Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé une prorogation de délai pour déposer une formule de transmission de grief afin de présenter son grief au palier suivant de la procédure de règlement de griefs – elle avait demandé que son grief soit entendu directement au troisième palier de la procédure de règlement de griefs en vertu de la clause 19.02 de sa convention collective – l'employeur a signé la formule de transmission, mais a plus tard communiqué avec le représentant de l'agent négociateur de la fonctionnaire s'estimant lésée et il l'a avisé que le grief serait entendu dans le cadre de la procédure régulière de règlement de griefs – l'employeur a prévu l'audience au premier palier de la procédure, à laquelle a assisté le représentant – même si la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas été avisée de l'audience au premier palier, elle a reçu et signé une copie de la réponse à ce palier – l'employeur, n'ayant reçu aucune réponse de l'agent négociateur au sujet de sa réplique et étant d'avis que la formule de transmission avait été signée prématurément, a conclu que le grief avait été abandonné – sept mois après le transfert du dossier au niveau de l'Élément, l'agent négociateur a communiqué avec l'employeur, qui l'a avisé qu'il croyait que le grief avait été abandonné – l'agent négociateur a donc déposé la présente demande de prorogation de délai – l'agent négociateur avait renoncé à son droit de soulever l'application de la clause 19.02 – même si l'allégation de la demanderesse, selon laquelle on aurait dû renoncer à l'audience au premier palier, avait un certain fondement, l'employeur avait clairement rejeté la demande et ni l'agent négociateur ni la demanderesse ne s'y sont opposés avant que l'employeur rejette la demande de prorogation de délai – pour abandonner un grief, il n'est pas nécessaire qu'un fonctionnaire s'estimant lésé donne un avis écrit à l'employeur en vertu de la clause 18.25 – la demanderesse ne pouvait croire, de bonne foi, que son grief aurait été traité comme elle l'avait demandé la première fois, compte tenu de la réplique au premier palier qu'elle a reçue – la demanderesse n'a pas fait preuve de diligence raisonnable en donnant suite à son grief – l'employeur n'avait pas été établi qu'un préjudice réel découlerait de l'octroi de la prorogation de délai – la demanderesse n'a pas établi que le retard était justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes et elle n'a pas établi qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable en donnant suite à son grief. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150506
  • Dossier: 568-02-249
  • Référence: 2015 CRTEFP 39

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

DONNA MARTIN

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Martin c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai en vertu de l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la demanderesse:
Vanessa Reshitnyk, avocate
Pour le défendeur:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 18 septembre et les 2 et 17 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Demande devant le président

1 Le 23 novembre 2010, la demanderesse, Mme Donna Martin, a présenté un grief, MAN 2010-257, à son employeur, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (« RHDCC »), invoquant une discrimination fondée sur la déficience dans le lieu de travail et l'omission de respecter l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Selon le grief, RHDCC (l'« employeur » ou le « défendeur ») a violé la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que l'article 19 et les articles connexes de la convention collective. Elle y demande la prise de mesures d'adaptation et l'indemnisation pour la perte de salaires et les dépenses engagées. Elle demande également une somme de 20 000 $ en dommages pour souffrances et douleurs et de 20 000 $ pour discrimination inconsidérée et délibérée ainsi que des excuses écrites.

2 Le grief était rédigé ainsi :

[Traduction]

Je conteste le fait que mon employeur a refusé de prendre des mesures d'adaptation à mon égard dans le lieu de travail selon la politique « Obligation de prendre des mesures d'adaptation » du Conseil du Trésor, me causant ainsi d'importants préjudices financiers, physiques et psychologiques.

Je conteste le fait qu'en raison de ma déficience, mon employeur a fait preuve de discrimination à mon égard de façon continue, violant ainsi la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que l'article 19 et tous les autres articles connexes de la convention sur les services techniques.

Je conteste le fait que l'employeur a contrevenu à la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor du Canada en omettant d'offrir un lieu de travail sans harcèlement.

Je conteste le fait que l'employeur a contrevenu au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada en omettant de l'appliquer.

3 Le 11 décembre 2011, l'agent négociateur a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») une prorogation du délai pour déposer une formule de transmission des griefs afin de présenter un grief au deuxième ou au troisième palier de la procédure applicable aux griefs en vertu de l'article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancien Règlement »).

4 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le 3 novembre 2014, le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79) a été modifié pour devenir le Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »). En vertu de l'alinéa 61b) du Règlement, la nouvelle Commission peut, par souci d'équité, proroger le délai prévu par la partie 2 du Règlement ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d'un grief à l'arbitrage ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document.

5 Le Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique a également été modifié le 3 novembre 2014. L'article 61 de l'ancien Règlement a été adopté de nouveau en tant qu'article 61 du Règlement actuel sans changement dans le libellé ou la substance. DORS/2014-251, art. 23.

