Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Quatre employés civils détenant les qualifications pour conduire un tracteur semi-remorque ont été choisis parmi les employés civils pour travailler au Mississippi, aux États-Unis, du 26 décembre 2008 au 16 janvier 2009 – Chacun de ces employés civils a effectué environ 340 heures supplémentaires alors qu'ils étaient au Mississippi – l'agent négociateur a contesté le fait que l'employeur n'avait pas ajouté les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils qui ont travaillé au Mississippi dans le total d'heures accumulées inscrit au registre – la convention collective prévoit que l'employeur doit s'efforcer autant que possible de répartir les heures supplémentaires de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles – l'employeur avait également adopté une directive concernant la répartition des heures supplémentaires effectuées par les employés civils – l'arbitre de grief était d'avis que les heures supplémentaires rencontraient la définition incluse dans la directive de l'employeur – par conséquent, les heures supplémentaires effectuées au Mississippi auraient dû être ajoutées au registre – toutefois, l'arbitre de grief a conclu que l'erreur de l'employeur dans l'application de la directive n'avait pas fait en sorte qu'il avait contrevenu à la convention collective – ainsi, l'arbitre de grief a conclu que l'agent négociateur ne s'était pas acquitté de son fardeau de prouver que l'employeur avait enfreint la convention collective. Grief collectif rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150507
  • Dossier: 567-02-52
  • Référence: 2015 CRTEFP 40

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR (ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Catherine Ebbs, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
Kim Patenaude, avocate
Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 16 novembre 2014.

Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

I. Grief collectif renvoyé à l'arbitrage

1 En 2008, Jean Gauvin et Réjean Pelletier, les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires »), étaient des employés civils du ministère de la Défense nationale (l'« employeur »). Ils travaillaient avec cinq autres employés civils à la sous-organisation Transport au sein du 5e groupe de Soutien du Secteur, Service Soutien Matériel, à la garnison St-Jean, Québec (« Svc Sn Mat Transport »). Tous les sept employés civils occupaient des postes de chauffeur d'autobus classifiés GL-MDO-5.

2 En 2008, le 34e Groupe-brigade du Canada (le « 34e GBC ») recherchait des employés civils qui détenaient les qualifications nécessaires pour conduire un tracteur semi-remorque. Les fonctionnaires ne détenaient pas les qualifications nécessaires pour conduire un tel véhicule.

3 Quatre collègues des fonctionnaires qui détenaient ces qualifications ont été choisis pour travailler auprès du 34e GBC à l'exercice Noble Guerrier, au Mississippi, États-Unis (la « tâche spéciale »). Ils ont participé à la tâche spéciale du 26 décembre 2008 au 16 janvier 2009. Durant cette période, chacun des quatre employés civils a effectué environ 340 heures supplémentaires.

4 Selon la clause 29.04 de la convention collective applicable (celle du groupe Services de l'exploitation, date d'expiration du 4 août 2011), l'employeur avait l'obligation de répartir les heures supplémentaires de façon équitable « entre les employé-e-s qualifiés qui étaient facilement disponibles ».

5 La Directive DA 450-4 intitulée « Procédures pour le temps supplémentaires au Svc Sn Mat » (la « DA 450-4 »), dont la date de publication est février 2007, établissait une procédure pour la répartition des heures supplémentaires. Le Svc Sn Mat Transport maintenait un registre dans lequel les heures supplémentaires effectuées par les sept employés civils étaient inscrites. Le Svc Sn Mat Transport consultait le registre avant de répartir les heures supplémentaires et, en général, offrait les heures supplémentaires à l'employé civil qualifié qui avait le moins d'heures supplémentaires effectuées durant la période en question.

6 Le Svc Sn Mat Transport n'a pas ajouté les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils participant à la tâche spéciale dans le total d'heures accumulées inscrit au registre pour chacun d'eux.

7 Le 1er mai 2009, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« agent négociateur ») a présenté un grief collectif à l'encontre de cette décision. Le grief se lit en partie comme suit :

Nous contestons, la non compilation des heures supplémentaires dans le régistre des heures supplémentaires établi selon la DA 450-4 et l'article 29.00 et tous les autres articles pertinents de la convention collective, effectuée par 4 membres du personnel civil du 5GSS Sn Mat transport St-Jean au Mississippi du 26 décembre 2008 au 16 janvier 2009.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

8 L'employeur a conclu que le grief collectif n'était pas fondé pour les raisons suivantes :

  • puisque les heures supplémentaires ont été effectuées dans le cadre d'une affectation à l'extérieur de ce service et sous une autre autorité, il était approprié de ne pas les comptabiliser dans le registre du Service soutien matériel (au dernier palier);
  • la répartition des heures supplémentaires ne peut pas concerner le personnel jugé non qualifié (au premier palier).

