Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s'estimant lésée occupait un poste au groupe et niveau EX‑01 – elle a été licenciée après une enquête menée par la Commission de la fonction publique (CFP) et une enquête consécutive menée par le défendeur relative à sa conduite liée à deux processus de dotation – les deux enquêtes sont parvenues à la même conclusion – la conclusion de l'enquête menée par le défendeur a entraîné le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée pour s'être mise en situation de conflit d'intérêts et pour avoir contrevenu au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique (le « Code ») du Conseil du Trésor – la fonctionnaire s'estimant lésée a prétendu que son licenciement n'était pas justifié – elle a demandé sa réintégration dans son poste et une ordonnance en vertu de laquelle les modalités d'une « entente de transition dans la carrière », dont l'application a été suspendue par l'employeur avant son licenciement, soient mises en application – l'arbitre de grief a conclu que, de son propre aveu, la fonctionnaire s'estimant lésée était coupable d'une conduite inappropriée et de conflit d'intérêts concernant l'utilisation de son pouvoir de dotation qui lui avait été sous‑délégué dans le cadre de deux processus de nomination – un conflit d'intérêts constitue une infraction très grave au sein de la fonction publique et une claire violation du Code – la fonctionnaire s'estimant lésée a utilisé son poste pour avantager des personnes avec qui elle avait des relations personnelles étroites, ce qui constituait une claire violation du Code – une longue carrière, surtout à un niveau de cadre, comporte des attentes de niveau plus élevé – la connaissance du Code par la fonctionnaire s'estimant lésée a été traitée comme un facteur aggravant – elle n'a exprimé aucuns remords, ce qui a aggravé la situation – l'arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait irrémédiablement rompu le lien de confiance entre elle et son employeur – l'arbitre de grief a conclu que la mesure disciplinaire imposée était appropriée en l'espèce – la fonctionnaire s'estimant lésée a également soutenu que l'employeur avait conclu avec elle une entente valide de transition dans la carrière et qu'il n'avait pas le pouvoir de suspendre l'application de cette entente pendant son enquête – l'arbitre de grief a décidé que toute entente de transition dans la carrière exigeait l'approbation de l'administrateur général – la « Directive sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs » ne prévoit aucunement qu'un directeur général a le pouvoir de conclure une telle entente – il n'existait aucune entente exécutoire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans   la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150611
  • Dossier: 566-02-8842
  • Référence: 2015 CRTEFP 53

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RUTH MCEWAN

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Commission de l’immigration et du statut de réfugié)

défendeur

Répertorié
McEwan c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
John Yach, avocat
Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 2 au 5 juin et du 25 au 27 août 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Ruth McEwan, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a allégué avoir été licenciée sans motif valable de son poste de direction classifié EX-01 auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (« CISR » ou l’« employeur »). Elle souhaite être réintégré dans ses fonctions et qu’une ordonnance soit émise exigeant que les conditions de l’« Entente de transition dans la carrière » que l’employeur avait suspendue avant son licenciement soient remplies.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014, continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

3 La fonctionnaire occupait le poste de directrice de l’approvisionnement, de la sécurité et de l’administration, à la CISR. Son poste était classifié EX-01. Elle a été licenciée le 30 avril 2013, après une enquête de la Commission de la fonction publique (« CFP ») sur des processus de dotation qu’elle a menés et une enquête interne de la CISR sur la façon dont elle a mené ces mêmes processus de dotation. Les conclusions des enquêtes de la CFP et de la CISR sont les mêmes. La conclusion de l’enquête de la CISR a entraîné son licenciement parce qu’elle s’était trouvée dans une situation de conflit d’intérêts et qu’elle avait contrevenu au Code de valeurs et d’éthique du secteur public (le « Code ») du Conseil du Trésor, ainsi qu’aux modalités de son emploi en participant directement au concours pour des postes au sein de sa division (pièce 3, onglet 1).

4 Avant son licenciement, la fonctionnaire a été avisée qu’en raison d’une restructuration interne de la CISR, son poste avait été sélectionné en vue d’une élimination et que ses services ne seraient plus requis après le 1er avril 2013. Elle a été avisée qu’elle avait droit à certaines prestations de réaménagement des effectifs (pièce 22, onglet 5), y compris l’option d’accepter une entente de transition dans la carrière. Elle a choisi de quitter l’administration publique centrale au moyen d’une telle entente et en a avisé son employeur en signant le formulaire fourni. Elle a remis le formulaire signé à son employeur le 26 octobre 2012.

5 Le 7 janvier 2013, dans une lettre, l’employeur a avisé la fonctionnaire que les nouvelles négociations relatives à l’entente de transition dans la carrière étaient suspendues en attendant le résultat de son enquête sur des mesures de dotation (pièce 22, onglet 6). Dans sa lettre, l’employeur a précisé que, étant donné que les négociations avaient été suspendues, le formulaire d’option et la démission de la fonctionnaire n’étaient plus en vigueur. Dans la correspondance avec l’avocat de la fonctionnaire, l’employeur a fait valoir qu’en signant le formulaire portant sur l’option de la transition dans la carrière, la fonctionnaire avait déclaré son intention de négocier une entente de transition, laquelle n’a jamais été conclue (pièce 22, onglet 8).

6 Simon Coakeley a été secrétaire général de la CISR jusqu’à sa retraite en 2013. Auparavant, il était responsable d’environ 1 000 employés, dont le directeur de la sécurité et de l’administration (titre du poste de la fonctionnaire à l’époque). En tant qu’employée classifiée EX-01 occupant le poste de directrice de la sécurité et de l’administration, la fonctionnaire faisait partie de l’équipe de la haute direction de la Direction générale de la planification et des services intégrés. La fonctionnaire relevait de Serge Gascon, lequel était classifié EX-03.

7 À titre de directrice, la fonctionnaire était responsable des budgets et de la dotation ainsi que de la supervision du personnel subalterne. Le 10 juin 2010, elle a reçu une lettre confirmant que le président de la CISR, qui était l’administrateur général responsable de la dotation en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; LEFP), lui avait accordé par sous-délégation des pouvoirs de nomination (pouvoirs de dotation). Pour avoir droit à cette délégation, la fonctionnaire était tenue de suivre une formation en dotation, ce qu’elle a fait en 2010.

8 En juin 2012, M. Gascon a avisé M. Coakeley que la fonctionnaire lui avait demandé de signer une lettre de nomination relativement à un emploi dans sa division pour son fils. M. Gascon ne savait pas à ce moment que le fils de la fonctionnaire était un candidat dans le cadre du processus de dotation et il a refusé de signer la lettre en attendant d’avoir d’autres renseignements. De plus, les actions de la fonctionnaire dans un processus de dotation concernant une certaine Mme Cochrane préoccupaient la CISR. En effet, selon des allégations, la fonctionnaire aurait embauché Mme Cochrane, une femme avec qui elle avait une relation personnelle ou commerciale, pour un poste classifié CR-04. En conséquence, la CISR a demandé à la CFP d’enquêter sur les deux processus. En vertu de l’article 66 de la LEFP, la CFP a le pouvoir d’enquêter sur des processus de dotation externes (pièce 3, onglet 18).

9 Le 12 décembre 2012, après que M. Coakeley ait reçu de la CFP une copie du rapport factuel indiquant que la fonctionnaire s’était placée en situation de conflit d’intérêts, en contravention du Code, l’employeur, représenté par M. Coakeley, a entrepris sa propre enquête disciplinaire sur la question (pièce 3, onglet 14). La fonctionnaire a exprimé son mécontentement relativement à l’enquête disciplinaire et à la dualité des processus auxquels elle faisait face dans une lettre en date du 13 décembre 2012 (pièce 3, onglet 13). Dans sa lettre, elle a déclaré qu’elle avait conclu une entente avec la CFP au sujet de la possibilité de fournir d’autres observations relativement au rapport de la CFP. L’employeur n’était pas au courant de cette entente. Néanmoins, rien dans l’entente conclue entre la fonctionnaire et la CFP n’empêchait l’employeur de mener une enquête interne.

10 La fonctionnaire a soulevé d’autres préoccupations en ce qui concerne l’enquête de l’employeur dans une lettre adressée à M. Coakeley datée du 14 décembre 2012 (pièce 3, onglet 12). Dans cette lettre, elle a allégué que l’employeur, en invoquant des renseignements de la CFP, avait contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21), puisqu’une telle utilisation des renseignements était contraire à la raison pour laquelle ils avaient été recueillis. Elle a également soutenu que le fait que l’employeur s’appuie ainsi au rapport de la CFP, qui n’était pas terminé à l’époque, contrevenait à l’équité procédurale. Les deux processus ont causé un stress mental, physique et émotionnel à la fonctionnaire. En outre, elle aurait dû être avisée qu’elle ferait l’objet d’un examen interne en plus de l’examen externe de la CFP. M. Coakeley a répondu aux préoccupations de la fonctionnaire le 19 décembre 2012 (pièce 3, onglet 11).

11 Il a informé la fonctionnaire que l’administrateur général avait compétence, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C. (1985), ch. F-11) (la « LGFP »), de prendre des mesures disciplinaires pour les violations au Code. Il n’y a eu aucune violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels. À la demande de l’employeur, la CFP a remis à M. Coakeley des renseignements que la fonctionnaire lui avait fournis en ce qui concerne l’enquête. L’enquête de la CFP portait sur les mesures de dotation entreprises au nom de l’administrateur général de la CISR. La CISR avait droit aux mêmes renseignements que ceux qui avaient été fournis à la CFP, dans la mesure où ils étaient destinés à une utilisation uniforme.

12 La CISR a utilisé un processus écrit dans le cadre de son enquête disciplinaire. Une période supplémentaire a été fournie sur demande. L’enquêteur a rencontré la fonctionnaire et son avocat en personne. M. Coakeley a examiné le rapport sommaire factuel de la CFP, et un nombre suffisant des 57 courriels qui y figurent, pour préparer le fondement de l’enquête disciplinaire. Selon son examen des courriels, il était convaincu que les résumés fournis étaient exacts. Le rapport d’enquête de la CISR a été remis à la fonctionnaire le 2 avril 2013 (pièce 3, onglet 7).

13 La CFP a accepté le rapport de l’enquêteur et a envoyé un compte rendu de décision le 17 avril 2013 (pièce 3, onglet 5). Selon le rapport, Mme McEwan avait agi de manière inappropriée et avait commis une fraude durant le processus de nomination concernant son fils et durant le processus de nomination de Mme Cochrane. En conséquence, la CFP a émis la directive suivante :

  • pendant une période de quatre ans, Mme McEwan n’avait pas le droit d’accepter un poste ou un travail au sein de la fonction publique fédérale sans l’approbation écrite de la CFP;
  • pendant une période de quatre ans, Mme McEwan devait aviser la CFP si elle obtenait un emploi occasionnel au sein de la fonction publique fédérale;
  • Mme McEwan devait suivre des cours sur les valeurs et l’éthique ainsi que sur la dotation à l’École de la fonction publique du Canada dans un délai de six mois suivant la décision de la CFP;
  • Mme McEwan n’avait pas le droit d’exercer de fonctions liées à la dotation pendant une période de cinq ans;
  • le président de la CISR ne devait pas sous-déléguer des pouvoirs de dotation à Mme McEwan pendant une période de cinq ans.

14 Le rapport de M. Coakeley (pièce 3, onglet 7) était fondé sur une évaluation de la recherche factuelle effectuée par la CFP, sur les déclarations assermentées fournies à la CFP par des témoins qu’elle avait interrogés, sur les courriels fournis à la CFP et sur les observations de la fonctionnaire. L’enquête de M. Coakeley portait sur les violations alléguées au Code, alors que celle de la CFP portait sur les violations alléguées à la LEFP. Les enquêtes étaient fondées sur les mêmes faits, mais les contextes étaient différents. M. Coakeley a conclu que la fonctionnaire s’était réellement retrouvée dans une situation de conflit d’intérêts lorsqu’elle a agi à titre de gestionnaire déléguée dans un processus de dotation dans lequel son fils était candidat. Il a conclu qu’elle avait agi à titre de porte-parole de son fils et qu’elle l’avait aidé dans le processus de nombreuses façons, y compris en intervenant lorsqu’il a raté un examen, en décidant que l’examen devrait être reporté et en demandant une lettre de recommandation en son nom. En ce qui concerne les actions de la fonctionnaire lorsqu’elle a muté Mme Cochrane à la salle du courrier, M. Coakeley a conclu que la fonctionnaire l’avait fait afin de rendre un poste vacant pour permettre à la candidature de son fils d’être prise en considération pour une nomination.

