Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief contre une suspension de un jour et une suspension de deux jours qui lui ont été imposées parce qu'elle avait harcelé une collègue – la suspension de deux jours a été réduite à un jour au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs – l'arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée savait ou aurait dû savoir que son comportement était une atteinte déraisonnable à sa collègue – l'arbitre de grief a de plus conclu que les deux suspensions de un jour étaient justifiées en l'espèce. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150428
  • Dossier: 566-02-5684
  • Référence: 2015 CRTEFP 37

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TERESA SZMUKIER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel Canada)

défendeur

Répertorié
Szmukier c. Administrateur général (Service correctionnel Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Grace Chychul, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Lesa Brown, avocate
Affaire entendue à Saskatoon (Saskatchewan),
du 3 au 5 avril 2013;
arguments écrits déposés le 29 avril, le 13 mai et le 17 mai 2013.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 La présente affaire concerne un grief visant deux suspensions imposées par le Service correctionnel Canada (le « SCC ») à Teresa Szmukier, la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire »). Cette dernière est psychologue au SCC et elle est classifiée PS-03. Elle travaille au Pénitencier de la Saskatchewan, à Prince Albert, en Saskatchewan.

2 Le 31 août 2010, la fonctionnaire a déposé un grief pour contester la décision du SCC du 25 août 2010 de la suspendre sans traitement pour une journée puis pour deux journées supplémentaires à la suite de l'enquête sur la plainte pour harcèlement déposée contre elle. La lettre de suspension (pièce 17) est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

Objet  Sanction disciplinaire – Plainte pour harcèlement

Un rapport sur l'enquête en matière de harcèlement a été rédigé en août 2009 par TLS Enterprises en ce qui concerne les allégations de harcèlement formulées par Mme Debbie Hills contre vous. En conséquence, la sous-commissaire régionale, Brenda LePage, vous a informée par note de service en date du 20 août 2009 que les allégations de harcèlement formulées par Mme Hills étaient fondées. Les allégations sont les suivantes :

Allégation 1 : Le 4 novembre 2008, Mme Hills a allégué que, lorsqu'elle a mis à jour et distribué les tableurs de consultation à l'intention des psychologues, Mme Szmukier l'a accusée d'avoir falsifié les notes dans le tableur.

Allégation 2 : Mme Hills a allégué que Mme Szmukier avait eu un comportement humiliant, exigeant et choquant à son endroit au fil du temps, particulièrement en 2008.

Vous avez déjà soumis une réfutation écrite au rapport d'enquête; vous avez assisté à une audience disciplinaire le 5 août 2010 en compagnie de votre représentant syndical, Neil Harden. L'audience avait pour but de vous permettre de présenter d'autres renseignements. À l'audience, vous avez fourni une réfutation verbale aux allégations et transmis certains documents. M. Harden a posé quelques questions.

Lorsque j'ai rendu ma décision au sujet de la sanction disciplinaire, j'ai tenu compte de votre réfutation écrite et verbale, du fait qu'il n'y a pas de mesures disciplinaires précédentes dans votre dossier ainsi que des lignes directrices du Conseil du Trésor – Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail qui prévoit ce qui suit : « Le harcèlement en milieu de travail est inacceptable et ne sera pas toléré. Toutes les personnes œuvrant dans la fonction publique, qu'elles soient ou non des employés, devraient pouvoir jouir d'un milieu de travail sans harcèlement. »

La sanction disciplinaire est la suivante : suspension sans traitement d'un (1) jour pour la première allégation et suspension sans traitement de deux (2) jours pour la deuxième allégation. La suspension aura lieu du 26 août au 30 août, inclusivement.

Conformément aux Règles de conduite professionnelle, vous devez démontrer un niveau élevé d'éthique du travail. À ce titre, une mesure disciplinaire plus sévère sera prise s'il y a une autre inconduite, pouvant aller jusqu'à la rétrogradation ou la cessation d'emploi.

Une copie de cette lettre sera déposée dans votre dossier pendant une période de deux (2) ans.

[…]

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

3 La suspension de deux jours pour l'allégation no 2 a plus tard été réduite à un jour par décision rendue dans le cadre de la procédure de règlement de griefs individuels.

4 À titre de redressement, la fonctionnaire a demandé l'annulation des suspensions, le rétablissement de son salaire et de ses avantages sociaux et le retrait de la lettre disciplinaire de son dossier ainsi que son élimination. Elle souhaitait bénéficier d'une réparation intégrale.

5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

6 Le SCC a appelé cinq témoins, et la fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

A. Debbie Hills

7 Debbie Hills était employée comme commis aux tests psychologiques depuis sept ans, soit depuis novembre 2008. Elle était classifiée CR-04. Elle relevait du chef de la psychologie, Fernando Larrea. Ses principales fonctions consistaient à évaluer les tests psychologiques des détenus, à produire et à mettre à jour des tableurs en temps opportun, à surveiller les entrepreneurs, et à répondre au téléphone et surveiller l'espace de bureau.

8 Mme Hills était également responsable de certains renvois, c'est-à-dire l'affectation des détenus qui étaient renvoyés au service d'un psychologue. Pour un renvoi non urgent, elle était autorisée à affecter un psychologue. Pour un renvoi urgent, M. Larrea procédait à l'affectation.

9 Les renseignements sur les affectations étaient placés sur un lecteur de disque dur partagé par les psychologues (le lecteur « W ») et étaient mis à jour toutes les deux semaines, selon la charge de travail.