II. Résumé de la preuve

6 Le 23 novembre 2010, la demanderesse, Mme Donna Martin, a présenté un grief, MAN 2010-257, à son employeur, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (« RHDCC »), invoquant une discrimination fondée sur la déficience dans le lieu de travail et l'omission de respecter l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Le grief a été présenté en même temps qu'une demande visant à ce que ce dernier passe directement à une audience au troisième palier. Le grief et la formule de transmission ont été reçus par Mme Arlene Forsyth.

7 Lorsqu'il a demandé que le grief soit transmis pour audience au troisième palier, l'agent négociateur était d'avis qu'un niveau d'autorité différent, supérieur à celui de Mme Forsyth, devrait répondre au grief, puisque c'est cette dernière qui a refusé la demande de mesures d'adaptation de la demanderesse, en sa qualité de directrice régionale du Programme du travail. Mme Martin était la présidente de la section locale du Syndicat au moment de la présentation du grief. L'employeur reconnaît que Mme Forsyth a refusé la demande de mesures d'adaptation de la demanderesse.

8 Mme Forsyth a reçu le grief et a signé la formule de transmission le 23 novembre 2010. Néanmoins, le 2 décembre 2010, Mme Forsyth a fait parvenir un courriel au représentant local de l'agent négociateur, Alex Kozubal, pour indiquer qu'elle avait consulté les Relations de travail qui avaient convenu qu'elle procéderait à l'audition de ce grief dans le cadre de la procédure régulière applicable aux griefs et souhaitait fixer une audience au premier palier de la procédure applicable aux griefs. M. Kozubal a accepté par courriel de tenir une audience le 13 décembre 2010. Cependant, la demanderesse n'a pas reçu copie du courriel, et l'audience s'est tenue sans qu'elle le sache et sans qu'elle soit présente. Une réplique au premier palier du grief a été faite par Mme Forsyth le 17 décembre 2010, rejetant le grief pour non-conformité des délais et sur le fond.

9 Peu de temps après le dépôt de la demande, la Commission, conformément à sa procédure dans de tels cas, a demandé à l'employeur sa position sur l'affaire. L'employeur a répondu le 31 janvier 2012, joignant des annexes à sa réponse. Le Syndicat a reçu copie de cette correspondance. L'annexe B est la réponse de l'employeur au premier palier de la procédure applicable aux griefs et est datée le 17 décembre 2010. Bien qu'il y ait la preuve que la demanderesse n'a pas été avisée du courriel de Mme Forsyth du 2 décembre 2010 ou de l'audience du 13 décembre 2010, la réplique de l'employeur au premier palier porte clairement la signature de la demanderesse.

10 La convention collective précise ce qui suit à la clause 18.16 a) :

18.16 Un employé-e s'estimant lésé peut présenter un grief à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs qui suit le premier :

a)  lorsque la décision ou la solution ne lui donne pas satisfaction, dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle la décision ou la solution lui a été communiquée par écrit par l'Employeur.

11 L'employeur, n'ayant rien reçu en réponse de l'agent négociateur en ce qui concerne la réplique au premier palier du grief pendant la période de dix jours mentionnée ci-dessus et croyant que la formule de transmission avait été signée prématurément, a cru que le grief avait été abandonné. Ni l'agent négociateur ni la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire ») n'ont été informés de la position de l'employeur. Selon la procédure de l'agent négociateur, le dossier a ensuite été transféré à l'Élément de la fonctionnaire chez l'agent négociateur, le Syndicat des employées et employés nationaux, au début de 2011, puisque l'Élément offre des services de représentation à un grief à un niveau supérieur au premier palier de la procédure applicable aux griefs.

12 Le 12 août 2011, Gail Myles, une agente des relations de travail auprès de l'Élément, a fait parvenir un courriel à Kristel Larouche, une conseillère en relations de travail pour RHDCC, pour demander une audience au troisième palier pour le grief de Mme Martin. Mme Myles a été informée par Mme Larouche cinq jours plus tard du fait que, selon les clauses 18.16 et 18.26 de la convention collective, l'employeur était d'avis que le grief avait été abandonné. Mme Myles a répondu que le grief avait été présenté en temps utile et qu'il devrait être entendu, à défaut de quoi l'agent négociateur déposerait un autre grief semblable, étant donné qu'il soutenait que la fonctionnaire avait fait l'objet d'un traitement discriminatoire continu. Mme Larouche a répondu que le grief avait été abandonné et que l'affaire pourrait être soumise au Ministère à titre de plainte. Mme Myles a répondu qu'il y avait eu un malentendu et a demandé à RHDCC d'accepter le fait que la formule de transmission a été déposée en temps utile ou qu'il accorde une prorogation. Mme Larouche a rejeté la demande d'acceptation des formules de transmission déposées en temps utile et a affirmé de nouveau que la proposition du Ministère était de continuer l'affaire dans le cadre de la procédure relative aux plaintes.

