Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a prétendu qu'une agente des relations de travail (ART) de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) (le défendeur ) s'est livrée à une pratique déloyale de travail lorsqu'elle a décidé arbitrairement de ne pas donner suite à une plainte de harcèlement au nom de la plaignante – étant donné que la plainte était axée sur le courriel de l'ART, lequel comprenait une description du plan d'action proposé et l'interprétation par la plaignante de cette réponse, laquelle a été rédigée dans le délai de 90 jours pour déposer des plaintes et a été indiquée dans la formule 16 produite par la plaignante, la Commission a conclu que la plainte avait été déposée dans les délais prescrits – la Commission a appliqué les principes établis dans l'arrêt de principe de la CSC (Guilde de la marine marchande du Canada), à savoir que, pour avoir gain de cause, la plaignante devait présenter la preuve suffisante, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle avait fait l'objet d'un traitement arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi et non pas seulement qu'elle ne souscrivait pas à la conclusion de l'ART – hormis ces principes, le défendeur dispose d'une grande latitude lorsqu'il rend ses décisions quant aux griefs qu'il appuiera – la Commission a déterminé selon la preuve que l'ART n'avait pas refusé de représenter la plaignante, mais plutôt qu'elle avait demandé à avoir plus d'information, ce que la plaignante n'a pas fourni – la Commission a conclu que la plaignante n'avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l'ART avait agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise dans le cadre de sa représentation de la plaignante. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique 

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150612
  • Dossier: 561-02-622
  • Référence: 2015 CRTEFP 55

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MAXINE HOLLOWAY

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Holloway c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour le défendeur:
Linelle Mogado, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 2 et 3 juillet, et les 18 et 19 août 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Plainte devant la Commission

1 La plaignante, Maxine Holloway, a allégué que le défendeur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), en contravention de l’alinéa 190(1)g), lorsque Allison Tomka, une employée de l’IPFPC, a arbitrairement décidé le 28 janvier 2013 de ne pas donner suite à une plainte de harcèlement au nom de la plaignante. Selon la plaignante, il s’agissait d’un acte de mauvaise foi.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013. De plus, en vertu de l’article 395 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, le commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu’une formation de la nouvelle Commission.

II. Résumé de la preuve

3 La plaignante a déclaré qu’elle a déposé une plainte de pratique déloyale contre l’IPFPC lorsqu’Allison Tomka, une agente des relations de travail (ART) à l’IPFPC, a refusé de donner suite à un grief en son nom en alléguant des actes discriminatoires de la part de son employeur. Les actions de Mme Tomka contrevenaient aux articles 185 et 187 de la Loi. La plaignante a demandé l’aide de Mme Tomka afin de s’assurer qu’elle recevait les mesures d’adaptation adéquates lorsque son employeur a tenté de la licencier plutôt que de maintenir les mesures d’adaptation, qui étaient requises et qui avaient été mises en place.

4 Les parties ont présenté comme pièce 1 un exposé conjoint des faits, qui se lit comme suit, et comme pièce 2 un recueil conjoint de documents auquel fait référence la pièce 1 :

[Traduction]

1.    Le défendeur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut », le « syndicat » ou l’« IPFPC ») a été l’agent négociateur accrédité pour Maxine Holloway (la « plaignante » ou « Mme Holloway ») pendant toute la période de temps pertinente à la présente plainte.

2.    Le syndicat est une partie à la convention collective avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (« Conseil du Trésor » ou « CT ») pour l’unité de négociation constituée du groupe Vérification, commerce et achat (« AV »). La convention collective pour le groupe AV expire le 21 juin 2014.

3.    Mme Holloway est employée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC »). Elle fait partie du groupe et de la classification PG-02 et est un membre de l’unité de négociation du groupe AV de l’IPFPC.

4.    Pendant la période visée par la plainte, Mme Holloway était représentée par l’agente des relations de travail (« ART ») de l’Institut, Allison Tomka.

5.    Mme Holloway a communiqué pour la première fois avec Mme Tomka en novembre 2011. À l’époque, Mme Holloway était une représentante syndicale et consultait Mme Tomka au téléphone concernant le problème d’un membre.

6.    John Courtney était un représentant syndical à TPSGC pendant les périodes de temps pertinentes à cette plainte.

7.    Mme Holloway a ensuite communiqué avec Mme Tomka le 15 juin 2012, date à laquelle Mme Holloway a laissé un message vocal à Mme Tomka. Mme Tomka a répondu au message vocal de Mme Holloway le 18 juin 2012 et elles se sont parlé au téléphone.

8.    Le 18 juin 2012, le même jour, Mme Tomka a envoyé un courriel à Mme Holloway pour lui transmettre un lien vers la « Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail » du Conseil du Trésor (la « Politique sur le harcèlement du CT »). Une copie certifiée conforme du courriel de Mme Tomka est jointe comme annexe A de la pièce 2.

9.    Le lien que Mme Tomka a envoyé était un lien vers la « Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail », en vigueur jusqu’au 30 septembre 2012. Une copie certifiée conforme de ce document est jointe comme annexe B de la pièce 2.

10.    Le 18 octobre 2012, pour préparer le retour au travail de Mme Holloway, Mme Tomka a été invitée par Mme Holloway à participer à une rencontre avec l’employeur en compagnie de M. Courtney et de Mme Holloway. Mme Holloway a confirmé la présence de Mme Tomka par courriel. Une copie certifiée conforme du courriel de Mme Holloway est jointe comme annexe C de la pièce 2.

11.    Après cette rencontre du 18 octobre 2012, Mme Tomka, Mme Holloway et M. Courtney ont eu une discussion à propos de la rencontre ainsi que sur certaines des questions qu’avait Mme Holloway.