10 Le 4 novembre 2008, un incident s'est produit (pièce 1). Mme Hills a préparé une note de service à l'intention de M. Larrea dans laquelle elle a raconté sa version de l'incident, comme suit:

[Traduction]

Le 4 novembre 2008, je travaillais à la mise à jour du tableur de consultation en psychologie. Teresa Szmukier a reçu le tableur de consultation à jour en ce qui concerne les présélections de consultation qui lui étaient attribuées. Vers 13 h 30, lorsqu'elle a lu le nom des deux personnes qui figurait sur sa liste, elle a dit qu'elle n'en avait pas été prévenue. Je lui ai dit que je lui avais envoyé des courriels à leur sujet et je lui ai montré dans le tableur l'endroit où j'avais inséré le contenu du courriel original à titre de commentaire pour montrer à quel moment la consultation lui avait été attribuée. Elle m'a alors accusée d'avoir falsifié le tableur et elle a dit « Vous auriez pu insérer cela n'importe quand; je veux voir l'original ». Je lui ai montré les courriels originaux et la confirmation de lecture qui indique la date et l'heure à laquelle elle a lu le courriel. Elle a alors dit que rien dans le dossier n'indiquait qu'ils lui avaient été remis. Je lui ai dit que les courriels que je lui avais envoyés étaient la preuve qu'ils lui avaient été attribués. Ensuite, elle m'a dit que l'un des détenus qui lui avait été attribué selon moi était maintenant attribué à Fernando. Elle m'a dit que c'était mon travail de le savoir et je lui ai répondu que je n'avais aucune façon de le savoir si personne ne m'avait dit que son cas avait été réattribué. Je lui ai dit qu'elle aurait dû me le dire et que j'aurais alors pu faire les changements. Elle a dit que ce n'était pas son rôle et que Fernando Larrea et Sandra Hayhow étaient également disponibles. Je lui ai dit que lorsqu'elle a vu que cela lui avait été attribué, elle aurait dû le dire pour que j'apporte les changements appropriés. Elle a alors commencé à hausser la voix et à m'empêcher de parler et j'ai à mon tour haussé la voix et, sur le moment, j'ai dit que je pouvais hausser la voix si je le voulais. Elle m'a alors dit qu'en ce qui la concernait, je n'étais que le « soutien technique » et non son patron, qu'elle n'avait pas à me dire quoi que ce soit et que c'était mon travail de savoir ces choses. À ce moment, j'ai quitté son bureau et je n'ai pas poussé plus loin la conversation.

Il semblait que plus je lui fournissais des renseignements pour démontrer que ces détenus lui avaient été attribués pour des présélections de consultation, puis elle était fâchée et méprisante à mon égard.

Selon moi, la façon dont elle m'a traitée était injustifiée et très humiliante. Cet incident m'a donné l'impression que j'étais harcelée par Teresa Szmukier et j'aimerais que ce comportement cesse. Marilyn Reiss, qui était dans le bureau voisin, a été témoin de l'incident et elle a entendu toute la conversation.

Signature

11 Le 5 novembre, Mme Hills a fait un suivi au moyen de souvenirs supplémentaires d'incidents qui se sont produits avec la fonctionnaire (pièce 2) :

[Traduction]

2008-11-05

Voici des exemples d'autres occasions où Teresa Szmukier m'a mise mal à l'aise ou a eu une attitude dégradante à mon endroit; malheureusement, je ne peux y associer de date ou d'heure.

Il y a environ un an, au moment du repas et devant le reste du personnel, elle m'a dit que je ne faisais que du classement; je lui ai répondu « pardon? » et elle a répété que je ne faisais que du classement. Selon moi, c'était très dégradant et cela m'a fait sentir que mon travail n'avait aucune valeur.

Lorsque je lui attribue une consultation, des évaluations d'isolement ou des évaluations, elle veut toujours savoir pourquoi elles lui sont attribuées et en vertu de quelle autorisation. C'est mon travail d'attribuer ces évaluations qui sont dues, pourtant elle me fait sentir comme si je ne devrais rien lui attribuer sans l'autorisation écrite de la chef intérimaire. Je n'ai à faire cela avec personne d'autre dans le service. J'en suis au point où je déteste traiter avec elle, puisque cela prend la forme d'une inquisition chaque fois que je tente de faire mon travail. En raison de son attitude, il est très difficile de travailler ici. J'en suis au point où je redoute d'avoir à traiter avec elle, puisque je crains sa réaction.

Elle rend le travail ici difficile parce qu'elle a exigé que je travaille la porte fermée car, selon elle, nous sommes trop bruyants dans mon bureau. Nous sommes deux à travailler dans ce bureau qui contient la photocopieuse, l'imprimante ainsi que des dossiers. Parfois, il fait tellement chaud dans notre bureau que nous pouvons à peine fonctionner et il y a une mauvaise circulation de l'air lorsque la porte est fermée. Nous gardons les fenêtres ouvertes et faisons fonctionner deux ventilateurs et tous ceux qui entrent dans notre bureau font des commentaires sur la chaleur qui règne; pourtant, je suis la première personne qu'elle vient voir si son bureau devient trop chaud ou trop froid et qu'elle veut que je fasse un appel pour corriger la situation.

J'ai eu connaissance d'autres exemples, mais je ne peux me rappeler les détails en ce moment.

Ce qui suit s'est produit hier.

2008-11-05

13 h

Teresa est venue à mon bureau et m'a demandé de lui transmettre les documents de Fernando qui m'a demandé de mettre à jour les listes de consultation. Je lui ai dit que je n'avais pas de document, puisqu'il m'avait fait une demande verbale. Elle a dit : « Vous n'avez pas de documents alors? ». J'ai répondu qu'il me l'avait demandé verbalement. Elle a dit « Bon » et elle a quitté mon bureau.

C'est mon travail de m'occuper des tableurs pour le service en ce qui concerne les consultations et les évaluations. Il n'est pas nécessaire de demander la mise à jour puisque les tableurs sont mis à jour lorsque le temps le permet. Elle laisse toujours sous-entendre que je ne fais pas mon travail ou que tout ce que je fais doit m'être précisé par écrit par la chef intérimaire de la psychologie.

Debbie Hills
Commis aux tests psychologiques
Pénitencier de la Saskatchewan
306-765-8190

12 Mme Hills a déposé une plainte pour harcèlement le 6 novembre 2008.

13 Mme Hills a écrit à Rosemary Slywka (pièce 4) au sujet de ses autres souvenirs relatifs à ses interactions avec la fonctionnaire :

[Traduction]

Destinataire : Slywka Rosemary (Prairies)

Objet : Plainte pour harcèlement

Bonjour Rosemary,

Vous trouverez ci-joint d'autres renseignements dont je peux me rappeler relativement à ce qui s'est produit entre Teresa Szmukier et moi-même au cours de la dernière année. J'espère qu'ils vous seront utiles dans l'enquête sur la plainte pour harcèlement que j'ai déposée.

Je vous remercie à l'avance.