13 Le 23 août 2011, Mme Myles a communiqué avec Danica Shimbashi, la directrice générale de la Direction des opérations régionales et de la conformité de RHDCC, pour lui demander d'accorder la prorogation du grief de Mme Martin, l'avisant que, si sa demande n'était pas acceptée, un deuxième grief serait présenté. Un deuxième grief a été présenté par l'agent négociateur le 21 septembre 2011, avant la réponse de Mme Shimbashi. Mme Shimbashi a répondu le 23 septembre et a confirmé que l'employeur était d'avis que le premier grief avait été abandonné et qu'il n'accorderait pas de prorogation, mais elle a indiqué que le deuxième grief serait entendu au deuxième palier de la procédure applicable aux griefs.

14 Le 12 décembre 2011, l'agent négociateur a demandé à l'ancienne Commission une prorogation du délai.

III. Résumé de l'argumentation

A. Arguments de la demanderesse et de l'agent négociateur

15 La demanderesse souhaite que la demande soit accordée et qu'il soit ordonné que le grief soit entendu au troisième palier de la procédure applicable aux griefs. L'agent négociateur soutient qu'il a pris les mesures appropriées pour respecter les délais prévus par la convention collective en présentant la formule de transmission en même temps que le grief le 23 novembre 2010.

1. Suppression du palier du grief

16 Selon la demanderesse, étant donné que le grief a été soumis au premier palier à la gestionnaire elle-même nommée à titre d'auteur de harcèlement et de la discrimination, cette audience au premier palier aurait dû être supprimée, conformément aux modalités des clauses 19.02 a) et b) de la convention collective. Ces clauses sont ainsi rédigées :

19.02 a) Tout palier de la procédure de règlement des griefs sera supprimé si la personne qui entend le grief est celle qui fait l'objet de la plainte.

b) Si, en raison de l'alinéa a), l'un des paliers de la procédure de règlement des griefs est supprimé, aucun autre palier ne sera supprimé sauf d'un commun accord.

17 En outre, étant donné que l'employeur n'a pas indiqué que la transmission était prématurée, le fait qu'elle a été signée par Mme Forsyth aurait dû faire passer le grief au troisième palier. La demanderesse a fait remarquer que la clause 19.02 a) n'exige pas un commun accord des parties pour supprimer un palier de grief et que l'utilisation du mot « shall » dans la version anglaise signifie que la disposition exige une telle mesure. Ainsi, l'audition du grief aurait dû se faire au-dessus du premier palier, conformément à la formule de transmission.

2. Le grief n'a pas été abandonné

18 L'agent négociateur a soutenu qu'à aucun moment dans la procédure applicable aux griefs la demanderesse n'a donné un avis selon lequel elle avait abandonné le grief. La clause 18.25 prévoit ce qui suit : « Un employé-e s'estimant lésé peut abandonner un grief en adressant un avis écrit à son superviseur immédiat ou au responsable local ».

19 L'agent négociateur a fait remarquer que, tout au long de la procédure applicable aux griefs, la demanderesse avait l'intention de transmettre le grief au troisième palier dans les délais appropriés, comme l'atteste sa présentation de son avis de transmission, accompagné du grief original.

3. Considérations en matière d'équité pour proroger les délais

20 L'agent négociateur a soutenu que l'analyse portant sur la prorogation du délai est celle qui doit se faire, selon la Commission, « par souci d'équité » et qu'il « n'y a pas, dans les critères énoncés dans Schenkman, de formules forfaitaires ou de seuils qui empêchent un décideur de déterminer s'il y a lieu, par souci d'équité, d'accorder une prorogation de délai ». Il a invoqué Apenteng c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 19, au paragr. 88.

4. Examen des facteurs de Schenkman

21 L'agent négociateur a fait valoir le fait que les cinq critères dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, auraient dû être examinés au moment de décider s'il convenait d'accorder la prorogation du délai. Les cinq facteurs de Schenkman sont indiqués au paragr. 75 :

  1. le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  2. la durée du retard;
  3. la diligence raisonnable du fonctionnaire s'estimant lésé;
  4. l'équilibre entre l'injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur;
  5. les chances de succès du grief.

