Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief alléguant que l'employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en omettant de prendre des mesures d'adaptation en milieu de travail à l'égard de son invalidité – le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait au Pénitencier de Kingston à titre de chauffeur pour l'établissement – en raison de son invalidité, il était incapable d'accomplir les fonctions de son emploi se rapportant aux services de messagerie et au transport de marchandises – l'employeur a reconnu son invalidité et a pris des mesures d'adaptation temporaires en lui attribuant seulement des fonctions de chauffeur d'accompagnement, y compris le transfert de détenus à d'autres établissements – cela était conforme aux restrictions soulevées par les professionnels de la santé du fonctionnaire s'estimant lésé, lesquelles ont été acceptées par l'employeur – le fonctionnaire s'estimant lésé a continué d'accomplir ces fonctions pour une période de trois ans et neuf mois, à la suite de quoi l'employeur l'a informé qu'il mettait fin à ses fonctions et lui a enjoint de prendre un congé de maladie – la décision de l'employeur était fondée sur un récent rapport médical qui confirmait que les restrictions du fonctionnaire s'estimant lésé étaient considérées comme une invalidité permanente – dans le rapport, il était également confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé était capable de continuer d'exercer les fonctions mises en place à titre de mesure d'adaptation – l'arbitre de grief a conclu que la preuve présentée démontrait, à première vue, que l'employeur avait commis un acte discriminatoire lorsqu'il a refusé de continuer d'employer le fonctionnaire s'estimant lésé en raison d'un motif de distinction illicite et qu'il l'a défavorisé en cours d'emploi en raison de son invalidité (article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP ») – l'employeur a admis que le travail de chauffeur d'accompagnement était requis et qu'il y avait suffisamment de financement pour le payer – l'employeur a reconnu que le fait de continuer de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé n'aurait pas constitué une contrainte excessive – cependant, selon l'employeur, dès que l'invalidité du fonctionnaire s'estimant lésé a été considérée comme permanente, ce dernier ne pouvait être accommodé qu'au moyen d'un poste à temps plein pour une durée indéterminée plutôt qu'un poste créé à titre de mesure d'adaptation à l'égard de l'employé invalide – l'employeur était également d'avis qu'une question de sécurité était en jeu et il n'était pas prêt à accepter le risque de permettre au fonctionnaire s'estimant lésé de continuer dans le rôle de chauffeur d'accompagnement – l'arbitre de grief a conclu qu'aucun élément de preuve n'avait permis de démontrer que l'exécution des fonctions de chauffeur d'accompagnement par le fonctionnaire s'estimant lésé présenterait une réelle menace à la sécurité des détenus escortés ou des agents correctionnels qui les accompagnent lors du transfert – les préoccupations de l'employeur n'étaient rien de plus que de la spéculation – tout problème de rendement lié aux fonctions de chauffeur d'accompagnement du fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû être traité dans le cadre des politiques de gestion du rendement de l'employeur, et non en mettant fin à des mesures d'adaptation autrement raisonnables et efficaces – l'employeur n'a pas démontré que son refus d'employer le fonctionnaire s'estimant lesé à titre de chauffeur d'accompagnement était basé sur des exigences professionnelles justifiées, pas plus qu'il n'a fourni de preuve convaincante pour réfuter la preuve prima facie du fonctionnaire s'estimant lésé de l'existence de discrimination – l'arbitre de grief a évalué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit à une indemnité de 10 000 $ pour préjudice moral, en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP, et à une indemnité spéciale de 2 500 $, en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP, parce que l'employeur avait ignoré, de manière délibérée et inconsidérée, ses politiques sur la discrimination en milieu de travail et pour ne pas avoir pris toutes les mesures d'adaptation raisonnables à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé – l'indemnité spéciale a été évaluée comme étant située à l'extrémité inférieure du spectre afin de tenir compte des mesures d'adaptation que l'employeur a essayé de prendre à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé après sa décision malvenue de mettre fin à ses fonctions de chauffeur d'accompagnement, ce qui a minimisé la conduite délibérée et inconsidérée de l'employeur – la question des autres montants compensatoires auxquels le fonctionnaire s'estimant lésé a droit a été renvoyée aux parties aux fins de détermination, faute de quoi la question sera réglée par l'arbitre de grief à une date ultérieure. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150511
  • Dossier: 566-02-5573
  • Référence: 2015 CRTEFP 41

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LARRY KIRBY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
David Yazbeck, avocat
Pour l'employeur:
Magdalena Persoiu, avocate
Affaire entendue à Kingston (Ontario)
du 14 au 17 janvier et du 14 au 17 juillet 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Larry Kirby, le fonctionnaire s'estimant lésé (le « fonctionnaire ») a allégué avoir fait l'objet de discrimination, en violation des articles 1 et 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« agent négociateur »), pour le Groupe Services de l'exploitation (tous les employés), qui venait à échéance le 4 août 2011 (la « convention collective »; pièce 21), et la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP »), lorsque le Service correctionnel du Canada (le « SCC » ou l'« employeur ») a omis de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de son invalidité dans le lieu de travail et de lui fournir un lieu de travail libre de harcèlement et de discrimination. Malgré l'allégation de harcèlement, le fonctionnaire a invoqué l'omission de prendre des mesures d'adaptation à l'audience de la présente affaire.

2 Le grief a été renvoyé à l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») pour arbitrage le 4 juillet 2011, et l'audience du grief a eu lieu en janvier et en juillet 2014. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l'ancienne Commission et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Les arbitres de grief qui étaient saisis d'un grief avant le 1er novembre 2014, continuent d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date (voir la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40, art. 396).

II. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire

3 Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu'il était employé par le SCC depuis 1992. Il a commencé sa carrière comme agent correctionnel 01 (CX-01). En 1998, il a accepté un poste au Pénitencier de Kingston (le « PK ») à titre de chauffeur pour l'établissement. Ses fonctions à titre de chauffeur pour l'établissement étaient le transport de marchandises, les services de messagerie et services d'accompagnement par rotation hebdomadaire. En 2000, les fonctions d'accompagnement ont été attribuées à des agents correctionnels plutôt qu'à des chauffeurs, à titre de mesure d'adaptation à l'égard des agents correctionnels blessés ou malades.

4 En 2005, le fonctionnaire s'est blessé au dos au travail et n'a plus été en mesure d'accomplir la partie de ses fonctions relative au transport des marchandises. La même année, le PK a réduit le nombre de ses chauffeurs, ce qui a augmenté la charge de travail du fonctionnaire. La capacité du fonctionnaire à accomplir ses fonctions de chauffeur a été encore plus diminuée par une dépression et des problèmes d'anxiété, ce qui lui a causé des difficultés à se concentrer sur plusieurs tâches à la fois. Il s'est absenté du travail du 7 septembre 2005 au 23 janvier 2006, alors qu'il a commencé à travailler comme chauffeur d'accompagnement au PK. (Les fonctions d'accompagnement constituaient une cible unique et respectaient ses besoins d'accommodement relativement à ses déficiences physique et mentale.)

5 Au cours de la période pendant laquelle il s'est absenté du travail, le fonctionnaire et l'employeur ont collaboré afin de déterminer les limites du fonctionnaire et de trouver des mesures d'adaptation convenables pour répondre à ses besoins. Plusieurs postes ont été envisagés en fonction des qualifications et les limites du fonctionnaire, y compris un poste d'agent de libération conditionnelle et un poste de traitement des plaintes et des demandes des détenus contre la Couronne, qu'il a accepté d'occuper conjointement avec ses fonctions de chauffeur d'accompagnement.

6 Le 31 octobre 2005, la représentante de l'agent négociateur du fonctionnaire, Louise Flanagan, l'a avisé qu'elle avait rencontré la directrice et le directeur adjoint, Services de gestion du matériel, afin de faciliter son retour au travail. Elle lui a transmis leur message selon lequel il n'était pas possible de lui offrir un poste de chauffeur d'accompagnement à titre de mesure d'adaptation, puisqu'un agent correctionnel faisait actuellement l'objet d'une telle mesure d'adaptation. Selon le directeur, le fonctionnaire devait bénéficier de mesures d'adaptation dans le cadre de son emploi. En outre, elle ne pouvait justifier la formation supplémentaire dont le fonctionnaire aurait besoin pour le poste d'agent de libération conditionnelle, parce qu'il l'avait refusé dans le passé. Selon le directeur adjoint, le fonctionnaire avait également déjà rejeté une possibilité de quatre mois de retour au travail pour traiter les demandes contre la Couronne.

7 Le processus de détermination d'une mesure d'adaptation convenable s'est poursuivi et, le 6 janvier 2006, le fonctionnaire a été avisé que les mesures d'adaptation dont bénéficiait l'agent correctionnel par l'intermédiaire des fonctions de chauffeur d'accompagnement lui avaient été retirées. Le 13 janvier 2006, le fonctionnaire a rencontré des représentants du PK (Dave Reynolds), des Relations du travail du SCC, ainsi que son agent négociateur. Il a été avisé qu'il commencerait probablement comme chauffeur d'accompagnement au PK le 23 janvier 2006, et que, selon l'employeur, il s'agissait d'une mesure d'adaptation permanente.

8 Le fonctionnaire est retourné au travail le 23 janvier 2006, comme il était prévu. Le 24 janvier 2006, il a reçu une lettre de Dave Reynolds, chef, Gestion du matériel, SCC, qui était à la réunion du 13 janvier 2006. Dans sa lettre, M. Reynolds a informé le fonctionnaire de son affectation, laquelle serait revue dans trois à six mois. Le fonctionnaire était très préoccupé de ce changement apparent en ce qui concerne l'approche de l'employeur à l'égard de ses mesures d'adaptation. À aucun moment, il n'a pensé qu'il s'agissait d'une affectation à court terme. Ses restrictions étaient permanentes et continues et il avait besoin de mesures d'adaptation à long terme au travail.

9 Le 10 février 2006, le fonctionnaire a assisté à une réunion avec Donna Morrin, la directrice du PK à l'époque, Gerry Henderson, le sous-directeur du PK, Cheryl Hogan, des Relations du travail locales du SCC, et Derek Dunnets, son représentant de l'agent négociateur. La réunion a été convoquée pour que la directrice puisse discuter des mesures d'adaptation du fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement. À cette réunion, la directrice a dit au fonctionnaire que son médecin défendait ses intérêts et qu'il dirait tout ce qu'il souhaitait qu'il dise. Elle a déclaré qu'elle s'attendait à ce que tous les employés accomplissent l'ensemble des fonctions de leur emploi, ce qui, dans le cas du fonctionnaire, comprenait les services de transport de marchandises et de messagerie.

10 La période des mesures d'adaptation s'est poursuivie et, le 1er mai 2006, l'employeur a demandé au fonctionnaire de lui remettre un rapport médical à jour, ce qui a été fait. Le médecin a informé l'employeur que le fonctionnaire progressait bien grâce aux mesures d'adaptation en place. Il s'agissait de l'un des 17 rapports de médecin que le fonctionnaire a remis à l'employeur tout au long du processus d'accommodement. Selon lui, chaque fois qu'un rapport était remis, l'employeur en voulait un autre et n'était jamais satisfait des renseignements; il en voulait toujours plus.

11 À la réunion du 10 février 2006, la directrice Morrin a demandé au fonctionnaire pourquoi il n'avait pas accepté le poste d'agent de libération conditionnelle qui lui avait été offert. Il a expliqué que ce poste l'intéressait et qu'un concours lui avait permis de se qualifier pour un tel poste, mais qu'on ne le lui avait jamais offert au PK. Il a précisé qu'il avait refusé une affectation intérimaire d'agent de libération conditionnelle, mais qu'il n'avait jamais refusé une offre à temps plein. Cette précision en main, la directrice lui a offert une affectation intérimaire d'agent de libération conditionnelle à l'Établissement de Millhaven.

12 Malgré l'intérêt du fonctionnaire à l'égard de l'offre de la directrice, rien ne s'est matérialisé avant le 11 septembre 2006, date à laquelle un représentant des Ressources humaines a communiqué avec le fonctionnaire pour l'aviser qu'il semblait que l'affectation à l'Établissement de Millhaven allait se concrétiser. Le 12 septembre 2006, le fonctionnaire a appris que la possibilité à l'Établissement de Millhaven avait été offerte à un autre employé. Le fonctionnaire s'est plutôt vu offrir une possibilité d'agent de libération conditionnelle à l'Établissement de Collins Bay (ECB). Il s'est senti pressé d'accepter l'offre sans avoir le temps de l'examiner. Il a accepté le poste, mais dès le premier jour où il a commencé à travailler à cet endroit il a commencé à se sentir malade. Le lendemain, le 13 septembre 2006, il s'est de nouveau vu offrir une affectation à l'Établissement de Millhaven, qu'il a acceptée.

13 Le 25 septembre 2006, le fonctionnaire a commencé un traitement pour son hypertension artérielle. Cinq jours plus tard, le 30 octobre 2006, il a commencé à travailler à l'Établissement de Millhaven et a immédiatement commencé à se sentir mal. Le 1er novembre 2006, il ne pouvait plus rester au travail parce qu'il se sentait trop malade. Il s'est rendu chez lui et a appelé son représentant de l'agent négociateur afin de discuter de la reprise du poste de chauffeur d'accompagnement au PK. Le 2 novembre 2006, le fonctionnaire a parlé avec la directrice adjointe intérimaire, Services de gestion du matériel, PK, Michelle Vermette, et l'a informée qu'il n'était plus en mesure de travailler à l'Établissement Millhaven. Il lui a demandé s'il pouvait reprendre immédiatement le poste de chauffeur d'accompagnement au PK.

