Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le syndicat a déposé un grief de principe alléguant que l'employeur avait enfreint l'article 22 de la convention collective en refusant de rembourser aux employés classifiés au groupe VFS et membres de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) une partie de leur cotisation annuelle – l'Ordre des CPA a rendu obligatoire pour tous ses membres le paiement d'une prime de 54.50 $ pour l'assurance responsabilité professionnelle – la prime est facturée distinctement de la cotisation annuelle et doit être payée directement aux Services d'assurance des comptables agréés (SACA), l'administrateur exclusif du régime d'assurance responsabilité professionnelle des CPA – en reconnaissance du travail des employés classifiés au groupe AU, l'article 22 avait été inclus dans la convention collective pour la première fois en novembre 2000 lors de la négociation de la convention collective signée en novembre 2000 – la question de la prime d'assurance responsabilité professionnelle n'a pas été traitée lors des négociations en 2000 parce qu'à l'époque, les employés classifiés AU n'étaient pas obligés de souscrire l'assurance responsabilité professionnelle – la clause 22 exige la présence de trois éléments afin de donner droit au remboursement de la cotisation annuelle : 1. un paiement annuel; 2) que la cotisation soit exigée par l'association; 3) que la cotisation soit exigée pour maintenir en vigueur un titre professionnel et une qualité de membre – bien que la prime ne soit pas payable directement à l'Ordre des CPA, l'article 22 ne requiert pas que le montant soit payable à une association désignée, elle prévoit seulement que le paiement annuel soit exigé par l'une des associations – la clause 22.01b) prévoit que certains frais de nature administrative ne sont pas remboursables et la convention collective est claire et exprime l'intention des parties voulant qu'elle ne vise que des frais de type administratif à l'exclusion des primes d'assurance responsabilité professionnelle – la preuve extrinsèque a révélé que le paiement de la prime n'a été ni considéré ni discuté à la table de négociations et il fallait donc s'en remettre au libellé de la convention collective – les politiques de l'employeur déposées en preuve ont été émises unilatéralement par l'employeur après la signature de la convention collective en 2000 et ne peuvent prévaloir sur le libellé clair de la convention collective – si les parties avaient eu l'intention d'exclure le paiement de la prime d'assurance responsabilité professionnelle de la définition de cotisation professionnelle, ils auraient dû le prévoir spécifiquement. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150722
  • Dossier: 569-34-129
  • Référence: 2015 CRTEFP 65

Devant un arbitre de grief


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
Frédéric Durso, avocat, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 13 mai 2014.

I. Grief de principe renvoyé à l'arbitrage

1 Le 2 avril 2013, l’Institut professionnel de la Fonction publique du Canada (l’« Institut ») a déposé un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP ») à l’encontre de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« ARC ») alléguant qu’il y avait eu violation de l’article 22 de la convention collective conclue entre l’employeur et l’Institut, le 10 juillet 2012, au nom de l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences (VFS), qui a expiré le 21 décembre 2014 (la « convention collective »).

2 Les détails relatifs au grief de principe se lisent comme suit :

Nous contestons la décision de l’employeur de refuser de rembourser aux employés membres du groupe VFS et membres de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) le remboursement d’une portion de la cotisation professionnelle annuelle que ceux-ci doivent obligatoirement acquitter pour demeurer membres en règles [sic] de leur Ordre professionnel. Cette portion au montant de 54,50$, vise à couvrir les frais d’adhésion au régime collectif d’assurance responsabilité. Considérant que le paiement de ce montant est obligatoire et essentiel au maintien du titre professionnel, l’employeur contrevient à l’article 22 de la convention collective en refusant son remboursement.

3 Comme mesure corrective, l’Institut a demandé que l’employeur rembourse aux membres du groupe VFS et de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) la totalité du montant de la cotisation professionnelle annuelle, y compris le montant de 54,50 $ inclus à titre de frais d’adhésion au régime collectif d’assurance responsabilité professionnelle pour les années 2013-2014 et suivantes.

4 La réponse de l’employeur au grief de principe indiquait que le montant réclamé de 54,50 $ ne constituait pas une cotisation annuelle au sens des dispositions de la convention collective ou de la politique de l’employeur concernant les cotisations des membres d’une association professionnelle. De plus, la prime d’assurance responsabilité professionnelle était payable à un organisme autre que l’Ordre des CPA.

5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la LRTFP dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

6 Les parties se sont entendues sur un exposé conjoint des faits (l’« ECF »), qui se lit comme suit :

  1. Depuis le 16 mai 2012, les trois ordres comptables professionnels du Québec sont régis par un seul ordre : l’Ordre des comptables professionnels agréés (CPA) du Québec.
  2. Le nouveau CPA rend l’assurance responsabilité professionnelle obligatoire pour tous ses membres à compter du 1er avril 2013, qu’ils travaillent au privé ou non. Le paiement de ce montant est essentiel au maintien du titre professionnel.
  3. La prime d’assurance responsabilité au montant total de 54, 50$ (incluant les taxes) est facturée distinctement de la cotisation annuelle et doit être payée directement aux Services d’assurance des comptables agréés (Les SACA inc.).
  4. En avril 2013, la gestion a refusé de rembourser la prime d’assurance responsabilité pour ses employés qui sont membres du groupe VFS et membres d’un des ordres comptables professionnels du Québec.
  5. Le grief de principe conteste la décision de l’employeur de refuser de rembourser la prime d’assurance responsabilité annuelle au montant de 54,50$ visant à couvrir les frais d’adhésion au régime collectif d’assurance responsabilité.
  6. Depuis avril 2008, avant la création du CPA, certains membres du groupe VFS qui étaient aussi membres d’un des ordres comptables professionnels du Québec étaient tenu [sic] à payer des frais pour l’assurance responsabilité professionnelle et cette prime d’assurance responsabilité n’était pas payé par l’employeur. Avant 2008 un membre du groupe VFS n’a jamais réclamé le remboursement d’une quelconque contribution à un Régime d’assurance responsabilité professionnelle.

