Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de la soutenir contre son employeur – la défenderesse a soulevé une objection préliminaire, alléguant qu'un grand nombre des allégations dans la plainte s'étaient produites en dehors des délais prescrits – la plaignante a allégué qu'elle avait été harcelée par son superviseur et que, par conséquent, elle était en congé de maladie – lorsqu'elle a été déclarée apte à retourner au travail, elle a refusé de retourner à son ancien poste et a consulté son agent négociateur, à la suite de quoi l'employeur a pris une mesure d'adaptation à son égard en lui offrant un nouveau poste – la plaignante, avec l'aide de son agent négociateur, a ensuite déposé une plainte de harcèlement, qui a été rejetée par l'employeur – la plaignante a communiqué avec son agent négociateur et lui a demandé s'il était possible de contester la décision de l'employeur – l'agent négociateur l'a informée qu'il étudierait sa demande – le jour suivant, la plaignante a déposé la présente plainte – la formation de la Commission a soutenu que la plaignante ne s'était pas acquittée de son fardeau de prouver que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable – en ce qui concerne la question des mesures d'adaptation, la formation de la Commission a soutenu qu'elle avait été bien représentée – en ce qui concerne la plainte de harcèlement, elle n'avait pas donné à son agent négociateur assez de temps pour étudier sa demande et elle avait déposé sa plainte prématurément. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date: 20150601
  • Dossier: 561-02-569
  • Référence: 2015 CRTEFP 51

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

JULIE INKEL

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Inkel c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stéphan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour la défenderesse:
Me Michel Gilbert, avocat
Affaire entendue à Québec, (Québec),
les 13 et 14 janvier 2015.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 12 juin 2012, Julie Inkel (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l'Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »). La plainte a été reçue et estampée par la Commission le 15 juin 2012. La plaignante a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant d'appuyer des griefs que la plaignante souhaitait présenter contre son employeur, Pêches et Océans Canada. Sa plainte a été déposée en vertu de l'alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui se lit comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l'employeur, l'organisation syndicale ou toute personne s'est livré à une pratique déloyale au sens de l'article 185.

2 L'article 185 de la Loi définit une pratique déloyale comme étant « tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) ou (2), les articles 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1) » de la Loi. La disposition de la Loi à laquelle renvoie l'article 185 s'appliquant plus pertinemment aux circonstances de la présente plainte est l'article 187, qui prévoit ce qui suit :

187. Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

3 Cette disposition a été édictée afin que les organisations syndicales et leurs représentants soient tenus d'assurer une représentation équitable, un devoir dont la défenderesse ne se serait pas acquittée, selon la plaignante.

4 Dans sa réponse initiale à la plainte, ainsi qu'au début de l'audience, la défenderesse a soulevé une objection préliminaire, affirmant que plusieurs allégations sur lesquelles la plainte s'appuyait étaient irrecevables et ne pouvaient être considérées puisqu'elles ne s'étaient pas produites à l'intérieur du délai prévu par le paragraphe 190(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

5 Ainsi, selon la défenderesse, toute mesure, action, omission ou circonstance pouvant avoir donné lieu à la plainte et dont la plaignante avait connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, avant le 17 mars 2012, c'est-à-dire 90 jours avant le dépôt de la plainte, sont irrecevables et non pertinentes aux fins de cette instance. La plaignante n'a pas contesté la position de la défenderesse à cet égard et n'a présenté aucune preuve pertinente ou documentation datant d'avant mars 2012.

6 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission.

II. Résumé de la preuve

7 La plaignante a témoigné pour son propre compte et n'a pas cité d'autres témoins. L'avocat de la défenderesse a fait entendre deux témoins, soit Michel Plamondon, le président de la section locale 10050 du Syndicat des travailleurs de l'environnement, une affiliation de la défenderesse, ainsi que Nathalie Tardif, vice-présidente de ladite section.

8 La plaignante a témoigné qu'elle était au service de Pêches et Océans Canada depuis plusieurs années. Elle a indiqué qu'à la suite de l'arrivée d'un nouveau gestionnaire en 2008, elle avait subi du harcèlement de la part de celui-ci et avait pris un congé de maladie du 22 juin 2009 au 2 février 2012. Bien que la plaignante ait mentionné brièvement certains échanges entre elle et des représentants de la défenderesse entre juillet 2011 et décembre 2011, principalement dans le but de fournir un certain contexte quant à son statut d'emploi et son retour au travail, elle n'a fourni aucune précision ni déposé aucun document concernant ces échanges puisque ceux-ci s'étaient produits bien avant la période de 90 jours prévue par le paragraphe 190(2) de la Loi, et que la plaignante en avait également eu connaissance avant ce délai.