14 Le fonctionnaire a repris le poste de chauffeur d'accompagnement au PK le 6 novembre 2006. Le 17 avril 2007, il a rencontré le nouveau directeur adjoint, Services de gestion du matériel, Tim Byrne, dans un corridor du PK. En présence d'un autre employé, M. Byrne a informé le fonctionnaire qu'il avait l'intention de le rencontrer afin de discuter de ses mesures d'adaptation. Cela a bouleversé le fonctionnaire, puisque selon lui, M. Byrne avait porté atteinte à sa vie privée. Selon le fonctionnaire, M. Byrne a de nouveau porté atteinte à sa vie privée le 22 juin 2007, lorsqu'il a appelé son médecin pour tenter d'obtenir ses renseignements médicaux. Le fonctionnaire a signalé ces violations de la vie privée à son représentant de l'agent négociateur et lui a fait valoir que, selon lui, il était harcelé par M. Byrne. Le 5 juillet 2007, le fonctionnaire a présenté un grief pour harcèlement contre M. Byrne. La nouvelle directrice du PK, Theresa Westfall, a accueilli le grief le 10 septembre 2007.

15 Un mois plus tard, le fonctionnaire a rencontré Mme Westfall, M. Byrne, ses représentants de l'agent négociateur et des membres de la Division des ressources humaines du SCC afin de discuter de la poursuite de ses fonctions de chauffeur d'accompagnement à titre de mesure d'adaptation. Mme Westfall a répété et a souscrit à la déclaration de Mme Morrin selon laquelle les employés devaient exercer toute la gamme des fonctions prévues à leur description de travail. Le 13 février 2008, Mme Westfall a avisé le fonctionnaire qu'il serait se ferait évaluer par Santé Canada afin de préciser ses limites. Du même souffle, Mme Westfall a répété que, selon la politique du SCC, les mesures d'adaptation étaient temporaires et qu'elles ne pouvaient être permanentes. Elle a également répété qu'elle s'attendait à ce que le fonctionnaire puisse exercer toutes ses fonctions d'emploi prévues à sa description de travail. Il a accepté de participer au processus, mais il s'est réservé le droit de le contester s'il en sentait le besoin.

16 Lorsqu'il n'agissait pas à titre de chauffeur d'accompagnements, le fonctionnaire passait son temps en service dans la salle des chauffeurs au PK. Au besoin, le surveillant correctionnel de Keeper's Hall communiquait avec le fonctionnaire par téléphone cellulaire, radio ou courriel ou encore au moyen d'un téléphone situé à son poste de travail. Le 9 juillet 2008, M. Byrne a avisé le fonctionnaire que la salle des chauffeurs n'était plus disponible, qu'il devait la quitter et se réinstaller à un autre endroit près des bureaux de la Division de la sécurité. Le fonctionnaire n'a pas accepté ce changement, puisque la salle des chauffeurs était stratégiquement située directement à l'extérieur du périmètre sécurisé du PK et près de Keeper's Hall, ce qui lui permettait d'accomplir efficacement et rapidement ses fonctions. Il a dit à M. Byrne qu'il considérait qu'il s'agissait de représailles contre la plainte pour harcèlement qu'il avait déposée et qu'il s'agissait d'intimidation et d'abus de pouvoir.

17 Lorsque Mme Westfall a pris connaissance des allégations du fonctionnaire, elle a demandé à M. Byrne de rencontrer le fonctionnaire et de lui rappeler qu'il bénéficiait de mesures d'adaptation par le biais de ses fonctions de chauffeur d'accompagnement pour la Division de la sécurité, ce qui exigeait qu'il demeure à proximité. La Division de la sécurité a déposé des plaintes auprès de la directrice parce qu'elle n'était pas en mesure d'avoir accès au fonctionnaire lorsqu'il se trouvait dans le bureau des chauffeurs.

18 Le 8 septembre 2009, l'employeur a reçu l'évaluation de Santé Canada sur les besoins du fonctionnaire. Après cela, le fonctionnaire a reçu un courriel de Brian Joyce, le nouveau directeur adjoint, Services de gestion du matériel, PK, indiquant qu'en raison des nombreuses limitations mentionnées dans l'évaluation de Santé Canada, les fonctions actuelles de chauffeur d'accompagnement à titre de mesure d'adaptation n'étaient plus possibles. On a mis fin immédiatement aux fonctions du fonctionnaire attribuées en guise de mesure d'adaptation et ce dernier a été renvoyé chez lui en congé de maladie.

19 Le lendemain, le fonctionnaire a reçu une lettre de Mme Westfall l'informant qu'il n'y avait plus de poste au PK qui respectait les restrictions indiquées dans l'évaluation de Santé Canada, malgré la conclusion de son médecin selon laquelle le fonctionnaire pouvait travailler à temps plein à titre de chauffeur de passagers accomplissant des fonctions d'accompagnement. On lui a donné comme directive de demander des prestations d'invalidité de longue durée à l'expiration de ses crédits de congé de maladie.

20 Le fonctionnaire a cherché un autre emploi de chauffeur et a découvert qu'il devait mettre à niveau son permis de conduire. Le 19 novembre 2009, il a envoyé un courriel à M. Joyce, pour demander l'aide du SCC afin d'assumer le coût de cette mise à niveau. Le fonctionnaire a découvert que des postes au CORCAN (un programme de réadaptation du SCC) et au ministère de la Défense nationale exigeaient un permis de conduire de catégorie A alors que son permis était de catégorie B. M. Joyce a accusé réception de cette demande et a rappelé au fonctionnaire que l'employeur lui avait demandé de fournir un curriculum vitae à jour, afin qu'il puisse le transmettre à des employeurs éventuels. Le fonctionnaire a finalement transmis le curriculum vitae demandé en copie papier, mais il a refusé de le fournir en format électronique. Il n'a pas non plus accepté que son curriculum vitae soit numérisé par l'employeur et transmis à des employeurs éventuels.

21 Le fonctionnaire n'est jamais retourné travailler au PK. Ses recherches pour un autre emploi ont continué, tout comme sa demande de reprendre ses fonctions d'accompagnement à temps plein, conformément à la recommandation de ses médecins et de Santé Canada. Selon Mme Westfall, le regroupement des tâches n'était pas une option. En janvier 2011, la psychologue du fonctionnaire a de nouveau recommandé la reprise des fonctions de chauffeur d'accompagnement. Cependant, toutes les tentatives du fonctionnaire de rétablir ses mesures d'adaptation, soit ses fonctions à titre de chauffeur d'accompagnement, ont été repoussées par l'employeur. Les fonctions de chauffeur d'accompagnement ont encore une fois été attribuées à des agents correctionnels, malgré le fait qu'elles correspondaient aux fonctions d'un chauffeur pour l'établissement.

22 Au cours de la période suivant celle où le fonctionnaire a été mis en congé, le SCC lui a proposé plusieurs options. On lui a demandé de s'inscrire auprès de la Commission de la fonction publique (CFP) pour que son nom soit placé sur la liste des placements prioritaires, ce qui a préoccupé le fonctionnaire puisqu'il devait fournir à la CFP un certificat médical indiquant qu'il était apte à retourner au travail alors qu'il n'a jamais été inapte au travail. Il avait simplement besoin de faire l'objet d'une mesure d'adaptation. Des postes de chauffeur à l'ECB et à l'Établissement de Bath ont été discutés avec lui, mais rien ne s'est matérialisé qui respectait ses limitations.

23 En mai 2012, Jay Pyke est devenu le directeur du PK. Il a rencontré le fonctionnaire en septembre 2012 et, pour la première fois, le concept de regroupement des tâches a été envisagé. Le 12 septembre 2012, M. Pyke a communiqué avec le médecin du fonctionnaire, le Dr MacLeod, au sujet d'un éventuel poste de chauffeur à l'ECB qu'il serait possible de modifier afin que le fonctionnaire ne se voit attribuer que des fonctions d'accompagnement. Les préoccupations de M. Pyke concernaient le transfert des biens des prisonniers et la capacité du fonctionnaire à lever plus de 20 livres.

24 Le Dr MacLeod a répondu à M. Pyke le 16 octobre 2012, après avoir rencontré le fonctionnaire. Le Dr MacLeod a déclaré qu'étant donné la façon dont le fonctionnaire avait été traité par le SCC jusqu'à ce moment, un retour au travail dans n'importe quel poste rendrait probablement le fonctionnaire malade et qu'il n'était pas dans l'intérêt supérieur du fonctionnaire de retourner travailler à cet endroit et pour cet employeur.

25 Le fonctionnaire était furieux de la façon dont l'employeur a abordé sa demande de mesures d'adaptation. Il a toujours été apte à travailler comme chauffeur d'accompagnement, pourtant l'employeur l'a tenu à l'écart du lieu de travail depuis 2009. Il était disposé à exécuter les fonctions consistant à enquêter sur les demandes des détenus, comme l'a suggéré Mme Westfall, mais l'employeur n'a rien fait pour l'aider une fois qu'il a manifesté son intérêt. D'autres demandes de rencontre, ainsi que de formation et de télétravail n'ont pas obtenu de réponse. Il n'a jamais été contacté pour un suivi au sujet de ses allégations de harcèlement contre Mme Westfall, en sa qualité de commissaire adjointe, Gestion des ressources humaines, tel qu'il a été promis dans la réponse à son grief en date du 6 juillet 2010 (pièce 1, onglet 44).

26 En janvier 2013, le nom du fonctionnaire a été ajouté au système de priorité de la CFP. Le dernier contact que le fonctionnaire a eu avec le SCC a eu lieu à la suite d'une réunion qui s'est tenue le 12 février 2013 avec M. Pyke et d'autres représentants du SCC. Il a reçu des avis de la CFP lorsque des postes sont devenus disponibles, mais, selon l'examen du fonctionnaire des titres d'emploi et des descriptions affichées dans le site Web de la CFP, il n'était pas admissible à 99,5 % d'entre de ces postes.

27 À partir du moment où il a été mis en congé par Mme Westfall, le fonctionnaire n'est pas retourné dans son milieu de travail. Même s'il n'a jamais été officiellement renvoyé de la fonction publique ni mis en disponibilité, aucun travail ne lui a été attribué depuis que les fonctions de chauffeur d'accompagnement ont pris fin. Dans l'intervalle, il a épuisé tous ses congés de maladie ainsi que les prestations d'invalidité de longue durée auxquels il avait droit.

B. Témoignage de Dave Reynold

28 M. Reynolds a indiqué dans son témoignage qu'il était le chef, Gestion du matériel, PK, depuis 2002, et qu'il supervisait le fonctionnaire à cette époque. Trois chauffeurs relevaient alors de M. Reynolds, dont le fonctionnaire. Le nombre de chauffeurs a ensuite été réduit à deux, puis, à l'automne 2005, à un seul chauffeur. Le chauffeur pour l'établissement doit conduire une gamme de véhicules, effectuer le transport de marchandises et offrir des services de messagerie et conduire des véhicules de sécurité pour les transferts de détenus au PK. Après la réduction du nombre de chauffeurs, les fonctions et services ont été éliminés et l'horaire du chauffeur a été révisé. Après la première ronde de réduction, les deux chauffeurs ont accompli les trois fonctions jusqu'à ce que la charge de travail soit trop lourde. Par conséquent, la fonction de chauffeur d'accompagnement a été transférée aux agents correctionnels.

29 Le fonctionnaire était le dernier des trois chauffeurs du PK. Il a initialement fait l'objet de mesures d'adaptation en se voyant attribuer des fonctions réduites alors qu'il se remettait d'une blessure au dos. Il a par la suite demandé différentes fonctions comportant moins de stress. Conjointement avec ses conseillers en ressources humaines, M. Reynolds a demandé des renseignements aux médecins traitants du fonctionnaire sur la façon dont il pourrait faire l'objet de mesures d'adaptation et sur ses limitations fonctionnelles et ses capacités. Ces renseignements ont ensuite été utilisés afin de déterminer quel emploi le fonctionnaire était en mesure d'accomplir. Même si M. Reynolds croyait qu'il avait suffisamment de renseignements pour faire cette détermination, ses superviseurs en voulaient davantage. M. Reynolds a eu de la difficulté à obtenir plus de renseignements auprès du fonctionnaire. À la demande de son superviseur, M. Reynolds a communiqué avec le fonctionnaire à au moins cinq autres occasions pour obtenir des renseignements supplémentaires et une explication au sujet de ses limitations.

30 Selon les renseignements médicaux disponibles, le fonctionnaire ne pouvait accomplir plusieurs des fonctions d'emploi où il devait soulever des choses, y compris la partie incluant le service de messagerie, laquelle comprend la livraison de colis dépassant les restrictions relatives au poids qu'il pouvait soulever. Les fonctions d'accompagnement comprenaient également le fait de soulever les effets personnels d'un détenu lorsque ce dernier était transféré à un autre établissement. Les fonctions relatives à la livraison de marchandises étaient parfois accomplies de façon mécanique, mais nécessitaient tout de même de soulever de lourdes marchandises puisque les marchandises n'étaient pas toutes déplacées sur des palettes. Toutefois, la décision a été prise d'attribuer les fonctions de chauffeur d'accompagnement au fonctionnaire à titre de mesure d'adaptation à son égard. Cette mesure d'adaptation devait durer six mois et être révisée trois mois après le début des mesures, soit en janvier 2006.

31 Il n'était pas rare, lorsque le fonctionnaire était occupé avec un accompagnement, qu'un agent correctionnel accomplisse les fonctions de chauffeur d'accompagnement, même s'il n'y avait aucun autre poste de chauffeur d'accompagnement.