7 Chaque partie a fait comparaître un témoin, soit Steve Parent pour l’Institut et Peter Cenne pour l’employeur.

A. Steve Parent

8 M. Parent est au service de l’employeur depuis 1999 et occupe le poste de vérificateur. Il est classifié au groupe et niveau AU-03. Avant de devenir membre de l’Ordre des CPA, il était membre de l’Ordre des comptables en management accrédités (CMA).

9 Lorsque M. Parent était membre de l’Ordre des CMA, l’employeur lui remboursait sa cotisation annuelle. M. Parent a dit qu’à l’époque, à titre d’employé du gouvernement fédéral, il était dispensé de souscrire une assurance responsabilité professionnelle, laquelle s’appliquait aux CMA qui exerçaient en pratique privée. Depuis avril 2013, M. Parent doit payer la prime d’assurance responsabilité professionnelle, à défaut de quoi il serait rayé de l’Ordre des CPA.

10 En contre-interrogatoire, M. Parent a dit que les fonctions de son poste n’avaient pas changé lorsque sa désignation a été modifiée de CMA à CPA.

B. Peter Cenne

11 M. Cenne était le négociateur-chef de l’employeur depuis mai 2000. L’ARC a été désigné un organisme distinct le 1er novembre 1999, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C. 1985, ch. F-11).En 2003, M. Cenne a été nommé directeur des négociations collectives de l’employeur. Depuis 2006, M. Cenne occupe le poste de directeur de la Division des négociations collectives, interprétation et recours de l’employeur — les sections des négociations collectives et des recours avaient alors été amalgamées. M. Cenne a participé à la négociation de toutes les conventions collectives de l’employeur depuis mai 2000 et il était responsable des négociations pendant cette période.

12 M. Cenne a dit que l’article 22 de la convention collective avait été inclus pour la première fois en 2000, lors de la négociation de la convention collective signée en novembre 2000 et venant à échéance le 21 juin 2001 (pièce C-2). Antérieurement, la politique de l’employeur était reflétée dans la clause 21.01 de la convention collective, une clause générique concernant les droits d’inscription versés par un employé à un organisme ou à un conseil d’administration lorsque cela était indispensable à l’exercice continu des fonctions de son emploi. À l’époque, l’employeur n’a pas considéré le paiement des droits d’inscription comme étant indispensable au travail des employés du groupe AU. Selon M. Cenne, si l’article 22 n’avait pas fait partie de la convention collective, l’employeur n’aurait pas versé les droits d’inscription pour les employés du groupe AU. Toutefois, l’article 22 a été ajouté en reconnaissance du travail des employés du groupe AU.

13 M. Cenne a témoigné que lors de la négociation concernant l’article 22 de la convention collective, il a expliqué à la table des négociations que l’intention de cet article n’était pas d’élargir la portée de la clause 21.01 de la convention collective ou de la politique existante de l’employeur concernant le paiement des droits d’inscription. Il a ajouté que lorsque l’article 22 a été incorporé à la convention collective, l’employeur a spécifiquement consenti à couvrir le paiement de la cotisation annuelle de l’Office des professions du Québec (l’« OPQ »).

14 M. Cenne a fait référence à la politique sur les cotisations des membres d’une association professionnelle établie en avril 2001 (la « politique sur les cotisations de 2001 »), par le prédécesseur de l’ARC, soit l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (pièce C-10), dont la clause 3.1.2e) se lit comme suit :

3.1.2 Le remboursement se limite aux cotisations annuelles de membre tel que stipulé au paragraphe 7 a). Voici des exemples de frais ou de cotisations non remboursables :

[…]

e) les droits spéciaux qui sont imputés séparément et qui sont distincts des cotisations annuelles de membre (p. ex. assurance responsabilité, etc.).

15 Le même libellé a été repris lors de la révision de cette politique, le 28 mars 2006 (pièce C-8) (la « politique sur les cotisations de 2006 »). Selon la compréhension de M. Cenne, l’employeur n’a jamais reconnu qu’il devait payer les primes d’assurance responsabilité professionnelle. Cette question n’a pas été traitée lors des négociations, en 2000, parce qu’à l’époque, les employés du groupe AU n’étaient pas obligés de souscrire l’assurance responsabilité professionnelle.

16 M. Cenne m’a renvoyé à la Ligne directrice sur l’auto-assurance du Secrétariat du Conseil du Trésor, modifiée le 4 février 2011 (pièce E-1), dont les principes incluent ce qui suit :

Le gouvernement du Canada souscrit essentiellement ses propres risques et n’achète pas d’assurance sur le marché de l’assurance commerciale.

17 La version anglaise se lit comme suit :

The Government of Canada, for the most part, underwrites its own risks and does not purchase insurance in the commercial insurance market.

18 Selon ce document, la souscription du risque exige entre autres une « analyse approfondie du risque ». Selon M. Cenne, une telle analyse n’a pas été faite dans cette affaire.

19 M. Cenne m’a aussi renvoyé à la Politique sur les indemnités et assistance juridique qui peuvent être accordées aux employés de l’ARC (pièce E-2), laquelle, selon lui, a pour but de protéger les employés dans le cadre de l’exécution de leurs tâches.