Debbie Hills

  1. Dans presque toutes mes interactions avec Teresa, elle m'appelle la commis plutôt que par mon nom et je trouve cela dégradant et dépersonnalisant. En raison de la façon dont elle s'adresse à moi, il semblerait que, parce que je suis une commis, j'ai un statut très inférieur à celui d'un psychologue. Lorsqu'elle interagit verbalement ainsi avec moi devant des collègues et des détenus, je me sens humiliée. De plus, lorsque des détenus en sont témoins, cela pourrait me mettre à risque puisque je suis troublée et embarrassée, ce qui pourrait être facilement remarqué par les délinquants qui sont sous ma supervision et, par conséquent, pourrait avoir une incidence directe sur mon autorité à l'égard de ces délinquants.
  2. Lorsque Teresa vient dans mon bureau, elle ne demande jamais quelque chose, elle l'exige. Par exemple, lorsqu'elle vient chercher un dossier, peu importe ce que je fais, que je sois au téléphone ou à l'ordinateur, elle exige que je lui trouve immédiatement le dossier qu'elle veut. Elle se tient à côté de moi et surveille ce que je fais jusqu'à ce que je laisse tout tomber et que je l'aide. Je trouve ce comportement très intimidant.
  3. Teresa souhaite également que tout soit fait pour elle, même ce que les psychologues font eux-mêmes. Elle veut que des télécopies soient envoyées pour elle, partager l'impression de documents envoyés à la CNLC, l'appel de détenus, toutes des choses qu'elle pourrait faire elle-même. De même, elle se tient à côté de moi alors que j'exécute ces tâches, comme si elle ne me faisait pas confiance et que je ne pouvais les exécuter sans supervision. Cela me rend nerveuse et mal à l'aise dans le cadre de l'exécution de mes tâches.
  4. L'une des tâches qui m'a été déléguée par le psychologue en chef est celle d'attribuer les présélections de consultation et les évaluations au psychologue. Teresa n'a aucun respect pour ce processus et me met au défi chaque fois que je lui attribue une présélection de consultation ou une évaluation. Lorsque je vérifie les affectations aux psychologues pour voir si elles sont terminées et peuvent être retirées de mon tableur et que je vois qu'elle en a toujours qui sont en cours, elle tente de me blâmer en disant qu'elle ne savait pas que cela lui avait été attribué ou que cela a été réattribué à quelqu'un d'autre. J'en suis arrivée au point où j'ai dû créer une trace documentaire des courriels et des annotations supplémentaires dans le tableur afin de démontrer que je l'ai informée de ses affectations. Même avec ces mesures, elle tente toujours de m'intimider en disant que j'aurais pu falsifier ces documents, simplement pour éloigner le blâme d'elle-même et me le faire porter. Je dois tellement me concentrer sur la documentation relative à ses affectations que je peux à peine faire mon travail et cela nuit à ma capacité à accomplir le travail pour lequel j'ai été embauchée.
  5. Lorsque Teresa vient dans mon bureau, elle entre dans mon espace personnel et, avec son langage corporel, elle me rend nerveuse parce que je ne sais pas à quoi m'attendre.
  6. À une occasion, en mai 2007, elle m'a dit devant tout le personnel au moment du repas que tout ce que je faisais c'était du classement. Lorsque je l'ai confrontée au sujet de cette déclaration, elle l'a simplement répétée. Je trouve que c'est très insultant et embarrassant.
  7. Autant que je me souvienne, vers le 6 novembre 2008, elle m'a dit qu'elle considérait que je n'étais que le soutien technique et qu'elle n'avait pas à faire les tâches que je lui attribuais, puisque je n'étais pas son patron. Une fois encore, elle a manqué de respect à mon égard et à l'égard du système dans lequel nous travaillons.
  8. Je me rappelle également une fois où, autant que je sache, au printemps 2008, Teresa s'était rendue au secteur d'isolement et avait eu un problème avec le personnel correctionnel de ce secteur. Lorsqu'elle est revenue au service de psychologie, elle a exigé que je téléphone à l'unité d'isolement pour réserver une salle d'entrevue. Elle est restée à côté de moi jusqu'à ce que j'accède à ses exigences. Elle n'a quitté mon bureau que lorsque ces arrangements ont été faits pour elle. Je ne suis pas responsable de la réservation de salles d'entrevue pour les psychologues. Je trouve que ce type d'interaction de sa part est très intimidant et cela me distrait considérablement de mon travail puisqu'elle n'attendra pas que je termine une tâche en cours d'exécution.
  9. Le printemps dernier, lorsque les bureaux étaient très chauds parce que nous fonctionnons avec un système de chaudière et qu'il n'avait pas été éteint, Teresa est venue dans mon bureau pour exiger que je téléphone au service des travaux et que je fasse venir quelqu'un parce qu'elle avait trop chaud dans son bureau. Je lui ai dit que nous avions tous trop chaud et que c'était à cause des chaudières. Elle est restée dans mon bureau, exigeant que je téléphone et elle n'est partie que lorsque cela a été fait. Encore une fois, c'est quelque chose qu'elle aurait pu faire elle-même, mais elle croit que c'est mon travail. Toutes les autres personnes du bureau peuvent faire ces appels elles-mêmes. Ce n'est pas parce qu'elle est trop occupée pour faire ces choses elle-même puisqu'elle reste à côté de moi alors que je les fais, comme si elle voulait s'assurer que je ferais bien les choses. Je trouve son attitude intimidante au point où je suis très nerveuse près d'elle.
  10. Cet automne, Teresa a de nouveau démontré son pouvoir à mon égard lorsqu'elle a demandé au chef que je travaille la porte fermée parce que le bruit dans mon bureau la dérangeait. Nous sommes deux à y travailler, et le bureau contient tous les dossiers, deux ordinateurs, le télécopieur, l'imprimante et la photocopieuse. Les mécanismes de contrôle pour les portes de l'unité sont également dans ce bureau. Ces portes sont contrôlées automatiquement et elles sont munies d'un système d'interphone qui est bruyant. Le bureau devient extrêmement chaud et inconfortable à cause de tout l'équipement qui s'y trouve et la circulation d'air y est limitée parce que la porte est fermée. Nous travaillons avec les fenêtres ouvertes et faisons fonctionner deux ventilateurs et il y fait toujours chaud. Cela ne semblait qu'être une autre façon pour Teresa de montrer qu'en tant que psychologue elle était meilleure et plus importante que moi à titre de commis.

14 Trois lettres de Paul Urmson, sous-commissaire intérimaire, Administration régionale, Prairies, SCC, ont aussi été déposées en preuve. La première était à l'intention de Mme Hills, accusant réception de sa plainte (pièce 3). La deuxième reconnaissait l'échec de la tentative de médiation et l'intention de procéder à une enquête officielle sur la plainte de Mme Hills (pièce 5). La troisième lettre nommait officiellement TLS Enterprises pour effectuer l'enquête (pièce 8).