9 En date du 26 novembre 2010, l'agent négociateur a renvoyé le grief collectif à l'arbitrage en vertu de l'article 216 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

10 À l'audience, l'agent négociateur a appelé deux témoins, Pierre Rivard et Jean Gauvin, l'employeur avait un témoin, le capitaine Geneviève Dagenais.

11 Pour les motifs énoncés ci-après, le grief collectif est rejeté, puisque l'agent négociateur n'a pas prouvé que l'employeur ait enfreint la clause 29.04 de la convention collective.

II. Question en litige

12 Est-ce que l'employeur a enfreint la clause 29.04 de la convention collective?

III. Résumé de la preuve

13 En 2008, Jean Gauvin était chauffeur d'autobus au Svc Sn Mat Transport dans un poste classifié GL-MDO-05. Tous les sept employés civils au Svc Sn Mat Transport occupaient des postes classifiés GL-MDO-05.

14 M. Gauvin détenait les qualifications nécessaires pour son poste. Il avait un permis de conduire provincial qui lui permettait de conduire entre autres des autobus, des ambulances et des tracteurs semi-remorques. De plus, il avait obtenu une accréditation de l'employeur lui permettant de conduire différents types d'autobus. Toutefois, il ne détenait pas une accréditation de l'employeur lui permettant de conduire des tracteurs semi-remorques. M. Gauvin a indiqué qu'il avait demandé à l'employeur à plusieurs reprises la permission de suivre la formation nécessaire pour obtenir cette accréditation, mais que ses demandes à cet égard avaient toujours été refusées.

15 Pierre Rivard était le représentant de l'agent négociateur qui a signé le grief collectif en mai 2009. À l'audience, M. Rivard avait de la difficulté à se souvenir de la date précise à laquelle il est devenu représentant syndical.

16 L'employeur a formulé une objection préliminaire selon laquelle le témoignage de M. Rivard était irrecevable, puisqu'il n'avait pas une connaissance directe des faits pertinents. Selon l'employeur, M. Rivard n'avait pas occupé un poste au Svc Sn Mat Transport durant la période en question et il n'avait pas pu préciser la date à laquelle il est devenu représentant syndical. Les fonctionnaires ont indiqué que M. Rivard avait la connaissance requise pour expliquer le processus en place en 2008-2009 au Svc Sn Mat Transport concernant la répartition des heures supplémentaires.

17 J'ai accepté le témoignage de M. Rivard sous réserve de sa valeur probante.

18 M. Rivard a expliqué que selon la DA 450-4, le Svc Sn Mat Transport maintenait un registre dans lequel était inscrites les heures supplémentaires effectuées par chacun des sept employés civils. M. Gauvin a également indiqué que les données sur les feuilles de présence des employés civils étaient vérifiées et transmises à la secrétaire administrative; ces données étaient par la suite comptabilisées et inscrites au registre. M. Rivard et M. Gauvin ont tous deux confirmé que le registre était affiché de sorte que tout le personnel puisse en prendre connaissance. En pratique, lorsqu'il y avait des heures supplémentaires à répartir, le Svc Sn Mat Transport les offrait à l'employé civil qui avait effectué le moins d'heures supplémentaires durant la période en question selon le registre.

19 À la fin de l'exercice financier, la secrétaire administrative annulait les heures supplémentaires accumulées au cours de la période précédente. Cependant, les positions respectives demeuraient inchangées, ce qui signifie que l'employé civil ayant le moins d'heures supplémentaires à la fin du mois de mars était le premier à se faire offrir des heures supplémentaires dans le nouvel exercice financier.

20 M. Rivard a expliqué qu'il avait représenté les fonctionnaires aux trois paliers du processus de règlement des griefs au sein de l'employeur. Selon M. Rivard, l'employeur avait offert différentes explications pour sa décision de ne pas inclure les heures supplémentaires effectuées au Mississippi dans le total des heures supplémentaires des quatre employés civils. Une de ces explications était qu'il fut approprié de ne pas ajouter, au total d'heures accumulées au registre, les heures supplémentaires effectuées dans le cadre d'une affectation à l'extérieur du Svc Sn Mat Transport et sous une autre autorité. Cependant, selon M. Rivard, les quatre employés civils n'avaient pas été en affectation lorsqu'ils ont participé à la tâche spéciale.

