Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Après une enquête préliminaire qui a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait retirés du lieu de travail des disques compacts contenant des courriels sur lesquels figuraient des renseignements Protégé B sur les contribuables,  cette dernière a été suspendue pour une période indéfinie – une plainte de pratique déloyale de travail a été déposée en son nom contre l'Agence du revenu du Canada (ARC) en ce qui concerne la suspension pour une période indéfinie – la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que la suspension constituait des représailles pour un arbitrage de 2008 dont elle est à l'origine en ce qui concerne des mesures d'adaptation et que la suspension contrevenait au sous‑alinéa 186(2)a)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) – la formation de la Commission a conclu que la suspension n'était pas liée à l'arbitrage de 2008, mais qu'elle avait été imposée en raison des préoccupations de l'employeur quant à la présence de la fonctionnaire s'estimant lésée dans le lieu de travail étant donné les allégations selon lesquelles elle avait retiré des renseignements confidentiels sur les contribuables de l'ARC – la fonctionnaire s'estimant lésée a également présenté un grief lié à la suspension pour une période indéfinie, alléguant qu'il s'agissait de harcèlement – la formation de la Commission n'a trouvé aucune preuve de mauvaise foi ou de mépris délibéré pour la situation de la fonctionnaire s'estimant lésée concernant le fait que l'employeur lui avait imposé une suspension pour une période indéfinie après l'enquête préliminaire – un autre grief a été présenté contre sa suspension disciplinaire de 40 jours découlant du fait qu'elle a retiré du lieu de travail des disques compacts non chiffrés qui contenaient des renseignements sur les contribuables appartenant à l'ARC et qu'elle a copié des renseignements confidentiels sur un dispositif n'appartenant pas à l'ARC – la formation de la Commission a reconnu que le retrait des renseignements sur les contribuables du lieu de travail sans une approbation précise était une action qui ne pouvait être approuvée et a conclu que la mesure imposée était appropriée – un dernier grief a été présenté et il comprenait deux parties : la première portait sur la décision de l'employeur d'assujettir la fonctionnaire s'estimant lésée à une MLP et la deuxième concernait son allégation selon laquelle elle avait subi de la discrimination en raison de son handicap – la formation de la Commission a conclu qu'elle n'avait pas compétence en vertu du paragraphe 208(2) de la LRTFP pour se pencher sur la première partie du grief puisqu'un processus interne à l'ARC était en place afin de contester la MLP, dont la fonctionnaire s'estimant lésées'est prévalu avec succès – la formation de la Commission a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une preuve prima facie de discrimination puisqu'elle a démontré qu'elle était atteinte d'un handicap, qu'elle avait subi un effet préjudiciable en ce qui concerne son emploi et que son handicap était un facteur de cet effet préjudiciable – la formation de la Commission a également conclu que l'employeur ne s'était pas acquitté de son fardeau de la preuve en fournissant une explication non-discriminatoire raisonnable relativement à la pratique par ailleurs discriminatoire d'imposer la MLP et pour ses conséquences sur la fonctionnaire s'estimant lésée – en outre, la formation de la Commission a conclu que l'ARC n'avait pas respecté son obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du handicap de la fonctionnaire s'estimant lésée au point de subir une contrainte excessive – la formation de la Commission a donc conclu que l'employeur avait exercé une pratique discriminatoire et, par conséquent, a accordé à la fonctionnaire s'estimant lésé une compensation de 7 000 $ pour préjudice moral.  Grief sur la discrimination accueilli. Autres griefs et plainte de pratique déloyale de travail rejetés.

Contenu de la décision

  • Date: 20150723
  • Dossier: 561-34-440 et 566-34-3750 et 7716 à 7718
  • Référence: 2015 CRTEFP 67

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MARY ALICE LLOYD

plaignante et fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse et employeur

Répertorié
Lloyd c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et un arbitre de grief
Pour la plaignante et fonctionnaire s'estimant lésée:
Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour la défenderesse et employeur:
Pierre-Marc Champagne et Allison Sephton, avocats
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
Du 23 au 26 octobre 2012; du 17 au 21 juin 2013;
du 5 au 9 mai 2014, et les 15 et 16 septembre 2014.
Les arguments écrits ont été déposés
le 18 décembre 2014, et le 31 mars et le 27 avril 2015.

1 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. En d’autres mots, la nouvelle Commission effectue maintenant les fonctions qui étaient exercées séparément par l’ancienne Commission et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 doit être assumée et résumée en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013. De plus, en vertu de l’article 395 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, le commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu’une formation de la nouvelle Commission. En outre, conformément à l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, s.2) dans sa version antérieure à cette date.

I. Plainte devant la Commission et griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

2 Mary Alice Lloyd était, pendant toute la période pertinente, une enquêtrice principale à la direction de l’exécution de la loi et des enquêtes de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur »). Elle travaillait au Bureau des services fiscaux (BSF) de Toronto-Centre, à Toronto, en Ontario.

3 En novembre 2009, Mme Lloyd a déposé un grief dans lequel elle a indiqué qu’il concernait sa [traduction] « suspension sans traitement » et [traduction] « que la suspension constitue du harcèlement ». Elle a également déposé un grief contre les résultats préliminaires d’un rapport d’enquête des affaires internes. On a attribué au grief le numéro de dossier de la CRTEFP 566-34-3750.

4 Le 19 janvier 2010, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut ») a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la LRTFP soutenant que l’employeur avait suspendu Mme Lloyd sans traitement en guise de représailles pour une affaire en arbitrage qu’elle avait gagnée. L’Institut a fait valoir que cette mesure contrevenait aux sous-alinéas 186(2)a)(ii), (iii) et (iv) de la LRTFP. Elle a également fait valoir que l’employeur refusait de fixer une date pour le retour au travail de Mme Lloyd, malgré le fait que sa santé lui permettait d’effectuer un tel retour. On a attribué à cette plainte le numéro de dossier de la CRTEFP 561-34-440.

5 Au début, ces deux affaires devaient être entendues lors d’une audience à Toronto, du 23 au 26 octobre 2012.

6 Le 16 juin 2010, l’employeur a écrit à l’ancienne Commission et a affirmé que cette dernière n’avait pas compétence pour entendre le grief dans le dossier de la CRTEFP 566-34-3750, car il portait sur une suspension pour une période indéterminée. Par conséquent, le grief ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

7 L’Institut a répondu le 28 juin 2010, en indiquant que la suspension avait causé à Mme Lloyd d’importantes difficultés financières et que, par conséquent, elle satisfaisait aux dispositions de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, et que l’ancienne Commission avait compétence pour trancher la question.

8 L’ancienne Commission a répondu aux deux parties le 29 juin 2010, déclarant que la question pourrait être tranchée avant la tenue d’une audience, mais que, si elle ne l’était pas, elle devrait être soulevée au début des procédures.

9 Les parties ont entrepris une série de discussions de règlement qui ont entraîné des reports de la date d’audience. Malheureusement, les discussions n’ont pas eu de succès, et l’ancienne Commission a tenu l’audience comme il était prévu au départ, soit en octobre 2012.

10 Mme Lloyd a également déposé deux autres griefs. Dans le premier grief, déposé le 11 avril 2011, elle a contesté un avis disciplinaire qu’elle avait reçu et qui, à son avis, était trop sévère. Elle a également fait valoir que l’avis contrevenait à la clause 43.01 de sa convention collective (conclue entre l’Institut et l’employeur pour le groupe Vérification; dont la date d’expiration était le 21 décembre 2009; la « convention collective »), ainsi qu’à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6) (la « LCDP »). On a attribué au grief le numéro de dossier de la CRTEFP 566-34-7716.

11 Pour des raisons administratives, l’ancienne Commission a créé un second dossier pour le grief du 11 avril 2011, le dossier de la CRTEFP 566-34-7717.

12 En février 2012, Mme Lloyd a déposé son deuxième grief, déclarant qu’elle avait été retirée de son poste sans son consentement, ce qui allait à l’encontre de l’article 34 de la convention collective. En outre, elle a affirmé qu’elle faisait l’objet de discrimination en raison d’un handicap, en contravention de la LCDP. On a attribué au grief le numéro de dossier de la CRTEFP 566-34-7718.

13 L’Institut a déposé le formulaire de plainte 24 auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »). Dans le formulaire, on informait la Commission des renvois à l’arbitrage dans le cadre des dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 à 7718.

14 Comme il a été indiqué plus tôt dans la présente décision, une audience avait été prévue pour octobre 2012, à Toronto, afin d’entendre la plainte et le grief dans les dossiers de la CRTEFP 561-34-440 et 566-34-3750. Peu de temps avant le début de celle-ci, l’Institut a demandé à ce que les griefs dans les dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 à 7718 soient également entendus au même moment.

15 Le 23 octobre 2012, au début de l’audience, les parties m’ont informé qu’elles poursuivaient leurs discussions sur le règlement du litige et que l’on m’informerait du résultat.

16 Le 26 octobre 2012, à la fin de la période que l’ancienne Commission avait réservée pour la tenue de l’audience, les parties m’ont informé qu’elles n’avaient pas réussi à parvenir à un règlement initial, mais que les discussions se poursuivraient plus tard au cours de ce mois et que l’ancienne Commission serait informée du résultat.

17 L’Institut a informé l’ancienne Commission dans un courriel daté du 14 novembre 2012 qu’aucun règlement n’avait été conclu et a demandé que l’on fixe une fois de plus une date d’audience pour trancher cette question.

18 Le 21 novembre 2012, la Commission a informé l’ancienne Commission qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des arguments relativement à ces questions.

19 De plus, le 21 novembre 2012, l’employeur a écrit à l’ancienne Commission, soutenant qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief dans le dossier de la CRTEFP 566-34-7718, étant donné que celui-ci portait sur une question de dotation pour laquelle il existait un autre recours. L’employeur a effectivement affirmé que, si l’ancienne Commission décidait de se déclarer compétente, il ne s’opposait pas à ce que tous les dossiers soient entendus en même temps.

20 Le 28 novembre 2012, l’ancienne Commission a écrit aux parties et a indiqué que la plainte et les griefs dans les dossiers de la CRTEFP 561-34-440 et 566-34-3750 et 7716 à 7718 seraient entendus à Toronto, entre le 17 et le 21 juin 2013. L’audience a commencé comme prévu le 17 juin 2013.

21 Dès le début de l’audience du 17 juin 2013, l’employeur a soulevé une objection préliminaire, déclarant que Mme Lloyd avait embauché un sténographe judiciaire pour enregistrer les procédures. L’employeur s’est opposé à la présence du sténographe, car l’enregistrement des procédures ne correspond pas à la pratique de l’ancienne Commission. L’Institut a répondu que Mme Lloyd avait embauché un sténographe judiciaire pour ses propres fins parce que cette dernière avait déclaré avoir éprouvé des difficultés à prendre des notes lors d’une audience d’arbitrage antérieure. En outre, elle a indiqué qu’elle ne pouvait pas prendre de notes et témoigner en même temps.

22 J’ai tranché que le fait d’enregistrer ce type de procédure ne faisait pas partie des pratiques habituelles de l’ancienne Commission et que, par conséquent, la présence d’un sténographe judiciaire ne serait pas autorisée. Cependant, j’ai déclaré que j’accorderais à Mme Lloyd tout le temps dont elle avait besoin pour prendre des notes et que, pendant son témoignage, elle pourrait demander à un collègue de prendre des notes pour elle et qu’on ferait preuve de la même courtoisie envers ce collègue. L’audience a ensuite commencé sans la présence du sténographe judiciaire.

23 L’Institut a déclaré que quatre questions faisaient l’objet d’un grief, comme suit :

  1. En novembre 2009, une suspension pour une période indéterminée a été imposée à Mme Lloyd pendant qu’on menait une enquête sur sa conduite. Il a fallu plus d’un an pour achever l’enquête et Mme Lloyd s’est opposée à la façon dont l’enquête a été menée et au délai qui s’était écoulé pour l’achever. Il s’agissait effectivement d’une mesure disciplinaire de même que d’une contravention à l’article 34 de la convention collective.
  2. L’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail. Mme Lloyd a présenté des renseignements pendant une audience d’arbitrage en 2008 pour laquelle elle avait reçu une suspension pour une période indéterminée du 6 novembre 2009 et qui s’est étirée jusqu’en juin 2011.
  3. En mars 2011, Mme Lloyd a reçu une lettre disciplinaire la suspendant pendant 40 jours.
  4. Mme Lloyd a été forcée d’accepter une mutation latérale permanente (MLP) sans son consentement. Cela contrevenait à l’article 34 de la convention collective ainsi qu’à la LCDP.

24 Au nom de Mme Lloyd, son représentant a indiqué que la question de la réparation serait débattue à une date ultérieure, selon la décision rendue.

25 L’employeur a indiqué que l’ancienne Commission n’avait pas compétence pour trancher la question de la suspension de 40 jours, car cette période a été modulée en fonction d’une période pendant laquelle Mme Lloyd se trouvait en invalidité de longue durée. Il n’y a donc pas eu de sanction. Pendant l’audience, l’employeur a retiré son objection.

26 L’employeur a également déclaré que l’ancienne Commission n’avait pas compétence pour trancher la question de la MLP forcée, car Mme Lloyd avait donné suite à cette mesure par l’intermédiaire du mécanisme d’appel en matière de dotation. Comme elle a eu gain de cause, elle n’a jamais travaillé dans l’unité où elle devait être mutée.

II. Résumé de la preuve

27 Dans la présente section, je présenterai un résumé de la preuve. Dans la section « Motifs », je m’étendrai sur la preuve dans la mesure où elle s’applique à la plainte et à chaque dossier de grief ou de plainte en particulier.

28 Mme Lloyd a commencé son emploi à l’ARC en septembre 1997 et, en décembre 2000, elle a obtenu un poste au sein du Programme spécial d’exécution (PSE). Au printemps 2001, elle est passée au Programme des enquêtes criminelles (PEC).

29 En février 2006, Mme Lloyd a déposé un grief alléguant que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Une audience a été organisée en 2008, et une décision a été rendue (pièce U-2; 2009 CRTFP 15).

30 Avant l’audience d’arbitrage de 2008, le représentant de Mme Lloyd l’a informé que l’employeur contestait le fait qu’elle lui avait envoyé un courriel à propos de ses besoins ergonomiques et qu’elle devrait en produire une copie.

31 En février 2006, Mme Lloyd a parlé à son gestionnaire d’équipe, Al Horbatiuk, et lui a dit qu’elle avait besoin de certains renseignements personnels dans son ordinateur.

32 M. Horbatiuk a demandé à Mme Lloyd de communiquer avec la Section de l’informatique (TI) et, le 3 février 2006, elle a parlé à Ian Balgobin, un analyste de la TI.

33 M. Balgobin a témoigné que Mme Lloyd lui avait remis deux CD vierges et qu’elle lui avait demandé d’y graver une copie de son lecteur « H » (« lecteur d’accueil ») ainsi que ses courriels (pièce E-8). Il a expliqué qu’il n’était pas inhabituel pour les employés de demander des copies de leur lecteur H s’ils devaient s’absenter pendant de longues périodes. Mme Lloyd se trouvait en congé d’invalidité de longue durée lorsqu’elle est allée au bureau et qu’elle a fait sa demande. Elle a rencontré M. Balgobin pour discuter de la demande, et celui-ci lui a répondu qu’il aurait besoin de plus de deux CD, [traduction] « après avoir vu la taille de son lecteur H ».

34 En mars 2006, M. Balgobin a terminé de copier tous les fichiers sur les CD; il a dû utiliser un plus grand nombre de CD que ce que Mme Lloyd lui avait remis. Il y avait environ 16 CD au total. Il a appelé Mme Lloyd pour l’informer que le travail était fait. Il l’a rencontrée le 9 mars 2006, dans l’immeuble, et lui a remis un carrousel contenant tous les CD.

