Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s'estimant lésés ont été mutés de la fonction publique de la Colombie‑Britannique à la fonction publique fédérale – leur convention collective prévoyait le versement d'une indemnité de départ en fonction de la durée de leur « emploi continu » – leur employeur n'a pas pris en compte leur période de service au sein du gouvernement de la Colombie‑Britannique lorsqu'il a calculé le montant de l'indemnité à laquelle ils avaient droit – l'arbitre de grief a conclu que le sens de l'expression « emploi continu » n'était pas clair dans la convention collective et a admis en preuve d'autres documents et témoignages aux fins de l'interprétation de cette expression – elle a conclu que, dans les circonstances du transfert des fonctionnaires s'estimant lésés, l'« emploi continu » comprenait leur période de service au sein de la fonction publique de la Colombie‑Britannique – elle a ordonné que l'indemnité de départ des fonctionnaires s'estimant lésés soit recalculée. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150522
  • Dossier: 566-34-9057 à 9059
  • Référence: 2015 CRTEFP 48

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JEFFREY CLOUGH, EDWARD LEUNG ET DIAN ROBSON

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Clough et al. c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Beth Bilson, arbitre de grief
Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Harinder Mahil et Simon Cott, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Lea Bou Karam, avocate
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
Le 2 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1 L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'« agent négociateur » ou l'« IPFPC ») a renvoyé à l'arbitrage les griefs de Jeffrey Clough, d'Edward Leung et de Dian Robson, les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires »). Au moment des événements qui ont donné lieu aux griefs, les trois fonctionnaires étaient au service de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC » ou l'« employeur ») en tant que vérificateurs de la taxe d'accise. Il est allégué dans les griefs que l'employeur a mal interprété l'expression « emploi continu » dans la mesure où elle s'appliquait aux dispositions modifiées concernant l'indemnité de départ de la convention collective conclue entre l'IPFPC et l'employeur pour le groupe Vérification, finances et sciences (VFS) qui est entrée en vigueur le 10 juillet 2012 (la « convention collective »).

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamé en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014, continue d'exercer les des pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Contexte

3 Il convient de noter que, même si l'agent négociateur a déposé 71 griefs sur cette question et que les parties ont apparemment convenu que le résultat de cette affaire serait pertinent au règlement de ces griefs, la décision est fondée sur les éléments de preuve et les arguments présentés quant à ces trois griefs seulement. Je n'ai pas abordé cette affaire comme un grief de principe et je ne fais aucun commentaire sur la façon dont mes conclusions pourraient être pertinentes à d'autres griefs.

4 Jusqu'en 2010, les trois fonctionnaires étaient des vérificateurs de la taxe de vente pour le gouvernement de la Colombie-Britannique (la « C.-B. »). En 2010, le gouvernement de la C.-B. a conclu des ententes avec le gouvernement du Canada en vue de transférer les fonctions exercées par ces employés à l'ARC dans le cadre d'une stratégie d'harmonisation de l'administration des taxes de vente provinciales et de la taxe sur les produits et services fédérale, laquelle créerait une taxe de vente harmonisée (la « TVH »). Un accord sur les ressources humaines (l'« ARH ») conclu entre les deux paliers de gouvernement en mars 2010 (pièce U-1, onglet 6) décrivait les modalités selon lesquelles les employés du gouvernement provincial de la C.-B. seraient mutés à l'ARC.

5 Avant l'achèvement complet du processus de mutation, les citoyens de la C.-B. ont voté contre l'adoption de la TVH dans le cadre d'un référendum qui a été tenu en août 2011. Un certain nombre d'employés qui avaient été mutés à l'ARC sont retournés travailler pour le gouvernement provincial de la C.-B. Les trois fonctionnaires étaient parmi ceux qui ont choisi de rester à l'ARC.

6 L'article 19 de la convention collective en vigueur en 2011, intitulé « Indemnité de départ » renvoyait à six circonstances différentes où une indemnité de départ serait versée, à savoir : la mise en disponibilité, la démission, le renvoi en cours de stage, la retraite, le décès et le licenciement motivé pour incapacité ou incompétence. Dans tous ces cas, les indemnités de départ devaient être calculées en fonction de l'« emploi continu ».

7 Dans la nouvelle convention collective, qui est entrée en vigueur en juillet 2012 et qui est venue à échéance le 21 décembre 2014, il est précisé dans le préambule de l'article 19 que l'indemnité de départ ne sera plus versée en cas de démission et de retraite. Le préambule est libellé comme suit :

À compter de la date de signature des présentes, les alinéas (b) et (d) du paragraphe 19.01 ne sont plus en vigueur dans cette convention collective. Par conséquent, l'accumulation de l'emploi continu aux fins de l'indemnité de départ en cas de démission et de retraite cessera.

8 La nouvelle clause 19.05, intitulé plutôt maladroitement « Fin de l'indemnité de départ » a été ajoutée et vise un versement unique à tous les employés actuels. Elle est libellée comme suit :

19.05          Fin de l'indemnité de départ

a)       Sous réserve du paragraphe 19.02 précédent, les employé-e-s nommés pour une durée indéterminée ont droit dès la date de la signature de cette convention collective, à une indemnité de départ à raison d'une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu et, dans le cas d'une année partielle d'emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d'emploi continu et divisée par trois cent soixante-cinq (365), jusqu'à concurrence de trente (30) semaines.

b)       Sous réserve du paragraphe 19.02 précédent, les employé-e-s nommés pour une durée déterminée ont droit dès la date de la signature de cette convention collective, à une indemnité de départ à raison d'une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu jusqu'à concurrence de trente (30) semaines.

9 Dans la clause 2.01, soit la section de la convention collective où l'on retrouve les définitions, l'expression « emploi continu » est définie uniquement comme ayant « […] le sens qu'il a dans la Politique sur les conditions d'emploi de l'Employeur à la date de signature de la présente convention ».

10 L'avocate de l'employeur m'a renvoyée à une version provisoire non datée de la « Politique sur les conditions d'emploi » de l'ARC, version 4.0 (pièce E-3). L'agent négociateur n'a pas contesté le fait qu'il s'agissait d'un document de politique pertinent. Dans ce document, l'expression « emploi continu » a été définie comme suit : [traduction] « […] une ou plusieurs périodes de service dans la fonction publique, tel qu'il est défini dans la Loi sur la pension de la fonction publique, dont les seules interruptions permises sont celles prévues par les conditions d'emploi de la personne visée. ». La « fonction publique » est définie de la façon suivante dans la LPFP :  

« fonction publique » Les divers postes dans quelque ministère ou secteur du gouvernement exécutif du Canada, ou relevant d'un tel ministère ou secteur, et, pour l'application de la présente partie, du Sénat et de la Chambre des communes, de la bibliothèque du Parlement, du bureau du conseiller sénatorial en éthique, du bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et de tout office, conseil, bureau, commission ou personne morale, ou secteur de l'administration publique fédérale, que mentionne l'annexe I, à l'exception d'un secteur du gouvernement exécutif du Canada ou de la partie d'un ministère exclus par règlement de l'application de la présente définition. […]

11 La partie 4 de la « Politique sur les conditions d'emploi », qui explique les périodes qui [traduction] « correspondent à un emploi continu », énumère un certain nombre de scénarios, lesquels se rapportent tous à un service antérieur à titre occasionnel ou pour une période déterminée ou à un service aux Forces canadiennes, à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou au cabinet d'un ministre ou chef de l'opposition. Aucun de ces scénarios n'est pertinent à la situation des fonctionnaires en l'espèce.