21 M. Rivard a confirmé que le 34e GBC recherchait des employés détenant toutes les qualifications nécessaires pour conduire un tracteur semi-remorque. Les fonctionnaires ne détenaient pas ces qualifications. M. Rivard a déclaré qu'en dépit de ce fait, les fonctionnaires auraient dû avoir été pris en considération pour la tâche spéciale, parce que le travail actuel consistait à faire leurs tâches habituelles, et non pas à conduire des tracteurs semi-remorques.

22 Lors de son témoignage, M. Rivard a examiné quatre documents intitulés « Task Authority-Autorisation de la Tâche » qui attestaient le fait que les quatre employés civils du Svc Sn Mat Transport avaient été choisis pour la tâche spéciale. M. Rivard était d'avis que les documents présentés ne pouvaient pas être utilisés pour des affectations d'employés civils. Toutefois, en contre-interrogatoire, M. Rivard a avoué ne pas être un expert en dotation ni en ressources humaines au sein de l'employeur.

23 M. Gauvin a expliqué avoir pris connaissance de la tâche spéciale une semaine avant que les quatre employés civils du Svc Sn Mat Transport partent pour le Mississippi. À leur retour, M. Gauvin a su qu'ils avaient effectué des heures supplémentaires pendant qu'ils participaient à la tâche spéciale, et que ces heures supplémentaires n'avaient pas été ajoutées au total d'heures accumulées de ces quatre employés civils au registre.

24 M. Gauvin a questionné cette façon de procéder. L'employeur lui a répondu qu'à cause du fait que ces heures supplémentaires avaient été effectuées pendant que les quatre employés civils effectuaient des tâches pour le 34e GBC, elles n'avaient pas été ajoutées aux totaux d'heures accumulées inscrites. M. Gauvin était d'avis que l'employeur avait pris cette décision à tort et qu'à cause de cette erreur, l'employeur avait contrevenu à son obligation de répartir les heures supplémentaires de façon équitable. Il a aussi déclaré que l'employeur n'avait pas eu une approche cohérente concernant le traitement des heures supplémentaires effectuées par les employés civils travaillant pour d'autres unités à la suite d'une demande de service.

25 En contre-interrogatoire, M. Gauvin a reconnu que le 34e GBC avait précisé qu'il fallait que les employés civils choisis pour la tâche spéciale aient l'accréditation de l'employeur pour conduire des tracteurs semi-remorques.

26 L'agent négociateur a déposé comme pièce une copie du registre du Svc Sn Mat Transport daté du 6 avril 2009 contenant les heures supplémentaires effectuées par chaque employé civil du mois d'avril 2008 au mois de janvier 2009. Les heures supplémentaires effectuées pendant la tâche spéciale ont été inscrites en bas du registre et n'étaient pas ajoutées au total d'heures accumulées de chacun des quatre employés civils.

27 M. Gauvin a affirmé qu'il ignorait le nombre d'heures supplémentaires effectuées par les employés civils du Svc Sn Mat Transport aux mois de février et mars 2009. De plus, il ne savait pas pourquoi l'agent négociateur n'avait pu présenter en preuve une copie du registre qui montrait les données pour tout l'exercice financier 2008-2009. Il a ajouté, que l'employeur ne lui avait pas donné une copie du registre pour tout l'exercice financier 2008-2009 lors de la divulgation requise aux fins du présent dossier.

28 En 2008 et 2009, le capitaine Geneviève Dagenais était commandante du Svc Sn Mat Transport. À ce titre, elle avait pris la décision de ne pas ajouter les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils au Mississippi dans les totaux inscrits au registre.

29 Elle a déclaré que le 34e GBC avait précisé dans sa demande de service concernant la tâche spéciale qu'il fallait que les employés civils choisis aient une accréditation de l'employeur leur permettant de conduire des tracteurs semi-remorques. Les quatre employés civils du Svc Sn Mat Transport choisis détenaient cette accréditation.

