Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte en vertu de l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), alléguant que le défendeur avait enfreint les articles 186 et 106 de la LRTFP puisqu'il s'était ingéré dans l'administration d'une organisation syndicale et dans la représentation des employés d'une organisation syndicale en communiquant des renseignements faux et trompeurs aux employés au sujet de sa [traduction] « Stratégie de mieux-être » et que les communications du défendeur à l'égard de la stratégie ainsi que sa mise en œuvre constituaient un manquement à son obligation de négocier de bonne foi – la plaignante a ensuite demandé une modification de sa plainte afin d'y ajouter des allégations qui ont été soulevées après le dépôt de la plainte – la formation de la Commission a conclu que, dans ce cas, il était approprié d'autoriser la modification de la plainte, tel qu'il a été demandé – la formation de la Commission est convaincue que la plaignante a établi une cause défendable, à savoir que la modification proposée n'altérait pas la nature de la plainte et qu'elle était liée aux motifs invoqués dans la plainte initiale – la présentation de ces plus amples précisions avait pour but d'éclaircir le contexte et le sens des communications qui demeurent au cœur du litige – la formation de la Commission a également souligné que le défendeur, ayant été avisé plus de deux mois avant l'audience, n'a subi aucun préjudice quant à sa capacité de répliquer à ces allégations supplémentaires – en outre, sur consentement, les parties avaient déjà convenu avant l'audience de présenter d'abondants éléments de preuve documentaire devant la Commission, notamment des propositions de négociation concernant les congés de maladie et l'invalidité de courte durée, ainsi que les notes des séances de négociation. Requête accordée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150520
  • Dossier: 561-02-698
  • Référence: 2015 CRTEFP 46

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

défendeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Catherine Ebbs, Margaret Shannon et David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Andrew Raven et Amanda Montague-Reinholdt, avocats
Pour le défendeur:
Richard E. Fader et Brian Russell, avocats
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 29 janvier 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

Plainte devant la Commission

1 Le 7 juillet 2014, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »), alléguant que le Conseil du Trésor du Canada (le « défendeur ») avait enfreint les articles 106, 107 et 186 de la LRTFP.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été promulguée (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art.2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission.

3 L'audience de cette affaire a été présentée devant une formation de la Commission le 27 janvier 2015. Pendant la présentation des exposés introductifs des parties, une question a été soulevée concernant le niveau de preuve approprié de la plainte. La question consistait plus particulièrement à déterminer si les déclarations faites à la table de négociation après le dépôt de la plainte pouvaient être reçues en preuve.

4 Après avoir entendu les arguments des parties, la Commission a conclu que la plainte s'était cristallisée le 7 juillet 2014, avant que les premières propositions de négociation n'aient été échangées. Des préoccupations ont été exprimées quant au fait que les éléments de preuve visant les événements qui sont survenus après cette date pouvaient servir à corroborer les allégations invoquées dans la plainte. La Commission a déclaré qu'il revenait à la plaignante de décider si elle souhaitait proposer une modification officielle de la plainte ou présenter une nouvelle plainte.

5 La plaignante a avisé la Commission qu'elle présenterait une requête en vue de la modification de la plainte.

6 Une requête a été présentée à la Commission le 28 janvier 2015. Le défendeur a répondu par écrit le 29 janvier 2015 et, le même jour, les parties ont témoigné devant la Commission à l'appui de leurs positions.

Argumentation des parties

7 Les arguments présentés ci-dessous sont un résumé des arguments écrits présentés à la Commission et des arguments formulés de vive voix à l'audience.

Argumentation de la plaignante

8 La plaignante a demandé une modification de la présente plainte afin d'ajouter des faits supplémentaires qui ont eu lieu après le dépôt de la plainte. Plus précisément, la plaignante a tenté de faire modifier la plainte afin d'y ajouter les allégations suivantes :

[Traduction]

  • Les représentants de l'employeur ont déclaré aux tables de négociation des cinq groupes représentés par l'AFPC que le régime d'invalidité de courte durée (ICD) « ne fera pas partie » de la convention collective.
  • En raison du fait que le régime d'ICD « ne fera pas partie » de la convention collective, il n'est pas nécessaire de négocier ses modalités.
  • L'employeur souhaite que toutes les unités de négociation aient le même régime d'ICD; en conséquence, il ne négociera pas les différentes modalités du régime avec les différentes unités. Les représentants de l'employeur ont affirmé clairement qu'ils ne négocieraient pas le modèle.
  • Les représentants de l'employeur ont fait savoir que la date de mise en œuvre du régime d'ICD sera le 1er septembre 2016, et ont par ailleurs ajouté qu'il s'agissait d'un fait accompli, et non d'une proposition.

9 La plaignante a fait valoir que les allégations supplémentaires n'altéraient pas la nature de la plainte, qu'elles étaient pertinentes aux motifs invoqués dans la plainte initiale, que le défendeur en avait été avisé plus de deux mois avant l'audience, et que cela ne nuisait pas à sa capacité d'y répondre. Les parties avaient déjà convenu de présenter beaucoup d'éléments de preuve documentaire liés à ces faits supplémentaires devant la Commission, sur consentement.