12 Les représentants de l'agent négociateur ont soutenu qu'en raison de la façon dont ils ont commencé leur emploi auprès de l'ARC et des accords conclus et des assurances obtenus au moment pertinent, les fonctionnaires ont droit à ce que leur période de service antérieure auprès du gouvernement de la C.-B. soit prise en compte dans le cadre de leur emploi continu aux fins du calcul du montant de l'indemnité de départ qu'ils devraient recevoir en vertu de la clause 19.05 de la convention collective.

13 L'avocate de l'employeur a fait valoir que les définitions d'« emploi continu » applicables excluaient la période de service des fonctionnaires pour le gouvernement de la C.-B.

III. Résumé de la preuve

A. Pour les fonctionnaires

14 L'agent négociateur a cité les trois fonctionnaires à témoigner, ainsi que David Gray, un employé de l'agent négociateur.

15 Mme Robson a indiqué avoir commencé à travailler pour l'ARC le 1er novembre 2010. Avant cette date, elle a travaillé de façon continue pour le gouvernement de la C.-B, et ce, depuis le 12 mai 2003.

16 En contre-interrogatoire, Mme Robson a indiqué que la vérification constituait sa deuxième carrière. Elle avait obtenu le titre de comptable en management accrédité à l'âge de 60 ans. Elle a ajouté que son travail à titre de vérificatrice était important pour elle.

17 Mme Robson a indiqué que lors des discussions portant sur la mutation des employés du gouvernement provincial de la C.-B. à l'ARC, elle était principalement préoccupée par le fait de pouvoir continuer à travailler à titre de vérificatrice.

18 Mme Robson a indiqué que le 16 mars 2010, soit avant qu'une offre d'emploi ne lui soit présentée, elle et un certain nombre d'autres employés avaient assisté à une réunion avec des représentants de l'ARC. Elle a indiqué que les représentants de l'ARC avaient exprimé le fait que l'ARC était heureuse que des employés du gouvernement de la C.-B. se joignent à elle et qu'ils tenteraient d'assurer une [traduction] « transition sans heurt » à l'ARC. Les représentants de l'ARC ont rassuré les employés du gouvernement de la C.-B. que leurs avantages sociaux ne cesseraient pas et ils ont été encouragés à les transférer aussitôt que possible au régime de pension fédéral. Selon ses souvenirs, ils ont été rassurés du fait que leur période de service à la province serait prise en compte en ce qui concerne les avantages sociaux. Lors de la pause-repas, elle a indiqué que d'autres employés avaient confirmé sa compréhension voulant qu'ils aient droit à l'intégralité des avantages s'ils étaient mutés au gouvernement fédéral.

19 En contre-interrogatoire, Mme Robson a reconnu qu'une présentation PowerPoint avait été donnée, même si elle ne se souvenait pas exactement de la personne qui l'avait présentée au nom de l'ARC. Elle ne se souvenait pas non plus si un représentant du gouvernement de la C.-B. avait fait des présentations lors de la réunion.

20 Mme Robson a affirmé qu'elle ne se souvenait pas d'avoir reçu des documents à la réunion de mars 2010. Elle ne se souvenait pas d'avoir vu l'ARH avant la réunion, quoiqu'elle en avait vu une copie à un moment donné au printemps de 2010. Même si une véritable offre d'emploi auprès de l'ARC ne lui a pas été présentée avant la réunion de mars, elle a affirmé qu'il était très clair que son poste au gouvernement de la C.-B. ne serait plus disponible; si elle souhaitait rester avec la province, elle devrait postuler à un autre poste. Elle avait le sentiment qu'elle ne pouvait choisir que la vague d'employés à laquelle elle souhaitait se joindre pour être mutée à l'ARC.

21 Mme Robson a affirmé qu'elle avait aussi assisté à deux autres réunions, soit le 10 juillet 2010 et le 22 septembre 2010, lesquelles visaient la première vague d'employés mutés à l'ARC. Mme Robson a indiqué que la réunion de juillet était axée sur l'examen des politiques de l'ARC. À la réunion de septembre, il y a eu d'autres discussions sur la façon dont la mutation à l'ARC toucherait les droits des employés à plusieurs avantages sociaux. Elle a indiqué que, lorsqu'elle a été mutée à l'ARC en novembre 2010, elle a dû signer certains documents liés aux avantages sociaux. En décembre, elle a reçu une trousse supplémentaire (pièce U-1, onglet 13) qui décrivait les avantages sociaux offerts aux employés de l'ARC. Une partie importante de ces documents était sous forme de questions et réponses au sujet d'avantages sociaux particuliers. Il convient de noter que l'énoncé suivant figure à la section 1.1.3 du chapitre 1, Avantages sociaux standards :

[Traduction]

[…]

De plus, certains employeurs non liés (gouvernements provinciaux ou municipaux, ainsi que des employeurs du secteur privé) ont des régimes de pensions qui ont été approuvés par le Conseil du Trésor aux fins du régime de pension. Cela signifie que vous pourriez être en mesure de tenir compte de ce service en vertu de la LPFP.

[…]

22 Mme Robson a également mentionné les rapports d'étapes sur ses congés personnels (pièce U-1, onglet 14), soit des documents produits par l'employeur énumérant le nombre de jours qu'un employé a cumulés et utilisés en ce qui concerne différents types de congés. Dans les documents visant la période antérieure au service de Mme Robson auprès de l'ARC, la date de son emploi continu indiquée est le 12 mai 2003, date à laquelle elle a commencé son emploi auprès du gouvernement de la C.-B. Toutefois, dans le document produit le 4 septembre 2012, la date de son emploi continu a été modifiée au 1er novembre 2010, date à laquelle elle a commencé à travailler à l'ARC.

23 En contre-interrogatoire, Mme Robson a affirmé le taux de rémunération n'était pas sa principale préoccupation en ce qui concerne sa mutation à l'ARC, bien qu'elle se souvienne qu'on lui avait mentionné que la rémunération des employés mutés correspondrait, dans la mesure du possible, à leur salaire antérieur. Elle n'était pas non plus préoccupée par le lieu de travail puisqu'elle travaillait près du bureau de l'ARC dans le centre-ville de Vancouver, en C.-B. En fait, sa principale préoccupation concernait son emploi continu à titre de vérificatrice professionnelle et c'est pourquoi elle était inquiète lorsqu'elle a été affectée au poste AU-02; elle a présenté une demande, sous toute réserve, en vue d'être affectée à un poste classifié AU-03, ce qui lui aurait permis d'effectuer le type de travail qu'elle souhaitait exercer.

24 M. Clough a indiqué qu'il avait également commencé à travailler pour l'ARC le 1er novembre 2010. Avant cette date, il a travaillé sans interruption pour le gouvernement de la C.-B., à titre de vérificateur de la taxe de vente au détail, et ce, à compter du 1er avril 1986. Même s'il n'a pas assisté à la réunion organisée par l'ARC en mars 2010, il a entendu d'autres commentaires d'employés à ce sujet, lesquels mentionnaient que selon leur compréhension, il y aurait une transition sans heurt à l'emploi auprès de l'ARC et que tous leurs [traduction] « crédits » demeureraient les mêmes. Il a assisté aux réunions de juillet et septembre.