30 Un document intitulé « Task Authority-Autorisation de la Tâche » avait été préparé pour chacun des quatre employés civils choisis pour la tâche spéciale. Ces documents attestaient le fait que la demande de service concernant la tâche spéciale avait été transmise sous l'autorité de Planification et suivi des tâches des Forces canadiennes (« PSTFC »).

31 Selon le capitaine Dagenais, le 34e GBC avait supervisé et payé les salaires des quatre employés civils du Svc Sn Mat Transport durant l'affectation, et avait l'autorité pour répartir les heures supplémentaires nécessaires. En conséquence, les heures supplémentaires effectuées par les employés civils durant cette période n'avaient pas été ajoutées aux totaux inscrits au registre.

32 Le capitaine Dagenais a affirmé qu'il y avait deux types de demandes de service. Il y avait des demandes de service sous l'autorité de PSTFC et des demandes de service à l'interne (« DND 645 »). Lorsqu'il s'agissait d'une demande DND 645, le Svc Sn Mat Transport avait plus de contrôle. Il continuait à superviser et payer les employés civils et aussi à répartir les heures supplémentaires. En conséquence, les heures supplémentaires effectuées par les employés civils rendant des services à la suite d'une demande DND 645 étaient comptabilisées et ajoutées aux totaux inscrits au registre.

33 Le capitaine Dagenais a déclaré qu'à son avis, sa décision était conforme à la clause 29.04 de la convention collective qui exige que l'employeur s'efforce autant que possible « […] d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles ». Le capitaine Dagenais a conclu qu'étant donné que les fonctionnaires n'avaient pas les qualifications requises pour la tâche spéciale, les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils au Mississippi ne pouvaient pas être ajoutées aux totaux inscrits au registre.

34 Elle a toutefois affirmé que, durant la période de la tâche spéciale, les quatre employés civils du Svc Sn Mat Transport auraient pu effectuer des tâches de chauffeur d'autobus, c'est-à-dire, les tâches pour lesquelles les fonctionnaires détenaient les qualifications. Cependant, elle a réitéré que le 34e GBC avait exigé que les employés choisis pour la tâche spéciale aient une accréditation de l'employeur leur permettant de conduire des tracteurs semi-remorques.

35 Le capitaine Dagenais a affirmé que les quatre employés n'ont pas été remplacés durant la période de la tâche spéciale, et qu'il n'y avait pas d'autre documentation que le document intitulé « Task Authority-Autorisation de la Tâche ». Elle a aussi expliqué que les totaux inscrits au registre d'avril 2008 à février 2009 auraient inclus les heures supplémentaires effectuées par des employés travaillant pour d'autres unités à la suite d'une demande DND 645. Elle ne pouvait pas répondre à la question à savoir si les unités qui ont fait les demandes DND 645 avaient déjà exigé des qualifications autres que celles requises pour le poste de chauffeur d'autobus.

IV. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

36 L'agent négociateur soutient que la clause 29.04 de la convention collective exigeait que l'employeur fasse une répartition équitable des heures supplémentaires disponibles et que l'employeur avait établi la procédure énoncée dans la DA 450-4 pour bien s'acquitter de cette obligation.

37 D'après l'agent négociateur, quatre employés civils au Svc Sn Mat Transport avaient effectué des heures supplémentaires durant la période qu'ils participaient à la tâche spéciale. Ces heures supplémentaires n'ont pas été ajoutées aux totaux inscrits au registre. Par conséquent, elles n'ont pas été prises en considération dans les décisions subséquentes concernant la répartition des heures supplémentaires entre les sept employés civils du Svc Sn Mat Transport.

38 L'agent négociateur soutient que l'employeur a deux explications pour ne pas avoir inscrit les heures supplémentaires au registre. Premièrement, l'employeur déclare que les heures supplémentaires effectuées par les employés en affectation ne doivent pas être incluses dans les totaux inscrits au registre. Deuxièmement, il affirme que les fonctionnaires ne possédaient pas les qualifications requises pour la tâche spéciale.

39 L'agent négociateur maintien que le déploiement des quatre employés à la tâche spéciale ne constituait pas une affectation.

40 De plus, l'agent négociateur soutient que la preuve démontre que le Svc Sn Mat Transport n'avait pas une approche cohérente concernant la répartition des heures supplémentaires. La répartition des heures supplémentaires n'a pas été faite de façon équitable durant la période en question, et en conséquence, il demande à la CRTEFP d'ordonner une répartition appropriée sous forme d'une indemnité monétaire.