20 En contre-interrogatoire, à titre d’exemple visé par l’article 21 de la convention collective, M. Cenne a mentionné les avocats qui doivent être membre d’un barreau afin de faire des représentations à la cour et les architectes et ingénieurs qui doivent appartenir à leurs ordres professionnels respectifs afin de certifier des documents.

21 Selon M. Cenne, lorsque l’article 22 a été incorporé à la première convention collective de l’ARC, la politique sur les cotisations existait déjà depuis avril 2001. À la question de savoir si le but de l’article 22 était le maintien de la désignation professionnelle des employés du groupe AU, M. Cenne a répondu qu’il avait compris que le but de l’article 22 était que l’employeur ne paierait que la partie centrale de la cotisation. De plus, l’employeur n’a jamais envisagé le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle.

22 À la question de savoir si, pendant les négociations concernant l’article 22 de la convention collective, l’assurance responsabilité professionnelle était obligatoire et payée par tous les membres, M. Cenne a répondu que, selon sa compréhension, les membres n’étaient pas obligés de payer la prime d’assurance responsabilité professionnelle imposée par leur association professionnelle à l’époque de la convention collective en question.  

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’Institut

23 Les conditions relatives au paiement des cotisations des employés du groupe AU sont élaborées à la clause 22.01 de la convention collective et les exceptions sont prévues à la clause 22.01b) de cette même convention collective. L’Institut a fait valoir qu’il fallait s’en remettre au libellé de la convention collective et a demandé si cela rejoignait l’intention des parties.

24 L’Institut a fait référence au témoignage de M. Cenne quant à l’intention de l’employeur en 2000. Cependant, comme à l’époque il n’y avait aucune obligation pour les employés du groupe AU de souscrire une assurance responsabilité professionnelle, il n’était pas question du remboursement de cette prime par l’employeur. Comment peut-on déterminer l’intention des parties relativement à une question qui n’existait pas à l’époque. En reconnaissance du travail des employés du groupe AU, l’employeur remboursait les cotisations obligatoires en vue de maintenir leur désignation professionnelle.

25 L’Institut a plaidé que les politiques de l’employeur sont des documents émis unilatéralement et qu’elles ne peuvent suppléer à la convention collective. Même si être membre d’une association professionnelle n’est pas une exigence de l’emploi des employés du groupe AU, l’employeur a accepté de rembourser les cotisations annuelles. L’Institut a souligné que la souscription à une assurance responsabilité professionnelle est une obligation imposée par l’Ordre des CPA. Tout en reconnaissant que la prime d’assurance responsabilité professionnelle est payable à un organisme distinct, l’Institut a avancé qu’il ne s’agit pas d’un obstacle au remboursement de ces frais par l’employeur. L’Institut a ajouté qu’il ne s’agit que d’une question d’administration et qu’il ne faudrait pas que la forme l’emporte sur le fond. La compagnie Les SACA inc. (la « SACA ») est l’administratrice exclusive du régime d’assurance responsabilité professionnelle des CPA et non pas la compagnie d’assurance.  

26 L’Institut a fait valoir que la politique sur les cotisations de 2006 de l’employeur démontre l’intention de l’employeur en ce qui a trait au libellé de la convention collective. L’article 22 de la convention collective définit « cotisation annuelle ». L’Institut a mentionné les clauses 1 (énoncé de la politique), 3.1.2 (cotisations de membre remboursable) et 7a) (définition de cotisations annuelles de membre) de la politique sur les cotisations de 2006, et a avancé que la convention collective contenait le même langage. L’Institut a soutenu que les frais ou cotisations non remboursables énumérés aux clauses 3.1.2a) à i) de la politique sur les cotisations de 2006 se trouvent dans la convention collective, sauf la clause 3.1.2i) ainsi que celle sur l’assurance responsabilité professionnelle. Selon l’Institut, la politique de l’employeur sur les cotisations de 2006 confirme ses allégations.

27 Pour l’Institut, l’intention des parties, telle qu’elle est exprimée dans la convention collective, est que l’employeur s’engage à payer les montants nécessaires afin qu’un employé du groupe AU puisse maintenir son titre professionnel.

28 À l’appui de ses arguments, l’Institut m’a renvoyé à : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 (CSC); Beese et al. c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99; Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 777 c. Imperial Oil Strathcona Refinery (grief de principe) (2004), 130 L.A.C. (4e) 239; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 46; Brault c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 108 et Philippon et al. c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-26304 à 26306 (19950927).

B. Pour l’employeur

29 L’employeur a fait valoir qu’en l’espèce, il s’agit de déterminer l’intention réelle des parties en interprétant la convention collective dans son sens normal ou ordinaire. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et des travailleurs de papier, section locale 30 c. Les Pâtes et Papier Irving Ltée, 2002 NBCA 30; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112 et Stevens c. Conseil du Trésor, (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34.

30 En faisant référence au témoignage de M. Cenne, l’employeur a fait valoir qu’à la création de l’ARC, le 1er novembre 1999, seul l’article 21 de la convention collective abordait la question du versement des cotisations advenant le cas où le versement serait indispensable à l’exercice continu des fonctions de l’emploi en question.

31 L’article 22 de la convention collective a été ajouté en 2000, l’employeur a reconnu que plusieurs employés du groupe AU détenaient déjà une désignation professionnelle bien qu’il ne s’agisse pas d’une exigence du poste. Depuis son ajout en 2000, il n’y a eu aucune modification au libellé de l’article 22.

