Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il avait reçu une rémunération inadéquate pour un déplacement qu’il avait fait en vue d’effectuer des réparations aux systèmes d’un navire à Stockholm, en Suède – il a contesté la partie du voyage de Halifax à Londres, qui s’est étendu sur ses deux jours de repos, au cours desquels il a effectué un trajet de 3 heures et 30 minutes le premier jour et de 7 heures et 30 minutes le deuxième jour, pour un total de 11 heures – il a été rémunéré 22 heures au taux des heures normales pour cette partie du voyage, mais il a prétendu qu’il aurait également dû être rémunéré conformément à la clause 17.03d) de sa convention collective, qui, selon lui, prévoit un avantage indépendant lorsqu’un employé voyage pendant plus de 4 heures entre 22 h et 6 h et que le coucher n’est pas fourni – l’employeur a fait valoir que cette clause ne prévoit pas un avantage indépendant, mais que celle ci existe afin d’accroître la rémunération des employés qui voyagent de nuit dans des circonstances où la rémunération pour le déplacement se trouve autrement limitée par l’effet des autres clauses de l’article 17 – l’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur selon lequel la clause 17.03d) vise à offrir un avantage supplémentaire lorsque la limite de la rémunération en vertu des clauses a), b) ou c) est atteinte – il a également rejeté l’interprétation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle la clause 17.03d) prévoit un avantage indépendant – l’arbitre de grief a soutenu que la clause 17.03d) prévoit la rémunération d’un employé qui voyage selon certaines conditions et qu’elle n’a pas à être utilisée en plus des autres clauses à l’article 17 ou conjointement avec celles ci. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150622
  • Dossier: 566-02-6437
  • Référence: 2015 CRTEFP 57

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT ARSENAULT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Arsenault c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ronald A. Pink et Jilllian Houlihan, avocats
Pour l'employeur:
Zorica Guzina et Martin Desmeules, avocats
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
le 23 janvier et le 4 novembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Robert Arsenault, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») est employé par le Conseil du Trésor au ministère de la Défense nationale (l’« employeur ») et, pendant la période importante, il était un spécialiste en systèmes électroniques dans la section des Armes de surface à l’Installation de maintenance de la flotte (« IMF ») de l’employeur à Cape Scott, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

2 Le 7 septembre 2010, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu aux clauses 2.01g), 15.01b) et c), et 17.03d) de la convention collective, datée du 16 juin 2008, entre le Conseil du Trésor et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) pour le groupe Réparation des navires – est) (la « convention collective »). À titre de réparation, le fonctionnaire a demandé à être intégralement rémunéré pour une période supplémentaire de six heures et demie à laquelle il croit avoir droit à un taux de rémunération approprié, ce qui correspond au taux des heures supplémentaires au tarif double.

3 L’employeur a rejeté le grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs, l’employeur soutenait que le grief était hors délai. Cependant, cette position n’a pas été maintenue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs; l’employeur n’a pas soulevé cette question pour s’y opposer à l’arbitrage.

4 Les parties étaient d’accord sur la plupart des faits saillants. Un témoin a témoigné, pour le compte de l’employeur — Ian Mitchell. Une pièce, G-1, a été déposée conjointement par les parties, pièce qui était composée des documents suivants :

  1. un résumé des déplacements du fonctionnaire, qui comprenait les heures en déplacement et le code de paie auquel ces heures ont été imputées pour le segment du déplacement de Halifax à Londres (1 page);
  2. la demande de remboursement des frais de déplacement du fonctionnaire (6 pages);
  3. la ventilation de la rémunération de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour le fonctionnaire pour le voyage de Halifax à Stockholm (2 pages);
  4. le talon de paye du fonctionnaire pour le paiement qui lui a été émis pour le voyage de Halifax à Stockholm (1 page).

5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (C.P. 2014-1107). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le jour où le paragraphe 366(1) de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 entre en vigueur se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 366 à 470 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

6 Le fonctionnaire fait partie d’un groupe de personnes qui sont des techniciens et des gens de métier compétents qui assurent l’entretien de différents systèmes opérationnels à bord des navires de la Marine royale canadienne. Ils sont basés à l’IMF à Cape Scott, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Compte tenu de la nature de leur travail, l’employeur exige d’eux qu’ils voyagent à l’endroit où se trouve n’importe quel navire pour réparer les systèmes.

7 En juin 2010, l’employeur du fonctionnaire a exigé de lui qu’il se rende à Stockholm, en Suède, en partance d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour effectuer des réparations. Le soir du samedi 5 juin 2010, le fonctionnaire est parti de sa résidence dans la région d’Halifax et s’est rendu à l’aéroport international de Halifax, où il a pris un vol commercial vers Londres, en Angleterre. Le vol est parti de Halifax à 23 h 35 HAA, il a voyagé de nuit et est arrivé à 9 h 35 TUC (5 h 35 HAA), le matin du dimanche 6 juin 2010. À son arrivée à Londres, le fonctionnaire est demeuré à l’hôtel. Le lundi 7 juin 2010 au matin, il est parti de Londres pour Stockholm.

8 C’est la partie du déplacement de Halifax à Londres qui donne lieu au grief dont je suis saisi.

9 Les 5 et 6 juin 2010 étaient des jours de repos pour le fonctionnaire.

10 Le fonctionnaire a été en déplacement pendant 3 heures et 30 minutes le 5 juin 2010 et pendant 7 heures et 30 minutes le 6 juin 2010, pour un total de 11 heures. La durée du vol vers Londres était de 5 heures et 50 minutes, le reste des 11 heures de déplacement s’est écoulé en déplacement vers les aéroports ou en provenance de ceux-ci ou en attente dans les aéroports.

11 La clause 2.01g) de la convention collective (la « clause 2.01g) ») définit le terme « journée » comme suit :

« journée » désigne une période de vingt-quatre heures :

  1. commençant à 23 h 45 une journée et se terminant à 23 h 45 le lendemain dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02a);
  2. commençant à 00 h 00 et se terminant à 24 h 00 dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02b);

et

  1. commençant à 00 h 15 une journée et se terminant à 00 h 15 le lendemain dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02c).