22 L'agent négociateur a présenté des arguments au sujet de deux facteurs, soit le premier, le retard est justifié par des raisons convaincantes, et le quatrième, l'équilibre entre l'injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur.

a. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes

23 L'agent négociateur a soutenu que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes. Il a fait remarquer qu'il croyait que le grief serait entendu dans le cadre d'une audience au troisième palier après que la formule de transmission a été signée par Mme Forsyth le 23 novembre 2010. Il a noté qu'après la signature de la formule de transmission par la superviseure de la demanderesse, cette dernière et l'agent négociateur ont compris qu'il n'y avait aucun problème de délai quant à la présentation de la formule de transmission. Cette position est appuyée par le fait qu'ils n'ont été mis au courant des objections de l'employeur qu'après avoir tenté de fixer une date pour l'audience au troisième palier, plusieurs mois plus tard.

b. Équilibre entre l'injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur

24 L'agent négociateur a soutenu que l'employeur ne pouvait faire valoir le fait qu'il subirait un préjudice s'il accordait la prorogation du délai. Il a soutenu que, étant donné que l'employeur a reconnu la gravité du grief et qu'il a demandé à l'entendre dans le cadre d'un autre processus administratif, la procédure relative aux plaintes, il ne peut soutenir qu'il a subi un préjudice.

25 En outre, l'injustice possible pour la fonctionnaire est importante, puisqu'elle pourrait ne pas être en mesure de présenter un grief pour obtenir que des mesures d'adaptation soient prises en fonction de sa déficience et qu'elle pourrait perdre la possibilité de réclamer des heures de congé de maladie non payé qu'elle a été forcée d'utiliser, alors que l'employeur, selon elle, a refusé de prendre des mesures d'adaptation en fonction de sa déficience.

B. Arguments de l'employeur

26 Le défendeur soutient que la Commission ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai afin de permettre à la demanderesse de transmettre son grief au palier suivant. L'employeur soutient qu'une prorogation du délai n'est pas justifiée en l'espèce pour les raisons suivantes, fondées sur des critères de Schenkman.

1. Le retard n'est pas justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes

27 À l'examen du premier facteur de Schenkman, l'employeur a soutenu que le retard n'est pas justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes. Il a fait valoir le fait que la demanderesse a eu la possibilité et tous les renseignements nécessaires pour transmettre le grief au palier suivant de la procédure applicable aux griefs en temps utile après la décision au premier palier rendue par Mme Forsyth.

a. Aucun accord entre les parties pour transmettre le grief au troisième palier de la procédure applicable aux griefs

28 L'employeur a soutenu que le fait que Mme Forsyth a signé la formule de transmission des griefs n'indique pas un accord entre les parties pour transmettre le grief directement au troisième palier. Selon l'employeur, l'article 4 de la formule de transmission indique plutôt uniquement que Mme Forsyth a reçu la formule au nom de la direction et qu'elle n'a pas, comme le soutient l'agent négociateur, réellement accepté l'élimination des paliers inférieurs de la procédure applicable aux griefs. La présentation de la formule de transmission en même temps que le grief a été considérée comme prématurée par l'employeur, qui a tenu une audience au premier palier.

b. L'agent négociateur a appris que le grief serait entendu au premier palier

29 L'employeur a fait valoir le fait que l'agent négociateur a été informé par écrit par courriel que le grief serait entendu conformément à la procédure régulière applicable aux griefs et qu'il s'agit là de la preuve que l'employeur n'a pas accepté de transmettre le grief directement au troisième palier. L'employeur soutient que l'objet de la rencontre du 13 décembre était compris et accepté par les deux parties, ce qui a été plus tard démontré par la réponse de M. Kozubal et sa présence à la rencontre. M. Kozubal avait la responsabilité d'informer la fonctionnaire que le grief était entendu au premier palier de la procédure applicable aux griefs. L'employeur a fait valoir le fait qu'il est déraisonnable de supposer que l'agent négociateur croyait que le grief était transmis au troisième palier de la procédure, alors qu'il a consenti à une audience au premier palier et qu'il y était présent.

c. Mme Forsyth ne faisait pas l'objet du grief de la demanderesse

30 L'employeur soutient qu'il n'était pas obligé de supprimer le premier palier et le deuxième palier de la procédure applicable aux griefs, selon la clause 19.02 de la convention collective, puisque Mme Forsyth n'était pas la gestionnaire nommée en tant que gestionnaire responsable du harcèlement et de la discrimination. L'employeur fait plutôt valoir le fait que l'objet du grief était le comportement de son ancienne gestionnaire et qu'il concernait des événements qui remontaient à 2009. Ce point, a-t-il soutenu, est appuyé par le résumé de la rencontre du 13 décembre 2010, dont une copie est jointe à ses arguments en tant qu'Annexe B. En outre, cela est également appuyé par le fait que M. Kozubal n'a soulevé aucune objection à l'audition par Mme Forsyth du grief au premier palier.

d. Des hypothèses erronées ne sont pas des raisons convaincantes qui justifient un retard

31 En résumé, l'employeur a fait valoir le fait que l'agent négociateur n'a pas présenté de raison convaincante pour justifier le fait de ne pas transmettre le grief au palier suivant en temps utile. L'employeur a noté que des [traduction] « suppositions erronées ne devraient pas servir de motif à une prorogation de délai ». Il soutient que l'agent négociateur ne peut invoquer une compréhension non justifiée selon laquelle l'employeur a accepté de transmettre l'audience au dernier palier afin de justifier le retard. Il a invoqué Kunkel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 28, au paragr. 21, et Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, au paragr. 29.