35 Mme Lloyd a témoigné que, lorsqu’elle s’est rendue à la maison, elle a visionné les CD pour déterminer l’endroit où se trouvaient ses renseignements personnels et le dossier particulier qui contenait les renseignements dont elle avait besoin pour son audience d’arbitrage. Elle a ensuite gardé les CD dans une armoire verrouillée.

36 Le petit ami de Mme Lloyd à l’époque avait offert son ordinateur portatif pour visualiser les CD et pour faire les copies nécessaires. Elle a chargé les CD dans l’ordinateur portatif, trouvé le courriel contesté, l’a copié sur le bureau de l’ordinateur et en a fait des copies (pièce U-3). Elle a ensuite attendu l’audience d’arbitrage.

37 Comme prévu, la question portant sur l’envoi du courriel a été soulevée à l’audience d’arbitrage de 2008. Mme Lloyd disposait de tous les CD et a produit celui qui contenait le courriel en question. L’avocate de l’employeur lui a demandé où elle avait obtenu le disque et Mme Lloyd lui a répondu. Elle a ensuite remis le disque à une étudiante en stage afin que cette dernière le télécharge dans son ordinateur portatif. À ce moment, Mme Lloyd a souligné que le CD contenait également des renseignements sur les contribuables.

38 Une représentante d’un employeur dans la salle d’audience, Tracey O’Brien, a demandé à Mme Lloyd de lui remettre tous les CD; Mme Lloyd s’est conformée à cette demande. Mme O’Brien a indiqué que l’ordinateur portatif de l’étudiante en stage devrait être amené à l’ARC et être complètement nettoyé. Mme Lloyd a demandé si la même chose devrait être faite avec son ordinateur portatif et on lui a indiqué que si elle avait procédé de la même manière que l’étudiante en stage, il faudrait effectivement que son ordinateur portatif soit nettoyé. Mme Lloyd ne croyait pas que le CD avait été téléchargé; selon elle, le CD avait seulement été copié. Elle n’a pas eu d’autres nouvelles à propos de l’incident avant de recevoir une lettre par la poste en janvier 2009.

39 Mme O’Brien a participé à l’audience d’arbitrage de 2008 en qualité de représentante de l’employeur et se trouvait dans la salle d’audience lorsqu’elle a vu Mme Lloyd sortir une pile de CD d’une grosse sacoche et qu’un de ses CD a été téléchargé dans l’ordinateur portatif de l’étudiante en stage. Lorsqu’elle a entendu que Mme Lloyd avait dit que le CD contenait des renseignements au sujet des contribuables, Mme O’Brien a dit qu’elle était devenue très nerveuse. Elle a appelé le directeur de la Division des affaires internes et de la prévention de la fraude (DAIPF). On a convenu que les CD devraient être retournés à l’ARC et, le jour suivant, Mme O’Brien les a livrés au BSF de Toronto-Centre.

40 Mme O’Brien a appelé Joanne Todesco qui, à l’époque, était la directrice du BSF de Toronto-Centre, et elle lui a dit que Mme Lloyd avait un certain nombre de CD contenant des renseignements sur les contribuables.

41 Après avoir reçu les CD, Mme Todesco les a envoyés à la Division des affaires internes (DAI), à Ottawa, en Ontario, aux fins d’examen. En octobre 2008, la DAI a indiqué à Mme Todesco que les CD contenaient des renseignements sur les contribuables non chiffrés. L’audience d’arbitrage de 2008 se déroulait toujours, et Mme Todesco avait reçu des conseils juridiques selon lesquels elle devait attendre jusqu’à l’audience d’arbitrage avant de faire quoi que ce soit. Elle a suivi ce conseil.

42 Mme Todesco a témoigné quant à l’importance accordée par l’employeur à la protection des renseignements sur les contribuables. En dehors des politiques comme la [traduction] « Politique sur la protection des biens et des renseignements classifiés et protégés à l’extérieur des lieux de travail » (pièce E-1, onglet 56), [traduction] « Procédures pour la protection des biens et des renseignements classifiés et protégés à l’extérieur des lieux de travail » (pièce E-1, onglet 57), et le « Code de déontologie et de conduite » (pièce E-1, onglet 58), que reçoivent tous les employés de l’ARC, la protection des renseignements sur les contribuables est intrinsèque au milieu de travail. L’employeur souhaite que le public respecte la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)) et, en retour, l’employeur veille à ce que les renseignements sur les contribuables soient protégés.

43 L’audience d’arbitrage de 2008 s’est terminée en décembre 2008 et, le 20 janvier 2009, Mme Todesco a écrit à Mme Lloyd, indiquant qu’elle devait apporter ce qui suit (pièce E-1, onglet 1) :

[Traduction]

[…] l’ordinateur portatif privé sur lequel vous avez téléchargé des documents appartenant à l’Agence du revenu du Canada sans autorisation […] [et des arrangements seraient pris] pour que le personnel de l’informatique (TI) soit disponible afin de supprimer de ses lecteurs tous les documents appartenant à l’Agence du revenu du Canada […]

44 Puisque Mme Lloyd était en congé de maladie non payé au moment où la lettre a été rédigée, cette dernière a été envoyée à son domicile.

45 Mme Lloyd a témoigné que l’ordinateur portatif en question appartenait à un ex-petit ami et qu’elle n’y avait pas accès lorsqu’elle a reçu la lettre du 20 janvier 2009. Aidée de son représentant de l’agent négociateur, Mme Lloyd a rédigé une réponse, datée du 30 janvier 2009, dans laquelle elle a affirmé a en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 2) :

[…]

[Traduction]

[…] veuillez prendre note que je ne suis pas en mesure de vous fournir l’ordinateur portatif d’une autre personne.

J’ai confiance que vous me croirez lorsque je dis que je ne suis en possession d’aucun document appartenant à l’Agence du revenu du Canada.

Je subirai une chirurgie au début de février et, bien que je prévoie avoir besoin de beaucoup de temps pour récupérer, mon objectif est de me rétablir sainement et de reprendre mon poste à l’Exécution dès la première occasion.

[…]

46 Aux environs du 1er février 2009, Mme Todesco a quitté son poste de directrice pour entreprendre un programme d’échange. Elle n’est retournée à son poste qu’en janvier 2010.

47 Pendant l’absence de Mme Todesco, Roma Delonghi a assumé le poste de directrice. Mme Delonghi a été informée qu’une enquête interne était en cours à propos de CD non protégés qui ont été retirés du milieu de travail et qui ont par la suite été téléchargés sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Après avoir reçu les résultats préliminaires de l’enquête en avril 2009, Mme Delonghi a consulté la DAI et les Services juridiques concernant la meilleure marche à suivre. Il a été déterminé qu’elle devrait rédiger une lettre de suivi à celle que Mme Lloyd avait envoyée le 30 janvier 2009.

48 Le 4 juin 2009, Mme Delonghi a envoyé une lettre à Mme Lloyd lui demandant les coordonnées du propriétaire de l’ordinateur portatif pour que l’ARC puisse communiquer directement avec lui (pièce E-1, onglet 4). Mme Lloyd était en congé de maladie non payé au moment où la lettre a été envoyée.

49 En plus de la question concernant l’ordinateur portatif, Mme Lloyd était en congé de maladie non payé depuis août 2007; par conséquent, Mme Delonghi lui a envoyé une lettre datée du 28 avril 2008 (pièce E-1, onglet 3), dans laquelle elle a demandé à Mme Lloyd de fournir un certificat médical à jour afin d’entreprendre un plan de mesures d’adaptation.

50 Les lettres du 28 avril 2008 et du 4 juin 2009 sont demeurées sans réponse. Mme Delonghi a quitté le poste de directrice en juin 2009 et Jamie Walker a ensuite pris la direction à titre de directrice intérimaire.

51 Le 10 septembre 2009, Mme Walker a envoyé une lettre à Mme Lloyd, indiquant qu’elle devait [traduction] « […] fournir un accès à l’ordinateur portatif en question et/ou le nom et le numéro de téléphone de la personne en possession de l’ordinateur portatif » (pièce U-7). Dans la lettre, il était question de la gravité de la situation et il était également mentionné qu’une réponse était requise au plus tard le 17 septembre 2009. Ce qui suit était aussi mentionné : [traduction] « À défaut d’avoir de vos nouvelles par cette date, nous aurons l’obligation de renvoyer la question à la GRC afin d’enquêter à savoir si des chefs d’accusation devraient être déposés ou non contre vous en application du paragraphe 239(2.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

52 La lettre indiquait également qu’une enquête interne sur les actions de Mme Lloyd s’était conclue par un rapport daté du 14 août 2009, selon lequel elle [traduction] « […] avait téléchargé des renseignements de nature délicate au sujet des contribuables sur un ordinateur n’appartenant pas à l’Agence » et qu’une rencontre de recherche de faits serait organisée sous peu.

53 Mme Lloyd a témoigné ne pas avoir été au courant qu’une enquête interne avait été entreprise. Elle a immédiatement consulté son représentant de l’agent négociateur, et ils ont accepté de se rencontrer. La rencontre a eu lieu le 18 septembre 2009.

54 L’employeur a demandé à Mme Lloyd d’apporter son ordinateur personnel ainsi que l’ordinateur portatif de son ami afin de s’assurer qu’ils ne contiennent aucun renseignement sur les contribuables. Mme Lloyd était préoccupée par le fait de protéger ses renseignements personnels sur son ordinateur et de les sauvegarder, tout en tentant de rassurer l’employeur au sujet du fait qu’il ne contenait aucun renseignement sur les contribuables. L’employeur a indiqué qu’il allait élaborer des lignes directrices pour veiller à ce que la vie privée de Mme Lloyd soit protégée et, six mois plus tard, des procédures ont été élaborées à la satisfaction de tous. Une recherche dans l’ordinateur personnel de Mme Lloyd a révélé qu’il ne contenait aucun renseignement sur les contribuables. En ce qui concerne l’ordinateur portatif de son ami, Mme Lloyd a indiqué qu’il fournirait une lettre à propos des renseignements qu’il contenait.

55 Comme il a été indiqué plus tôt, Mme Lloyd était en congé non payé jusqu’en novembre 2009. Le 3 novembre 2009, elle a envoyé un courriel à la directrice intérimaire, Mme Walker, l’informant qu’elle prévoyait retourner au travail le 30 novembre 2009, selon un horaire de travail réduit.

56 Le 6 novembre 2009, Mme Walker a écrit à Mme Lloyd, déclarant en partie ce qui suit (pièce U-12) :

[Traduction]

[…]

Je vous écris à ce moment en ce qui concerne les résultats préliminaires du rapport de la Direction des affaires internes et de prévention de la fraude (DAIPF), ainsi que le billet du médecin qui suit que vous avez soumis récemment.

J’ai reçu le billet de médecin que vous m’avez fourni en ce qui a trait à votre aptitude à effectuer un retour au travail. Je suis heureuse d’entendre que votre santé s’est suffisamment améliorée afin de vous permettre d’envisager un retour au travail. Je sais toutefois que des renseignements supplémentaires sont requis afin de préciser toute limitation et/ou besoin en matière de mesures d’adaptation pouvant être requis afin de faciliter et de mettre en œuvre un retour au travail progressif.

Cependant, je ne suis pas en mesure de mettre en œuvre un plan de retour au travail avec vous à ce moment particulier, car les résultats préliminaires du rapport de la DAIPF  ont permis de conclure que les CD que vous avez retirés du milieu de travail contenaient des courriels comprenant des renseignements sur les contribuables Protégés B. Une partie intégrante de vos fonctions en tant qu’employé de l’Agence du revenu du Canada consiste à respecter et à protéger l’intégrité des renseignements confidentiels qui vous sont confiés dans le cadre de l’exécution de vos fonctions officielles au nom de l’Agence.

Ces constatations préliminaires ont donné à la Direction des motifs suffisants pour conclure que vous avez compromis la sécurité des biens de l’Agence et de renseignements confidentiels sur les clients. Comme je vous l’ai indiqué dans ma correspondance précédente datée du 10 septembre 2009, je pourrais me voir dans l’obligation de recourir à des moyens juridiques. Je tiens à vous informer que j’ai demandé à la GRC de récupérer les renseignements et d’enquêter quant à savoir si des chefs d’accusation devraient être déposés ou non contre vous en application du paragraphe 239(2.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour avoir contrevenu aux dispositions en matière de confidentialité prévues à l’article 241 de la même Loi. Pour cette raison, je vous informe également que je vous suspends indéfiniment sans traitement dans l’attente de l’achèvement d’un examen plus exhaustif de ces questions. Cette suspension entrera en vigueur le 6 novembre 2009 à la fermeture des bureaux. Soyez informée que la direction du Bureau des services fiscaux de Toronto-Centre travaillera en étroite collaboration avec la DAI afin de s’assurer que le reste de l’enquête soit mené aussi rapidement que possible. Pendant que vous êtes suspendue sans traitement, vous ne devez effectuer aucun travail au nom de l’ARC. Vous ne devez pas entrer dans les locaux de l’ARC pour aucun motif, sauf si vous avez reçu antérieurement l’approbation de la soussignée.

Bien qu’un retour au travail ne soit pas possible pour le moment, je vous assure que la direction est prête à travailler avec vous et votre médecin pour mettre en place un Plan de mesures d’adaptation individuel, conformément à la Politique sur les accidents et les maladies de l’Agence, selon ce que l’on estimera approprié après l’achèvement de l’examen de votre conduite. Si vous souhaitez entreprendre un autre échange de renseignements entre la direction et votre médecin afin de faciliter la préparation du Plan de mesures d’adaptation à l’heure actuelle, je suis également prête à la faire. Subsidiairement, si vous choisissez de reporter cette étape jusqu’à ce que l’enquête soit conclue, j’accepterais également votre demande. Veuillez m’informer de l’option que vous avez choisie à cet égard.

[…]

57 Mme Lloyd a ensuite déposé son grief, qui a été identifié plus tôt dans la présente décision comme étant le dossier de la CRTEFP 566-34-3750.

58 En outre, en réponse à la lettre de l’employeur du 6 novembre 2009 (pièce U-12), Mme Lloyd a demandé à son ergothérapeute, Lori Curgenven, de télécopier une lettre à l’employeur à propos de son retour au travail. La lettre, datée du 7 décembre 2009, (pièce U-14) indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez en raison de la correspondance et des documents précédents, Mme Lloyd a achevé une thérapie dans le cadre du programme pour malades externes souffrant de lésion cérébrale acquise au centre Ramsay de l’institut de réadaptation de Toronto, le 25 novembre 2009. Également indiqué dans les documents précédents, selon notre évaluation et nos observations, nous estimons que Mme Lloyd s’est réhabilitée de sa lésion cérébrale, de sorte qu’elle est maintenant prête à reprendre le travail, bien que de façon progressive et avec certaines mesures d’adaptation raisonnables en place.

Afin de faciliter le retour au travail de Mme Lloyd, nous avons annexé une liste préliminaire de mesures d’adaptation qui maximisera son rendement au travail. Habituellement, une évaluation du milieu de travail et une rencontre avec l’employé et le gestionnaire précède cette liste de mesures d’adaptation, cependant, puisque l’ARC n’a pas accepté notre offre à l’égard de ces services, une liste de mesures d’adaptation préliminaires est annexée, selon nos constatations et nos ressources.

[…]

59 À la fin de décembre 2009, Mme Todesco a terminé son échange et a repris son poste de directrice du BSF de Toronto-Centre. Dès son retour, elle a repris la responsabilité du cas de Mme Lloyd, et on lui a dit que selon les premiers résultats de l’examen de la DAI des CD, ceux-ci contenaient plus de 42 000 éléments de renseignements sur les contribuables. On a également informé Mme Todesco de l’échange de lettres concernant les besoins en matière de mesures d’adaptation de Mme Lloyd.