32 À un certain moment durant la période d'accommodement, le fonctionnaire a été muté à Keeper's Hall, où les fonctions de sécurité étaient gérées. M. Reynolds était uniquement responsable de la gestion de sa présence. Son horaire lui était remis directement par Keeper's Hall. Avant, le fonctionnaire était installé dans le bureau des chauffeurs avec les deux autres chauffeurs. Avec le temps, en raison de l'attrition des chauffeurs, le fonctionnaire en est venu à considérer le bureau des chauffeurs comme le sien. Lorsque le bureau a été nécessaire à une autre fin, il a été muté à Keeper's Hall en raison des problèmes qu'avait le bureau de sécurité à communiquer avec lui lorsque le bureau avait besoin de lui. Selon le fonctionnaire, les actions de M. Reynolds étaient du harcèlement et une tentative d'intimidation. Après que le fonctionnaire a déposé une plainte pour harcèlement contre lui, M. Reynolds n'a plus eu de contact avec lui.

33 Avant de s'occuper du retour au travail du fonctionnaire, M. Reynolds a suivi une formation au Collège du personnel du SCC sur l'obligation de l'employeur de prendre des mesures d'adaptation. Cette formation permettait de déterminer les rôles et responsabilités des personnes participant au processus. Il n'était pas au courant du concept de regroupement des tâches à titre de mesure d'adaptation à l'égard d'un employé souffrant d'une invalidité. Malgré tout, cela n'aurait pas été une possibilité lorsqu'il s'occupait de la situation du fonctionnaire, même si les fonctions de chauffeur d'accompagnement avaient pu être regroupées avec les fonctions concernant l'enquête sur les demandes contre la Couronne.

34 En juin 2008, M. Reynolds a rempli un formulaire d'analyse du travail, que les Ressources humaines du SCC et le Comité de retour au travail et des mesures d'adaptation du PK ont utilisé pour déterminer les mesures d'adaptation convenables, et ce, même si la demande d'accommodement du fonctionnaire a été faite en 2005 et qu'il en avait bénéficié par l'entremise de l'attribution de fonctions à titre de chauffeur d'accompagnement depuis janvier 2006. M. Reynolds ne savait pas pourquoi l'employeur avait pris tant de temps avant de demander ces renseignements. Il a utilisé une description de travail rédigée en 1989 afin de remplir le formulaire d'analyse du travail.

35 Entre 2000 et 2005, un agent correctionnel bénéficiait de mesures d'adaptation dans le rôle de chauffeur d'accompagnement, même si cela faisait partie de la description de travail du chauffeur. Entre 2006 et 2009, lorsqu'il a été mis en congé, le fonctionnaire était le chauffeur d'accompagnement du PK. De 2009 jusqu'à la fermeture du PK, en 2013, les agents correctionnels agissaient à titre de chauffeur d'accompagnement. Les accompagnements non planifiés étaient régulièrement attribués à des agents correctionnels.

36 M. Reynolds n'était pas au courant de la raison pour laquelle le rôle de chauffeur d'accompagnement a finalement été retiré au fonctionnaire. M. Reynolds a été amené à croire qu'il y avait une incohérence entre l'état de santé réel du fonctionnaire et la description de son état de santé dans les notes de ses médecins. Apparemment, l'employeur se préoccupait du fait que l'accomplissement des fonctions d'accompagnement aggraverait la condition du fonctionnaire. Des éléments de l'emploi étaient considérés comme des déclencheurs, même si rien dans la preuve n'indiquait qu'ils avaient déclenché quoi que ce soit au cours des trois années et demie durant lesquelles le fonctionnaire a agi comme chauffeur d'accompagnements. Il y a eu des problèmes parce qu'il était parfois impossible de rejoindre le fonctionnaire, ce qui a eu une incidence opérationnelle négative. Par ailleurs, au meilleur des connaissances de M. Reynolds, l'arrangement en matière de mesure d'adaptation a bien fonctionné pour le PK.

C. Témoignage de Theresa Westfall

37 D'août 2007 à mars 2010, Mme Westfall était la directrice du PK. En cette qualité, elle s'est occupée du retour au travail du fonctionnaire et des demandes de mesures d'adaptation. Elle était au courant des tentatives de son prédécesseur de prendre des mesures d'adaptation à son égard. Lorsqu'elle a pris la relève à titre de directrice, le fonctionnaire accomplissait des fonctions de chauffeur d'accompagnement, ce qui devait être une mesure d'adaptation temporaire et non continue. Les professionnels traitants du fonctionnaire n'avaient pas indiqué qu'il avait besoin de mesures d'adaptation permanentes et qu'il n'était pas en mesure d'accomplir la gamme complète des fonctions de son poste de chauffeur pour l'établissement. À sa connaissance, les fonctions de chauffeur d'accompagnement ne constituaient pas en soi un poste légitime. Toutefois, en se basant sur les recommandations du médecin du fonctionnaire, elle a admis que les fonctions de chauffeur d'accompagnement convenaient bien au fonctionnaire.

38 Le 27 septembre 2007, Mme Westfall a envoyé une demande au médecin du fonctionnaire (pièce 1, onglet 83) pour obtenir des précisions à jour sur ses limitations médicales. Avant d'envoyer la demande, elle a rencontré le fonctionnaire pour discuter d'autres postes possibles, y compris celui de commis (CR-03) en tant que coordonnateur des plaintes des détenus, qui était un poste à temps plein prévu au budget. Le poste de chauffeur d'accompagnement dans le cadre duquel il bénéficiait de mesures d'adaptation n'était pas un poste d'attache, même si le PK recevait un financement pour les coûts liés au service d'accompagnement des prisonniers.

39 Étant donné que le fonctionnaire avait des limitations physiques et psychologiques, Mme Westfall a consulté ses deux médecins traitants, qui ont indiqué que les limitations étaient indéfinies et qu'aucune circonstance ne justifiait un changement. Le rôle de chauffeur d'accompagnement convenait tant aux limites physiques et mentales du fonctionnaire. Aucun des médecins n'a recommandé un retour au poste complet de chauffeur pour l'établissement.

40 Mme Westfall a décidé de surveiller le cas et d'en discuter de façon régulière avec le fonctionnaire et son agent négociateur. Son objectif consistait à trouver un poste permanent à temps plein respectant les besoins du fonctionnaire. Selon elle, l'employeur n'était pas obligé de créer un poste de chauffeur d'accompagnement afin de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire, même si cela ne causait aucune difficulté au PK puisque le coût des accompagnements était prévu au budget. À son avis, aucune contrainte excessive n'était imposée au SCC en continuant le poste de chauffeur d'accompagnement, que ce soit de façon temporaire ou permanente.

41 Mme Westfall a permis la poursuite des mesures d'adaptation relatives au poste de chauffeur d'accompagnement de manière temporaire. Elle a rencontré le fonctionnaire ainsi que son représentant de l'agent négociateur et les a avisés qu'il s'agissait d'une mesure provisoire, et que cette mesure demeurerait en vigueur uniquement jusqu'à ce qu'un poste permanent à temps plein convenable prévu au budget soit trouvé. Entre-temps, Mme Westfall a demandé au fonctionnaire s'il serait en mesure de s'occuper des plaintes des détenus.

42 Par conséquent, le fonctionnaire a avisé sa psychologue qu'il s'était vu refuser le poste de chauffeur d'accompagnement et lui a demandé son avis quant au poste de coordonnateur des plaintes des détenus. Selon la psychologue, le poste de coordonnateur des plaintes ne convenait pas au fonctionnaire (pièce 1, onglet 78). Compte tenu de l'opinion de la psychologue, il a été convenu qu'il continuerait en tant que chauffeur d'accompagnement jusqu'à ce qu'un poste convenable puisse être trouvé.

43 En juillet 2008, Mme Westfall a renvoyé le fonctionnaire à Santé Canada pour une évaluation. Dans sa lettre adressée au Dr Glass de Santé Canada, Mme Westfall a exprimé ses préoccupations quant au fait que le fonctionnaire continue d'occuper son poste de chauffeur d'accompagnement, plus précisément le fait qu'il ne soit pas pleinement occupé 40 heures par semaine et qu'en conséquence de cette affectation uniquement à des fonctions d'accompagnement, son ministère d'attache était à court de personnel (pièce 2, onglet 20).

44 Environ un an plus tard, en août 2009, le Dr Glass a répondu au renvoi de Mme Westfall (pièce 2, onglet 25). Selon lui, les restrictions indiquées par les médecins praticiens traitants du fonctionnaire étaient valides. Mme Westfall voyait les limitations fonctionnelles du fonctionnaire comme très étroites, ne laissant au SCC aucune flexibilité pour lui attribuer du travail. Elle a consulté son représentant des Relations du travail et les coordonnateurs du retour au travail et a conclu qu'il n'y avait aucun poste prévu au budget au PK qui conviendrait aux limitations du fonctionnaire. Selon Mme Westfall, le fonctionnaire n'envisageait qu'un poste de chauffeur d'accompagnement au PK et n'était pas disposé à regarder ailleurs, ce qui, selon elle, n'était pas une option puisqu'un poste permanent à temps plein de chauffeur d'accompagnement n'existait pas.

45 Puisqu'on ne pouvait trouver aucun travail conforme aux limitations du fonctionnaire, ce dernier a été mis en congé de maladie payé jusqu'à ce qu'un travail puisse être trouvé. Lorsque ses congés de maladie ont été épuisés, on a recommandé au fonctionnaire de demander des prestations d'invalidité de longue durée. Mme Westfall était disposée à aménager les fonctions de chauffeur dans le cadre du poste de coordonnateur des plaintes des détenus (CR-03), mais ce poste (CR-03) ne respectait pas ses limitations. Lorsque toutes les options ont été épuisées, Mme Westfall a renvoyé le cas du fonctionnaire au comité régional de retour au travail et des mesures d'adaptation pour examen et pour déterminer si un poste convenable était disponible ailleurs dans la région. Selon Mme Westfall, le fait que seul le poste de chauffeur d'accompagnement intéresse le fonctionnaire constituait un problème en ce qui concerne la prise de mesures d'adaptation.

46 Mme Westfall a tenté de trouver des postes de chauffeur convenables à l'extérieur du SCC. Pour ce faire, le fonctionnaire devait préparer un curriculum vitae à jour et accepter qu'il soit communiqué à des employeurs éventuels. Le fonctionnaire a fourni une copie papier de son curriculum vitae, mais il a refusé de le présenter en format électronique, ce qui aurait permis aux représentants du SCC de le partager facilement. Malgré cela, la recherche d'un poste de rechange convenable s'est poursuivie. Tout au long du processus de recherche, plusieurs réunions ont eu lieu avec le fonctionnaire ainsi que son représentant de l'agent négociateur. Mme Westfall a effectué des recherches d'emploi dans les sites Web de l'employeur et a transmis les résultats au fonctionnaire pour examen.

47 Selon Mme Westfall, il n'est pas habituel pour un directeur de participer à un processus de prise de mesures d'adaptation comme elle l'a fait. Elle a participé aux recherches en raison des problèmes qui sont survenus entre les fonctionnaires et MM. Byrne et Reynolds, qui avaient reçu des plaintes de gestionnaires correctionnels, lesquels soutenaient avoir de la difficulté à trouver le fonctionnaire lorsque ses services étaient nécessaires pour un accompagnement d'urgence. Pour cette raison, il a été transféré du bureau des chauffeurs à la zone de sécurité. De plus, il avait déposé une plainte pour harcèlement contre M. Byrne, alléguant qu'il avait partagé de façon inappropriée les renseignements privés du fonctionnaire et qu'il avait communiqué directement avec le médecin de ce dernier, sans autorisation. Selon le fonctionnaire, M. Reynolds l'a également harcelé, bien que Mme Westfall n'ait jamais obtenu les détails de ce que M. Reynolds aurait supposément fait.

48 Les questions de retour au travail et de mesures d'adaptation au SCC sont régies par la « Directive du commissaire DC 254 », intitulée Programmes de sécurité et santé au travail et de retour au travail (« DC 254 »; pièce 2, onglet 76), et ses « Lignes directrices 254-2 » (pièce 2, onglet 77). Le paragraphe 27 des Lignes directrices 254-2 parle de la modification des méthodes de travail, des procédures et de la restructuration de l'emploi comme étant des options pour prendre des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé. Selon Mme Westfall, elle aurait envisagé le regroupement des tâches dans le cadre du poste de chauffeur pour l'établissement, mais le fonctionnaire souhaitait le retrait de toutes les fonctions à l'exception de celles de chauffeur d'accompagnement, ce qui aurait donné lieu à la création d'un nouveau poste qui n'était pas prévu au budget. Il était incapable d'accomplir la majorité des fonctions de son poste d'attache (bien que le coût de faire des accompagnements soit prévu au budget).

49 Le poste de chauffeur d'accompagnement a été créé à titre de mesure provisoire. Le poursuivre d'une façon indéterminée n'aurait pas été une utilisation efficace du budget du PK, puisque cela aurait nécessité le financement d'un poste en dehors de l'affectation du PK prévue au budget. Le fait que le fonctionnaire ait continué d'assumer le rôle de chauffeur d'accompagnement pendant trois ans et demi était inhabituel et n'était plus une option. Entre-temps, des ressources ont été allouées afin de financer un poste de remplaçant temporaire pour accomplir les fonctions d'un chauffeur pour l'établissement que le fonctionnaire n'était pas en mesure d'assumer.

50 Les frais couvrant les accompagnements des prisonniers, en ce qui concerne les salaires et les heures supplémentaires, provenaient de l'enveloppe budgétaire de la sécurité. Le PK recevait un financement pour deux à trois accompagnements par jour. Les accompagnements pour urgence, raisons médicales et permission de sortir, étaient attribués à des agents correctionnels qui accomplissaient d'autres fonctions au PK. Ce budget a été utilisé pour payer le salaire du fonctionnaire en sa qualité de chauffeur d'accompagnement. Au sein du ministère d'attache du fonctionnaire, il n'y avait aucun poste prévu au budget pour couvrir le coût du poste de chauffeur d'accompagnement. Lorsque le gestionnaire de budget du PK a ordonné qu'un poste à temps plein prévu au budget soit trouvé pour le fonctionnaire, Mme Westfall a communiqué avec Santé Canada. Elle n'était pas en mesure de créer les postes à long terme comportant des mesures d'adaptation sans violer ses responsabilités prévues par la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C. (1985), ch. F-11).