15 Pour ce qui est de la participation de la fonctionnaire à l’embauche de Mme Cochrane à l’origine, M. Coakeley a conclu, selon les courriels échangés entre Mme Cochrane et la fonctionnaire, qu’elles avaient une relation autre que celle d’employeur-employé avant l’embauche de Mme Cochrane. En fait, Mme McEwan a admis que Mme Cochrane l’avait aidée à la maison et lors de son déménagement dans une autre résidence. Mme Cochrane a admis que la fonctionnaire l’avait employée pour effectuer des services d’aménagement paysager et de nettoyage avant de l’embaucher à la CISR.

16 Selon ces conclusions et d’autres formulées dans le rapport, M. Coakeley a conclu que la fonctionnaire avait violé le Code de l’employeur en se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts entre son employeur, son amie et son fils. La relation de confiance entre l’employeur et un cadre supérieur a été complètement minée et une mesure disciplinaire était justifiée.

17 À la question de savoir ce que la fonctionnaire aurait dû faire dans les circonstances entourant ces mesures de dotation, M. Coakeley a répondu qu’elle aurait dû se récuser complètement et qu’elle n’aurait pas dû participer, en aucune façon, à un processus de dotation auquel prenait part un membre de sa famille. Au contraire, elle a participé à la prise de décisions en ce qui concerne le processus et elle est intervenue au nom de son fils notamment en faisant en sorte qu’une autre employée soit mutée à un poste différent pour créer un poste vacant pour son fils. Pour ce qui est des actions de la fonctionnaire dans le processus de dotation concernant Mme Cochrane, la preuve selon laquelle la fonctionnaire et Mme Cochrane étaient plus que de simples connaissances n’a pas été contredite. La fonctionnaire aurait dû se récuser également de ce processus de dotation.

18 Afin d’en arriver à cette conclusion, M. Coakeley a tenu compte du fait que la fonctionnaire n’avait pas évalué l’examen de son fils ni participé à son entrevue. Elle a pris des décisions essentielles dans les deux processus de dotation en ce qui concerne les qualifications, y compris en changeant le niveau d’instruction lorsque Mme Cochrane n’a pu démontrer qu’elle respectait la norme établie et en décidant d’utiliser une méthode de classement afin de déterminer le candidat retenu. Le fait qu’elle ait pris ces décisions ainsi que d’autres décisions à des moments clés du processus de dotation est inacceptable.

19 M. Coakeley a communiqué ce rapport à la fonctionnaire. Le 10 avril 2013, il l’a rencontrée ainsi que son représentant et d’autres représentants de l’employeur pour obtenir les commentaires de la fonctionnaire sur les conclusions du rapport. Rien n’a été dit qui l’aurait fait changer d’idée. À la demande de la fonctionnaire, elle a eu jusqu’au 17 avril 2013 pour fournir ses commentaires sur le rapport d’enquête de la CISR, ce qu’elle a fait (pièce 3, onglet 4). M. Coakeley a examiné les observations du 17 avril de la fonctionnaire et un enregistrement de la première entrevue de cette dernière par l’enquêteur de la CFP, tel qu’il a été demandé par la fonctionnaire. Il a préparé un résumé abordant les questions qu’elle a soulevées dans lequel il a évalué les commentaires et décrit leur effet sur ses conclusions (pièce 3, onglet 3). Les résultats n’ont eu aucune incidence importante sur ses conclusions.

20 M. Coakeley a communiqué ses conclusions au président de la CISR, Brian Goodman. M. Goodman était au courant des grandes lignes de l’enquête de la CISR de M. Coakeley ainsi que de l’enquête de la CFP. M. Coakeley a présenté à M. Goodman le résumé de son enquête et ses recommandations (pièce 3, onglet 2). Il a joint le rapport de la CFP reçu le 17 avril 2012 (pièce 3, onglet 5) et son évaluation des circonstances aggravantes et atténuantes (pièce 3, onglet 3), après quoi il a informé M. Goodman en personne. M. Goodman se préoccupait de savoir si la fonctionnaire avait bénéficié d’une procédure équitable et des protections relatives à la justice naturelle. Il souhaitait s’assurer que toutes les solutions de rechange possibles au licenciement avaient été évaluées.

21 La seule autre solution de rechange en matière disciplinaire était la rétrogradation. Cette solution n’était pas possible étant donné que la relation de confiance employeur-employé avait été gravement entachée. Il n’y avait aucun autre poste de direction à la CISR qui ne comprenait pas de tâche de dotation. De plus, comme la fonctionnaire n’était pas digne de confiance pour doter des postes, on ne pouvait pas non plus lui faire confiance avec la conclusion de contrats auprès des fournisseurs. La CISR n’avait aucun poste classifié EX-01 à Ottawa qui ne comprenait pas de responsabilités en matière de dotation ou de conclusion de contrats, en dehors du poste de conseiller principal au président ou au vice-président. Le conseiller principal a pleine autorité en ce qui concerne les processus décisionnels des divisions de la CISR en matière de gestion de ces divisions. Ce poste nécessite une expertise sur le sujet de l’interaction des divisions. La fonctionnaire ne possédait pas cette expertise. La suspension a été considérée à titre d’option, mais le fait de la réintégrer à un poste de direction à son retour constituait toujours un problème étant donné la nécessité de la relation de confiance. Il n’y avait aucun espoir que la relation de confiance puisse être rétablie, puisque la fonctionnaire n’a pas reconnu la gravité de ses actions.

22 Le respect du Code était une condition d’emploi de la fonctionnaire. Elle a violé les valeurs éthiques, professionnelles et de mérite au recrutement. Confrontée à un dilemme éthique, elle n’a pas pris des mesures pour aviser son directeur général, son conseiller principal en dotation ou son agent à l’éthique de la CISR. De plus, lorsqu’elle a réalisé qu’elle se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts, elle ne l’a pas déclaré en remplissant le formulaire requis. Le Code exige que, lorsqu’il est dans le doute, un employé demande des directives à l’administrateur général. Il n’y avait aucun doute dans ces circonstances qu’il y avait conflit d’intérêts, pourtant la fonctionnaire n’a pas pris de mesure pour l’éviter ou le déclarer. Tout doute sur la question de savoir s’il y a conflit d’intérêts doit être réglé dans l’intérêt public.

23 Tout le processus, à partir du renvoi à la CFP jusqu’au moment où la fonctionnaire a été licenciée, a pris environ deux ans. Durant ce temps, il n’y a eu aucun défi opérationnel important en ce qui la concerne dans le lieu de travail. Le pouvoir de dotation de la fonctionnaire a été temporairement révoqué en attendant le résultat de l’enquête de la CFP. Pendant cette période, elle n’a pas accompli la gamme complète des fonctions des employés classifiés EX et son rendement n’a pu être évalué comparativement à celui d’autres employés classifiés EX. Elle s’est vu attribuer une affectation intérimaire de directrice, Planification et pratiques de gestion (pièce 5), durant cette période. Lorsqu’un autre directeur a accepté une affectation, la fonctionnaire s’est vu accorder un pouvoir de signature sur le secteur de ce directeur.

24 Au moment de son licenciement, la fonctionnaire comptait environ 34 ans de service dans la fonction publique. En février 2013, M. Coakeley a eu des discussions avec elle au sujet de son intention de prendre sa retraite lorsque son poste a été éliminé le 1er avril 2013. M. Coakeley savait que la fonctionnaire avait choisi la retraite en vertu de la [traduction] « Directive sur le plan de réaménagement des effectifs en ce qui concerne la rémunération des cadres ».

25 M. Gascon était directeur général des services et de la planification intégrés. La fonctionnaire relevait directement de lui. Lorsque M. Gascon est arrivé en 2008, la fonctionnaire occupait le poste de directrice de l’approvisionnement, de la sécurité et de l’administration. Il lui a accordé la souplesse nécessaire pour s’assurer qu’elle avait les ressources disponibles pour faire le travail selon son budget alloué, ce qui comprenait la dotation. La fonctionnaire avait la responsabilité du portefeuille des locaux, de l’approvisionnement, de la gestion des registres et de la sécurité. Elle assumait toutes les responsabilités d’une employée classifiée EX-01 en ce qui concerne la gestion de sa division, y compris les dépenses et la dotation. Lorsqu’elle exerçait ce pouvoir, elle devait consulter M. Gascon et l’informer si les choses dérapaient. Elle a eu toutes les occasions possibles de le consulter lorsqu’elle le croyait nécessaire. Le fait de décider quelles questions devaient être portées à l’attention de M. Gascon pour consultation, discussion et directives a été laissé à son appréciation.

26 M. Gascon s’attendait à ce que ses directeurs l’informent de tout processus de dotation. Il n’avait pas à participer à la dotation des postes de niveau inférieur, mais il s’attendait à être informé des progrès des concours. Après une vérification par la CFP des mesures de dotation de la CISR, il était évident que la CISR avait de graves problèmes de recrutement. M. Gascon s’attendait à ce que ses directeurs se concentrent sur le respect des règles d’embauche de la LEFP. Ce message a été répété à l’occasion des réunions du personnel et des directeurs. La CISR savait que ses mesures de dotation étaient examinées de près par la CFP. À titre préventif, le président a demandé à chaque directeur général d’examiner les mesures de dotation.

27 En 2009, la direction générale de M. Gascon a été restructurée en prévision de l’examen stratégique et opérationnel à venir des services gouvernementaux. Il a donné à la fonctionnaire et à un autre directeur la tâche d’évaluer la façon dont les divisions pourraient mieux fonctionner en tant que direction générale. En 2011, la fonctionnaire a été avisée qu’elle ne serait plus responsable de la fonction de la sécurité. Cette nouvelle ne l’a pas enchantée. Plutôt que de déclarer le poste de la fonctionnaire excédentaire à ce moment-là comme il en avait l’intention, il l’a gardée pour qu’elle poursuive des projets. M. Gascon s’est engagé à lui fournir du travail au niveau de directeur. En raison des changements apportés à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, (L.C. 2001, ch. 27), la CISR a entrepris une restructuration. Pour que la CISR soit en mesure de mettre en œuvre les modifications législatives; la fonctionnaire a eu la responsabilité du secteur d’un autre directeur, y compris le pouvoir de signature relativement aux centres de coûts et au budget du secteur, alors que ce directeur était affecté au projet de réforme.

28 Le 22 juin 2011, la fonctionnaire a rencontré M. Gascon pour lui montrer une lettre d’offre qui était adressée à son fils et qui offrait à ce dernier un poste dans sa division à elle. Elle a informé M. Gascon qu’elle s’était retirée du processus en raison de la relation et qu’il serait préférable que ce soit lui qui signe la lettre d’offre. Il a refusé et l’a informée qu’ils discuteraient de la question plus en détail. Plus tard, cet après-midi-là, il lui a demandé pourquoi elle avait porté cela à son intention alors qu’ils en étaient presque rendus à la fin du processus.

29 Le 24 juin 2011, la fonctionnaire a fait un suivi sur le statut de la lettre d’offre. Elle a été avisée des préoccupations de M. Gascon et du fait qu’aucune autre nomination pour une durée indéterminée n’aurait lieu dans son secteur jusqu’à ce qu’il ait reçu et autorisé un organigramme mis à jour pour le secteur de la fonctionnaire (pièce 3, onglet 9, page 90).

30 Lorsqu’il est question d’un sujet sensible tel que l’embauche du fils de la fonctionnaire, la contribution du directeur général doit être apportée dès le départ, et non pas une fois que la lettre d’offre est prête à être signée. La fonctionnaire ne pouvait comprendre les préoccupations de M. Gascon et lui a demandé ce qui suit : [traduction] « Dans la mesure où vous êtes convaincu que rien de fâcheux ne s’est produit, quel est le problème? » (pièce 3, onglet 9, page 90). Elle a alors offert, dans l’éventualité où il y aurait un problème, d’accepter une mutation pour que son fils ne relève pas directement d’elle. Selon M. Gascon, il ne s’agissait que d’une solution temporaire. Elle n’a jamais reconnu que la lettre d’offre n’aurait pas dû être rédigée avant que M. Gascon ne soit informé de la situation de conflit d’intérêts, après quoi ils auraient pu prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la transparence et l’absence de partialité du processus de dotation.

31 Il y avait une possibilité, perçue ou réelle, qu’un candidat se voit accorder un avantage dans le cadre d’une mesure de dotation en raison de l’influence de la fonctionnaire. Elle était perçue comme étant dans une situation d’autorité et on s’attendait à ce qu’elle prenne toutes les mesures pour éviter ou atténuer la perception de partialité. La fonctionnaire avait suivi les cours requis en matière de dotation pour avoir le droit de se voir déléguer des pouvoirs de dotation. M. Gascon avait également embauché une consultante en dotation pour aider la fonctionnaire avec ses fonctions de dotation au sein de sa division; pourtant, il a dû faire face à d’autres préoccupations quant à la participation de la fonctionnaire aux mesures de dotation. La première est survenue en janvier 2011 et concernait une autre candidate, Mme Cochrane, que la fonctionnaire a tenté d’embaucher et qu’elle a finalement embauchée en mai 2011.