10 Dans la plainte, l'AFPC a allégué que le défendeur avait enfreint les articles 186 et 106 de la LRTFP parce qu'il s'était immiscé dans l'administration d'une organisation syndicale et dans la représentation des employés appartenant à une organisation syndicale, en communiquant des renseignements faux et trompeurs aux employés concernant sa Stratégie de mieux-être au travail et de productivité (« Stratégie de mieux-être »). L'AFPC a également allégué que les communications de l'employeur ainsi que sa mise en œuvre de la Stratégie de mieux-être constituaient un manquement à son devoir de négocier de bonne foi.

11 L'AFPC a allégué que l'événement qui avait déclenché la plainte était une série de courriels de masse envoyée par le défendeur à ses employés, dans lesquels il présentait sa Stratégie de mieux-être. La plaignante a soutenu que ces communications nuisaient à sa capacité de représenter ses membres dans le cadre des négociations et constituaient un manquement au devoir de négocier de bonne foi, parce qu'elles laissaient croire aux employés que le contenu de la Stratégie de mieux-être, y compris l'adoption des prestations d'invalidité de courte durée, n'était pas l'objet pertinent des négociations, mais pouvait être mis en œuvre unilatéralement par l'employeur, et que les modalités et les conditions d'emploi prévues dans la Stratégie de mieux-être étaient un fait accompli plutôt qu'une série de propositions de négociation.

12 Selon la plaignante, le défendeur n'avait aucun motif d'assumer que le contenu de la Stratégie de mieux-être ne constituait pas l'objet approprié des négociations, puisque les congés de maladie et les prestations d'assurance-maladie n'étaient pas exclus de la négociation collective sous le régime de la LRTFP. Par conséquent, le défendeur avait l'obligation de négocier l'introduction de ces propositions, et le fait d'avoir laissé croire le contraire aux employés, dès le début des négociations, était trompeur et de mauvaise foi.

13 Le 21 octobre 2014, le défendeur a écrit à la plaignante pour lui demander si elle avait l'intention de présenter, à l'audience de la plainte, des communications datant d'après la date de dépôt de la plainte, soit le 7 juillet 2014. Le 5 novembre 2014, la plaignante a répondu par lettre en indiquant que des allégations supplémentaires étroitement liées à celles énoncées dans la plainte avaient été soulevées et qu'elles devraient être présentées à l'audience, comme elles l'ont été au paragraphe 8.

14 Le 28 novembre 2014, le défendeur a répondu et a déclaré en partie ce qui suit :

[Traduction]

En ce qui a trait au devoir de négocier de bonne foi, la plainte a été déposée deux semaines avant que les parties s'assoient à la table de négociation pour la première fois. La plainte est prématurée et, à première vue, porte exclusivement sur deux communications de l'employeur. Je comprends que le devoir de négocier est continu dans la jurisprudence et que les commissions des relations du travail doivent examiner l'ensemble des événements survenus avant la date de l'audience […] La présente plainte a pour objet des communications de l'employeur qui sont survenues bien avant que les parties ne s'assoient pour la première fois afin de négocier. Par conséquent, l'employeur conviendra que la Commission peut recevoir des éléments de preuve concernant le devoir de négocier jusqu'à la tenue de l'audience. Toutefois, il demeure d'avis que cela ne modifie en rien l'objet de la requête qui y est établi.

15 La plaignante a répondu le 22 décembre 2014. Elle a mentionné qu'elle n'avait pas reçu de réponse claire à la question de savoir si l'employeur s'opposerait à la présentation des allégations supplémentaires à l'audience. La plaignante a donc demandé que le défendeur lui fasse part de son intention de s'y opposer ou non. Ce dernier a répondu par écrit, le 12 janvier 2015, en citant sa lettre du 28 novembre. Il a réaffirmé sa position selon laquelle la plainte alléguant la mauvaise foi des négociations était prématurée, et qu'il ne devait pas être loisible à la plaignante de modifier fondamentalement la nature de la plainte à ce stade.

16 Avant l'audience, les parties ont convenu de verser en preuve, sur consentement, une quantité importante de documents, notamment deux volumes présentés par le défendeur, contenant les propositions de négociation des parties qui ont été échangées aux cinq tables de négociation, ainsi que les propositions déposées par le défendeur concernant les congés de maladie et l'invalidité de courte durée, accompagnées des notes des équipes de négociation.

17 Les prédécesseurs de la présente Commission ont reconnu le pouvoir de modifier des plaintes dans diverses circonstances. Les commissions ont accueilli des demandes de modification de plaintes de pratique déloyale de travail afin de soulever de nouveaux motifs, d'ajouter de nouveaux défendeurs et d'ajouter des motifs de réparation supplémentaires. D'une façon générale, les demandes de modification qui pouvaient altérer la nature essentielle de la plainte étaient refusées par les commissions. (Voir : Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor, 2013 CRTFP 111, onglet MR 8; Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale et section locale 147 de l'Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel Canada, Conseil du Trésor et Don Graham, 2005 CRTFP 50, onglet MR 9; Marken et Carson, [1992] CRTFPC no 172. Voir, par exemple, Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100, au paragr. 71).