9 Quant aux faits pertinents à cette affaire, la plaignante a témoigné qu'elle avait rencontré son superviseur immédiat le 1er mars 2012 que celui-ci lui avait remis une lettre de Santé Canada confirmant qu'elle était apte à retourner à son poste de travail sans aucune restriction. Elle devait donc retourner à son ancien poste de travail dès le 19 mars 2012. La lettre en question n'a pas été déposée en preuve.

10 La plaignante a refusé de retourner à son ancien poste de travail et a demandé à son employeur d'obtenir des clarifications de la part de Santé Canada ou d'obtenir une nouvelle évaluation de Santé Canada quant à son aptitude à retourner dans son ancien poste compte tenu de la situation de harcèlement de 2009 qui avait, selon elle, mené à son congé de maladie prolongé. L'employeur a refusé.

11 Le 12 mars 2012, la plaignante a consulté M. Plamondon et Mme Tardif concernant la position de l'employeur. Celle-ci a témoigné à l'effet qu'elle voulait qu'un grief soit déposé afin de contester la position de l'employeur. Toutefois sa plainte indique que la plaignante cherchait seulement à connaitre ses options. Comme suite à une série de courriels impliquant M. Plamondon et l'employeur, ainsi qu'une rencontre entre M. Plamondon et un représentant de l'employeur, la plaignante a éventuellement été affectée à un autre poste à la Garde Côtière en guise de mesure d'accommodement. Elle occupait toujours ce poste au moment du dépôt de sa plainte. Elle n'a donc pas eu à se présenter à son ancien poste de travail le 19 mars 2012. Selon M. Plamondon, son objectif était de trouver la meilleure solution possible et dans les limites de ce que pouvait exiger l'agent négociateur dans de telles circonstances. Sa priorité était d'entreprendre un dialogue avec l'employeur et de conserver le lien d'emploi et le salaire de la plaignante, plutôt que de déposer un grief qui avait peu de chance de succès. Il s'agissait là, selon lui, d'une représentation adéquate et appropriée qui a mené à un résultat positif pour la plaignante.

12 Le 30 mars 2012, la plaignante a déposé une plainte de harcèlement à l'encontre de son ancien gestionnaire concernant des évènements datant de 2008-2009. M. Plamondon a témoigné que cette plainte avait été complétée avec l'appui et l'assistance de l'agent négociateur. Il m'a renvoyé à plusieurs courriels démontrant l'étude de la plainte faite par celui-ci, ainsi que les nombreuses recommandations et conseils fournis à la plaignante avant le dépôt de sa plainte de harcèlement. Selon M. Plamondon, il s'agissait là d'un autre exemple de représentation adéquate et appropriée de la part de la défenderesse.

13 Le 6 juin 2012, la plaignante a été informée par l'employeur que sa plainte de harcèlement était non fondée. Cette lettre n'a pas été déposée en preuve. Le 11 juin 2012, la plaignante a envoyé un courriel à M. Plamondon et à Mme Tardif afin de leur demander si elle pouvait contester cette décision de l'employeur. À cette même date, et à deux reprises, M. Plamondon lui a répondu qu'il voulait procéder à certaines vérifications et qu'il allait lui revenir sous peu.

14 Le 12 juin 2012, la plaignante a rédigé cette plainte et l'a fait parvenir à la Commission, qui l'a reçu le 15 juin 2012. La plaignante a confirmé n'avoir pas reçu la réponse de M. Plamondon, à savoir s'il était possible de contester la décision de l'employeur concernant sa plainte de harcèlement, avant de rédiger et de déposer sa plainte de pratique déloyale à l'encontre de la défenderesse.

15 Le 14 juin 2012, M. Plamondon a informé la plaignante par courriel que le processus interne de plainte de harcèlement de l'employeur n'était pas arbitrable et que la défenderesse n'allait pas fournir une représentation dans ce dossier.

16 Le 28 juin 2012, la plaignante a envoyé un courriel à M. Plamondon et à Mme Tardif dans lequel elle a indiqué avoir déposé sa plainte à la suite des recommandations de tierces parties. Dans le courriel, elle s'est excusé et a dit qu'elle ne visait ni M. Plamondon ni Mme Tardif personnellement, qu'elle reconnaissait qu'ils avaient fait ce qu'ils pouvaient dans ce dossier, qu'il n'y avait rien dans sa plainte qui visait leurs agissements ou conduites, qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter puisqu'elle n'avait demandé aucune mesure de redressement dans sa plainte, qu'elle les remerciait de l'avoir appuyé depuis novembre 2011 et qu'elle appréciait tout ce qu'ils avaient fait pour elle. J'ai cru utile de reproduire certains passages de ce courriel qui se lit ainsi :

Tu as dû recevoir une lettre de la commission (bla bla bla), j'oublie le nom des relations de travail t'avisant que j'avais déposé une plainte contre le syndicat. je l'ai fait, mais je m'en excuse, je ne vise aucunement ta personne, ni Nathalie. Je sais que vous avez fait ce que vous pouviez dans mon dossier. […] Alors Michel, Nathalie, y a rien dans la plainte contre vous, j'ai dû nommer Michel comme représentant mais j'ai aussi clairement mentionné que je portais contre le syndicat, et non pas contre les personnes qui me représentaient.