2. La durée du retard est importante

32 L'employeur a soutenu qu'il a légitimement pensé que le grief avait été abandonné, puisqu'il n'a pas été transmis en temps utile, conformément à la clause 18.16 a) de la convention collective. Après que la décision au premier palier a été rendue le 17 décembre 2010, l'agent négociateur avait dix jours pour transmettre le grief au palier suivant. Il n'y a eu aucune communication en ce qui concerne le grief jusqu'au 12 août 2011, plus de sept mois plus tard.

33 L'employeur a fait valoir le fait qu'à la lumière du délai de dix jours négocié par les parties, le retard de sept mois est important. La prorogation par la Commission du délai minerait le délai négocié par les parties à la convention collective ainsi que le principe selon lequel les conflits de travail doivent être résolus rapidement. Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92.

34 En outre, l'employeur a soutenu que les employés « assument la responsabilité de s'informer de leurs droits », et que la défenderesse ainsi que le représentant de l'agent négociateur étaient responsables des délais applicables pour transmettre leur grief au palier suivant de la procédure applicable aux griefs. À cette fin, il a invoqué Schenkman, au paragr. 77.

3. La demanderesse et l'agent négociateur n'ont pas agi avec diligence raisonnable

35 L'employeur a fait valoir le fait que la demanderesse n'a pas donné suite à son grief avec diligence raisonnable en ne prenant pas des dispositions pour transmettre en temps utile son grief, parce qu'elle n'a pas soumis les formulaires requis pour transmission après l'audience au premier palier ou qu'elle ne s'est pas informée auprès du représentant de l'agent négociateur ou de l'employeur de l'état de son grief.

36 L'employeur a également fait valoir le fait que l'agent négociateur n'a pas agi avec diligence raisonnable, puisqu'il aurait dû connaître les règles visant la procédure applicable aux griefs, en plus de transmettre le grief dans les délais prévus par la loi.

4. Équilibre entre l'injustice causée au demandeur et le préjudice que subit l'employeur

37 L'employeur a soutenu qu'une prorogation du délai serait préjudiciable parce que les événements contestés ont eu lieu en janvier 2009, il y a près de six ans. Un tel délai serait problématique pour l'employeur, puisque de nombreux témoins peuvent avoir oublié un grand nombre des événements visés par le grief. En outre, de nombreuses parties visées par le grief, en particulier Mme Forsyth et son ancienne gestionnaire, ont pris leur retraite de la fonction publique.

38 L'employeur a fait valoir le fait que la durée du retard concerne directement le préjudice que subit l'employeur et que, s'il est important, il peut l'emporter sur l'injustice causée à l'employé. Il a invoqué Schenkman, au paragr. 81, et Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CRTFP 31, au paragr. 21.

39 L'employeur a également soutenu que la prorogation du délai chaque fois qu'un délai est manqué par un agent négociateur à la suite d'une omission ou d'une erreur serait contraire à l'article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui concerne les pratiques déloyales.

40 De plus, l'employeur a fait valoir le fait que le refus de la prorogation ne causera pas une injustice à la demanderesse. Il a fait remarquer que la demanderesse a en fait présenté un deuxième grief le 21 septembre 2011. L'objet de ce grief concerne un grand nombre des mêmes questions visées par le grief en litige en l'espèce. L'employeur a fait valoir le fait que la demanderesse pouvait déposer un grief lié aux droits de la personne si une prorogation n'était pas accordée dans le cadre de la présente décision.

41 Pour ce qui est de l'argument de la demanderesse selon lequel l'employeur croyait, lorsqu'il a répondu à une demande le 18 août 2011, que des questions sérieuses avaient été soulevées, l'employeur a soutenu qu'il a offert d'entendre l'allégation de la demanderesse à titre de plainte en raison de la gravité de la question soulevée, et non pas parce qu'il croyait que des questions « sérieuses » devaient être réglées.

5. Chances de succès du grief

42 L'employeur a soutenu que la Commission ne devrait pas accorder une prorogation, même si le grief est bien fondé parce que la demanderesse n'a pas justifié le retard par des raisons claires et convaincantes.