18 Dans Association professionnelle des agents du service extérieur, la CRTFP a autorisé une modification visant à ajouter un tout nouveau motif de plainte, parce que ce motif  n'avait été porté à l'attention du Syndicat que le premier jour de l'audience et que la modification ne risquait pas de porter préjudice à l'employeur. La plaignante a souligné que, dans cette affaire, la CRTFP avait accepté la modification en partie parce qu'une nouvelle plainte aurait encore pu être portée concernant la nouvelle allégation. La plaignante a soutenu qu'une approche aussi restrictive n'était pas nécessaire dans les cas où la modification demandée n'ajoute pas de nouvelle question distincte (voir Association professionnelle des agents du service extérieur, supra, aux paragr. 55 et 56).

19 Le Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI ») et son prédécesseur ont envisagé un pouvoir analogue afin de modifier des plaintes dans de nombreuses affaires. Selon cette jurisprudence, une modification doit être accordée lorsqu'elle renforce ou étaye la plainte existante, mais doit être refusée si elle altère la nature fondamentale de la plainte ou entraîne un manquement aux règles de justice naturelle.

20 Dans Union internationale des employés de commerce c. Banque Nationale du Canada, [1980] 1 Can LRBR 470, à la page 6, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Assurément, le Conseil n'autoriserait pas de modification ayant pour effet de modifier complètement la nature de l'affaire. En effet, l'acceptation d'une telle pratique pourrait permettre à une personne de porter une plainte et d'y greffer d'autres plaintes qui seraient autrement irrecevables. Si, par exemple, dans l'affaire qui nous occupe, la modification avait visé une infraction au Code qui était irrecevable parce que la plainte avait été déposée hors délai, il est clair que le Conseil ne l'aurait pas accueillie. Il est également important de noter que le Conseil n'accepterait pas non plus une modification qui aurait pour effet de prendre la partie adverse par surprise, à la veille d'une audience, par exemple.

21 Dans le même ordre d'idées, dans Association du personnel navigant des lignes aériennes canadiennes c. Nationair (Nolisair International Inc.) (1986), 67 di 217, aux pages 3 et 4, le CCRT a conclu comme suit :

[Traduction]

Il est évident que le pouvoir doit être exercé sans, toutefois, enfreindre les règles de la justice naturelle. Si, en autorisant l'une des parties à modifier sa demande, le Conseil tolérait par la même occasion une situation dans laquelle l'autre partie serait prise par surprise et ne disposerait, par conséquent, ni du temps ni des renseignements nécessaires pour préparer son dossier, ce comportement pourrait certainement être qualifié d'excès de compétence […]

[…]

Cependant, la modification approuvée par le Conseil n'aurait pas pu avoir pour effet de prendre le défendeur par surprise. Elle n'altérait pas la nature de la plainte, selon laquelle il était essentiellement allégué que le défendeur avait puni les plaignants pour avoir exercé un droit reconnu par le Code […]

22 La Commission des relations de travail de l'Ontario (la « CRTO ») a adopté une approche similaire, en soulignant qu'il faut tenir compte du contexte dans son ensemble, et que les intérêts contradictoires des deux parties doivent être soupesés.

23 La CRTO a déclaré ce qui suit dans Federated Contractors Inc. v. Association internationale des travailleurs de métal en feuilles, Local 269, [2003] O.L.R.D. No. 1562, aux paragr. 15 et 16 :

[Traduction]

L'exercice du pouvoir discrétionnaire consistant à autoriser la modification des plaidoiries repose sur la question de savoir si la Commission estime qu'il est « approprié de le faire ». À mon avis, les règles de la Commission ne devraient pas être utilisées comme une arme pour empêcher une partie de faire entendre ses arguments, lorsque les autres parties concernées ne risquent pas de subir un préjudice dans le cas où la Commission suspendrait l'application rigoureuse des règles et où la partie sollicitant un recours pourrait persuader la Commission de l'existence de motifs justifiant l'autorisation de la modification. Autrement dit, il est approprié pour la Commission d'autoriser la modification d'un document si la partie qui en fait la demande parvient à démontrer qu'il existe des motifs justifiant cette modification et que la Commission est convaincue que ces motifs l'emportent sur le préjudice que la modification entraîne pour les autres parties, le cas échéant.

Dans HYDRO ONTARIO, [1992] OLRB Rep. Jan. 47, la Commission a ainsi commenté l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'autoriser la modification des plaidoiries, à la page 58 :

En vertu de l'article 83 de ses règles de procédure, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de permettre à une partie de modifier une plainte, sans égard au fait que la demande soit présentée avant l'audience ou au moment de celle-ci. Entre autres facteurs que nous estimons pertinents pour décider s'il faut accorder l'autorisation, mentionnons : l'étape de la procédure à laquelle la demande de modification est présentée, le préjudice pour une autre partie (plus particulièrement, la question de savoir si l'autre partie a la possibilité de présenter des arguments en réponse à la plainte modifiée), la question de savoir si la modification demandée pourrait être abordée adéquatement dans le cadre d'une procédure distincte, la mesure dans laquelle la modification soulève des questions et des détails nouveaux, les motifs justifiant le fait de ne pas plaider la plainte modifiée dans sa version initiale, et notre sentiment qu'il est logique de traiter certaines questions conjointement.