25 M. Clough a indiqué que son interprétation était également fondée en partie sur un échange de courriels (pièce U-5) entre Brian Simundic, un bon collègue, et Sharon Cole, dont la signature dans le courriel indiquait qu'elle était la responsable de la rémunération aux fins du projet Réforme de l'administration de la taxe de vente provinciale (RATVP). M. Simundic a acheminé ces courriels à M. Clough à des fins d'information. M. Simundic songeait à prendre sa retraite et il a soulevé de nombreuses questions au sujet de son droit à pension. Mme Cole a répondu ce qui suit : [traduction] « […] toute période de service que vous avez auprès de la province sera prise en compte dans le cadre de l'indemnité de départ lorsque vous quitterez l'ARC. »

26 M. Clough a affirmé avoir compris que son emploi serait éliminé lorsque les employés seraient mutés et que l'unité des affaires où il travaillait serait [traduction] « plus ou moins » éliminée, même si quelques employés y restaient pour appliquer d'autres dispositions législatives. Il était clair qu'il serait probablement mis en disponibilité s'il ne choisissait pas d'être muté à l'ARC. Selon sa compréhension, l'idée première derrière la mutation des employés était que ces derniers soient représentés par l'unité de négociation de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« AFPC »), dans un poste de vérification sur place plutôt qu'un poste de vérification externe. Il a indiqué qu'il ne se préoccupait pas particulièrement du type de travail qu'il exercerait; il était surtout préoccupé par la sécurité d'emploi et le fait d'avoir un niveau de rémunération comparable. Il a choisi de ne pas transférer sa pension; par conséquent, contrairement à M. Simundic, le calcul du temps donnant droit à pension ne le préoccupait pas. Pour lui, la retraite n'était pas une solution de rechange.

27 M. Clough a indiqué qu'il avait également examiné l'ARH (pièce U-1, onglet 6) à plusieurs reprises. Il n'était pas certain de la date exacte à laquelle l'ARH lui a été fourni, mais il croyait l'avoir vu entre mars et mai 2010. Il a également vu la modification apportée à l'ARH (pièce U-1, onglet 8) à un moment donné en juin.

28 Le 23 avril 2010, un protocole d'entente (« PE ») a également été conclu entre l'ARC et l'agent négociateur. M. Clough a affirmé qu'il pensait l'avoir vu en mai parce qu'il croyait se souvenir de l'avoir lu dans les 30 jours suivant la conclusion du PE.

29 D'après tous les renseignements dont il disposait, y compris une trousse de renseignements semblable à celle reçue par Mme Robson (pièce U-1, onglet 9), M. Clough a conclu que ses années de service pour la province seraient prises en compte lors de sa mutation au gouvernement fédéral. Il a affirmé avoir eu une brève conversation avec Mme Cole lors d'une des séances d'information et qu'elle lui avait dit que [traduction] « ce serait presque comme si vous aviez travaillé ici dès le départ ».

30 M. Leung, le troisième fonctionnaire, a également commencé à travailler pour l'ARC le 1er novembre 2010. Il a commencé à travailler pour le gouvernement de la C.-B. le 31 mai 1999 et n'a eu aucune interruption de service.

31 M. Leung a assisté aux réunions du 16 mars et du 22 septembre. Il se souvenait que, lors de la réunion de mars, les représentants de l'ARC avaient mis l'accent sur le fait que lui et ses collègues seraient mutés à une bonne organisation et qu'ils avaient décrit les possibilités de formation et d'avancement au sein de l'ARC. Il se souvenait également que la transition avait été décrite comme étant sans heurt et qu'il avait eu l'impression que la seule différence serait qu'un employé assis à un bureau un jour serait assis à un autre bureau le lendemain. Lors de la réunion de septembre, une discussion plus précise sur les avantages sociaux a été tenue. Selon ce qu'il a compris, tous les avantages sociaux seraient transférés.

32 Selon ses souvenirs, M. Leung a vu l'ARH (pièce U-1, onglet 6) en avril 2010 et il a reçu une trousse de renseignements sur les avantages sociaux (pièce U-1, onglet 10) en novembre. Il a également mentionné les rapports d'étapes sur ses congés personnels (pièce U-1, onglet 11), lesquels indiquaient à l'origine que la date de son emploi continu était le 31 mai 1999. Toutefois, le rapport produit le 23 septembre 2014 indiquait le 1er novembre 2010 comme étant la date à laquelle il a commencé à travailler à l'ARC. Il a indiqué qu'il n'avait pas été informé de cette modification ni de la raison pour laquelle elle avait été apportée.

33 M. Leung a affirmé avoir compris que son poste auprès du gouvernement de la C.-B. serait probablement éliminé. À l'origine, il était préoccupé par le fait qu'il pourrait être muté à un poste de vérification sur place auprès de l'ARC, puisqu'il souhaitait occuper un poste dans lequel il conserverait son titre professionnel de comptable. Son principal intérêt lié à la mutation à l'ARC résidait dans le potentiel de formation et d'avancement.

34 En contre-interrogatoire, M. Leung a indiqué qu'il avait été délégué syndical lorsqu'il travaillait pour le gouvernement de la C.-B. Il se rappelait que la convention collective visant ce poste ne prévoyait aucune indemnité de départ en cas de démission et il a reconnu qu'il avait démissionné de son poste au gouvernement de la C.-B. pour accepter le poste à l'ARC.

35 M. Gray était le dernier témoin de l'agent négociateur. Maintenant à la retraite, il a été au service de l'ARC, à Victoria, en C.-B., pendant 29 ans en tant que vérificateur principal d'évitement fiscal. Il a également occupé une série de postes auxquels il avait été élu au sein de l'agent négociateur, y compris celui de vice-président national, pendant cinq ans. C'est à ce titre qu'il a présenté son témoignage.

36 L'avocate de l'employeur s'est opposée au témoignage de M. Gray au motif que la nature du témoignage de ce dernier n'était pas nécessaire pour interpréter la convention collective. La preuve extrinsèque est habituellement admise uniquement s'il existe une ambiguïté quant aux modalités de la convention collective et l'avocate de l'employeur a fait valoir que l'expression « emploi continu » n'était pas ambiguë, mais qu'elle pouvait être interprétée en fonction des définitions prévues dans la convention collective, la politique de l'employeur et les dispositions législatives.

37 J'ai décidé d'autoriser M. Gray à témoigner, même si la valeur probante accordée à son témoignage continuerait de toute évidence à constituer un problème. Bien que, en général, les parties doivent assumer ce qu'elles ont choisi de mettre par écrit dans une convention collective et qu'un arbitre de grief doit parvenir à une interprétation de libellé selon le sens habituel, en l'espèce, l'agent négociateur a présenté un argument plausible selon lequel il était impossible de comprendre le statut de ce groupe d'employés sans consulter la preuve extrinsèque. On m'a convaincue que l'on ne peut obtenir la signification de l'expression « emploi continu » simplement en lisant la convention collective et que M. Gray devrait être autorisé à témoigner quant à l'évolution de l'intention des parties à l'égard des employés mutés du gouvernement provincial de la C.-B. à l'ARC.

38 M. Gray a indiqué que lorsque la question de la mutation des employés des gouvernements provinciaux de la C.-B. et de l'Ontario vers l'ARC a tout d'abord été prise en considération afin d'administrer la TVH dans ces provinces, le groupe VFS de l'IPFPC a amorcé des négociations avec l'ARC au sujet des modalités appropriées de la mutation. Toutefois, les membres de l'IPFPC ont rejeté les premières propositions; ils avaient des doutes quant aux conséquences de l'intégration d'un nouveau groupe d'employés, ayant une ancienneté établie, à l'unité de négociation. Selon les membres du groupe VFS, on leur demandait de répondre aux besoins de 1 200 nouveaux employés dans l'unité de négociation en Ontario et de 300 nouveaux employés en C.-B. sans savoir avec certitude s'il y aurait suffisamment d'emplois pour tout le monde.

