la lettre disciplinaire, pièce 4) et en particulier la sanction pécuniaire de 380 $, était teintée par les allégations de harcèlement.

96 La mutation à l'Établissement du Pacifique devait être un nouveau départ pour le fonctionnaire. On ne sait pas exactement ce qui a été dit la première journée où le fonctionnaire a rencontré M. Hackett, mais ce que l'on sait c'est qu'à l'audience disciplinaire du 27 août 2012, M. Hackett a dit au fonctionnaire qu'il devait être le [traduction] « CX-01 de l'année » pour surmonter l'héritage qu'il avait amené avec lui de l'Établissement de Matsqui (pièce 67(1)). Cette attente aurait été extraordinairement difficile à respecter et a donné lieu à un niveau d'examen déraisonnable à l'égard du fonctionnaire par l'employeur.

97 Je n'ai aucun doute que le fonctionnaire a omis de porter son insigne de rang; il l'a admis. Il a également admis que le GC Clark lui avait donné des épaulettes qu'il n'a pas portées. Je n'ai aucun doute que le fonctionnaire n'a pas entreposé son vaporisateur de poivre selon les exigences de la politique à l'Établissement du Pacifique. Il l'a également admis. La mesure disciplinaire était justifiée dans ce cas. Les faits divergent en ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire est parti plus tôt après l'audience disciplinaire du 27 août 2012 ou s'il a en fait parlé avec la GC Photinopoulos pour lui demander d'être remplacé. Mme Photinopoulos n'a pas témoigné, par conséquent, en l'absence de toute preuve corroborante à l'appui de l'allégation du GC Clark selon laquelle le fonctionnaire a quitté les lieux sans autorisation, j'accepte le témoignage du fonctionnaire à cet égard. Le fonctionnaire était un témoin crédible et il devrait se voir accorder le bénéfice du doute. M. Clark n'a pas fourni d'éléments de preuve pour contredire l'affirmation du fonctionnaire selon laquelle il avait consulté la GC Photinopoulus avant de partir cette journée-là ou que M. Clark avait fait un suivi auprès de la GC Photinopoulus afin de vérifier si le fonctionnaire l'avait consultée.

98 En me fiant à Cooper, je ne crois pas qu'il s'agit d'une situation où il est approprié que j'intervienne. Le fonctionnaire a un long dossier disciplinaire, peu importe les questions qui ont été infirmées précédemment dans cette décision. La mesure disciplinaire était justifiée pour deux des trois allégations examinées le 27 août 2012 : la question liée à l'entreposage du vaporisateur de poivre et celle liée à l'insigne de rang. Bien que le fonctionnaire ait indiqué dans son témoignage qu'au départ il n'avait pas d'insigne de rang d'un CX-01, cela n'excuse pas son omission continue de respecter le code vestimentaire requis. Les insignes de rang ont été fournis deux fois par l'employeur, mais le fonctionnaire a allégué les avoirs perdus chaque fois. Je conclus que les explications fournies par le fonctionnaire quant à son omission de porter les insignes appropriés de rang étaient fallacieuses et que ces actions relatives à cette question étaient délibérées ou négligentes. Il a également déclaré qu'il n'était pas au courant de la réglementation concernant l'entreposage approprié du vaporisateur de poivre parce qu'il n'a pas lu les documents qui lui ont été fournis par l'AGS. L'ignorance de la réglementation n'est pas une excuse pour l'enfreindre. Bien que d'autres personnes puissent avoir fait l'objet ou non de mesures disciplinaires pour des transgressions semblables, compte tenu de la totalité des faits de l'espèce, et en me fiant à Cooper, je vais m'en remettre à la conclusion de l'employeur quant à la pénalité appropriée. Le grief lié à cette mesure disciplinaire (suspension de 18 jours sans rémunération) demeurera et ce grief est rejeté.

99 Bien que je n'aie pas compétence quant à la lettre de réprimande envoyée par la directrice Van Vugt le 15 octobre 2013, même si cela avait fait l'objet d'un grief, je dois formuler un commentaire à son égard puisqu'elle fait partie du dossier disciplinaire qui a été présenté à M. Leblanc en décembre 2013. L'avis d'audience disciplinaire mentionnait un total de 29 infractions alléguées, qui se sont produites entre le 16 octobre 2012 et le 16 juillet 2013 et cela est représentatif de la profondeur de l'examen de M. Clark. La représentante du fonctionnaire a fait valoir qu'il s'agissait d'une utilisation inadéquate du processus disciplinaire, qu'elle avait pour but de s'assurer que le dossier disciplinaire du fonctionnaire tenait compte de ses allégations et qu'il s'agissait clairement d'une violation de la justice naturelle.