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

12 La clause 2.01h) de la convention collective définit le terme « tarif double » comme le taux des heures normales multiplié par deux (2).

13 La clause 2.01r) de la convention collective définit le terme « taux des heures normales » comme le taux de rémunération horaire.

14 L’article 15 de la convention collective porte sur la durée du travail et les heures supplémentaires, et, selon la clause 15.01a) de la convention collective, la durée du travail est fixée à quarante (40) heures par semaine et à huit (8) heures par jour.

15 La clause 15.01b) de la convention collective (la « clause 15.01b) ») définit comme suit la semaine de travail et les jours de travail :

  1. de 23 h 45 le dimanche jusqu’à 23 h 45 le vendredi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02a);
  2. de lundi à vendredi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02b);

et

  1.  de 00 h 15 le lundi jusqu’à 00 h 15 le samedi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02c).

16 Selon la clause 15.02 de la convention collective, la durée du travail est fixée comme suit :

  1. le premier poste (nuit) s’étend de 23 h 45 à 8 h 15 avec une pause repas non payée de 03 h 45 à 04 h 15;
  2. le deuxième poste (jour) s’étend de 07 h 45 à 16 h 15 avec une pause repas non payée de 12 h 00 à 12 h 30;
  3. le troisième poste (soir) s’étend de 15 h 45 à 00 h 15 avec une pause repas non payée de 19 h 45 à 20 h 15.

17 L’article 17 porte sur les déplacements.

18 La clause 17.02c) de la convention collective (la « clause 17.02c) ») stipule que, lorsqu’un employé en voyage parcourt plus d’un (1) fuseau horaire, le calcul sera effectué comme s’il était demeuré dans le fuseau horaire du point de départ, pour les voyages ininterrompus, et dans le fuseau horaire de chaque point où il fait une escale d’une nuit, après le premier jour de voyage.

19 La clause 17.03 de la convention collective (la « clause 17.03 ») porte sur les déplacements d’un employé à un endroit éloigné de son lieu de travail normal et prévoit ce qui suit :

17.03 Lorsqu’un employé est tenu par l’Employeur de se rendre à un endroit qui est éloigné de son lieu de travail normal, il est rémunéré dans les conditions suivantes :

a) Durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales;

b) Durant une journée de travail normale où il voyage et travaille :

  1. pour les heures de travail normales d’horaire, il est rémunéré au taux normal et ne touche pas plus de huit (8) heures de rémunération;
  2. au taux des heures supplémentaires pour toute heure effectuée en dehors de ses heures de travail normales d’horaire;
  3. au taux des heures supplémentaires applicable pour tout trajet effectué en dehors de ses heures de travail normales d’horaire jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt-quatre (24) heures.

c) Durant un jour de repos où il voyage et travaille, au taux des heures supplémentaires :

  1. pour tout temps de trajet et pour un montant ne devant pas excéder quinze (15) heures de rémunération au taux normal,

et

  1. pour toute heure travaillée.

d) Nonobstant les restrictions énoncées aux alinéas a), b) et c) de la clause 17.03, l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas, durant plus de quatre (4) heures au cours de la période allant de 22 heures à 6 heures, sans que le coucher lui soit fourni, est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’à concurrence de quinze (15) heures de rémunération au taux normal.

20 Les parties ont convenu que, dans la convention collective qui a expiré le 31 décembre 1999, les parties de la clause 17.03 actuelle qui prévoient 15 heures indiquent 8 heures et que, dans la convention collective qui a été conclue en 2000, les parties de la clause 17.03 actuelle qui prévoient 15 heures indiquent 12 heures.

21 L’employeur a rémunéré le fonctionnaire pour la partie de son déplacement de Halifax à Londres un total de 11 heures à tarif double (22 heures au taux normal des heures normales).

22 M. Mitchell occupe à l’heure actuelle le poste de gestionnaire de la production intérimaire à l’IMF Cape Scott. Il occupe ce poste depuis juillet 2014. Avant cela, en 2010, M. Mitchell était le gestionnaire du groupe 6 pour la section des Armes de surface. Il est responsable de l’ensemble des fonctions de gestion au sein de la section, y compris la responsabilité des délégations en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11). Le fonctionnaire relève indirectement de lui.

23 Le résumé de la pièce G-1 montre que, sur les 11 heures de trajet du fonctionnaire, 10 d’entre elles ont été imputées au code de paie 3716, que M. Mitchell a désigné comme le code de paie pour les déplacements au taux des heures supplémentaires ou à tarif double. L’heure restante du voyage a été imputée au code de paie 3756, que M. Mitchell a désigné comme le code de paie pour les périodes sans repos, aux termes de la clause 17.03d) de la convention collective.

24 En contre-interrogatoire, on a présenté le résumé de la pièce G-1 à M. Mitchell et on lui a demandé pourquoi la paie du fonctionnaire pour le 6 juin 2010 avait été calculée au moyen de deux codes de paie distincts. M. Mitchell n’arrivait pas à se souvenir pourquoi on avait effectué un calcul proportionnel entre les deux codes et pourquoi on avait utilisé ce montant précis.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

25 Le segment du voyage du fonctionnaire de Halifax à Londres s’est étendu au total sur 11 heures de déplacement; 3 heures et 30 minutes le samedi 5 juin 2010 et 7 heures 30 minutes le dimanche 6 juin 2010. Le fonctionnaire se trouvait alors en jours de repos désignés et il n’était pas prévu qu’il travaille; et il n’a pas travaillé. Pendant ces journées, son déplacement était assujetti à la clause 17.03a) de la convention collective, qui prévoit que, durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou aux taux supplémentaires applicables durant ses heures de trajet, mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales.

26 Le fonctionnaire a voyagé de nuit sur un vol commercial au cours de la période entre 22 h et 6 h, sans que le coucher lui soit fourni; par conséquent, le déplacement invoque la clause 17.03d).