32 L’employeur a maintenu que selon le sens normal et ordinaire des termes de cet article, la prime d’assurance responsabilité professionnelle ne fait pas partie de la cotisation.L’employeur a plaidé que selon la clause 22.01 de la convention collective, la cotisation doit être payée à l’une des associations énumérées. Il m’a renvoyé à Brault à cet égard. Il a également souligné que l’avis de cotisation de l’Ordre des CPA n’inclut pas la prime d’assurance responsabilité professionnelle. Il a ajouté que cette prime n’était pas payable à une des associations désignées, mais plutôt à la SACA. Pour l’employeur, l’analyse devrait s’arrêter là.

33 De façon subsidiaire, l’employeur a plaidé que les versions française et anglaise de la clause 22.01b) de la convention collective n’avaient pas le même sens. Tandis que la version française prévoit que « Certains frais de nature administrative ne sont pas remboursables sous cet article […] », la version anglaise se lit comme suit : Portions of fees or charges of an administrative nature such as the following are not subject to reimbursement under this Article […] ».L’employeur a fait valoir que l’expression « portions of fees » avait un sens plus large que « frais de nature administrative », et qu’elle s’appliquait à la prime d’assurance responsabilité professionnelle.

34 L’employeur a soutenu que vu l’ambiguïté dans les deux versions de la clause 22.01b) de la convention collective, une preuve extrinsèque est admissible. À l’appui de cet argument, l’employeur m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, au paragraphe 69; Canada c. General Motors du Canada Limitée, 2008 CAF 142, au paragraphe 35 et Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe 3:4400.

35 Comme preuve extrinsèque, l’employeur a fait référence à plusieurs éléments du témoignage de M. Cenne. Selon lui, l’employeur n’a jamais eu l’intention d’inclure le remboursement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle dans la convention collective. L’objectif n’était pas d’étendre la portée de la clause, mais de la restreindre aux pratiques ou politiques en vigueur avant l’ajout de l’article 22 de la convention collective.

36 L’employeur m’a renvoyé à la Ligne directrice sur l’auto-assurance du Secrétariat du Conseil du Trésor, où il est mentionné, à l’article 5 (pratiques de gestion), qu’un décret émis en 1881 « […] stipule qu’il est sensé, du point de vue économique pour le gouvernement de souscrire ses propres risques […] ». Comme le gouvernement assume ses propres risques, pourquoi devrait-il payer pour la prime d’assurance responsabilité professionnelle? Pour l’employeur, ce n’est pas le fait que l’assurance responsabilité professionnelle soit obligatoire pour l’association professionnelle qui importe. La politique de l’employeur est la même depuis 2001 : les primes d’assurance responsabilité professionnelle ne sont pas remboursés par l’employeur.

37 De plus, l’employeur a plaidé qu’il fallait tenir compte du paragraphe 6 de l’ECF, qui se lit comme suit :

Depuis avril 2008, avant la création du CPA, certains membres du groupe VFS qui étaient aussi membres d’un des ordres comptables professionnels du Québec étaient tenu [sic] à payer des frais pour l’assurance responsabilité professionnelle et cette prime d’assurance responsabilité n’était pas payé par l’employeur. Avant 2008 un membre du groupe VFS n’a jamais réclamé le remboursement d’une quelconque contribution à un Régime d’assurance responsabilité professionnelle.

38 Pour l’employeur, cela démontre qu’il applique ses pratiques concernant le paiement des cotisations de façon uniforme. L’employeur a avancé que Philippon ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il porte sur une clause semblable à l’article 21 de la convention collective.

C. Réplique de l’Institut

39 L’Institut a plaidé qu’il n’y avait pas d’ambiguïté dans les versions anglaise et française. La clause 22.01a) de la convention collective inclut l’expression « frais de cotisation » et la clause 22.01b) inclut l’expression « frais de nature administrative ». Donc le seul terme utilisé est « frais ».

40 L’Institut a soutenu qu’il n’y avait pas de différence entre « portions of fees », et« charges of an administrative nature », puisqu’il s’agit de la même chose. 

41 Quant à l’argument de l’employeur selon lequel la prime d’assurance responsabilité professionnelle n’était pas payée à l’Ordre des CPA, l’Institut a maintenu que cette assurance était exigée par l’Ordre des CPA et constituait une condition essentielle au maintien de la désignation professionnelle.

IV. Motifs

42 Il incombe à l’agent négociateur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a contrevenu à l’article 22 de la convention collective.

43 Il convient de reproduire les dispositions qui doivent être considérées en l’espèce. La politique sur les cotisations de 2001 de l’employeur prévoit ce qui suit :

          Énoncé de la politique

  1. L’ADRC remboursera aux employés admissibles leurs cotisations annuelles de membre lorsque l’employeur a accepté de procéder au remboursement, par exemple dans une convention collective ou une lettre d’entente conclue avec le syndicat représentant les employés.

[…]

          Exigences de la politique

          3.1 Cotisations de membre remboursables

3.1.1 Le remboursement des cotisations de membre d’une association professionnelle est assujetti aux conditions d’admissibilité figurant à l’annexe A et aux exigences de la politique ci-dessous.

3.1.2 Le remboursement se limite aux cotisations annuelles de membre tel que stipulé au paragraphe 7 a). Voici des exemples de frais ou de cotisations non remboursables :

a) les frais de service administratifs imposés pour le paiement des cotisations par versements ou chèques postdatés;

b) les frais de paiements tardifs des cotisations de membre versés après la date d’échéance;

c) les droits d’entrée imposables aux nouveaux membres d’un organisme régulateur;

d) les droits de réintégration imposés aux membres d’un organisme régulateur;

e) les droits spéciaux qui sont imputés séparément et qui sont distincts des cotisations annuelles de membre (p. ex assurance responsabilité, etc.).