[Nous soulignons.]

24 En appliquant les principes énoncés ci-dessus, la CRTO a accueilli une demande de modification et a conclu ce qui suit au paragr. 19 :

[Traduction]

[…] La nature de l'affaire est bien connue des parties intimées, et en l'absence de véritable préjudice à leur égard, auquel s'ajoute le fait que la demanderesse a établi que ses modifications consistent principalement en une compilation et une explication des détails qu'elle avait fournis plus tôt aux parties intimées, il est utile d'autoriser la modification.

25 Dans Fraternité internationale des ouvriers en électricité, Local 804 c. Culliton Brothers Ltd., [1996] O.L.R.D. No. 2407, au paragr. 4, la CRTO a accueilli la demande de modification du Syndicat afin d'ajouter des détails supplémentaires qui avaient été fournis aux parties intimées cinq jours avant l'audience. La CRTO a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

En vertu de ses règles de procédure, la Commission a le pouvoir discrétionnaire d'autoriser une partie à présenter une preuve concernant une question non détaillée dans sa plaidoirie initiale (voir les règles 20, 22 et 25). De l'avis de la majorité de la formation, il convenait de le faire en l'espèce. La Commission, la partie intimée et le groupe d'employés ayant soulevé l'objection disposaient d'une copie des précisions supplémentaires du Syndicat cinq jours avant l'audience. La partie intimée et le groupe d'employés ayant soulevé l'objection ont affirmé qu'aucun préjudice ne découlait du dépôt tardif des précisions supplémentaires et ont plus particulièrement indiqué qu'ils étaient prêts à poursuivre. […]

26 La plaignante a soutenu que la présente Commission devrait tenir compte de l'approche exposée dans les affaires susmentionnées, et examiner si les motifs de la modification l'emportent sur le préjudice pour le défendeur. Les deux facteurs clés à prendre en considération sont les suivants :

  1. la question de savoir si la modification altère fondamentalement la nature de la plainte;
  2. la question de savoir si la modification prendrait le défendeur par surprise, ce qui entraînerait un manquement aux règles de justice naturelle.

Ni l'une ni l'autre préoccupation ne sont soulevées dans l'affaire en l'espèce, et il y a des motifs impérieux d'accueillir la demande de modification.

27 La plaignante est d'accord avec le défendeur et la jurisprudence applicable qu'il n'est pas permissible d'altérer fondamentalement la nature de la plainte en apportant une modification à ce stade-ci. Par exemple, la plaignante ne pourrait se fonder sur des éléments de preuve concernant ce qui s'est passé à la table de négociation pour transformer la présente affaire en une plainte invoquant des négociations de façade ou une impasse dans les négociations, puisque cela altérerait clairement les motifs établis dans la plainte initiale. Cependant, ce n'est pas ce que la plaignante demande.

28 Le cœur de la plainte demeure le même, à savoir que le défendeur s'est immiscé dans la représentation des employés par la plaignante et a contrevenu à son devoir de négocier de bonne foi, en faisant valoir qu'il n'était pas tenu de négocier toutes les conditions de la Stratégie de mieux-être, mais qu'il pouvait plutôt les mettre en œuvre unilatéralement (et le ferait). Les faits supplémentaires que la plaignante souhaite présenter à l'audience sont manifestement pertinents pour trancher les motifs initiaux de la plainte.

29 Par conséquent, la demande de la plaignante de modifier la plainte est tout à fait conforme à la compréhension de la portée des éléments de preuve exprimée par la CRTFP dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 102, au paragr. 79, qui est citée dans la lettre de l'employeur en date du 28 novembre 2014.

30 Conformément à la décision rendue dans l'affaire précitée, la plaignante a soutenu que les éléments de preuve concernant les événements qui ont eu lieu à la suite des communications sont pertinents pour évaluer si ces communications constituaient des négociations de mauvaise foi et que, par conséquent, ils sont ajoutés à juste titre à la plainte en y apportant une modification. Par exemple, la plaignante a compris que le défendeur pouvait présenter les positions exposées ci-dessous dans sa preuve et dans son argumentation en l'espèce.

  1. Le défendeur n'avait pas l'intention de laisser entendre dans ses communications qu'il ne négocierait pas le contenu exhaustif de la Stratégie de mieux-être.
  2. Le défendeur n'a pas prétendu qu'il n'était pas tenu de négocier le contenu de la Stratégie de mieux-être ou qu'il pouvait la mettre en œuvre unilatéralement.
  3. Le défendeur n'a pas affirmé que les conditions de la Stratégie de mieux-être étaient un fait accompli.