Ne pas vous inquiéter donc car à la question : que voulez-vous comme mesure de redressement? j'ai rien mis. Juste que ma plainte suive son cours à la Commission et qu'on ne retourne pas le dossier au MPO pour me défendre.

J'apprécierais qu'on s'en parle Nathalie et Michel pour clarifier le tout. Je ne veux tellement pas vous mettre dans la m……. j'ai tendence à écouter les conseils de la Commission et je veux mettre toutes les chances de mon côté pour qu'un enquêteur se penche enfin sur mon dossier. Voilà, pourquoi j'ai déposé cettre plainte.

En terminant, merci de m'avoir secondé depuis novembre dernier, j'apprécie tout ce que vous faites pour moi. J'espère que ceci ne changera rien à notre relation.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la plaignante

17 Les arguments de la plaignante ont été très brefs. Celle-ci a simplement soutenu que la défenderesse avait un devoir de lui fournir du support et de l'aide à l'égard de ses différents conflits avec l'employeur. Celle-ci semblait parfois faire référence à des évènements de 2011 qui ne pouvaient évidemment pas être retenus à l'appui de sa plainte compte tenu du délai applicable, ce qu'elle a reconnu dès l'ouverture de l'audience.

18 En ce qui a trait à son dossier de harcèlement, la plaignante a fait valoir que la défenderesse avait agi de manière arbitraire et superficielle et qu'elle n'avait pas procédé à une étude sérieuse et approfondie de son dossier.

19 Bien que la plaignante n'ait pas fait état de mesures correctives concrètes dans sa plainte, tel qu'il est démontré dans le formulaire de plainte et son courriel du 28 juin 2012, elle a demandé à l'audience le remboursement de cotisations syndicales, sans toutefois préciser pour quelle période et à quel taux, ainsi qu'une somme de 100 000$ pour préjudice moral.

B. Pour la défenderesse

20 La défenderesse a par ailleurs soutenu que la plaignante avait manqué à son obligation de s'acquitter du fardeau lui incombant d'établir que la défenderesse ou ses représentants, selon le cas, avaient agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi et que la plainte était sans fondement.

21 L'avocat de la défenderesse m'a renvoyé à plusieurs courriels démontrant jusqu'à quel point sa cliente avait fourni, à plus d'une reprise, une représentation adéquate et appropriée à la plaignante. Selon lui, si sa cliente n'a pas procédé à une étude sérieuse ou approfondie du dossier de harcèlement, c'est qu'elle n'a pas eu l'occasion de le faire avant le dépôt de la plainte.

22 Concernant les mesures correctives demandées par la plaignante à l'audience, la défenderesse m'a rappelé qu'aucune demande de ce genre n'avait été réclamée par la plaignante auparavant et plus particulièrement dans sa plainte. De plus, la défenderesse a également soutenu qu'aucune preuve n'avait été présentée par la plaignante au soutien de ces réclamations.

IV. Motifs

23 Tel qu'il a été statué par l'ancienne Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, dans une plainte fondée sur l'article 187, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Ainsi, la plaignante avait le fardeau de présenter des faits suffisants pour établir que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable.

24 Aussi, tel qu'évoqué dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, il ne revient pas à la Commission de déterminer si la décision de la défenderesse de ne pas représenter la plaignante était judicieuse, voire bien fondée ou mal fondée. La Commission doit plutôt statuer sur la question de savoir si la défenderesse a agi de mauvaise foi, ou de manière arbitraire ou discriminatoire, dans le cadre du processus décisionnel menant à sa réponse en ce qui a trait à la représentation de la plaignante.

25 Ce qui est requis pour étayer une allégation de mauvaise foi ou d'agissement arbitraire ou discriminatoire a fait l'objet de bon nombre de décisions de l'ancienne Commission ainsi que celle-ci. Ainsi, dans Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95, la Commission a renvoyé à certains des cas ayant fait jurisprudence en la matière de la façon suivante :

[…]

22 Sur le terme arbitraire, la Cour suprême du Canada, dans Noël c. Société d'énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, écrit au paragraphe 50 :

Se reliant étroitement, les concepts d'arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L'élément de l'arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d'un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n'a cependant pas droit à l'enquête la plus poussée.