51 Mme Westfall, en collaboration avec Josh Bowen, un expert des relations de travail au SCC, a examiné la description de travail de l'emploi de chauffeur pour l'établissement à la lumière du rapport de Santé Canada. La majorité des fonctions de chauffeur au PK devaient être éliminées. Ils ont cherché des options ailleurs puisque les postes de chauffeurs des différents établissements dans la région de l'Ontario du SCC ne sont pas les mêmes. Le fonctionnaire a été renvoyé chez lui en congé de maladie alors que les recherches se sont poursuivies, malgré la recommandation du Dr Glass selon laquelle il devait se voir offrir des mesures d'adaptation, soit l'attribution de fonctions à titre de chauffeur d'accompagnement, puisque Mme Westfall était d'avis que les besoins d'accommodement du fonctionnaire n'étaient pas temporaires; le rôle de chauffeur d'accompagnement, même s'il avait été à long terme, n'avait jamais été perçu comme une mesure d'adaptation permanente.

52 Les représentants du SCC ont continué de chercher des possibilités de mesures d'adaptation. Celles qui, selon le SCC, semblaient appropriées devaient être envoyées aux médecins du fonctionnaire pour examen. Chaque emploi envisagé comportait la possibilité de réaménager des tâches. La décision de mettre fin à la fonction de chauffeur d'accompagnement à titre de mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire reposait sur des motifs financiers. À aucun moment le SCC n'a invoqué une contrainte excessive comme raison de sa décision.

D. Témoignage de Josh Bowen

53 M. Bowen a donné des conseils sur le retour au travail et les relations du travail à la direction du PK. Son rôle dans la prise de mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire consistait à faire progresser ce processus. Il s'agissait de l'un de ses premiers dossiers liés à des mesures d'adaptation. Selon lui, au moment de déterminer si un poste constitue une mesure d'adaptation appropriée, la règle veut que l'on respecte le plus possible la description de travail originale du fonctionnaire. S'il n'est pas possible de prendre des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé selon sa description de travail, un autre poste nécessitant les mêmes compétences et situé dans la même échelle salariale est envisagé. Dans le cas du fonctionnaire, M. Bowen cherchait des postes classifiés aux groupes et niveaux CR-03, CR-04 et AS-01, un poste classifié CR-03  étant le plus proche de la classification originale.

54 M. Bowen a communiqué avec le fonctionnaire de nombreuses fois, que ce soit en personne, par l'entremise de son agent négociateur ou par courriel. Le fonctionnaire a beaucoup participé au processus de prise de mesures d'adaptation et était souvent en désaccord avec le SCC sur la meilleure façon d'aller de l'avant. La direction du PK était disposée à entendre ses préoccupations et, au meilleur de ses capacités, à respecter ses préférences. Qu'il ait été d'accord ou non, le SCC pourrait avoir donné suite à une solution convenable en matière de mesures d'adaptation s'il en avait trouvé une.

55 Le fonctionnaire a été invité à participer à l'examen de son cas pendant une réunion du comité régional de retour au travail et des mesures d'adaptation, mais il a refusé (pièce 2, onglet 35). Toutefois, son représentant de l'agent négociateur y a assisté, et le comité a examiné le dossier du fonctionnaire le 30 novembre 2010.

56 À la réunion, certains renseignements personnels concernant l'état de santé du fonctionnaire ont été examinés, ce qui, selon le fonctionnaire, représentait une violation de sa vie privée. En conséquence, il a retiré son consentement et son dossier a été retiré au comité, qui a cessé d'en discuter. Néanmoins, la recherche d'un poste convenable pour le fonctionnaire s'est poursuivie (pièce 2, onglets 40 et 41). Des postes de chauffeur au 8e Escadre Trenton, à Trenton, en Ontario, et dans la région de l'Ontario du SCC aux Établissements de Bath, de Collins Bay, de Pittsburgh et de Warkworth ont tous été envisagés.

57 En novembre 2009, le fonctionnaire a communiqué avec le SCC pour s'informer de la disponibilité de fonds afin de mettre à niveau son permis de conduire. Cette demande a été rejetée, puisqu'aucun renseignement n'a été fourni au SCC afin de démontrer qu'il y aurait une possibilité d'emploi si la formation était offerte.

58 Selon M. Bowen, le but d'une mesure d'adaptation est de maintenir l'employé dans son poste, afin d'éviter de créer un emploi. Chaque option possible, à commencer par le poste original, doit être examinée. Sa recherche d'un poste pour le fonctionnaire portait sur des emplois complets, non des fonctions. Le SCC et le fonctionnaire étaient fondamentalement en désaccord en ce qui concerne cette approche et la question de savoir si les fonctions de chauffeur d'accompagnement constituaient un poste suffisant pour qu'il soit employé et productif 40 heures par semaine. Même si les préférences du fonctionnaire ont été prises en compte, elles ne déterminaient pas le poste à offrir. Lui-même et ses médecins praticiens ont refusé les tentatives du SCC de regrouper les tâches administratives, comme la coordination des plaintes tout en maintenant le rôle de chauffeur d'accompagnement, afin que le fonctionnaire soit occupé lorsqu'il n'y a pas d'accompagnement à effectuer. Toutefois, la psychologue du fonctionnaire croyait que cela nécessiterait l'accomplissement de tâches multiples, ce qui était contre-indiqué dans l'état du fonctionnaire.

59 Les rapports médicaux fournis au SCC limitaient la portée de la recherche de mesures d'adaptation appropriées pour le fonctionnaire. Même si le SCC avait examiné de nouvelles options si le fonctionnaire en avait proposé quelques-unes, il n'en a présenté aucune. En conséquence, les recherches portaient sur des fonctions administratives ou de bureau dans la région, avec la possibilité d'aménager certaines fonctions administratives avec celles de chauffeur d'accompagnements. En 2011, la recherche consistait à trouver un emploi que le fonctionnaire pourrait faire plutôt que de réaménager des possibilités.

60 À aucun moment il n'était prévu que la fonction de chauffeur d'accompagnement devait être un emploi à temps plein. Cette option a été offerte au fonctionnaire en tant que mesure d'adaptation temporaire, alors que la recherche d'une option permanente convenable progressait. Lorsque la recherche s'est avérée infructueuse, Michelle Vermette, directrice adjointe, Services de gestion, SCC, a demandé au fonctionnaire de s'inscrire auprès de la CFP pour obtenir un droit de priorité pour invalidité, ce qui élargissait son droit à un placement dans toute la fonction publique fédérale (pièce 2, onglet 50). Pour ce faire, le fonctionnaire devait obtenir un certificat médical indiquant qu'il était en mesure de retourner au travail à une date précise. Il a répondu à cette demande dans un long courriel (pièce 2, onglet 53). Il a refusé de fournir d'autres certificats médicaux attestant son aptitude à retourner au travail puisqu'il avait toujours été apte au travail et qu'il serait toujours au travail si le SCC ne l'avait pas renvoyé chez lui. Il a finalement examiné de nouveau la question de l'inscription (pièce 2, onglet 54) puis il l'a fait. Le certificat médical qu'il a transmis au soutien de sa demande de droit de priorité pour invalidité indiquait qu'un retour au SCC n'était plus une option souhaitable (pièce 2, onglet 55). Il a exprimé des préoccupations quant au caractère convenable de toutes les offres d'emploi que la CFP lui avait transmises.

61 Mme Vermette a communiqué avec ses collègues de l'ECB pour voir s'ils pourraient prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire en lui attribuant les fonctions de chauffeur d'accompagnement. L'ECB avait des postes de chauffeur tant pour la région que pour l'établissement et l'on souhaitait qu'il y ait plus de possibilités de réaménager des tâches afin de prendre des mesures d'adaptation convenables à l'égard du fonctionnaire. Le directeur adjoint, Services de gestion, ECB, croyait qu'il serait possible d'aménager suffisamment de tâches afin de créer un poste pour le fonctionnaire en modifiant les fonctions attribuées à d'autres chauffeurs à cet endroit. Mme Vermette a soulevé cette option avec le fonctionnaire et n'a reçu aucune réponse.

62 Mme Vermette et le fonctionnaire ont eu d'autres discussions lorsqu'un poste de chauffeur de camion à ordures s'est ouvert à l'ECB. Il avait le bon permis pour conduire un camion à ordures. De plus, Mme Vermette a parlé à ses collègues d'autres établissements qui employaient des chauffeurs. Elle a également transmis des offres d'emploi à court terme au fonctionnaire comme option pour le faire revenir dans le lieu de travail. Mme Vermette était au courant de la recommandation de Santé Canada selon laquelle le fonctionnaire devait bénéficier de mesures d'adaptation en lui attribuant les fonctions d'un chauffeur d'accompagnement, mais elles n'étaient destinées qu'à être temporaires. D'autres postes de chauffeurs ailleurs dans la région ont été exclues en fonction des limites du fonctionnaire.

E. Témoignage de Kelly Wall

63 Kelly Wall est la conseillère régionale en matière de retour au travail du SCC. Elle a collaboré étroitement avec le PK et offert son aide pour tenter de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire. Après que le fonctionnaire a été avisé en janvier 2012 que ses prestations d'invalidité prendraient fin en mars 2012, Mme Wall a participé activement à la dotation au SCC afin de trouver des postes éventuels pour le fonctionnaire. Elle a utilisé la liste de ses limitations qui lui avait été remise par les Relations du travail du SCC pour sa recherche. Elle a transmis une offre d'emploi pour un technicien d'entretien à Lisa MacInnes, Relations du travail du SCC, comme une possibilité. Mme MacInnes a indiqué que le fonctionnaire croyait que ce poste ne lui convenait pas, ce qui a éliminé la possibilité d'un poste à l'Administration régionale du SCC.

64 Mme Wall a continué de collaborer avec Mme Vermette et le nouveau directeur du PK, M. Pyke, afin de trouver des postes dans d'autres établissements dans la région de l'Ontario du SCC. Elle a examiné des postes à l'ECB, au garage régional, à l'Administration régionale, chez CORCAN et à l'établissement Frontenac. Elle a envisagé de modifier des postes et de réaménager les fonctions d'autres postes, ce qui aurait permis au fonctionnaire d'agir comme chauffeur d'accompagnements à temps plein (pièce 2, onglet 61). D'autres renseignements étaient nécessaires de l'ECB pour déterminer si cela était possible.

65 Lorsque le SCC a reçu la demande d'aide du fonctionnaire pour mettre à niveau son permis de conduire, il a été question de déterminer si l'employeur était obligé d'offrir son aide. Le fonctionnaire n'avait aucune perspective d'emploi immédiate, le SCC a donc conclu que sa demande était prématurée. La réadaptation professionnelle n'était pas une option pour lui puisqu'il n'avait pas une blessure donnant droit à une indemnisation.

66 Mme Wall n'était pas au courant de ce qui était arrivé avec les autres options soulevées. Plusieurs autres personnes ont participé aux discussions avec le fonctionnaire au sujet de ces options, y compris Mme MacInnes.

F. Le témoignage de Lisa MacInnes

67 Mme MacInnes était une conseillère en relations du travail au PK d'avril 2010 à octobre 2013. Pendant cette période, elle a donné des conseils à la direction sur les questions des relations du travail, les mesures disciplinaires, les griefs et les questions relatives au retour au travail et aux mesures d'adaptation. Elle a participé activement au dossier du fonctionnaire, dès avril 2010, lorsqu'elle a repris le dossier de M. Bowen. En 2012, elle a eu une première conversation avec le fonctionnaire au sujet de la liste de droit de priorité de la CFP et de la possibilité qu'un emploi pour lui existe ailleurs qu'au SCC. Par ailleurs, ses communications avec le fonctionnaire se faisaient par écrit par l'entremise de son représentant de l'agent négociateur. Elle a participé à la rédaction d'un plan d'action (pièce 2, onglet 43), dont le but était de faciliter le retour au travail du fonctionnaire.

68 Dans le cadre de ce plan d'action, l'employeur devait envoyer une lettre au médecin du fonctionnaire pour obtenir des précisions au sujet des limites du fonctionnaire et de sa capacité à assumer son poste d'attache. De plus, il a demandé au médecin d'indiquer les tâches qui pouvaient être accomplies d'autres postes afin de les réaménager et d'offrir au fonctionnaire un emploi à temps plein. Une ébauche de cette lettre a été communiquée au fonctionnaire le 9 décembre 2010. Il n'était pas d'accord avec l'employeur qui avait l'intention d'envoyer la lettre à ces deux médecins (pièce 1, onglet 50), ce qui a préoccupé Mme MacInnes parce que le fait d'adresser la lettre à un seul des deux médecins traitants, comme le suggérait le fonctionnaire, aurait pu faire en sorte que des renseignements importants soient manquants. Aucune entente avec le fonctionnaire n'a jamais été conclue sur le contenu de la lettre, même si elle a été rédigée en tenant compte de certaines de ses préoccupations.

69 Des postes ont été trouvés et transmis au fonctionnaire ainsi qu'à son représentant de l'agent négociateur. Aucune offre d'emploi n'a été faite, puisque les postes indiqués ne convenaient pas ou, comme le poste de technicien d'entretien à l'administration régionale, le fonctionnaire se préoccupait du fait de ne pas avoir les qualifications. Lui-même et son agent négociateur ont fait valoir que seul le poste de chauffeur d'accompagnement au PK constituait une option.