100 Je n'ai aucun doute que M. Andreassen a soulevé des préoccupations selon lesquelles un grand nombre des allégations figurant dans l'avis d'audience disciplinaire étaient en dehors des délais prescrits et que l'employeur avait l'intention de s'assurer qu'un registre de mesures disciplinaires lié à ces événements soit placé dans le dossier disciplinaire du fonctionnaire. De toute évidence, selon son propre témoignage, Mme Van Vugt aurait préféré mettre fin à l'emploi du fonctionnaire et elle l'aurait fait si M. Andreassen n'avait pas soulevé les questions des délais. Ce qu'il ressort clairement de la preuve de l'employeur est que peu importe les préoccupations relatives au délai, il sentait qu'il était essentiel que les fautes alléguées soient consignées pour être utilisées à un moment ultérieur. Le fait de permettre l'accumulation d'allégations de fautes au point où le droit à une mesure disciplinaire est compromis constitue des relations de travail médiocres.

101 Le 27 novembre 2013, cinq personnes ont participé à la mise en liberté d'un détenu sans laissez-passer, et non quatre, comme l'a déclaré l'employeur. Il y avait deux agents accompagnateurs, le CX-02 du PPCC, le fonctionnaire et M. Clark. M. Clark, en tant que GC, a la responsabilité ultime de s'assurer que les détenus qui sont retirés de l'Établissement du Pacifique le soient conformément aux politiques et directives du SCC. Il était le GC auprès de qui les agents accompagnateurs ont ramassé la trousse d'accompagnement. Le laissez-passer manquant a été trouvé sur son bureau. La responsabilité doit être attribuée à toutes les personnes concernées, y compris le fonctionnaire; cependant, seul ce dernier a fait l'objet d'une mesure disciplinaire. Les principes d'imposition d'une mesure disciplinaire exigent que des mesures semblables soient imposées pour des infractions semblables; cependant, les facteurs atténuants et aggravants doivent être pris en compte. Dans ce cas, quatre personnes n'ont pas fait l'objet de mesures disciplinaires pour la même infraction que celle pour laquelle, en partie, le fonctionnaire a été licencié. Même en tenant compte de son dossier disciplinaire, qui ne contient aucune autre infraction de ce type, la mesure disciplinaire imposée était déraisonnable dans des circonstances où d'autres personnes tout aussi responsables s'en sont tirées sans conséquence.

102 Je conclus également que le fonctionnaire a démontré que la question de la présence de téléphones cellulaires dans l'entrée principale avait été acceptée. Comme je l'ai noté dans mon examen du PPCC, un port d'attache pour iPhone était à la vue de tous, ce qui pourrait amener une personne à conclure que les iPhone étaient permis sur les lieux. D'autres personnes n'ont pas fait l'objet de mesures disciplinaires pour les mêmes événements, mais ce fut le cas pour le fonctionnaire. Toute mesure disciplinaire liée à ces allégations n'est pas justifiée.

103 Je suis extrêmement préoccupée par l'attitude de la direction à l'égard du fonctionnaire pendant qu'il était à l'Établissement du Pacifique et en particulier par la surveillance microscopique que lui faisait subir M. Clark. Le ton des courriels dans lesquels M. Clark indique en détail les nombreuses attractions commises par le fonctionnaire révèle clairement le mépris qu'il avait pour ce dernier. Par exemple, il a déclaré ceci : [traduction] « C'était la nuit avant l'audience et Kinsey refuse de suivre les règles […]» dans un courriel envoyé à M. Hackett (pièce 38). Toujours dans la pièce 38, il a déclaré [traduction] « on ne sait pas où le vaporisateur de poivre est entreposé, s'il l'a été, et il est probable qu'il l'ait sorti de l'établissement », dans un calendrier utilisé pour assurer le suivi du plaignant. Le fait que ce document a été présenté avant l'audience disciplinaire devant M. Hackett et que M. Clarke savait que cette déclaration était fausse est particulièrement troublant. Dans son témoignage, il a déclaré qu'il a communiqué avec le fonctionnaire chez lui lorsqu'il a été conclu que son vaporisateur de poivre n'était pas à l'endroit approprié et que ce dernier lui avait dit qu'il était dans son casier personnel. La serrure du casier a été coupée et le vaporisateur a été récupéré.