[…]

44 Dans la politique sur les cotisations de 2006, les clauses 1, 3.1.1 et 3.1.2a), b), c) et d) sont les mêmes que dans la politique sur les cotisations de 2001. Le reste de la clause 3.1.2 se lit comme suit :

3.1.2 Le remboursement se limite aux cotisations annuelles de membre tel que stipulé au paragraphe 7 (a).

Voici des exemples de frais ou de cotisations non remboursables :

[…]

e. les droits spéciaux qui sont imputés séparément, ou qui ne sont pas compris dans les cotisations annuelles totales de membre (p. ex. assurance responsabilité, etc.). Nota : Le groupe de la direction (EX/SM) et les participants aux programmes de perfectionnement des cadres (groupes MD, CA et MM0 sont admissibles au remboursement des droits spéciaux peu importe si ces droits spéciaux sont imputés séparément de leurs cotisations annuelles de membre, à condition que le paiement de ces droits soit une exigence obligatoire de l’organisme régulateur afin de maintenir un titre professionnel et une adhésion à une association professionnelle en règle;

f. les paiements d’arriérés d’années antérieures pour la réadmission à l’association professionnelle;

g. les paiements d’arriérés de cotisations avant l’année de mise en ouvre [sic];

h. les droits facultatifs, par exemple les dons, le fonds d’éducation, etc.;

i. les cotisations des non-résidents.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

45 Les clauses pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :

ARTICLE 21

DROITS D’INSCRIPTION

21.01 L’Employeur rembourse à l’employé les cotisations ou les droits d’inscription versés par cet employé à un organisme ou à un conseil d’administration lorsqu’un tel versement est indispensable à l’exercice continu des fonctions de son emploi.

ARTICLE 22

COTISATION ANNUELLE D’ASSOCIATIONS

DE COMPTABLES PROFESSIONNELS

Cet article ne s’applique qu’aux employés classifiés AU, CO et FI.

22.01 Sous réserve des alinéas a), b) et c), l’Employeur s’engage à rembourser aux employés les frais de cotisation annuelle à l’une des associations canadiennes de comptables professionnels représentées par l’Institut canadien des comptables agrées [sic] (CA), ou la Société des comptables en management (CMA), Comptable professionnel agréé (CPA), ou l’Association des comptables généraux (CGA) et à leur organisation provinciale respective.

a) À l’exception de ce qui est prévu au alinéa b) ci-dessous, le remboursement des frais de cotisation annuelle fait référence au paiement annuel exigé par l’une des associations énumérées dans cet article pour maintenir en vigueur un titre professionnel et une qualité de membre. Ce remboursement inclura le paiement de la cotisation annuelle de l’Office des professions du Québec (OPQ).

b) Certains frais de nature administrative ne sont pas remboursables sous cet article, tels que : les frais de services liés au mode de paiement des cotisations par acomptes ou par chèques postdatés, les frais de paiement en retard ou pénalité pour des cotisations payées au-delà de la date limite, les frais d’initiation imputés aux nouveaux membres d’une association de comptables, les frais de réintégration exigés pour maintenir une qualité de membre, ou des arriérés de cotisations d’années antérieures exigés par une association comptables pour être ré-admis en ses rangs.

c) Quant aux demandes de remboursement des frais de cotisation professionnelle effectuées sous cet article, les employés devront remettre à l’Employeur une preuve de paiement afin de valider leur demande de remboursement.

46 La version anglaise de ces clauses se lit comme suit :

ARTICLE 21

REGISTRATION FEES

21.01 The Employer shall reimburse an employee for the payment of membership or registration fees to an organization or governing body when the payment of such fees is a requirement for the continuation of the performance of the duties of the employee’s position.

ARTICLE 22

PROFESSIONAL ACCOUNTING ASSOCIATION

ANNUAL MEMBERSHIP FEE

This Article applies to employees classified as AU, CO and FI only.

22.01 Subject to paragraphs (a), (b) and (c), the Employer shall reimburse an employee’s payment of annual membership fees in one (1) of either the Canadian Institute of Chartered Accountants (CA), the Society of Management Accountants (CMA), Canadian Chartered Professional Accountant (CPA), or the Certified General Accountants Association (CGA), and to one (1) of their respective provincial organizations.

(a) Except as provided under paragraph (b) below, the reimbursement of annual membership fees relates to the payment of an annual fee which is a mandatory requirement by one of the governing organizations listed in this clause to maintain a professional designation and membership in good standing. This reimbursement will include the payment of the “Office des professions du Québec” (OPQ) annual fee.

(b) Portions of fees or charges of an administrative nature such as the following are not subject to reimbursement under this Article: service charges for the payment of fees on an instalment or post-dated basis; late payment charges or penalties; initiation fees; reinstatement fees required to maintain a membership in good standing; or payments of arrears for re-admission to an accounting association.

(c) In respect of requests for reimbursement of professional fees made pursuant to this Article, the employee shall be required to provide the Employer with receipts to validate payments made.

47 Dans Pâtes et papiers Irving Ltée, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a exprimé comme suit certains principes d’interprétation de conventions collectives :

10 Il est admis que la tâche d'interpréter une convention collective ne diffère pas de celle devant laquelle se trouvent les autres décideurs qui interprètent des lois ou des contrats privés : voir D.J.M. Brown et D.M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd., feuilles mobiles (Aurora (Ont.) : Canada Law Book Inc., 2001), à la page 4-35. Dans le contexte contractuel, il faut partir de la proposition que l'objectif fondamental de l'interprétation est de déterminer l'intention des parties. Or, la présomption de départ est que ce que les parties ont dit est censé refléter leur intention et qu'il faut d'abord chercher le sens d'une clause d'une convention collective dans son libellé exprès. Selon les auteurs de doctrine, quand ils cherchent à déterminer l'intention des parties, les arbitres partent généralement du principe que la clause en question devrait être interprétée dans son sens normal ou ordinaire, sauf si cette interprétation est susceptible d'entraîner une absurdité ou une incompatibilité avec d'autres clauses de la convention collective : voir Canadian Labour Arbitration, à la page 4-38. Pour résumer, les termes d'une convention collective doivent recevoir leur sens ordinaire, sauf s'il existe une raison valable pour en adopter un autre. Par ailleurs, les termes doivent être interprétés dans leur contexte immédiat et dans celui de l'ensemble de la convention. Sinon, l'interprétation en fonction du sens ordinaire peut entrer en conflit avec une autre clause.