60 Le 14 janvier 2010, Mme Todesco a envoyé un courriel à Mme Lloyd et à son représentant de son agent négociateur, déclarant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 20) :

[Traduction]

[…]

Je vous écris aujourd’hui pour vous informer que j’ai terminé mon affectation en échange et que j’ai repris mon rôle de directrice du BSF de Toronto-Centre. Je prends la responsabilité de cette affaire et j’ai examiné attentivement le dossier. Selon les renseignements dont nous disposons jusqu’à présent, j’ai choisi de ne pas donner suite à la participation de la GRC. L’enquêteur désigné par la DAI communiquera sous peu avec vous à l’égard de l’enquête officielle qui sera menée. Je vous recommande fortement de collaborer et de participer au processus.

En ce qui concerne le Plan personnel de mesures d’adaptation, qui peut être mis en œuvre éventuellement, je suis au fait que certains renseignements présentés (documents et messages téléphoniques de l’institut de réadaptation de Toronto) ont été envoyés ou renvoyés directement à M. Hans Neilson, ce qui a causé certains délais inutiles. Je vous demande que toute communication éventuelle me soit envoyée directement.

[…]

61 Le contenu de la lettre a fait l’objet d’une discussion dans le cadre d’une téléconférence, après quoi l’employeur a préparé un plan de mesures d’adaptation en prévision du retour au travail de Mme Lloyd (pièce U-15). Il s’agissait d’un retour au travail progressif, et Mme Lloyd devait [traduction] « […] assumer les fonctions d’un enquêteur du PEC ». Mme Lloyd et l’employeur ont signé le plan de mesures d’adaptation.

62 Mme Todesco a témoigné que le plan de mesures d’adaptation initial prévoyait que Mme Lloyd recommence à travailler au PSE, pour ensuite passer progressivement au PEC. Selon l’employeur, cette transition aurait été moins stressante pour elle (pièce E-1, onglet 37). Cependant, Mme Lloyd a rejeté cette option, et on a convenu qu’elle retournerait à son poste au PEC, qu’elle détenait la dernière fois qu’elle avait travaillé pour l’employeur.

63 Mme Todesco a témoigné que, même si Mme Lloyd faisait l’objet d’une suspension administrative, il était nécessaire de travailler sur un plan de mesures d’adaptation afin d’être prêts une fois le rapport de la DAI terminé.

64 Alors que ce processus se poursuivait, l’Institut a déposé une plainte (dossier de la CRTEFP 561-34-440) en application de l’article 190 de la LRTFP (pièce U-16), qui portait sur la suspension sans traitement et les questions liées au retour au travail. La plainte était libellée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

1) Suspension du 6 novembre 2009 :

On empêche Mme Lloyd d’effectuer un retour au travail après un long congé. Elle a été suspendue sans traitement pendant une période indéterminée pendant que l’ARC mène une enquête sur son utilisation de ce que l’on appelle une utilisation inappropriée de renseignements confidentiels. Aucun échéancier n’a été fourni quant à l’achèvement de l’enquête. Les renseignements en question lui ont été communiqués par l’ARC et ont été utilisés uniquement dans le but de soutenir son allégation dans le cadre de l’arbitrage. Selon son allégation, elle n’avait pas fait l’objet de mesures d’adaptation appropriées. Elle a eu gain de cause en arbitrage.

De l’avis de Mme Lloyd, l’employeur, sous le couvert de la [traduction] « diligence raisonnable », la punit d’avoir exercé ses droits, d’aller jusqu’au bout de l’arbitrage, et d’avoir appuyé ses allégations à l’arbitrage en utilisant des renseignements auxquels l’ARC lui avait donné accès. Sa position est que la suspension sans traitement, compte tenu des circonstances, est punitive et excessive, et que l’employeur exerce des représailles en raison de son arbitrage. Cela contrevient aux sous-alinéas 186(2) a)ii, iii, iv de la LRTFP.

2) Retards continus :

Mme Lloyd est d’avis que l’employeur a résisté (devant des renseignements médicaux complets et légitimes) à l’acceptation du fait que la santé de Mme Lloyd lui permettra maintenant d’effectuer un retour au travail ainsi qu’à l’établissement d’une date pour que cela se produise.

Ces deux questions sont liées. Ce n’est qu’après que Mme Lloyd ait fourni des renseignements médicaux et proposé la date de retour au travail du 30 novembre 2009 qu’elle a reçu la suspension du 6 novembre 2009.

[…]

65 Comme il a été mentionné plus tôt, la DAI avait lancé une enquête officielle. L’enquêtrice principale était Julie Rodriguez. Elle a commencé à travailler en tant qu’enquêtrice en 2003 et a mené des enquêtes sur des centaines de cas, dont la plupart, selon ce qu’elle a déclaré, portaient sur des problèmes informatiques. Elle a des antécédents en matière de TI.

66 Mme Rodriguez a été affectée à l’enquête en décembre 2009 et a interviewé Mme Lloyd, M. Balgobin, Mme O’Brien et le propriétaire de l’ordinateur portatif utilisé par Mme Lloyd.

67 Après avoir mené les entrevues, Mme Rodriguez est arrivée à la conclusion que Mme Lloyd avait copié les CD en sa possession sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC et que les CD contenaient des renseignements sur les contribuables. Elle est parvenue à cette conclusion, car elle avait les CD originaux en sa possession aux fins de l’enquête et que ces derniers étaient tous étiquetés. Mme Lloyd a indiqué à Mme Rodriguez qu’elle avait étiqueté les CD après les avoir visionnés sur l’ordinateur portatif de son ami. En raison de ses antécédents en matière de TI, Mme Rodriguez savait que pour que Mme Lloyd examine le contenu d’un CD, ce CD devait être copié sur l’appareil et être ouvert au moyen d’un programme appelé Outlook. Par conséquent, les CD ont dû être copiés sur un ordinateur qui, a admis Mme Lloyd, n’appartenait pas à l’ARC. Des tests indépendants menés par Mme Rodriguez pendant l’enquête ont confirmé que les CD devaient être téléchargés avant de pouvoir être lus. Il n’était pas possible de charger le CD dans un appareil, puis de lire son contenu sans le télécharger sur l’appareil.

68 Dans son rapport, Mme Rodriguez est arrivée à la conclusion suivante (pièce E-1, onglet 21, page 27) :

[Traduction]

[…]

Les renseignements recueillis pendant cette enquête ont permis de déterminer que Mary Lloyd, enquêtrice, Division de l’exécution, Bureau des services fiscaux de Toronto-Centre, a contrevenu à la politique de l’ARC concernant la sécurité et la protection des renseignements confidentiels et qu’elle a omis de respecter les dispositions en matière de confidentialité prévues à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu en retirant des CD non chiffrés contenant des renseignements sur les contribuables appartenant à l’ARC du milieu de travail et en copiant des renseignements confidentiels sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Cela a donné lieu à une divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables.

[…]

69 Le rapport d’enquête présenté par Mme Rodriguez est daté du 22 décembre 2010 (pièce E-1, onglet 21). Il s’était écoulé plus d’une année depuis qu’elle avait été affectée à ce dossier. La raison du retard était que, en avril 2010, Mme Rodriguez a commencé à agir à titre de gestionnaire intérimaire de la DAI; elle y est restée jusqu’en décembre 2010, lorsqu’elle est devenue directrice intérimaire de la DAI. À l’époque, on avait accordé la plus grande priorité à l’obtention de l’approbation du rapport, puis il a été publié.

70 Pendant que l’enquête interne avançait, Mme Lloyd a tenté d’effectuer un retour au travail fondé sur un plan individuel de mesures d’adaptation, lequel a été élaboré et accepté le 3 mars 2010 (pièce U-15). Il a été convenu qu’elle effectuerait un retour au travail progressif et qu’elle effectuerait les [traduction] « […] fonctions d’une enquêtrice du PEC » (pièce U-15).

71 Mme Todesco attendait les résultats du rapport de la DAI afin de procéder à la mise en œuvre du programme de retour au travail pour Mme Lloyd. Le 20 juin 2010, Mme Lloyd a envoyé à Mme Todesco un courriel pour s’enquérir de l’état de l’enquête (pièce U-17). Mme Todesco a répondu, en indiquant en partie ce qui suit (pièce U-17) :

[Traduction]

[…]

Votre manque de collaboration en vue de donner accès à l’Agence à votre ordinateur à la maison ainsi qu’à l’ordinateur portatif de votre ami a été un facteur qui a été pris en considération au moment de prendre la décision de vous suspendre pour une période indéterminée […] Cependant, à la lumière de votre collaboration récente et du fait que le processus d’enquête a pris beaucoup de temps, je suis prête à revoir la situation […]

[…]

72 Mme Todesco a effectivement réexaminé la situation et a écrit à Mme Lloyd le 8 juillet 2010, en indiquant en partie ce qui suit (pièce U-19) :

[Traduction]

[…]

[…] J’ai de nouveau examiné la question de votre suspension pour une période indéterminée et je ne vous rétablirai pas dans vos fonctions pour le moment. Je constate que […] vous continuez de recevoir des prestations d’invalidité de la Financière Sun Life. On prévoit que le rapport sera terminé avant la fin de l’été. Je vous informerai des prochaines étapes à ce moment.

[…]

73 Mme Todesco a pris cette décision, car Mme Lloyd recevait toujours des prestations d’assurance-invalidité et que, par conséquent, elle gagnait toujours un certain revenu. Mme Lloyd avait été absente pendant environ deux ans, par conséquent, il n’y aurait que peu, voire aucune, érosion de ses connaissances. En outre, le rapport de la DAI était attendu sous peu. Finalement, Mme Todesco a témoigné que l’ARC prenait extrêmement au sérieux la protection des renseignements sur les contribuables. Elle a souligné que Mme Loyd aurait accès aux renseignements sur les contribuables et c’est pourquoi la suspension administrative a été poursuivie pour protéger ces renseignements.

74 Comme il a été indiqué plus tôt dans la présente décision, le rapport de la DAI n’a été publié qu’en décembre 2010, et la suspension pour une période indéterminée de Mme Lloyd s’est poursuivie.

75 Peu de temps après la publication du rapport de la DAI, Mme Todesco a quitté le milieu de travail et Mme Delonghi a assumé le poste de directrice intérimaire, BSF de Toronto-Centre.

76 Mme Delonghi a rencontré Mme Lloyd et le représentant de son agent négociateur le 25 janvier 2011, pour discuter du retour au travail de Mme Lloyd. Une mesure disciplinaire a également été envisagée à ce moment et Mme Delonghi est arrivée à la conclusion qu’une suspension de 40 jours était appropriée relativement aux actions de Mme Lloyd à l’égard des CD. Mme Delonghi est arrivée à la conclusion que la mesure disciplinaire était nécessaire, car Mme Lloyd avait retiré du milieu de travail des CD non protégés contenant des renseignements sur les contribuables et qu’elle avait téléchargé leur contenu sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Le fait que Mme Lloyd n’ait pas tenté de limiter la quantité de renseignements qu’elle avait retirée du milieu de travail était pertinent pour Mme Delonghi; tout comme la quantité inhabituelle de renseignements confidentiels retirés du milieu de travail. Le fait que Mme Lloyd était une enquêtrice criminelle classifiée au groupe et niveau AU-03 a également été pris en considération, tout comme son absence de remords.

77 Le fait que Mme Lloyd avait été au service de l’ARC depuis 1997, qu’elle avait un dossier sans tache, ainsi que le délai requis pour la publication du rapport DAI contredisait ces faits. Cela a mené Mme Delonghi à publier un [traduction] « Rapport de mesure disciplinaire – 17 mars 2011 » suspendant Mme Lloyd pour une période de 40 jours. Les dates devaient été déterminées une fois que Mme Lloyd serait apte, sur le plan médical, à effectuer un retour au travail (pièce E-1, onglet 22). Mme Delonghi a indiqué qu’elle approuvait le rapport, mais le gestionnaire de Mme Lloyd, Roy Prince, l’a signé. Le rapport mentionne en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le 3 février 2006, pendant que vous vous trouviez en congé, vous avez communiqué avec le bureau d’aide régional et avez demandé une copie de l’intégralité de votre lecteur H. Le 9 mars 2006, la demande a été traitée et vous avez retiré 16 CD non protégés du milieu de travail qui contenaient des milliers de courriels comprenant des renseignements personnels et confidentiels. Il n’y avait aucune raison liée au travail pour que vous agissiez de la sorte.

Un examen détaillé des CD a été effectué par le Système de surveillance du réseau électronique (SSRE) et a mené à la conclusion qu’ils contenaient 37 488 courriels et 776 documents comprenant des renseignements relatifs aux contribuables. Les courriels s’étendaient sur la période de décembre 2000 au 3 janvier 2006. Les 776 documents contenaient plus de 42 000 éléments de renseignements sur les contribuables, dont des noms, des numéros d’assurance sociale, des adresses et des données financières.

L’enquête subséquente menée par la Division des affaires internes et de la prévention de la fraude (DAIPF) a déterminé que vous avez téléchargé le contenu de tous les CD sur l’ordinateur portatif de votre ami, et que vous avez fait des copies, ou que vous avez demandé qu’on en fasse des copies, d’au moins un des CD. Vous avez également reconnu avoir téléchargé les CD sur votre ordinateur personnel.

La conclusion du rapport de la DAIPF est que vous [traduction]« […] avez contrevenu à la politique de l’ARC concernant la sécurité et la protection des renseignements confidentiels et avez omis de respecter les dispositions en matière de confidentialité de l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu en retirant du milieu de travail les CD non chiffrés contenant des renseignements sur les contribuables appartenant à l’ARC et en copiant ces renseignements confidentiels sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Cela a donné lieu à une divulgation non autorisée de renseignements confidentiels ».

De nombreuses tentatives ont été faites par la direction afin de récupérer l’ordinateur portatif de votre ami et, ultérieurement, votre ordinateur personnel, afin de nettoyer le reste des renseignements relatifs aux contribuables sur le disque dur. Cependant, vous vous êtes montrée peu disposée à collaborer avant la participation de la DAIPF en mars 2010. Votre manque de collaboration a nui aux tentatives de la direction afin de minimiser la menace pour la sécurité, et a entraîné le risque continu de communication et de divulgation de volumes importants de renseignements confidentiels de nature délicate.

L’examen du contenu des CD a également révélé une quantité énorme de CD de courriels personnels, ce qui rend évident que vous avez consacré une multitude d’heures de travail à envoyer et à recevoir des courriels personnels. La quantité dépasse grandement l’utilisation personnelle limitée au sens du  Code de déontologie et de conduite à la section G : Accès aux réseaux électroniques et leur usage.

Il n’y a aucun dossier disciplinaire antérieur.

[…]

78 Mme Lloyd a déclaré ne pas avoir demandé une copie de l’intégralité de son lecteur H. Les éléments dans ses dossiers personnels contenaient des éléments de preuve potentiels pour son audience d’arbitrage et, étant donné qu’ils étaient liés au travail, elle croyait y avoir droit.

79 En ce qui concerne la quantité de renseignements sur les contribuables figurant sur les CD, Mme Lloyd a affirmé qu’une part importante de ceux-ci était en double.

80 Mme Lloyd n’a jamais reconnu avoir téléchargé les CD sur son ordinateur personnel.

81 Mme Lloyd croyait qu’elle avait collaboré, dans la mesure du possible, en ce qui concerne son ordinateur et l’ordinateur portatif de son ami.

82 En ce qui concerne le paragraphe dans le Rapport de mesure disciplinaire à propos des courriels personnels, c’était la première fois que Mme Lloyd était informée de ce problème.