104 Il ressort également clairement du témoignage de M. Clark et des pièces déposées que ce dernier surveillait le fonctionnaire. M. Clark a admis avoir utilisé les caméras de surveillance de l'Établissement du Pacifique afin de déterminer quand le fonctionnaire arrivait à l'établissement et en partait. Essentiellement, il a utilisé les caméras de surveillance comme horloge de pointage, notant les heures d'arrivée et de départ du fonctionnaire ainsi que les écarts et il les signalait à sa chaîne de commandement à l'appui d'une mesure disciplinaire éventuelle.

105 M. Clark a utilisé le PNGA afin de contrôler l'utilisation par le fonctionnaire de congés de maladie et d'absences liées à une maladie alors qu'il n'était clairement pas admissible au programme en raison d'un problème de santé chronique. Le fonctionnaire a contesté cette mesure, qui a été corrigée par M. Demers lorsqu'il l'a retiré du PNGA et, pour cette raison, il n'en a pas fait mention devant moi, puisqu'il a probablement conclu que cette question était théorique. Cependant, je note que le fait que M. Clark ait placé le fonctionnaire dans le PNGA alors qu'il n'était pas admissible constitue un élément de preuve supplémentaire de la surveillance du fonctionnaire par M. Clark et de ses tentatives de monter un dossier contre le fonctionnaire.

106 D'autres GC ont eu connaissance de situations où le plaignant était en retard. Le fonctionnaire a abordé chacune des situations avec chaque GC (pièces 39 et 40). À ces occasions, le fonctionnaire avait un retard de 5 à 30 minutes. Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu'il éprouvait de la difficulté à se réveiller le matin en raison de son apnée du sommeil et de son insomnie. Bien que le retard ne soit pas acceptable, il y a une différence entre être innocent et coupable de mépris pour les heures de travail. Dans ces circonstances, le retard était innocent et il était correctement classé comme étant lié au rendement ou à un problème d'arrangement et non un problème pour lequel une mesure disciplinaire aurait dû être imposée.

107 Je n'ai aucun doute que le fonctionnaire ne représente pas le modèle d'agent correctionnel. Il est obèse, ce qui lui cause des problèmes avec la façon de porter son uniforme et comment il lui va. Cela offensait l'approche rigide de M. Clark en matière de gestion. Cependant, l'obésité est un handicap pour lequel on doit prendre des mesures d'adaptation. Plutôt que d'aider le fonctionnaire à devenir le portrait d'un agent correctionnel qu'il avait à l'esprit, avec une chemise bien rentrée dans le pantalon, M. Clark a choisi d'imposer une mesure disciplinaire plutôt que de gérer cela par la voie du rendement ou des mesures d'adaptation. Imposer une mesure disciplinaire au motif qu'une jambe de pantalon fait une boucle à l'arrière d'une botte banalise le processus disciplinaire et crée un manque de crédibilité relativement à la personne qui impose cette mesure disciplinaire.