12.    Mme Tomka s’est remémoré cette conversation dans un échange de courriels avec Mme Holloway, datés des 14 et 15 novembre 2012. Une copie certifiée conforme de cet échange de courriels entre Mme Tomka et Mme Holloway est jointe comme annexe D de la pièce 2.

13.    Mme Holloway a entrepris un retour graduel au travail en octobre 2012. En date de décembre 2012, elle avait effectué un retour au travail à temps plein.

14.    Une rencontre a été prévue pour le 11 janvier 2013. Une copie certifiée conforme d’un échange de courriels entre Mme Tomka et Mme Holloway reflétant l’ambiance de la rencontre, dont la ligne objet était [traduction] « OBJET : TR : Rafraîchissement du parfum » est jointe comme annexe E de la pièce 2. Une copie certifiée conforme d’un courriel de Paul Rolland à Mmes Holloway, Beaulieu et Tomka reflétant l’ambiance de la rencontre, dont la ligne objet était [traduction] « Suivi – Retour RTT » est jointe comme annexe F de la pièce 2.

15.    La rencontre a eu lieu le 11 janvier 2013. À cette rencontre étaient présents Mme Holloway, son gestionnaire, M. Paul Rolland, ainsi qu’un conseiller principal en relations de travail, Micha Beaulieu. Le sujet de la discussion était la question du rafraîchissement du parfum.

16.    Lors de la rencontre du 11 janvier 2013, Mme Holloway a communiqué pour la première fois à Mme Tomka un document montrant sa correspondance par courriels au bureau de David McGuinty, député, daté du 20 août 2012, ainsi que d’autres courriels à son bureau en octobre 2012. Une copie certifiée conforme de cet échange de courriels entre le bureau de M. McGuinty et Mme Holloway, dont la ligne objet était [traduction « Objet : Harcèlement au bureau » est jointe comme annexe G de la pièce 2.

17.    Également à cette rencontre du 11 janvier 2013, Mme Holloway a communiqué à Mme Tomka une lettre datée du 17 décembre 2012 du sous-ministre adjoint, Direction générale des ressources humaines, TPSGC, adressée à Mme Holloway. Une copie certifiée conforme de ce document est jointe comme annexe H de la pièce 2.

18.    Le 28 janvier 2013, Mme Tomka a envoyé un courriel détaillé à Mme Holloway dans lequel elle fournissait une réponse sur l’échange de courriels que Mme Holloway avait eu avec le bureau de M. McGuinty. Une copie certifiée conforme du courriel de Mme Tomka est jointe comme annexe I de la pièce 2.

19.    Le 29 janvier 2013, Mme Holloway a répondu à Mme Tomka par courriel. Une copie certifiée conforme de ce document est jointe comme annexe J de la pièce 2.

20.    Le 29 janvier 2013, Mme Tomka a répondu à Mme Holloway par courriel. Une copie certifiée conforme de ce document est jointe comme annexe K de la pièce 2.

21.    Mme Holloway n’a pas communiqué avec Mme Tomka après ce courriel.

22.    Mme Holloway a déposé la présente plainte auprès de la CRTFP le 26 avril 2013. Elle a envoyé le formulaire « Demande de précisions » à la CRTFP le 6 juin 2013.

23.    Au début de juin 2013, après que Mme Holloway eu déposé la présente plainte, elle a appelé Mme Tomka pour demander l’aide du syndicat, car l’employeur l’avait une fois de plus retirée du travail et qu’il insistait pour que Santé Canada procède à une évaluation pour qu’elle retourne au travail.

24.    L’ART de l’Institut, Dejan Toncic, représente actuellement Mme Holloway relativement à ses questions en matière de relations de travail, décrites au paragraphe 23, auprès de l’employeur.

25.    Depuis, M. Toncic a aidé Mme Holloway à l’égard de trois questions : 1) son retour au travail, 2) un grief relatif à un congé de maladie forcé et 3) une plainte de harcèlement en milieu de travail contre son supérieur immédiat.

26.    Mme Holloway est depuis retournée au travail sans restriction.

27.    À l’heure actuelle, la plainte de harcèlement de Mme Holloway a été mise en suspens, puisque les parties ont convenu que la relation de travail entre Mme Holloway et son superviseur immédiat s’est améliorée.

5 La plaignante souffrait de sérieuses allergies aggravées par le milieu de travail depuis 2009. En mai 2011, une rencontre a eu lieu en présence de son gestionnaire et de son directeur afin de discuter de ce qui devait être fait et de déterminer ce que l’employeur était prêt à faire. Elle était accompagnée par John Courtney, son représentant syndical. Selon elle, lors de cette rencontre, les représentants de l’employeur ont fait allusion à la plainte comme étant [traduction] « folle » et [traduction] « tordue ». À la suggestion de M. Courtney, la plaignante a été renvoyée à Santé Canada, qui l’a renvoyée à une spécialiste en santé mentale, qui a déterminé que, selon une entrevue et des tests écrits, la plaignante était, selon ses propres mots [traduction] « […] déficiente intellectuelle et qu’elle devait être mise en congé immédiatement ». La plaignante a été mise en congé le 9 décembre 2011.

6 La plaignante a informé M. Courtney qu’elle souhaitait déposer un grief à propos de sa mise en congé. Il l’a informé qu’elle devrait attendre jusqu’à son retour au travail. Elle a été absente du travail pendant 11 mois, pendant cette période, elle a parlé à M. Courtney à différentes occasions. Il a ensuite été remplacé par Mme Tomka. En juin 2012, la plaignante a communiqué avec Mme Tomka, qui lui a envoyé une copie de la politique sur le harcèlement du Conseil du Trésor. En juillet 2012, la plaignante a de nouveau communiqué avec Mme Tomka et lui a demandé de lui renvoyer une copie de la politique, car l’original avait été supprimé. Mme Tomka a été informée qu’elle retournerait au travail en septembre 2012 et que la plaignante voulait mettre les choses en branle à l’égard de son grief.