83 Lorsque Mme Lloyd a reçu la suspension de 40 jours, elle a déposé un grief (dossier de la CRTEFP 566-34-7716).

84 Darrell Mahoney, sous-commissaire, région de l’Ontario, ARC, était le représentant délégué tenu de répondre au grief de Mme Lloyd au troisième palier de la procédure de règlement des griefs concernant sa suspension de 40 jours. Il l’a fait le 16 avril 2012 et il a affirmé en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Votre suspension pour une période indéterminée était une mesure administrative prise par la direction. Vous avez continué à recevoir des prestations d’invalidité pendant la période de la suspension pour une période indéterminée. En outre, la direction a pris d’autres mesures pour régler les retards de l’enquête qui ont suivi en changeant une partie de cette période de temps, du 1er septembre 2010 au 12 juin 2011, en congé de maladie non payé, reconnaissant que vous aviez toujours à payer des primes au régime d’assurance-maladie et constatant que le temps passé en suspension pour une période indéterminée n’ouvrait pas droit à pension. En outre, aussitôt après avoir vérifié que votre cote de sécurité était en ordre et après avoir obtenu un certificat de santé confirmant que vous étiez apte à retourner à vos fonctions, la direction a pris des mesures pour vous permettre d’effectuer un retour au milieu de travail. L’argument soutenant que la « suspension flottante » était une tentative d’ajouter une sanction supplémentaire et qu’on avait bloqué vos efforts en vue d’effectuer un retour au travail ne peut être justifié. La direction a exercé la diligence nécessaire afin de s’assurer que le certificat médical approprié avait été obtenu et que toutes les mesures d’adaptation requises étaient en place avant votre retour et, par la suite, vous êtes retournée à vos fonctions le 13 juin 2011. J’ai déterminé que la suspension de 40 jours n’a pas été imposée immédiatement par la direction, et ce, en vue de favoriser la réussite de votre programme de retour au travail progressif.

Enfin, vous avez allégué que les actions de la direction constituaient des représailles et qu’elles avaient contrevenu aux politiques de l’ARC, à la législation et à la convention collective; cependant, dans le cadre de mon examen des circonstances concernées, je n’ai relevé aucun élément de preuve pour appuyer ces allégations.

Je suis d’accord que l’ampleur de la mesure disciplinaire était justifiée afin de vous faire comprendre la gravité de vos actions; par conséquent, je ne trouve aucun motif de modifier cette décision, et la suspension de 40 jours dans votre avis disciplinaire demeurera, malgré le fait que, cette fois-ci, elle sera considérée comme une suspension rétroactive. Les 40 jours seront déterminés comme ayant été « servis » pendant la suspension pour une période indéterminée.

[…]

85 Après l’émission de l’avis de suspension, Mme Lloyd a été informée que deux problèmes empêchaient son retour au travail (pièce U-24). Le 11 mai 2011, M. Prince a écrit à Mme Lloyd, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez prendre note que nous avons reçu des documents de la Sun Life concernant le retour au travail progressif de Mary. Je passerai en revue le plan en consultation avec les ressources humaines et je communiquerai sous peu avec vous; cependant, je peux vous informer que je ne vois aucun problème médical empêchant Mary d’effectuer un retour au travail.

À ce stade, le seul retard relatif au retour au travail est la cote de sécurité de Mary, qui demeure en suspens. La Direction de la sécurité attend actuellement les résultats d’une vérification des casiers judiciaires menée par la GRC. La GRC a demandé les empreintes digitales de Mary, qui ont été fournies le 4 avril 2011. On m’a dit qu’il peut falloir jusqu’à 180 jours pour que la GRC communique à l’Agence les renseignements dont elle a besoin. Je tente d’accélérer le traitement de la cote, cependant, on m’a informé que la GRC ne traite pas les demandes de l’Agence en priorité. Je vous tiendrai informé des progrès ou des développements.

Entre-temps, le plan de retour au travail indique qu’une évaluation ergonomique sera requise pour veiller à ce que le poste de travail de Mary soit préparé correctement. Je suggère d’aller de l’avant et de prévoir cela pendant que nous attendons la cote de sécurité. L’évaluation sera coordonnée par l’entremise de la Sun Life, alors Julie Johnson communiquera donc avec vous afin de prévoir l’évaluation. Je demanderai à quelqu’un de rencontrer Mary et l’ergonome dans l’entrée et de les escorter en haut.

[…]

86 Le 31 mai 2011, le représentant de l’agent négociateur de Mme Lloyd a écrit à M. Prince, indiquant en partie ce qui suit (pièce U-25) :

[Traduction]

[…]

Notre position est que Mary Lloyd […] a le droit de travailler pendant le renouvellement de sa cote de sécurité. Elle devrait par conséquent commencer à travailler immédiatement sur son plan de retour au travail, qui a été approuvé par toutes les parties. Un acte discriminatoire en vertu de la LCDP au motif d’un défaut de prendre des mesures d’adaptation pourrait être établi si rien de moins n’était entrepris […]

[…]

87 Également en mai 2011, Mme Lloyd a été informée d’une autre question qui, selon l’employeur, pourrait avoir une incidence sur son retour à son poste au PEC. Le 20 mai 2011, M. Prince a écrit à Mme Lloyd, déclarant en partie ce qui suit (pièce U-25) :

[Traduction]

[…]

Cependant, à ce moment, nous souhaitons vous informer d’un problème éventuel concernant le retour de Mary au PEC. Comme vous le savez, la décision de la Cour suprême du Canada dans McNeil a imposé une obligation juridique à la Couronne de divulguer à l’accusé les actes d’inconduite graves ou les dossiers criminels des témoins éventuels de la couronne qui sont pertinents à l’enquête ou qui pourraient raisonnablement avoir une incidence sur l’affaire contre l’accusé. Pour le moment, on ne sait toujours pas avec exactitude quelle incidence cela pourrait avoir pour l’Agence et, plus particulièrement, quelle incidence cela pourrait avoir sur la viabilité des renvois au SPPC dans les cas où des employés dont le dossier comprend une inconduite grave doivent agir comme témoin de l’État. Le SPPC peut déterminer que, en raison de l’inconduite liée au travail, un employé de l’ARC a des problèmes de crédibilité qui a une incidence sur leur capacité d’agir en tant que témoin dans le cadre de procédures judiciaires et, par conséquent, pourrait choisir de ne pas intenter des poursuites.

Des rapports récents avec le bureau local du SPPC ont indiqué qu’il peut adopter une interprétation très générale de McNeil, en plus de démontrer qu’on applique une norme très élevée au moment d’évaluer la crédibilité d’un témoin éventuel. Par conséquent, la direction a indiqué les risques éventuels d’attribuer du travail au PEC à des employés dont le dossier comprend des actes d’inconduite graves. À l’heure actuelle, la direction est dans l’attente d’une orientation des Relations de travail de l’Agence relativement à ces questions.

En raison des risques réels et importants découlant de McNeil, la direction doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’intégrité du Programme et de nos enquêtes. Pour cette raison, dans l’éventualité où vous obtiendriez votre cote de sécurité avant que nous obtenions une autre orientation des Relations de travail de l’Agence, on ne vous attribuera pas du travail dans des dossiers actifs du PEC, mais on vous affectera plutôt du travail du PSE de façon intérimaire. Toutes les fonctions attribuées se conformeront aux restrictions et aux limites établies dans le plan de retour au travail préparé par la Sun Life, tel qu’il est indiqué ci-dessus.

[…]

88 Mme Lloyd est retournée au travail en juin 2011, après avoir accepté un poste au PSE. Tous les éléments nécessaires dans le plan de mise en œuvre ont été mis en place, dont le plan de retour au travail progressif. L’acceptation d’un retour à un poste au PSE a été prise « […] sans porter atteinte à notre position voulant que Mary [Mme Lloyd] aurait dû être réintégrée dans le PEC et non pas dans le PSE » (pièce E-1, onglet 35).

89 Mme Delonghi a témoigné que c’était sa décision de réintégrer Mme Lloyd à un poste au PSE plutôt qu’à un poste au PEC comme l’avait accepté l’employeur en 2010. Elle a fondé sa décision sur un plan de retour au travail non daté signé par le médecin de Mme Lloyd, le 21 avril 2011 (pièce E-1, onglet 29), qui ne fait référence à aucun poste particulier, mais qui décrit plutôt les besoins en matière de mesures d’adaptation de Mme Lloyd. Selon Mme Delonghi, le poste au PSE répondait à toutes les conditions énoncées.

90 Le retour au travail progressif devait se poursuivre jusqu’en septembre 2011, puis il devait faire l’objet d’un examen. Cependant, il n’a jamais fait l’objet d’un examen et, en décembre 2011, on a indiqué à Mme Lloyd qu’elle allait être transférée à un poste de vérification civile, ce qui exigerait qu’elle suive environ 17 cours.

91 La mutation proposée a été faite en raison des préoccupations de l’employeur à propos des répercussions d’une décision de la Cour suprême du Canada intitulée « McNeil » sur la capacité de Mme Lloyd d’exercer ses fonctions. Son groupe et niveau demeurerait AU-03.

92 La mutation latérale a fait l’objet d’une discussion avec Mme Lloyd et le représentant de son agent négociateur lors d’une rencontre qui a eu lieu le 17 décembre 2011. Pendant cette rencontre, Mme Lloyd a demandé de continuer à occuper son poste au PSE et Mme Delonghi a mentionné qu’elle tiendrait compte de cette demande. Mme Delonghi a toutefois demandé à Mme Lloyd d’envisager d’accepter le poste de vérification civile ou d’autres emplois similaires. Les parties ont accepté de se rencontrer une fois de plus en janvier 2012 afin de discuter davantage de la mutation.

93 La question liée au fait de maintenir Mme Lloyd dans le poste au PSE a été portée à l’attention de M. Mahoney au début de janvier 2012. On lui a recommandé d’autoriser une MLP sans le consentement de Mme Lloyd à un poste à la Vérification, au groupe et niveau AU-03. Le 11 janvier 2012, M. Mahoney a envoyé une lettre à Mme Lloyd dans laquelle il était indiqué qu’elle était mutée à un poste de vérificatrice de l’impôt, classifié au groupe et niveau AU-03, à compter du 23 janvier 2012 (pièce E-1, onglet 38).

94 Mme Delonghi a fait un suivi de cette lettre de M. Mahoney au moyen d’une lettre qu’elle a signée le 17 janvier 2012, indiquant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 39) :

[Traduction]

[…]

En raison des exigences en matière de divulgation de McNeil, la direction a déterminé que votre dossier disciplinaire vous empêche de participer à des enquêtes ou à des procédures criminelles au nom de l’Agence. Ces fonctions sont essentielles à votre poste d’attache en tant qu’enquêtrice principale dans le Programme des enquêtes criminelles. Par conséquent, la direction a estimé qu’il était nécessaire de vous placer dans un autre poste qui n’exige pas habituellement que vous participiez à des procédures criminelles.

Cette mutation latérale permanente (MLP) est une mesure administrative prise conformément à la Directive sur les mutations latérales. On reconnaît que cette mutation latérale permanente est une mesure prise sans votre consentement. Tel qu’il est indiqué dans la Directive sur les recours en matière d’évaluation et de dotation, vous avez le droit de recevoir un recours pour cette mutation latérale permanente sans consentement sous la forme d’une rétroaction individuelle, suivie d’une révision de la décision. Des copies de la Directive sur les mutations latérales et la Directive sur les recours en matière d’évaluation et de dotation et ont été mises en pièce jointe aux fins de référence.

À compter du 23 janvier 2012, vous travaillerez à la Division des petites et des moyennes entreprises (PME) de la Vérification. Conformément à votre demande, M. Thomas Haddrath sera votre nouveau chef d’équipe. Vous trouverez ci-joint une copie de l’ébauche du Plan d’apprentissage pour votre nouvel emploi que l’on vous a remis précédemment le 21 décembre 2011. Celui-ci a été mis à jour afin de tenir compte du bon chef d’équipe. Je tiens à vous assurer que la direction s’est engagée à vous fournir le soutien nécessaire en vue d’assurer une transition réussie à votre nouveau poste.

[…]

95 Après avoir reçu la lettre du 11 janvier 2012, Mme Lloyd a rencontré l’employeur et, une fois de plus, elle a demandé qu’on l’autorise à conserver son poste au PSE. On lui a répondu qu’elle ferait l’objet d’une MLP sans son consentement. À ce stade, elle a soulevé ses préoccupations liées à sa santé et a indiqué qu’elle voulait montrer la description de travail à son médecin pour obtenir son opinion. L’employeur a accepté.

96 Le 24 janvier 2012, Mme Delonghi a envoyé à Mme Lloyd un courriel décrivant ce que l’employeur estimait être les mesures d’adaptation nécessaires pour lui permettre de réintégrer l’effectif, ainsi que quelques questions à l’intention de son médecin (pièce E-1, onglets 41 et 42).

97 Les employés peuvent utiliser un processus interne pour contester les MLP et Mme Lloyd s’en est prévalue (pièce E-1, onglet 40). Elle a prétendu avoir fait l’objet d’un traitement arbitraire. En fin de compte, le commissaire de l’ARC était d’accord avec elle et a ordonné que l’on prenne des mesures correctives (pièce E-1, onglet 51).

98 Le 8 février 2012, Mme Lloyd a déposé un grief concernant la mutation forcée dans lequel elle a déclaré ce qui suit [traduction] : « Je dépose un grief contre le fait que l’employeur a fait preuve de discrimination envers moi en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne au motif d’un handicap mental et physique » (pièce U-27). Sa mesure corrective comprenait une demande qu’elle [traduction] « […] soit indemnisée pour les dommages généraux et pour le préjudice moral afin de compenser ce traitement et la contravention à la Loi canadienne sur les droits de la personne » (dossier de la CRTFP 566-34-7718). Mme Lloyd a témoigné que toutes les mesures correctives avaient été prises, à l’exception de sa demande d’indemnisation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la défenderesse et employeur

99 Le 18 décembre 2014, la défenderesse et employeur a présenté ses arguments écrits à l’égard de ces questions. Ils ont été versés au dossier de la nouvelle Commission.

100 Les arguments écrits sont divisés en sections, chacune d’elle traitant des différents griefs et de la plainte, conformément à la demande que j’ai formulée à l’audience. Je résumerai l’argument de la défenderesse et employeur pour chaque grief et la plainte.

1. Suspension pour une période indéterminée sans traitement (dossier de la CRTEFP 566-34-3750)

101 L’employeur a fait valoir que la nouvelle Commission n’avait pas compétence pour examiner ou modifier la suspension. Il s’agissait d’une décision administrative et, par conséquent, elle ne relève pas des questions admissibles à l’arbitrage aux termes de l’article 209 de la LRTFP.

102 Il est généralement reconnu qu’une suspension sans traitement n’est pas réputée être une mesure disciplinaire. Mme Lloyd devait établir que la suspension était une mesure disciplinaire déguisée (voir Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, aux paragr. 135, 137 et 140).

103 Dans Ramirez c. Agence des douanes et du revenu du Canada,2004 CRTFP 158, un employé de l’Agence des douanes et du  Canada (l’« ADRC ») a été suspendu pour une période indéterminée sans traitement dans l’attente des résultats d’une enquête concernant des allégations selon lesquelles l’employé s’était adonné à des activités frauduleuses liées au paiement des droits de douane. Une enquête criminelle avait été entreprise. L’arbitre de grief a conclu (aux paragr. 30 et 31) que l’ADRC avait été justifiée de suspendre pour une période indéterminée l’employé dans l’attente du résultat de l’enquête, en raison du risque pour la réputation de l’ADRC, et que le fait de permettre à l’employé de continuer à travailler aurait été un fardeau trop important à assumer pour l’ADRC.