32 Lorsque M. Gascon a interrogé la fonctionnaire au sujet de l’existence d’une relation entre elle-même et Mme Cochrane, elle l’a rassuré en disant qu’il n’avait pas à s’inquiéter. Elle a dit que Mme Cochrane avait déjà été sa voisine et qu’elle l’avait aidée à l’occasion. Lorsqu’il a interrogé la fonctionnaire à propos de sa tentative d’embaucher Mme Cochrane en janvier 2011, la fonctionnaire a dit à M. Gascon qu’il y avait eu un problème pour obtenir la preuve des études de Mme Cochrane et qu’elle avait espéré obtenir une exemption de cette qualification pour cette dernière. La fonctionnaire a alors directement aidé Mme Cochrane à obtenir une copie de son diplôme de son école à l’étranger. M. Gascon a trouvé étrange qu’un directeur s’implique autant auprès d’un candidat à un poste d’employé de bureau de niveau inférieur.

33 M. Gascon a communiqué avec Diane Lacelle aux Ressources humaines de la CISR et a obtenu le dossier de dotation pour le concours concernant Mme Cochrane et le fils de la fonctionnaire. Il a fixé des entrevues avec la fonctionnaire et d’autres personnes ayant participé à ces processus (pièce 3, onglet 19). Selon l’examen du dossier et les entrevues, la façon dont la candidature du fils de la fonctionnaire a réussi à être retenue pour l’un de ces processus n’était pas claire. La consultante embauchée pour aider la fonctionnaire ne le savait pas. L’agent des ressources humaines affecté au dossier a informé M. Coakeley de ses préoccupations quant à la façon dont la fonctionnaire menait ses processus de dotation. Le consensus était que l’affaire méritait une nouvelle enquête. Sur la recommandation des Ressources humaines, la question a été renvoyée à la CFP pour enquête. La fonctionnaire a été informée que le dossier avait été transféré à la CFP pour enquête, que la délégation des pouvoirs de dotation lui avait été retirée et que sa rémunération au rendement serait suspendue en attendant les résultats de l’enquête de la CFP. Après cela, la fonctionnaire a pris un congé de maladie.

34 M. Gascon a été interrogé deux fois par les enquêteurs de la CFP et il a eu la possibilité d’examiner son rapport factuel et de le commenter. Il a parlé à l’enquêteur en chef à une autre occasion afin de déterminer si le rapport final était prêt, puisque la CISR attendait avec impatience de recevoir les résultats car l’emploi de la fonctionnaire était touché. L’employeur avait besoin des résultats avant de déclarer son poste excédentaire parce que des résultats graves dans le cadre de l’enquête de la CFP auraient pu compromettre sa possibilité d’obtenir le statut d’employée excédentaire. Il n’a joué aucun rôle dans l’enquête disciplinaire.

35 En octobre 2012, la fonctionnaire a été déclarée excédentaire alors qu’une nouvelle structure a été annoncée. Cette restructuration a entraîné le démantèlement du reste de la division de la fonctionnaire, laquelle division a par la suite été éliminée, ses différents secteurs ayant été transférés à d’autres divisions au sein de la direction. L’objectif de M. Gascon était de voir la nouvelle structure en vigueur en avril 2013. À compter de septembre 2012, lui-même et la fonctionnaire ont eu des discussions au sujet de ses options de transition. Elle avait déjà déclaré qu’elle avait l’intention de prendre sa retraite en 2013. Au moment de ces discussions, elle n’avait pas été déclarée excédentaire (pièce 3, onglet 17). En réponse à sa demande d’une mesure de transition dans la carrière, M. Gascon a rencontré M. Coakeley, puisqu’il n’avait pas le pouvoir d’approuver cette demande. La fonctionnaire a été informée à de nombreuses occasions que seul le président de la CISR, en sa qualité d’administrateur général, avait le pouvoir d’approuver des mesures de transition dans la carrière. Le 13 septembre 2012, elle a demandé à être déclarée excédentaire, sachant que l’enquête de la CFP était en cours sur les mesures de dotation concernant son fils et Mme Cochrane.

36 La fonctionnaire a préparé sa liste d’exigences relativement à ce qui devait être inclus dans sa mesure de transition dans la carrière. M. Gascon les a transmises au président et aux Ressources humaines. L’intention sous-jacente à ces exigences était de constituer le fondement de la négociation d’une mesure de transition dans la carrière, même si, à ce moment, la fonctionnaire n’avait pas été déclarée excédentaire. Le président par intérim n’a pris aucune décision quant à la proposition.

37 Gregory Doucet était le conseiller en dotation de la CISR, affecté au portefeuille de M. Gascon. Son rôle consistait à donner des conseils aux gestionnaires sur les lois, les politiques et les directives qui régissent le processus de dotation de la CISR et d’aider à doter les postes vacants. Les discussions entre M. Doucet et un gestionnaire commencent lorsque ce dernier identifie un besoin. Une fois que M. Doucet a reçu une demande de dotation, la décision est prise conjointement avec le gestionnaire responsable de l’embauche sur la façon de doter le poste vacant. Si le gestionnaire responsable de l’embauche choisit de procéder par concours, il rédige l’énoncé des critères de mérite, qui comprennent les études, l’expérience, les connaissances, les compétences et les qualités personnelles requises nécessaires pour la description de travail. Les guides de cotation, comme les examens, les questions d’entrevue et le type de vérification des références, sont rédigés et évalués afin de s’assurer qu’ils sont conformes à la description de travail. Les guides de cotation sont comparés à l’énoncé des critères de mérite afin de s’assurer que les qualités qu’il indique sont adéquatement abordées. Les critères d’évaluation sont examinés afin de s’assurer qu’ils ne créent aucun obstacle pour les candidats.

38 Dès la clôture du concours, le gestionnaire délégué présélectionne les candidats en fonction de leur lettre de présentation et de leur curriculum vitae. Par la suite, ceux qui réussissent le processus de présélection rédigent l’examen. Les candidats qui réussissent l’examen sont invités aux entrevues. Après l’entrevue, les références et le profil de langue seconde du candidat retenu sont vérifiés et une enquête de sécurité est menée. Les examens doivent être administrés par le gestionnaire délégué, possiblement par son subalterne ou une personne des Ressources humaines. Le gestionnaire délégué effectue les vérifications des références et il remplit le formulaire de vérification des références.

39 Une fois qu’un candidat a été sélectionné, le gestionnaire délégué rédige une justification [traduction] « du meilleur candidat » expliquant pourquoi le candidat devrait être embauché. Ensuite, le profil de langue seconde du candidat est vérifié. Enfin, le candidat doit faire l’objet d’une enquête de sécurité. Les domaines de sélection non subjectifs sont vérifiés, comme les études. Au moment de la vérification concernant la scolarité, le candidat retenu doit en fournir la preuve avant d’être nommé, habituellement en fournissant une copie de son diplôme.

40 Le rôle du gestionnaire délégué qui participe à la dotation d’un poste est, dans l’ensemble, de s’assurer que les décisions principales qui toucheront le processus sont fondées sur des conseils qui lui ont été donnés. Le gestionnaire délégué prend les décisions qui auront un impact sur un dossier. Les représentants des Ressources humaines fournissent des conseils et formulent des recommandations, ils ne prennent pas de décision en matière de dotation. Si des problèmes surviennent pendant le processus de dotation, les Ressources humaines obtiendront des directives du gestionnaire délégué sur la façon de procéder. Par exemple, si un candidat n’est pas disponible pour un test ou une entrevue, le gestionnaire délégué décide s’il faut fixer un nouveau rendez-vous ou rejeter le candidat. Si les études d’un candidat ne peuvent être vérifiées, les Ressources humaines fourniront des conseils sur la façon d’obtenir la preuve. Ni le gestionnaire délégué ni les Ressources humaines ne communiqueront avec l’établissement d’enseignement pour obtenir un diplôme. Si un candidat ne peut fournir la preuve de ses qualifications, selon le niveau d’études, des solutions de rechange peuvent être envisagées.

41 M. Doucet était l’agent de dotation dans le cadre du processus de dotation concernant Mme Cochrane, que la CFP a examiné. Le processus a été entrepris en avril 2010 et été affiché pendant 48 heures en août 2010. Sur les candidats retenus pour passer l’examen en septembre 2010, trois l’ont réussi. Les trois avaient déjà été des employés occasionnels de la CISR. Sur les trois, une seule a pu démontrer qu’elle respectait l’exigence relative aux études. Mme Cochrane faisait partie des deux candidats qui ne pouvaient le faire.

42 La fonctionnaire savait que Mme Cochrane n’avait pas réussi à démontrer qu’elle respectait les exigences relatives aux études. Elle a demandé à M. Doucet de communiquer avec l’école pour obtenir une copie du diplôme au nom de Mme Cochrane, ce qu’il a fait en envoyant un courriel, qui est resté sans réponse. Comme il ne recevait pas la preuve requise ou une confirmation des efforts de Mme Cochrane pour l’obtenir, M. Doucet a consulté son gestionnaire et le directeur des Ressources humaines. Le directeur a fourni des solutions de rechange à l’obtention d’une copie du diplôme, y compris celle d’avoir le test de la CFP de Mme Cochrane, ce qui n’est pas arrivé.

43 La fonctionnaire s’est plutôt donné beaucoup de mal pour aider Mme Cochrane à obtenir la preuve de ses études à l’étranger. Comme elle n’a pas réussi à les obtenir, elle a envoyé un courriel à M. Doucet pour lui indiquer que, compte tenu de tous les efforts consacrés par Mme Cochrane et d’autres personnes pour obtenir la preuve, elle était convaincue que cette dernière respectait l’exigence relative aux études et lui a demandé d’offrir à Mme Cochrane un emploi pour une durée indéterminée dès que cette dernière aurait obtenu son autorisation de sécurité (pièce 3, onglet 10). Les Ressources humaines n’ont pas préparé la lettre d’offre tel qu’il a été demandé et ils ont recommandé que le poste classifié CR-04 soit offert à un autre candidat.

44 Mme McEwan a choisi de faire un autre concours pour un poste classifié CR-04 et, à ce moment, il a été affiché à l’externe. Elle a décidé de continuer avec un énoncé modifié des critères de mérite dans lequel les exigences relatives aux études pour un CR-04 sont réduites au minimum en vertu des Normes de qualification du Conseil du Trésor pour le groupe CR. Les résultats du premier concours ont été reportés au deuxième et les candidats originaux ont fait l’objet d’un nouvel examen de sélection. La seule personne qui a profité du changement en ce qui concerne les qualifications était Mme Cochrane.

45 Le fils de la fonctionnaire a posé sa candidature au poste CR-04 dans le cadre du deuxième concours. M. Doucet a découvert à l’étape de présélection que ce candidat, Shawn McEwan, était lié à la fonctionnaire. Suzanne Mahoney, la consultante embauchée par la CISR pour aider la fonctionnaire dans le cadre de ses processus de dotation, est venue voir M. Doucet avec les curriculum vitae qu’elle avait examinés. Elle a indiqué que l’un des candidats avait le même nom de famille que la fonctionnaire et qu’il n’était pas disponible durant une période précise.

46 Lorsque M. Doucet a parcouru la demande de M. McEwan, rien n’indiquait lorsqu’il était disponible ou pas. Curieux, M. Doucet a demandé à Mme Mahoney comment elle était au courant de la disponibilité de M. McEwan. M. Doucet est alors allé voir la fonctionnaire et lui a demandé si elle savait que son fils avait posé sa candidature au concours; elle a déclaré qu’elle était au courant. Elle a également dit à M. Doucet qu’elle avait informé Mme Mahoney de la disponibilité de son fils. Mme Mahoney a nié le fait que la fonctionnaire lui ait communiqué les dates de disponibilité. Enfin, la fonctionnaire a dit à M. Doucet que, étant donné que son fils était un candidat, elle souhaitait être libre de tout lien afin d’éviter de se trouver en situation de conflit d’intérêts. Mme Mahoney devait faire toutes les évaluations.