7 La plaignante était en mesure de retourner au travail en septembre 2012, mais n’est réellement retournée au travail que le 16 octobre 2012. Lors d’une rencontre sur le retour au travail qui a eu lieu le 16 octobre 2012, l’employeur a demandé une autre évaluation de Santé Canada, ce à quoi la plaignante s’est opposée. Le 18 octobre 2012, elle a rencontré M. Courtney et Mme Tomka pour discuter de ce qui pouvait être fait à propos de la période de temps où elle était en congé. On l’a informée que l’IPFPC ne pouvait rien faire. La direction avait suivi la procédure adéquate et il n’y avait aucun motif pour déposer un grief.

8 Un collègue en particulier a continué à ignorer l’exigence relative à un milieu de travail sans parfum. La plaignante a envoyé des courriels lui demandant de s’abstenir de porter de l’eau de toilette au travail. En décembre 2012, elle s’est plainte une fois de plus auprès de son gestionnaire à propos de l’usage d’eau de toilette par ce collègue et une rencontre a été prévue pour le 11 janvier 2013. Le collègue de la plaignante était au courant de ses sensibilités chimiques et que le fait qu’il continuait à porter de l’eau de toilette constituait du harcèlement à son avis.

9 Le 2 janvier 2013, Mme Tomka a envoyé un courriel (pièce 5) à Micha Beaulieu, conseiller principal en relations de travail, à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), où était employée la plaignante, en indiquant qu’elle [traduction] « […] aimerai[t] réellement éviter un grief dans cette affaire […] ». La plaignante a affirmé dans son témoignage que Mme Tomka voulait éviter un grief et qu’elle avait réussi.

10 Pendant la rencontre du 11 janvier 2013, les représentants de l’employeur présents ont présenté une lettre que la plaignante avait envoyée à son député, David McGuinty. M. McGuinty l’a transférée au sous-ministre adjoint (SMA) de TPSGC, Ressources humaines, pour une réponse. La réponse du SMA était que la plaignante devrait travailler avec son syndicat pour régler les problèmes en milieu de travail. La réponse de Mme Tomka à cette suggestion, selon la plaignante, était qu’elle ne pouvait rien faire pour elle. Il était trop tard pour déposer une plainte concernant les problèmes relatifs aux mesures d’adaptation qu’éprouvait la plaignante; il ne servait à rien non plus de déposer un grief de harcèlement, car il était hors délai aussi. La plaignante a affirmé qu’elle n’avait jamais été informée d’une autre tribune quelconque devant laquelle elle pouvait contester la décision de Mme Tomka.

11 Avant le 21 décembre 2011, la plaignante était une déléguée syndicale de l’IPFPC. Elle était informée qu’il y avait un délai à l’intérieur duquel un grief devait être déposé, mais, puisqu’elle ne se représentait pas elle-même, elle n’y pensait pas. Elle n’a pas discuté des délais avec Mme Tomka et cette dernière n’en a pas fait mention dans ses courriels destinés à la plaignante. Lorsque Mme Tomka a refusé de donner suite à son grief, la plaignante n’a pas effectué de suivi auprès d’elle, car cela ne servait à rien si l’IPFPC ne pouvait rien faire de toute façon.

12 En juin 2013, la plaignante a été avisée que Dejan Toncic, un autre ART de l’IPFPC, devait remplacer Mme Tomka en tant qu’ART la représentant. Il a déposé des griefs liés à l’absence du travail de la plaignante et à des actes de harcèlement (pièces 16 et 17). Ils ont rencontré son chef d’équipe et son gestionnaire, puis ils ont eu plusieurs autres discussions concernant l’orientation de ses demandes de mesures d’adaptation. M. Toncic a pris la responsabilité de la représenter en vue de son retour au travail.

13 Mme Tomka a témoigné en disant que la plaignante avait communiqué avec elle en novembre 2011 concernant un autre membre de l’IPFPC. Pendant cette discussion, elle a informé Mme Tomka qu’elle éprouvait des problèmes personnels au travail relativement à des actes de harcèlement. Mme Tomka lui a demandé de lui envoyer une liste des allégations afin de les examiner par courriel et a ouvert un dossier pour la plaignante le 6 décembre 2011. La plaignante n’a pas effectué de suivi relativement à cette demande.

14 La communication suivante que Mme Tomka a eue avec la plaignante était en juin 2012, lorsque la plaignante a téléphoné pour informer Mme Tomka de la situation actuelle concernant son congé d’invalidité de longue durée. Une fois de plus, Mme Tomka a demandé à la plaignante de lui fournir les renseignements lui permettant d’établir une plainte de harcèlement. Mme Tomka a envoyé un lien à la plaignante vers la Politique de harcèlement du Conseil du Trésor. Elle n’a pas résumé leurs discussions dans un courriel, car elle croyait que tout avait fait l’objet d’une discussion suffisante au téléphone. Mme Tomka n’avait aucun doute du fait que la plaignante comprenait tout ce qui lui avait été dit au téléphone.