27 Ce qu’a fait l’employeur, c’est de payer le fonctionnaire 7 heures au taux des heures normales pour ses 3 heures et 30 minutes de trajet le 5 juin 2010 et 15 heures au taux des heures normales pour ses 7 heures et 30 minutes de trajet le 6 juin 2010. Cela couvre intégralement les 22 heures qu’a duré réellement le trajet. Ce que l’employeur n’a pas fait, c’est de le payer aux termes de la clause 17.03d). Selon le fonctionnaire, il s’agit d’un avantage distinct pour les déplacements lorsqu’un employé voyage pendant la période entre 22 h et 6 h et que le coucher n’est pas fourni. Cet avantage est offert pour le dérangement; il s’agit d’une prime additionnelle de 15 heures au taux des heures normales ou « nonobstant » les montants versés aux termes de la clause 17.03a), b) ou c), selon le cas.

28 Le fonctionnaire a déclaré que, pour comprendre pleinement ce que signifie la clause 17.03d), il faut comprendre le sens d’un certain nombre de mots clés. Le premier de ces mots est « nonobstant », qui, selon le Black’s Law Dictionary a le sens de [traduction] « malgré ». Les termes que « nonobstant » vise à modifier sont ceux qui le précèdent immédiatement aux clauses 17.03a), b) et c). Dans le cas du fonctionnaire, il modifierait expressément la clause 17.03a). La limite établie à la clause 17.03a) est la période de 15 heures au taux des heures normales pour laquelle un employé est rémunéré durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas.

29 La clause 17.03a) utilise également les mots « […] le montant total ne doit pas dépasser […] ». Cela signifie que, malgré le nombre d’heures de trajet réel pendant n’importe quelle journée (le terme « journée » étant défini à la clause 2.01g)), vous recevrez un montant maximal correspondant à 15 heures au taux des heures normales. Dans le cas du fonctionnaire, hypothétiquement, s’il avait voyagé pendant 8 heures un samedi pendant lequel il ne travaillait pas, il ne recevrait pas 8 heures de salaire au tarif double, mais seulement les 7,5 heures au tarif double, car c’est l’équivalent de 15 heures au taux des heures normales et cela correspond au maximum convenu à la clause 17.03a).

30  La clause 17.03d) prévoit des conditions qui doivent être satisfaites pour que l’avantage supplémentaire prévu à la clause 17.03d) soit payable. Dans un premier temps, l’employé doit voyager pendant la période entre 22 h et 6 h. Ensuite, la durée du trajet doit être supérieure à 4 heures. Dans un troisième et dernier temps, le coucher ne doit pas être fourni à l’employé. Si l’une de ces conditions n’est pas satisfaite, l’avantage n’est pas prévu aux termes de la clause 17.03d). Cependant, si toutes ces conditions sont respectées, l’avantage est payable.

31 Le montant de l’avantage correspond à 15 heures complètes au taux des heures normales. C’est le prix que l’employeur doit payer pour demander à un employé de voyager à l’étranger de nuit sans lui fournir le coucher. L’employeur peut choisir d’orienter l’employé sur une autre voie, de sorte que l’employé ne satisfait pas aux conditions prévues à la clause 17.03d) et, par conséquent, il n’aurait pas à payer l’avantage. Hypothétiquement, le fonctionnaire aurait pu être orienté vers un autre aéroport, comme Toronto par exemple, selon l’horaire régulier de travail par poste de jour, et, nonobstant le nombre d’heures de trajet, il ne serait tenu de payer au fonctionnaire qu’un maximum de 15 heures au taux des heures normales.

32 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor,2011 CRTFP 80 (« IPFPC »), qui portait sur l’interprétation d’une clause d’une convention collective qui prévoyait le salaire des employés pendant qu’ils voyageaient hors de l’Amérique du Nord pendant un jour de repos ou un jour férié désigné payé. La clause en question était rédigée comme suit :

[…]

ARTICLE 13

TEMPS DE DÉPLACEMENT

13.01 Lorsque l’employé est tenu par l’Employeur de voyager pour exécuter des fonctions hors de sa région du lieu d’affectation, il est rémunéré de la façon suivante :

[…]

c) Un jour de repos ou un jour férié désigné payé, l’employé est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour les heures de voyage effectuées jusqu’à un maximum de douze heures (12) de rémunération calculées au taux ordinaire ou quinze heures (15) de rémunération calculées au taux ordinaire lorsqu’il voyage hors de l’Amérique du Nord.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

33 Dans IPFPC,l’employeur payait jusqu’à concurrence de 12 heures ou de 15 heures par déplacement aux employés. L’agent négociateur a fait valoir que cette pratique était erronée et que la clause en question, lorsqu’elle est lue en parallèle avec les autres clauses, prévoyait un paiement d’un maximum de 12 heures ou de 15 heures de salaire par jour pour un déplacement.

34 Dans IPFPC, l’arbitre de grief a accepté la position de l’agent négociateur et a conféré au libellé des clauses de la convention collective leur sens distinctif. L’arbitre de grief a affirmé ce qui suit au paragraphe 19 d’IPFPC : « […] on doit donner un sens distinct à chaque mot ou à son absence d’une clause et attribuer aux termes différents des sens différents ».

35 Selon l’employeur, si vous n’atteignez pas votre maximum de 15 heures au taux des heures normales pour un déplacement pendant une journée donnée, nonobstant le fait que vous avez voyagé pendant plus de quatre heures pendant la période comprise entre 22 h et 6 h et que le coucher ne vous a pas été fourni, la clause 17.03d) n’a aucun sens. Le fonctionnaire soutient que l’employeur interprète la clause 17.03d) de la convention collective. Il s’agit d’un résultat illogique, car il dépouille la clause 17.03d) de tout sens.

36 La clause 17.03d) a recours aux mots « […] jusqu’à concurrence de […] (15) heures […] » alors que d’autres parties de la clause 17.03 utilisent les mots « jusqu’à un maximum de ». Il y a une différence entre ces expressions; « jusqu’à un maximum de » indique le maximum que vous pouvez obtenir.

37 Le fonctionnaire affirme que cela n’est pas une escalade.

38 Le fonctionnaire demande que l’on ordonne à l’employeur de payer au fonctionnaire le montant dû aux termes de la clause 17.03d).

B. Pour l’employeur

39 La question à trancher est le sens de la clause 17.03d). La position de l’employeur est que le fait d’attribuer à la clause 17.03d) le sens présenté par le fonctionnaire équivaudrait à un cumul ou à une escalade.