43 L'employeur a fait valoir le fait que l'ancienne Commission a conclu que les critères de Schenkman n'ont pas toujours la même importance et que cette importance doit être examinée selon les faits de chaque affaire. Il a invoqué Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, au paragr. 20, et Brassard c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 102, aux paragr. 26 et 30, pour dire qu'en l'absence de raisons claires et convaincantes justifiant le retard, une prorogation du délai ne peut être accordée, malgré le fait que le grief peut être fondé.

C. Réponse de la demanderesse et de l'agent négociateur

44 L'agent négociateur a fait valoir le fait que, contrairement à ce qu'a soutenu l'employeur, Mme Forsyth faisait l'objet du grief, comme le démontre le fait qu'elle aurait dit à Mme Martin qu'elle rejetterait sa demande de mesures d'adaptation et que cette dernière pourrait présenter un grief si elle le souhaitait. L'agent négociateur a également fait valoir le fait que les documents qu'il a soumis démontraient que la demanderesse avait demandé un nouveau rapport hiérarchique jusqu'à ce que la question de son grief soit réglée. En outre, il a soutenu que le grief ne faisait pas mention de personnes ou d'événements en particulier qui remontaient à 2009, comme l'a soutenu l'employeur.

45 L'agent négociateur a fait valoir le fait qu'aucun accord entre les parties n'était nécessaire pour éliminer les paliers inférieurs de la procédure applicable aux griefs, selon la clause 19.02, étant donné l'utilisation du mot « shall » dans la version anglaise.

46 L'agent négociateur a fait remarquer qu'en réponse à la prétention de l'employeur selon laquelle l'agent négociateur et la demanderesse devaient faire preuve de diligence dans le suivi de leur grief, la rencontre entre M. Kozubal et Mme Forsyth n'a jamais été portée à l'attention de Mme Martin, malgré le fait qu'il s'agissait de son propre grief.

47 L'agent négociateur a également noté qu'après la présentation de la formule de transmission avec le grief en novembre 2010 et la signature par Mme Forsyth, la demanderesse et l'agent négociateur ne croyaient pas que des questions étaient soulevées en ce qui concerne le délai de la formule de transmission ou qu'une autre formule de transmission était nécessaire pour que les griefs passent au deuxième ou au troisième palier de la procédure applicable aux griefs.

48 En ce qui concerne toute injustice subie par la demanderesse, l'agent négociateur a noté que le deuxième grief, présenté en septembre 2011, ne visait pas les incidents prévus par le présent grief, qui a été présenté en novembre 2010. Ainsi, la demanderesse subirait un préjudice.

49 En outre, l'agent négociateur a fait remarquer que l'employeur n'a pas établi que ces témoins auraient des problèmes pour se souvenir des événements et il a rappelé à la Commission que les deux anciennes gestionnaires pouvaient comparaître comme témoin malgré le fait qu'elles ont pris leur retraite.

IV. Motifs

50 Le 23 novembre 2010, la demanderesse a présenté un grief invoquant une discrimination fondée sur la déficience dans le lieu de travail et l'omission de respecter l'obligation de prendre des mesures d'adaptation à Mme Arlene Forsyth, la directrice du Programme du travail, en même temps qu'une demande pour que le grief passe directement à une audience au troisième palier au motif que, selon la clause 19.02 de la convention collective, le premier palier de la procédure applicable aux griefs doit être supprimé puisque Mme Forsyth faisait notamment l'objet de la plainte.

51 Mme Forsyth, plutôt que de supprimer l'audience au premier palier et de transmettre le grief pour audience au troisième palier, a procédé à une audience au premier palier de la procédure applicable aux griefs avec le représentant local de l'agent négociateur et sans en aviser la demanderesse. L'audition du grief a eu lieu le 13 décembre 2010, et l'employeur a envoyé une réplique au premier palier au grief le 17 décembre 2010, rejetant le grief, dont une copie a été fournie à la demanderesse le 17 décembre 2010.

52 Bien que l'agent négociateur ait fait valoir le fait que l'application de la clause 19.02 signifie que l'audience au premier palier aurait dû être supprimée, l'employeur a contesté son application aux circonstances actuelles, soutenant que Mme Forsyth ne faisait pas l'objet du grief, même si elle y participait maintenant en raison du poste qu'elle occupait. Je remarque que rien dans la preuve n'indique que l'agent négociateur, au nom de la fonctionnaire, a déposé un grief qui invoquait une violation de la clause 19.02. De plus, même si l'agent négociateur peut maintenant soutenir que la clause 19.02 aurait dû s'appliquer à cette situation, il n'a pas soulevé la question avec Mme Forsyth, même si elle a fixé une audience au premier palier, malgré la demande de la fonctionnaire qu'elle applique les conditions de la clause 19.02. On ne m'a pas non plus présenté de preuve indiquant que l'agent négociateur ou la demanderesse avait soulevé la question après qu'ils ont reçu la réplique au premier palier du grief. La question semble plutôt avoir été soulevée pour la première fois environ sept mois après la réplique au premier palier de la procédure applicable aux griefs, et uniquement après que l'employeur a informé l'agent négociateur de sa position quant au délai. Je conclus donc que l'agent négociateur a renoncé à son droit de soulever cette question dans sa demande.