15 En octobre 2012, Mme Tomka a eu des nouvelles de la plaignante concernant un retour au travail prochain. Il n’y avait eu aucune communication avec la plaignante entre juin et octobre 2012. En préparation pour son retour au travail, des renseignements médicaux à jour étaient requis. Selon Mme Tomka, M. Courtney devait s’occuper d’obtenir les renseignements à jour, ce qu’il a confirmé dans un courriel (pièce 24). Mme Tomka était présente à la rencontre du 18 octobre 2012 et a pris des notes (pièce 25). La rencontre avait été organisée par le coordonnateur de la gestion de l’incapacité de TPSGC afin de discuter des sensibilités de la plaignante aux parfums et d’élaborer un plan de retour progressif au travail pour celle-ci. Aucun obstacle à un retour au travail réussi n’avait été relevé et il n’était pas nécessaire non plus de prendre d’autres mesures à la suite de la rencontre.

16 Mme Tomka a rencontré la plaignante et M. Courtney à la suite de la rencontre sur le retour au travail. La plaignante a exprimé des préoccupations à l’égard de l’effet de son absence du travail pendant 11 mois ainsi qu’à l’égard de sa frustration envers Santé Canada.

17 Quelques semaines plus tard, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Tomka (pièce 2, onglet D) dans un suivi relatif à sa question quant à savoir si quoi que ce soit pouvait être fait à propos du fait qu’elle avait été [traduction] « […] mise en congé pour une période de temps prolongée sans motif fondé, seulement en raison d’une opinion qui ne reposait sur rien ».

18 Dans sa réponse datée du 15 novembre 2012, Mme Tomka a rappelé à la plaignante qu’elle et M. Courtney lui ont dit à la suite de la rencontre du 18 octobre que le fait de contester l’opinion du médecin n’était pas une question relevant des relations de travail et que, par conséquent, il ne s’agissait pas d’une question pour laquelle l’IPFPC pouvait l’aider.

19 Le 17 décembre 2012, la plaignante a déclaré, dans un courriel destiné à son gestionnaire, un incident dans le cadre duquel un collègue a utilisé de l’eau de toilette dans son bureau, ce qui a irrité ses sensibilités au parfum. M. Courtney a reçu une copie conforme de ce courriel, alors que Mme Tomka ne l’a pas reçue. Une copie de ce courriel a été transmise à M. Tomka par M. Courtney (pièce 12), après quoi Mme Tomka a envoyé un courriel à la plaignante pour voir en quoi l’IPFPC pourrait l’aider (pièce 13).

20 Un appel entre Mme Tomka et la plaignante était prévu pour le 20 décembre 2012, mais ne s’est pas réellement produit avant le 2 janvier 2013. Pendant cet appel, la plaignante a indiqué qu’elle souhaitait déposer un grief de harcèlement, ce qui, selon Mme Tomka, serait prématuré. Elle devait vérifier auprès de TPSGC afin de déterminer ce que les gestionnaires de la plaignante avaient fait en réponse à sa plainte. La plaignante ne s’est pas opposée à ce type de règlement. À l’époque, Mme Tomka n’était pas informée de la lettre à M. McGuinty et de sa réponse à celle-ci par le SMA des Ressources humaines de TPSGC.

21 Les 2 et 3 janvier 2013, Mmes Tomka et Beaulieu ont eu un échange de courriels (pièce 5) dans lequel Mme Tomka a soulevé les préoccupations de la plaignante relativement à la contravention de la politique sur le milieu de travail sans parfum dans son milieu de travail par ses collègues. Mme Tomka a indiqué qu’elle préférait régler la question plutôt que de donner suite à un grief, comme le demandait la plaignante. Dans sa réponse, Mme Beaulieu mentionne la lettre adressée à M. McGuinty et demande s’il est possible d’en discuter à la même rencontre devant être prévue afin de discuter de la question relative à la politique sur le parfum.

22 À la suite de cet échange de courriels, un autre échange a commencé concernant l’organisation d’une rencontre afin de discuter de la question relative à l’eau de toilette le 11 janvier 2013. Pendant la rencontre du 11 janvier, l’employeur, TPSGC, a indiqué qu’on avait parlé à l’employé en cause à propos de son utilisation d’eau de toilette et qu’il avait présenté ses excuses. L’employeur a répété à l’employé l’importance de respecter la politique sur le milieu de travail sans parfum. La question semblait être réglée.

23 Pendant la même rencontre, le gestionnaire de la plaignante, Paul Rolland, a mentionné d’autres préoccupations qu’elle avait soulevées dans son courriel du 17 décembre 2012, y compris les allégations selon lesquelles l’employé a vaporisé des produits chimiques autour d’elle pour l’irriter et qu’il a prétendu ne pas avoir agi ainsi. Selon la plaignante, l’employé passait près de son bureau, vaporisait des produits chimiques, puis partait. Elle alléguait également que l’employé riait d’elle sur la rue et qu’il faisait semblant de ne pas la connaître. L’intention qui sous-tendait ce courriel était de formuler une plainte officielle auprès de M. Rolland selon laquelle elle considérait les actions de l’employé comme du harcèlement et qu’elle voulait que celles-ci cessent.

24 M. Rolland a soulevé ces allégations auprès de l’employé, qui les a niées et a déclaré qu’il ignorait ce qui pouvait y avoir donné lieu. M. Rolland a demandé à la plaignante de retourner à Santé Canada afin d’effectuer un suivi relativement à l’évaluation originale, ce qu’elle a refusé de faire, puisque son médecin lui avait dit qu’elle était apte au travail. M. Rolland n’a pas insisté davantage et la question est demeurée sur la table.