70 Après que la possibilité d'un poste de chauffeur à l'ECB ait échoué, l'employeur a accepté de réaménager les tâches. À cette fin, Mme MacInnes a rencontré le fonctionnaire en septembre 2012. Avant qu'une offre puisse être faite, d'autres renseignements médicaux à jour quant aux limitations du fonctionnaire étaient requis. La réponse à cette demande a été que, malgré le fait qu'il était physiquement en mesure d'accomplir l'emploi envisagé, il n'était pas possible pour lui de revenir au SCC (pièce 2, onglets 67 et 68).

71 En janvier 2013, Mme MacInnes a rencontré le fonctionnaire afin de discuter d'autres mesures qui pourraient être prises afin d'assurer son retour au travail. Elle l'a encouragé à collaborer avec la CFP. Comme il ne pouvait revenir au SCC, il lui revenait de trouver un emploi ailleurs, avec l'aide du SCC et de la CFP. Mme MacInnes croyait que ses rencontres avec le fonctionnaire étaient positives et qu'ils avaient un but commun. Malgré cela, après une rencontre, Mme MacInnes recevait habituellement une communication écrite (lettre ou courriel) du fonctionnaire indiquant à quel point il était bouleversé de la façon dont la rencontre s'était déroulée et soulevant des problèmes non réglés.

72 Même si le fonctionnaire était disposé à examiner certaines propositions, il ne l'était pas pour d'autres. Malgré les efforts sincères de Mme MacInnes pour lui trouver un emploi, le fonctionnaire n'était disposé à accepter les options présentées. Au bout du compte, la proposition la plus solide, soit la mesure établissant un précédent au PK qui consistait à réaménager des tâches, a échoué lorsque le fonctionnaire n'a pas accepté que des lettres soient envoyées à ses médecins. Le télétravail n'a pas été considéré comme une option puisque le problème que les parties rencontraient visait la tâche et non l'endroit. Malgré cela, pour que le télétravail soit possible, un poste devait exister.

G. Témoignage de Jay Pyke

73 Après la rencontre de janvier 2013 avec le fonctionnaire, le SCC a envisagé de rompre ses liens avec lui. M. Pyke a mis fin aux discussions au sujet des préoccupations passées; continuer de discuter du passé n'était pas productif. Plutôt que de mettre directement fin à l'emploi du fonctionnaire, M. Pyke accepté d'attendre l'issue de l'audience.

74 M. Pyke a été le directeur du PK du 1er avril 2010 au 30 septembre 2013. Lorsqu'il est arrivé, il a rencontré les Relations de travail et le comité de retour au travail pour obtenir une mise à jour de l'état de tous les cas en attente. Il a été informé par M. Joyce, le gestionnaire du fonctionnaire, de l'absence de progrès dans le dossier de ce dernier. M. Joyce a soulevé la question de savoir si l'employeur paierait la formation pour mettre à niveau le permis de conduire du fonctionnaire. M. Pyke a rejeté la demande en l'absence d'une offre conditionnelle d'emploi pour le fonctionnaire.

75 M. Pyke a entrepris de mettre en œuvre le plan d'action que les parties avaient élaboré en rédigeant une lettre pour demander des renseignements sur les limites du fonctionnaire à ses médecins. Il a envoyé deux ébauches de cette lettre au fonctionnaire, qui a répondu en ajoutant des changements. Après sa réponse de sept pages à la deuxième ébauche, aucune autre ébauche ne lui a été envoyée.

76 La réponse qu'a reçue M. Pyke, en janvier 2011, de la psychologue du fonctionnaire, la Dre Nogrady, l'a préoccupé; il s'est demandé si elle avait eu connaissance de sa demande de renseignements. Sa réponse (pièce 2, onglet 25) parlait de renseignements que le fonctionnaire lui avait personnellement remis. Elle ne parlait pas des préoccupations exprimées par l'employeur. Elle a simplement répété que le fonctionnaire était en mesure d'accomplir les fonctions d'accompagnement.

77 Malgré le non-respect apparent du fonctionnaire pour le plan d'action, M. Pyke a continué ses tentatives de prendre des mesures d'adaptation à son égard. Il était disposé à aménager les fonctions d'accompagnement avec d'autres fonctions. Lui-même et le fonctionnaire ont eu des discussions sommaires au sujet de cette possibilité, mais rien n'a pris forme puisque M. Pyke avait toujours besoin des renseignements médicaux supplémentaires.

78 Lorsque M. Pyke a reçu la lettre du Dr MacLeod en octobre 2012 (pièce 2, onglet 67) indiquant que le fonctionnaire n'était plus en mesure d'occuper un emploi au SCC, peu importe la capacité, et qu'il a ensuite reçu la lettre de la Dre Nogrady confirmant cette opinion (pièce 2, onglet 68), il a conclu qu'un retour au travail au SCC n'était pas une option. La seule option consistait à renvoyer le fonctionnaire à la liste de priorité de la CFP.

79 Le fonctionnaire a fait parvenir un courriel à M. Pyke, dans lequel il a fait valoir son opinion au sujet de ses droits (pièce 2, onglet 69). M. Pyke a répondu le 30 novembre 2012 (pièce 2, onglet 70). Le fonctionnaire a rédigé une réponse de 23 pages à la lettre de M. Pyke (pièce 1, onglet 64).

80 Après une dernière rencontre avec le fonctionnaire et son représentant de l'agent négociateur, M. Pyke a conclu qu'ils étaient revenus à la case de départ et qu'ils étaient dans une impasse. Après cela, il n'y a plus eu de contact avec le fonctionnaire; les parties ont reconnu qu'un tiers devait régler la question.

81 M. Pyke a indiqué que ses rencontres avec le fonctionnaire étaient parfois tendues, mais que, dans l'ensemble, elles n'étaient pas mauvaises ni antagonistes.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le fonctionnaire

82 Entre 2006 et 2009, le fonctionnaire a bénéficié de mesures d'adaptation lorsqu'il s'est vu attribuer des fonctions de chauffeur d'accompagnement au PK. La directrice Westfall a pris la décision de le retirer du lieu de travail parce que, malgré le fait qu'il travaillait à temps plein à titre de chauffeur d'accompagnements, ce poste ne respectait pas les critères d'un poste permanent à temps plein. Selon Mme Westfall, le poste de chauffeur d'accompagnement n'a jamais été destiné à constituer une mesure d'adaptation permanente, même si rien n'a empêché que cela se produise. Elle a clairement indiqué dans son témoignage que le fait de continuer d'accommoder le fonctionnaire en lui confiant le rôle de chauffeur d'accompagnement n'avait causé aucune contrainte excessive pour le SCC. Tous les médecins praticiens concernés ont reconnu qu'il s'agissait de la meilleure mesure d'adaptation pour le fonctionnaire.

83 En l'absence de toute contrainte excessive, le refus de l'employeur de continuer à accommoder le fonctionnaire par le biais du poste de chauffeur d'accompagnement constituait une violation de son obligation de prendre des mesures d'adaptation. Il n'aurait pas dû envoyer le fonctionnaire en congé de maladie. Son insistance à placer le fonctionnaire dans un poste où il pourrait accomplir toutes les obligations et fonctions a changé avec le départ de Mme Westfall, lorsque la direction du SCC a commencé activement à envisager de réaménager les tâches afin de s'assurer qu'il occupe activement un poste.

84 Le directeur Pyke avait le loisir de rétablir l'ancien arrangement en matière d'accommodement, lequel constituait la meilleure façon de mettre fin à la discrimination à l'égard du fonctionnaire, mais il n'en était pas question. Ce que le médecin a dit en 2012 et la question de savoir si le fonctionnaire a collaboré dans le cadre de la recherche pour un autre poste n'est pas pertinent. Aucun des problèmes que les parties ont éprouvés ne serait arrivé si l'employeur n'avait pas refusé de continuer à prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement.

85 L'article 15 de la LCDP exige que l'employeur démontre qu'il a pris des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé dans la mesure où cela n'impose aucune contrainte excessive à l'employeur. La Cour suprême du Canada (CSC) a déclaré qu'en l'absence d'une exigence professionnelle justifiée, la prise de mesures d'adaptation, dans la mesure où cela n'impose aucune contrainte excessive, doit être démontrée (voir Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees' Union, [1999] 3 R.C.S. 3, aux paragr. 54 et 62) (Meiorin).

86 Au paragraphe 62 de Meiorin, la CSC a indiqué que l'employeur devait établir qu'il lui est impossible de composer avec le demandeur lésé par une norme sans subir une contrainte excessive. Lorsqu'une preuve prima facie de discrimination est produite, le fardeau de la preuve incombe alors à l'employeur. Pour justifier le renvoi du fonctionnaire chez lui, le SCC devait démontrer que le fait de le garder dans le lieu de travail au moyen des mesures d'adaptation déjà en place constituait une contrainte excessive puisque l'existence d'une exigence professionnelle justifiée n'était pas en litige dans cette affaire.

87 Les premiers éléments à examiner lorsqu'il faut prendre des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé dans le lieu de travail sont les capacités de l'employé (Meiorin, au paragr. 64). Pendant trois ans et demi, l'employeur a trouvé une mesure d'adaptation où les capacités du fonctionnaire étaient utilisées et qui respectait ses besoins. Cette mesure n'aurait dû être modifiée que si elle constituait une contrainte excessive. Les témoins de l'employeur ont indiqué que le fait de poursuivre la mesure d'adaptation, soit le poste de chauffeur d'accompagnement, ne constituait pas une contrainte excessive, mais allait à l'encontre des politiques et procédures de l'employeur. Dans Meiorin, au paragr. 68, la CSC a déclaré que les employeurs devaient intégrer des notions d'égalité dans les normes du milieu de travail et les changer au besoin afin de respecter l'obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard des employés handicapés.

88 Aux paragraphes 22 et 32 de Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, (« Grismer »), la CSC définit les mesures d'adaptation comme étant ce qui est nécessaire pour éviter la discrimination. Il incombe à l'employeur de démontrer que la norme inclut toute possibilité d'accommodement dans la mesure où il n'en subit pas de contrainte excessive, que cette contrainte revête la forme d'un risque grave ou d'un coût exorbitant. L'employeur n'a pas invoqué un risque comme raison pour refuser de continuer à prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire par le biais des fonctions de chauffeur d'accompagnement. La seule raison pour laquelle les mesures d'adaptation ont pris fin en 2009 était que l'employeur examinait la nature des postes, c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas d'un poste permanent à temps plein.

89 Le Tribunal canadien des droits de la personne (le « TCDP »), dans Richards c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 24, au paragr. 216, indique la méthode d'analyse de la partie procédurale du processus de prise de mesures d'adaptation suivie par l'employeur. En outre, au paragraphe 223, le TCDP précise que, conformément aux décisions de la CSC dans Meiorin et Grismer, l'évaluation individuelle d'un employé est une étape essentielle dans le processus d'accommodement. Chaque personne est évaluée en fonction de ses habiletés personnelles et non en fonction de caractéristiques présumées, qui sont souvent fondées sur un parti pris et des préjugés.

90 Au moment de traiter une demande de mesures d'adaptation, un employeur doit reconnaître que les handicaps ont des éléments physiques et mentaux (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27, aux paragr. 77 à 83). L'employeur doit tenir compte des deux éléments au moment de déterminer le caractère convenable et la faisabilité d'une mesure d'adaptation. Le SCC n'a pas tenu compte de l'incidence de ses actions sur le fonctionnaire lorsque, après plus de trois ans, elle a mis fin à ses mesures d'adaptation pour des raisons financières.

91 L'employeur a accepté le fait que le regroupement des tâches était l'une des façons de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire (voir pièce 2, onglets 76 et 77). Ces politiques permettent la modification d'un poste pour prendre des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé. Le regroupement des fonctions d'emploi a été reconnu comme une façon efficace de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de travailleurs handicapés dans le lieu de travail lorsqu'un seul poste ne permet pas de le faire (Tarxien Co. v. C.A.W. Loc. 1090 (1997), 62 L.A.C. (4e) 129, aux p. 146 et 149). Mme Westfall a refusé d'envisager le regroupement des tâches, puisqu'elle s'est concentrée sur des postes permanents à temps plein dont les fonctions pouvaient toutes être accomplies par le fonctionnaire. Son manque de flexibilité a entraîné une violation de la LCDP.

92 La position adoptée par Mme Westfall voulant que ni elle-même ni le SCC n'avaient l'obligation de transformer le rôle de chauffeur d'accompagnement en un poste permanent à temps plein pour le fonctionnaire n'est pas conforme à la loi. L'employeur n'est pas obligé de créer du travail afin de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire, mais, en l'espèce, Mme Westfall savait que du travail existait (Audet c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 25; Essex Police Services Board v. Essex Police Association (2002), 105 L.A.C. (4e) 193; Ontario Liquor Boards Employees' Union v. Ontario (Liquor Control Board), [2002] O.G.S.B.A. No. 32 (QL)).

93 Il incombait à l'employeur d'explorer toutes les options afin d'accommoder le fonctionnaire, et ce, même après que les médecins traitants du fonctionnaire, le Dr MacLeod et la Dre Nogrady, aient indiqué que le fonctionnaire ne pouvait pas retourner travailler pour le SCC en raison des conséquences de son traitement passé par le SCC (pièce 1, onglet 94). L'employeur aurait pu s'asseoir et discuter des relations passées avec la direction, mais M. Pyke n'était pas disposé à le faire. Les problèmes du fonctionnaire étaient liés au passé et il devait les aborder pour revenir sur le lieu de travail. Malgré cela, ce qui est arrivé en 2012 était théorique et ne se serait pas produit si Mme Westfall ne lui avait pas retiré le rôle de chauffeur d'accompagnement en 2009.