53 L'employeur, croyant que la transmission à l'audience au troisième palier avait été signée prématurément et n'ayant pas reçu de réponse à la réplique au grief au premier palier, a cru que le grief avait été abandonné.

54 La demanderesse et l'agent négociateur n'ont pas été informés de la position de l'employeur.

55 Le dossier de grief de la demanderesse a été transféré par la section locale à l'Élément de l'agent négociateur qui offre des services de représentation à un grief à un niveau supérieur au premier palier de la procédure applicable aux griefs.

56 Le 12 août 2011, l'agent négociateur a demandé une audience au troisième palier du grief, moment auquel l'employeur l'a avisé qu'il croyait que le grief avait été abandonné. Après quelques tentatives entre l'agent négociateur et l'employeur pour régler la question le 23 septembre 2011, l'employeur a confirmé sa position selon laquelle le premier grief avait été abandonné et qu'il n'accorderait pas une prorogation.

57 Les délais en vertu de la Loi sont prescriptifs et ils ne devraient être prorogés qu'en cas d'exception.

58 En vertu de l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission, les délais peuvent être prorogés par souci d'équité.

59 L'ancienne Commission a élaboré des critères dont elle tenait compte au moment de proroger des délais, tel que le décrit Schenkman, c'est-à-dire que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes, la durée du retard, la diligence raisonnable du fonctionnaire s'estimant lésé, l'équilibre entre l'injustice causée à l'employé et le préjudice que subit l'employeur et les chances de réussite du grief. L'importance accordée à chacun de ces critères n'est pas nécessairement la même, les critères ne sont pas tous pertinents et la valeur probante des facteurs est situationnelle, selon les faits de l'espèce. Voir Prior.

60 Je ne vois aucune raison de ne pas respecter ces critères, puisque l'article 61 du Règlement a été adopté de nouveau sans changement dans le libellé ou la substance.

61 Le représentant de la demanderesse a fait valoir le fait que, puisque l'auteur allégué de harcèlement était la gestionnaire qui faisait l'objet du grief, la clause 19.02 de la convention collective aurait dû s'appliquer et l'audience au premier palier aurait dû être supprimée. Bien que cet argument repose sur un certain fondement, le fait demeure que l'employeur a clairement rejeté la demande de transmission à un palier supérieur de la procédure applicable aux griefs et a clairement communiqué ce rejet à l'agent négociateur, qui n'a pas protesté, mais a plutôt assisté à l'audience au premier palier, a plaidé sa cause et a accepté la réplique au premier palier sans commentaire. Même si Mme Forsyth a signé la formule de transmission lorsqu'elle a reçu le grief, elle a par la suite consulté les Relations de travail et a changé d'idée, choisissant de suivre la procédure normale applicable aux griefs et elle a entendu le grief au premier palier de la procédure applicable aux griefs. Ayant accepté les actions de l'employeur et ayant participé à l'audition du grief au premier palier, il est évident que l'agent négociateur ne peut maintenant soutenir que les actions de l'employeur, qu'il a acceptées, devraient être écartées. Aucun élément de preuve n'a été présenté pour suggérer que l'agent négociateur s'est opposé à la décision de l'employeur de suivre la procédure normale applicable aux griefs; l'employeur avait donc le droit de continuer en supposant que le rejet par lui de la demande du Syndicat avait été accepté.

62 L'agent négociateur a également fait valoir le fait que la demanderesse n'avait jamais eu l'intention d'abandonner son grief. J'accepte le fait que la fonctionnaire n'a pas, selon les modalités de la clause 18.25 de la convention collective, informé l'employeur qu'elle avait l'intention de le faire. Toutefois, un fonctionnaire peut abandonner un grief sans recourir à la clause 18.25. Un fonctionnaire peut également abandonner un grief simplement en ne passant pas à l'étape suivante de la procédure applicable aux griefs dans les délais établis pour la transmission. Un fonctionnaire peut simplement accepter une réplique au palier final de la procédure applicable aux griefs et ne pas renvoyer le grief à l'arbitrage. Je ne conclus pas qu'un employé peut seulement abandonner un grief en donnant un avis écrit à l'employeur. En tout état de cause, même si la fonctionnaire n'avait pas l'intention d'abandonner son grief, le fait demeure que la transmission au troisième palier était tardive et qu'elle est nécessaire pour répondre à sa demande de prorogation du délai.