25 À la suite de cela, les discussions lors de la rencontre sont passées au courriel envoyé à M. McGuinty par la plaignante (pièce 2, onglet G), qui avait été acheminé au SMA des Ressources humaines de TPSGC aux fins de suivi. Le SMA a indiqué (pièce 2, onglet H) à M. Rolland de rencontrer la plaignante et l’IPFPC pour parvenir à un règlement concernant les questions relevées dans la lettre adressée à M. McGuinty. Jusqu’à ce stade, Mme Tomka ignorait que la plaignante avait signalé ses problèmes à son député. Le groupe a ajourné sa réunion pour permettre à Mme Tomka d’examiner le courriel, de rencontrer la plaignante et de déterminer les prochaines étapes. Le groupe a convenu de se réunir, au besoin.

26 Mme Tomka a examiné la lettre adressée à M. McGuinty et a présenté à la plaignante son évaluation et ses commentaires le 28 janvier 2013 (pièce 2, onglet I). Dans son évaluation, les allégations de harcèlement en dehors du travail ne relèvent pas du mandat de l’IPFPC. Les autres allégations de harcèlement au travail étaient en dehors de la période de 12 mois déterminée par la politique sur la prévention du harcèlement du Conseil du Trésor ou en dehors de sa portée. En conséquence, l’IPFPC ne pouvait pas l’aider à régler ces questions ou déposer un grief en son nom. La plaignante n’était pas satisfaite de la réponse de Mme Tomka et a indiqué par courriel qu’elle avait l’intention de déposer une plainte contre l’IPFPC (pièce 2, onglet J). En réponse, Mme Tomka a précisé que l’IPFPC voulait l’aider relativement à tout problème relevant de la portée de son mandat et lui a demandé de fournir tous les documents qu’elle pourrait avoir relativement à ses problèmes au travail (pièce 2, onglet K).

27 La plaignante n’a pas envoyé d’autres documents comme on le lui avait demandé et elle n’a pas communiqué avec Mme Tomka avant juin 2013, à la suite d’un incident survenu au travail le 10 juin. La plaignante a allégué qu’elle avait été empoisonnée dans le milieu de travail, et elle avait appelé une ambulance pour l’aider. Selon elle, quelqu’un au milieu de travail avait vaporisé des produits chimiques dans le purificateur d’air dans son bureau. Après cet incident, M. Rolland l’a informée qu’elle devait s’absenter du travail jusqu’à ce qu’elle fasse l’objet d’une évaluation de Santé Canada.

28 Mme Tomka a rappelé la plaignante (voir les notes, pièce 31). Elle a offert d’aider la plaignante à l’égard de deux préoccupations qui ont été relevées : la rapidité avec laquelle l’évaluation de Santé Canada pouvait être effectuée et la confirmation du statut de son congé. La plaignante a continué à demander à quel moment son grief de harcèlement serait déposé. Sachant que sa plainte de pratique déloyale avait été déposée, la demande de la plaignante a été attribuée à un autre ART, M. Toncic (pièce 15). Mme Tomka n’a pas eu d’autres rapports avec la plaignante et n’a rien reçu d’autre de la plaignante.

29 En contre-interrogatoire, Mme Tomka a indiqué qu’elle ne se souvenait pas que la plaignante lui ait demandé de déposer un grief concernant la compétence du médecin désigné par Santé Canada. En fait, la plaignante a été informée que l’IPFPC ne pouvait pas offrir son aide relativement à cette affaire. Mme Tomka ne se souvenait pas d’avoir eu une discussion concernant le dépôt d’un grief à propos du fait que TPSGC insistait pour que la plaignante soit examinée par Santé Canada ainsi que sur son absence du travail pour une période de 11 mois pour cette raison. Une fois de plus, l’IPFPC ne pouvait rien faire pour aider, car TPSGC avait respecté toutes les règles. Mme Tomka s’est souvenue que le fonctionnaire avait exprimé sa frustration à cet égard et qu’elle avait été informée qu’un grief n’était pas approprié dans les circonstances. Mme Tomka était d’avis que la plaignante avait accepté cette réponse.

30 En outre, malgré la suggestion de la plaignante selon laquelle l’IPFPC aurait dû prendre des mesures pour qu’elle subisse un examen médical indépendant plutôt que se fier à l’avis de Santé Canada, il ne s’agit pas là d’une pratique courante, car cela est très coûteux. Le coût n’est pas le seul facteur déterminant, mais il s’agit d’un facteur pertinent concernant la recommandation de l’ART. D’autres renseignements pertinents pris en considération sont la situation de fait et la question de savoir si des renseignements médicaux supplémentaires sont requis pour appuyer la demande du membre. L’IPFPC obtiendrait une évaluation médicale indépendante à ses frais uniquement dans le cadre d’une demande de prestations d’accidents du travail.

31 M. Toncic a assumé la responsabilité du dossier de la plaignante en juin 2013, lorsque celui-ci lui a été attribué par son superviseur. À la suite d’une conversation téléphonique avec la plaignante, il a organisé une rencontre pour discuter de son retour au travail, déposé un grief concernant le congé non payé involontaire, déposé un grief de harcèlement lié aux problèmes avec son gestionnaire en juillet 2013 et l’a aidée à présenter une demande de prestations d’accidents du travail.

32 La plaignante a effectué un retour au travail le 26 juillet 2013, sans avoir besoin de subir une évaluation de Santé Canada, pour laquelle elle avait refusé de donner son consentement. Le grief de harcèlement déposé en son nom est tenu en suspens, car la situation s’est améliorée depuis que le grief a été déposé et que les parties se sont rencontrées.