94 Les préoccupations liées à la productivité du fonctionnaire et à la capacité de l'employeur de le trouver concernaient son rendement et non les mesures d'adaptation. Ce sont les raisons pour lesquelles il a été renvoyé chez lui, il ne s'agissait pas d'une question de contrainte excessive. Mme Westfall a indiqué dans son témoignage qu'il n'y avait pas de contrainte excessive. Elle ne savait pas réellement à quel point il était occupé durant la journée de travail. Personne au PK ne doutait qu'il était occupé. Même s'il manquait de travail, l'employeur aurait dû explorer des options et attribuer plus de travail au fonctionnaire. Mme Westfall a admis que le rôle de chauffeur d'accompagnement convenait bien au fonctionnaire, compte tenu la recommandation de ses médecins.

95 L'employeur savait que l'invalidité du fonctionnaire était permanente et il aurait dû considérer le poste de chauffeur d'accompagnement comme étant une mesure d'adaptation permanente, tel qu'il a été recommandé par les médecins du fonctionnaire, y compris le Dr Glass de Santé Canada (pièce 1, onglets 85, 89 et 90). L'employeur a choisi de ne pas le faire et, en conséquence, a causé plus de tort au fonctionnaire. Selon le principe de l'équité, l'auteur d'une faute ne peut profiter de sa faute. En l'espèce, l'employeur ne devrait pas non plus pouvoir s'appuyer sur les conséquences du renvoi du fonctionnaire de son lieu de travail en 2009 comme preuve de son absence de collaboration au processus, sinon, l'employeur profiterait de son comportement discriminatoire.

96 Entre 2008 et 2009, l'employeur cherchait seulement des postes permanents à temps plein à titre de mesure d'adaptation à l'égard du fonctionnaire. Mme Westfall était disposée à créer un poste temporaire de chauffeur d'accompagnement, mais non un poste permanent à temps plein. Mme Westfall n'était intéressée qu'à trouver un poste permanent à temps plein convenable et prévu au budget, mais, comme il n'y en avait aucun, elle a décidé qu'elle n'avait d'autre choix que de renvoyer le fonctionnaire à la maison en congé de maladie, ce qui constitue une violation claire de l'obligation de l'employeur de prendre des mesures d'adaptation. L'employeur était obligé d'offrir d'autres options viables au fonctionnaire afin de respecter ses exigences en matière d'accommodement. L'employeur ne pouvait simplement renvoyer le fonctionnaire à la maison pour attendre, en particulier lorsque, à toutes fins utiles, la mesure d'adaptation actuelle fonctionnait et respectait les besoins du fonctionnaire.

97 Mme Westfall aurait dû envisager le regroupement des tâches. Son omission de le faire était une violation claire de l'obligation de l'employeur de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire. Le fait que l'employeur, après le départ de Mme Westfall, était disposé à envisager le regroupement des fonctions de chauffeur à l'ECB démontre qu'il a reconnu que le regroupement des tâches afin de créer un poste pouvant accommoder le fonctionnaire était une façon convenable de respecter les besoins en mesure d'adaptation de ce dernier.

98 Le fonctionnaire était bouleversé lorsqu'il a été renvoyé chez lui sans explication et mis en congé. Il n'a eu aucune possibilité de répondre aux préoccupations de l'employeur. Il a demandé une justification écrite pour l'arrêt de la mesure d'adaptation (pièce 1, onglet 24) et Mme Westfall l'a informé qu'aucun poste convenable pouvant l'accommoder n'existait au PK ou dans la région de l'Ontario du SCC (pièce 1, onglet 25), et ce, malgré le fait que le Dr Glass de Santé Canada ait indiqué que le fonctionnaire était apte à exercer les fonctions de chauffeur pour l'établissement (pièce 2, onglet 25).

99 En décembre 2010, après l'arrivée de M. Pyke en tant que directeur du PK en avril 2010, le dossier du fonctionnaire a été revu. La seule raison que M. Pyke a donnée pour son retard à communiquer avec le fonctionnaire était qu'il voulait s'assurer que tout était en ordre avant de communiquer avec lui. Cette explication est insuffisante puisque le fonctionnaire était en congé depuis 2009. Un autre retard de 18 mois a eu lieu lorsque les parties n'ont pas réussi à s'entendre sur le contenu d'une lettre qui demandait des précisions supplémentaires relatives aux restrictions médicales du fonctionnaire. Il a fourni à l'employeur ce qui était, selon lui, acceptable (pièce 1, onglet 90) et n'a eu aucune autre nouvelle durant 18 mois. La preuve a clairement démontré que lors d'une réunion entre les parties tenue le 12 février 2013, M. Pyke ne souhaitait pas répondre aux préoccupations du fonctionnaire relativement à la manière dont la direction du PK l'a traité.

100 Le témoin de l'employeur, M. Bowen, a suggéré que le fonctionnaire n'était pas coopératif à l'égard des tentatives de l'employeur de lui trouver une mesure d'adaptation appropriée. Il y avait clairement une différence d'opinions entre le fonctionnaire et M. Bowen, ce qui n'est pas la même chose qu'un refus de coopérer. Mme Westfall et Mme Vermette ont toutes deux indiqué que le fonctionnaire était coopératif. Il a demandé de la formation, a tenté de trouver des possibilités à l'extérieur du SCC, a essayé le poste d'agent de libération conditionnelle trouvé par l'employeur, s'est dit intéressé par le télétravail, et était clairement prêt à participer et à coopérer au processus jusqu'à ce que toute communication de la part de l'employeur cesse, et ce, de l'arrivée de M. Pyke jusqu'à septembre 2012. De l'automne 2012 à janvier 2013, le fonctionnaire s'est présenté à plusieurs réunions afin de tenter de régler les questions de mesure d'adaptation. Même si, au départ, il était réticent à s'inscrire à la liste de priorité de la CFP, il l'a finalement fait.

101 La jurisprudence liée aux droits de la personne nécessite que le fonctionnaire soit placé au poste qu'il aurait eu s'il n'y avait pas eu discrimination (voir Impact Interiors Inc. v. Ontario (Human Rights Commission), [1998] O.J. No. 2908, au paragr. 2 (QL); Chopra c. Canada (Procureur général), 2006 CF 9, au paragr. 41, et 2007 CAF 268, aux paragr. 27 et 29; Canada (procureur général) c. Morgan (C.A.), [1992] 2 C.F. 401. Si le fonctionnaire avait pu continuer à titre de chauffeur d'accompagnement, il serait vraisemblablement toujours employé à temps plein. De plus, conformément à l'alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la LCDP, s'il avait gain de cause pour prouver qu'il a été victime de discrimination, il aurait droit à des dommages généraux pour préjudice moral et à des dommages additionnels en raison de discrimination délibérée ou inconsidérée. Il devrait revenir aux parties de déterminer l'indemnité appropriée qui lui serait versée si le grief était accueilli.

B. Pour l'employeur

102 La principale question à trancher est de savoir si l'employeur a rempli son obligation de prendre des mesures d'adaptation au point de constituer une contrainte excessive. Le fonctionnaire était employé par le SCC à titre de chauffeur pour l'établissement. Ses principales fonctions étaient le service de messagerie, le transport de marchandises et la conduite d'accompagnements de prisonniers. Éventuellement, des mesures d'adaptation ont été prises et les services de messagerie et de transport de marchandises ont été retirés de ses activités quotidiennes, ce qui laissait seulement le service d'accompagnement. Selon Mme Westfall, cela représentait moins de 70 % de ses heures rémunérées. M. Pyke et Mme Westfall ont tous deux indiqué dans leur témoignage qu'il n'y avait pas de poste de chauffeur d'accompagnement au PK, pas plus qu'il n'y avait suffisamment d'accompagnements pour constituer un poste à temps plein pour le fonctionnaire.

103 Lorsque le fonctionnaire a assumé le rôle de chauffeur d'accompagnement en janvier 2006, il a été clairement informé qu'il s'agissait d'une mesure d'adaptation temporaire (pièce 2, onglet 10). Rien n'indiquait, avant que l'employeur reçoive le rapport de Santé Canada, que le fonctionnaire avait besoin d'une mesure d'adaptation permanente. À aucun moment, durant les trois ans et demi pendant lesquels il effectuait les accompagnements, il n'y a eu d'indication que son invalidité était permanente. Selon Mme Westfall, lorsque la permanence de son invalidité a été confirmée par Santé Canada, l'employeur a commencé à chercher un poste permanent à temps plein pour accommoder le fonctionnaire. Alors qu'il poursuivait ses recherches, l'employeur a demandé des mises à jour sur les limitations du fonctionnaire. Il n'y avait rien de malveillant dans ces demandes. L'employeur avait le droit de connaître l'état de ses limitations afin de s'assurer que les mesures prises à l'égard du fonctionnaire étaient appropriées.

104 Au cours de plus de deux ans, les rapports des médecins portaient entièrement sur la fonction de chauffeur d'accompagnement à titre de seule mesure d'adaptation appropriée pour le fonctionnaire. Aucun poste de ce genre n'existait; l'employeur a donc demandé un troisième avis de Santé Canada. Son rapport a pris plus d'un an pour arriver. L'employeur ne devrait pas être pénalisé pour avoir continué de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement en attendant.

105 Lorsqu'il est devenu évident que l'invalidité du fonctionnaire était permanente, une nouvelle mesure d'adaptation a été requise. Le problème, selon Mme Westfall, était de trouver du financement pour un poste à temps plein approprié afin de répondre à ses vastes limitations. Elle n'a pas écarté la possibilité d'un regroupement des tâches. Lorsque le médecin du fonctionnaire a confirmé qu'il ne serait pas capable d'effectuer les fonctions de coordonnateur des plaintes des détenus (pièce 1, onglet 78) en novembre 2005, son poste existant a été adapté pour qu'il effectue des fonctions limitées et l'idée de combiner les fonctions de coordonnateur des plaintes des détenus et de chauffeur d'accompagnements a été abandonnée.

106 Mme Westfall et M. Pyke étaient préoccupés par les répercussions sur le fonctionnaire des situations stressantes ayant lieu alors qu'il effectuait un travail d'accompagnement. Une telle situation aurait pu poser une menace de sécurité pour lui et pour le public. Aucun directeur n'était prêt à accepter le risque que la mesure d'adaptation continue à l'égard du fonctionnaire posait pour le public. Les directeurs ont la liberté de déterminer le niveau approprié de risque acceptable.

107 Entre 2006 et 2012, l'employeur a fait des efforts continus et vigoureux pour trouver des fonctions suffisantes à combiner avec celles de chauffeur d'accompagnement dans le but de créer un poste à temps plein. Les fonctions recherchées étaient pour le même groupe et le même niveau afin d'éviter de devoir classifier un poste bricolé de plusieurs groupes et niveaux. L'intention était de regrouper les tâches faisant partie de la même classification afin de créer un emploi à temps plein pour le fonctionnaire. De plus, le fonctionnaire a fait l'objet de mesures d'adaptation en étant placé sur la liste de priorité de la CFP.

108 La preuve a clairement démontré que le fonctionnaire a été informé d'environ 50 possibilités d'emploi en raison de son placement sur la liste de priorité de la CFP. Il en a regardé une, a décidé qu'il ne répondait pas aux qualifications et n'est pas allé plus loin. Il n'a posé sa candidature à aucun de ces postes. Clairement, il ne coopérait pas au processus d'accommodement. Le fait de retourner des appels et de répondre aux courriels ne signifie pas qu'il coopérait avec l'employeur dans cadre du processus d'accommodement. Il répondait « non » à toutes les propositions qui lui ont été faites. Il n'y avait aucune volonté de sa part de trouver un terrain d'entente. La seule possibilité acceptable pour lui était le poste de chauffeur d'accompagnement, laquelle n'était pas acceptable pour l'employeur. Il était inflexible dans son approche relative aux mesures d'adaptation à l'égard de ses besoins et ne voulait pas faire de compromis.

109 Les efforts de l'employeur se sont poursuivis après 2009. Mme Westfall a communiqué avec d'autres ministères afin de trouver d'autres possibilité de mesure d'adaptation (pièce 2, onglet 33). Éventuellement, l'ECB a convenu d'accepter le fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement. Lorsqu'ils ont été consultés pour approuver cette option, les médecins du fonctionnaire ont indiqué que le fonctionnaire ne devrait pas retourner travailler pour le SCC. La limite constituant une contrainte excessive était atteinte.

110 Depuis Meiorin, l'obligation qu'a un employeur de prendre des mesures d'adaptation, mais sans se rendre à la limite de ce qui constitue une contrainte excessive, a été précisée (voir Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4). L'obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé est l'obligation de s'assurer qu'il ou elle est capable de travailler et n'est pas exclue d'un emploi en raison de motifs exclus aux termes de la LCDP. Dans Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, aux paragr. 27 et 28, le mode d'analyse approprié pour déterminer si un employé fait l'objet de discrimination par l'absence de mesures d'adaptation est établi.

111 Selon Gibson, il incombe à l'employé de produire une preuve prima facie de discrimination. Le fonctionnaire ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve. La preuve démontre que l'employeur a rempli son obligation lorsqu'il a offert le poste de chauffeur d'accompagnement à l'ECB. Selon M. Pyke, le directeur de l'ECB était prêt à offrir au fonctionnaire le poste de chauffeur d'accompagnement sur approbation de son médecin. Le médecin ne l'a pas approuvé (voir pièce 2, onglet 65).