15 Mme Hills a décrit les effets sur son travail, sa santé et son mode de vie en déclarant qu'en même temps que les incidents en litige, elle a commencé à souffrir d'asthme et d'une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Les niveaux de stress dans sa vie ont augmenté, elle a dû changer de travail, elle a été hospitalisée trois fois et elle ne pouvait plus travailler avec la fonctionnaire. Elle a perdu le travail qu'elle aimait vraiment puisqu'elle a dû travailler ailleurs, a pris un congé lié au stress et a finalement pris sa retraite pour cause de maladie.

16 En contre-interrogatoire, Mme Hills a expliqué que certains dossiers étaient renvoyés au chef pour attribution, alors qu'elle s'occupait habituellement des autres dossiers. Les entrées étaient placées sur le lecteur « W » et étaient marquées d'un indicateur [traduction] « avis de confirmation de lecture ». Mme Hills n'a pu dire si la fonctionnaire était au courant du lecteur « W », mais les autres psychologues l'étaient et ils l'utilisaient.

17 Mme Hills a indiqué dans son témoignage que sa chaise était positionnée de sorte qu'elle avait le dos à la porte d'entrée et qu'il était possible que la fonctionnaire ne puisse l'approcher que de cette direction. Toutefois, d'autres personnes s'identifiaient lorsqu'elles entraient. Mme Hills a déclaré qu'elle avait demandé à la fonctionnaire de ne pas la faire sursauter en arrivant derrière elle.

18 La fonctionnaire a toujours appelé Mme Hills [traduction] « la commis ». Mme Hills n'a jamais été présentée et la fonctionnaire l'appelait toujours ainsi, soit [traduction] « la commis l'a fait » ou [traduction] « va demander à la commis ». La fonctionnaire n'a jamais utilisé son prénom. Mme Hills a reconnu que la fonctionnaire traitait tous les commis de la même façon et que le poste était intitulé [traduction] « commis de psychologie ». Mme Hills a demandé à M. Larrea et à Sandra Hayhow, psychologue en chef intérimaire, d'aborder ce problème avec la fonctionnaire, mais elle ne savait pas si les discussions avaient donné lieu à un résultat.

19 Lorsque le fonctionnaire disait à Mme Hills [traduction] « je veux ce dossier », cette dernière devait aller le chercher pour elle. Si Mme Hills était au téléphone, la fonctionnaire la fixait du regard jusqu'à ce que l'appel (d'affaire ou personnel) soit terminé et qu'elle obtienne le dossier.

20 La fonctionnaire croyait que les agents correctionnels ne la traitaient pas bien, alors elle a demandé à Mme Hills de réserver des salles d'entrevue pour elle et de faire des appels pour ses rendez-vous. Les autres psychologues faisaient ces choses eux-mêmes.

21 La température dans les bureaux était un problème entre la fonctionnaire et Mme Hills, tout comme le niveau de bruit. Il n'y avait qu'un seul contrôle de température et la fonctionnaire veillait à ce que la porte du bureau de Mme Hills soit fermée pour que son bureau soit tranquille. Le bureau de Mme Hills était très chaud et inconfortable alors que la fonctionnaire semblait à l'aise dans le sien. Aucun règlement n'était possible dans les circonstances parce qu'il n'y avait qu'un seul thermostat.

22 Mme Hills a reconnu que ses problèmes de santé pouvaient découler des conditions météorologiques ou du tabagisme, mais que les médecins lui avaient dit que le stress était le facteur le plus important. Toutefois, aucune preuve médicale n'a été déposée en preuve.

23 Lorsque la fonctionnaire est revenue d'un congé, Mme Hills a appris qu'elle devait travailler avec Mme Szmukier. Mme Hills ne croyait pas que cela était possible, alors elle a été mutée dans un autre lieu de travail. Elle a commencé à travailler comme commis des services de santé au groupe et au niveau CR-03 et elle a par la suite été reclassifiée au groupe et au niveau CR-04. Elle préférait toutefois son travail au service de psychologie du SCC.

24 Mme Hills a pris sa retraite le 28 mars 2013. Elle était en congé pour cause d'incapacité depuis 2009 en raison de la MPOC.

25 En ce qui concerne les renvois, la plupart étaient faits par courriel, soit au chef ou à un psychologue; une copie papier suivait.

26 Dans un cas, l'évaluation d'un détenu avait mal été calculée. La fonctionnaire a porté ce problème à l'attention de Mme Hills et il a été corrigé.

27 À la question de savoir si la fonctionnaire est une personne brusque, Mme Hills a répondu [traduction] « Oui ».

28 En réinterrogatoire, Mme Hills a déclaré que la fonctionnaire :

  • n'avait jamais dit qu'elle n'avait pas accès au lecteur « W »;
  • n'avait jamais demandé, en sept ans, quelles étaient les fonctions de la commis;
  • continuait d'aborder Mme Hills par derrière sans indiquer qu'elle était présente;
  • n'avait jamais appelé au sujet du chauffage; elle disait plutôt à Mme Hills [traduction] « Vous savez qui appeler ».

B. Lorna Leader

29 Le deuxième témoin était Lorna Leader, une associée de TLS Enterprises à Winnipeg, au Manitoba. En mars 2009, le SCC a retenu ses services pour effectuer une enquête sur la plainte d'une employée pour harcèlement allégué au Pénitencier de la Saskatchewan. Elle a identifié la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor (la « Politique »; pièce 7), la lettre d'embauche de TLS Enterprises (pièce 8) et le [traduction] « Rapport d'enquête » (pièce 6), ainsi que les « Règles de conduite professionnelle du Service correctionnel du Canada » (pièce 9) et les « Principes directeurs en matière de prévention et de règlement du harcèlement en milieu de travail au SCC » (pièce 10).

30 Mme Leader a examiné ces documents ainsi que la lettre originale envoyée à M. Larrea (pièce 1), le document de Mme Hills du 5 novembre 2008 (pièce 2) et sa lettre à Mme Slywka (pièce 4).