39 Après le rejet de la proposition de l'IPFPC, l'ARC a proposé que les employés soient ajoutés à l'unité de négociation de l'AFPC. M. Gray a indiqué que cette solution de rechange préoccupait l'IPFPC parce qu'elle aurait pu mener à des pertes d'emploi au sein de l'unité de négociation et aurait fait obstacle à toute possibilité d'établir le volet de vérification de la TVH en tant que nouveau domaine pour les vérificateurs professionnels dans la fonction publique.

40 M. Gray a souligné que l'IPFPC avait approché l'ARC en vue d'amorcer de nouveau les négociations et l'ARC a indiqué qu'elle y était disposée, pourvu qu'une entente puisse être conclue dans un délai de deux semaines. M. Gray a affirmé que la reconnaissance, par l'IPFPC, de la période de service au palier provincial des employés mutés, était le seul élément que l'ARC n'était pas prête à négocier. Étant donné que cette question avait entraîné le rejet de la proposition initiale de l'IPFPC par ses membres, M. Gray a indiqué que l'IPFPC savait que les négociations seraient difficiles.

41 Néanmoins, l'IPFPC a réussi à conclure un PE avec l'ARC concernant les mutations. La clause suivante était incluse dans le PE : [traduction] « 4) Le groupe VSF de l'IPFPC convient de reconnaître la période de service des employés provinciaux qui acceptent un emploi au sein de l'ARC à la suite des offres faites en vertu de l'Accord sur les ressources humaines. »

42 D'autres éléments du PE consistaient en l'engagement de l'ARC à créer un [traduction] « secteur d'activité distinct pour le travail de TPS/TVH », en l'engagement de l'IPFPC à organiser des séances de discussion ouverte pour expliquer le PE et [traduction] « […] de faire tout en leur pouvoir pour obtenir le soutien relativement au nouveau secteur d'activité » et en l'accord conjoint des parties de continuer de se rencontrer afin d'[traduction] « […] assurer une compréhension commune des dispositions de l'accord ».

43 M. Gray a indiqué que les modalités du premier ARH (pièce U-1, onglet 6) renvoyaient à la convention collective conclue entre l'ARC et l'AFPC parce qu'à ce moment-là, l'unité de négociation de l'AFPC était la seule destination envisagée à l'égard des employés mutés. Toutefois, les modalités du PE obligeaient l'ARC à participer à d'autres discussions avec les provinces afin de modifier les sections de l'ARH indiquant les postes auxquels les employés seraient mutés. Une modification a été apportée à l'ARH (pièce U-1, onglet 8) pour tenir compte du fait que certains employés seraient mutés à des postes représentés par l'IPFPC.

44 Étant donné cet historique, M. Gray a indiqué que les responsables de l'IPFPC avaient déployé des efforts considérables pour présenter le PE à ses membres. M. Gray a préparé des diapositives PowerPoint. Une partie des diapositives a été préparée par l'ARC pour les responsables de l'unité de négociation (pièce U-7), et l'autre partie a été préparée par l'IPFPC à l'intention des membres en général (pièce U-6). Dans les diapositives de l'IPFPC, il était indiqué que ce dernier reconnaissait la période de service des employés mutés provenant des gouvernements provinciaux et que l'ARC s'était engagée à créer un secteur d'activité distinct pour la TVH et d'autoriser l'IPFPC à faire des commentaires relativement à la classification.

45 M. Gray a indiqué que, dans le cadre de l'élaboration du montage de diapositives, lui et d'autres personnes étaient préoccupés par le fait de souligner qu'ils avaient obtenu plus que ce qui avait été prévu à l'« article 35 », la proposition rejetée. Il a affirmé que le PE avait continué de faire l'objet de critiques de la part des membres de l'IPFPC et que, même s'il n'avait pas participé directement à la négociation de la nouvelle convention collective en 2012, il était au courant que la controverse antérieure subsistait dans l'esprit de l'équipe de négociation.

46 L'ensemble des diapositives préparées par l'ARC (pièce U-7) était daté du 28 juin 2010 et comprenait le résumé suivant d'une partie de l'ARH modifié :

[Traduction]

La date de service continu auprès de la province qui devra être reconnue par l'ARC aux fins du service, conformément aux dispositions des conventions collectives de l'ARC ou de ses politiques applicables. Par suite de l'entente conclue avec l'IPFPC, les employés pourront être mutés entre les unités de négociation et leur période de service sera reconnue.

B. Pour l'employeur

47 L'employeur a appelé deux témoins. Le premier était Cary O'Brien, directeur, bureau de transformation de l'Agence à l'ARC. Il était auparavant, directeur, bureau de gestion du projet de la RATVP. M. O'Brien a travaillé à l'ARC pendant 33 ans. Il a indiqué que son travail en ce qui concerne le projet de RATVP consistait à gérer la mise en œuvre de la TVH en C.-B., en Ontario et à l'Île-du-Prince-Édouard, et comprenait notamment la supervision des aspects du projet liés aux ressources humaines, aux communications et à l'administration.

48 M. O'Brien était l'un des représentants de l'ARC qui a participé à la négociation de l'ARH conclu avec le gouvernement de la C.-B. Il a souligné que l'IPFPC n'avait pas participé à la négociation de cet accord; il s'agissait d'un accord conclu entre deux gouvernements. Il a cité l'article 8 de l'ARH initial qui était ainsi libellé :

[Traduction]

8.1 L'ancienneté du service auprès du gouvernement de la Colombie-Britannique sera reconnue par l'ARC en ce qui concerne les employés qui acceptent un poste à l'ARC.

8.2 Cette reconnaissance de service s'appliquera aux droits suivants, prévus dans la convention collective conclue entre l'ARC et l'AFPC, ainsi qu'à tout droit futur qui est déterminé en fonction d'une période de service ou d'emploi :

i. Congé annuel, sous réserve de la clause 9.4.

ii. Congé de maternité non payé et Indemnité de maternité spéciale pour les fonctionnaires totalement invalides

iii. Congé parental non payé et Indemnité parentale spéciale pour les fonctionnaires totalement invalides

iv. Congé de préretraite

v. Indemnité de départ dans la mesure où elle s'applique à la période admissible pour recevoir une telle indemnité

vi. Mesures de soutien à la transition liée au réaménagement des effectifs

vii. Congé de mariage payé

49 Selon M. O'Brien, le gouvernement de la C.-B. avait organisé une séance d'information sur l'ARH, à laquelle des représentants de l'ARC avaient assisté. Ces derniers avaient discuté de possibilités d'emploi particulières lors d'autres séances d'information. Il ne se souvenait pas d'une discussion sur l'indemnité de départ et, selon lui, les séances portaient plutôt sur les types d'emplois offerts, les lieux, les heures de travail, notamment. Il n'a pas assisté à la réunion d'information tenue en septembre.

50 M. O'Brien a reconnu qu'après le référendum de la C.-B. sur la TVH, un certain nombre d'employés étaient retournés à la fonction publique provinciale de la C.-B., mais que d'autres étaient demeurés à l'ARC. Selon lui, la durée de leur service à l'ARC avait été reconnue de manière appropriée. M. O'Brien a indiqué qu'il ne pouvait faire aucun commentaire sur le PE, puisqu'il n'avait pas participé à la négociation de cette entente.