33 M. Toncic a expliqué la procédure d’examen interne de l’IPFPC (pièce 29), qui peut être utilisée par un membre qui est en désaccord avec une décision rendue à son égard par un ART. Le membre doit alors être renvoyé au gestionnaire des Services de représentation, qui supervise les ART. Si le membre n’est toujours pas satisfait, il existe des mécanismes permettant de renvoyer l’affaire à des échelons supérieurs. Lorsqu’il existe une impasse évidente entre le membre et l’ART, on passe en revue une copie de la procédure d’examen interne avec le membre.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

34 Mme Tomka a admis qu’elle avait arbitrairement refusé de déposer un grief quelconque pour la plaignante. Dans son courriel du 2 janvier 2013 (pièce 5), Mme Tomka a déclaré qu’elle voulait éviter de déposer un grief. Elle a arbitrairement retenu l’aide médicale que la plaignante pouvait obtenir par l’intermédiaire de l’IPFPC. D’après la preuve de M. Toncic, il est évident que Mme Tomka a induit la plaignante en erreur en lui faisant croire qu’un grief ne pouvait être déposé qu’au moment de son retour au travail. À l’audience de la présente affaire en juillet 2014, Mme Tomka a affirmé qu’elle attendait toujours d’autres renseignements de la part de la plaignante pour justifier le dépôt d’un grief. Ces renseignements ont été fournis le 18 octobre 2012 et, le 18 novembre 2012, la plaignante a été informée par courriel que l’IPFPC ne pouvait rien faire pour l’aider.

35 Ces actions arbitraires prouvées par Mme Tomka dans le traitement du dossier de la plaignante établissent une contravention de l’alinéa 190(1)g) et de l’article 187 de la Loi. Une autre preuve de cette contravention est le fait que M. Toncic a réussi à déposer un grief au nom de la plaignante, en plus de traiter une multitude de questions connexes, à laquelle Mme Tomka refusait de donner suite. Il était évident que, lorsque la plaignante a été mise en congé, elle voulait déposer un grief. M. Courtney l’a informée qu’il était impossible de déposer un grief à moins qu’elle ne soit au travail.

36 En communiquant avec Mme Tomka, la plaignante lui a demandé de la représenter pour le grief. Mme Tomka l’a informée qu’il était prématuré d’intenter une action officielle contre TPSGC (pièce 26). Lorsque la plaignante est retournée au travail en octobre 2012, il était évident qu’elle avait besoin d’un milieu de travail sans parfum. Lorsqu’on a signalé à Mme Tomka que la plaignante avait des préoccupations permanentes quant à l’intention de TPSGC de fournir un tel milieu de travail, Mme Tomka lui a conseillé de donner du temps à la direction pour répondre à ses préoccupations plutôt que de déposer un grief ou une plainte. Après l’incident lié au parfum en décembre 2012, la plaignante a indiqué clairement qu’elle voulait que cette affaire soit traitée. Dans le courriel de Mme Tomka daté du 2 janvier 2013 (pièce 5), elle indique clairement qu’elle préférait ne pas déposer un grief. Comme la plaignante ne pouvait pas l’y forcer, elle s’est rétractée.

37 Aucun élément particulier n’a déclenché cette plainte; c’était plutôt l’effet cumulatif de plusieurs éléments. C’est la lettre de Mme Tomka du 28 janvier 2013 (pièce 2, onglet I) remplie de choses qu’elle ne pouvait pas faire, qui l’a déclenchée. Elle ne peut laisser la porte ouverte à la présentation d’un grief, puis dire à un membre de l’IPFPC qu’il était trop tard et que rien ne pouvait être fait. La plaignante aurait dû savoir quels étaient les délais avant de se faire dire qu’il était trop tard.

38 Mme Tomka n’a mentionné à aucun moment que l’IPFPC pourrait obtenir une évaluation médicale indépendante. Elle était au courant des défis auxquels faisait face la plaignante à son retour sur le lieu de travail. Elle savait qu’il était difficile de trouver un spécialiste pour évaluer la plaignante, pourtant elle n’a jamais offert le recours aux services du médecin de l’IPFPC pour aider la plaignante à revenir au travail.

39 Mme Tomka était l’ART de l’IPFPC affectée au portefeuille de TPSGC. La plaignante a communiqué avec elle pour obtenir son aide et elle n’a rien fait pour l’aider. Elle s’est acquittée du fardeau de la preuve. Malgré les renseignements fournis et la discussion qui a eu lieu, Mme Tomka a pris la décision arbitraire de ne pas présenter un grief en son nom.

B. Pour le défendeur

40 Les allégations formulées par la plaignante concernent l’omission par l’IPFPC d’intervenir lorsqu’elle a été mise en congé en octobre 2011. La plainte ne mentionne pas Mme Tomka, mais ce sont ses actions qui sont contestées. Décembre 2011 se trouvait bien au-delà du délai de 90 jours établi par la Loi pour déposer une plainte de pratique déloyale de travail. Tout ce qui précède le 28 janvier 2013 ne relève pas de la compétence de la nouvelle Commission. Le témoignage du témoin ne fournit que des renseignements généraux. Selon la preuve, il n’y a eu aucune contravention au devoir de représentation équitable par l’IPFPC.

41 La plaignante a invoqué une discrimination fondée sur la race, pourtant elle n’a fourni aucun fait ou élément de preuve pour appuyer cette allégation. Le simple fait qu’elle est noire n’appuie pas une allégation de discrimination. Si l’incapacité est le fondement de la discrimination alléguée, la plaignante a parlé à M. Courtney au sujet du rapport médical de Santé Canada, et non à Mme Tomka. Il n’y a aucune preuve de ce que M. Courtney a fait ou n’a pas fait. En somme, il n’y a aucune preuve de discrimination contre la plaignante dans la façon dont l’IPFPC l’a représentée.