104 En prenant en considération les fonctions de Mme Lloyd en tant qu’enquêtrice criminelle, sa position de confiance au sein de l’organisation et la gravité de l’inconduite alléguée, il était tout à fait loisible à l’ARC de protéger le public et son milieu de travail à la lumière des renseignements de nature délicate qu’elle détenait en la suspendant dans l’attente des résultats de l’enquête. L’employeur a demandé que ce grief soit rejeté.

105 Subsidiairement, même si l’on détermine que la suspension est de nature disciplinaire plutôt qu’administrative et que la Commission se déclare compétente, l’employeur a fait valoir que sa décision de suspendre Mme Lloyd était raisonnable et qu’elle ne devrait pas être modifiée à la légère, car elle était raisonnable.

2. Suspension de 40 jours (dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717)

106 Compte tenu de la gravité de l’inconduite de Mme Lloyd, qui a donné lieu à une divulgation non autorisée de près de 42 000 éléments de renseignements sur les contribuables et à une menace importante pour la réputation de l’ARC, l’employeur a fait valoir que la suspension disciplinaire de 40 jours était plus que justifiée. En toute honnêteté, elle aurait pu être licenciée.

107 Dans Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada,2001 CRTFP 124, aux paragr. 93 et 94, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a reconnu que la confidentialité des renseignements sur les contribuables revêtait la plus haute importance pour l’ADRC et l’intégrité du système de production de déclarations de revenus. En outre, un grave préjudice potentiel aurait pu être causé si le fonctionnaire dans cette affaire avait fourni à des tiers les renseignements confidentiels auxquels il avait eu accès. En conséquence, l’arbitre de grief a conclu que même si la suspension se trouvait à l’extrême de la gamme acceptable (dans cette affaire, 20 jours pour un accès non autorisé aux renseignements de deux contribuables – le fonctionnaire et sa conjointe), les circonstances atténuantes ne suffisaient pas pour justifier une réduction du nombre de jours. En outre, même si le fonctionnaire avait présenté ses excuses concernant l’accès non autorisé, on a déterminé qu’il ne semblait pas présenter d’éléments de remords et d’acceptation de l’inconduite.

108 En plus des politiques de l’ARC, le paragraphe 241(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu établit l’importance de protéger les renseignements confidentiels et d’agir dans l’intérêt public et prévoit ce qui suit (voir Buset c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 26, au paragr. 9, ainsi que les articles 2, 3, 9, 239, 241 et 246 de la Loi de l’impôt sur le revenu) :

241. (1) Sauf autorisation prévue au présent article, il est interdit à un fonctionnaire ou autre représentant d’une entité gouvernementale :

a) de fournir sciemment à quiconque un renseignement confidentiel ou d’en permettre sciemment la prestation;

b) de permettre sciemment à quiconque d’avoir accès à un renseignement confidentiel;

c) d’utiliser sciemment un renseignement confidentiel en dehors du cadre de l’application ou de l’exécution de la présente loi, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’assurance-chômage ou de la Loi sur l’assurance-emploi, ou à une autre fin que celle pour laquelle il a été fourni en application du présent article.

109 La description de travail de Mme Lloyd précise que son rôle en tant qu’enquêtrice et vérificatrice classifiée au groupe et niveau AU-03 consiste à enquêter sur les particuliers et les sociétés soupçonnés d’avoir commis des infractions relativement à la Loi de l’impôt sur le revenu. En tant qu’enquêtrice travaillant avec des renseignements confidentiels, et en vertu des obligations juridiques énoncées dans la Loi de l’impôt sur le revenu, Mme Lloyd était tenue à une norme de confiance élevée. Elle s’était vue confier un accès à des renseignements sur les contribuables. Ce faisant, on attendait d’elle qu’elle protège ces renseignements de nature délicate et qu’elle agisse en tout temps dans l’intérêt public et non pas dans son propre intérêt au détriment des contribuables.

110 Au lieu de cela, Mme Lloyd a copié les renseignements de milliers de contribuables sur au moins un appareil n’appartenant pas à l’ARC, elle a donné à son petit ami de l’époque accès à des CD contenant ces renseignements confidentiels et a fait deux autres copies des CD, ce qui a donné lieu à une divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables, en contravention à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

111 Mme Lloyd a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve voulant que la divulgation non autorisée ait causé des préjudices aux contribuables. Cependant, tel qu’il a été soulevé par la Cour d’appel fédérale, une inconduite qui place un employeur dans une situation où il court un risque important de subir un préjudice grave peut suffire à justifier une mesure disciplinaire, y compris un licenciement, même si le préjudice ne se concrétise pas. Un risque important de subir un préjudice grave est suffisant (voir Banque de Commerce Canadienne Impériale c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 (C.A.), et Payne c. Banque de Montréal, 2013 CAF 33, aux paragr. 58 et 59).

3. MLP sans consentement et discrimination (dossier de la CRTEFP 566-34-7718)

112 L’employeur a fait valoir que, conformément au paragraphe 208(2) de la LRTFP, la décision d’assujettir Mme Lloyd à une MLP sans son consentement n’était pas visée par la compétence de la nouvelle Commission, car elle s’était déjà prévalue d’un autre mécanisme administratif en matière de recours. Elle a utilisé le mécanisme de recours de l’ARC dans le cadre de son Programme de dotation et elle a reçu la décision qu’elle souhaitait obtenir – la MLP a été annulée et elle a été en mesure de retourner à ses fonctions au PEC. Cet aspect de son grief est maintenant théorique (voir Dhudwal et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 116).

113 Le seul aspect du grief sur lequel la nouvelle Commission peut se pencher est la plainte relative à la discrimination et au défaut de prendre des mesures d’adaptation de Mme Lloyd. Pour établir que l’ARC a fait preuve de discrimination et a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, elle devait établir ce qui suit (voir Ahmad c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 60, au paragr. 119) :

  1. qu’elle était atteinte d’une invalidité l’empêchant d’exercer une ou plusieurs des fonctions essentielles de son poste;
  2. qu’elle avait avisé l’employeur de l’existence de son invalidité;
  3. que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre les mesures d’adaptation qui s’imposaient en l’espèce.

114 Mme Lloyd n’a pas établi qu’elle était atteinte d’une invalidité et, par conséquent, elle n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination.

115 L’employeur a fait valoir que Mme Lloyd avait également échoué la deuxième partie du critère puisqu’elle n’a pas avisé l’employeur de son invalidité avant qu’il décide de la muter. En fait, avant de rendre la décision relative à la MLP, la direction a passé en revue les renseignements médicaux en sa possession et a déterminé qu’il pouvait facilement répondre aux besoins concernant le retour progressif de Mme Lloyd au milieu de travail dans un autre poste. Le dossier ne comprenait aucun renseignement médical pour indiquer qu’elle ne pouvait pas être mutée à un nouveau poste; aucun renseignement n’indiquait qu’elle éprouvait des problèmes cognitifs. Très certainement, l’employeur ne pouvait pas avoir manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une invalidité dont il n’avait pas été avisé.

116 Finalement, Mme Lloyd n’a pas établi que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard une fois qu’il a été avisé de ses problèmes cognitifs (peu importe ce qu’ils pouvaient être). Aussitôt qu’elle a soulevé ces questions, une fois que la décision relative à la MLP a été prise, la direction a immédiatement mis fin à son transfert à des fonctions de vérification et a demandé des renseignements médicaux de son médecin (il a fallu un certain temps pour les obtenir et ceux-ci demandaient plusieurs clarifications).

117 La direction a ensuite entrepris de travailler avec Mme Lloyd, en fonction de sa compréhension des conseils du médecin, afin de trouver un emploi approprié à la Vérification où l’on répondrait à ces besoins en matière de mesures d’adaptation. La direction a soutenu qu’en raison de motifs opérationnels découlant de McNeil, elle ne pouvait tout simplement pas maintenir Mme Lloyd dans son poste au PEC. Quoi qu’il en soit, la décision relative à la MLP a éventuellement été annulée, Mme Lloyd n’a jamais eu à assumer des fonctions de vérification.

118 L’employeur a satisfait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Lloyd selon les renseignements en sa possession et au fur et à mesure que ces renseignements continuaient de devenir disponibles. Il a fait des efforts de bonne foi en vue de comprendre la nature de ses limitations et de prendre des mesures d’adaptation à son égard. C’est plutôt Mme Lloyd qui n’a pas collaboré au processus de mesures d’adaptation. Elle a insisté sur ce qu’elle considérait comme étant la mesure d’adaptation idéale (qui consistait à demeurer au PEC) et s’est montrée extrêmement réticente à aider à la recherche d’emplois similaires. Un représentant de l’employeur a décrit le processus consistant à tenter de l’aider à choisir un nouvel emploi comme [traduction] « une tâche impossible ».

4. Plainte de pratique déloyale de travail (dossier de la CRTEFP 561-34-440)

119 Mme Lloyd a allégué que la décision de la défenderesse du 6 novembre 2009 de la suspendre sans traitement était motivée par [traduction] « […] [son] exercice de [ses] droits, donnant suite à l’arbitrage et justifiant [ses] prétentions à l’arbitrage en utilisant des renseignements auxquelles l’ARC [lui] avait donné accès ». Elle a cité une contravention aux sous-alinéas 186(2)a)(ii), (iii) et (iv) de la LCDP par l’employeur.

120 La défenderesse a fait valoir qu’il n’y avait pas la moindre trace de preuve pour appuyer une prétention selon laquelle sa décision de suspendre administrativement Mme Lloyd avait été prise en guise de représailles en raison du fait qu’elle avait donné suite à son grief contre M. Prince. La décision était un résultat direct de la divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables par Mme Lloyd et du risque pour la sécurité que son retour posait pour l’ARC avant la fin de l’enquête.

121 Le seul lien entre l’audience d’arbitrage de 2008 et la suspension de Mme Lloyd de 2009 est que, pendant cette audience, l’ARC a découvert qu’elle avait en sa possession 18 CD non chiffrés qui contenaient une quantité importante de renseignements sur les contribuables et qu’il était possible qu’elle ait copié ces renseignements sur l’ordinateur portatif de son petit ami de l’époque. Elle n’avait aucune raison d’avoir obtenu et divulgué plus de 37 000 éléments de renseignements sur les contribuables en préparation à son audience d’arbitrage (ou, en passant, d’avoir apporté l’intégralité de ces renseignements à l’audience si tout ce dont elle avait besoin était le courriel du 30 juin 2005 lié à sa demande de mesures d’adaptation).

122 À ce titre, la défenderesse a fait valoir qu’elle s’était acquittée de son fardeau de démontrer que les mesures qu’elle avait prises n’étaient pas motivées par le fait que Mme Lloyd avait déposé un grief antérieurement ou y avait donné suite. La défenderesse a demandé que cette plainte soit rejetée.

123 La défenderesse a présenté un recueil de textes à l’appui comprenant 23 onglets de jurisprudence. Je ne les citerai pas ici, mais je soulignerai que le recueil a été versé au dossier de la nouvelle Commission.

B. Pour la plaignante et fonctionnaire

124 L’Institut a présenté des arguments et une réfutation écrite le 31 mars 2015, qui ont été versés au dossier de la nouvelle Commission.

125 Les arguments écrits de l’Institut sont également divisés en arguments sur chaque grief et la plainte, comme je l’avais demandé. J’ai résumé les arguments et la réfutation, et je les ai organisés pour que l’ordre corresponde à celui des arguments de l’ARC par souci de commodité.

1. Suspension pour une période indéterminée sans traitement (dossier de la CRTEFP 566-34-3750)

         

126 Mme Lloyd a fait valoir que la suspension « administrative » était réellement de nature disciplinaire et que, par conséquent, elle était admissible à l’arbitrage aux termes de la LRTFP. Elle a déclaré que a) la période de temps qu’il a fallu pour mener l’enquête, b) le manque de diligence nécessaire et d’objectivité dans l’enquête, et c) les constatations viciées découlant des méthodes d’enquête, ont rendu la suspension disciplinaire.

127 La gravité des incidents en question a été contredite par l’approche adoptée par l’employeur à l’égard du problème. Si cette question était aussi grave, pourquoi a-t-il fallu attendre plus d’une année pour suspendre Mme Lloyd? Le premier contact précis à propos de l’ordinateur portatif remonte à janvier 2009, en provenance de Mme Todesco. Mme Lloyd a répondu le même mois, exposant les raisons pour lesquelles elle n’était pas en mesure de faire ce qu’on lui demandait. La correspondance suivante est arrivée en juin 2009 (cinq mois plus tard) en provenance d’une autre directrice, Mme Delonghi. Ensuite, Mme Walker, une autre directrice, a écrit en septembre 2009. Mme Lloyd avait une attente raisonnable, compte tenu de la période de temps qui s’était écoulée, que l’affaire soit conclue; cependant, en novembre 2009, elle a été suspendue.

128 Mme Lloyd a attendu du 6 novembre 2009 (la date à laquelle elle a reçu une lettre de suspension administrative) au 14 janvier 2011 pour recevoir les résultats de l’enquête, soit environ 425 jours. Elle a ensuite attendu du 14 janvier au 17 mars 2011 pour que la mesure disciplinaire soit appliquée, soit environ 60 jours. Elle a ensuite été autorisée à retourner au travail le 11 juin 2011, après une autre période d’environ 90 jours. Le nombre total de jours où elle a été absente du travail après avoir prévenu l’employeur qu’elle était prête à effectuer un retour au travail était d’environ 580 jours.

129 Un total de 281 jours, entre septembre 2010 et le 11 juin 2011, qui faisait originalement partie de la suspension administrative, ont été reconvertis en mars 2011 en « CNP », le code de congé sous lequel Mme Lloyd avait été absente avant novembre 2009. Pourquoi cette mesure ou une autre n’a-t-elle pas été prise plus tôt afin d’alléger le fardeau de sa longue absence?

130 L’ARC est entièrement responsable du délai relatif à l’achèvement de l’enquête. Mme Rodriguez, l’enquêtrice principale et auteure du rapport d’enquête, n’a été affectée à l’enquête qu’en décembre 2009. Quatre mois plus tard, en avril 2010, elle est devenue gestionnaire intérimaire de la DAI, car le dernier gestionnaire avait quitté son poste avec peu, voire aucun, avis; elle ne pouvait pas procéder à un examen par les pairs de son rapport d’enquête, car cela aurait constitué un conflit d’intérêts.

131 Le rapport d’enquête de Mme Lloyd était dans une file d’attente, car il y avait un inventaire d’enquêtes ainsi qu’un processus d’approbation reposant sur la priorisation. Même s’il était de priorité élevée, le délai a été très long et, en raison d’un [traduction] « arrêt, aucun des rapports n’est sorti ».

132 La jurisprudence présentée par l’Institut montrait qu’une longue enquête était déraisonnable et que cela avait fait en sorte que des griefs avaient été accueillis partiellement ou en totalité.

133 L’enquête n’a pas été menée avec la diligence nécessaire et ni avec objectivité. Même si Mme Lloyd a soulevé la question selon laquelle ses supérieurs apportaient du travail à domicile et qu’ils copiaient des renseignements sur des appareils n’appartenant pas à l’ARC (ce dont on l’accusait) dans son entrevue avec Mme Rodriguez et, même si cette question était clairement pertinente pour établir que la direction de l’ARC appliquait les normes sans uniformité, Mme Rodriguez a choisi de l’ignorer.

134 Mme Rodriguez doit avoir été informée de l’argument relatif à la tolérance qui s’en serait suivi si le point soulevé par Mme Lloyd avait été confirmé. Mme Lloyd a subi un préjudice.

135 Après que Mme Lloyd ait soulevé ses questions, celles-ci n’ont pas fait l’objet d’un examen entier et équitable, contrairement à la justice naturelle et à l’équité procédurale.