112 Il n'y a eu aucun malentendu au sujet des limitations du fonctionnaire, lesquelles sont demeurées inchangées jusqu'à octobre 2012. Alors que le fonctionnaire était au travail et après qu'il a été renvoyé chez lui en 2009, l'employeur a poursuivi sa recherche d'options pour prendre des mesures. Le fonctionnaire a refusé d'envisager ces options. Il ne voulait pas non plus envisager la possibilité d'être un chauffeur d'accompagnement à temps partiel (voir la pièce 1, onglet 81). L'employeur a fait des efforts considérables et consciencieux pour trouver une solution qui permettrait au fonctionnaire d'avoir un emploi rémunéré tenant compte de ses limitations (voir Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60, au paragr. 137).

113 En 2009, après avoir reçu le rapport de Santé Canada, Mme Westfall a déterminé qu'il y avait des problèmes de sécurité avec le rôle du  fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement et qu'il n'y avait pas suffisamment d'accompagnements pour que le poste de chauffeur soit à temps plein. L'employeur doit tenir compte du contexte de travail et de la santé et sécurité de ses autres travailleurs (voir Sioui c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 44, au paragr. 91).

114 L'employeur, comme il l'a fait dans Sioui, a rempli son obligation en effectuant de nombreux efforts pour trouver au fonctionnaire un poste convenable, de même que pour s'assurer qu'il avait accès aux ressources de la CFP (voir Sioui, au paragr. 92).

115 La contrainte excessive dépend des faits propres à la situation. L'employeur n'avait pas l'obligation d'interférer de manière indue avec son lieu de travail, pas plus qu'il n'avait l'obligation d'engager de dépenses indues afin de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire (voir Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Human Rights Commission), [1990] 2 R.C.S. 489; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970).

116 L'employeur n'a pas l'obligation de créer un emploi. Le problème de l'employeur état de trouver suffisamment de fonctions pouvant être combinées afin de créer un poste à temps plein. Il a pris des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire durant trois ans et demi lorsqu'il lui a permis d'être chauffeur d'accompagnement et il ne devrait pas être pénalisé pour ses efforts (voir Shaw Pipe Protection (A Shaw Co.) v. United 59, [2013] A.G.A.A. No. 20 (QL); Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2009 CRTFP 113).

117 La seule mesure d'adaptation que le fonctionnaire voulait accepter était celle de chauffeur d'accompagnement. Un employé n'a pas droit au travail de son choix à titre de mesure d'adaptation raisonnable (voir Lafrance, au paragr. 115). L'employeur a fait des efforts continus pour trouver un poste au fonctionnaire dans son domaine de prédilection, ce qui a abouti à l'offre du poste à l'ECB. Ces efforts ont abouti à une impasse en octobre 2012 lorsque le médecin a indiqué que le fonctionnaire ne pouvait pas retourner au SCC.

118 L'employeur s'est acquitté de son obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire. Il a fourni des congés de maladie au fonctionnaire, lui a offert d'autres postes et l'emploi du fonctionnaire était protégé. L'employeur a exploré un large éventail de possibilités et n'a rien démontré d'autre que de la bonne foi. Il s'est penché sur des possibilités à long terme et à court terme, mais le fonctionnaire n'était pas intéressé par les possibilités à court terme. Il a rejeté tous les efforts de son employeur pour qu'il revienne sur les lieux de travail. Il était seulement intéressé par les postes de chauffeur d'accompagnement. L'obligation de prendre des mesures d'adaptation ne garantit pas à un employé que des mesures immédiates ou parfaites seront prises. Elle ne permet pas non plus à un employé de sélectionner ou de choisir ce qu'il fera (voir Calgary District Hospital Group v. U.N.A., 28 C.L.A.S. 86; Sysco Foodservices of Toronto v. Teamsters, Local 419, [2009] O.L.A.A. No. 320 (QL); Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39; Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15).

119 Un fonctionnaire perd son droit à des mesures d'adaptation raisonnables lorsqu'il refuse une offre raisonnable; la conduite du fonctionnaire est donc pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer si l'employeur s'est acquitté de son obligation de prendre des mesures d'adaptation (voir Renaud,aux pages 30 et 31). Le fonctionnaire ne contribuait pas de manière positive au processus de mesures d'adaptation. Il répondait à toute suggestion par une réponse négative. Il est attendu d'un employé qu'il accepte un compromis raisonnable et qu'il communique ses restrictions (voir Chang v. Federal Express Canada Ltd., [2013] C.L.A.D. No. 209 (QL); Spooner; King c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 122).

120 L'employeur a fait valoir que, si je décidais qu'il a manqué à son obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire et que ce dernier a droit à des dommages, il avait l'obligation d'atténuer ses pertes. Il a reçu des prestations d'assurance invalidité, de la date de la présentation du grief à mars 2012. Aucune preuve d'une quelconque perte n'a été fournie. Il est bien connu que le PK a été fermé en 2013 et que plusieurs de ses employés ont été assujettis au réaménagement des effectifs. Toute réintégration du fonctionnaire dans le lieu du travail doit être limitée à la période à partir de laquelle il a été retiré de son lieu de travail au moment auquel il aurait été assujetti au réaménagement des effectifs ou mis en disponibilité.

121 Tout préjudice subi par le fonctionnaire était en raison de son refus d'enterrer le passé et de continuer. M. Pyke a adopté l'approche selon laquelle on ne pouvait pas changer le passé, mais qu'il voulait changer l'avenir. D'autres ont continué de travailler sur des solutions, même après que M. Pyke et le fonctionnaire ont échoué à régler les questions des mesures d'adaptation. L'humiliation et le stress vécus par le fonctionnaire n'étaient pas causés par son renvoi à la maison. Le stress était un problème pour le fonctionnaire avant qu'il quitte son lieu de travail.

122 Les parties ont élaboré un plan d'action (pièce 2, onglet 43) lors d'une réunion le 1er décembre 2010. Le fonctionnaire a refusé de participer au plan en présentant des rapports médicaux objectifs. Ceux qu'il a fournis reflétaient uniquement sa version des faits, tel qu'elle a été relayée à ses médecins. Son manque de coopération a donné lieu au manquement par les parties d'en arriver à un règlement mutuel. Le fonctionnaire a joué un rôle dans tout retard lié à ses mesures d'adaptation. Il a refusé d'aller de l'avant à moins que des torts perçus de son emploi passé soient traités.

123 Il n'y a aucune preuve de conduite délibérée de la part de l'employeur, aux termes du paragraphe 53(3) de la LCDP. Lorsque Mme Westfall a pris la décision de retirer le fonctionnaire du lieu de travail en 2009, il n'y avait aucune autre fonction disponible qui répondait à ses limitations et qui pouvait être bricolée pour lui faire un poste à temps plein.

C. Réplique du fonctionnaire

124 Aucune preuve ne m'a été présentée selon laquelle le fonctionnaire n'était pas occupé à temps plein par la conduite d'accompagnement. La seule preuve voulant qu'il soit occupé à temps plein avec ce poste a été déposée par lui-même. Mme Westfall a reconnu qu'il était occupé. Sa preuve n'a pas été contredite. Au mieux, la décision a été prise pour des motifs pécuniaires. Mme Westfall a reconnu que l'employeur n'aurait subi aucune contrainte excessive s'il avait continué les mesures d'adaptation de chauffeur d'accompagnement.

125 En ce qui concerne la question de la nature stressante du travail, Santé Canada a accepté le fait que, malgré le besoin du fonctionnaire d'éviter des occupations stressantes, la conduite d'accompagnement de passagers était acceptable (pièce 1, onglet 89). Avec toute la déférence due à la décision de Mme Westfall prise à titre de directrice du PK, toute préoccupation relative à la sécurité si le fonctionnaire avait continué à effectuer des accompagnements n'a pas été exprimée, pas plus qu'elle n'a été mentionnée dans la lettre donnée au plaignant lorsqu'il a été renvoyé chez lui. Pour que la possibilité d'un risque de sécurité justifie la cessation des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire, l'employeur devait établir des exigences professionnelles de bonne foi ou une contrainte excessive.

126 Meiorin établit le critère de la contrainte excessive. L'employeur n'a fourni aucune preuve voulant qu'une norme rationnellement liée au travail de chauffeur d'accompagnement ou nécessaire à l'atteinte d'un objectif lié au travail constitue une contrainte excessive. Spéculer sur l'existence d'un enjeu de sécurité ne suffit pas à établir une contrainte excessive. Une preuve claire et convaincante de préoccupations de sécurité, qui n'est pas anecdotique ou impressionniste est requise (voir Meiorin, au paragraphe 79). Les préoccupations de l'employeur, telles qu'elles ont été exprimées à l'audience, ne présentaient aucune analyse des préoccupations liées au risque et étaient purement spéculatives et hypothétiques.

IV. Motifs

127 L'article 7 de la LCDP précise que le fait de refuser d'employer n'importe quelle personne et, dans le cadre d'un emploi, de la défavoriser en lien avec un employé sur un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. La déficience est un motif de distinction illicite (paragraphe 3(1) de la LCDP). Selon l'article 25 de la LCDP, une « déficience » est « physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue ».

128 Afin d'établir qu'un employeur a fait preuve de discrimination, un fonctionnaire doit d'abord produire une preuve prima facie de l'existence de discrimination, c'est-à-dire une preuve qui couvre les allégations faites et qui, si elles devaient être crues, seraient complètes et suffisantes pour justifier une décision donnant gain de cause au fonctionnaire en l'absence de réponse du demandeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragr. 28)). La Commission ne peut pas tenir compte de la réponse de l'employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de l'existence de discrimination a été produite (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd, 2004 CAF 204, au paragr. 22).

129 Il n'est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l'unique raison des actions en litige pour prouver l'allégation de discrimination. Le fonctionnaire devait simplement démontrer que la discrimination était l'un des facteurs de la décision de l'employeur (voir Holden c. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.), au paragr. 7). La norme de la preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (ministère de la Défense nationale)), [1996] 3 C.F, 789 (C.A.)).

130 Comme je l'expliquerai plus tard dans la présente décision, je conclus que le fonctionnaire a produit une preuve prima facie de discrimination contre laquelle l'employeur n'a déposé aucune preuve démontrant que ses actes n'étaient pas discriminatoires et n'a pas invoqué de moyen de défense prévu par la loi qui justifiait la discrimination. Par conséquent, l'allégation du fonctionnaire est fondée.

131 Le fonctionnaire était employé par le SCC au PK à titre de chauffeur pour l'établissement. En raison de sa déficience, il était incapable d'effectuer les fonctions de messager et de transport de marchandises de son poste. Les parties ont reconnu sa déficience et ont pris des mesures d'adaptation temporaires à son égard à partir de janvier 2006 en lui donnant des fonctions de chauffeur d'accompagnement, en tenant compte des restrictions indiquées par les professionnels de la santé du fonctionnaire, qui ont été acceptées par l'employeur.

132 Le fonctionnaire a continué d'exercer seulement des fonctions de chauffeur d'accompagnement au lieu de l'éventail complet de fonctions de chauffeur pour l'établissement, présentées dans sa description de travail, de janvier 2006 au 8 septembre 2009, date à laquelle il a été informé par courriel que ses mesures d'adaptation prenaient fin puisqu'il était impossible de les continuer, en raison de restrictions détaillées présentées dans le rapport médical reçu de Santé Canada (voir pièce 1, onglet 23). Ce rapport médical confirmait que les restrictions du fonctionnaire étaient considérées comme une déficience permanente et qu'il nécessitait des mesures d'adaptation sur le lieu du travail en raison de ces restrictions médicales. Il indiquait également que le fonctionnaire était capable de continuer ses fonctions à titre de chauffeur d'accompagnement ou de passagers, dans la mesure où du travail suffisant était disponible (voir pièce 2, onglet 25). Toutefois, l'employeur a décidé de mettre fin aux fonctions de l'emploi du fonctionnaire et lui a ordonné d'aller en congé de maladie. Par conséquent, je constate que le fonctionnaire a produit une preuve prima facie selon laquelle l'employeur a commis un acte discriminatoire lorsqu'il a refusé de continuer d'employer le fonctionnaire en raison d'un motif de distinction illicite et qu'il l'a défavorisé en cours d'emploi en raison de sa déficience (art. 7 de la LCDP).

133 Lorsqu'une preuve prima facie a été établie, l'employeur peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve démontrant que ses actes n'étaient, en fait, pas discriminatoires, ou en invoquant une défense prévue par la loi qui justifiait la discrimination. (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragr. 13). Lorsque l'employeur présente une preuve qui réfute la preuve prima facie, il incombe au fonctionnaire de démontrer que la preuve de l'employeur est fausse ou qu'elle est un prétexte et que la réelle motivation derrière les actes du défendeur était, en fait, discriminatoire.

134 Mme Westfall était directrice du PK en septembre 2009 et elle était responsable de la décision de retirer le fonctionnaire du lieu de travail et de mettre fin à sa mesure d'adaptation par laquelle il exécutait seulement des fonctions d'accompagnement. Elle a volontiers admis que le travail d'accompagnement existait et était requis et qu'elle recevait du financement dans son budget des opérations pour payer les frais associés au transport de prisonniers. De plus, elle a indiqué sans réserve dans son témoignage que de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire à titre de chauffeur d'accompagnement ne constituait pas une contrainte excessive pour l'employeur. Sa justification pour mettre fin à la mesure d'adaptation, fournie par le plaignant, était fondée sur le fait que son invalidité était considérée comme permanente et que, à son avis, il avait besoin d'avoir un poste permanent à temps plein, puisque l'employeur n'avait pas pour pratique de créer un poste à titre de mesure d'adaptation à l'égard d'un employé invalide. De plus, elle était d'avis que, selon le rapport de Santé Canada, malgré le fait qu'il était recommandé que le fonctionnaire reste chauffeur d'accompagnement, une question de sécurité était en jeu et elle n'était pas prête à accepter le risque de permettre au fonctionnaire de continuer dans le rôle de chauffeur d'accompagnement.