51 Le deuxième témoin appelé par l'employeur était Paul Morin, directeur adjoint, Centre de service à la clientèle pour la rémunération, à Winnipeg. Il a agi à titre de liaison avec l'équipe de projet de RATVP et il a supervisé le travail de quatre équipes qui étaient chargées de saisir des données pendant la mutation des employés des gouvernements provinciaux à l'ARC. M. Morin a indiqué que des efforts avaient été déployés pour fournir les renseignements communs aux employés qui posaient des questions sur la mutation. Phil McCutcheon et Mme Cole étaient tous les deux chargés de fournir des renseignements; les trois fonctionnaires ont mentionné que Mme Cole avait fait une présentation dans le cadre des séances d'information auxquelles ils ont assisté.

52 Mme Morin a affirmé que les séances d'information avaient pour objet de répondre aux questions des employés et de les aider à remplir les formulaires visant les programmes dentaires et de santé du gouvernement fédéral. Il y avait quatre vagues d'employés participant à la mutation et des séances d'information ont été organisées à l'intention de tous les employés visés par la mutation. M. Morin a affirmé qu'il avait assisté à l'une des séances d'information en C.-B. avec Mme Cole, laquelle a été tenue après la présentation des offres d'emploi. Selon ses souvenirs, la séance portait principalement sur les avantages dentaires et liés à la santé. Il a ajouté qu'aucune question n'avait été posée par les employés au sujet de l'indemnité de départ.

53 M. Morin a affirmé que le système de dossier indique trois dates différentes pour chaque employé – emploi continu, service continu et service [traduction] « continu ou discontinu » – ainsi que des dates supplémentaires pour certains employés. La date de service continu ou discontinu est utilisée pour calculer les prestations de congé annuel et elle peut être modifiée afin de tenir compte des absences ou des périodes d'emploi pour une période déterminée. La date de service continu et la date d'emploi continu correspondent habituellement à la date à laquelle l'emploi de l'employé a commencé dans la fonction publique fédérale.

54 M. Morin a indiqué que des dossiers distincts étaient tenus pour les employés mutés à l'ARC et que l'ARH était joint à ces dossiers. Selon l'ARH, la période de service auprès du gouvernement provincial devait être incluse dans la période de service indiquée pour les employés mutés, de sorte que les dates inscrites à l'origine à l'égard de ces employés correspondaient à leur date de début d'emploi dans la fonction publique provinciale. M. Morin a affirmé qu'il comprenait qu'il y avait une distinction entre l'incidence que cela aurait sur l'admissibilité à une indemnité de départ et l'incidence sur le calcul du montant de l'indemnité. Par exemple, il a indiqué que la partie de l'article 19 de la convention collective en vigueur à ce moment-là visant la démission énonçait qu'un employé aurait droit à une indemnité de départ après 10 années d'emploi continu; la date de début au provincial serait utilisée pour déterminer cette admissibilité; la date de début d'emploi à l'ARC serait utilisée pour calculer le montant de l'indemnité.

55 M. Morin a indiqué qu'il était au courant des rapports, par exemple les rapports d'étape sur les congés personnels déposés en preuve par les fonctionnaires (pièce U-1, onglets 11 et 14). Il a reconnu que les dates d'emploi continu figurant à l'origine dans ces rapports correspondaient aux dates de début d'emploi des employés auprès du gouvernement provincial et que ces dates avaient ensuite été modifiées pour correspondre à la date de début d'emploi auprès de l'ARC. Il a affirmé que, lorsque les saisies initiales ont été faites, il a été assumé que les employés resteraient à la fonction publique fédérale. Toutefois, lorsqu'il est devenu évident qu'un grand nombre des employés en C.-B. retourneraient travailler au gouvernement provincial de la C.-B., il a indiqué avoir songé que l'utilisation des dates de début d'emploi du gouvernement provincial de la C.-B. serait trompeuse.

56 En contre-interrogatoire, M. Morin a reconnu que, même s'il se rappelait que le changement était lié au référendum en C.-B. et à la possibilité que des employés reprennent leur emploi auprès du gouvernement de la C.-B., les documents semblaient démontrer que le changement avait eu lieu après le référendum. En fait, le changement a eu lieu après la conclusion de la nouvelle convention, avec l'adoption des changements à l'article 19.

57 En réinterrogatoire, M. Morin a répété qu'il n'avait pas directement traité avec les employés qui posaient des questions sur les dispositions de départ, mais qu'il comprenait la préoccupation au sujet de la date qui devrait figurer dans les rapports d'entreprise qui devaient être liés au retour des employés au gouvernement de la C.-B.

IV. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires

58 L'agent négociateur était d'avis que, dans le calcul de l'indemnité de départ devant être versée en vertu de la clause 19.05 de la convention collective, les années de service des fonctionnaires auprès du gouvernement de la C.-B. devraient être prises en considération relativement à leur période d'emploi continu. Selon le représentant des fonctionnaires, Harinder Mahil, la preuve a démontré que l'intention des parties était d'intégrer dans l'effectif de l'ARC les employés qui étaient mutés d'un emploi provincial vers l'ARC. Il a fait remarquer que l'ARH (pièce U-1, onglet 6) et l'ARH modifié (pièce U-1, onglet 8) prévoyaient qu'en plus des avantages sociaux actuels précisés, la reconnaissance de la période de service antérieure auprès du gouvernement de la C.-B. s'appliquerait à tout [traduction] « droit futur ». Même si l'ARH mentionnait uniquement la convention collective conclue entre l'ARC et l'AFPC, l'ARH modifié reconnaissait la convention conclue entre l'ARC et l'IPFPC, ainsi que le PE (pièce U-1, onglet 7) conclu entre eux. Il a également laissé entendre que les rapports d'étapes sur les congés personnels déposés en preuve (pièce U-1, onglets 11 et 14) démontraient que l'ARC avait souscrit à cette interprétation jusqu'à la signature de la nouvelle convention collective en 2012.

59 M. Mahil m'a renvoyée à plusieurs affaires portant sur l'interprétation des conventions collectives. Dans Pacific Press v. Graphic Communications International Union, Local 25-C, [1995] B.C.C.A.A.A. No. 637 (QL), au paragr. 27, l'arbitre de grief a établi les principes suivants pour l'interprétation des dispositions de la convention collective :

[Traduction]

  1. Le but de l'interprétation est de découvrir l'intention mutuelle des parties.
  2. La principale ressource d'une interprétation est la convention collective.
  3. La preuve extrinsèque (preuve extérieure au registre officiel de la convention, soit la convention collective écrite elle-même) est utile uniquement lorsqu'elle révèle l'intention mutuelle.
  4. La preuve extrinsèque peut préciser mais non contredire une convention collective.
  5. Une promesse très importante est susceptible d'être exprimée clairement et sans équivoque.
  6. Pour interpréter deux dispositions, une interprétation harmonieuse est préférable à celle qui les place en contradiction.
  7. Toutes les clauses et tous les termes d'une convention collective doivent avoir un sens, dans la mesure du possible.
  8. Lorsqu'une convention utilise des termes différents, il faut présumer que les parties souhaitaient avoir des sens différents.
  9. Habituellement, les termes d'une convention collective devraient se voir attribuer leur sens ordinaire.
  10. Il est présumé que les parties connaissent la jurisprudence pertinente.

60 Dans le même paragraphe, l'arbitre de grief a également déclaré ce qui suit : [traduction] « les règles d'interprétation ne sont pas toutes exécutoires de façon rigoureuse. Le sens commun et les circonstances spéciales ne peuvent être écartés ».