47 M. Doucet a alors tout dit à Mme Mahoney. De plus, il lui a dit que la fonctionnaire avait soutenu avoir avisé Mme Mahoney que son fils serait un candidat. Mme Mahoney s’est fâchée et a répondu qu’elle ne voulait rien avoir à faire avec le concours et qu’il devrait sortir de son bureau. M. Doucet a signalé la situation à son gestionnaire, qui lui a dit que puisque la fonctionnaire avait déclaré qu’elle ne participerait pas au processus, il n’y avait aucune inquiétude à avoir à ce moment-là.

48 Le problème était que la fonctionnaire avait autorisé l’énoncé des critères de mérite, les outils d’évaluation et les critères [traduction] « du meilleur candidat ». De plus, elle avait décidé de reporter l’examen de son fils lorsqu’il a omis de se présenter. En temps normal, les raisons données par son fils en ce qui concerne son absence à l’examen n’étaient pas suffisantes pour justifier un report. Il n’a envoyé aucun message au sujet d’un report. La fonctionnaire était l’intermédiaire, transmettant les renseignements de son fils aux Ressources humaines.

49 Lors de la vérification des évaluations de langue seconde, le nom de M. McEwan figurait sur la liste que Mme Mahoney avait fournie à M. Doucet. La fonctionnaire a reçu une copie conforme de la liste. M. Doucet se demandait pourquoi, puisque la fonctionnaire avait indiqué qu’elle souhaitait être libre de tout lien avec ce concours, mais comme il n’y avait aucune incidence sur la réussite d’un candidat, il n’a rien dit. Il ne savait pas que la fonctionnaire communiquait directement avec son fils au sujet du concours.

50 Durant le premier concours CR-04, des rumeurs avaient circulé selon lesquelles la fonctionnaire et Mme Cochrane étaient des amies et que cette dernière avait été la femme de ménage de la fonctionnaire. Lorsque la demande de dotation et l’explication [traduction] « du meilleur candidat » ont été transmises aux ressources humaines, signées par la fonctionnaire, il n’y avait aucune divulgation relative à une relation quelconque entre la fonctionnaire et Mme Cochrane. M. Doucet a également soulevé cette question auprès de M. Gascon.

51 Au bout du compte, Mme Cochrane a été nommée à un poste pour une durée indéterminée, classifié CR-04 et désigné anglais essentiel. Elle n’a pas occupé ce poste pendant très longtemps puisqu’elle a été mutée à un autre poste à la salle du courrier, laissant son poste vacant et disponible pour la nomination du fils de Mme McEwan. Avant que cela se produise, la fonctionnaire a consulté M. Doucet. Elle souhaitait connaître ses options en ce qui concerne le placement d’une personne à un poste occupé par une autre personne qui prendrait bientôt sa retraite. Elle ne voulait pas dire à M. Doucet qui elle souhaitait muter, mais elle a indiqué que c’était urgent.

52 Le 30 mai 2011, la fonctionnaire a présenté la demande de mutation de Mme Cochrane à la salle du courrier et, le 31 mai 2011, les documents étaient remplis. En juin 2011, M. Doucet a reçu le formulaire de demande de dotation et l’évaluation [traduction] « du meilleur candidat » en vue de nommer M. McEwan. Par la suite, M. Doucet a envoyé un courriel à M. Gascon pour l’aviser de l’intention de la fonctionnaire.

53 Michel-Eric Theriault, directeur de la Dotation et des relations de travail à la CISR, a témoigné au sujet des responsabilités du gestionnaire délégué dans le cadre d’un processus de dotation. Le gestionnaire est responsable de toutes les décisions prises en ce qui concerne le dossier. La division du service de dotation des ressources humaines du siège de la CISR examine un dossier de dotation avant d’envoyer une lettre d’offre à un candidat retenu. Si le dossier n’est pas conforme, la lacune est notée et une lettre d’offre ne devrait alors pas être envoyée. Cependant, il revient toujours au gestionnaire délégué d’ordonner qu’une lettre d’offre soit envoyée. Le service de dotation ne surveille pas les conflits d’intérêts ou le comportement d’un gestionnaire dans le cadre d’un processus de dotation. S’il y a des préoccupations au sujet du comportement d’un gestionnaire, le conseiller en dotation les soulève auprès du gestionnaire délégué. S’il n’y a pas de changement, les préoccupations sont alors transmises au niveau hiérarchique suivant. Le Service de dotation du siège de la CISR a soulevé ses préoccupations auprès de M. Gascon en ce qui concerne les mesures de dotation concernant Mme Cochrane et M. McEwan.

54 Mme McEwan a indiqué dans son témoignage qu’elle a obtenu sa délégation des pouvoirs de dotation après avoir terminé la formation requise à l’École de la fonction publique du Canada en 2003. Depuis, elle a refait le cours de perfectionnement obligatoire deux fois. Elle a été la gestionnaire déléguée dans de nombreux processus de dotation. En raison de son importante charge de travail en 2010 et en 2011, elle était trop occupée pour s’occuper de la dotation, alors une consultante a été embauchée pour s’en occuper. Le bureau d’approvisionnement a choisi Mme Mahoney pour s’occuper de la dotation et de la planification des ressources humaines pour la division de Mme McEwan en fonction des priorités que cette dernière lui a expliquées. Mme McEwan l’a informée qu’elle était trop occupée avec d’autres tâches dans ce domaine et qu’elle devait travailler de façon indépendante. Mme McEwan devait être consultée pour toutes les décisions prises. En somme, Mme Mahoney a fourni son aide pour environ 20 processus de dotation, y compris l’embauche d’employés occasionnels, les affectations intérimaires, les programmes d’affectation spéciale pour la retraite (ASR) et la dotation régulière. Mme McEwan et Mme Mahoney communiquaient principalement par courriel.

55 Mme Mahoney a préparé une partie du plan des ressources humaines de Mme McEwan et a rempli tous les formulaires de demande de mesures de dotation qui devaient être approuvés par les Ressources humaines et le gestionnaire délégué. Les Ressources humaines ont préparé les descriptions de travail et les énoncés de critères de mérite. Normalement, ce sont les gestionnaires délégués qui rédigent les énoncés de critères de mérite. Cependant, pour les mesures de dotation qui ont fait l’objet de l’examen de la CFP, Mme Mahoney a rempli les descriptions de travail conjointement avec l’agent des ressources humaines affecté au dossier. Mme McEwan a ensuite approuvé les descriptions de travail. Mme McEwan a décidé que, plutôt qu’un examen existant, un examen mis à jour serait utilisé.

56 Les demandes pour le poste étaient reçues par les Ressources humaines puis envoyées à Mme Mahoney, qui s’occupe du tri. En août 2010, le fils de Mme McEwan cherchait un emploi à temps plein dans les secteurs public et privé. À la dernière minute, il a postulé le poste vacant dans le secteur de Mme McEwan. Mme Mahoney a supervisé et noté les examens. Elle-même et deux autres personnes ont mené les entrevues. Mme McEwan n’a pas participé au processus d’entrevue. Mme Mahoney et le représentant des ressources humaines ont décidé d’accorder aux candidats des notes totales plutôt que d’utiliser un scénario [traduction] « du meilleur candidat ». Mme McEwan a approuvé la méthode choisie par Mme Mahoney.

57 Mme Cochrane s’est classée première parmi les candidats. Mme McEwan et Mme Cochrane se connaissaient en dehors de la CISR, puisqu’elles avaient été voisines 23 ans plus tôt. Elles ont été voisines pendant environ dix mois, après quoi elles n’ont plus eu de contact pendant plus de dix ans. Elles se sont revues alors qu’elles travaillaient toutes les deux au théâtre Centrepointe. À la suite de leurs retrouvailles, Mme Cochrane a fait de petits travaux pour Mme McEwan, comme l’aider à déménager et à faire de l’aménagement paysager. Mme McEwan a communiqué ces renseignements à M. Gascon, des ressources humaines, et à trois autres gestionnaires.

58 Mme Cochrane a d’abord été embauchée par l’un des collègues de Mme McEwan, à qui cette dernière avait fourni le curriculum vitae de Mme Cochrane. Lorsqu’elle a été choisie comme candidate potentielle pour un poste dans le secteur de Mme McEwan, Mme Cochrane a éprouvé des difficultés à confirmer sa scolarité, puisqu’elle avait étudié en Angleterre. Mme McEwan a demandé à M. Doucet, l’agent des ressources humaines responsable du concours en son nom, de communiquer avec le British Board of Education pour tenter d’obtenir une copie du diplôme de Mme Cochrane. Comme il n’a pas réussi, Mme McEwan l’a fait elle-même, ce qui n’était pas inhabituel puisqu’elle l’avait fait pour d’autres employés (voir les courriels annexés à la pièce 22, onglet 2).

59 Lorsqu’il est devenu évident que les qualifications de Mme Cochrane ne pouvaient être confirmées, un autre processus de dotation a été effectué. En collaboration avec les Ressources humaines, Mme McEwan a décidé de reporter les résultats du premier processus au deuxième processus et de diminuer les exigences relatives aux études, ce qui signifie que deux des candidats du premier concours, dont Mme Cochrane, étaient dorénavant qualifiés. L’énoncé des critères de mérite a été modifié pour qu’il tienne compte des exigences réduites relatives aux études. Mme McEwan a informé M. Gascon des changements. Le fils de Mme McEwan a postulé au deuxième concours. Il l’a annoncé à sa mère par téléphone quelques jours après avoir postulé. Mme McEwan savait que son fils verrait l’avis du concours puisqu’elle lui avait installé une alerte l’avisant de tous les postes vacants classifiés au groupe CR dans la fonction publique.

60 Mme McEwan a informé Mme Mahoney que Shane McEwan était son fils. M. Doucet a demandé à Mme McEwan si elle connaissait Shane McEwan. Mme McEwan a confirmé la conversation qu’elle avait eue avec Mme Mahoney. M. Doucet a informé Mme McEwan que l’employeur ne pouvait empêcher les membres de la famille de poser leur candidature à des concours et qu’il vérifierait auprès de son superviseur la façon dont l’affaire devrait être traitée. Mme McEwan a indiqué dans son témoignage qu’elle avait avisé M. Doucet qu’elle ne souhaitait pas s’occuper de ce processus de dotation et qu’il devait traiter directement avec Mme Mahoney. Elle n’a pas participé à la sélection des candidats et n’a pas signé les documents liés au processus.

61 Lorsque son fils ne s’est pas présenté à son entrevue, Mme McEwan a décidé qu’elle pouvait reporter l’entrevue pour cause de diligence raisonnable. Elle n’aurait pas dû répondre au courriel l’avisant que son fils ne s’était pas présenté à son entrevue. Cela n’était pas du tout approprié, puisqu’elle savait qu’elle ne pouvait être libre de tout lien avec le processus si elle répondait, mais elle avait des renseignements au sujet du candidat et de sa disponibilité. Elle aurait dû laisser Mme Mahoney répondre. Mme McEwan a également aidé son fils à obtenir une référence d’un certain Dr Foster, même si personne ne lui avait posé de questions au sujet des détails.

62 Après la sélection des candidats, neuf d’entre eux ont été placés dans un répertoire de candidats qualifiés. Mme McEwan savait que Mme Cochrane et son propre fils avaient été classés premier et deuxième respectivement dans le concours visant la désignation anglais essentiel. Vers la même époque, Mme McEwan a appris qu’un autre employé avait l’intention de prendre sa retraite d’un poste désigné anglais essentiel à la salle du courrier, ce qui signifiait qu’elle avait deux postes classifiés au groupe CR disponibles dans sa division. Elle avait l’intention de doter les deux postes à partir du répertoire existant de candidats après la création d’un deuxième avis, mais n’a pu utiliser le même répertoire des candidats pour doter les postes avec différents énoncés de critères de mérite. Mme Cochrane a été embauchée à la suite du premier concours et a par la suite été mutée, à sa demande, à un poste dans la salle du courrier (pièce 3, onglet 9, page 88), laissant vacant le poste classifié au groupe CR.

63 Après la mutation de Mme Cochrane à la salle du courrier, Mme McEwan avait un poste vacant classifié au groupe CR. Le répertoire original de candidats a été utilisé pour le doter. Le candidat admissible suivant était Shane McEwan. Mme McEwan savait qu’elle ne pouvait signer une lettre offrant à son fils le poste et c’est pourquoi elle a demandé à M. Doucet de rédiger la lettre aux fins de signature par M. Gascon. Un financement a été obtenu pour des postes temporaires classifiés au groupe CR, qui ont été offerts aux autres candidats du répertoire.