31 Il ne fait aucun doute qu'en mettant à l'épreuve la crédibilité des assertions énoncées ci-dessus, la Commission peut et devrait tenir compte des éléments de preuve relativement à ce qui a été dit sur cette question précise aux tables de négociation. Par conséquent, les faits supplémentaires que la plaignante souhaite présenter sont manifestement pertinents pour évaluer la vraisemblance de la défense du défendeur à la présente plainte. Cela est bien illustré par un exemple puisé à même les éléments de preuve documentaire relatifs aux négociations datant d'après le dépôt de la plainte (élément de preuve soumis par le défendeur) :

[Traduction]

[…] le défendeur a produit les propositions de négociation qu'il avait présentées aux cinq unités de négociation en juillet 2014, quelques jours après le dépôt de la plainte. Sous la rubrique « Congés de maladie », ces cinq propositions contiennent la déclaration suivante :

Par suite de l'annonce du gouvernement de mettre en œuvre un régime d'assurance-invalidité de courte durée, l'employeur souhaite discuter des modifications corrélatives apportées aux dispositions concernant les congés de maladie, d'une approche transitoire des crédits de congés de maladie, ainsi que de toute autre modification nécessaire aux autres dispositions de la convention collective.

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

32 La plaignante a souligné que cet élément de preuve avait déjà été présenté et que la Commission l'avait accepté sur consentement des parties. Cet élément de preuve a une forte valeur probante pour la solution du litige en l'espèce, puisqu'il dément toute allégation que le défendeur pourrait faire visant à souligner qu'il n'a pas adopté la position selon laquelle il n'était pas tenu de négocier le régime d'invalidité de courte durée ou n'envisageait pas de procéder à la mise en œuvre du régime sans égard au déroulement des négociations. Cependant, si la modification demandée n'est pas accordée, cet élément de preuve sera exclu de l'audience. La plaignante a soutenu que pareille conséquence nuirait gravement à la capacité de la Commission de statuer sur la présente plainte.

33 La plaignante a demandé une ordonnance l'autorisant à modifier la plainte datée du 7 juillet 2014, afin d'ajouter les précisions énoncées au paragraphe 8, supra, à la suite du paragraphe 10 de la plainte.

Argumentation de l'employeur

34 Afin de mieux apprécier les questions soulevées en l'espèce, il est utile de comprendre les délais en cause :

  • Du 24 février au 16 avril 2014 – L'employeur présente un avis de négocier aux cinq groupes en cause.
  • Le 27 mai 2014 – Les parties conviennent de se rencontrer aux cinq tables afin d'échanger les premières propositions et de commencer à négocier les 8, 9 et 10 juillet 2014.
  • Le 7 juillet 2014 – La veille du jour où les parties devaient se rencontrer et commencer à négocier, l'agent négociateur a déposé sa plainte.
  • Le 15 septembre 2014 – La plaignante a demandé une audience accélérée, et une conférence téléphonique préparatoire à l'audience a été tenue avec la Commission. Il a été convenu que cette affaire serait instruite en janvier 2015.
  • Le 21 octobre 2014 – L'employeur a écrit à la plaignante afin de discuter du champ d'application de la plainte.
  • Le 5 novembre 2014 – L'agent négociateur a répondu et, pour la première fois, a proposé que la plainte soit élargie de façon à tenir compte des déclarations faites à la table de négociation, c'est-à-dire après le dépôt de la plainte.
  • Le 28 novembre 2014 – L'employeur a répondu en affirmant en partie qu'il accepterait que la Commission puisse recevoir des éléments de preuve ayant trait au devoir de négocier jusqu'au moment de l'audience.
  • Le 19 décembre 2014 – L'avocat de l'employeur a écrit à celui de la plaignante pour l'informer qu'il n'était pas disponible pendant la période des Fêtes, et qu'il retournerait travailler le 5 janvier 2014 (et qu'il avait une audience dès son retour, cette semaine-là).
  • Le 22 décembre 2014 – La plaignante a répondu en indiquant, encore une fois, qu'elle avait l'intention d'élargir la plainte afin d'ajouter des questions qui avaient été soulevées à la table de négociation.
  • Le 12 janvier 2015 – L'employeur a répondu en réaffirmant la position qu'il avait exprimée dans sa lettre du 28 novembre.

35 L'employeur a aussi souligné que la LRTFP, plus particulièrement l'article 190, ne prévoit pas les plaintes anticipées, et qu'il n'est pas dans l'intérêt du bon déroulement des relations de travail qu'une partie dépose une plainte en prévision d'un manquement. L'employeur a précisé que la plainte actuelle portait sur une question précise liée aux communications, et qu'une plainte fondée sur des positions adoptées à la table de négociation serait prématurée, puisque les parties sont  en négociations collectives. L'employeur a aussi déclaré que les parties avaient récemment convenu d'ajouter des séances de négociation supplémentaires, plus particulièrement au cours de la période de mars à juin 2015.

36 Il n'y a pas eu d'autre communication entre les parties concernant le champ d'application de la plainte avant la présentation des exposés introductifs, le 27 janvier 2015. La question a été débattue devant la Commission, l'employeur ayant maintenu la position initiale qu'il avait adoptée dans sa lettre du 28 novembre 2014. En dernier ressort, la Commission a tranché en disant qu'il était préoccupant que des éléments de preuve produits ultérieurement pour corroborer les allégations présentées dans la plainte déposée (article 106) n'en fassent éventuellement pas partie, et qu'il revenait à la plaignante de décider si elle souhaitait proposer une modification de la plainte ou présenter une nouvelle plainte.