61 M. Mahil m'a également renvoyée à Hydro One Inc. v. Society of Energy Professionals, [2007] O.L.A.A. No. 37 (QL); Martin c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28191 (19981029); Nigel Services for Adults with Disabilities Society v. Construction and Specialized Workers' Union, Local 1611 (2013), 230 L.A.C. (4e) 400; Bingham Memorial Hospital v. CUPE, Local 2558 (1991), 20 L.A.C. (4e) 434. Même si aucune de ces affaires ne porte directement sur la question précise soulevée dans ces griefs, elles fournissent des exemples d'arbitres de différends et d'arbitres de grief qui souhaitent découvrir l'intention des parties au moyen de l'interprétation d'une convention collective.

62 M. Mahil a fait valoir le fait que la situation des fonctionnaires était visée par la catégorie des circonstances spéciales mentionnées par l'arbitre de différends dans Pacific Press et que la clause 19.05 de la convention collective, telle qu'elle s'applique aux fonctionnaires, peut être comprise uniquement par l'examen de ces circonstances spéciales.

B. Pour l'employeur

63 L'avocate de l'employeur a soutenu que l'expression « emploi continu » devait être interprétée dans le cadre de la convention collective. La définition de la convention renvoie à la « Politique sur les conditions d'emploi » de l'employeur (pièce E-3), qui, à son tour, renvoie à la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-36) (la « LPFP »). Dans tous ces documents, l'emploi continu est examiné uniquement en ce qui concerne l'emploi à la fonction publique fédérale ou auprès d'autres employeurs précis, comme la GRC et les Forces canadiennes.

64 L'avocate de l'employeur m'a renvoyée à Katchin et Piotrowski c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2011 CRTFP 70, aux paragr. 108 à 110, pour rappeler que la preuve extrinsèque peut être admise ou invoquée uniquement lorsqu'il y a ambiguïté dans la convention collective, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La convention collective est le droit qui régit la relation entre les parties, et ces dernières sont liées par ses modalités. À partir des documents mentionnés dans la convention collective qui prévoient la définition d'emploi continu, il est évident que les périodes de service au sein du gouvernement provincial ne doivent pas être incluses à titre de période de service aux fins du calcul de l'indemnité de départ.

65 L'avocate de l'employeur a soutenu que les deux versions de l'ARH (pièce U-1, onglets 6 et 8) et le PE conclu par l'ARC et l'IPFPC (pièce U-1, onglet 7) étaient visés par la catégorie des documents secondaires. Elle m'a renvoyée à Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 85, au paragr. 57, à l'appui de la proposition selon laquelle les documents accessoires ne font pas partie de la convention collective à moins qu'ils y soient inclus ou qu'ils y soient spécifiquement incorporés par renvoi. L'ARH n'était pas un accord dont l'agent négociateur avait pris connaissance et s'il y a eu violation de ses modalités, son exécution doit être faite par un mécanisme qui est prévu par l'ARH et non la convention collective. Le PE visait une partie des aspects de la mise en œuvre du projet d'harmonisation et non la modification de la convention collective.

66 En outre, l'avocate de l'employeur a fait valoir le fait que la question de l'indemnité de départ des fonctionnaires avait déjà été complètement réglée. Comme ils avaient démissionné de la fonction publique de la C.-B., ils n'avaient pas droit à l'indemnité de départ selon leurs conditions d'emploi à cet endroit. À l'époque, la convention collective entre l'ARC et l'IPFPC comportait des dispositions sur l'indemnité de départ; il s'agissait des avantages sociaux énumérés dans l'ARH et les fonctionnaires n'étaient visés par aucun de ces avantages. Pour ce qui est de la clause 19.05, conclue en 2012, l'employeur n'a pas nié le fait que les fonctionnaires avaient droit à un paiement en vertu de cette disposition. Selon l'ARC, le montant de ce paiement est fondé sur la durée de l'emploi à la fonction publique fédérale, c'est-à-dire, dans le cas des fonctionnaires, la durée de leur emploi auprès de l'ARC.

67 Il n'est pas approprié d'appliquer une certaine version de la préclusion pour empêcher l'employeur d'invoquer le véritable sens de la clause d'une convention collective. Dans Canada (Procureur général) c. Lamothe, 2008 CF 411, au paragr. 42, la Cour fédérale fait allusion à la définition classique suivante de la préclusion, donnée dans Combe v. Combe, [1951] 2 K.B. 215 :

[Traduction]

Selon ma compréhension, le principe veut que lorsqu'une partie, par sa parole ou sa conduite, fait à l'autre partie une promesse ou lui a donné une assurance dans le but d'influer sur les relations légales entre elles et en fonction de laquelle l'autre partie devait agir, alors, une fois que l'autre partie s'est fiée à sa parole et a agi en conséquence, on ne peut par la suite permettre à la partie qui a fait la promesse ou donné l'assurance de revenir à leur relation légale antérieure comme si elle n'avait pas fait cette promesse ou donné cette assurance; […]

68 L'avocate de l'employeur m'a renvoyée à Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93, et à Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112. Ces affaires précisent clairement que seuls les garanties ou les engagements qui peuvent faire l'objet d'une préclusion seront faits par les parties à la convention collective. Toute entente entre des fonctionnaires individuels et les représentants de l'employeur ne peut atteindre le niveau d'engagement entre les seules parties qui ont le pouvoir d'assumer de telles obligations, soit l'agent négociateur et l'employeur.

69 Ainsi, si les fonctionnaires ont entendu des déclarations faites par des gestionnaires individuels ou s'ils ont participé à des conversations avec ces derniers, ces déclarations ou conversations n'avaient pas le pouvoir de modifier les modalités de la convention collective ou d'imposer à l'employeur une interprétation à laquelle il n'a pas souscrit. Par exemple, les déclarations de Mme Cole dans son courriel à M. Simundic (pièce U-5) ne peuvent lier l'employeur, et la vague déclaration selon laquelle il y aurait une transition sans heurt de l'emploi au niveau provincial à l'emploi auprès de l'ARC ne représentait pas un engagement précis.

70 L'une des exigences de la préclusion est une conclusion où la partie à qui une promesse a été faite s'en est remise à cette promesse pour prendre des mesures, ce qui est souvent appelé l'exigence de la « confiance préjudiciable ». L'avocate de l'employeur m'a renvoyée à Dubé c. Procureur général du Canada, 2006 CF 796, comme exemple de ce principe. Comme dans cette affaire, elle a fait valoir que les éléments de preuve présentés en l'espèce n'ont pas démontré que les fonctionnaires avaient apporté des changements à leur poste en raison de l'engagement présumé de l'employeur de reconnaître leur période de service au provincial. Aucune preuve n'a été démontrée selon laquelle ils ne seraient pas passés à la fonction publique fédérale en l'absence d'un tel engagement; en effet, selon le témoignage des fonctionnaires, comme leur emploi à la fonction publique provinciale aurait probablement cessé d'exister, ils étaient donc fortement incités à aller de l'avant avec la mutation.

C. Réplique des fonctionnaires

71 Le représentant des fonctionnaires, Simon Cott, a fait remarquer que, même si le paiement prévu à la clause 19.05 de la convention collective est appelé une indemnité de départ, il ne vise pas un départ de l'emploi; les paiements devaient être versés à tous les employés de l'unité de négociation au moment de la signature de la convention collective.