64 Lorsque l’ébauche de la lettre d’offre a été rédigée, Mme McEwan l’a remise à M. Gascon et lui a parlé de ce qui était arrivé et de la raison pour laquelle sa signature était requise. Elle a présenté ses excuses pour ne pas le lui avoir dit plus tôt. Il lui a demandé de lui laisser la lettre et a dit qu’il allait l’examiner. Il a ajouté qu’il ne signerait pas la lettre d’offre tant qu’il ne serait pas satisfait du processus. Mme McEwan était embarrassée et fâchée de ne pas lui avoir dit plus tôt, mais elle ne s’attendait pas à ce que son fils soit admissible au poste. Elle a offert d’être mutée à un autre poste si M. Gascon était d’avis qu’elle n’avait pas traité la question de façon appropriée afin de s’assurer que son fils obtienne un emploi et ne relève pas d’elle.

65 Après avoir pris le temps d’évaluer la situation, M. Gascon a appelé Mme McEwan afin de la rencontrer avec le directeur général des Ressources humaines. Ce n’est qu’à cette réunion que Mme McEwan a commencé à comprendre la gravité de la situation. Après la réunion, elle a communiqué avec son fils et lui a demandé de se retirer du concours, ce qu’il a fait. Le procès-verbal de la réunion a été fourni à Mme McEwan pour commentaires. Elle a reconnu la plupart des éléments qui étaient consignés, sauf qu’elle n’était pas d’accord avec le fait qu’elle n’avait pas informé le jury que son fils était l’un des candidats.

66 Mme McEwan a reconnu qu’il n’était pas approprié de se fier aux conseils du personnel subalterne. Elle avait spécifiquement demandé à M. Doucet de parler à ses supérieurs. Mme Sonia Marcotte, la gestionnaire de M. Doucet, était l’homologue de Mme McEwan et elle était au courant de la relation de cette dernière avec Mme Cochrane et Shane McEwan. Mme McEwan a parlé avec M. Gascon à plus d’une occasion au sujet du fait qu’elle connaissait Mme Cochrane. Elle lui a donné une explication complète et honnête de leur relation. Selon Mme McEwan, il convenait de décrire Mme Cochrane comme une connaissance, elles n’étaient pas des amies.

67 Après le retrait de sa délégation des pouvoirs de dotation, on a demandé à Mme McEwan d’entreprendre une série de projets, dont l’un consistait en l’examen de la direction afin de réduire les dépenses en vertu de l’« Examen stratégique et fonctionnel » et du « plan d’action pour la réduction du déficit » du gouvernement fédéral. Dans le cadre de cet examen, elle s’est penchée sur ses propres secteurs, qui étaient étrangement placés comparativement aux autres ministères. Elle a conclu que, si le travail était organisé différemment, son poste de directeur pouvait être éliminé.

68 Lorsque la fonctionnaire est revenue de son congé de maladie en octobre 2011, elle a été avisée qu’elle était une employée touchée et s’est vu remettre des documents de transition dans la carrière, une copie de la politique sur la transition dans la carrière et les conditions d’emploi des gestionnaires. Elle a reçu sa lettre d’option (pièce 21) le 28 juin 2012. Elle a choisi l’option 1 qui était à sa disposition, soit le départ et l’option de transition dans la carrière, après avoir négocié avec M. Gascon en ce qui concerne la mesure dont elle devait bénéficier. Elle a fait parvenir la confirmation de son choix d’option à l’assistant de M. Gascon (pièce 9). Elle a été déclarée employée excédentaire le 25 octobre 2012.

69 Le 7 janvier 2013, la fonctionnaire a été avisée qu’en raison de l’enquête en cours de la CFP et de l’enquête interne, la CISR suspendait toutes les négociations relatives à une entente de transition dans la carrière en attendant le résultat des enquêtes (voir la lettre à la pièce 22, onglet 6). Par conséquent, le formulaire de sélection de l’option de transition dans la carrière, y compris l’intention de démissionner de Mme McEwan, a été considéré comme étant sans effet.

70 L’avocat de Mme McEwan a envoyé une lettre à la CISR pour contester le manquement possible à l’entente de transition dans la carrière (pièce 22, onglet 7). La CISR a répondu qu’il était prématuré de présenter un grief puisqu’aucune décision n’avait été prise et que les négociations pourraient reprendre à la conclusion des enquêtes (pièce 22, onglet 8).

71 En sa qualité de directrice, la fonctionnaire a participé au processus budgétaire de la direction et elle avait des pouvoirs de dépenses sur le budget de sa division. Lorsqu’elle est revenue de son congé de maladie, à l’automne 2011, elle n’avait aucune restriction quant à son rôle relativement au budget et à l’approvisionnement ou quant à la supervision des subalternes. À son retour, la délégation des pouvoirs de dotation lui a été retirée, et M. Gascon a assumé les fonctions de dotation pour son secteur. Elle a également appris que l’examen de son rendement avait été mis en suspens en attendant la fin de l’enquête de la CFP. C’est la seule restriction qui lui a été imposée pendant que l’enquête de la CFP et l’enquête interne étaient en cours. Elle prenait toujours part au processus de dotation, mais pas en tant que gestionnaire déléguée.

72 Mme McEwan a participé à un nombre qui se situe entre 10 et 30 processus de dotation au Commissariat à l’information du Canada entre 2007 et 2008 en sa qualité de directrice générale, dont elle était responsable. Elle était également conseillère principale au commissaire à l’information relativement au Code durant cette période. Son intégrité n’a pas été remise en question. À partir de 2008, elle a obtenu une délégation des pouvoirs de dotation à la CISR et a participé à un nombre se situant entre 5 et 10 processus de dotation en tant que gestionnaire déléguée. Avant les incidents qui ont fait l’objet de l’enquête de la CFP, la CISR n’avait aucune préoccupation au sujet de son intégrité. Mme McEwan savait qu’il fallait signaler un conflit d’intérêts potentiel. Elle a suivi une formation sur les conflits d’intérêts en ce qui concerne les biens personnels et l’après-emploi. La formation portait sur ce qu’il fallait faire si l’on était en présence d’un conflit d’intérêts potentiel.

73 Mme McEwan a estimé qu’en raison de son licenciement, elle a perdu plus de 123 000 $ en rémunération au rendement, en avantages sociaux et en assurance pour les cadres. Elle a reçu une rémunération au rendement chaque année jusqu’en 2010-2011, époque où elle a été suspendue en attendant le résultat des enquêtes.

74 En contre-interrogatoire, la nature des relations entre Mme McEwan et ses employés a été examinée. En particulier, la relation avec un certain M. Patel, qui a créé des plans pour Mme McEwan alors qu’elle construisait une maison (pièce 25). Elle ne lui a pas demandé de dessiner des plans, mais il souhaitait faire quelque chose de bien pour elle et il les lui a envoyés en décembre 2010. Les deux personnes se sont échangées des courriels au sujet des plans (pièce 25) et, le 31 janvier 2011, il lui a envoyé une autre version des plans. Le 9 février 2011, il s’est engagé à mettre à jour les plans, ce qu’il a fait le 11 février et encore une fois le 9 mars 2011. Mme McEwan n’a pas divulgué à son employeur le fait que M. Patel travaillait sur des dessins de bâtiment pour elle. Selon Mme McEwan, elle a avisé M. Patel à de nombreuses occasions qu’il ne devrait pas travailler aux dessins de bâtiment pour elle. Lorsqu’il a offert d’effectuer des travaux de peinture, elle a refusé.

75 M. Patel ne s’entendait pas bien avec son superviseur de sorte que Mme McEwan a pris des dispositions pour qu’il relève directement d’elle. Elle l’a aidé à faire reconnaître au Canada son diplôme obtenu en Inde. Elle lui a fourni des références d’emploi. Il a apprécié son aide et lui a envoyé un courriel de Saint-Valentin. Elle ne voulait pas le blesser, alors elle lui a permis de continuer à faire des plans de bâtiment pour elle.

76 Mme McEwan a cherché activement un emploi pour son fils. Elle a tâté le terrain auprès de ses collègues (pièce 3, onglet 9) pour lui trouver des possibilités d’emploi. La lettre de recommandation qu’elle aurait écrite pour signature par le Dr Forster au sujet de son fils visait un autre processus et non celui dans son secteur. Elle ne savait pas si son fils avait utilisé la lettre du Dr Forster pour le processus de dotation dans son secteur. M. Doucet a confirmé qu’il l’avait utilisée à l’appui de sa demande et qu’elle se trouvait dans le dossier de dotation pour le poste classifié au groupe CR dans le secteur de la fonctionnaire.

77 Mme McEwan a siégé au conseil d’administration de la Savoy Society avec le Dr Forster et Mme Cochrane. Elle a échangé plus de 61 courriels personnels avec Mme Cochrane durant la période où les concours avaient lieu (pièce 3, onglet 9, pages 53 à 58). Malgré le fait qu’elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait avisé M. Doucet de la relation qu’elle entretenait avec Mme Cochrane, Mme McEwan a déclaré qu’elle aurait dû divulguer les courriels par souci de transparence. De plus, elle n’a pas divulgué que Mme Cochrane l’avait aidée à préparer son déménagement et qu’elle se trouvait chez elle. Elle n’a pas fraternisé avec Mme Cochrane, qui l’a simplement aidée à faire des choses. Elles ont communiqué fréquemment sur de nombreux sujets, y compris les courriels inclus aux pièces 31 et 32, qui étaient de nature personnelle et ne visaient pas les affaires. Mme Cochrane lui a envoyé des courriels, comme les pièces 33 et 34, alors qu’elle était une candidate au deuxième concours. Il est arrivé que Mme McEwan demande à Mme Cochrane de lui ramasser des cigarettes ou de la peinture.

78 Dès le début, l’intention de Mme McEwan était de nommer Mme Cochrane au poste de la salle du courrier, même si elle n’avait pas demandé à y être mutée. Le titulaire de ce poste a donné son avis de départ à la retraite le 3 mai 2011, alors que Mme Cochrane était toujours une employée occasionnelle. Il était peu probable qu’elle ait demandé à être mutée à la salle du courrier alors qu’elle était toujours une employée occasionnelle. Mme McEwan a décidé de la muter à la salle du courrier avant son embauche car, à ce stade, elle connaissait les résultats du concours. Mme Cochrane a été embauchée le 25 mai 2011, et a été mutée à la salle du courrier le 31 mai 2011. Le poste vacant dans la salle du courrier était une possibilité pour la fonctionnaire de créer un autre poste vacant et d’y nommer son fils. On aurait offert le poste à la personne suivante dans le répertoire d’admissibilité, peu importe son identité, mais Mme McEwan avait réalisé que son fils était cette personne.

79 Mme McEwan a admis qu’elle n’avait pas été franche quant à sa relation avec le Dr Foster et sa participation à la rédaction d’une lettre de recommandation pour son fils. Elle a effectivement informé la CFP que Mme Cochrane était une connaissance et non pas une amie. Elle a admis son omission de présenter le formulaire de conflit d’intérêts; il s’agissait d’omissions absurdes dans tous les cas. À tout le moins, elle aurait dû se récuser des processus de dotation auxquels participaient son fils et Mme Cochrane.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

80 Ce grief comporte deux volets : le premier concerne l’entente de transition de carrière et le deuxième, le licenciement de la fonctionnaire. L’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission visant à rétablir une entente de transition dans la carrière, car cela est clairement en dehors de la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’article 209 de la LRTFP, laquelle précise l’étendue de la compétence d’un arbitre de griefs à l’égard des affaires liées à la convention collective et aux mesures disciplinaires donnant lieu à un licenciement, à une suspension ou à une sanction pécuniaire.

81 La lettre de l’employeur de janvier 2013 (pièce 22, onglet 6) indique clairement que l’employeur suspendait les négociations sur l’entente de transition en attendant l’achèvement des enquêtes sur les mesures de dotation prises par la fonctionnaire. La fonctionnaire a peut-être indiqué son choix de possibilité de carrière, mais elle et la CISR n’ont jamais signé d’entente. La décision de suspendre les négociations était peut-être susceptible de faire l’objet d’un grief en vertu de l’article 208 de la LRTFP, mais elle ne pouvait pas être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’article 209. L’instance appropriée pour examiner la décision de l’employeur était la Cour fédérale (Khalid c. Canada (Conseil national de recherches), 2013 CF 438). L’article 209 limite la compétence des arbitres de grief.

82 Dans cette lettre, l’employeur renvoie le fonctionnaire à la « Directive sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs » (pièce 3, onglet 24). L’article 2.5 de l’annexe C de ce document décrit les directives pour l’élaboration d’une entente de transition dans la carrière. Conformément à l’article 5.1 de la directive, la seule personne déléguée pour négocier et conclure une telle entente avec un cadre est l’administrateur général, ce dont la fonctionnaire était clairement informée. Il n’y avait aucun malentendu à l’égard du fait que M. Gascon avait le pouvoir de négocier et de conclure une telle entente.