63 L'agent négociateur soutient que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes, puisque la demanderesse et l'agent négociateur croyaient que le grief serait entendu dans le cadre d'une audience au troisième palier après que la formule de transmission a été signée par Mme Forsyth le 23 novembre 2010. Ce n'est qu'après que l'agent négociateur a tenté de fixer une date pour l'audition du grief au troisième palier en août 2011 que la demanderesse et l'agent négociateur ont appris la position de l'employeur selon laquelle le grief avait été abandonné.

64 Même si l'audience au premier palier n'avait pas été portée à l'attention de la demanderesse, la réplique de l'employeur lui a été remise et elle en a signé une copie le 17 décembre 2010. Rien dans la preuve ne suggérait qu'elle a communiqué avec son syndicat ou l'employeur après la réception de la réplique. Je ne peux donc accepter la prétention de l'agent négociateur selon laquelle la demanderesse pouvait de bonne foi croire que son grief allait être traité comme elle l'avait demandé au départ. Cela est particulièrement le cas étant donné que la demanderesse était la présidente de la section locale du Syndicat et qu'on peut supposer qu'elle avait plus d'expérience concernant ces questions qu'un employé moyen qui n'avait jamais eu à déposer de grief auparavant. Peu importe son expérience syndicale, après avoir reçu la réplique de l'employeur, la demanderesse avait une indication claire selon laquelle la procédure qu'elle avait demandée n'était pas suivie et qu'il lui revenait à ce moment de s'informer de ce qui avait découlé de son grief. Elle ne peut écarter une communication claire de l'employeur selon laquelle il avait rejeté sa demande puis soutenir être surprise d'une telle nouvelle quelques mois plus tard. Je ne suis pas convaincu que la demanderesse a fait preuve de diligence raisonnable en donnant suite à son grief.

65 L'agent négociateur a fait valoir le fait que la croyance de la demanderesse selon laquelle le grief serait entendu au troisième palier constituait des raisons claires, logiques et convaincantes pour accorder la prorogation. Comme j'ai conclu selon les faits que la demanderesse ne pouvait de bonne foi avoir une telle attente, je dois rejeter les arguments de l'agent négociateur sur ce point.

66 L'employeur a fait valoir le fait que le refus de la prorogation ne causera pas une injustice à la demanderesse, puisqu'elle a en fait présenté un deuxième grief et que l'employeur subit un préjudice en raison de la retraite de témoins potentiels. Le deuxième grief n'était pas lié aux incidents qui font l'objet du grief en litige en l'espèce, le fait que les témoins peuvent avoir pris leur retraite n'est pas inhabituel et ils peuvent être assignés pour témoigner si une telle demande est faite à l'employeur en l'espèce. Je ne suis pas convaincu que l'employeur a établi qu'il avait subi un réel préjudice.

67 L'employeur fait également valoir le fait qu'il ne devrait pas subir de préjudice en raison du manque de diligence de la part de la demanderesse ou de l'agent négociateur, puisque la demanderesse disposait d'un recours pour manque de diligence de la part de l'agent négociateur en vertu des dispositions relatives au devoir de représentation équitable figurant à l'article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

68 Selon l'article 61 du Règlement, la Commission a pour mandat d'examiner les demandes de prorogation de délai lorsque les délais n'ont pas été respectés dans le cadre de la procédure applicable aux griefs et de les accueillir dans des circonstances exceptionnelles, par souci d'équité.

69 Comme il est indiqué au paragraphe 131 dans Prior, il se peut très bien qu'un demandeur, en outre ou subsidiairement, puisse déposer une plainte concernant le devoir de représentation équitable contre son agent négociateur ou demander une ordonnance déclaratoire selon laquelle l'agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable. Néanmoins, selon l'article 61 du Règlement, la Commission a pour mandat d'examiner les demandes selon leur bien-fondé, indépendamment de la question de savoir si une demande a été présentée en vertu de l'article 187.

70 Comme l'indique Schenkman, l'importance accordée à chacun de ces critères n'est pas nécessairement la même, les critères ne sont pas tous pertinents et la valeur probante des facteurs est situationnelle, selon les faits en l'espèce. En l'espèce, j'ai conclu que la demanderesse n'a pas établi que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes ni qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable en donnant suite à son grief. Même si je n'ai pas conclu que l'employeur aurait subi un réel préjudice si une prorogation avait été accordée, dans les circonstances de l'espèce, par souci d'équité pour les deux parties, l'omission de la demanderesse d'établir que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes ou de faire preuve de diligence raisonnable en donnant suite à son grief m'empêche d'être disposé à accorder la prorogation.

71 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

72 La demande de prorogation du délai est rejetée.

Le 6 mai 2015.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
vice-président

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