72 En ce qui concerne le renvoi à la LPFP dans la Politique sur les conditions d'emploi de l'employeur (pièce E-3), l'adoption de l'interprétation de l'employeur signifierait que la période de service des fonctionnaires au gouvernement de la C.-B. ne compterait pas en ce qui concerne leur pension de la fonction publique, ce qui n'était clairement pas ce que prévoyaient les parties. L'article 40 de la LPFP prévoit que le gouvernement fédéral peut conclure avec tout « employeur approuvé » un accord afin de reconnaître des droits dans le cadre d'un régime de pension extérieur à la fonction publique fédérale. Voici certaines parties pertinentes de l'article 40 :

40. (1) Au présent article, « employeur approuvé » désigne un employeur pour les employés de qui il existe un fonds ou un régime de pension de retraite ou de pension approuvé par le ministre pour l'application de la présente partie, y compris l'administrateur d'un tel fonds ou régime de pension de retraite ou de pension établi pour ces employés.

(2) Le ministre peut, avec le consentement du gouverneur en conseil, conclure avec tout employeur approuvé, selon des termes approuvés par le Conseil du Trésor, un accord par lequel, en contrepartie de l'engagement par cet employeur de verser au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite de la fonction publique un montant déterminé d'après l'accord à l'égard de tout employé de l'employeur qui devient ou est devenu membre de la fonction publique, le ministre paiera à l'employeur, pour tout fonds ou régime de pension de retraite ou de pension établi au bénéfice de ses employés, un montant déterminé en conformité avec le paragraphe (3) ou (4) relativement à tout contributeur qui a cessé ou cesse d'être employé dans la fonction publique pour passer à l'emploi de l'employeur. […]

[…]

(11) Lorsqu'un employé d'un employeur approuvé, avec qui le ministre a conclu un accord conformément au paragraphe (2), a cessé d'être employé de cet employeur pour devenir membre de la fonction publique et devient un contributeur avant le 1er avril 2000, toute période de service de cet employé qu'il avait droit, au moment où il a quitté cet emploi, de faire compter pour tout fonds ou régime de pension de retraite ou de pension établi au bénéfice des personnes employées par cet employeur peut, si l'accord le prévoit, être comptée par lui comme service ouvrant droit à pension pour l'application du paragraphe 6(1), sans autre contribution de sa part que celle dont il est fait mention dans l'accord, si, dans le délai d'un an à compter du moment où il devient contributeur selon la présente partie, ou dans le délai additionnel que mentionne l'accord, l'employeur verse au compte de pension de retraite le montant dont l'accord exige le versement par cet employeur à l'égard de cet employé.

73 L'article 16 de l'ARH semble faire référence à une [traduction] « Entente de transfert de pension » : [traduction] « L'Entente de transfert de pension actuelle visera les employés de la C.-B. qui se joignent à l'ARC ».

74 M. Cott a reconnu qu'un arbitre de grief n'a pas compétence pour donner effet aux dispositions de l'ARH et a dit que l'agent négociateur ne demandait pas cela. L'agent négociateur a plutôt fait valoir que les engagements pris par l'ARC dans plusieurs forums, y compris les modalités de l'ARH et du PE, sont pertinents pour établir le sens de la clause 19.05 de la convention collective.

V. Motifs

75 Les griefs dont je suis saisie concernent une situation plutôt inhabituelle. Les fonctionnaires ont été mutés de leur emploi auprès du gouvernement de la C.-B. à un emploi à la fonction publique fédérale dans le cadre d'une initiative, qui, dans le cas de la C.-B., a avorté à la suite d'un référendum qui a annulé le projet de la TVH en 2011. En raison de cet événement dramatique, la majorité des employés qui avaient été mutés à l'ARC depuis la fonction publique provinciale ont repris leur emploi auprès du gouvernement de la C.-B. Toutefois, les fonctionnaires, ainsi qu'un certain nombre d'autres employés touchés, ont choisi de demeurer à l'ARC. L'un des fonctionnaires, M. Leung, continue d'y travailler, alors que Mme Robson et M. Clough ont pris leur retraite.

76 Les griefs concernent l'interprétation appropriée à donner à l'expression « emploi continu » pour l'application de la clause 19.05 de la convention collective, laquelle a été ajoutée à la convention collective en 2012 afin de fournir un paiement unique à tous les employés nommés pour une période indéterminée au lieu des paiements déjà prévus au moment de la démission ou de la retraite. L'employeur a soutenu que le sens d'« emploi continu » à la clause 19.05 est manifeste à la lecture de la convention elle-même si l'on donne suite au renvoi à la Politique sur les conditions d'emploi de l'Employeur et à la LPFP.

77 D'un autre côté, l'agent négociateur a soutenu que l'expression « emploi continu » à la clause 19.05 de la convention collective était ambiguë et qu'il était nécessaire de préciser cette expression au moyen de la compréhension des développements qui ont mené à la mutation des employés du gouvernement de la C.-B. et à l'inclusion des fonctionnaires dans l'unité de négociation représentée par l'IPFPC.

78 Au moment de la mutation, l'accord conclu entre deux gouvernements représenté par l'ARH (pièce U-1, onglet 6) et l'ARH modifié (pièce U-1, onglet 8) et le PE conclu entre l'ARC et l'IPFPC (pièce U-1, onglet 7) se sont fermement engagés à l'égard du groupe d'employés dont faisaient partie les fonctionnaires à ce que leurs années de service antérieures pour le gouvernement de la C.-B. soient pleinement reconnues et prises en compte en ce qui concerne l'ensemble des conditions de leur emploi à l'ARC.

79 L'avocate de l'employeur a soulevé un certain nombre de points qui ne peuvent être contestés. Il est certainement vrai qu'en première instance, le libellé de la convention collective est la principale ressource qu'un arbitre de grief appelé à interpréter une convention collective doit prendre en considération. Ce libellé a été formulé avec soin, souvent avec difficulté, par les parties et il doit être interprété comme représentant les ententes qu'elles ont conclues l'une avec l'autre. Si l'une des parties est déçue des résultats de la rédaction à laquelle ses représentants ont contribué ou préférerait que la convention précise autre chose, le recours doit consister en des rondes de négociation collective supplémentaires; la partie dissidente ne peut simplement demander à un arbitre de grief d'ignorer ce qui est prévu par la convention collective pour le remplacer par des éléments plus utiles.

80 De plus, les conventions collectives sont des documents de travail qu'un grand nombre de personnes doivent interpréter dans leurs interactions quotidiennes. Les interprétations des termes d'une convention collective par des agents négociateurs, leurs membres ou employés ne seront pas toutes fidèles à ce que les parties à la convention collective avaient l'intention de convenir et on doit accepter qu'un simple gestionnaire ou délégué syndical ne puisse nécessairement lier le mandant en formulant une interprétation déviante de la convention collective.

81 D'un autre côté, il y a des occasions où les modalités utilisées dans une convention collective ne peuvent être interprétées judicieusement sans faire référence aux documents ou à des échanges en dehors des limites de la convention elle-même. J'ai conclu que tel était le cas. L'expression « emploi continu » (qui figure à la clause 19.05) est définie dans la convention uniquement en ce qui concerne un document externe, soit la Politique sur les conditions d'emploi de l'employeur. Dans ce document, l'annexe B définit l'« emploi continu » comme [traduction] « […] une ou plusieurs périodes de service dans la fonction publique, au sens donné par la Loi sur la pension de la fonction publique ». Le point 24 de la politique contient un examen plutôt approfondi de l'emploi continu. Cet examen ne vise pas l'indemnité de départ comme telle et cette question ne semble pas être précisément mentionnée dans la politique.

82 La LPFP ne contient pas une définition explicite d'« emploi continu ». L'article 6 de la Loi utilise l'expression « service ouvrant droit à pension », qui n'est pas utilisée dans la convention collective. Il est intéressant de noter que le libellé de la définition de l'expression à l'article 6 ne limite pas cette dernière au régime de pension de la fonction publique fédérale. Par exemple, la clause 6(1)b)(iii)(J) renvoie à des périodes de service visées par un accord conclu en vertu de l'article 40, examinées ci-dessus au paragraphe 72.