41 Les fonctionnaires m'ont renvoyée à plusieurs décisions à l'appui de leur position, notamment les suivantes : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 39; Baldasaro et Thiessen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 54; Casper c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CRTFP 27; Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65; et Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106.

B. Pour l'employeur

42 L'employeur soutient que la clause 29.04 de la convention collective n'oblige pas l'employeur à la perfection, et la convention collective ne donne pas aux employés le droit aux heures supplémentaires. Par contre, l'employeur a le devoir de s'efforcer autant que possible d'assurer la répartition équitable des heures supplémentaires. L'employeur est d'avis qu'en utilisant l'expression « autant que possible », la convention collective lui donne beaucoup de latitude à cet égard.

43 L'employeur soutient que les fonctionnaires ne se sont pas acquittés de leur fardeau de prouver que la répartition des heures supplémentaires au Svc Sn Mat Transport était inéquitable. Ils n'ont pas présenté de preuve concernant toute la période en question, c'est-à-dire, l'exercice financier 2008-2009. La copie du registre présentée en preuve ne couvre que les 10 premiers mois de la période. De plus, les fonctionnaires n'ont pas présenté de preuve concernant d'autres circonstances qui auraient pu expliquer certaines variantes dans les données, par exemple les disponibilités.

44 En outre, l'employeur maintient que la preuve démontre que les heures supplémentaires effectuées dans le cadre d'une demande de service sous l'autorité de PSTFC ne pouvaient pas être incluses dans les totaux inscrits au registre.

C. Réfutation des fonctionnaires s'estimant lésés

45 L'agent négociateur déclare que le fait que l'employeur n'ait pas inclus les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils au Mississippi dans les totaux inscrits au registre a eu comme conséquence que l'employeur n'a pu agir en conformité avec la clause 29.04 de la convention collective, et aucune preuve supplémentaire n'est requise à cet égard.

V. Analyse

46 Lors de l'audience, les fonctionnaires ont voulu présenter de la preuve à l'égard du fait que l'employeur avait refusé leurs demandes de formation afin d'obtenir une accréditation leur permettant de conduire des tracteurs semi-remorques. Ils ont également allégué qu'ils auraient pu se faire choisir pour la tâche spéciale étant donné que les quatre employés civils choisis avaient été appelés à effectuer les tâches pour lesquelles les fonctionnaires détenaient toutes les qualifications.

47 L'employeur fait valoir que la compétence de la CRTEFP se limite à la question de savoir s'il a agi en conformité avec la clause 29.04 de la convention collective. Il soutient alors que la CRTEFP n'a pas la compétence de trancher les questions soumises par les fonctionnaires selon lesquelles l'employeur aurait dû leur permettre de suivre la formation pour obtenir l'accréditation leur permettant de conduire un tracteur semi-remorque, et les choisir par la suite pour la tâche spéciale.

48 Je n'ai pas la compétence pour trancher ces deux allégations parce qu'elles ne sont pas énoncées dans la description du grief collectif qui est le sujet de ce renvoi à l'arbitrage. Je limite donc mes observations et conclusions à la question en litige du présent grief collectif.

A. L'article 29.04 de la convention collective et la DA 450-4

49 La clause 29.04a) de la convention collective se lit comme suit :

29.04

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible :

a) d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé–e-s qualifiés qui sont facilement disponibles,

50 Les dispositions pertinentes de la DA 450-4 sont les suivantes :

[…]

Application

Cette directive administrative s'applique aux employés civils du MDN au sein du Svc Sn Mat.

[…]

But

Cette directive établit la marche à suivre en ce qui a trait aux heures supplémentaires effectuées par les employés civils.

[…]

Heures supplémentaires

L'expression heures supplémentaires désigne les heures autorisées durant lesquelles un employé travaille en sus des heures de travail journalières ou hebdomadaires et pour lesquelles il pourrait avoir droit à une rémunération conformément aux dispositions d'une convention collective ou d'un texte réglementaire du Conseil du Trésor (réf A) [le passage en évidence l'est dans l'original].

[…]

Registre

Il est entendu que chacune des sous-organisations faisant partie du Sn Mat devra établir et maintenir leurs registres pour le temps supplémentaire des employés civils.