40 L’employeur m’a renvoyé à la page 125 de l’ouvrage Collective Agreement Arbitration in Canada, Palmer et Palmer, troisième édition, où il est indiqué ce qui suit au paragraphe 4.19 :

[Traduction]

[…]

En résumé, lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé cherche à obtenir deux avantages pour le même travail, il incombe à cette personne de présenter un motif valide pourquoi les deux avantages devraient être payés. Comme il a été indiqué :

« Escalade » n’est pas un terme d’art dont le sens est précis. Habituellement, il a pour sens l’offre de deux avantages monétaires ou plus à l’égard de la même période. Selon de nombreux arbitres, il existe une présomption défavorable à l’escalade et une preuve claire est requise avant l’octroi du paiement des deux avantages se rapportant à la même période de temps.

41 L’employeur m’a également renvoyé à Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty, troisième édition, au paragraphe 8:2140, [traduction] « Escalade », où il est indiqué qu’il existe une présomption contre l’escalade, mais que celle-ci peut être réfutée. Selon l’employeur, pour réfuter cette présomption, le facteur clé est la détermination de la fin de la clause. Pour aider à cet égard, l’employeur m’en renvoyé à Louisiana-Pacific Canada Limited (Golden) v. United Steelworkers, Local 1-405 (Dahlin Grievance),[2013] B.C.C.A.A.A. No. 53 (QL) (« Louisiana-Pacific Canada Limited »).

42 Selon le paragraphe 44 de Louisiana-Pacific Canada Limited, il incombe à l’arbitre de déceler l’intention mutuelle des parties dans les interprétations conflictuelles présentées par les parties. On m’a aussi renvoyé au paragraphe 54, où l’on cite l’arbitre Bird dans Pacific Press v. Graphic Communications International Union, Local 25-C,[1995] B.C.C.A.A.A. No. 637 (QL), établissant les canons de la construction. On m’a renvoyé aux quatre premiers de ces canons, comme suit :

[Traduction]

  1. Le but de l’interprétation est de découvrir l’intention mutuelle des parties.
  2. La principale ressource d’une interprétation est la convention collective.
  3. La preuve extrinsèque (preuve extérieure au registre officiel de la convention, soit la convention collective écrite elle-même) est utile uniquement lorsqu’elle révèle l’intention mutuelle.
  4. La preuve extrinsèque peut préciser mais non contredire une convention collective.

43 Le paragraphe 59 de Louisiana-Pacific Canada Limited renvoyait au passage suivant de Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada, aux pages 282-283 :

[Traduction]

On a laissé entendre dans quelques-unes des premières décisions qu’il existe une présomption arbitrale contre l’escalade des avantages. Dans la décision fréquemment citée Ault Milk Products Ltd. and R.W.D.S.U., Local 440 (1962), 12 L.A.C. 279 (Anderson), le conseil a tranché au paragr. 282 :

Si un contrat se prête à deux interprétations et que l’une de ces interprétations concerne l’escalade des heures supplémentaires et que l’autre ne concerne pas l’escalade des heures supplémentaires, le conseil d’arbitrage, en l’absence de libellé précis dans le contrat, devrait accepter l’interprétation qui ne prévoit pas de paiements supplémentaires de pénalités en raison de l’escalade des heures supplémentaires.

[…]

Dans Headwaters Health Care Centre v. Ontario Nurses Assn., [2004] O.L.A.A. No. 332 (QL), l’arbitre Surdykowski a présenté un résumé concis de la règle contre l’escalade :

[…]

[…] il est manifeste que, dans sa forme moderne, la « règle » contre l’escalade existe sous forme d’une présomption réfutable qui est elle-même assujettie aux modalités de la convention collective particulière. La présomption est que les parties n’avaient pas l’intention […] que les employés reçoivent plus d’une prime en plus de leur taux de rémunération régulier pour les mêmes heures de travail […]

[…]

44 La clause 17.03d) porte sur les déplacements; cependant, le fonctionnaire la désigne comme une clause sur [traduction] « l’absence de fourniture du coucher ». Chaque clause dans la convention collective doit avoir un sens. L’interprétation de l’employeur ne dépouille pas la clause 17.03d) de son sens. Si un employé voyage pendant un jour de repos, comme c’était le cas du fonctionnaire, un samedi, et qu’il part à 7 h 30, peu importe la durée de son trajet, il n’a droit qu’à un maximum de 15 heures au taux des heures normales. Par conséquent, pendant un jour de repos, un employé qui ne travaille pas, mais qui effectue un trajet de 8 heures ne serait rémunéré que 15 heures au taux des heures normales au lieu de 16 heures. Étant donné que le déplacement a lieu pendant un jour de repos, l’ensemble de la durée du trajet est rémunéré au taux des heures supplémentaires, soit au tarif double. Aux termes de la clause 17.03a), le maximum serait cependant de 15 heures. Si l’employé a voyagé pendant la période comprise entre 7 h 30 et 19 h30, malgré le fait que son trajet a duré 12 heures, il n’aurait tout de même droit qu’à 15 heures et non pas à 24 heures. La clause 17.03d) entrerait en jeu lorsque le trajet s’étend au cours de la nuit, après 22 h. Lorsque cela se produit, si les autres conditions à la clause 17.03d) ont été respectées, c’est-à-dire, un trajet d’une durée de 4 heures ou plus et que le coucher n’a pas été fourni, les heures supplémentaires sont alors payées, au-delà du maximum de 15 heures déjà atteint.

45 L’employeur affirme que l’expression « [n] onobstant les restrictions » au début de la clause 17.03d) renvoie au maximum des heures payées. Il n’y a aucune autre restriction à la clause 17.03 autre que le nombre d’heures maximum à laquelle cette expression peut renvoyer.

46 Même si l’employeur accepte l’observation du fonctionnaire selon laquelle la clause 17.03d) vise à offrir quelque chose de plus, ce n’est pas dans la nature du cumul ou de l’escalade, mais cela est plutôt lié à la prolongation des heures pour lesquelles l’employeur doit rémunérer l’employé. La clause 17.03d) confère à l’employé un avantage supplémentaire, si le maximum de 15 heures au taux des heures normales pour un déplacement a été atteint aux termes des autres dispositions de la clause 17.03 et lorsque les trois conditions énumérées à la clause 17.03d) ont été respectées.