108 L'audience disciplinaire du 6 décembre 2013 qui a entraîné le licenciement du fonctionnaire a duré exactement 10 minutes pendant lesquelles la représentante du fonctionnaire a été fustigée et s'est vu nier son droit de représenter ce dernier par M. Leblanc, que l'on peut entendre brandissant une feuille de papier et indiquant de façon agressive à la représentante quel devrait être son rôle à l'audience selon lui. On peut également entendre M. Clark devenir agressif et agité durant la brève rencontre, en particulier lorsque l'on discute de la présence de téléphones cellulaires dans l'entrée principale de l'Établissement du Pacifique (pièce 67(5)). Étant donné la partialité évidente dont a fait preuve M. Clark à l'égard du fonctionnaire jusqu'à son audience disciplinaire, et étant donné les précédentes rencontres de M. Leblanc avec le fonctionnaire alors qu'ils étaient tous les deux à l'Établissement de Matsqui, le fonctionnaire avait peu d'espoir d'avoir une audience impartiale. Même si la partialité, ou une crainte raisonnable de partialité concerne souvent une relation préexistante, elle peut également toucher la façon dont une audience est menée (Brown et Beatty, au paragraphe 1:5210). L'employeur n'a pas cherché à minimiser l'incidence de cette partialité et a donc privé le fonctionnaire de ses droits à la justice naturelle. Compte tenu de tout ce que j'ai noté ci-dessus, y compris le commentaire au sujet du CX-01 de l'année, la surveillance accrue du fonctionnaire par la direction, les mesures disciplinaires pour des infractions auxquelles on n'a pas donné suite en temps utile, ce qui a entraîné une réprimande écrite et l'approche agressive adoptée à l'égard de fonctionnaire par la direction, l'audience disciplinaire dont a découlé le licenciement du fonctionnaire était telle qu'aucune décision raisonnée ou équitable ne pouvait être rendue. Une mesure disciplinaire entachée par une violation de la justice naturelle n'est pas appropriée et, pour ce motif, le licenciement du fonctionnaire est annulé. Une pénalité raisonnable sera imposée pour son rôle dans la mise en liberté du prisonnier, l'infraction au code vestimentaire et les problèmes relatifs aux téléphones cellulaires. La pénalité imposée correspondra à celles imposées à d'autres personnes dans le lieu de travail, tout en tenant compte de l'historique disciplinaire du fonctionnaire.

109 L'employeur a fait valoir que la doctrine de l'incident culminant ainsi que celle des mesures disciplinaires progressives avaient un effet combiné qui appuyait le licenciement. La représentante du fonctionnaire a soutenu que l'employeur ne pouvait invoquer ces deux doctrines en même temps et qu'il s'agissait en fait d'arguments subsidiaires. De petites infractions ne justifient normalement pas le licenciement, sauf si elles peuvent être considérées comme un incident culminant qui démontre que l'employeur a raison de ne pas croire en la capacité de l'employé de se réhabiliter et qu'en conséquence la relation de confiance est rompue. Pour avoir gain de cause en faisant valoir un incident culminant, l'employeur doit fournir une preuve claire qui établit selon la prépondérance des probabilités qu'il n'y a plus de relation employeur-employé viable en raison des infractions disciplinaires répétées de l'employé. La lettre disciplinaire (pièce 34) fait uniquement référence à une mesure disciplinaire progressive et impose une pénalité globale pour les trois infractions pour lesquelles l'audience disciplinaire a été convoquée. Aucun élément de preuve ne m'a été présenté qui appuierait l'existence d'un incident culminant suffisant pour justifier le licenciement. Il ne fait aucun doute que l'employeur ne veut pas du fonctionnaire dans le lieu de travail et que ce dernier est difficile à gérer. Ce n'est pas une raison, en l'absence d'une cause juste, pour justifier son licenciement (voir Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé),2010 CRTFP 24).

110 Au moment d'examiner le caractère raisonnable du licenciement du fonctionnaire, je suis confrontée aux admissions de ce dernier selon lesquelles il a manqué à ses obligations d'agent correctionnel en permettant à un détenu de quitter l'Établissement du Pacifique sans la documentation appropriée. Même s'il est vrai que d'autres personnes, y compris M. Clark, doivent assumer la responsabilité de leur rôle dans cet incident, l'omission de tenir compte de détenus justifie une mesure disciplinaire et le dossier disciplinaire antérieur du fonctionnaire doit être considéré comme un facteur aggravant dans la détermination de la mesure disciplinaire appropriée à être prise et cela peut justifier un traitement différent de celui des autres. (Voir Stead et Weda et King.) Il avait déjà fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir omis de suivre des directives et des procédures. La représentante du fonctionnaire a argumenté en faveur d'une suspension de trois mois sans rémunération suivie de la réintégration. La réintégration pourrait se faire à un poste qui n'est pas compris dans la classification d'agent correctionnel. L'employeur a soutenu qu'il s'agit d'une affaire appropriée qui me permet d'exercer mon pouvoir discrétionnaire d'accorder au fonctionnaire un paiement tenant lieu de réintégration, conformément à Lam.