42 Le rôle de la nouvelle Commission en ce qui concerne une plainte relative à l’obligation de représentation équitable est d’examiner le processus décisionnel de l’agent négociateur; ce n’est pas d’établir si la décision était appropriée. La nouvelle Commission doit examiner attentivement la conduite de l’agent négociateur. Une latitude considérable doit être accordée à l’agent négociateur qui prend des décisions quant à la représentation de ses membres (voir Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, et Mohid c. Brossard, 2012 CRTFP 36).

43 La plaignante avait le fardeau d’établir qu’une preuve suffisante à l’audience démontrait que, selon la prépondérance des probabilités, l’IPFPC avait manqué à son devoir de représentation équitable. Selon la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon,[1984] 1 R.C.S. 509, un plaignant n’a pas un droit absolu à l’arbitrage, et un syndicat jouit d’une discrétion appréciable quant à ce qu’il fera au nom d’un membre. Selon cette affaire, cette discrétion doit être (page 527) :

[…]

[…] exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part. […]

[…]

44 Le nombre d’interactions entre la plaignante et Mme Tomka démontre que cette dernière lui a offert de l’aide lorsqu’elle en a demandé. Mme Tomka a écouté la plaignante, a tenté de faire enquête sur l’affaire et lui a demandé d’autres renseignements qui ne lui ont pas été transmis. Le défendeur a reconnu que le courriel de Mme Tomka (pièce 2, onglet I) soulève des questions au sujet de la diligence de Mme Tomka à représenter la plaignante. Toutefois, un membre d’un syndicat n’a pas droit à une représentation parfaite. L’agent négociateur ou le syndicat a une grande latitude et un large pouvoir discrétionnaire quant à la façon dont il aidera ses membres.

45 Mme Tomka n’a pas opposé une fin de non-recevoir à la plaignante dans son courriel du 28 janvier 2013; la plaignante a décidé que l’affaire était terminée. Mme Tomka a demandé plus de renseignements que la plaignante n’a pas fournis. La porte a été laissée ouverte en ce qui concerne un grief pour harcèlement dans le lieu de travail. Selon Guilde de la marine marchande du Canada, un membre d’un syndicat doit collaborer avec ce dernier pour faire enquête sur les allégations qui ont été soulevées. La plaignante en l’espèce ne l’a pas fait. Lorsque des renseignements supplémentaires ont été demandés, elle a omis de les fournir à Mme Tomka.

46 La question liée à la présentation d’un grief en 2011 ne concernait pas Mme Tomka; M. Courtney représentait la plaignante à ce moment. Il n’y a aucune preuve de ce qu’il a fait ou n’a pas fait devant la nouvelle Commission en dehors des souvenirs des événements de la plaignante, qui n’étaient pas appuyés par les pièces et les souvenirs de Mme Tomka. Mme Tomka n’a pas reçu de demande de sa part de présenter un grief parce qu’elle avait été mise en congé.

47 Le défendeur a fourni une représentation raisonnable à la plaignante tout au long de la période en question. Il n’a pas agi d’une façon arbitraire ou déraisonnable ou fait preuve de mauvaise foi. Afin de déterminer que le défendeur a agi d’une façon qui est arbitraire ou déraisonnable ou qu’il a fait preuve de mauvaise foi, il faut évaluer la conduite de l’agent négociateur dans son ensemble (voir Re Judd, [2003] B.C.L.R.B.D. No. 63 (QL)); cependant, le comportement du plaignant doit également être examiné dans son ensemble. Il ne suffit pas d’examiner des actes isolés qui pourraient correspondre à la description.

48 La barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire est placée haut à dessein (Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128). La plaignante avait la responsabilité d’aviser le défendeur qu’elle voulait déposer un grief (Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 44) et de collaborer à l’enquête du défendeur sur le grief. Elle ne l’a pas fait; elle n’a pas fourni de copie de son courriel au député à Mme Tomka et, dans cinq autres situations dans lesquelles la plaignante a demandé de l’aide, Mme Tomka lui a demandé des renseignements supplémentaires qu’elle n’a pas fournis. Mme Tomka ne pouvait faire enquête sur ces allégations sans sa collaboration.

49 Cette plainte devrait être rejetée parce que le délai n’a pas été respecté. Sinon, le défendeur a établi que la plaignante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau de la preuve.

IV. Motifs

50 La Loi prévoit le dépôt d’une plainte pour une violation de l’article 187 contre un agent négociateur en vertu de l’article 190, de la façon suivante :

Plaintes à la Commission

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

a) l’employeur a contrevenu à l’article 56 (obligation de respecter les conditions d’emploi);

b) l’employeur ou l’agent négociateur a contrevenu à l’article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

c) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l’article 107 (obligation de respecter les conditions d’emploi);

d) l’employeur, l’agent négociateur ou l’administrateur général a contrevenu au paragraphe 110(3) (obligation de négocier de bonne foi);

e) l’employeur ou l’organisation syndicale a contrevenu aux articles 117 (obligation de mettre en application une convention) ou 157 (obligation de mettre en œuvre la décision arbitrale);

f) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu au paragraphe 125(1) (obligation de respecter les conditions d’emploi);

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

Délai de présentation

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu - ou, selon la Commission, aurait dû avoir - connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

[Je souligne]

51 L’avocate du défendeur a soutenu que la nouvelle Commission n’a pas compétence pour entendre les affaires qui invoquent une violation du devoir de représentation équitable avant le délai de 90 jours précédant la date à laquelle la plaignante a déposé sa plainte. Elle a raison; toutefois, la lettre du 28 janvier 2013 fournit un long résumé ainsi que des commentaires sur toutes ces questions qui sont survenues entre octobre 2011 et le 11 janvier 2013. C’est l’évaluation par Mme Tomka de ces questions qui a donné lieu à la plainte, selon la plaignante. En conséquence, les deux parties conviennent que mes demandes de renseignements pour cette plainte doivent viser le courriel du 28 janvier 2013 (pièce 2, onglet I), qui est désigné dans le formulaire 16 produit par la plaignante (pièce 3) le 26 avril 2013, date qui se trouvait dans le délai de 90 jours pour déposer une plainte. Le courriel comporte la position du défendeur sur la poursuite des griefs par la plaignante. C’est le message transmis et le plan d’action proposé qui ont choqué la plaignante et qui constituent le fondement de la plainte. Elle a interprété la réponse comme un refus de la part de l’agent négociateur, par l’intermédiaire de Mme Tomka, de l’aider à poursuivre ses griefs contre TPSGC.