47 L’employeur soutient que, si on examine cette clause telle qu’elle avait été rédigée dans ses versions antérieures, lorsque la restriction liée au déplacement n’était pas de 15 heures, mais de 8 heures ou de 12 heures, cela en facilite la compréhension.

48 Ce que le fonctionnaire demande, ce sont deux avantages pour la même période, ce qui correspond à un cumul ou à une escalade; cela ne devrait pas être autorisé, l’employeur demande donc que le grief soit rejeté.

C. Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

49 La prémisse de base de l’argument de l’employeur est la règle contre l’escalade. Louisiana-Pacific Canada Limited explique ce qu’est une escalade. Les canons de la construction dont il est question au paragraphe 54, en plus de ceux cités par l’employeur comprennent également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. Une promesse très importante est susceptible d’être exprimée clairement et sans équivoque.
  2. Pour interpréter deux dispositions, une interprétation harmonieuse est préférable à celle qui les place en contradiction.
  3. Toutes les clauses et tous les mots d’une convention collective devraient avoir un sens, dans la mesure du possible.
  4. Lorsqu’une convention utilise des mots différents, il faut présumer que les parties souhaitaient avoir des sens différents.
  5. Habituellement, les mots d’une convention collective devraient se voir attribuer leur sens ordinaire.
  6. Il est présumé que les parties connaissent la jurisprudence pertinente.

50 La partie clé du paragraphe 59 de Louisiana-Pacific Canada Limited est celle qui indique ce qui suit :

[Traduction]

[…] Même si la plupart des arbitres peuvent accepter la légitimité d’une forme quelconque de présomption contre l’escalade des avantages, la force d’une telle présomption a été, dans la pratique, considérablement minée par deux développements. D’abord, dans une situation de désaccord continu quant à ce qui constitue une escalade, il s’est développé une tendance à définir ce terme de façon passablement restrictive, limitant ainsi le concept à deux situations où deux types de primes ou avantages visant à servir le même but sont demandés à l’égard de la même période de travail. Ensuite, la plupart des arbitres ont reconnu que toute présomption peut être réfutée avec passablement de facilité, notamment lorsque la fin sous-jacente des paiements contestés est différente[…]

51 La finalité de la clause 17.03d) n’est manifestement pas la même que pour les clauses 17.03a), b) ou c). Elle est distincte en ceci que sa fin vise à traiter les situations où un employé se trouve en déplacement pendant la période entre 22 h et 6 h pendant un minimum de quatre heures et sans que le coucher lui soit fourni. Le but de la clause 17.03d) n’est pas de rémunérer l’employé pour son temps de déplacement, mais de le rémunérer lorsque le coucher n’est pas fourni pendant une nuit en déplacement. Étant donné que cela est clair, cela réfute la présomption d’escalade.

52 Le fonctionnaire est en désaccord avec l’observation de l’employeur selon laquelle les seules restrictions qui sont énoncées aux clauses 17.03a), b) et c) et qui sont modifiées par la clause 17.03d) sont les heures. Il y a d’autres restrictions, qui concernent les heures de travail, les journées de travail et les jours de repos.

53 Quant à l’argument de l’employeur selon laquelle sa position est plus facile à comprendre en examinant la clause lorsqu’elle a été rédigée, alors que les heures de déplacement rémunérées étaient limitées à 8 heures ou à 12 heures, le fonctionnaire soutient que cela n’est pas pertinent. Quinze heures sont ce qui a été négocié et ce qui est indiqué dans la convention collective. Aucune autre interprétation n’est possible.

IV. Motifs

54 En termes simples, les parties ne peuvent s’entendre sur le sens de la clause 17.03d). La clause 17.03 est ainsi rédigée :

17.03 Lorsqu’un employé est tenu par l’Employeur de se rendre à un endroit qui est éloigné de son lieu de travail normal, il est rémunéré dans les conditions suivantes :

a) Durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales;

b) Durant une journée de travail normale où il voyage et travaille :

(i) pour les heures de travail normales d’horaire, il est rémunéré au taux normal et ne touche pas plus de huit (8) heures de rémunération;

(ii) au taux des heures supplémentaires pour toute heure effectuée en dehors de ses heures de travail normales d’horaire;

(iii) au taux des heures supplémentaires applicable pour tout trajet effectué en dehors de ses heures de travail normales d’horaire jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt-quatre (24) heures.

c) Durant un jour de repos où il voyage et travaille, au taux des heures supplémentaires :

(i) pour tout temps de trajet et pour un montant ne devant pas excéder quinze (15) heures de rémunération au taux normal,

et

(ii) pour toute heure travaillée.

d) Nonobstant les restrictions énoncées aux alinéas a), b) et c) de la clause 17.03, l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas, durant plus de quatre (4) heures au cours de la période allant de 22 heures à 6 heures, sans que le coucher lui soit fourni, est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’à concurrence de quinze (15) heures de rémunération au taux normal.

55 La position des deux parties était que la clause 17.03d) prévoit une rémunération supplémentaire dépassant ce qui est prévu aux clauses 17.03a), b) ou c), selon le cas, et qu’il ne devient pertinent que lorsque les trois conditions qui y sont présentées sont respectées — le déplacement pendant la période allant de 22 h à 6 h, la durée du trajet est de plus de 4 heures et le coucher n’est pas fourni pendant cette période.

56 Selon le fonctionnaire, la clause 17.03d) concerne un avantage indépendant, qui, si les conditions prévues sont respectées, exige de l’employeur qu’il paie à l’employé l’équivalent de 15 heures au taux des heures normales. Le fonctionnaire appelle cela un avantage pour la perte du coucher. Selon l’employeur, la clause 17.03d) n’est pas un avantage indépendant, mais est présent pour accroître la rémunération pour l’employé qui voyage de nuit dans des circonstances où l’indemnisation pour leur déplacement est par ailleurs limitée par l’une ou l’autre des clauses 17.03a), b) ou c). Selon l’employeur, si les trois conditions établies à la clause 17.03d) sont réunies et que l’employé en déplacement a déjà atteint la rémunération maximale prévue aux clauses 17.03a), b) ou c), alors, et alors seulement, la clause 17.03d) entre en vigueur pour permettre le dépassement de la limite autrement fixée à 15 heures au taux des heures normales.