48 Dans Conseil national de recherches du Canada, au paragraphe 62, l’extrait présenté ci-dessous a été tiré de DHL Express (Canada) Ltd. v. Canadian Auto Workers, Locals 4215, 144 and 4278 (2004), 124 L.A.C. (4e) 271, aux pages 295 et 296 :

[Traduction]

[…] Le point de référence principal d’un arbitre de différends doit être le libellé de la Convention […] car c’est surtout par le mot écrit qu’il faut tenter d’évaluer l’intention commune des parties. Le libellé doit être interprété selon son sens propre et ordinaire, à moins que cette approche n’entraîne une absurdité ou une incompatibilité, auquel cas les arbitres interpréteront le libellé de manière à éviter de tels résultats. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces principes d’interprétation doivent être appliqués dans le contexte de la Convention écrite elle-même. Il est également bien reconnu qu’en contrepartie, les anomalies ou les résultats imprévus ne justifient pas à eux seuls la modification du sens ordinaire des termes. Ce n’est pas non plus le cas si une interprétation de la Convention pouvait occasionner un préjudice (perçu) à une partie.

[…]

Il est largement accepté que « le caractère défendable de [différentes] constructions », en lui-même, ne crée pas d’ambiguïté, ce qui permet de soumettre des preuves extrinsèques (dans Re Canadian National Railway Co. and Canadian Telecommunications Union (1975), 8 L.A.C. (2e) 256 (H.D. Brown), à la p. 259). Lors de l’évaluation de l’intention commune des parties, des tests objectifs doivent être employés, et « non ce que les parties, post contractu, pourraient déclarer comme ayant été leur intention, même en toute honnêteté et sincérité » (Re Puretex Knitting Co. and C.T.C.U., Loc. 560 (1975), 8 L.A.C. (2e) 371(Dunn), à la p. 373).

Ces derniers principes sont renforcés par l’article 4.05 de la Convention, qui m’interdit de « changer, modifier ou altérer toute disposition de cette Convention ».

Il est également reconnu que les dispositions de la Convention doivent être considérées dans leur ensemble et que les termes et les dispositions doivent être interprétés en fonction de leur contexte […]

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

49 De plus, l’article 229 de la LRTFP prévoit ce qui suit :

229. La décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d'une décision arbitrale.

50 Les principaux arguments des deux parties reposent sur le libellé de la convention collective. Cependant, à titre de contexte pour le différend actuel, l’employeur a produit des éléments de preuve sur les circonstances des négociations collectives ayant mené à l’ajout de l’article 22 de la convention collective. Il est bien établi que les preuves extrinsèques sont pertinentes et admissibles lorsque le libellé contesté est manifestement ou subtilement ambigu. Je traiterai de la question du libellé de la convention collective en premier.

51 La clause 22.01a) de la convention collective exige la présence des trois éléments suivants afin de donner droit au remboursement de la cotisation annuelle en vertu de la clause 22.01c): (1) un paiement annuel; (2) que la cotisation soit exigée par l’une des associations énumérées dans l’article 22; (3) que la cotisation soit exigée pour maintenir en vigueur un titre professionnel et une qualité de membre. C’est ce que l’arbitre de grief a conclu dans Brault, au paragraphe 66 de la décision :

[…]

Ce droit au remboursement des frais de cotisation est relié à trois éléments : 1) un paiement; 2) qui est annuel; et 3) dont l'objectif est de maintenir un titre professionnel et une qualité de membre. L'ensemble de ces trois éléments circonscrit le droit d’un employé au remboursement. Selon le libellé de cette stipulation, ces trois éléments sont indissociables. Les circonstances servant de fondement au grief doivent présenter les trois éléments précisés à la stipulation 22.01a) pour ouvrir droit au remboursement.

52 En ce qui a trait au paiement annuel, la convention collective ne définit pas le terme « annuel ». Comme il est dit au paragraphe 69 de Brault, « […] il faut utiliser le sens commun qui définit comme « annuelle » une chose qui revient d'année en année ou qui est pour une période d'une année ».La pièce C-3 comprend un document de l’Ordre des CPA intitulé « Assurance responsabilité professionnelle — procédure à suivre pour vous conformer à vos obligations et maintenir votre inscription au Tableau de l’Ordre ». Le paragraphe 1 de ce document exige que les membres remplissent un formulaire de proposition et d’autoévaluation de la prime d’assurance responsabilité professionnelle. Ce formulaire est intitulé comme suit : « Formulaire de proposition et d’autoévaluation de la prime pour la période allant du 1er avril 2013 au 1er avril 2014 » (pièce C-6). Je conclus donc que le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle rencontre la définition de cotisation annuelle.

53 Pour ce qui est du deuxième élément de la définition de cotisation annuelle, soit que la cotisation soit exigée par l’une des associations énumérées dans l’article 22, cela semble avoir été reconnu par les parties au paragraphe 2 de l’ECF comme suit : « Le nouveau CPA rend l’assurance responsabilité professionnelle obligatoire pour tous ses membres à compter du 1er avril 2013, qu’ils travaillent au privé ou non. »

54 Toutefois, l’employeur a fait valoir que l’avis de cotisation de l’Ordre des CPA n’incluait pas les primes d’assurance responsabilité professionnelle et que celles-ci n’étaient pas payables à une des associations désignées, mais plutôt à la SACA.