136 Il n’y avait aucune preuve que Mme Lloyd avait téléchargé des renseignements quelconques. Le fait de déclarer qu’elle en a téléchargé une partie est une question d’opinion, pas de fait. Toute preuve qui établissait le téléchargement par opposition à la copie, comme Mme Lloyd a témoigné avoir fait, a été accomplie à l’interne; aucun des tests n’a été déposé en preuve et aucun des tests n’a été effectué sur l’ordinateur portatif de son ami pour corroborer la prétention que l’on retrouverait des traces des renseignements sur les contribuables sur son disque dur. La preuve la plus claire qu’il n’y a eu aucun téléchargement était le fait que l’on n’ait rien trouvé lors de l’examen du disque dur de l’ordinateur au domicile de Mme Lloyd. Selon la prépondérance des probabilités, si on n’a rien trouvé sur son ordinateur, alors on n’aurait rien trouvé sur l’ordinateur portatif de son ami.

137 L’approche au problème des CD et au risque pour l’ARC n’était ni raisonnable ni objective. Le résultat prédéterminé et la durée de la suspension administrative ainsi que sa conclusion mal informée équivalent à une mesure disciplinaire et constitue une mesure disciplinaire aux termes de la LRTFP, peu importe le terme utilisé pour la désigner.

138 Dans sa réfutation des arguments de l’employeur, l’Institut a établi une distinction entre la jurisprudence sur laquelle l’employeur s’est appuyé et les faits de la présente affaire. En outre, elle a indiqué qu’une punition raisonnable ne se serait pas étirée de novembre 2009 à mars 2011, ce qui correspond à la période de temps pendant laquelle on a tenu Mme Lloyd à l’écart du travail en raison de l’enquête. Même si l’on devait accepter qu’un changement rétroactif du statut à un congé de maladie non payé avait changé quelque chose, alors l’employeur semblait suggérer qu’une suspension de 10 mois était une sanction raisonnable.

139 Le 7 août 2007, Mme Lloyd est partie en congé de maladie non payé. Le 6 novembre 2009, son congé a été modifié en une suspension sans traitement. En fin de compte, elle est retournée en congé non payé en septembre 2010. Elle a donc été suspendue sans traitement de novembre 2009 à septembre 2010.

2. Suspension disciplinaire de 40 jours (dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717)

140 L’un des facteurs que Mme Delonghi a indiqué dans sa décision à propos du quantum de la mesure disciplinaire était la Loi de l’impôt sur le revenu et la contravention à celle-ci. On a imposé à Mme Lloyd une mesure disciplinaire plus longue que ce qui aurait dû lui être imposée en raison de l’allégation de contravention à la Loi de l’impôt sur le revenu,ce que l’on n’a pas réussi à démontrer.

141 Mme Rodriguez a lu la conclusion des Services juridiques voulant que Mme Lloyd ait contrevenu à la Loi de l’impôt sur le revenu, mais ne lui a posé aucune question à ce sujet pendant l’enquête. Mme Rodriguez a supposé qu’il s’agissait d’un fait. L’enquête n’a fourni aucune analyse ou preuve de vive voix quant à savoir pourquoi elle, en tant qu’enquêtrice, croyait que les actions de Mme Lloyd contrevenaient à la Loi de l’impôt sur le revenu. Les autres témoins n’ont pas non plus, en dehors de commentaires généraux, présenté une telle preuve. Il ne s’agissait pas d’un cas de justice naturelle, car Mme Lloyd ne pouvait pas examiner et répondre équitablement à qui ou à ce qui avait donné lieu à cette allégation.

142 En examinant les articles pertinents de la Loi de l’impôt sur le revenu citée dans les arguments de l’employeur, le mot « sciemment » a une position importante à titre de premier mot de chaque paragraphe. La position de Mme Lloyd était que si elle avait fait l’une des choses décrites dans les paragraphes pertinents (ce qu’elle conteste), elle ne les a pas faites « sciemment ».

143 La position de Mme Lloyd est que les dispositions mentionnées dans la Loi de l’impôt sur le revenu ont pour objet de traiter avec les particuliers qui tentent délibérément de frauder le gouvernement ou de contrevenir à la loi, ce dont aucun des témoins de l’employeur ne l’a accusée.

144 Le rapport disciplinaire contient des inexactitudes et laisse entendre que Mme Lloyd a admis des choses qu’elle n’a pas admises, par exemple le téléchargement des CD sur son ordinateur personnel.

145 L’employeur a établi les paramètres de l’incident en 2009 (pièce U-28), cependant, Mme Lloyd a reçu un avis disciplinaire en mars 2011 qui déclarait qu’elle était coupable de plusieurs infractions graves, par exemple, son défaut de respecter la Loi de l’impôt sur le revenu et sa divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables.

146 Un certain nombre de facteurs atténuants devrait être pris en considération, dont :

  1. les 11 années de bon service et le dossier sans tache de Mme Lloyd;
  2. le retard causé par le fait que l’employeur a omis d’agir à l’intérieur d’un délai raisonnable;
  3. l’application incohérente par l’employeur de politiques faibles;
  4. la nature de l’incident en cause;
  5. le fait que Mme Lloyd n’avait pas d’intentions mauvaises ou frauduleuses.

147 Il y a eu contravention de la clause 43.01 de la convention collective (la clause d’élimination de la discrimination). M. Prince a effectivement empêché Mme Lloyd de retourner au travail et de contribuer à titre d’employée pendant six mois. Il a allégué que ses renseignements médicaux n’étaient pas à jour, même si, en fin de compte, le plan de mesures d’adaptation créé en 2010 a été utilisé. L’employeur a eu recours à la décision McNeil pour empêcher Mme Lloydde retourner au PEC. On a eu recours à la question relative à la cote de sécurité pour empêcher son retour. On aurait dû autoriser Mme Lloyd à retourner au travail pendant que ces questions étaient éclaircies. On a contrevenu à la convention collective, car les actions de M. Prince étaient discriminatoires selon les motifs relatifs à une invalidité qui figurent dans cet article.

148 Au moyen d’une réfutation des arguments de l’employeur concernant la suspension de 40 jours, l’Institut a établi une distinction entre la jurisprudence sur laquelle l’employeur s’est fondé et les faits du cas.

149 En ce qui a trait aux allégations liées à la contravention de la Loi de l’impôt sur le revenu, la partie importante de cette loi citée est le terme « sciemment ». Mme Lloyd a toujours maintenu qu’elle n’avait contrevenu à aucun article de la Loi de l’impôt sur le revenu. Même s’il pourrait être approprié de suggérer qu’elle aurait dû savoir qu’elle ne devait pas utiliser un appareil n’appartenant pas à l’ARC pour faire des copies des CD, on n’a pas réussi à démontrer qu’elle était coupable d’une divulgation non autorisée. Même si, éventuellement, des traces auraient pu être laissées sur le disque dur de son ami, elle ne les avait pas « sciemment » laissées à cet endroit.

150 En référence à ses actions, Mme Lloyd a posé la question suivante : [traduction] « Quel était donc le risque réel [le passage en évidence l’est dans l’original]? ». Elle a déclaré que deux témoins de l’employeur ont mentionné la publicité négative et à quel point cela pourrait s’avérer préjudiciable. Un autre risque aurait pu être la présence de renseignements confidentiels sur un ordinateur portatif n’appartenant pas à l’ARC. Si ce risque était réellement important, l’ARC n’aurait-elle pas utilisé la pleine étendue de ses ressources afin d’accéder à l’ordinateur portatif de son ami en 2008? Elle ne l’a jamais fait. Le simple fait est que lorsque l’employeur a rencontré et interviewé son ami en décembre 20009, il l’a cru; il n’a pas cherché à obtenir son ordinateur portatif. Il a cru à son explication relativement à ce qui s’était produit et n’a vu aucun avantage à chercher davantage à obtenir cet ordinateur portatif. L’employeur n’a jamais pris possession de son ordinateur et ne l’a jamais analysé dans le but de protéger les renseignements sur les contribuables. Mme Rodriguez a été claire lorsqu’elle a fait référence comme suit à tous les renseignements qui pourraient demeurer sur l’ordinateur portatif de l’ami de Mme Lloyd : [traduction] « [q]uelqu’un devrait savoir qu’ils y sont, puis avoir les outils pour les extraire ». Mme Rodriguez a laissé entendre que s’il y avait quoi que ce soit, il y avait très peu de chance que quelqu’un réussisse à les extraire.

151 D’autres éléments de preuve d’un risque minimal sont démontrés dans une lettre de l’ARC à l’intention du Commissariat à la protection de la vie privée datée du 15 décembre 2010. Cette lettre indique que les contribuables étaient exposés à très peu de risque à la suite de cet incident (en faisant référence à l’affaire de Mme Lloyd sans toutefois mentionner son nom).

152 Mme Lloyd n’était pas responsable du fait que les CD n’étaient pas chiffrés et ce n’est pas elle qui les a gravés. La preuve a démontré qu’il n’était pas possible de chiffrer les CD au moment pertinent et, même si cela avait été possible, c’est la TI qui l’aurait fait, pas elle.

3. MLP sans consentement et discrimination (dossier de la CRTEFP 566-34-7718)

153 Dans cette affaire, la discrimination a eu lieu en raison d’un défaut de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Lloyd pour des motifs d’invalidité mentale ou physique. L’employeur devait démontrer qu’il y avait une exigence professionnelle légitime d’obliger Mme Lloyd à quitter son poste ayant fait l’objet de mesures d’adaptation. Le fardeau d’établir que la mutation était discriminatoire lui aurait alors incombé.

154 Il semble y avoir une certaine confusion dans les arguments de l’employeur. Mme Lloyd ne travaillait pas au PEC lorsqu’on a pris la décision de l’assujettir à une MLP. En outre, Mme Delonghi a témoigné que les questions soulevées dans McNeil n’étaient pas en cause dans le cadre du PSE, où Mme Lloyd a effectué son retour au travail. Si Mme Lloyd ne travaillait pas au PEC, alors McNeil ne pouvait pas constituer un motif légitime pour la muter. Les arguments de l’employeur semblent indiquer que Mme Lloyd avait été mutée à un nouveau poste au PSE, ce qui était faux. Elle passait d’un rôle d’enquête à la Vérification, à une fonction et un rôle différents, et ce, à un autre étage de l’immeuble.

155 Même si l’employeur avait confiance que Mme Lloyd pourrait effectuer facilement la transition à la Vérification, où elle n’avait pas travaillé depuis de nombreuses années, son médecin et elle ne croyaient pas que cela serait si facile.

156 Mme Lloyd est revenue au travail au PSE en juin 2011 (même si elle préférait le PEC) et, six mois plus tard, elle a fait l’objet d’une mutation unilatérale à la Vérification, un secteur où elle avait déjà travaillé 12 ans auparavant, dans un poste classifié PM-02.

157 Même si l’expression [traduction] « déficience cognitive » peut ne pas avoir été utilisée dans la présente affaire, il était manifestement faux de laisser entendre que l’employeur n’avait pas été avisé que Mme Lloyd avait subi une lésion cérébrale. Ses mesures d’adaptation et ses limitations étaient fondées sur cette blessure et sur sa récupération. Le 7 décembre 2009, Mme Curgenven, du centre Ramsay de l’institut de réadaptation de Toronto, a écrit au superviseur de Mme Lloyd, Hans Neilson, indiquant en partie ce qui suit (pièce U-14) :

 [Traduction]

[…]

Comme vous le savez en raison de la correspondance et des documents précédents, Mme Lloyd a achevé une thérapie dans le cadre du programme pour malades externes souffrant de lésion cérébrale acquise au centre Ramsay de l’institut de réadaptation de Toronto, le 25 novembre 2009. Également indiqué dans les documents précédents, selon notre évaluation et nos observations, nous estimons que Mme Lloyd s’est réhabilitée de sa lésion cérébrale, de sorte qu’elle est maintenant prête à reprendre le travail, bien que de façon progressive et avec certaines mesures d’adaptation raisonnables en place.

[…]

158 M. Neilson a approuvé le plan, ce qui a donné lieu au plan de mesures d’adaptation de Mme Lloyd du 3 mars 2010. Le plan qui a été mis en œuvre en prévision du retour de Mme Lloyd en juin 2011 figure à la pièce U-29. Ensuite, au cours d’une rencontre en janvier 2012, on a annoncé à Mme Lloyd qu’elle serait assujettie à une MLP.

159 Les plans pour transférer Mme Lloyd à la Division de la vérification étaient bien avancés sans qu’elle en soit informée. Cette mutation était en cours avant la tenue de la rencontre officielle qui a eu lieu le 20 décembre 2011, ce qui indique que la décision avait été prise et que toute discussion, y compris sur les mesures d’adaptation, ne serait que superficielle.

160 Pour une deuxième fois, le BSF local de Toronto a omis de tenir compte des besoins en mesures d’adaptation de Mme Lloyd et a agi de façon unilatérale, cette fois-ci en tentant de l’obliger à accepter une mutation sans tenir de discussions multipartites sur les mesures d’adaptation. La preuve a démontré que Mme Lloyd a fait l’objet de discrimination au motif d’une [traduction] « invalidité mentale et physique » et elle a demandé une réparation conformément à la LCDP.

161 En réfutation aux arguments de l’employeur, l’Institut a fait une distinction entre la jurisprudence citée par l’employeur et les faits de l’affaire concernant Mme Lloyd.

162 De plus, l’Institut a écrit qu’à la suite de ses blessures, Mme Lloyd devait revenir à un nouvel emploi – le poste au PSE. Le certificat médical devait permettre à Mme Lloyd de retourner à son ancien poste au PEC, mais elle a convenu avec l’employeur de retourner au PSE. Elle a travaillé et a bien fait pendant six mois; puis l’employeur a déclaré unilatéralement qu’elle ne devrait plus y être. Elle n’a pas cherché à entreprendre d’autres mesures d’adaptation ou des mesures différentes. En outre, elle voulait demeurer au PSE, plutôt que d’être mutée à la Vérification, car le processus relatif aux mesures d’adaptation dont elle faisait l’objet à cet endroit était toujours en cours et qu’elle avait un bon rendement.

163 L’employeur a traité la question de [traduction] « révision de la décision » que Mme Lloyd a déposée à l’égard de sa MLP sans consentement. Selon la politique de l’ARC, cela n’aurait jamais dû se produire. Même si elle a éventuellement gagné cette affaire en interjetant appel, elle a tout de même été physiquement mutée et on lui a dit initialement d’effectuer du travail de vérification, puis du travail du PSE à son nouvel emplacement. Les questions en suspens consistent à déterminer si des tentatives appropriées de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Lloyd ont été faites avant d’obliger cette dernière à accepter la mutation et si elle a fait l’objet de discrimination en raison des actions de l’employeur.

164 Le point fondamental est que Mme Lloyd n’a pas accéléré les discussions sur les mesures d’adaptation ou n’a pas demandé une mutation de son poste au PSE. Le grief n’était pas une réponse à une mesure d’adaptation inadéquate à un nouveau poste, mais une réponse à un plan en vue de la muter à un poste ayant fait l’objet d’une mesure d’adaptation convenue sans consultation. L’employeur a déterminé qu’elle devait être mutée sans prendre en considération ce que cela pourrait signifier pour sa santé.

4. Plainte de pratique déloyale de travail (dossier de la CRTEFP 561-34-440)

165 Mme Lloyd a déposé cette plainte auprès de l’ancienne Commission après avoir été empêchée de retourner au travail le 6 novembre 2009 au moyen d’une lettre de suspension. La suspension a fait l’objet d’un grief distinct, mais la position de Mme Floyd était que sa suspension constituait une mesure de représailles aux termes de l’article 190 de la LRTFP.