57 Le fonctionnaire voyageait le samedi 5 juin et le dimanche 6 juin 2010, soit ses jours de repos selon ce qu’a divulgué la preuve. À première vue, il semble que la rémunération pour son voyage relève de la clause 17.03c), car celle-ci renvoie aux déplacements durant les jours de repos; cependant, on doit lire cette clause dans son intégralité et on y stipule « [d] urant un jour de repos où il voyage et travaille […] ». Par conséquent, pour être rémunéré aux termes de cette clause, le fonctionnaire doit voyager et travailler. Puisque le fonctionnaire n’a pas travaillé, ce n’est pas en vertu de cette clause qu’il devrait être rémunéré pour son déplacement.

58 La clause 17.03b) renvoie à un déplacement durant une journée de travail normale. L’article 15 est intitulé « Durée du travail et heures supplémentaires ». Selon l’article 15, la semaine de travail est du lundi au vendredi et comprend trois postes différents par jour, chaque poste ayant une durée de 8 heures. Dans tous les cas, le samedi et le dimanche sont des jours de repos. Étant donné que les faits divulguent que le fonctionnaire ne voyageait pas durant une journée de travail normale, l’employé ne devrait pas être rémunéré aux termes de la clause 17.03b) pour son déplacement.

59 Selon les parties, il reste donc la clause 17.03a), qui est rédigée comme suit : « Durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales ». Le terme « journée » est défini à la clause 2.01g) comme une période de 24 heures commençant à l’une des trois heures qui suivent : à 23 h 45, à 0 h ou à 0 h 15, et se terminant 24 heures plus tard. D’après les faits présentés, le segment du déplacement du fonctionnaire de Halifax à Londres a commencé avant 11 h 45 (aux environs de 20 h 30) le samedi 5 juin 2010 et s’est poursuivi après 0 h 15 (aux environs de 7 h 30 HAA) le dimanche 6 juin 2010. Étant donné que le fonctionnaire voyageait durant des journées où il ne travaillait pas, les parties indiquent qu’il doit être rémunéré aux termes de cette clause.

60 Étant donné que le fonctionnaire a traversé différents fuseaux horaires, la clause 17.02c) est activée, et le temps doit être calculé et consigné comme s’il était dans le fuseau horaire de la région de Halifax ou à la HAA.

61 D’après la preuve dont je suis saisi, il n’y a aucun litige quant au nombre total d’heures qu’a duré le trajet du fonctionnaire pendant la partie de son voyage de Halifax à Londres, soit 11 heures — 3 heures et 30 minutes le samedi 5 juin 2010, et 7 heures et 30 minutes le dimanche 6 juin 2010. Compte tenu de la définition de « journée » à la clause 2.01g), l’employeur a réparti le paiement pour le temps total de déplacement entre les deux journées. La première période de 3 heures et 30 minutes a été rémunérée au tarif double pour le samedi 5 juin 2010, pour un total de 7 heures au taux des heures normales, et le reste, soit 7 heures et 30 minutes, a été rémunéré au tarif double, pour le dimanche 6 juin 2010, pour un total de 15 heures au taux des heures normales. Le fonctionnaire a reçu une rémunération pour un total de 22 heures au taux des heures normales.

62 Les parties, à la clause 17.03, utilisent les cinq expressions différentes qui suivent au moment de faire référence à la rémunération pour un employé en déplacement :

  1. « ne doit pas dépasser » (clause 17.03a));
  2. « pas plus de » (clause 17.03b)(i));
  3. « ne devant pas dépasser » (clause 17.03c)(i));
  4. « jusqu’à un maximum » (clause 17.03b)(iii));
  5. « jusqu’à concurrence de » (clause 17.03d)).

63 Aux clauses 17.03a), 17.03b)(i) et 17.03c)(i), les parties, en utilisant les expressions « pas plus de », « ne devant pas dépasser » ou « ne doit pas dépasser » ont effectivement établi une liste pour le montant de la rémunération à verser à un employé pour la durée du trajet.

64 « Exceed » (Dépasser) est défini comme suit dans le The New Shorter Oxford English Dictionary :

[Traduction]

S’en aller ou sortir, surpasser […] Passer au-delà ou passer par-dessus (une frontière, un point précis) […] Aller au-delà de la limite établie par, faire plus que ce qui est justifié par, (un privilège, l’autorité d’une personne, etc.) […] Plus grand ou plus nombreux que; plus lourd que; aller plus rapidement que […] Trop grand ou trop pour […] Surpasser, faire mieux; être supérieur à […]

65  « Exceeding » (Dépasser) est défini comme suit par le The New Shorter Oxford English Dictionary : [traduction] « L’action de dépasser […] un montant excédentaire au calcul ou de ce qui est habituel; un excès; un surplus. »

66 Le sens simple et ordinaire de l’utilisation des expressions « ne doit pas dépasser », « pas plus de » et « ne devant pas dépasser » est clair et, dans le contexte de ces clauses, cela signifie que la valeur totale de la rémunération pour un déplacement sera selon un montant prédéterminé, qui a été établi comme étant l’équivalent de quinze (15) heures au taux des heures normales.

67 Toutefois, la clause 17.03b)(iii) et la clause 17.03d), n’utilisent pas d’expressions comprenant les mots « ne », « dépasse » ou « dépasser », mais utilisent plutôt des expressions qui utilisent le mot « maximum » ou l’expression « jusqu’à concurrence de ». La clause 17.03b)(iii) indique « au taux des heures supplémentaires applicable pour tout trajet effectué en dehors de ses heures de travail normales d’horaire jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt-quatre heures ». La clause 17.03d) utilise les mots « […] au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’à concurrence de quinze (15) heures de rémunération au taux normal ». La distinction dans ces clauses, qui utilisent le terme « maximum », est que la clause 17.03b)(iii) utilise les déterminants « jusqu’à » devant le mot « maximum, alors que la clause 17.03d) utilise  « jusqu’à concurrence de ».