31 Mme Leader a rédigé une liste de questions et a interviewé Mme Hills et la fonctionnaire. D'autres témoins ont été identifiés après ces entrevues initiales et comprenaient Marilyn Reiss, Matthew Gee, M. Larrea, Mme Hayhow et Robert McIntyre. La fonctionnaire a fait remarquer que Terry Fehr n'avait pas été interviewée dans le cadre de l'enquête, même si la fonctionnaire a recommandé qu'elle le soit. Mme Leader a témoigné que Mme Fehr avait été prise en considération mais qu'elle n'avait pas été incluse parce qu'elle n'avait pas été témoin de l'incident du 4 novembre.

32 En évaluant qui d'autre serait interviewé, elle a tenu compte de personnes ayant des renseignements directs.

33 L'enquête a porté sur deux allégations. La première concernait l'incident du 4 novembre 2008 et la deuxième portait sur un modèle allégué de comportement de harcèlement de la part de la fonctionnaire.

34 En ce qui concerne la première allégation, Mme Leader a conclu que la preuve appuyait une conclusion de harcèlement de la part de la fonctionnaire.

35 En ce qui concerne la deuxième allégation, Mme Leader a conclu que le comportement de la fonctionnaire, avec le temps, était choquant et humiliant.

C. Mme Reiss

36 Mme Reiss n'a pu se présenter à l'audience en personne, mais elle a été autorisée à témoigner par téléphone.

37 Mme Reiss a été commis de psychologie à l'unité de psychologie de septembre 2008 à mars 2009. Elle était classifiée CR-03. Elle a été formée en même temps que Mme Hills. Elles assumaient conjointement la responsabilité du bureau ainsi que de l'examen des détenus dans les unités. Elle-même et Mme Hills relevaient de Mme Hayhow, puis de M. Larrea.

38 Mme Reiss a examiné la note de service qu'elle a écrite à l'intention de M. Larrea le 4 novembre 2008, au sujet de l'incident de cette journée-là (pièce 11). Mme Hills était toujours sur ses gardes avec la fonctionnaire. Le 4 novembre, la fonctionnaire est entrée dans le bureau et s'est approchée de Mme Hills. La fonctionnaire semblait fâchée et elle a dit qu'elle n'avait pas les deux dossiers des détenus qui lui avaient été attribués. Elle a accusé Mme Hills de falsifier le tableur. Mme Hills lui a montré les courriels originaux et les confirmations de lecture, mais la fonctionnaire était catégorique et ennuyée et elle a dit que les dossiers avaient été réattribués. Mme Hills a dit qu'elle ne pouvait être au courant des dossiers réattribués si elle n'en avait pas été avisée.

39 Mme Reiss a continué en déclarant que la discussion était animée et que le ton était monté. Puis, elle a entendu la fonctionnaire dire [traduction] « juste un soutien technique », du couloir.

40 Après l'incident, Mme Reiss s'est assise avec Mme Hills, qui était visiblement bouleversée. Mme Hills a dit qu'elle était ébranlée et anéantie, qu'elle ne falsifierait jamais un tableur et que c'était comme une gifle dans la figure. Mme Hills s'est sentie obligée d'admettre que tout était de sa faute.

41 Mme Reiss a rédigé sa note de service du 4 novembre, à la demande de M. Larrea.

D. M. Larrea

42 En novembre 2008, M. Larrea était le chef intérimaire de la psychologie. La fonctionnaire et Mme Hills relevaient de lui. M. Larrea travaillait dans ce domaine depuis 2001. Il travaillait avec la fonctionnaire depuis le premier jour de travail de cette dernière au Pénitencier de la Saskatchewan. Sa principale responsabilité était la supervision de ligne des psychologues, qui évaluent les détenus au moyen d'une gamme d'évaluations des risques, d'évaluations de l'isolement et de consultations.

43 Un renvoi concerne une demande de l'extérieur de l'unité de psychologie pour consultation ou une évaluation des risques des détenus. Le commis de psychologie gère la base de données de renvois et intègre tous les renseignements afin de hiérarchiser, de gérer et d'organiser les fonctions de la section, en consultation avec le chef de la section.

44 La tâche d'effectuer les attributions est déléguée au commis de psychologie, qui a compétence pour attribuer les renvois (en consultation avec le chef, au besoin). Voilà en quoi consiste le travail du commis.

45 La base de données de renvoi est stockée dans le lecteur « W », qui est un lecteur commun. Un tableur de suivi est utilisé pour faire le suivi des étapes d'un renvoi. Toutes les personnes de l'unité de psychologie ont accès au lecteur « W ».

46 Avant 2008, M. Larrea était au courant des conflits permanents entre Mme Hills et la fonctionnaire. Mme Hills était offusquée du commentaire de la fonctionnaire selon laquelle elle n'était [traduction] « qu'une commis ». M. Larrea a abordé le problème avec la fonctionnaire à ce moment et l'a conseillée au sujet de la façon d'aborder Mme Hills. Aucun autre incident ne s'est produit avec la fonctionnaire avant 2008.

47 M. Larrea m'a renvoyé aux « Règles de conduite professionnelle du Service correctionnel du Canada » (pièce 9), à la formation anti-harcèlement que tout le monde doit suivre et aux « Principes directeurs en matière de prévention et de règlement du harcèlement en milieu de travail au SCC » (pièce 10) et il a déclaré que ces documents étaient à la disposition de tous les employés dans l'« INFONET » du SCC.

48 M. Larrea a été interrogé au sujet du fait que la fonctionnaire était originaire de l'Europe de l'Est, mais il n'avait aucun commentaire précis à ce sujet. Il savait qu'elle était polonaise.

49 M. Larrea est chilien et il est au courant des normes et stéréotypes culturels. Il a déclaré qu'il croyait que les hommes d'origine latine étaient souvent perçus comme étant des personnes bruyantes et expressives mais qu'en réalité, ce type de comportement est un choix. Dans l'environnement de travail, une personne doit toujours suivre les lignes directrices. Dans son cas, il évite d'être bruyant et expressif.

50 En contre-interrogatoire, M. Larrea a déclaré avoir reçu un courriel de la fonctionnaire au sujet de l'incident. Il était à l'extérieur du bureau lorsque cela s'est produit. Il a ensuite parlé avec Mme Hills et lui a demandé de fournir un compte rendu de ce qui s'était produit. Il a également parlé avec Mme Reiss et avait donc des renseignements de la part des trois parties. Il n'a pas participé à la préparation de la plainte pour harcèlement parce que le personnel du SCC à Regina, en Saskatchewan, traite ces problèmes directement.