37 La LRTFP prévoit qu'une plainte peut être présentée dans les 90 jours suivant les actes ou les circonstances y ayant donné lieu. Selon l'article 57 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/200-79) (le « Règlement »), une plainte doit être présentée au moyen de la formule 16. Ni la LRTFP ni le Règlement ne prévoient expressément la modification des plaintes. Par conséquent, cette question relève du pouvoir général de la Commission prévu à l'article 12 de la LRTFP.

38 Dès le départ, la Commission doit déterminer si les nouvelles allégations, qui ont trait à des événements survenus à la table de négociation, ajoutent de nouveaux éléments à la plainte initiale ou la modifient simplement.

39 La plainte initiale est distincte et porte sur des communications précises. En outre, elle a été déposée avant que les parties n'aient commencé à négocier. À tous égards, les nouvelles allégations sont distinctes de la plainte initiale, laquelle s'articulait autour des communications qui avaient eu lieu des mois avant le début de la négociation collective.

40 Dans Rioux & Cloutier c. Leclair, 2003 CRTFP 75, la Commission a établi le critère d'une pareille demande, notamment la question de savoir si la [traduction] « modification ajouterait de nouveaux éléments à la contestation ». La Commission a notamment souligné ce qui suit au paragraphe 13 :

[…] les incidents précisés aux demandes d'ajout sont tous postérieurs aux dates de dépôt des plaintes en instance et ajouteraient de nouveaux éléments à la contestation liée sur les 2 plaintes dont je suis saisi et qui sont en cours d'audition. Dans ces circonstances, je suis d'avis que la Commission excéderait sa juridiction si je faisais droit à la demande des plaignants de simplement verser aux dossiers de plaintes dont je suis saisi, des allégations relatives à des faits postérieurs à leur dépôt. Ces allégations doivent faire l'objet de nouvelles plaintes.

[Nous soulignons]

41 Le critère ne consiste pas à savoir si l'employeur a reçu un avis ou si la modification entraînerait un préjudice. La LRTFP prévoit le dépôt d'une plainte dans les 90 jours suivant les actes ou les circonstances y ayant donné lieu. Les parties devraient être dissuadées de déposer des plaintes anticipées dans l'espoir que des événements ultérieurs soient pris en compte, en guise de [traduction] « contexte » ou comme argument [traduction] « éclairant ». Le caractère prématuré de la plainte se trouve amplifié du fait que la plaignante a initialement invoqué une violation de l'article 107, alors qu'en réalité, cette allégation n'était pas fondée.

42 Dans Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100, la Commission a poursuivi dans la lignée de Rioux, en précisant que dans les cas où la modification demandée a pour effet d'altérer la nature de la plainte, il ne s'agit pas vraiment d'une modification, mais d'une nouvelle plainte. La Commission a fait valoir ce qui suit au paragraphe 72 :

Suivant le précédent établi dans Riouxet Cloutier, la conclusion à laquelle j'en arrive fait en sorte que la modification demandée devrait être traitée comme une nouvelle plainte, et non comme une modification. Comme ce fut le cas dans Rioux et Cloutier, l'ordonnance accompagnant les présents motifs enjoindra aux Services du greffe de la Commission de traiter la « modification » présentée le 19 mai 2009 comme une nouvelle plainte aux termes de l'alinéa 190(1)g) de la Loi. Les Services du greffe devront ouvrir un nouveau dossier de plainte au nom du plaignant, qui contiendra la « modification », soit l'allégation d'une violation de l'article 187, ainsi que les arguments reçus à ce jour concernant cette allégation.

43 Initialement, la présente plainte portait exclusivement sur les communications de l'employeur au printemps 2014. Au paragraphe 1, la plainte est rédigée en partie comme suit : [traduction] « De plus, les communications de l'employeur et sa mise en œuvre de la Stratégie constituent un manquement au devoir de négocier de bonne foi en vertu de l'article 106 de la LRTFP […] ». La plainte ne porte pas sur les discussions tenues à la table de négociation, puisque celles-ci n'avaient pas encore eu lieu. Comme les différends concernant ce qui s'est passé pendant les négociations ajoutent un nouvel élément à la plainte, ils altèrent sa nature d'une façon qui n'est pas traditionnellement reconnue comme une [traduction] « modification », mais plutôt comme une nouvelle plainte.

44 La suggestion que la plaignante a faite dans le cadre de son témoignage, selon laquelle le critère autorisant une modification repose exclusivement sur la question du préjudice, est en décalage avec l'approche adoptée par la présente Commission. La question est celle de savoir si la [traduction] « modification » ajouterait de nouveaux éléments au litige. En pareil cas, il ne s'agit pas d'une modification, mais d'une nouvelle plainte. Les éléments de preuve quant à ce qui s'est passé à la table de négociation après le dépôt de la plainte nous éloignent passablement de la plainte initiale.

45 Par conséquent, cette question ne fait pas l'objet de la plainte en cours, et la plainte actuelle devrait être instruite.