135 L'employeur a invoqué le paragraphe 15(2) de la LCDP en tant que défense prévue par la loi pour justifier ce qui aurait autrement été un acte discriminatoire contre le plaignant. Cet article est en partie rédigé comme suit :

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;
[…]

Besoins des individus

(2) Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

136 L'ancienne Commission a eu l'occasion d'examiner cette question à plusieurs occasions, notamment dans Sioui, où le vice-président a écrit ce qui suit :

[…]

75. L'application de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation a été interprétée dans l'arrêt (Colombie-Britannique) Public Service Employee Relations Commission c. British Columbia Government and Service Employees' Union (BCGSEU), [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin) (paragr. 54) et se résume à ce qui suit. Lorsque l'employeur applique une règle de travail, il doit la justifier en démontrant que : 1) la règle est rationnellement liée à l'exécution du travail en cause; 2) la règle a été adoptée parce qu'elle est nécessaire à la réalisation du but légitime de ce travail; 3) la règle est raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du travail. L'employeur doit pouvoir démontrer qu'il ne peut composer avec des employés qui ont les mêmes caractéristiques sans subir une contrainte excessive.

76. Les normes développées dans Meiorin ont établi un régime permettant d'évaluer le but légitime d'une règle de travail et l'intention de l'employeur au moment de l'adopter, pour déterminer si elle a un fondement. À ces normes s'est aussi ajouté un test, dit de rationalité, servant à évaluer si la règle était vraiment nécessaire dans le contexte du travail en question. Les tribunaux ont aussi décidé que les normes doivent être appliquées avec souplesse et bon sens : Meiorin, paragr. 63; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 546, et Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489, p. 520-521 et Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, paragr. 15.

[…]

137 Malgré les allégations de Mme Westfall selon lesquelles, pour des raisons de sécurité, le fonctionnaire ne pouvait pas continuer à titre de chauffeur d'accompagnement en 2009, aucun élément de preuve n'a été présenté démontrant qu'il y avait une réelle menace à la sécurité des prisonniers qui étaient escortés ou des agents correctionnels qui accompagnaient le fonctionnaire et les prisonniers lors de ces accompagnements. Je conclus que l'employeur n'avait pas établi l'existence d'une menace pour la sécurité à l'appui de ses allégations relatives aux exceptions prévues aux paragraphes 15(1) et 15(2) de la LCDP. Je suis d'accord avec l'avocat du fonctionnaire pour dire qu'il faut plus qu'une simple spéculation de l'existence d'une menace pour satisfaire aux critères prévus dans Meiorin.

138 De plus, M. Pyke, qui était aussi directeur du PK, après Mme Westfall, et qui a aussi pris part au refus de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé de manière temporaire ou permanente en lui attribuant les fonctions d'un chauffeur d'accompagnement n'a rien fourni dans sa preuve à l'appui de sa conclusion selon laquelle le fait de laisser le fonctionnaire exécuter les fonctions de chauffeur d'accompagnement aurait été une menace inacceptable pour la sécurité.

139 La décision de mettre fin aux mesures d'adaptation du fonctionnaire, soit les fonctions à titre de chauffeur d'accompagnement, était une décision arbitraire de la part de Mme Westfall, dont la nécessité n'a pas été appuyée par la preuve. Ironiquement, la preuve a démontré que le directeur de l'ECB n'avait pas envisagé une telle menace. Son établissement employait des chauffeurs d'accompagnement et il aurait été prêt à employer le fonctionnaire en cette qualité, n'eut été le rapport médical du 22 octobre 2012, qui indiquait qu'en raison du stress engendré par le processus d'adaptation pour le fonctionnaire, il était incapable de travailler à n'importe quel poste au sein du SCC (voir pièce 2, onglet 68).

140 Je reconnais qu'il y a eu des tentatives continues de trouver une mesure d'adaptation permanente à temps plein pour le fonctionnaire. De nombreux témoins ont témoigné à cet effet, y compris le fonctionnaire. Ce processus était chargé de tension et de discorde entre les parties et il ne fait aucun doute que cela a contribué au retard pour le réintégrer au milieu de travail.

141 Malgré ses efforts continus, il n'en demeure pas moins qu'aucune contrainte excessive n'aurait été subie si le fonctionnaire avait pu rester à titre de chauffeur d'accompagnement au PK, même de façon temporaire, pendant que l'on tentait de trouver une solution plus permanente. L'employeur n'a pas choisi de donner suite à cette possibilité, pas plus qu'il ne l'a envisagée. De plus, si le fonctionnaire avait des problèmes de rendement liés à ses fonctions de chauffeur, tel qu'il a été décrit par les témoins de l'employeur, la méthode appropriée de les traiter aurait été dans le cadre des diverses politiques de gestion du rendement que l'employeur avait en place et non en mettant fin à des mesures d'adaptation autrement raisonnables et efficaces.

142 Selon ces faits, le fonctionnaire a établi qu'il avait une déficience et avait besoin de mesures d'adaptation en milieu de travail. Il a aussi établi que l'employeur avait à l'origine offert des mesures d'adaptation appropriées au fonctionnaire compte tenu de ses restrictions médicales en limitant ses fonctions de conducteur dans le cade des accompagnements au lieu d'exiger de lui qu'il exerce l'éventail complet des fonctions de conducteur compris dans la description de travail.

143 Cependant, l'employeur n'a pas démontré que son refus de continuer d'employer le fonctionnaire était en fonction d'exigences professionnelles justifiées, pas plus qu'il n'a fourni de preuve convaincante pour réfuter la preuve prima facie de l'existence de discrimination. Par conséquent, je conclus que l'employeur a refusé de continuer d'employer le fonctionnaire en raison de sa déficience, ce qui est interdit par l'article 7 de la LCDP et est en violation de l'article 19 de la convention collective.

144 En tant que commissaire de la nouvelle Commission, j'ai le pouvoir, aux termes de l'alinéa 226(2)b) de la LRTFP d'accorder des dommages au fonctionnaire en raison de la pratique discriminatoire de l'employeur conformément à l'alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la LCDP, reproduits ci-dessous :

Plainte jugée fondée

53. (2) À l'issue de l'instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire :

 […]

e) d'indemniser jusqu'à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

Indemnité spéciale

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l'auteur d'un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s'il en vient à la conclusion que l'acte a été délibéré ou inconsidéré.

145 Le SCC a accepté le fait qu'il avait l'obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de ses employés handicapés ou blessés comme cela est indiqué dans la DC 254 (pièce 2, onglet 76), selon laquelle le SCC s'engage à :[traduction] « 2. […], fournir aux employés du Service correctionnel du Canada qui subissent une blessure ou qui sont malades l'aide et le soutien nécessaires pour qu'ils puissent reprendre un travail productif dès que leur état de santé le permet. »

146 Tous les témoins qui ont témoigné au nom de l'employeur reconnaissent cette obligation. Pourtant, malgré les renseignements médicaux fournis par les professionnels de la santé qui ont traité le fonctionnaire, de même que par les consultants de l'employeur, et compte tenu de l'existence d'une menace qui est, au mieux, spéculative, l'employeur a non seulement fait preuve de discrimination à l'égard du fonctionnaire, mais il a aussi, de manière inconsidérée et volontaire, fait fi de ses politiques sur les mesures d'adaptation dans le lieu de travail et de la LCDP.

147 Le paragraphe 27 des lignes directrices de la DC-254 (pièce 2, onglet 77) indique que, lorsque les fonctions essentielles d'un poste ne peuvent pas être éliminées, des modifications peuvent être faites aux méthodes de travail et aux procédures et que la restructuration de l'emploi est une possibilité. En limitant les fonctions du fonctionnaire à la conduite d'accompagnement, l'employeur a réorganisé l'emploi du fonctionnaire et a réussi à lui offrir une mesure d'adaptation. Il n'y a aucune justification raisonnable pour cesser de lui offrir des mesures d'adaptation dans ce rôle ou pour refuser de continuer, même temporairement, alors que la recherche d'une mesure d'adaptation appropriée se poursuit. Si l'employeur l'avait fait, le fonctionnaire serait certainement resté dans son lieu de travail.

148 Comme je l'ai indiqué dans Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12, au paragr. 114, la CSC a remarqué, dans Renaud, que les employés qui demandent des mesures d'adaptation ont l'obligation de collaborer avec leur employeur en lui fournissant des renseignements relatifs à la nature et à la mesure de leur déficience alléguée qui permettront à l'employeur de déterminer les mesures d'adaptation requises. Le fonctionnaire a correctement rempli cette obligation. Il donnait librement accès aux renseignements médicaux, qui indiquaient ses restrictions, de même que des mesures d'adaptation convenables. Il a envisagé d'autres possibilités et a tenté de travailler au poste d'agent de libération conditionnelle. Son médecin a examiné les autres possibilités proposées par l'employeur en son nom. Il a demandé de la formation en cours d'emploi. Il s'est inscrit auprès de la CFP, bien qu'avec réticence, comme l'a demandé son employeur. Sa frustration avec ce processus et le long retard de l'employeur pour trouver une mesure d'adaptation appropriée ne doit pas êtes considérée comme une preuve du fait qu'il ne voulait pas collaborer avec l'employeur au processus de mesures d'adaptation. Comme le fonctionnaire, je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle l'employeur a arbitrairement décidé, après plus de trois ans, de mettre fin au rôle de conducteur d'accompagnement dans lequel, jusqu'à ce jour, des mesures d'adaptation avaient été prises avec succès à l'égard du fonctionnaire.

149 L'objet de la LCDP, aux termes de son article 2, est de garantir « […] le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la […] déficience […] » (entre autres choses). L'employeur a nui à la capacité du fonctionnaire de vivre sa vie comme il le souhaitait et grâce à laquelle il aurait pu subvenir à ses besoins n'eût été les gestes de l'employeur.

150 L'avocate de l'employeur a soutenu que rien dans la preuve n'indique un niveau mesurable de préjudice moral pour lequel le fonctionnaire aurait pu être indemnisé en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP. Contrairement à ce que la représentante de l'employeur a fait valoir, je crois qu'une preuve du préjudice moral subi par le fonctionnaire a été déposée devant moi, notamment la lettre du médecin (pièce 2, onglet 68) dans laquelle elle indique clairement l'incidence des actions de l'employeur sur le fonctionnaire et la quantité de stress que ces actions ont causé.

151 En fonction de cela et d'autres éléments de preuve déposés devant moi, j'évalue qu'une compensation de 10 000 $ doit être payée par l'employeur au fonctionnaire en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP. De plus, j'évalue qu'une compensation de 2 500 $ doit être payée par l'employeur au fonctionnaire en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP en reconnaissance du mépris délibéré ou inconsidéré par l'employeur de ses obligations prévues par la LCDP, la DC 254 et la Politique sur l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale du Conseil du Trésor (pièce 2, onglet 75) et pour ne pas avoir tout fait pour prendre des mesures d'adaptation appropriées à l'égard du fonctionnaire. Les tentatives de l'employeur pour prendre des mesures d'adaptation à l'égard du fonctionnaire après la décision malavisée de lui retirer les fonctions de chauffeur d'accompagnement ont atténué son comportement délibéré et inconsidéré, comme c'était le cas dans Milano c. Triple K. Transport Ltd., 2003 TCDO 30. C'est pour cette raison que j'ai évalué que les dommages visés par le paragraphe 53(3) de la LCDP se situaient à l'extrémité inférieure du spectre disponible des dommages.

152 L'avocat du fonctionnaire a demandé que, dans l'éventualité où le grief serait accueilli, j'accorde du temps aux parties pour qu'elles déterminent elles-mêmes les montants qui sont dus au fonctionnaire au titre du salaire perdu, des congés de maladie accumulés, des vacances et des autres avantages sociaux prévus par la convention collective.

153 Comme le PK a fermé en 2013, toute perte de salaire sera calculée jusqu'à la date de sa fermeture, après quoi le fonctionnaire aura droit à tout avantage auquel il aurait par ailleurs eu droit en vertu des dispositions relatives au réaménagement des effectifs de sa convention collective, y compris celles visant l'examen d'une offre d'emploi raisonnable. Tel qu'il a été mentionné ci-dessus, les parties m'ont fourni beaucoup d'arguments à l'appui de leur cause. Les avocats m'ont remis deux volumes de jurisprudence pour appuyer leurs arguments respectifs. Bien que j'aie lu chaque affaire, je n'ai renvoyé qu'à celles qui revêtaient une importance primordiale dans ma décision.

154 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

155 Le grief 566-02-5573 est accueilli.

156 L'employeur payera au fonctionnaire le montant de 10 000 $ en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

157 L'employeur payera au fonctionnaire le montant de 2 500 $ en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

158 La question sera renvoyée aux parties pour une période de 60 jours à compter de la date de la présente décision, période au cours de laquelle les parties devront établir et convenir des autres montants compensatoires qui sont dus au fonctionnaire, comme il est indiqué ci-dessus dans la présente décision.

159 Au plus tard dans les 60 jours suivant la date de la présente décision, les parties informeront la Commission si elles sont parvenues à une entente, tel qu'il est indiqué dans la présente décision.

160 Dans l'éventualité où les parties ne parviennent pas à s'entendre, tel qu'il est indiqué dans la présente décision, la question sera fixée pour une autre audience qui se tiendra au plus tard 90 jours suivant la date de la présente décision ou lorsque l'arbitre de grief sera disponible après cette date.

161 Je demeurerai saisie des affaires découlant de la présente ordonnance pour une période de 180 jours à compter de la date de la présente décision.

Le 11 mai 2015

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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