Compilation des heures

Les heures supplémentaires seront gérées au niveau des s-o respectives et équitablement répartis entre le personnel civil qualifié inscrit dans les registres conservés des s-o (selon le cas MDO4 - MDO 5 - MDO 6)[…]

Consultation des registres

Le contenu des registres d'inscription des heures supplémentaires sera affiché bien en vue de sorte que tout le personnel puisse en prendre connaissance.

Mise à jour des registres

Le nouveau registre des heures supplémentaires sera en vigueur à compter du 1er avril et seront publiés trimestriellement. Ce registre annulera toutes les heures supplémentaires accumulées au cours de la période précédente. Les positions respectives sur la liste demeureront toutefois inchangées. Pour calculer la différence (en heure) entre les diverses positions figurant dans le nouveau registre, on se servira comme chiffre de base, du « total d'heures accumulées » crédité à la personne inscrite en dernière position sur la liste, qu'on déduira du « total d'heures accumulées » par le titulaire de chaque position subséquente figurant dans le registre. Les résultats correspondants seront crédités, s'il y a lieu, en regard de chaque position figurant dans le nouveau registre qui entre en vigueur[…]

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

51 La convention collective prévoit que l'employeur doit s'efforcer autant que possible d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles (clause 29.04 de la convention collective).

52 Dans cette optique, l'employeur a adopté et appliqué une directive (DA 450-4) concernant la répartition des heures supplémentaires aux employés civils du Svc Sn Mat Transport.

53 Ni l'employeur ni l'agent négociateur n'ont contesté la validité de la DA 450-4. Bien que ce document ne fasse pas partie de la convention collective, il est pertinent à son interprétation et à son application. Je conclus donc que la DA 450-4 représente la façon généralement admise de répartir de façon équitable les heures supplémentaires depuis au moins 2007 et que, par conséquent, la DA 450-4 lie l'employeur (voir Mungham et Alliance de la Fonction publique du Canada).

54 L'employeur a expliqué que la décision de ne pas ajouter au total d'heures supplémentaires accumulées des quatre employés civils les heures supplémentaires effectuées pendant qu'ils participaient à la tâche spéciale reposait sur le fait que la demande de service du 34e GBC avait été transmise sous l'autorité de PSTFC et par conséquent, les heures supplémentaires effectuées durant cette période de service ne pouvaient être ajoutées aux totaux d'heures accumulées inscrits au registre.

55 L'employeur a présenté une preuve voulant établir que les modalités d'une autorisation sous l'autorité de PSTFC étaient différentes de celles d'une demande de service à l'interne. Bien que la preuve démontre qu'il y avait au moins deux façons différentes pour faire une demande de service, elle ne m'aide pas à déterminer les règles en place concernant le traitement des heures supplémentaires effectuées pendant ces périodes de service.

56 De plus, je note que selon la DA 450-4, l'expression « heures supplémentaires » « […] désigne les heures autorisées durant lesquelles un employé travaille en sus des heures de travail journalières ou hebdomadaires et pour lesquelles il pourrait avoir droit à une rémunération conformément aux dispositions d'une convention collective ou d'un texte réglementaire du Conseil du Trésor […] ».

57 L'employeur n'a pas présenté de preuve étayant sa position selon laquelle les heures supplémentaires effectuées pendant une période de service sous l'autorité de PSTFC n'étaient pas des heures supplémentaires aux fins de la DA 450-4. Par conséquent, je n'entérine pas cette proposition de l'employeur.

58 L'employeur a également indiqué que les heures supplémentaires effectuées par les quatre employés civils au Mississippi ne pouvaient pas être ajoutées aux totaux inscrits au registre car les fonctionnaires n'avaient pas les qualifications requises pour la tâche spéciale.

59 La DA 450-4 stipule que « les heures supplémentaires seront gérées au niveau des s-o respectives et équitablement répartis entre le personnel civil qualifié inscrit dans les registres conservés des s-o … » La DA 450-4 indique donc comment les heures supplémentaires sont réparties entre le personnel civil qualifié inscrit au registre.

60 Les parties n'ont pas indiqué que le travail effectué au Mississippi n'était pas du travail de l'unité de négociation. De plus, il n'est pas contesté que les quatre employés civils en question ont effectué des heures supplémentaires au Mississippi. Je suis donc d'avis que ces heures supplémentaires rencontre la définition dans la DA 450-4. Par conséquent, les heures supplémentaires effectuées au Mississippi auraient dues avoir été ajoutées au registre.