166 L’ARC a pris des mesures en guise de représailles contre Mme Lloyd en refusant de lui permettre de retourner au travail. Elle a fait cette détermination en raison du moment de la suspension.

167 La suspension administrative n’a eu lieu que lorsque Mme Lloyd a annoncé qu’elle était prête à effectuer un retour au travail. Elle n’a pas eu lieu au moment de la découverte que les CD étaient en sa possession et qu’elle pourrait avoir fait quelque chose d’inapproprié avec ceux-ci. L’intention qui sous-tend la suspension peut uniquement être perçue comme un effort visant à la tenir en dehors du milieu de travail. La défenderesse ne voulait pas qu’elle travaille; il s’agissait d’une mesure de représailles.

168 Ontario Jockey Club v. Service Employees International Union, Local 528 (1977), 17 L.A.C. (2e) 176, au paragr. 6, établit les principes généraux pour décider si un employé pouvant être coupable d’inconduite devrait être maintenu en poste ou être relevé de ses fonctions pendant l’enquête. Selon ces principes, Mme Lloyd aurait-elle dû pouvoir travailler pendant l’enquête sur sa conduite? La réponse est « oui ».

169 Une autre raison pour laquelle la suspension constituait une mesure de représailles est que certaines des personnes concernées par l’audience d’arbitrage de 2008 étaient également concernées par la suspension de 2009. Une autre raison est que l’employeur avait une opinion juridique qui déterminait la culpabilité de Mme Lloyd.

170 À titre de mesure corrective, Mme Lloyd a demandé que chacun des trois griefs soit accueilli et que la mesure corrective de chacun des griefs soit accordée. Elle a demandé soit l’élimination de la mesure disciplinaire et de la suspension de 40 jours ou une réduction de la sévérité de la suspension.

171 Conformément aux principes des relations de travail, Mme Lloyd a demandé d’être indemnisée intégralement de toutes les manières possibles pour l’ensemble de ses questions, ce qui comprendrait ce qui suit, sans nécessairement s’y limiter :

[Traduction]

  1. La différence entre les paiements de la Sun Life et son plein salaire au groupe et niveau AU-03. Cela correspond à environ 30 p. 100 du traitement, du 6 novembre 2009 au 11 juin 2011 (environ 580 jours).
  2. Les primes de retraite pour la même période que celle indiquée ci-dessus. Le rajustement des années de service ouvrant droit à pension, au besoin.
  3. Les primes d’assurance-maladie qu’elle a versées directement.
  4. Les reçus dentaires qui ont été payés directement, car la couverture d’assurance dentaire a cessé lorsqu’elle a été suspendue et qu’elle n’avait pas les moyens de payer les primes elle-même.
  5. L’équivalent des indemnités accordées par la LCDP pour les dommages généraux et relativement à des préjudices moraux, et une pratique discriminatoire délibérée aux termes de l’alinéa 53(2)e) et le paragraphe 53(3). Comme dans Filiter (pièce U-2), les arbitres de grief ont le pouvoir en vertu des alinéas 226(1)g) et h) d’interpréter, d’appliquer et d’ordonner une réparation en application de la LCDP.
  6. Qu’il y ait une ordonnance relativement à la communication des renseignements personnels de Mme Lloyd, qui se trouvaient sur les CD originaux, qui sont toujours en possession de l’ARC.

172 Finalement, si une réparation devait être déterminée en faveur de Mme Lloyd, elle a demandé à ce que l’arbitre de grief soit saisi des dossiers dans l’éventualité de difficultés liées à la mise en œuvre.

173 L’Institut a présenté un recueil de textes à l’appui contenant 13 cas. Une fois de plus, je ne les citerai pas ici, mais je soulignerai que le recueil de textes à l’appui a été versé au dossier de la nouvelle Commission.

C.Réfutation de l’employeur et défenderesse

174 L’ARC a présenté une réfutation le 27 avril 2015, à l’égard des arguments de l’Institut, qui a été versée au dossier de la nouvelle Commission.

1. Suspension pour une période indéterminée sans traitement (dossier de la CRTEFP 566-34-3750)

175 La suspension administrative a commencé en novembre 2009. Elle a pris fin en mars 2011, lorsqu’une décision disciplinaire relative à une suspension de 40 jours a été rendue. Ultérieurement, en juin 2011, Mme Lloyd a été en mesure de retourner au travail une fois que d’autres questions (qui ne font pas l’objet du présent grief) ont été réglées.

176 Quant à la durée de la suspension de novembre 2009, la période allant de septembre 2010 à mars 2011 a été rétablie à un congé de maladie non payé. Par conséquent, la suspension administrative a duré environ 10 mois. Il ne s’agissait pas des 600 jours allégués dans les arguments de l’Institut.

177 Pendant la suspension administrative, une enquête était en cours. Un examen préliminaire a été effectué, suivi d’une enquête exhaustive. L’Institut a tenté d’attaquer le processus d’enquête en formulant une variété d’allégations. Cependant, la Cour d’appel fédérale a unanimement soutenu que de telles allégations étaient réglées par une audience de novo, comme celle-ci (Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL)).

178 Pendant la suspension, l’employeur a examiné le besoin de poursuivre celle-ci à au moins trois reprises. Les examens ont décelé ce besoin. En outre, cette histoire a fait l’objet d’un article dans un journal local, et de graves préoccupations ont été soulevées à l’égard de la réputation de l’ARC, lesquelles répondaient aux exigences détaillées dans Ontario Jockey Club.

179 La suspension administrative a commencé en novembre 2009, car c’est à ce moment que Mme Lloyd a reçu le certificat médical lui permettant d’effectuer un retour au travail. Avant ce moment, elle était en congé de maladie et ne se trouvait pas au bureau.

180 L’employeur a commencé la suspension lorsqu’il semblait que Mme Lloyd s’apprêtait à retourner au travail, car, avant que tous les faits soient connus, cela posait un risque pour l’ARC de lui permettre de réintégrer le milieu de travail, là où elle pourrait avoir accès à des renseignements confidentiels. Tous les postes de l’ARC donnent un certain accès à des renseignements confidentiels. Étant donné que l’ARC prend très au sérieux la protection des renseignements confidentiels, il ne s’agissait pas d’une option pour Mme Lloyd de travailler à un autre poste à l’ARC à cette époque.

2. Suspension disciplinaire de 40 jours (dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717)

181 Les facteurs atténuants que Mme Lloyd a cités ont déjà été pris en considération, ce qui explique la raison pour laquelle elle n’a pas été licenciée.

182 Mme Lloyd n’avait aucun motif lié à l’emploi d’accéder, de retirer ou de copier les renseignements sur les contribuables. En outre, elle n’avait pas l’autorisation explicite de la direction de retirer ces renseignements des locaux de l’ARC dans un premier temps.

183 Un employé de l’ARC est orienté par la Loi de l’impôt sur le revenu. Mme Lloyd a tenté de minimiser ses actions au moyen de la sémantique en argumentant sur la question de savoir si elle avait fait « sciemment » quelque chose en vertu de cette Loi. Le fait demeure que cette Loi est un autre exemple d’un message clair aux employés voulant que la protection des renseignements sur les contribuables revête la plus haute importance. En outre, on a entendu la preuve à propos du fait que Mme Lloyd avait sciemment visionné les renseignements sur les contribuables sur un ordinateur n’appartenant pas à l’ARC; à certains moments, elle a même admis l’avoir fait.

184 Mme Lloyd a blâmé la TI de lui avoir donné les renseignements. Les renseignements sur les contribuables sur son disque dur relevaient néanmoins de sa responsabilité. Elle a déclaré n’avoir eu besoin que d’un document. Cependant, elle a reconnu qu’au lieu de cela, elle avait reçu beaucoup d’autres documents. Au lieu d’en être préoccupée et de le soulever, elle a quitté les locaux de l’ARC en possession des renseignements puis les a visionnés sur un ordinateur et un ordinateur portatif n’appartenant pas à l’ARC, où ils ont été copiés sur leurs disques durs. Les fichiers lui appartenaient, ils se trouvaient sur son lecteur H, et elle connaissait leur contenu. Elle avait la responsabilité de limiter sa demande uniquement à ce qui était nécessaire et de veiller à la protection des renseignements sur les contribuables. Elle a omis de le faire.

3. MLP sans consentement et discrimination (dossier de la CRTEFP 566-34-7718)

185 La décision de l’employeur de retourner Mme Lloyd à un poste au PSE était fondée sur des considérations opérationnelles, y compris les préoccupations soulevées dans McNeil, et non sur son invalidité.

186 En ce qui concerne la MLP, cette décision était fondée sur les renseignements disponibles à ce moment quant à l’endroit où Mme Lloyd travaillait. Il était impossible de s’attendre à ce que l’employeur tienne compte de besoin en matière de mesures d’adaptation dont il n’était pas au courant.

4. Plainte de pratique déloyale de travail (dossier de la CRTEFP 561-34-440)

187 Cette plainte, déposée en janvier 2010, a été déclenchée par la suspension de novembre 2009. Il ne s’agissait pas d’une pratique déloyale de travail et il ne s’agissait pas non plus d’une forme de représailles, comme Mme Lloyd semblait le faire valoir. La décision de novembre 2009 était fondée sur le fait que, jusqu’à ce que son retour physique au milieu de travail soit prévu et, par conséquent, qu’elle puisse reprendre le travail traitant les renseignements sur les contribuables (ce qui était la question au cœur de l’affaire), il n’y avait aucun risque direct pour l’ARC qui aurait exigé qu’on la suspende du milieu de travail. Elle ne se trouvait pas au milieu de travail avant cela.

188 Une décision administrative devait être prise en novembre 2009 en fonction du risque éventuel pour l’ARC et le public. Il s’agissait d’une question liée à l’évaluation du risque, non d’une pratique déloyale de travail.

189 La défenderesse a fait référence à quatre décisions en appui à sa réfutation. Je ne les citerai pas, mais une fois de plus, je souligne que les affaires citées ont été versées au dossier de la nouvelle Commission.

IV. Motifs

190 La présente décision concerne une plainte (dossier de la CRTEFP 561-34-440) et trois griefs (dossiers de la CRTEFP 566-34-3750 et 7716 à 7718). Il convient de souligner que le dossier de la CRTEFP 566-34-7717 contient le même grief que dans le dossier de la CRTEFP 566-34-7716 (on lui a affecté deux numéros de dossier différents à des fins administratives). Par souci de commodité, je traiterai chaque question au moyen du numéro de dossier qui lui a été affecté.

A. Plainte de pratique déloyale (dossier de la CRTEFP 561-34-440)

191 Le 2 février 2010, l’Institut a déposé une plainte aux termes de l’article 190 de la LRTFP au nom d’un de ses membres, Mme Lloyd. La plainte était datée du 19 janvier 2010.

192 L’article 190 de la LRTFP est libellé en partie comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

193 L’article 185 de la LRTFP est libellé comme suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

194 La plainte déposée au nom de Mme Lloyd porte sur deux questions et stipule ce qui suit :

[Traduction]

[…]

1) Suspension du 6 novembre 2009 :

On empêche Mme Lloyd d’effectuer un retour au travail après un long congé. Elle a été suspendue sans traitement pendant une période indéterminée pendant que l’ARC mène une enquête sur son utilisation de ce que l’on appelle une utilisation inappropriée de renseignements confidentiels. Aucun échéancier n’a été fourni quant à l’achèvement de l’enquête. Les renseignements en question lui ont été communiqués par l’ARC et ont été utilisés uniquement dans le but de soutenir son allégation à l’arbitrage. Selon son allégation, elle n’avait pas fait l’objet de mesures d’adaptation appropriées. Elle a eu gain de cause en arbitrage.

De l’avis de Mme Lloyd, l’employeur, sous le couvert de la [traduction] « diligence raisonnable », la punit d’avoir exercé ses droits, d’aller jusqu’au bout de l’arbitrage, et d’avoir appuyé ses prétentions à l’arbitrage en utilisant des renseignements auxquels l’ARC lui avait donné accès. Sa position est que la suspension sans traitement, compte tenu toutes les circonstances, est punitive et excessive, et que l’employeur exerce des représailles en raison de son arbitrage. Cela contrevient aux sous-alinéas 186(2)a)ii, iii, iv de la LRTFP.

2) Retards continus :

Mme Lloyd est d’avis que l’employeur a résisté (devant des renseignements médicaux complets et légitimes) à accepter le fait que la santé de Mme Lloyd lui permettra maintenant d’effectuer un retour au travail ainsi qu’à établir une date en vue d’effectuer un tel retour.

Ces deux questions sont liées. Ce n’est qu’après que Mme Lloyd a fourni des renseignements médicaux et proposé une date de retour au travail en date du 30 novembre 2009 qu’elle a reçu la suspension du 6 novembre 2009.

[…]

195 Selon la plainte, il y a eu violation des sous-alinéas 186(2)a)(ii), (iii) et (iv) de la LRTFP. Si cela est démontré, il s’agirait d’un motif de distinction illicite aux termes de l’article 185 de la LRTFP. Le paragraphe 186(2) est libellé en partie comme suit :

186. (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants;

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

(ii) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à toute procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou la partie 2. […]

196 La plainte est à deux volets. Le premier concerne une suspension que la défenderesse a imposée à Mme Lloyd au moyen d’une lettre datée du 6 novembre 2009, qui indique en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 13) :

[Traduction]

[…]

Je vous écris à ce moment en ce qui concerne les résultats préliminaires du rapport de la Direction des affaires internes et de prévention de la fraude (DAIPF), ainsi que le billet du médecin qui suit que vous avez soumis récemment.

J’ai reçu le billet de médecin que vous m’avez fourni en ce qui a trait à votre aptitude à effectuer un retour au travail. Je suis heureuse d’entendre que votre santé s’est suffisamment améliorée afin de vous permettre d’envisager un retour au travail. Je sais toutefois que des renseignements supplémentaires sont requis afin de préciser toute limitation et/ou besoin en matière de mesures d’adaptation pouvant être requis afin de faciliter et de mettre en œuvre un retour au travail progressif.

Cependant, je ne suis pas en mesure de mettre en œuvre un plan de retour au travail avec vous à ce moment particulier, car les résultats préliminaires du rapport de la DAIPF  ont permis de conclure que les CD que vous avez retirés du milieu de travail contenaient des courriels comprenant des renseignements sur les contribuables Protégés B. Une partie intégrante de vos fonctions en tant qu’employé de l’Agence du revenu du Canada consiste à respecter et à protéger l’intégrité des renseignements confidentiels qui vous sont confiés dans le cadre de l’exécution de vos fonctions officielles au nom de l’Agence.

Ces constatations préliminaires ont donné à la Direction des motifs suffisants pour conclure que vous avez compromis la sécurité des biens de l’Agence et de renseignements confidentiels sur les clients. Comme je vous l’ai indiqué dans ma correspondance précédente datée du 10 septembre 2009, je pourrais me voir dans l’obligation de recourir à des moyens juridiques. Je tiens à vous informer que j’ai demandé à la GRC de récupérer les renseignements et d’enquêter quant à savoir si des chefs d’accusation devraient être déposés ou non contre vous en application du paragraphe 239(2.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour avoir contrevenu aux dispositions en matière de confidentialité prévues à l’article 241 de la même Loi. Pour cette raison, je vous informe également que je vous suspends indéfiniment sans traitement dans l’attente de l’achèvement d’un examen plus exhaustif de ces questions. Cette suspension entrera en vigueur le 6 novembre 2009 à la fermeture des bureaux. Soyez informée que la direction du Bureau des services fiscaux de Toronto-Centre travaillera en étroite collaboration avec la DAI afin de s’assurer que le reste de l’enquête soit mené aussi rapidement que possible. […]

[…]

197 Le deuxième volet de la plainte, qui, selon les affirmations de Mme Lloyd, est liée au premier, affirme que la défenderesse était réticente à accepter le fait que la santé de Mme Lloyd lui permettait de retourner au travail le 30 novembre 2009.