83 Lorsqu’elle a été informée que les négociations de l’entente de transition dans la carrière avaient été suspendues, la fonctionnaire était bien au fait qu’elle faisait l’objet d’une enquête. Aucune entente n’avait été conclue. Elle était au courant de tous les faits. Les règles normales régissant les marchés s’appliquent. Il n’y avait aucune rencontre des volontés entre les parties principales à l’entente. Même si un arbitre de grief a le pouvoir d’ordonner le rétablissement de l’entente de transition dans la carrière, un arbitre de grief ne peut ordonner le rétablissement d’une entente inexistante.

84 À l’appui à sa décision de licencier la fonctionnaire, il incombait à l’employeur de démontrer qu’elle avait commis des actes d’inconduite justifiant une mesure disciplinaire, qu’il n’y avait aucun facteur atténuant, que la conduite n’était pas tolérée et que la mesure disciplinaire imposée était raisonnable et appropriée dans les circonstances. L’inconduite alléguée dans le cas présent était un conflit d’intérêts qui a mené à une contravention au Code.

85 Le critère relatif à un conflit d’intérêts dans la fonction publique est établi dans Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et services gouvernementaux),2008 CRTFP 62. La Cour fédérale a tranché que le critère approprié est le critère de l’« homme raisonnable » (Threader c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 1 C.F. 41 (C.A.), à la page 12). Selon l’ensemble de la preuve, la question consiste à déterminer si une personne raisonnable, qui est informée, pouvait conclure que les intérêts de la fonctionnaire entraient en conflit avec l’intérêt du public en matière de transparence. La réponse à cette question est « oui ».

86 Il était implicitement admis dans le témoignage de la fonctionnaire qu’il y avait un conflit d’intérêts potentiel ou réel justifiant une mesure disciplinaire. La question consiste alors à déterminer le caractère raisonnable de la sanction. La fonctionnaire connaissait le Code. Elle travaillait avec celui-ci et conseillait la direction sur son application, ce qui justifie la plus grave des sanctions. Son poste au sein de l’organisation est un autre facteur à prendre en considération au moment de déterminer la sanction appropriée. Elle occupait un poste de cadre supérieur et elle était tenue de se conformer à une norme supérieure qu’une personne occupant un poste d’un niveau inférieur (Brazeau, aux paragr. 165 à 170).

87 Les faits ont démontré qu’il existe deux motifs pour conclure que la fonctionnaire était dans une situation de conflit d’intérêts réelle. Elle a reconnu qu’elle se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts lorsqu’elle a tenté d’embaucher son fils. Elle a admis qu’elle aurait dû se récuser du concours ou, à tout le moins, qu’elle aurait dû signer un rapport de conflit d’intérêts. Au début, elle a indiqué aux Ressources humaines qu’elle souhaitait être libre de tout lien avec le concours; cependant, ce n’est pas ce qu’elle a fait. Elle a pris la décision de reporter l’entrevue manquée par son fils et elle est intervenue en d’autres occasions dans le processus. Elle a plaidé en faveur de son fils, comme il est démontré de façon évidente dans son courriel à M. Doucet en appui à la poursuite de la participation de son fils au processus (pièce 3, onglet 9, page 37). Ce courriel n’était pas une réponse à une question posée par M. Doucet dans le cadre habituel du travail. Le fait qu’elle ait plaidé en faveur de son fils dans le cadre du processus était inapproprié.

88 Les efforts de la fonctionnaire pour veiller à ce que le curriculum vitae de son fils soit à jour et ses communications avec le Dr Forster pour veiller à ce que son fils ait une lettre de recommandation étaient également inappropriés. Elle a fait valoir que la lettre de recommandation était pour un autre concours, mais le moment de son courriel au Dr Forster concernant la lettre de recommandation présentée par son fils dans le cadre du concours, soit le 5 avril 2011 (pièce 28), et la date de l’entrevue, soit le 7 avril 2011, n’était pas une coïncidence.

89 L’employeur a établi que Mme McEwan était en situation de conflit d’intérêts en ce qui concerne la candidature de son fils. Elle n’en a rien dit à son gestionnaire, M. Gascon, jusqu’au moment où elle lui a demandé de signer la lettre d’offre. Dans sa lettre d’offre originale (pièce 3, onglet 21), la fonctionnaire a été informée qu’en l’acceptant, elle reconnaissait avoir reçu le Code et acceptait le fait qu’il faisait partie intégrante des conditions d’emploi. En outre, elle a témoigné qu’elle connaissait ses obligations en vertu du Code et qu’elle avait déjà agi en une occasion à titre de conseillère spéciale sur le sujet auprès de la haute direction.

90 Le Code exige des membres de la fonction publique qu’ils agissent en tout temps d’une façon qui maintient la confiance du public. Il ne suffit pas d’agir simplement dans les limites de la loi. Le conflit d’intérêts relativement à l’obligation de la fonctionnaire relativement à son fils et son amie doit être réglé en faveur de l’intérêt public. Elle savait qu’il y avait un problème lié à sa participation à un concours dans lequel son fils était candidat; elle a dit aux Ressources humaines qu’elle souhaitait n’avoir aucun lien de dépendance avec ce concours. Le Code exige qu’un fonctionnaire consulte et demande des conseils à son gestionnaire ou à la personne désignée par l’administrateur général, s’il n’est pas certain si les circonstances constituent un conflit d’intérêts (pièce 3, onglet 22, aux pages 14, et 19 à 21). La fonctionnaire n’a pas consulté son gestionnaire jusqu’à ce que l’embauche de son fils ait été un fait accompli.

91 Selon la preuve présentée, la fonctionnaire était également dans une situation de conflit d’intérêts vis-à-vis Mme Cochrane. La fonctionnaire a déclaré que Mme Cochrane était une connaissance qui faisait des travaux pour elle à l’occasion. L’arbitre de grief a la liberté conclure qu’elles avaient une relation personnelle proche qui n’a pas été pleinement divulguée à l’employeur, même à l’audience. Dans le témoignage de la fonctionnaire, elle a décrit sa relation avec Mme Cochrane comme étant quelque chose entre une connaissance et une amie proche. Ce témoignage peut être rejeté à la lumière des courriels présentés (pièces 31 à 35, inclusivement) lesquels démontrent une relation personnelle intime.

92 Le fonctionnaire a témoigné qu’elle avait divulgué sa relation avec Mme Cochrane à M. Gascon. L’étendue de la divulgation et son témoignage diffèrent complètement. La version la plus crédible quant à l’étendue de sa divulgation est celle présentée par M. Gascon. Selon son témoignage, lorsqu’il a eu connaissance que la fonctionnaire avait possiblement embauché sa préposée à l’entretien des chambres, il a eu une discussion avec elle au cours de laquelle elle l’a assuré qu’il n’y avait pas lieu à s’inquiéter. Elles avaient été voisines 22 ans plus tôt pendant une période de 10 mois et n’avaient refait connaissance que récemment. Elle n’a jamais divulgué la vraie nature de la relation, c’est-à-dire qu’elles siégeaient toutes deux au conseil d’administration de la Savoy Society ou que Mme Cochrane faisait un certain nombre de choses pour elle, autres que des petits travaux. La fonctionnaire n’a pas admis l’étendue de leur relation avant que des documents lui soient présentés en contre-interrogatoire.

93 Mme Cochrane a décrit sa relation avec la fonctionnaire lorsqu’elle a été interviewée par la CFP. L’employeur avait le droit de se fier au rapport de la CFP et à son rapport d’enquête interne, qui reposait sur le rapport de la CFP (voir Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, aux paragr. 201 à 202 et 206 à 211). La fonctionnaire ne pouvait être surprise par le contenu de ces rapports, car elle avait présenté deux réponses au rapport de la CFP et elle avait eu l’occasion de commenter le rapport de la CISR.

94 La perception de Mme Cochrane de sa relation avec la fonctionnaire est très différente. Dans son entrevue avec la CFP, Mme Cochrane a décrit une relation beaucoup plus intime (pièce 3, onglet 10, page 23). Sa preuve était plutôt cohérente; leur relation avait évolué allant de simples connaissances à quelque chose de plus personnel. Les courriels échangés par celles-ci laissent supposer une relation plus importante que ce que la fonctionnaire a décrit. Il existe une relation de confiance, comme le démontre l’accès de Mme Cochrane à la fonctionnaire et à sa résidence. Les courriels échangés entre les deux (pièces 31 à 35) ne correspondent pas à ce qu’une personne enverrait normalement à sa directrice. Une directrice n’enverrait pas une chaîne de courriels d’amitié à une connaissance ou à une employée. Mme Cochrane était la seule employée au bureau à qui ce courriel a été envoyé.

95 Le fait que la fonctionnaire soit prête à mettre sa tête sur le billot et prenne le risque que Mme Cochrane réponde aux exigences en matière d’étude pour le concours, même s’il elle n’en avait aucune preuve, démontre la nature de leur relation. S’il ne s’agissait que d’une connaissance, il aurait été irresponsable pour la fonctionnaire de prendre ce risque. Elle a persisté à nommer Mme Cochrane au poste et a plaidé en sa faveur pour y parvenir (pièce 3, onglet 9, pages 2 et 3). Cela révèle une relation plus intime que celle qu’elle a divulguée à son employeur. Il est évident que la fonctionnaire avait l’intention d’offrir à Mme Cochrane un poste pour une période indéterminée, qu’elle a veillé à ce que Mme Cochrane occupe un emploi occasionnel à la CISR et qu’elle a plaidé en sa faveur. Cette relation personnelle intime entrait en conflit avec ses obligations professionnelles.

96 Au cours du deuxième processus de dotation, dans le cadre duquel Mme Cochrane a été mutée à la salle du courrier, cette dernière effectuait des travaux pour la fonctionnaire relativement à son déménagement. Il est évident que l’intention de la fonctionnaire dans le deuxième concours était d’assurer un emploi pour Mme Cochrane et Shane McEwan. Elle a reçu le courriel du titulaire du poste à la salle du courrier l’informant qu’il prendrait sa retraite le 3 mai 2011. Elle a indiqué à Mme Mahoney de faire en sorte que la mutation ait lieu le 16 mai 2011. Le 25 mai 2011, elle a présenté à Mme Cochrane une lettre d’offre et, le 31 mai 2011, elle a demandé à M. Gascon de signer une lettre d’offre pour Shane McEwan, lui offrant le poste laissé vacant par Mme Cochrane lorsqu’elle a accepté la mutation à la salle du courrier. Le fonctionnaire a justifié sa mutation de Mme Cochrane à la salle du courrier, en qu’elle avait agi de la sorte en se fondant sur ses qualifications. Le problème concerne l’utilisation de son pouvoir sous-délégué et l’absence d’une divulgation pour accomplir son objectif de dénicher un emploi pour son amie et son fils, ce qui constitue un conflit d’intérêts.

97 La façon dont elle a préparé le terrain pour atteindre ses buts a empiré les choses. Elle a eu recours aux services d’une consultante pour masquer ses décisions relativement à des questions essentielles. Si l’on gratte la surface, on constate que c’est elle qui tirait les ficelles. En examinant la preuve au moyen du critère de l’homme raisonnable, il est évident que la fonctionnaire se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts réelle, ce qui constitue une contravention directe du Code.

98 L’employeur n’a pas toléré le comportement de la fonctionnaire. Il a renvoyé la question à la CFP aux fins d’enquête et a entrepris sa propre enquête. Elle aurait dû être mieux avisée compte tenu de son expérience. Elle n’a jamais demandé de conseil sur la façon dont elle pouvait se libérer de tout lien. En tant que comptable générale accréditée (voir son curriculum vitae, pièce 23), elle connaissait le concept du [traduction] « lien de dépendance ». Le licenciement était approprié dans ces circonstances. Les facteurs aggravants l’emportaient sur les facteurs atténuants.

99 La lettre de licenciement (pièce 3, onglet 1) établit clairement les considérations de l’employeur lorsqu’il a conclu que le licenciement était approprié. La fonctionnaire était une employée de longue date ayant de bons états de service. Elle n’a réalisé aucun gain financier des suites de la situation de conflit d’intérêts, mais son comportement visant à manipuler les circonstances pour atteindre son but constituait un conflit d’intérêts réel et contrevenait au Code. À l’audience, elle a présenté quelques excuses et certains remords, mais il ne s’agissait pas de sa position dans le cadre du processus de détermination d’une sanction appropriée. Une fois à la barre, il est trop tard pour exprimer des remords (voir Brazeau, aux paragr. 178 à 191).