51 M. Larrea a confirmé avoir ordonné que la porte du bureau où travaillait Mme Hills soit fermée après que la fonctionnaire ait soutenu que ce secteur était trop bruyant, qu'elle était interrompue et qu'elle avait de la difficulté à se concentrer. M. Larrea a expliqué au personnel que le bruit était un problème et que cela dérangeait la fonctionnaire. À la suite de cette décision, les commis se sont plaints de la chaleur dans le bureau et ont déclaré que l'air était étouffant et que l'imprimante dégageait une odeur qui leur donnait des maux de tête.

52 M. Larrea a expliqué que la base de données n'est pas le tableur; ils sont intégrés, mais il s'agit de deux choses différentes. Le tableur a de nombreux onglets qui contiennent tous les documents et tous les renseignements.

53 Les renvois étaient parfois demandés par téléphone ou par écrit. De façon hypothétique, lorsqu'un renvoi était demandé, M. Larrea parlait au commis de psychologie afin de déterminer la charge de travail et les priorités afin d'attribuer le renvoi à un psychologue et, dans certains cas, il pouvait lui être attribué.

54 La fonctionnaire a découvert plusieurs erreurs relatives aux examens commises par Mme Hills et les a communiquées à M. Larrea. Elle en a également parlé à un autre psychologue. M. Larrea a parlé avec Mme Hills, et il a été conclu qu'il fallait trouver un secteur plus tranquille pour faire le travail. M. Larrea ne savait pas que ce problème pouvait être la cause sous-tendant la plainte de Mme Hills.

55 La fonctionnaire travaillait en général de façon consciencieuse. Elle pouvait être amicale mais également rigide parfois et il lui arrivait à l'occasion de faire des commentaires condescendants au sujet des autres. M. Larrea éprouvait de la difficulté avec l'attitude de la fonctionnaire à l'égard des commis de psychologie dont elle disait : [traduction] « vous n'êtes qu'une commis à notre service ». Son attitude a fait l'objet d'un débat animé entre eux, mais il a déclaré que la fonctionnaire [traduction] « ne comprenait tout simplement pas ».

E. Maureen Rask

56 Maureen Rask a occupé divers postes au SCC depuis 1996 et est devenue directrice adjointe du Pénitencier de la Saskatchewan le 1er décembre 2008. Elle a eu connaissance de la plainte de Mme Hills à ce moment-là. Elle n'a pas participé à la plainte ou à son enquête et n'a pas été interviewée.

57 En août 2010, la fonctionnaire relevait de M. Larrea, qui lui-même relevait de Mme Rask.

58 Mme Rask s'est rappelé avoir reçu le rapport d'enquête, l'avoir examiné et avoir rencontré le directeur pour discuter d'une mesure disciplinaire. Aucune audience n'a eu lieu avant que la fonctionnaire revienne de son congé et reprenne son poste en août 2010. Elle était en congé de maladie et avait besoin d'un plan de retour au travail suivi d'une réintégration graduelle dans le milieu de travail.

59 Mme Rask était satisfaite du rapport disciplinaire. La fonctionnaire continuait toujours de déclarer que ses actions étaient justifiées, tout comme elle l'avait fait durant l'enquête. Mme Szmukier n'a pas modifié sa position.

60 Pour en arriver à sa décision au sujet d'une mesure disciplinaire, Mme Rask s'est entretenue avec le chef des ressources humaines, a examiné la jurisprudence pertinente et a consulté le personnel régional des relations du travail et le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement.

61 Mme Rask a conclu qu'une suspension de trois jours était un niveau de discipline approprié. Une journée de suspension découlait de l'accusation portée contre Mme Hills d'avoir falsifié les notes dans le tableur et les deux autres journées découlaient du comportement humiliant, exigeant et choquant de la fonctionnaire au fil du temps, particulièrement en 2008.

62 La fonctionnaire a contesté cette mesure disciplinaire et cette dernière a été réduite de trois à deux jours au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, soit un jour pour chaque question. Mme Rask n'a pas participé à la décision au deuxième palier.

63 En contre-interrogatoire, à l'examen de sa décision d'imposer une suspension de trois jours, Mme Rask a dit qu'elle croyait que la fonctionnaire n'avait pas démontré de remords et qu'elle continuait de justifier ses actions.

64 En réinterrogatoire, Mme Rask a déclaré que la question de savoir si Mme Hills avait falsifié les confirmations de lecture n'était pas pertinente au harcèlement. Les actions de la fonctionnaire étaient exigeantes et humiliantes. Elle savait qu'elle agissait comme telle et connaissait l'effet de ses actes sur Mme Hills. Le fait de continuer d'agir ainsi tout en sachant cela ne constitue pas un comportement approprié.

F. Mme Szmukier

65 Mme Szmukier a travaillé pour le SCC à Prince Albert depuis décembre 1995 et est une psychologue nommée pour une période indéterminée. Elle est classifiée au groupe et niveau PS-03. Elle est d'origine polonaise et est arrivée au Canada en 1991. Elle parle le polonais à la maison, mais l'anglais au travail. Elle a étudié en Pologne, où elle a obtenu son diplôme de psychologue en 1980.

66 Dans le rapport d'enquête, Mme Leader a déclaré que la langue n'était pas un problème pour la fonctionnaire, ce que cette dernière a contesté. En tant qu'immigrante et psychologue, la fonctionnaire a souligné qu'elle savait que le Canada était multiculturel et qu'elle réalisait que 80 nations différentes y étaient représentées, lesquelles avaient toutes des perceptions sociales et culturelles différentes. Elle a suivi une formation exhaustive au SCC pour améliorer ses qualifications en ce qui concerne les problèmes autochtones afin d'estimer plus précisément le risque de récidive d'un détenu autochtone. La principale partie du travail consiste à évaluer le risque de récidive d'un détenu autochtone. Ainsi, elle fonctionne sur deux fronts culturels quotidiennement; par conséquent, elle ne souscrivait pas aux conclusions de l'enquêteur.

67 La fonctionnaire a compris de ses collègues qu'il était correct d'appeler le personnel de bureau [traduction] « les commis ». En 2008, les différents employés n'étaient identifiés par aucune affiche sur les portes. Par conséquent, les psychologues, les infirmières, les psychiatres et les commis ne pouvaient être distingués par les clients, qui les confondaient souvent. Elle a affiché des avis qui indiquaient une gamme de services fournis et est devenue plus organisée pour répondre aux besoins des détenus, de sorte que lorsqu'un détenu souhaitait un livre de la bibliothèque, elle le présentait au [traduction] « personnel de bureau » parce qu'elle croyait qu'il était nécessaire de souligner leurs fonctions.