68 « Maximum » (Maximum) est défini comme suit dans le The New Shorter Oxford English Dictionary :

[Traduction]

La plus grande portion dans laquelle une matière peut exister […] La plus grande valeur que peut avoir une variable; le plus grand élément dans un ensemble; le point auquel une quantité qui varie continuellement cesse d’augmenter et commence à diminuer […] La plus grande magnitude possible ou la plus grande quantité de quelque chose atteinte, atteignable ou habituelle; une limite supérieure d’une magnitude ou d’une quantité […] Le montant le plus élevé atteint ou enregistré au cours d’une période donnée […] Une limite supérieure imposée par une autorité.

69 Je ne peux pas accepter l’interprétation de l’employeur selon laquelle la clause 17.03d) ne vise qu’à être un avantage supplémentaire une fois que la rémunération maximale aux termes des clauses 17.03a), b) ou c) a été atteinte pendant n’importe quelle journée donnée. Si je devais accepter l’interprétation de l’employeur, au cours d’une journée de travail normale, un employé pourrait travailler pendant le poste de jour (à compter de 7 h 45), commencer à voyager immédiatement par la suite (à 16 h 15) et voyager jusqu’avant 2 h le jour suivant et ne recevoir aucune rémunération après 23 h 45. Également de façon hypothétique, au cours d’une journée de travail normale, un employé pourrait travailler pendant le poste de nuit (à compter de 23 h 45) le jour avant, commencer à voyager immédiatement par la suite (à 8 h 15) et voyager jusqu’à immédiatement avant minuit, et la limite de rémunération des 15 heures aurait été atteinte à 15 h 45, et l’employé ne recevrait aucune rémunération par la suite. Selon l’employeur, la clause 17.03d) n’entrerait en vigueur que lorsque les trois conditions sont remplies, c’est-à-dire après avoir effectué un trajet d’un minimum de 4 heures, après 22 h et avant 6 h, et le coucher n’est pas fourni, et seulement après que le maximum de 15 heures au taux des heures normales a déjà été accumulé à l’égard du déplacement durant n’importe quel jour. Cette interprétation n’est pas logique.

70 En outre, je n’accepte pas non plus l’interprétation du fonctionnaire selon laquelle la clause 17.03d) prévoit un avantage indépendant à payer au-delà du montant des limites de la rémunération établies aux clauses 17.03a), b) et c). Si telle avait été l’intention des parties, je n’ai aucun doute sur le fait qu’elles auraient utilisé un libellé beaucoup plus clair, comme le libellé que l’on retrouve à l’article 18. L’article 18 porte sur l’indemnité de rappel au travail. La clause 18.01c) est le dispositif de cette clause et est rédigée comme suit :

c) après la fin de sa journée de travail et qu’il revient au travail, il touche le plus élevé des deux montants suivants :

(i) la rémunération au taux des heures supplémentaires applicable,

ou

(ii) la rémunération équivalant à quatre (4) heures de rémunération calculées au taux des heures normales […]

71 Si, comme l’a laissé entendre le fonctionnaire, la clause 17.03d) visait à offrir à un employé un avantage supplémentaire, au-delà des montants déjà versés aux termes des clauses 17.03a), b) ou c), il y a de nombreuses autres façons éventuelles de simplifier et de préciser la clause, au moyen de termes semblables à ceux que l’on retrouve à la clause 18.01c)(ii). Le libellé pourrait ressembler à ce qui suit :

Nonobstant les restrictions énoncées aux clauses 17.03a), 17.03b) et 17.03c), l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas, durant plus de quatre (4) heures au cours de la période allant de 22 h à 6 h, sans que le coucher lui soit fourni, reçoit une rémunération supplémentaire équivalant à quinze (15) heures de rémunération au taux normal.

ou

Nonobstant les paiements effectués aux termes des clauses 17.03a), 17.03b) et 17.03c), l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas, durant plus de quatre (4) heures au cours de la période allant de 22 h à 6 h, sans que le coucher lui soit fourni, reçoit une rémunération équivalant à quinze (15) heures de rémunération au taux normal.

72 Les parties n’ont pas utilisé les termes simples et clairs qui se trouvent à la clause suivante de la convention collective. Au lieu de cela, les parties ont utilisé ces mots, qui figurent à la clause 17.03d), qui doivent tous avoir un sens. Si je devais accepter l’observation du fonctionnaire, j’ignorerais intégralement l’expression qui figure dans la dernière partie de la clause après le mot « rémunéré », qui se lit comme suit : « au taux des heures supplémentaires applicables ». Si l’interprétation du fonctionnaire de la clause 17.03d) est exacte, l’expression « au taux des heures supplémentaires applicable » est redondant, car, dans l’interprétation du fonctionnaire, le taux des heures supplémentaires n’est pas pertinent, car le montant de la rémunération est l’équivalent de 15 heures au taux normal. Cela soulève également la question quant à savoir pourquoi les parties ont utilisé l’expression « jusqu’à concurrence de » immédiatement après l’expression « au taux des heures supplémentaires applicable ». Ces mots et ces expressions servent une finalité. Cela est accentué par le fait que le taux de rémunération prévu à la clause 17.03d) est le taux des heures supplémentaires applicable. Aux clauses 17.03a), b) ou c), il existe une possibilité que le taux de rémunération soit celui des heures normales et non pas le taux des heures supplémentaires.

73 En outre, si les parties avaient eu l’intention que la finalité de la clause 17.03d) ait été d’offrir une rémunération supplémentaire (sans égard à l’interprétation de la partie que j’accepterais), la clause 17.03 aurait inséré le mot « ou » entre les clauses 17.03a) et 17.03b), ainsi qu’entre les clauses 17.03b) et 17.03c), et on aurait inséré le mot « et » entre les clauses 17.03c) et 17.03d). Les mots utilisés à la clause 17.03c) l’illustrent clairement. En utilisant le mot « et » entre les clauses 17.03c)(i) et 17.03c)(ii), il est manifeste que les parties avaient l’intention de prévoir un paiement pour les heures de trajet et les heures de travail.