100 L’employeur a tenu compte de la viabilité de la relation d’emploi et du potentiel de réhabilitation de la fonctionnaire. La conclusion était que la rupture de la relation était irréparable. Aucun témoignage ne laisse supposer qu’elle aurait fait quoi que ce soit différemment. Elle n’a exprimé aucun remords, ce qui aggrave la situation (Thomson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-27846 (19980402), aux paragr. 62 et 63). Comme le fonctionnaire dans Armstrong c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2000 CRTFP 29, Mme McEwan a peu reconnu la gravité de ses actions.

101 Un dossier sans mesure disciplinaire est subordonné à la gravité de l’inconduite (Blair-Markland c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28988 (19991103)). Mme McEwan occupait depuis de nombreuses années des postes de cadre et elle aurait dû reconnaître le caractère inapproprié de ses actions. Elle ne l’a pas fait; elle a tenté d’imputer le blâme à des membres des Ressources humaines ainsi qu’à Mme Mahoney. Mme McEwan n’a pas été franche et honnête à propos de sa relation avec Mme Cochrane. Elle n’a pas accepté la responsabilité de ses actions, ce qui constitue un facteur essentiel dans l’évaluation du caractère approprié de la mesure disciplinaire (Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43, au paragr. 103).

102 L’employeur a fait valoir que la pénalité imposée devrait être accueillie. Dans l’éventualité où l’on détermine qu’elle devrait être annulée, l’employeur a demandé que les parties se réunissent, conformément à Pagé c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1299, pour présenter leurs arguments quant à la sanction appropriée.

B. Pour la fonctionnaire

103 La conduite de la fonctionnaire a fait l’objet d’une microgestion. L’employeur a cherché dans ses courriels, en a choisi quelques-uns et leur a donné une tournure négative. Il est essentiel de ne pas perdre de vue le fait qu’il s’agissait d’une employée extrêmement dévouée comptant 35 années de service. Trente-cinq années de service pour le même employeur témoignent de la personnalité d’une personne. L’incident qui fait l’objet de cette audience est le seul incident figurant à son dossier. Les commentaires sur son examen du rendement annuel (pièce 10, page 5) réfutent les conclusions voulant qu’elle ait mis sur pied un plan dans le but d’accomplir ses objectifs. La seule raison pour laquelle Mme Mahoney a été embauchée était que la fonctionnaire était trop occupée pour s’occuper elle-même de la dotation.

104 Selon les [traduction] « Lignes directrices concernant la discipline » de l’employeur (pièce 22, onglet 1, page 4), une mesure disciplinaire ne devrait pas être punitive. Le licenciement de la fonctionnaire était une mesure punitive. L’employeur a monté un dossier contre elle pour justifier ce licenciement. Il aurait dû utiliser l’approche corrective pour déterminer la mesure disciplinaire appropriée dans ces circonstances. La fonctionnaire a commis plusieurs erreurs, mais elle n’avait aucune intention de commettre une fraude ou une tromperie. Elle a effectivement présenté ses excuses et exprimé des remords. Dès que l’enquête de la CFP a commencé en juin 2011, on lui a retiré son pouvoir de dotation; cependant, elle a continué à participer activement à la dotation jusqu’à son licenciement.

105 À compter de la date à laquelle la fonctionnaire a été licenciée de son emploi pour motif valable, l’employeur savait qu’une entente de transition dans la carrière avait été négociée. Sans égard à ce fait, elle a exprimé son souhait de prendre sa retraite en février 2014.

106 L’employeur n’a pas démontré un manque de confiance envers la fonctionnaire. Elle a continué de jouir d’un pouvoir de dépenser aux termes de la LGFP et des responsabilités financières supplémentaires lui ont été confiées au cours de cette période. Cela n’appuie pas le fait que l’employeur ne lui faisait pas confiance. Il aurait pu la rétrograder ou lui retirer son pouvoir budgétaire pendant l’enquête, mais il a choisi de ne pas le faire. Pourquoi l’employeur lui aurait-il conféré un pouvoir budgétaire s’il ne la croyait pas digne de confiance?

107 La fonctionnaire n’a pas dissimulé sa relation avec Shane McEwan. Elle a informé Mme Mahoney lorsqu’elle a appris qu’il avait posé sa candidature dans le cadre du concours. La fonctionnaire a demandé à M. Doucet de consulter ses gestionnaires pour déterminer ce qui devait être accompli pour n’avoir aucun lien de dépendance. Elle a admis qu’elle aurait à tout le moins dû signer une déclaration de conflit d’intérêts et la soumettre à la direction. Elle a également admis qu’elle aurait dû se récuser de toute participation au concours (pièce 26).

108 La fonctionnaire savait qu’elle avait besoin de l’approbation de M. Gascon pour embaucher son fils. Elle a pris des mesures pour que l’on rédige la lettre d’offre afin qu’il puisse la signer. Elle a apporté la lettre à M. Gascon aux fins de signature. Elle aurait dû se rendre compte que la seule façon pour son fils d’obtenir l’emploi était de suivre le processus. Lorsqu’elle s’en est effectivement rendu compte, elle a indiqué à son fils qu’il devait se retirer du concours, ce qu’il a fait. Elle a eu une conduite inappropriée et elle l’a admis. Elle a exercé ce qu’elle croyait être de la diligence raisonnable lorsqu’elle a reporté l’entrevue de son fils. Elle a admis qu’elle avait eu tort d’intervenir. En aucun temps elle ne s’est attendue à ce que son fils puisse obtenir un emploi dans son secteur sans que personne ne sache qui il était. Elle n’a tout simplement pas réfléchi adéquatement à la façon d’y parvenir conformément aux règles.

109 La fonctionnaire a admis que le fait de placer Mme Cochrane dans le poste dans la salle du courrier pouvait avoir été perçu comme une tentative de créer une disponibilité pour embaucher son fils. Cela n’a porté atteinte à aucun des autres candidats pour ce poste, puisque tous ceux qui ont été placés dans le répertoire des candidats qualifiés ont été nommés, que ce soit à un poste pour une période indéterminée ou déterminée.

110 Lorsque Mme Cochrane a été embauchée initialement en tant qu’employée occasionnelle par un autre gestionnaire de la CISR, la fonctionnaire a informé M. Gascon qu’elles étaient des connaissances. Elle lui a dit qu’elles étaient d’anciennes voisines et que Mme Cochrane faisait de petits travaux pour elle à l’occasion. Lorsqu’elle dotait un poste dans son secteur et que Mme Cochrane était une candidate, les Ressources humaines ont partagé avec M. Gascon leurs préoccupations à l’égard de cette relation. Il a parlé et passé en revue la question avec la fonctionnaire et il était satisfait de ses explications. La seule information qu’elle ne lui avait pas communiquée est le fait qu’elles siégeaient toutes deux au conseil de la Savoy Society.

111 L’employeur a exagéré et a accordé trop d’importance à l’étendue de la relation entre la fonctionnaire et Mme Cochrane. Une fois de plus, la fonctionnaire aurait dû produire une déclaration de conflit d’intérêts, mais M. Gascon était déjà au courant, ce qui diffère de la situation concernant le fils de la fonctionnaire. L’employeur n’a pas établi un manque de confiance.

112 Dans sa réponse à l’enquête disciplinaire de la CISR (pièce 26), la fonctionnaire a admis ses actes répréhensibles et a expliqué pourquoi ils l’étaient (paragraphe 37). Elle s’est excusée pour ses actions et a reconnu que celles-ci avaient entraîné du travail supplémentaire (paragraphe 75). La CFP a également enquêté sur la fonctionnaire et a conclu que ses actions dans le cadre des processus liés à l’embauche de Mme Cochrane et la tentative d’embauche de son fils constituaient une conduite inadéquate et qu’elle avait commis une fraude en mutant Mme Cochrane au poste dans la salle du courrier dans le but d’embaucher son fils. Dans sa réponse à l’enquête, il y a une preuve accablante de contrition et de remords.

113 Il est manifestement injuste que l’employeur utilise les conclusions factuelles de la CFP ainsi que la tournure attribuée aux courriels extraits du compte de courriels de la fonctionnaire. On devrait accorder peu de poids, voire aucun, à ces éléments de preuve. La considération pertinente est qu’au moment de son licenciement, elle avait conclu une entente de transition dans la carrière, ce qui indique clairement l’orientation prise par les parties avant son licenciement.

114 La fonctionnaire a rencontré M. Gascon pour discuter de ses options (pièce 22, onglet 5, page 3). Il l’a porté à croire qu’il était autorisé à négocier au nom de l’administrateur général. Ils sont parvenus à une entente. On a demandé à Mme McEwan de signer la pièce jointe et de la retourner à la personne-ressource indiquée. Elle l’a fait et l’a retournée à l’adjoint de M. Gascon pour qu’il la lui remette. Il a admis l’avoir reçu.

115 L’entente de transition dans la carrière a été négociée alors que la fonctionnaire faisait l’objet d’une enquête. L’employeur aurait dû respecter les modalités de cette entente, permettre à la fonctionnaire de prendre sa retraite comme il était proposé et lui verser les allocations de transition dans la carrière convenues. Je devrais accueillir le grief et accorder une indemnisation rétroactive fondée sur les modalités de l’entente de transition dans la carrière. Une sanction appropriée pour l’acte répréhensible grave commis par la fonctionnaire, fondée sur sa longue carrière réussie et sachant qu’elle avait l’intention de prendre sa retraite le 14 février 2014, aurait été de lui permettre de prendre sa retraite et de retenir sa prime de rendement à titre de sanction pécuniaire. Au lieu de cela, en raison des actions de l’employeur, la fonctionnaire a subi une perte de 4 % de sa pension ainsi qu’une humiliation odieuse. Il s’agit d’une mesure punitive, pas d’une mesure corrective. En outre, cette mesure ne comprend aucun élément de réhabilitation.

IV. Motifs

116 Cette affaire concerne essentiellement le caractère approprié d’une sanction disciplinaire. La fonctionnaire a demandé l’annulation de la sanction et que celle-ci soit remplacée par une sanction moindre. Une question secondaire, qui est toutefois liée à l’affaire en cause, est la question de savoir si, dans l’éventualité où j’arriverais à la conclusion que la sanction est trop sévère dans les circonstances, je peux ordonner la réintégration de la fonctionnaire et ordonner à l’employeur de respecter les modalités d’une entente présumée de transition dans la carrière.

117 Un arbitre de grief devrait réduire une sanction disciplinaire imposée par la direction uniquement si celle-ci est « manifestement déraisonnable ou erronée » (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119). De son propre aveu, Mme McEwan était coupable d’une conduite inappropriée et d’un conflit d’intérêts portant sur l’exercice de son pouvoir sous-délégué de dotation dans le cadre de deux processus d’embauche distincts. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin pour déterminer si elle est coupable d’un comportement justifiant une mesure disciplinaire. Ce que l’on doit évaluer est, compte tenu des faits, si la décision de l’employeur de la licencier était une mesure appropriée dans la présente affaire. L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que cette dernière avait admis sa culpabilité et qu’elle avait exprimé de réels remords et que, d’après ses 35 années de service dévoué dans la fonction publique et le niveau de confiance placé envers elle pendant sa carrière, tant avant qu’après le début de l’enquête de la CFP, l’employeur n’avait aucun motif de conclure que la relation entre eux était détruite et qu’il n’y avait aucune possibilité de réhabilitation.

118 D’autre part, l’avocate de l’employeur a fait valoir que le comportement de la fonctionnaire consistant à plaider en faveur de son amie pour lui obtenir un emploi dans sa division; d’aider son fils tout au long du processus, malgré sa déclaration selon laquelle elle ne voulait entretenir aucun lien de dépendance à l’égard du processus de dotation; ou la rédaction d’une lettre de recommandation pour son fils, qui a été présentée dans le cadre du processus de dotation en question; ainsi que son intervention afin de s’assurer que Mme Cochrane soit mutée à la salle du courrier afin qu’un poste devienne vacant dans le but qu’il soit offert à son fils, lequel poste aurait autrement été pourvu par Mme Cochrane, sont tous des éléments de preuve d’un stratagème bien réfléchi dans le but de s’assurer que deux personnes qu’elle connaissait très bien obtiennent un emploi. La CFP est arrivée à la conclusion que, ce faisant, elle était coupable de fraude.

119 L’avocat de la fonctionnaire a contesté la preuve au motif que, pour son enquête disciplinaire interne, l’employeur s’est fié à la preuve recueillie par la CFP. Ce n’est pas sans rappeler une situation où l’employeur reçoit un rapport de harcèlement d’un enquêteur externe et qu’il s’y fie pour entreprendre une enquête disciplinaire. L’employeur a le droit d’utiliser des rapports d’enquête (Hassard, au paragr. 213).