68 M. Larrea avait remarqué que le comportement de la fonctionnaire était condescendant. La fonctionnaire s'était rappelée une conversation au sujet d'un incident où elle n'était pas d'accord avec lui. La situation avait fait l'objet d'une discussion; en conséquence, elle croyait que c'était réglé puisque, selon ses propres mots, ce [traduction] « n'était pas si grave ». Il s'agissait d'une très brève conversation et il n'y avait pas de ressentiment. Elle a par la suite déclaré que deux jours plus tard, son sentiment avait été corroboré lorsqu'il est entré dans son bureau et lui a dit : [traduction] « Vous avez raison, cette commis me met en colère également! »."

69 Ainsi, la fonctionnaire recevait des messages contradictoires et n'était pas douée pour les décoder. Cela était fréquent et arrivait tous les jours. Certains jours, M. Larrea disait quelque chose de sérieux pour ensuite faire une blague en disant que tout serait correct.

70 Un échange de courriels entre la fonctionnaire et M. Larrea (pièce 15) a été présenté à l'appui de cette observation. Dans cet échange, la fonctionnaire renvoie à une conversation au cours de laquelle M. Larrea a laissé entendre qu'elle pourrait envisager de prendre un congé d'invalidité, ce qui selon elle était déplacé et l'a rendue mal à l'aise. M. Larrea a répondu qu'il la taquinait et qu'il croyait qu'ils avaient une discussion informelle. Il a déclaré qu'à l'avenir, il se contenterait d'avoir une relation strictement professionnelle afin de prévenir tout problème de communication.

71 La fonctionnaire a été complètement surprise par la déclaration de Mme Reiss selon laquelle certains détenus ne souhaitaient pas être renvoyés [traduction] « à cette dame », en parlant d'elle. La fonctionnaire croyait que son rendement était toujours pleinement satisfaisant et qu'il était à la hauteur des attentes du SCC. Il n'y avait jamais eu de grief de la part des détenus et elle s'était adaptée à la réalité culturelle des Autochtones. Elle n'a reçu aucune rétroaction négative et on ne lui a jamais demandé de changer son attitude ou son processus. Elle a déclaré qu'elle appréciait la rétroaction.

72 La fonctionnaire a expliqué qu'elle allait au poste du personnel de bureau uniquement pour le travail et qu'elle n'avait aucune autre raison de s'y rendre puisqu'elle n'était pas amie avec Mme Hills. Elle y allait uniquement pour avoir accès à des dossiers qui étaient sous le contrôle du personnel de bureau et parce qu'une signature était requise pour sortir un dossier. Parfois, Mme Hills était au téléphone, et la fonctionnaire s'approchait d'elle par derrière, non pas pour la faire sursauter, mais simplement pour avoir son attention et pour qu'elle mette fin à son appel téléphonique et réponde à ses demandes.

73 La fonctionnaire a expliqué que l'événement du 4 novembre 2008 dans son ensemble était chargé d'émotions et que les choses s'étaient déroulées très rapidement. Après le repas, elle s'est approchée de sa boîte aux lettres; Mme Hills était à son bureau. Mme Hills lui a dit que le nom de deux détenus figurait dans son tableur et elle lui a souri d'une façon malicieuse.

74 La fonctionnaire s'est fâchée parce que deux cas en attente lui avaient été attribués dans le tableur, ce qui ne donnait pas une bonne impression à son sujet. Elle a contesté la légitimité de ces affectations auprès de Mme Hills et a conclu que, dans les deux cas, les renseignements étaient incorrects. Selon la fonctionnaire, Mme Hills était agacée parce qu'elle avait exposé à ses collègues certaines erreurs commises par cette dernière dans le cadre de l'évaluation des détenus et que, par conséquent, Mme Hills s'était peut-être comportée de façon malveillante envers elle.

75 De façon générale, la fonctionnaire évitait toute interaction inutile avec Mme Hills, mais cette fois, elle l'a questionnée au sujet du tableur. Mme Hills a dit à la fonctionnaire qu'elle avait deux affectations, qu'elles figuraient dans le tableur et qu'elle avait les confirmations de lecture pour le prouver. La fonctionnaire a demandé à voir le dossier, mais ce que Mme Hills lui a montré concernait un autre détenu, puis cette dernière a éteint l'écran d'ordinateur. La fonctionnaire a dit à Mme Hills que les renseignements étaient fabriqués parce qu'elle ne lui avait pas montré les renseignements généraux nécessaires.

76 La fonctionnaire a alors quitté le bureau avec le tableur. Mme Hills l'a suivie dans son bureau et s'est approchée d'elle. Un échange animé a suivi, et la fonctionnaire a haussé la voix. Mme Hills a alors fait la même chose. Elles se sont invectivées parce qu'elles haussaient la voix, ce que Mme Reiss a entendu.

77 La confrontation a pris fin, et la fonctionnaire a décidé de signaler l'incident. Elle a écrit un courriel (pièce 24) et a rencontré Mme Hayhow et M. Larrea le lendemain, soit le 5 novembre 2008. Elle a parlé de l'attitude de Mme Hills. M. Larrea lui a dit qu'elle avait harcelé Mme Hills la veille. La fonctionnaire a déclaré dans son témoignage qu'elle s'était sentie harcelée à la réunion parce que tout le monde s'était ligué contre elle au sujet de l'incident.

78 La fonctionnaire a déclaré que, lorsque Mme Hills l'a suivie dans son bureau, elle croyait que son intégrité physique pouvait être menacée. Mme Hills serrait les poings et les dents. La fonctionnaire s'est rappelé avoir été agressée en 2002 et elle a déclaré qu'elle craignait qu'une chose semblable arrive de nouveau.

79 À ce moment de la réunion du 5 novembre 2008, la fonctionnaire a demandé à consulter le représentant de son agent négociateur. Elle n'a pas déposé de plainte pour harcèlement au sujet de la réunion. Le 7 novembre, dans le cadre de son évaluation du rendement avec le directeur intérimaire, la fonctionnaire a été avisée qu'une plainte avait été déposée contre elle.