74 J’en conclus que la clause 17.03d) a un sens différent de celui qui a été proposé par le fonctionnaire ou l’employeur.

75 Je ne suis pas d’avis, comme le suggère les parties, que la clause 17.03 établit seulement trois options pour le paiement de la rémunération lorsqu’un employé est tenu de voyager pour le compte de son employeur et que la clause 17.03d) vise à accroître la rémunération prévue aux clauses 17.03a), b) ou c); j’arrive plutôt à la conclusion que la clause 17.03 établit quatre options distinctes pour rémunérer un employé en déplacement. La clause 17.03d) vise expressément à couvrir avec exactitude la situation dans laquelle s’est trouvée le fonctionnaire, c’est-à-dire voyager de nuit, le voyage s’étendant sur deux jours et où le coucher n’est pas fourni. Dans ces circonstances, nonobstant ce qui est indiqué à la clause 17.03a), le montant maximum de la rémunération du fonctionnaire au moment de voyager dans ces circonstances est l’équivalent de quinze (15) heures au taux normal.

76 La clause 17.03d) prévoit un certain nombre de conditions qui doivent être réunies pour donner lieu à la rémunération prévue à cette clause, la plus évidente de ces conditions étant qu’un employé doit voyager pendant la période allant de 22 h à 6 h pendant un trajet de quatre heures ou plus et que l’employeur n’a pas fourni le coucher. Il ne s’agit toutefois pas des seules conditions prévues à la clause 17.03d); la clause commence par l’expression « [n] onobstant les restrictions énoncées aux alinéas a), b) et c) de la clause 17.03, l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas […] » et, à la fin de la clause, comprend l’expression « […] est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’à concurrence de quinze (15) heures de rémunération au taux normal ».

77 « Notwithstanding » (Nonobstant) est défini par le Black’s Law Dictionary comme « despite; in spite of » (malgré, en dépit de). Par conséquent, quelles sont les restrictions établies par les autres clauses à la clause 17.03 qui, « malgré » leur existence, n’empêchent pas l’application de la clause 17.03d)? L’employeur a soutenu que toutes les restrictions énoncées dans les autres parties de la clause 17.03 établissent un plafond à l’égard du montant de rémunération payable à un employé en déplacement. Le fonctionnaire a déclaré que les restrictions ne concernent pas uniquement le plafond, mais également les variables liées au travail et celles non liées au travail concernées et le moment où le voyage se déroule. Je suis d’accord avec les observations du fonctionnaire à l’égard des restrictions modifiées par le mot « nonobstant » à la clause 17.03d).

78 Le mot « nonobstant », tel qu’on le retrouve à la clause 17.03d) a le sens de « en dépit de » toutes les différentes variables qui sont présentées aux clauses 17.03a), b) ou c). En d’autres termes, la clause 17.03d) est celle qui doit être utilisée si l’employé voyage et que le voyage se déroule de nuit et que le trajet s’étend sur un minimum de quatre heures entre 22 h et 6 h et que le coucher n’est pas fourni; cette clause est ce qui régit son voyage. Le plafond de la rémunération demeure quinze heures au taux normal. On doit l’utiliser au lieu des clauses 17.03a), b) ou c). Elle n’est pas destinée à être utilisée en plus des clauses 17.03a), b) ou c) ou conjointement avec celles-ci.

79 Les parties ont clairement énoncé leur intention à l’égard de la rémunération maximale prévue à la clause 17.03 en général, soit quinze (15) heures au taux normal. S’il existe une confusion quelconque à l’égard de ce maximum, nous pouvons nous tourner vers la clause 17.03b)(iii), qui porte sur les déplacements durant une journée de travail normale pendant laquelle un employé voyage et travaille. Lorsqu’elle fait référence à la rémunération maximale pour la durée du trajet pendant une journée de travail normale en dehors des heures de travail normales de l’employé, la clause 17.03b)(iii) précise « […] jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt-quatre (24) heures ».

80 Le fonctionnaire a soutenu que les expressions « jusqu’à un maximum » et « jusqu’à concurrence de » doivent avoir un sens différent. À cet égard, on m’a renvoyé à IPFPC,où l’arbitre de grief a déclaré au paragraphe 19 qu’on doit donner un sens distinct à chaque mot ou à son absence d’une clause et attribuer aux termes différents des sens différents. Même si je conviens que cela serait vrai dans la plupart des cas, comme il est indiqué au paragraphe 63 de la présente décision, les parties ont utilisé cinq expressions pour faire référence au calcul de la rémunération pour les déplacements. Comme je l’ai déjà indiqué, le sens des expressions « ne doit pas dépasser », « pas plus de » et « ne devant pas dépasser » est le même. Il est tout aussi clair que l’expression « jusqu’à un maximum de », tel qu’elle figure à la clause 17.03b)(iii), est une autre façon de dire « ne doit pas dépasser », « pas plus de » et « ne devant pas dépasser ». Dans la présente affaire, les parties ont recours à des mots et à des expressions différentes pour dire exactement la même chose et le font à l’intérieur de la même clause, la clause 17.03. Pour les motifs que j’ai déjà présentés en ce qui a trait à l’interprétation de la clause 17.03d), je conclus que l’expression « jusqu’à concurrence de », lorsqu’elle est utilisée à la clause 17.03d), ne diffère pas des expressions « ne doit pas dépasser », « pas plus de », « ne devant pas dépasser » et « jusqu’à un maximum ».

81 Je conclus que le fonctionnaire aurait dû être rémunéré uniquement aux termes de la clause 17.03d) et non pas aux termes de la clause 17.03a) ou d’une combinaison des clauses 17.03a) et 17.03d). La rémunération totale à laquelle le fonctionnaire avait droit pour le segment du voyage de Halifax à London aurait dû être de 15 heures au taux des heures normales.

82 Compte tenu des motifs présentés ci-dessus, il n’est pas nécessaire que je traite de l’argument de l’employeur en ce qui concerne l’escalade.

83 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

84 Le grief est rejeté.

Le 22 juin 2015.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
arbitre de grief

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