61 Il reste à savoir si l'erreur de l'employeur dans l'application de la DA 450-4 a fait en sorte que l'employeur a contrevenu à la convention collective. La clause 29.04 prévoit que l'employeur offre le travail supplémentaire de façon équitable « entre les employé-e-s qualifiés ».

62 Dans la décision Canada (Procureur général) c. Bucholtz, 2011 CF 1259, la Cour fédérale du Canada (la « CFC ») a examiné plusieurs décisions de l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique qui traitaient de la répartition équitable des heures supplémentaires dans un régime similaire à celui en l'espèce. La CFC a également énoncé les trois critères suivants qui doivent diriger l'analyse d'une question concernant la répartition équitable des heures supplémentaires :

  1. l'équitabilité doit être mesurée sur une période raisonnable;
  2. l'équitabilité est évaluée en comparant les heures assignées aux fonctionnaires à celles assignées à des employés se trouvant dans une situation analogue au cours de la période en question;
  3. l'arbitre doit déterminer s'il existe des variantes pouvant permettre d'expliquer une disparité entre leurs heures.

63 Dans le cas en l'espèce, l'agent négociateur ne conteste pas le fait que les quatre employés civils ont effectué des heures supplémentaires lors de la tâche spéciale au Mississippi. Ce qui est reproché est le fait que ces heures supplémentaires n'ont pas été ajoutées au registre, ce qui a eu une conséquence sur la distribution équitable du travail supplémentaire dans l'avenir. Il faut donc examiner si le travail supplémentaire pendant le restant de l'exercice financière de 2008-2009 a été offert de façon équitable aux employés qualifiés.

B. L'équitabilité doit être mesurée sur une période raisonnable

64 La DA 450-4 visait à permettre à l'employeur d'assurer la répartition équitable des heures supplémentaires dans chaque exercice financier. Cependant, la documentation présentée en preuve par l'agent négociateur ne couvre pas tout l'exercice financier 2008-2009, ni celui de 2009-2010, donc je ne suis pas en mesure d'évaluer la situation telle qu'elle existait au 31 mars 2010.

65 L'agent négociateur a suggéré que l'employeur a omis de lui envoyer une copie du registre des heures supplémentaires pour l'exercice financier de 2008-2009. Toutefois dans ces circonstances, il incombait à l'agent négociateur de demander que l'employeur fournisse ce document. En l'absence de preuve qu'une telle demande a été faite et ensuite refusée, je trouve que la responsabilité restait avec l'agent négociateur d'obtenir et de présenter en preuve ce document.

C. L'équitabilité est évaluée en comparant les heures assignées aux fonctionnaires à celles assignées à des employés se trouvant dans une situation analogue au cours de la période en question

66 Encore une fois, il aurait fallu examiner la situation qui existait à la fin de la période en question pour arriver à une conclusion à cet égard. Étant donné que le registre des heures supplémentaires n'a pas été fourni pour tout l'exercice financier 2008-2009 et celui subséquent, il n'est pas possible de faire cette évaluation.

D. L'arbitre doit déterminer s'il existe des variantes pouvant permettre d'expliquer une disparité entre leurs heures

67 L'agent négociateur n'a pas présenté de preuve à l'effet que les fonctionnaires avaient été désavantagés pour les mois de février et mars 2009 et dans l'année fiscale subséquente à cause que les heures supplémentaires effectuées en 2008-2009 n'avaient pas été ajoutées au registre. De plus, puisque les registres complets pour les années fiscales 2008-2009 et 2009-2010 n'ont pas été déposés en preuve, je ne peux pas évaluer s'il y a eu une disparité entre les heures du personnel civil. Il n'est pas possible de conclure si l'absence des heures supplémentaires a fait en sorte que le travail supplémentaire n'a pas été offert de façon équitable entre les employés qualifiés en février et mars 2009 et pour l'année subséquente.

68 Les fonctionnaires ont également allégué que l'employeur n'avait pas eu une approche cohérente concernant la répartition des heures supplémentaires effectuées par un employé civil travaillant dans une autre unité. Cependant, les fonctionnaires n'ont présenté aucune preuve documentaire à l'appui de cette allégation.

69 Je conclus ainsi que l'agent négociateur ne s'est pas acquitté de son fardeau de prouver que l'employeur a enfreint la clause 29.04 de la convention collective

70 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

71 Le grief collectif est rejeté.

Le 7 mai 2015.

Catherine Ebbs,
arbitre de grief

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