46 La requête de l'agent négociateur prend appui sur sa perception de la position de l'employeur à la table de négociation. Bien qu'elle ne joue pas un rôle essentiel dans la décision concernant la présente demande, cette position est déphasée par rapport à la réalité des négociations. L'employeur a présenté expressément une proposition portant sur les éléments de base du régime proposé. Il propose que le régime ne fasse pas partie de la convention collective, ce qui coïncide avec la position que les parties ont adoptée à l'égard de nombreuses initiatives dans l'ensemble de la fonction publique, comme le régime invalidité de longue durée (ILD), la directive sur les voyages, le régime de soins dentaires, etc. L'essentiel est que l'employeur présente des propositions qui visent les éléments de base du régime.

47 Cela est compatible avec les déclarations suivantes, que le ministre des Finances a faites dans le budget du 11 février 2014, à la page 252 :

Dans le cadre de la ronde de négociations de 2014, le gouvernement du Canada a pour priorité stratégique particulière de mettre en œuvre un système moderne et complet de gestion des congés d'invalidité et de maladie qui pourra répondre aux besoins de tous les employés.

48 Il est également important de signaler que les parties ont convenu des dates de négociation suivantes :

  • les 24, 25 et 26 mars 2015;
  • les 12, 13 et 14 mai 2015;
  • les 16, 17 et 18 juin 2015.

49 Même s'il ne s'agit pas d'un élément du critère justifiant une modification, l'employeur est d'avis que si les deux parties doivent appeler leurs négociateurs à témoigner afin que la Commission puisse [traduction] « faire le point », cela porte atteinte au processus de négociation collective. Les parties a) négocient de façon continue, b) discutent manifestement des éléments de base du régime d'ICD et c) ont confirmé des dates d'audiences supplémentaires dans un avenir proche.

50 Le fait de contraindre les négociateurs à témoigner à propos des négociations en cours nuirait aux négociations. Comme il a été souligné dans Radio Shack, [1979] O.L.R.B. Rep. December 1220, au paragr. 69 :

[Traduction]

[…] Si la présente Commission se livre à un examen trop approfondi, cela ne fera que l'immiscer en tant que tiers dans l'arène des négociations, où elle pourra être utilisée de façon tactique par les négociateurs, ce qui détournera leur attention de la principale tâche à accomplir […]

51 L'agent négociateur n'a pas laissé entendre que les allégations supplémentaires appuieraient un argument invoquant des négociations de façade ou une impasse dans les négociations à titre de motif distinct et précis de la plainte (paragraphe 20 des arguments écrits de la plaignante).

52 L'agent négociateur a simplement laissé entendre que ces allégations éclairciraient le contexte et le sens des communications qui demeurent au cœur du présent litige.

53 La nature fragile d'une pareille proposition est évidente si nous tenons compte des éléments suivants : les communications en cause (avril-mai 2014) ont été diffusées par la division des régimes de retraite et des avantages sociaux du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et divers sous-ministres bien avant que la négociation collective ait été engagée dans cette voie. Les communications ont été émises avant que l'AFPC ait déclaré pour la première fois qu'elle souhaitait négocier collectivement les questions liées au régime d'ICD, malgré le fait qu'elle était parfaitement au courant du fait que le programme était élaboré en dehors de la négociation collective. Malgré cela, l'AFPC n'a pas fait savoir qu'elle souhaitait déroger à la pratique vieille de 40 ans selon laquelle les régimes d'invalidité ne faisaient pas partie de la convention collective avant le 9 juin 2014. Ce n'est qu'à la suite de la lettre de l'AFPC en date du 9 juin 2014 que la division de la négociation collective du SCT s'est penchée sur la question du régime d'ICD. L'agent négociateur laisse maintenant entendre que les événements qui se sont produits au moment de la négociation collective, à l'automne, ont éclairci le contexte et le sens des communications diffusées en avril et en mai (paragraphe 26 des arguments écrits de la plaignante).

54 Le contexte des communications diffusées au printemps est, dans son ensemble, lié aux événements qui sont survenus à ce moment-là. La production d'éléments de preuve sur les discussions tenues à la table de négociation ne fournirait pas le contexte de ce qui s'est passé avant le début de la négociation collective. En réalité, c'est le contraire qui est vrai. De pareils éléments de preuve isoleraient l'analyse de son contexte et auraient pour effet de déformer le tableau d'ensemble des événements qui se sont produits au moment de la diffusion des communications. Il va également à l'encontre des probabilités que les communications diffusées à l'automne par les négociateurs de la direction de la négociation collective du SCT puissent jeter la lumière sur le sens des communications émises au printemps par la division des régimes de retraite et des avantages sociaux du SCT et divers sous-ministres.

55 À l'évaluation de la justification de ces éléments de preuve par rapport au préjudice qui découlerait de la perturbation du processus de négociation si les négociateurs étaient contraints de témoigner devant la Commission, il semble évident qu'il serait plus favorable de limiter la plaignante aux motifs véritables de sa plainte, c'est-à-dire les conséquences présumées des communications émises au printemps. Dans le même ordre d'idées, aucun véritable préjudice ne pourrait être causé à l'agent négociateur, puisqu'il ne s'appuie pas sur ces nouvelles allégations pour étayer un argument invoquant des négociations de façade ou une impasse dans les négociations, mais seulement pour jeter la lumière sur le contexte et le sens des communications diffusées au printemps. Le refus de la demande ne risque pas d'entraîner un préjudice, parce que ces allégations, à leur face même, n'appuieraient pas une conclusion sur le contexte ou le sens. En réalité, elles apporteraient vraisemblablement des éléments de preuve inutiles, qui nous distrairaient des éléments de preuve pertinents.