120 De plus, l’avocate de l’employeur a fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas fait preuve d’ouverture avec son employeur. Elle a admis que, à tout le moins, elle aurait dû signer une déclaration de conflit d’intérêts et se récuser de toute participation aux concours. Elle ne l’a pas fait. Elle a uniquement porté à l’attention de M. Gascon le fait que son fils était un candidat au poste vacant dans son secteur lorsqu’elle lui a demandé de signer la lettre d’offre, car elle savait qu’il était inapproprié pour elle de le faire. Quant à sa relation avec Mme Cochrane, elle s’est donné beaucoup de mal pour déguiser la vraie nature de sa relation.

121 Un conflit d’intérêts est une infraction très grave dans la fonction publique et contrevient clairement au Code. On attend des fonctionnaires qu’ils agissent en tout temps de façon à maintenir la confiance du public. Les fonctionnaires doivent s’acquitter de leurs fonctions et de leurs responsabilités en prenant des décisions dans l’intérêt public. Ils doivent se conduire en tout temps de manière à pouvoir résister à l’examen public le plus minutieux. Si un conflit survient entre les intérêts privés d’un fonctionnaire et ses fonctions en sa qualité de fonctionnaire, le conflit doit être réglé en faveur de l’intérêt public (pièce 3, onglet 22, page 9). Le simple fait d’agir à l’intérieur des limites de la loi ne suffit pas à se libérer de cette obligation. Les fonctionnaires doivent veiller à ce que la valeur de la transparence au sein du gouvernement soit maintenue tout en respectant leurs obligations de confidentialité en vertu de la loi (pièce 3, onglet 22, page 8).

122 L’objectif du Code consiste à établir les valeurs de la fonction publique ainsi que les mesures liées aux conflits d’intérêts et à l’après-emploi. Il vise à maintenir et à améliorer la confiance du public en l’intégrité de la fonction publique. La fonctionnaire, dans le cadre de son rôle à titre de conseillère principale sur l’application du Code au commissaire à l’information, ne pouvait pas prétendre qu’elle ne connaissait pas le Code et son objectif (voir son curriculum vitæ, pièce 23). Qui plus est, elle a reconnu en signant la lettre d’offre (pièce 3, onglet 21) que le Code faisait partie des conditions de son emploi à la CISR. Elle a reçu de la formation sur les droits et les responsabilités d’un gestionnaire délégué à l’égard des mesures de dotation avant qu’on lui confère son pouvoir délégué de dotation. D’aucune façon raisonnable une personne pourrait tirer la conclusion qu’elle ignorait qu’elle se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts, perçu ou réel, au moment de traiter les demandes d’emploi de son amie et de son fils.

123 Selon la preuve, y compris son propre témoignage, il est manifeste que la fonctionnaire avait conçu le plan d’offrir à Mme Cochrane un poste, puis de la muter au poste de la salle du courrier. Elle a admis savoir que son fils était le prochain candidat aux fins de placement dans le répertoire de candidats du concours. Elle a poursuivi ce plan, puis elle a demandé qu’une lettre d’offre soit rédigée pour son fils. Lorsqu’une ébauche lui a été présentée, elle a ensuite demandé que le bloc de signature soit remplacé par celui de M. Gascon. La façon dont elle a approché M. Gascon pour qu’il signe la lettre ne reflète pas une reconnaissance réelle du caractère inapproprié de ses actions à ce moment ou pendant toute la durée du processus.

124 La fonctionnaire ne pouvait ni dissimuler ni diminuer sa culpabilité en prétendant qu’elle s’était fiée aux conseils des Ressources humaines ou que c’était Mme Mahoney, et non elle, qui contrôlait les processus de dotation. La réalité est que ni M. Doucet ni Mme Mahoney n’étaient gestionnaire délégué responsable des processus de dotation. La fonctionnaire, et seulement la fonctionnaire, avait le pouvoir de prendre des décisions qui avaient le potentiel de profiter à des personnes avec qui elle entretenait des relations personnelles. Elle a utilisé son poste à son avantage, ce qui constituait clairement une contravention au Code.

125 La fonctionnaire ne pouvait pas non plus éviter sa responsabilité en écrivant un courriel à M. Gascon dans lequel elle affirmait que s’il était inquiet du fait que deux personnes liées travaillent au sein de la même direction générale, elle accepterait une mutation à un autre poste classifié EX-01 (pièce 3, onglet 9, page 90). Elle n’a clairement pas reconnu le fait qu’elle se trouvait en situation de conflit d’intérêts ou les répercussions que celui-ci avait sur l’intégrité du processus de dotation.

126 Dès la première occasion, la fonctionnaire aurait dû exprimer une certaine forme de remords, mais elle ne l’a pas fait. Dans sa réponse à l’enquête de la CISR, elle a reconnu qu’elle était responsable, même si elle a nié avoir dissimulé certains renseignements aux Ressources humaines. Dans sa réponse, elle s’est donné beaucoup de mal pour indiquer ce qu’elle aurait dû faire et ne pas faire. Elle a affirmé qu’elle regrettait de ne pas avoir signé une déclaration de conflit d’intérêts et d’avoir donné du travail supplémentaire à d’autres. Enfin, elle a affirmé qu’elle aurait dû se montrer plus avisée (pièce 22, onglet 9). Le fait de reconnaître ses manquements à la fin du processus plutôt qu’au début a peu de poids. Une telle déclaration de remords soulève cette question intemporelle : l’accusée est-elle désolée de ses méfaits ou de s’être fait prendre?

127 Les personnes servies par les fonctionnaires s’attendent à ce que ces derniers fassent preuve d’honnêteté et d’intégrité. Cela est clairement établi dans le Code. On attend des fonctionnaires, notamment des gestionnaires, qu’ils se comportent dans tous leurs rapports d’une façon qui reflètent ces valeurs (Armstrong, aux paragr. 152 à 169). Le fait de manipuler des processus dans le but de réaliser un avantage personnel et d’intervenir dans des processus alors que la personne savait ou aurait dû savoir que cela donnerait lieu à un conflit d’intérêts, sont des contraventions flagrantes du Code, justifiant les sanctions disciplinaires les plus graves.

128 Selon Brazeau, un service de longue date sans mesure disciplinaire doit avoir une valeur quelconque au moment de déterminer la sanction à imposer dans le cadre d’une situation de conflit d’intérêts. M. Coakely a témoigné que l’employeur en a tenu compte au moment de déterminer la sanction. En outre, la note de M. Coakely au président de la CISR comprenait une analyse exhaustive des facteurs aggravants et atténuants dont l’employeur a tenu compte dans son évaluation de la mesure disciplinaire appropriée. La durée des années de service de la fonctionnaire et un dossier disciplinaire sans tache ont été pris en considération à titre de facteurs atténuants (pièce 3, onglet 2, page 3). La fonctionnaire n’a présenté aucune preuve pour contredire la preuve de l’employeur à cet égard.

129 Après avoir entendu le témoignage de la fonctionnaire, je considère également que ses 35 années de service et son dossier antérieur sans mesure disciplinaire peuvent être des facteurs atténuants dont je dois tenir compte dans ma détermination quant à savoir si la mesure disciplinaire imposée était appropriée. Je ne vois aucune raison d’intervenir dans la décision de l’employeur compte tenu de tous les faits et je crois que cette décision était raisonnable et qu’elle n’était pas erronée dans les circonstances. Une longue carrière, notamment une au niveau de la direction, suscite un niveau d’attente plus élevé. Même si la carrière est un facteur atténuant, il s’agit d’une lame à deux tranchants, et elle peut constituer un facteur aggravant (voir Pagé c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1299 aux paragr. 33 à 35). Dans cette affaire, j’arrive à la conclusion qu’il s’agit d’un facteur aggravant, compte tenu des années de service de la fonctionnaire et de sa connaissance du Code.

130 Quant à savoir s’il existe toujours une relation d’emploi viable, la preuve est que l’employeur a tenu compte de sa viabilité et du potentiel de réhabilitation. La conclusion est que la rupture de la relation était irréparable. Dans la lettre de licenciement adressée à la fonctionnaire, le président de la CISR a établi l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants qui ont été pris en considération dans sa décision et il a déclaré : [traduction] « J’en conclus que la relation de confiance qui est essentielle entre l’employeur et l’employée a été rompue irrémédiablement. » (pièce 3, onglet 1, page 3). L’avocate de l’employeur avait raison quant au fait qu’aucun témoignage de la fonctionnaire ne laissait entendre qu’elle aurait fait quoi que ce soit de différent. La fonctionnaire doit accepter la responsabilité de ses actes ainsi que leurs conséquences.

131 Rien ne m’a été présenté qui me permettrait de conclure que la relation de confiance entre l’employeur et l’employée pouvait être réhabilitée. La fonctionnaire n’a exprimé aucun remords, ce qui aggrave la situation (Thomson, aux paragr. 62 et 63). Comme le fonctionnaire dans Armstrong, Mme McEwan a démontré peu de remords et a à peine reconnu la gravité de ses actes. Ces facteurs aggravants nécessitent une sanction disciplinaire plus importante. Son manque de franchise concernant sa relation avec Mme Cochrane a aggravé la situation et a remis en question la capacité de l’employeur à faire confiance en l’honnêteté et la franchise de la fonctionnaire dans le futur. D’après tous les faits présentés ci-dessus, j’en conclus que la fonctionnaire a irrémédiablement rompu la relation de confiance entre son employeur et elle-même. En conséquence, j’arrive à la conclusion que la sanction disciplinaire imposée était appropriée dans cette affaire.

132 L’avocat de la fonctionnaire a également fait valoir que l’employeur avait conclu une entente de transition dans la carrière valide avec la fonctionnaire en octobre 2012. Si cette entente avait été pleinement en vigueur, la fonctionnaire aurait pris sa retraite en février 2013, bien avant que son employeur ne la licencie. Selon l’avocat de la fonctionnaire, l’employeur n’avait pas le pouvoir de suspendre l’exécution de cette entente en attendant la fin de l’enquête. L’avocate de l’employeur a fait valoir que je n’avais pas compétence pour examiner cette question, car cela est clairement en dehors de la portée de la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’article 209 de la LRTFP, qui précise l’étendue de la compétence d’un arbitre de griefs à l’égard des affaires liées à la convention collective et aux mesures disciplinaires donnant lieu à un licenciement, à une suspension ou à une sanction pécuniaire.

133 Pendant le déroulement des négociations de l’entente de transition dans la carrière, toutes les parties étaient au fait des enquêtes en cours sur la conduite de la fonctionnaire et qu’il était possible qu’une mesure disciplinaire soit prise. Toutes les parties étaient également informées que la Direction sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs ne devait pas être utilisée dans des situations où un employé a été licencié pour motif valable (pièce 3, onglet 24, clause 2.5). L’employeur me demanderait d’accepter que cela justifie sa décision de suspendre l’entente. Je suis plutôt d’avis que cela signifie que si un membre de la direction doit être licencié pour des motifs disciplinaires, les dispositions de la transition dans la carrière ne constituent pas une solution de rechange à la mesure disciplinaire. En d’autres termes, les dispositions de transition dans la carrière ne sont pas utilisées pour éviter de prendre une mesure disciplinaire.

134 Peu importe, la Directive sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs indique clairement à l’annexe C à la page 9 que « [l]es administrateurs généraux négocient des ententes de transition dans la carrière dans les limites prescrites dans la présente directive ». Il n’est indiqué nulle part dans la directive que le directeur général a le pouvoir de conclure une telle entente. La fonctionnaire le savait ou aurait dû le savoir, puisqu’on lui avait remis une copie de la directive. Toute entente de transition dans la carrière nécessite l’approbation de l’administrateur général. Aucune des pièces qui m’ont été présentées, ou la preuve qui m’a été présentée verbalement, ne montrent que les parties à l’entente présumée étaient parvenues à un accord des volontés. Je suis d’accord avec l’avocate de l’employeur que le droit contractuel habituel s’applique au moment de mon évaluation de la question de savoir s’il existe une entente entre les parties. Selon le témoignage et les pièces dont je suis saisi, je ne peux tirer la conclusion que les parties ont conclu une entente obligatoire.

135 Même si cette conclusion est erronée, je n’ai pas compétence, en vertu de l’article 209 de la LRTFP, de rétablir une entente de transition dans la carrière. Un refus de donner suite aux modalités d’une entente de transition dans la carrière ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief à l’égard d’un licenciement, d’une rétrogradation, d’une suspension ou d’une sanction pécuniaire. Essentiellement, en déclarant que les ententes de transition dans la carrière ne doivent pas être utilisées dans les affaires disciplinaires, les dispositions de la Directive sur la transition dans la carrière des cadres supérieurs renforcent cette conclusion.

136 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

137 Le grief est rejeté.

Le 11 juin 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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