111 J'ai débattu pendant un certain temps de la question de savoir s'il est dans l'intérêt supérieur du fonctionnaire de le réintégrer ou si une réintégration ne ferait que le placer dans une situation intenable sur le lieu de travail où chacun de ses mouvements ferait l'objet d'un examen approfondi. De même, en tenant compte du fait que le fonctionnaire est sans aucun doute un employé très difficile à gérer à plusieurs égards, est-il dans l'intérêt supérieur de l'Établissement du Pacifique de le réintégrer? Toutefois, est-il approprié de priver d'un emploi un employé comptant douze ans de service, dont les évaluations ont démontré qu'il se conformait aux normes, à l'exception du moment où le fonctionnaire a été supervisé par M. Marshall et M. Clark, et qui a de nombreuses années d'emploi devant lui comme moyen de subsistance?

112 Selon la Cour fédérale dans Lam :

5 [b]ien qu'il n'existe aucun droit automatique à la réintégration, comme l'a déjà souligné le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale, « il existe nettement une présomption en faveur de la réintégration, sauf lorsque la preuve indique manifestement le contraire » (Énergie Atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami, [1998] 3 C.F. 349, au paragraphe 31 (C.A). La doctrine et la jurisprudence citées par les parties confirment que la réintégration semble la règle et la non-réintégration l'exception, ce que semble d'ailleurs reconnaître l'arbitre de grief dans la décision contestée. Or, selon la preuve au dossier, il est clair en l'espèce que la demanderesse a été privée de l'opportunité de présenter une preuve et des arguments avant qu'une décision finale ne soit rendue au sujet de la question du non-retour éventuel de la demanderesse dans le même milieu de travail. Il s'ensuit que toute cette partie de la décision et de l'ordonnance de l'arbitre de grief à l'effet que la réintégration de la demanderesse ne constitue pas une « option raisonnable ou viable dans les circonstances » est viciée au départ. Il est par conséquent inutile de se demander si la conclusion de l'arbitre de grief est raisonnable en l'espèce.

113 Comme la présomption est celle selon laquelle l'employé devrait être réintégré et étant donné que le fonctionnaire est ouvert à la possibilité d'être réintégré à un poste qui ne fait pas partie de la classification d'agent correctionnel, l'employeur devrait être en mesure de le réintégrer sans difficulté. Cependant, je laisserai cela aux parties pour qu'elles en discutent. Le fonctionnaire sera assujetti à une suspension de trois mois sans rémunération en raison de son rôle dans la mise en liberté du détenu sans laissez-passer et pour son omission de porter son insigne de rang, qui ont fait l'objet de l'audience disciplinaire du 6 décembre 2013.

114 Si le fonctionnaire est réintégré à son poste d'agent correctionnel, ce devrait être au niveau CX-01 pour le reste de la période convenue de deux ans à compter de la date de son licenciement. La période de la suspension ne sera pas déduite de la période convenue de rétrogradation. La rétrogradation au poste de CX-01 acceptée le fonctionnaire ne devrait pas être abrégée en raison de son licenciement, du processus d'arbitrage subséquent et du délai nécessaire pour le réintégrer à son emploi. Plus précisément, le fonctionnaire sera réintégré à un poste de CX-01 pendant une période de six mois, après quoi il retournera au niveau CX-02, sauf si les parties en conviennent autrement.

115 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

116 Le grief 566-02-7436 est accueilli.

117 Le grief 566-02-7437 est rejeté.

118 Le grief 566-02-7989 est rejeté.

119 Le grief 566-02-8666 est rejeté.

120 Le grief 566-02-9588 est accueilli en partie.

121 Le plaignant doit être réintégré à un poste de CX-01 à l'Établissement du Pacifique (ou à un autre établissement convenu mutuellement par les parties), conformément à ses besoins d'adaptation, dans les 90 jours de la présente décision, rétroactivement au 20 décembre 2013, sans perte d'ancienneté ou autres avantages sociaux.

122 Le fonctionnaire recevra également toute augmentation de salaire à laquelle il aurait eu droit s'il n'avait pas été mis fin à son emploi le 20 décembre 2013.

123 De tout montant dû au fonctionnaire, il sera déduit un montant égal au salaire normalement gagné sur une période de trois mois par ce fonctionnaire en fonction de son horaire immédiatement avant le 6 décembre 2013.

124 Après une période de six mois suivant la réintégration du fonctionnaire à un poste de CX-01, il sera reclassifié au niveau CX-02, à moins qu'il en soit convenu autrement par les parties.

125 Je demeurerai saisie des affaires découlant de la présente ordonnance pour une période de 120 jours à compter de la date de la présente décision.

Le 25 mars 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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