83 Étant donné que la définition présumée d'« emploi continu » dans la convention collective mène à cet enchevêtrement de politiques et de dispositions législatives, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'il n'y a aucune ambiguïté au sujet de l'expression relativement à l'emploi des fonctionnaires. J'ai permis l'admission de l'ARH, de l'ARH modifié et du PE sur ce fondement, ainsi que le témoignage de M. Gray au sujet de l'évolution du PE.

84 Lorsque cette preuve est prise en considération, il devient évident qu'au moment de la mutation des fonctionnaires du gouvernement provincial de la C.-B. au gouvernement fédéral, on souhaitait en effet qu'il y ait une transition sans heurt pour ce groupe d'employés, que leur période de service antérieure au gouvernement de la C.-B. constitue, dans la mesure du possible, le fondement de tout calcul de leurs droits et qu'à l'avenir, ils soient traités comme les autres employés visés par la convention collective. Il serait difficile d'interpréter les déclarations dans les diapositives de présentation (pièce U-7), mentionnées au paragraphe 46 ci-dessus, d'une autre façon. Cette position ne représente pas les déclarations déplacées de gestionnaires individuels, mais un engagement soutenu de l'employeur dans le but de faire avancer le projet d'harmonisation.

85 Selon le compte rendu de M. Gray au sujet des développements entourant la mutation, et qui n'a pas été contredit par l'employeur, il est évident que l'idée d'introduire un certain nombre de nouveaux employés dans l'unité de négociation de l'IPFPC, qui emmèneraient avec eux leur niveau élevé d'ancienneté, n'a pas été bien acceptée au début par les membres existants de l'IPFPC, lesquels ont rejeté la première convention conclue par leurs représentants de l'unité de négociation et l'employeur sur les modalités de la mutation. Pour certains des employés qui envisageaient l'option de la mutation, la solution de rechange, soit l'inclusion des fonctionnaires dans l'unité de négociation représentée par l'AFPC et le placement dans les classifications d'emploi énumérées par la convention collective de l'AFPC – n'était pas attrayante.

86 À ce moment, il semble que l'employeur ait mis de la pression pour que l'IPFPC conclue une nouvelle convention afin d'inclure un groupe d'employés (dont faisaient partie les fonctionnaires). Lorsqu'il a examiné le fondement de cette convention, l'IPFPC a compris qu'il faudrait s'entendre au sujet de la reconnaissance de la période de service antérieure de ces employés pour le gouvernement de la C.-B. et il a réussi à convaincre ses membres d'accepter la convention incorporée dans le PE.

87 Après la conclusion du PE, il était nécessaire de revoir l'ARH afin de tenir compte de l'inclusion de certains des employés dans l'unité de négociation de l'IPFPC. Dans les versions originale et révisée de l'ARH, des renvois explicites ont été faits à la reconnaissance de la période de service antérieure, tant en ce qui concerne une liste des avantages sociaux existants que des droits futurs.

88 Selon ces documents et le compte rendu fourni par M. Gray de l'historique du PE, il est impossible de ne pas conclure que les parties ont convenu que la période de service antérieure des employés transférés serait reconnue de façon globale et qu'elle serait prise en compte dans le contexte des droits actuels et futurs en vertu de la convention collective.

89 En effet, les documents de l'employeur, soit les rapports d'étapes sur les congés personnels à la pièce U-1, onglets 11 et 14, laissent entendre que l'employeur croyait que l'emploi continu de ces employés commençait à la date de leur entrée en fonction auprès du gouvernement de la C.-B., et non de l'ARC. L'explication de M. Morin quant à la modification de ces dates en 2012 voulait que les dates originales aient été des « erreurs ». Selon son souvenir, le changement était lié à la période au cours de laquelle un grand nombre d'employés étaient revenus au gouvernement de la C.-B. après l'échec de l'initiative d'harmonisation en 2011. Selon l'employeur, comme le motif initial justifiant l'arrivée de ces employés n'était plus applicable, ils ne devraient pas avoir le droit de compter leur période de service antérieure auprès du gouvernement de la C.-B. au moment d'établir le motif de leur départ de l'ARC après une brève période passée là-bas.

90 En contre-interrogatoire, M. Mahil a fait remarquer que les rapports sur les congés avaient été modifiés après que la nouvelle convention collective, qui contenait la clause 19.05 de la convention collective, a été conclue, et il a laissé entendre que le changement avait pu découler d'un effort visant à nier aux employés mutés des indemnités complètes de départ en vertu de la nouvelle clause. Il a reconnu que les changements se sont produits après la conclusion de la nouvelle convention collective, mais il a déclaré qu'il ne pouvait faire de commentaires sur la question de savoir s'il y avait un lien entre ces deux événements.

91 Je ne crois pas qu'il est nécessaire de tirer une conclusion sur la question de savoir quelle explication est appropriée pour modifier les dates. Si cela était lié au processus de retour des employés au service du gouvernement de la C.-B., alors cela n'est pratiquement pas pertinent à la situation des fonctionnaires. Peu importe l'importance – ce sur quoi je ne formule aucun commentaire – de déplacer le niveau d'engagement des employés qui ne travailleraient plus pour l'ARC, si la position de l'employeur était qu'il n'avait plus l'obligation d'observer l'ARH ou le PE relativement aux employés qui reviennent au gouvernement de la C.-B, alors cela n'aurait pas d'incidence sur la façon dont la période de service devrait être calculée pour les fonctionnaires. Ils ont continué d'être des employés de l'ARC et, à mon avis, ils avaient droit à tous les avantages sociaux prévus par les conventions collectives qui avaient été conclues au sujet des modalités de leur mutation.

92 Si l'explication de la modification était précisément liée à la formulation de la position de l'employeur, à l'époque, relativement au sens de la clause 19.05 de la convention collective, alors les motifs que j'ai formulés dans la présente décision devraient préciser que j'ai conclu que la position de l'employeur n'était pas correcte quant au sens de l'expression « emploi continu » pour les fonctionnaires.

93 J'ai conclu que l'agent négociateur avait réussi à démontrer que l'employeur s'était engagé à reconnaître la période de service des fonctionnaires auprès du gouvernement de la C.-B. pour toutes les fins liées à leur emploi à l'ARC et que cela comprenait le calcul de l'indemnité de départ à laquelle tous les employés ont eu droit en raison de l'ajout en 2012 de la clause 19.05 à la convention collective.

94 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

95 Les griefs sont accueillis.

96 J'ordonne que l'employeur calcule de nouveau l'indemnité de départ en vertu de la clause 19.05 de la convention collective afin de reconnaître la période de service antérieure des fonctionnaires auprès du gouvernement de la C.-B.

97 J'ordonne que les dates de début des fonctionnaires auprès du gouvernement de la C.-B. soient utilisées dans tout document de l'employeur dans lequel est indiquée la date de début de la période d'emploi continu aux fins de la convention collective.

98 Je demeure saisie des griefs pour une période de 90 jours suivant la date de la présente décision afin de permettre aux parties de parvenir à une entente sur sa mise en œuvre. Dans l'éventualité où les parties ne parviennent pas à s'entendre, l'une ou l'autre d'entre elles, ou les deux, peut me soumettre les questions non réglées.

Le 22 mai 2015

Traduction de la CRTEFP

Beth Bilson,
arbitre de grief

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