III. Résumé de l'argumentation

80 Le SCC m'a demandé de conclure que la fonctionnaire avait harcelé Mme Hills et qu'une suspension de deux jours était raisonnable dans les circonstances.

81 Selon le SCC, la façon dont la fonctionnaire a traité Mme Hills était conforme à la définition de harcèlement prévue à la politique. Le comportement de la fonctionnaire à l'égard de Mme Hills était incorrect et choquant et la fonctionnaire aurait dû savoir que Mme Hills se serait sentie diminuée, humiliée et intimidée.

82 Le SCC a soutenu que ses psychologues [traduction] « […] doivent démontrer un comportement approprié envers les détenus avec qui ils traitent de façon régulière ». Le SCC a ajouté que la suspension de deux jours envoyait à la fonctionnaire un message clair selon lequel sa conduite envers Mme Hills était inacceptable et qu'elle devait être corrigée.

83 Le SCC m'a renvoyé à Bisaillon c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2002 CRTFP 16.

84 Pour sa part, la fonctionnaire a répondu qu'aucune preuve crédible ne liait la MPCO de Mme Hills à ses interactions avec elle.

85 La fonctionnaire a soutenu que la plainte pour harcèlement de Mme Hills portée contre elle était trop vague pour lui permettre de présenter une réponse significative. Elle a ajouté que, contrairement à la politique, l'enquête tenait compte d'événements qui ont précédé la plainte de plus d'un an. Elle a fait valoir que, comme dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, le SCC avait indûment favorisé la version des faits de Mme Hills dans son enquête sur la plainte pour harcèlement.

86 La fonctionnaire a soutenu que ses interactions avec Mme Hills devraient être examinées à la lumière de son ascendance polonaise. Elle a fait valoir que les règles sociales polonaises étaient fondées sur la formalité et la rigueur et qu'elles définissaient les personnes par leur position et leur titre. Elle a ajouté que son insistance à obtenir de la documentation de Mme Hills provenait de l'époque où elle a vécu sous la loi martiale en Pologne, période où les documents appropriés revêtaient une importance capitale.

87 La fonctionnaire a insisté pour dire que ni ses interactions avec Mme Hills ni son allégation selon laquelle Mme Hills avait commis une faute n'étaient du harcèlement. Elle m'a rappelé que le SCC n'avait jamais fait enquête sur son allégation selon laquelle Mme Hills avait falsifié les consultations du tableur de psychologie.

88 Selon la fonctionnaire, le SCC avait omis d'aborder toute préoccupation dans l'unité de travail en temps opportun. Elle a déclaré que M. Larrea avait mal géré la situation et qu'il ne lui avait jamais donné de directive claire sur la façon d'interagir avec Mme Hills.

89 La fonctionnaire a établi une distinction entre l'affaire dont je suis saisi et Bisaillon.

90 Le SCC a répliqué ainsi :

[Traduction]

[…] aucune preuve n'a été présentée à l'appui de la prétention selon laquelle il y a des caractéristiques particulières liées à une personne ayant une ascendance polonaise, que les caractéristiques particulières et les comportements de Mme Szmukier peuvent être attribués à son ascendance polonaise ou que son ascendance polonaise avait un lien quelconque avec sa conduite dans le lieu de travail.

91 Le SCC a insisté sur l'omission continue de la fonctionnaire de reconnaître que sa conduite n'était pas appropriée. Il a ajouté que Mme Leader avait exercé son pouvoir discrétionnaire en menant son enquête sur la plainte pour harcèlement de Mme Hills.

IV. Motifs

92 La fonctionnaire a contesté l'imposition par le SCC d'une suspension d'un jour pour l'incident du 4 novembre 2008. Elle a également contesté l'imposition d'une suspension de deux jours (plus tard réduite à un jour par décision rendue dans le cadre de la procédure de règlement des griefs individuels) après une enquête et un rapport selon lesquels elle avait harcelé Mme Hills. Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle ne faisait que son travail en remettant en question le travail et la véracité des déclarations de Mme Hills au sujet du tableur. La fonctionnaire croyait également qu'elle avait agi de façon appropriée dans toutes les situations, professionnelle et sociale, et que Mme Hills tentait de protéger son poste et peut-être de miner le sien.

93 La description de Mme Hills des événements et des situations dans lesquels elle se trouvait a finalement contribué à sa capacité à travailler dans le même environnement de travail que la fonctionnaire. Elle a déposé sa plainte pour harcèlement après l'altercation avec la fonctionnaire du 4 novembre 2008, au moment où la fonctionnaire l'a accusée de falsifier les données du tableur.

94 Mme Reiss a confirmé la teneur de l'altercation du 4 novembre 2008. La fonctionnaire a reconnu dans son témoignage qu'elle avait confronté Mme Hills au sujet de la fabrication de renseignements indiqués dans le tableur.

95 M. Larrea a reconnu qu'il était parfois difficile de traiter avec la fonctionnaire et qu'elle semblait penser que la commis de psychologie n'était [traduction] « qu'une commis à notre service » et il a déclaré dans son témoignage que la fonctionnaire [traduction] « ne comprenait pas ».

96 Mme Rask a examiné et accepté les conclusions de l'enquête sur le harcèlement puis a imposé des suspensions totalisant trois jours à la fonctionnaire. Ces trois jours ont plus tard été réduits à deux jours par décision rendue dans le cadre de la procédure de règlement de griefs individuels.

97 Dans les circonstances en l'espèce, je suis convaincu que la fonctionnaire, sur une période prolongée, savait ou aurait dû savoir qu'elle agissait d'une manière qui offensait Mme Hills et ses collègues dans une mesure déraisonnable et qu'elle l'a fait sans tenir compte des conseils qu'elle a reçus de son superviseur, M. Larrea.

98 Même si ses antécédents culturels ont été mis de l'avant comme une explication possible de sa conduite, encore une fois, M. Larrea a expliqué comment il a réussi à tempérer ses propres antécédents culturels dans le lieu de travail. Il me semble que la fonctionnaire aurait dû faire la même chose.

99 Je conclus qu'une suspension de deux jours était justifiée en l'espèce et qu'il s'agissait d'une indication claire à l'intention de la fonctionnaire que son attitude et ses actions dans le lieu de travail devaient changer.

100 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

101 Le grief est rejeté.

Le 28 avril 2015.

Traduction de la CRTEFP

Michael F. McNamara,
arbitre de grief

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