52 L’affaire Guilde de la marine marchande du Canada est la décision qui fait autorité en ce qui concerne le devoir de représentation équitable. La Cour suprême, invoquant sa décision dans Syndicat catholique des employés de magasins de Québec Inc. v. Compagnie Paquet Ltée, [1959] S.C.R. 206, qui précisait qu’en raison de l’accréditation du syndicat comme représentant exclusif des membres de l’unité de négociation, il doit représenter ses membres en ce qui concerne les griefs, a établi les principes suivants (à la page 527) :

[…]

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’un pouvoir discrétionnaire appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

53 Si l’on applique le raisonnement de la Cour suprême, pour avoir gain de cause dans cette plainte, la plaignante devait établir qu’elle a été traitée d’une manière arbitraire ou discriminatoire ou qu’elle a fait l’objet de mauvaise foi, et non pas simplement qu’elle n’était pas d’accord avec Mme Tomka. Sans cela, il faut accorder une très grande latitude au défendeur lorsqu’il décide quels griefs il devrait appuyer (voir Manella, au paragr. 38).

54 En l’espèce, la plaignante n’a fourni aucune preuve qui appuierait le fait que l’une des actions de l’IPFPC était arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive. Elle pouvait ne pas les approuver. Le défendeur a établi un examen de décisions pour les situations où ses membres n’approuvent pas les décisions de l’ART. La plaignante aurait pu contester les décisions de Mme Tomka en utilisant cette avenue, mais elle ne l’a pas fait.

55 Si la plaignante croyait que le service que lui offrait Mme Tomka était de piètre qualité, que Mme Tomka agissait de manière arbitraire, qu’elle a pris des mesures discriminatoires contre elle ou qu’elle faisait preuve de mauvaise foi, elle aurait dû soulever ses préoccupations auprès du défendeur pour qu’elles soient abordées. Au bout du compte, elle l’a fait en déposant cette plainte, ce qui est la raison pour laquelle M. Toncic est devenu son représentant. Le fait que M. Toncic a pu régler certains problèmes que Mme Tomka n’a pu régler ne démontre pas que la plaignante n’était pas correctement représentée par le défendeur. Différents ART ont différentes compétences et approches pour régler les problèmes qui surviennent entre des membres et leurs employeurs.

56 Le fardeau de la preuve prévu à l’article 187 de la Loi repose sur la plaignante. Il l’oblige à présenter des faits suffisants pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a manqué à ses obligations en vertu du devoir de représentation équitable (voir Ouellet, au paragr. 31). Il ne suffit pas à la plaignante pour s’acquitter de ce fardeau de déclarer que Mme Tomka n’a pas présenté un grief; par conséquent, elle a manqué à son devoir de représentation équitable. Il n’y a pas de droit absolu de voir le grief renvoyé à l’arbitrage; le défendeur a le droit de refuser de représenter le membre (Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada,2009 CRTFP 28). Le rôle de la nouvelle Commission est de déterminer si cette décision a été prise d’une façon arbitraire ou discriminatoire, sans examen approprié, ou de mauvaise foi.

57 La preuve présentée par la plaignante n’a pas établi que Mme Tomka a agi de façon discriminatoire ou arbitraire. En outre, il n’y a pas de preuve de mauvaise foi. En fait, son évaluation de la situation indiquée dans son courriel du 28 janvier 2013 fournit une analyse approfondie de la situation factuelle. En outre, comme l’a soutenu l’avocate du défendeur, Mme Tomka n’a pas refusé de représenter la plaignante; elle lui a plutôt demandé plus de renseignements, que la plaignante n’a pas fournis. La preuve a démontré que la plaignante n’a pas collaboré avec le défendeur et qu’elle n’a pas fourni les renseignements supplémentaires demandés. Elle n’a fourni aucune raison pour expliquer cette omission et la durée entre les communications avec Mme Tomka n’indiquait pas que la plaignante a donné suite activement à sa cause.

58 Au bout du compte, [traduction] « […] si un syndicat a examiné les renseignements pertinents, fondé sa décision sur les faits pertinents et qu’il n’y a aucune preuve de discrimination ou de mauvaise foi, alors peu importe le degré de compétence ou de stratégie visant la formulation de la plainte […] », une plainte de pratique déloyale de travail doit être rejetée parce que le syndicat, étant le défendeur, n’a pas violé la Loi (voir Judd, au paragr. 88). De même, à moins que la plaignante n’ait établi que la qualité de la représentation syndicale était gravement négligente, c’est-à-dire que le syndicat a traité les préoccupations de l’employé de façon superficielle ou inattentive, la plainte ne peut être accueillie au motif que le défendeur a agi de façon arbitraire (Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95, au paragr. 22); je conclus donc que la plaignante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Tomka et l’IPFPC ont agi d’une manière qui était arbitraire ou discriminatoire ou qu’ils ont fait preuve de mauvaise foi lorsqu’ils l’ont représentée. 

59 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

60 La plainte est rejetée.

Le 12 juin 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

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