55 L’avis de cotisation 2013-2014 (pièce C-5) comprend deux parties : la partie supérieure, énumérant les détails de la cotisation, et la partie inférieure, qui est détachable et qui doit être retournée avec le paiement. La partie supérieure, intitulée « description », comprend les éléments suivants : « cotisation annuelle, contribution Office des professions (non taxable), TPS, TVQ, promesse de don à la Fondation CPA selon votre déclaration annuelle, total, paiement reçu, solde ». En dessous de la case intitulée « solde », on peut y lire ce qui suit :

N.B. Le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle, obligatoire pour tous les CPA, doit s’il y a lieu être effectué directement au gestionnaire du régime et accompagner le questionnaire d’autoévaluation que vous avez reçu et dûment rempli, sans quoi vous ne serez pas inscrit au tableau de l’Ordre le 1er avril prochain, et ce même si vous avez versé votre cotisation à l’Ordre.

56 Il est vrai que la prime d’assurance responsabilité professionnellen’est pas payable directement à l’une des associations visées par l’article 22 de la convention collective. Cependant, la clause 22.01a) de la convention collective ne requiert pas que le montant soit « payable à » une association désignée. Elle prévoit le « paiement annuel exigé par l’une des associations énumérées dans cet article […] ». La version anglaise de cette partie de la clause 22.01a) se lit comme suit: « […] an annual fee which is a mandatory requirement by one of the governing organizations listed in this clause ».

57 Je considère donc que l’exigence de l’Ordre des CPA voulant que ses membres effectuent le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle au gestionnaire du régime collectif ne contrevient pas à la clause 22.01a) de la convention collective.

58 En ce qui a trait au troisième élément de la définition de cotisation annuelle, les parties ont reconnu au paragraphe 2 de l’ECF que le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle était essentiel au maintien du titre professionnel.

59 L’employeur a plaidé que, comme en vertu de la Ligne directrice sur l’auto-assurance le gouvernement souscrit ses propres risques, pourquoi devrait-il payer pour la prime d’assurance responsabilité professionnelle? Toutefois, tel qu’il a été indiqué plus tôt dans cette décision, cette ligne directrice inclut le principe suivant : « Le gouvernement du Canada souscrit essentiellement ses propres risques […] » (« The Government of Canada, for the most part, underwrites its own risks … ») [je souligne]. Les mots en évidence indiquent qu’il peut avoir des exceptions à l’auto-assurance. De plus, la Ligne directrice sur l’auto-assurance n’a pas force de loi et n’empêche pas le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle.

60 Je traiterai maintenant de l’argument de l’employeur voulant qu’il y ait ambiguïté entre les versions française et anglaise de la clause 22.01b), donnant ainsi droit à la présentation d’une preuve extrinsèque. Tandis que la version française prévoit que « Certains frais de nature administrative ne sont pas remboursables sous cet article […] », la version anglaise se lit comme suit : Portions of fees or charges of an administrative nature such as the following are not subject to reimbursement under this Article ».L’employeur a soutenu que puisque l’expression « portions of fees » a un sens plus large que « frais de nature administrative », elle s’applique à la prime d’assurance responsabilité professionnelle.

61 La version française de la clause 22.01b) de la convention collective ne comporte aucune ambigüité. Elle traite des frais de nature administrative qui ne sont pas remboursables et énumère certains exemples de façon non exhaustive. Les exemples ont en commun la caractéristique d’être des frais administratifs.  

62 En ce qui a trait à la version anglaise de la clause 22.01b) de la convention collective, j’estime que dans le contexte de cette clause, le terme « or » doit être interprété de façon inclusive et que « portions of fees » ne peut être lu isolément de « charges of an administrative nature ». Il s’agit d’un exemple du principe noscitur a sociis, expliqué comme suit dans P.-A. Côté, Interprétation des Lois, Les Éditions Thémis, 3e édition, 1999, à la page 395 :

Le sens d’un terme peut être révélé par son association à d’autres termes; il est connu par ceux auxquels il est associé (noscitur a sociis). Ce principe général s’applique le plus souvent à l’interprétation de termes faisant partie d’une énumération. Par exemple, le mot « cor » est équivoque lu isolément. Il ne l’est pas dans la liste « le trombone, le cor et la clarinette ».

63 En présence de textes bilingues, il s’agit de rechercher le sens qui est commun aux deux versions. Dans Interprétation des Lois, trois situations sont considérées. La première situation se présente lorsque les deux versions sont absolument irréconciliables, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Les deux autres situations sont décrites comme suit aux pages 413 et 414 de Interprétation des Lois :

Dans un second type de situation, une version est ambigüe, c’est-à-dire susceptible de plus d’un sens, et l’autre claire, c’est-à-dire non équivoque. Le sens commun aux deux versions, qu’il faut a priori préférer, est celui de la version claire.

[…]

Dans un troisième type de situation, l’une des deux versions a un sens plus large que l’autre, elle renvoie à un concept d’une plus grande extension. Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint.

64 En appliquant ces règles à la clause 22.01b) de la convention collective, j’estime que la version française est la plus claire. Même si j’avais accepté l’argument de l’employeur selon lequel l’expression « portions of fees » donne un sens plus large à la version anglaise, c’est la version française qui comporte le sens le plus retreint. Je conclus donc que la clause 22.01b) de la convention collective est claire et exprime l’intention des parties voulant qu’elle ne vise que des frais de type administratif à l’exclusion des primes d’assurance responsabilité professionnelle. Dans les circonstances, la preuve extrinsèque n’est pas admissible.