[…]

23 Dans International Longshore and Wharehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d'appel fédérale, sur la question du caractère arbitraire d'une décision, écrit que, pour faire la preuve d'un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

[…]

26 La décision d'un agent négociateur quant à savoir s'il y a lieu d'assurer la représentation a aussi fait l'objet d'un examen par l'ancienne Commission dans Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, où elle énonce notamment les orientations et les principes utiles suivants à cet égard :

[…]

44 […] Il revient à l'agent négociateur de décider des griefs qu'il traite et de ceux qu'il ne traite pas. Pour prendre ces décisions, l'agent négociateur peut se fonder sur les ressources et les besoins de l'organisation syndicale dans son ensemble (Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13). Ce processus décisionnel de l'agent négociateur a été décrit comme suit dans Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :

[Traduction]

[…]

42. Lorsqu'un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l'effet sur d'autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n'est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n'équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

27 La preuve présentée en l'espèce ne m'a pas convaincu que la défenderesse ou ses représentants ont manifesté une attitude insensible ou nonchalante envers les intérêts de la plaignante; il n'a pas par ailleurs été établi que ceux-ci auraient agi pour des motifs inappropriées ou par hostilité à son égard ni que les représentants de la défenderesse aient établi une distinction entre des membres de l'unité de négociation en se fondant sur des motifs illégaux, arbitraires ou déraisonnables. Les nombreux courriels de Mme Tardif et de M. Plamondon en témoignent clairement, dont, par exemple, celui de Mme Tardif du 13 mars 2012.

28 Je suis convaincu que la plaignante a obtenu une représentation adéquate et appropriée dans les circonstances de cette affaire, plus particulièrement en ce qui a trait à son affectation à un poste de travail à la Garde Côtière. En ce qui a trait au dossier de la plaignante concernant sa plainte de harcèlement et plus particulièrement son désir de contester le rejet de cette plainte par l'employeur, je ne peux évidemment pas conclure que les circonstances de ce dossier avaient été dûment étudiées par la défenderesse, que le bien-fondé de ce dossier avait été dûment soupesé et qu'une décision motivée avait été prise par celle-ci quant à la pertinence de donner suite à la décision de l'employeur, car on ne lui a pas donné la chance de le faire.

29 Sans pour autant demander formellement une représentation de la part de la défenderesse, la plaignante a consulté celle-ci le 11 juin 2012 afin d'obtenir des suggestions, de s'informer à propos de ses options et des prochaines étapes et de savoir s'il était possible de contester la décision de l'employeur concernant sa plainte de harcèlement. Le lendemain, elle a rédigé et déposé sa plainte de pratique déloyale à l'égard de la défenderesse sans même attendre de prendre connaissance des réponses de la défenderesse aux questions qu'elle lui avait posées le jour précédent. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la plaignante a agi de manière précipitée et qu'elle n'a donné aucune possibilité à la défenderesse de faire les vérifications qui s'imposaient et de lui répondre de façon plus étoffée et détaillée. Il m'est donc impossible d'en arriver à la conclusion que la défenderesse ou ses représentants ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans ce dossier.

30 Même si des réponses plus étoffées et détaillées avaient été fournies à la plaignante dans le courriel du 14 juin 2012 de M. Plamondon, ces réponses ne pourraient pas constituer le fondement de cette plainte de pratique déloyale car celles-ci n'étaient pas connues de la plaignante au moment où elle a rédigé et déposé sa plainte. Le témoignage de la plaignante était clair sur ce point.

31 Tel qu'il a été soutenu par la défenderesse, la plaignante a manqué à son obligation d'établir des faits étayant l'existence d'une violation visée à l'article 190 de la Loi. Aucun acte ou omission de la part des représentants de la défenderesse, plus particulièrement en ce qui a trait à M. Plamondon et à Mme Tardif, ne pourrait être considéré comme étant arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. En fait, le courriel de la plaignante du 28 juin 2012 appuie pleinement cette conclusion.

32 Puisque j'ai conclu que la défenderesse n'avait pas violé l'article 190 de la Loi, il n'est pas nécessaire d'aborder la question des mesures correctives. Toutefois, je tiens à souligner le fait qu'aucune preuve n'a été déposée par la plaignante durant l'audience quant aux cotisations syndicales versées par celle-ci ou quant au préjudice moral qu'elle aurait prétendument subi.

33 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

34 La plainte est rejetée.

Le 1er juin 2015.

Stéphan J. Bertrand,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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