56 La plaignante reconnaît que le critère justifiant la modification d'une plainte est la question de savoir si cette modification altérerait la nature fondamentale de la plainte. L'argument selon lequel la modification [traduction] « apporterait des éclaircissements » est de nature itérative, et la demande constitue une tentative claire d'altérer la nature fondamentale de la plainte. Par conséquent, la demande devrait être rejetée. L'employeur demande que la présente requête soit rejetée et que la plainte initiale soit instruite indépendamment, sur le fond.

Réplique de la plaignante

57 Le 28 novembre 2014, et de nouveau le 12 janvier 2015, deux semaines avant l'audience, le défendeur a accepté que les éléments de preuve produits jusqu'au moment de l'audience soient admis s'ils n'altéraient pas l'objet de l'enquête qui est établi dans la plainte. L'agent négociateur a accepté.En produisant cinq volumes de pièces, dont des propositions de négociation, le défendeur a renoncé à tout droit de s'opposer à la modification proposée.

58 La procédure d'audience serait compromise si la Commission rejetait cette demande de modification. Le défendeur a remis en question la valeur probante de cet élément de preuve pour l'évaluation de la plainte. La Commission doit entendre les témoignages pour décider du poids à accorder aux éléments de preuve et évaluer leur valeur probante.

Motifs

59 La plaignante a soutenu que la Commission avait le pouvoir d'autoriser la modification d'une plainte en application de ses pouvoirs généraux aux termes de ce qui est maintenant l'article 12 de la LRTFP (anciennement l'article 36), qui prévoit ce qui suit :

La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les attributions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui en exigent l'observation, celle des règlements pris sous son régime ou des décisions qu'elle rend sur les questions dont elle est saisie.

60 La Commission et son prédécesseur, la CRTFP, l'ancienne CRTFP, le CCRI et son prédécesseur, le CCRT, ainsi que la CRTO, ont exercé le pouvoir d'autoriser des modifications aux plaintes, en se fondant sur l'application des principes non exhaustifs et relativement cohérents énoncés ci-dessous.

  1. La modification ajoutera-t-elle de nouveaux éléments au litige de façon à altérer fondamentalement la nature essentielle de la plainte?
  2. La modification entraînera-t-elle un manquement aux règles de justice naturelle, dans le cas où l'autre partie serait prise par surprise et ne disposerait, par conséquent, ni du temps ni des renseignements nécessaires pour préparer son dossier, et subirait un véritable préjudice?
  3. La modification demandée devra-t-elle faire l'objet d'une procédure distincte.

61 Malgré les préoccupations qu'elle a exprimées dans la décision qu'elle a rendue le 27 janvier 2015, concernant le champ d'application pertinent de la plainte, la Commission est convaincue qu'il s'agit d'une affaire dans laquelle il convient d'autoriser la modification de la plainte, tel qu'il a été demandé. La Commission est convaincue que la plaignante a établi une cause défendable, à savoir que la modification proposée n'altère pas la nature de la plainte et est pertinente aux motifs invoqués dans la plainte initiale, parce que la présentation de ces plus amples précisions a pour but de jeter la lumière sur le contexte et le sens des communications qui demeurent au cœur du litige. La Commission souligne également que le défendeur, ayant été avisé plus de deux mois avant l'audience, n'a subi aucun préjudice quant à sa capacité de répliquer. En outre, sur consentement, les parties avaient déjà convenu avant l'audience de produire d'abondants éléments de preuve documentaire devant la Commission, notamment des propositions de négociation concernant les congés de maladie et l'invalidité de courte durée, ainsi que les notes des séances de négociation.

62 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

63 Par les présentes, la Commission autorise la modification de la plainte afin d'ajouter les paragraphes suivants à la suite du paragraphe 10 des modalités de la plainte :

  • Le représentant de l'employeur a affirmé, aux tables de négociation des cinq groupes représentés par l'AFPC, que le régime d'ICD ne [traduction] « fera pas partie » de la convention collective. En raison du fait que le régime d'ICD ne [traduction] « fera pas partie » de la convention collective, il n'est pas nécessaire de négocier ses conditions.
  • L'employeur souhaite que toutes les unités de négociation aient le même régime d'ICD; en conséquence, il ne négociera pas les différentes conditions du régime avec les différentes unités. Les représentants de l'employeur ont affirmé clairement qu'ils ne négocieraient pas le modèle. Ils ont fait savoir que la date de mise en œuvre du régime d'ICD est le 1er septembre 2016, et ont fait d'autres déclarations voulant qu'il s'agisse d'un fait accompli, et non d'une proposition.

Le 20 mai 2015.

Traduction de la CRTEFP.

Catherine Ebbs, Margaret Shannon et David Olsen,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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