65 Je traiterai maintenant de l’admissibilité de la preuve extrinsèque, advenant le cas où il serait déterminé que ma conclusion sur l’admissibilité de cet élément de la preuve soit erronée.

66 La preuve extrinsèque de l’employeur est basée sur le témoignage de M. Cenne concernant l’historique des négociations. Selon lui, l’employeur n’a jamais eu l’intention d’inclure le remboursement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle dans la convention collective. L’objectif n’était pas d’étendre la portée de la clause, mais de la restreindre aux pratiques ou politiques en vigueur avant l’ajout de l’article 22 de la convention collective.

67 Essentiellement, l’historique des négociations se résume comme suit : le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle pour les employés du groupe AU n’a été ni considéré ni discuté à la table des négociations. Dans les circonstances, le résultat demeure le même : il faut s’en remettre au libellé de la convention collective.

68 Il est intéressant de noter que, selon la clause 3.1.2e) de la politique de 2006, l’employeur a accepté de rembourser les droits spéciaux au groupe de la direction et aux participants aux programmes de perfectionnement des cadres, même si ces droits spéciaux sont imputés séparément de leurs cotisations annuelles de membre, à condition que le paiement de ces droits soit une exigence obligatoire de l’organisme régulateur afin de maintenir un titre professionnel et une adhésion à une association professionnelle en règle. Je constate que la politique ne contient aucune mention de l’auto-assurance à cet égard.

69 Au premier paragraphe de la politique sur les cotisations de 2001, il est indiqué que cette dernière remplace l’ancienne politique de l’ARDC concernant les « cotisations de comptable professionnel » publiée en octobre 2000. Comme la politique de 2000 n’a pas été déposée en preuve, il n’est pas possible de déterminer s’il y a eu des modifications entre la politique d’octobre 2000 et celle d’avril 2001. Je note au passage la chronologie suivante : la politique de l’employeur adopté en octobre 2000; la signature de la convention collective le 2 novembre 2000; la politique de l’employeur adoptée en avril 2001.

70 Les politiques de 2001 et 2006 sont des documents émis unilatéralement par l’employeur après la signature de la convention collective, en 2000, et ne peuvent prévaloir sur le libellé clair de la convention collective. En examinant la clause 3.1.2 de la politique sur les cotisations de 2006, à l’exception des alinéas h et i, il ressort que tous les autres exemples de frais ou de cotisations non remboursables qui y sont énumérées ont été reproduits à la clause 22.01b) de la convention collective, à l’exception des droits spéciaux qui sont imputés séparément, tels l’assurance responsabilité professionnelle. De plus, plusieurs des frais non remboursables sont imputables à l’employé, notamment les paiements tardifs, le paiement par versements, etc., et n’ont aucune relation avec le paiement de la cotisation en l’espèce. Si les parties avaient l’intention d’exclure le paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle de la définition de cotisation professionnelle, ils auraient dû le prévoir spécifiquement.

71 Le paragraphe 6 de l’ECF se lit comme suit :

6. Depuis avril 2008, avant la création du CPA, certains membres du groupe VFS qui étaient aussi membres d’un des ordres comptables professionnels du Québec étaient tenu [sic] à payer des frais pour l’assurance responsabilité professionnelle et cette prime d’assurance responsabilité n’était pas payé par l’employeur. Avant 2008 un membre du groupe VFS n’a jamais réclamé le remboursement d’une quelconque contribution à un Régime d’assurance responsabilité professionnelle.

72 Selon ce paragraphe, depuis au moins 2001, l’employeur n’a jamais payé la prime d’assurance responsabilité professionnelle d’un membre du groupe VFS, conformément à sa politique. Cependant, ce fait, pris seul et sans contexte, ne constitue pas une preuve selon laquelle il y aurait eu une entente d’interprétation ou d’estoppel. Par ailleurs, l’exigence du paiement de la prime d’assurance responsabilité professionnelle imposé par l’Ordre des CPA est entrée en vigueur le 1er avril 2013, soit alors que la convention collective applicable était en vigueur.

73 Je conclus donc que la prime d’assurance responsabilité professionnelle exigée par l’ordre des CPA est comprise dans la définition de cotisation annuelle de la clause 22.01a) de la convention collective. En refusant de rembourser la prime aux membres du groupe VFS qui sont membres de l’Ordre des CPA, l’employeur a contrevenu à la convention collective.

74 Comme mesure corrective, l’Institut a demandé que l’employeur rembourse aux membres du groupe VFS et de l’Ordre des CPA la totalité du montant de la cotisation professionnelle annuelle, y compris le montant de 54,50 $ inclus à titre de frais d’adhésion au régime collectif d’assurance responsabilité professionnelle pour les années 2013-2014 et suivantes. L’employeur ne s’est pas opposé à l’octroi de cette mesure corrective.

75 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

76 Je déclare que la prime d’assurance responsabilité professionnelle exigée par l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec est comprise dans la définition de cotisation annuelle aux fins de la clause 22.01a) de la convention collective.

77 Je déclare qu’en refusant de rembourser la prime d’assurance responsabilité professionnelle exigée par l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, l’employeur a enfreint la convention collective.

78 J’ordonne à l’employeur de rembourser aux membres du groupe VFS et de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec la totalité du montant de la cotisation professionnelle annuelle, y compris le montant de 54,50 $ inclus à titre de frais d’adhésion au régime collectif d’assurance responsabilité professionnelle.

Le 22 juillet 2015.

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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