198 La défenderesse a répondu ce qui suit à cette plainte :

[Traduction]

[…] il n’y pas la moindre trace de preuve pour appuyer une prétention selon laquelle la décision de l’employeur de suspendre administrativement Mme Lloyd avait été prise en guise de représailles en raison du fait qu’elle avait donné suite à son grief contre M. Prince. La décision était un résultat direct de la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels par Mme Lloyd et du risque pour la sécurité que son retour posait pour l’ARC […]

199 Mme Lloyd a allégué que la suspension indéterminée de novembre 2009 était en fait une mesure de représailles relativement à son arbitrage de 2008 (voir Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15) (Lloyd no 1). Selon ses allégations, ces représailles consistaient à lui refuser de retourner au travail. Elle a en outre allégué que l’intention de la suspension pouvait uniquement être perçue comme étant un effort visant à la tenir en dehors du milieu de travail.

200 Mme Lloyd a étayé son cas en déclarant que certaines des personnes visées par l’arbitrage de 2008 avaient également participé à la décision relative à la suspension de 2009. Finalement, elle a déclaré que la suspension de 2009 était fondée sur une opinion juridique, qui a déterminé sa culpabilité.

201 Pour exposer brièvement le contexte, il convient de souligner qu’en 2008, Mme Lloyd a participé à une audience d’arbitrage pour un grief qu’elle avait déposé concernant une question liée à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Pendant qu’elle se préparait pour cette audience, elle devait à son avis établir l’existence d’un courriel qu’elle avait envoyé à son superviseur, M. Prince.

202 Dans le cadre de l’arbitrage de 2008, Mme Lloyd avait été absente du travail pendant une période de 10 mois en 2006 en raison d’une fatigue chronique et d’une fibromyalgie (voir les paragraphes 15 à 19 de 2009 CRTFP 15). À la suite d’une brève période de réintégration, Mme Lloyd a eu un très grave accident de vélo en août 2007, qui a demandé une longue période de récupération. Elle était toujours en récupération à la suite de son accident de vélo et était absente du travail lors de la tenue de l’audience d’arbitrage de 2008.

203 Pendant qu’elle était absente du travail, Mme Lloyd a communiqué avec son superviseur, M. Horbatiuk, et elle lui a dit qu’elle avait besoin de certains renseignements personnels de son ordinateur au travail. Il lui a indiqué de communiquer avec la Section de la TI. Mme Lloyd a suivi ses instructions et a dit à M. Balgobin qu’elle avait besoin d’une copie de ses dossiers personnels. On lui a remis environ 16 CD contenant le travail qui se trouvait dans ses dossiers personnels trouvés sur le lecteur H. Mme Lloyd a amené les CD à la maison et les a étiquetés. Elle les a ensuite copiés au moyen de l’ordinateur portatif de son ami. Ils contenaient non seulement ses courriels personnels, mais également des renseignements sur les contribuables.

204 Mme Lloyd a apporté les 16 CD à l’audience d’arbitrage de 2008. Au moment approprié, elle en a présenté un qui contenait le courriel en question, prouvant ainsi son existence. Lorsqu’elle a remis le CD à l’avocat de l’employeur, elle a indiqué qu’il contenait également des renseignements sur les contribuables, comme tous les autres CD.

205 Il s’agit d’une version très condensée de ce qui s’était déroulé en 2008. Je l’expliquerai plus en détail plus loin dans la présente décision, car d’autres questions se rapportent expressément à ce qui s’est produit.

206 Après l’audience d’arbitrage de 2008, Mme Lloyd est demeurée absente du travail en raison de son accident de vélo. Le 3 novembre 2009, elle a envoyé un courriel à Mme Walker, l’informant de ce qui suit : [traduction] « Je prévois effectuer un retour au travail le lundi 30 novembre selon des quarts de travail de 3 heures, conformément aux recommandations de mon médecin » (pièce U-11).

207 Après avoir reçu ce courriel, la défenderesse a envoyé à Mme Lloyd la lettre du 6 novembre 2009, qui la suspendait pour une période indéterminée. La plainte devant l’ancienne Commission a ensuite été déposée.

208 Mme Lloyd a allégué que la lettre du 6 novembre 2009 de la défenderesse contrevenait aux sous-alinéas 186(2)a)(ii), (iii) et (iv) de la LRTFP.

209 Pour obtenir gain de cause dans le cadre de cette plainte, Mme Lloyd devait démontrer que la défenderesse avait refusé de continuer à l’employer et qu’elle l’avait suspendue ou avait preuve de discrimination à son égard en raison de son témoignage dans le cadre d’une procédure de l’ancienne Commission, du dépôt d’une plainte devant l’ancienne Commission et de son exercice d’un droit quelconque aux termes des dispositions applicables de la LRTFP.

210 Il me semble très clair que la défenderesse a envoyé la lettre du 6 novembre 2009 directement en réponse au courriel du 3 novembre 2009 de Mme Lloyd. Avant le 3 novembre 2009, Mme Lloyd était demeurée absente du travail en raison de son accident de vélo. Toutes les préoccupations qu’entretenait l’ARC relativement à sa présence au travail et à sa capacité d’accéder à des renseignements sur les contribuables étaient niées par le fait évident qu’elle était absente du travail.

211 Lorsque Mme Lloyd a informé l’ARC qu’elle avait vu son médecin et qu’elle prévoyait retourner au travail à la fin du mois, l’ARC a réagi immédiatement au moyen d’une lettre de suspension. Je conclus que ces mesures n’étaient pas expressément interdites par les sous-alinéas 186(2)a), (ii), (iii) ou (iv) de la LRTFP. La défenderesse n’a pas suspendu Mme Lloyd parce qu’elle avait témoigné lors de l’audience d’arbitrage de 2008.

212 La décision de la défenderesse de suspendre Mme Lloyd a été énoncée dans la lettre du 9 novembre 2009, qui stipule en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Je ne suis pas en mesure de mettre en œuvre un plan de retour au travail avec vous à ce moment particulier, car les résultats préliminaires du rapport de la DAIPF  ont permis de conclure que les CD que vous avez retirés du milieu de travail contenaient des courriels comprenant des renseignements sur les contribuables Protégés B. […]

[…]

213 La décision de la défenderesse de suspendre Mme Lloyd était une nécessité en raison du fait qu’elle avait déclaré qu’elle allait effectuer un retour au travail à la fin de novembre 2009.

214 L’Institut a également affirmé dans ses arguments écrits que [traduction] « […] l’employeur a résisté […] à l’acceptation du fait que la santé de Mme Lloyd lui permettait maintenant d’effectuer un retour au travail ainsi qu’à l’établissement d’une date pour que cela se produise ».

215 En ce qui concerne la première partie, qui concerne la résistance de l’employeur à accepter le fait que la santé de Mme Lloyd lui permettait d’effectuer un retour au travail, j’en conclus que l’opposé est vrai. La preuve a démontré que la lettre du 6 novembre 2009 avait été envoyée suivant la réception du courriel du 3 novembre 2009 de Mme Lloyd, indiquant qu’elle effectuerait un retour au travail. L’ARC semble avoir accepté le fait que la santé de Mme Lloyd lui permettait d’envisager un retour partiel au travail, ce qui semble être la raison pour laquelle il a envoyé la lettre de suspension.

216 Une fois de plus, j’en conclus que cette mesure prise par la défenderesse n’était pas interdite par le paragraphe 186(2) de la LRTFP. La suspension n’était pas liée à l’audience d’arbitrage de 2008.

217 Pour ces motifs, je conclus que la plainte dans le dossier de la CRTEFP 561-34-440 est rejetée.

B. Suspension pour une période indéterminée sans traitement (dossier de la CRTEFP 566-34-3750)

218 Le 30 novembre 2009, Mme Lloyd a déposé un grief contre sa suspension pour une période indéterminée, tel qu’il est indiqué dans la lettre de l’employeur du 6 novembre 2009.

219 Dans son grief, Mme Lloyd a allégué que la suspension sans traitement était injustifiée et sans fondement, qu’il s’agissait de harcèlement, que la suspension avait été émise en guise de représailles à ses mesures d’adaptation, qu’elle était inopportune et qu’elle avait été émise afin de l’empêcher de retourner au travail. Elle a déposé un grief contre les résultats préliminaires du rapport de la DAIPF et contre le fait qu’elle n’avait pas été interviewée ou qu’on ne lui avait pas donné accès aux résultats, qu’aucun échéancier n’avait été établi pour l’achever, que l’employeur avait démontré un mépris volontaire à l’égard de sa situation et de son souhait de retourner au travail, que les personnes responsables de cette décision avaient agi de mauvaise foi et qu’elles avaient contrevenu à des dispositions particulières de la convention collective, ainsi qu’aux politiques de l’ARC et de la LCDP.

220 À titre de mesure corrective, Mme Lloyd a déclaré qu’elle souhaitait que le grief soit entendu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs dans les 10 jours, que la lettre de suspension soit annulée, qu’elle soit réintégrée à son milieu de travail immédiatement, qu’elle soit indemnisée intégralement relativement à la perte de traitement et des prestations, qu’elle reçoive des excuses écrites, et qu’elle reçoive une indemnisation équivalente à celles accordées par la Commission pour préjudice moral, ainsi que des dommages punitifs.

221 Les dossiers de la nouvelle Commission indiquent que la Commission n’a jamais été avisée de ce dépôt. Aucun dossier n’indique que l’Institut a déjà déposé le formulaire 24 requis auprès de la Commission.

222 Selon la position de l’employeur, la nouvelle Commission n’a pas compétence pour examiner ou modifier la suspension. Il s’agissait d’une décision administrative et celle-ci n’est pas admissible à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la LRTFP.

223 L’autre position de l’employeur est que si l’on arrive à la conclusion que la suspension était disciplinaire, la décision de modifier celle-ci ne devrait pas être prise à la légère, car elle était raisonnable.

224 Mme Lloyd a indiqué que la suspension pour une période indéterminée était disciplinaire en raison du temps qu’il a fallu pour terminer l’enquête, du manque de diligence nécessaire et d’objectivité dans le cadre de l’enquête, et des constatations viciées découlant des méthodes d’enquête.

1. Contexte

225 Lors d’une audience d’arbitrage en octobre 2008, l’employeur a appris que Mme Lloyd avait en sa possession un certain nombre de CD contenant des renseignements sur les contribuables. L’employeur a également appris que ces renseignements pourraient avoir été copiés sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC.

226 Lorsque Mme Lloyd était à la barre des témoins, l’avocat de l’employer lui a posé des questions au sujet d’une copie électronique d’un échange de courriels entre elle et son supérieur, M. Prince. Elle avait une pile de CD dans un étui de plastique; elle en a donné un à l’avocat de l’employeur et a indiqué que le courriel s’y trouvait. Une étudiante en stage, qui aidait l’avocat de l’employeur, a téléchargé le CD sur son ordinateur portatif.

227 On a demandé à Mme Lloyd en quoi consistaient les CD. Elle a répondu qu’ils constituaient une sauvegarde complète de son lecteur H. L’avocat de l’employeur a demandé si les CD contenaient des renseignements sur les contribuables, ce à quoi Mme Lloyd a répondu par l’affirmative.

228 Pendant une pause des procédures d’arbitrage, Mme O’Brien, la conseillère principale en relations de travail de l’ARC, a communiqué avec la DAIPF et a signalé ce qui venait de se produire. On a convenu que Mme O’Brien récupérerait les CD et l’ordinateur portatif de l’étudiante en stage. Mme Lloyd a remis l’ensemble des CD, puis a indiqué qu’elle avait copié un CD sur l’ordinateur portatif de son ami et a demandé si l’employeur voulait également obtenir cet ordinateur portatif. On lui a répondu qu’il le voulait; si elle avait fait la même chose que l’étudiante en stage, elle devait apporter l’ordinateur portatif. Mme Lloyd a accepté d’apporter l’ordinateur portatif le jour suivant. Pendant son interrogatoire et son contre-interrogatoire, Mme O’Brien s’est montrée inébranlable au sujet du fait que Mme Lloyd avait accepté d’apporter l’ordinateur portatif de son ami le jour suivant. Malheureusement pour tout le monde, Mme Lloyd ne l’a pas fait. J’en fais mention, car cette affaire aurait pu prendre fin à ce moment si l'ordinateur portatif avait été remis.

229 Mme O’Brien a dit ne pas avoir donné suite au défaut de Mme Lloyd d’apporter l’ordinateur portatif, le jour suivant, car cela ne relevait pas de son rôle et la sécurité aurait dû le faire étant donné qu’il ne s’agissait pas d’un ordinateur portatif de l’ARC. Mme O’Brien a également informé Mme Todesco, directrice du BSF de Toronto-Centre, que Mme Lloyd était en possession des CD.

230 Dans le témoignage de Mme Lloyd, elle a indiqué que le propriétaire de l’ordinateur portatif lui avait dit que le CD n’avait pas été téléchargé sur l’ordinateur portatif, mais qu’il l’avait seulement copié. Compte tenu du fait que la même procédure n’a pas eu lieu comme dans le cas de l’étudiante en stage, Mme Lloyd a conclu qu’elle n’avait pas besoin d’apporter l’ordinateur portatif, et personne ne lui en a refait mention avant beaucoup plus tard.

231 Mme Todesco a pris des mesures pour que la DAI à Ottawa visionne les CD. La DAI l’a fait et, en octobre 2008, elle a été informée que les CD contenaient des renseignements sur les contribuables non chiffrés. Mme Todesco a communiqué avec le ministère de la Justice et on lui a dit d’attendre jusqu’à la fin des procédures d’arbitrage avant de faire autre chose.

232 Les procédures d’arbitrage ont pris fin en décembre. Le 20 janvier 2009, Mme Todesco a écrit à Mme Lloyd pour lui demander d’apporter l’ordinateur portatif de son ami (pièce E-1, onglet 1). Mme Lloyd a répondu le 30 janvier 2009, indiquant qu’elle n’était pas en mesure de fournir l’ordinateur portatif (pièce E-1, onglet 2). Elle a expliqué dans son témoignage qu’elle avait rompu avec son petit ami et qu’elle n’avait pas accès à son ordinateur portatif.

233 Mme Todesco a quitté son poste en janvier 2009 pour une affection d’un an; Mme Delonghi a assumé ses fonctions de février à juin 2009, moment auquel Mme Walker est devenue la directrice intérimaire du BSF de Toronto-Centre. Elle a continué à occuper cette fonction jusqu’au retour de Mme Todesco, en janvier 2010.

234 Le 2 février 2009, la DAIPF, au moyen du Système de surveillance des réseaux électroniques, a commencé un examen officiel du contenu de tous les CD (pièce E-1, onglet 21, page 4). Cet examen s’est terminé le 14 août 2009 et a conclu que les CD contenaient des renseignements sur les contribuables (pièce E-1, onglet 8).

235 Le 10 septembre 2009, Mme Walker, la directrice intérimaire du BSF de Toronto-Centre, a envoyé une lettre à Mme Lloyd pour lui demander une fois de plus d’apporter l’ordinateur portatif et de révéler le nom et le numéro de téléphone de la personne en sa possession. La lettre comprenait également ce qui suit (pièce U-7) :

[Traduction]

[]

[…] Une enquête interne s’est maintenant terminée par un rapport daté du 14 août 2009, selon lequel vous avez téléchargé des renseignements de nature délicate au sujet des contribuables sur un ordinateur n’appartenant pas à l’Agence.

Je communiquerai avec vous sous peu pour vous demander de participer à une rencontre de recherche de faits pour examiner le rapport de la DAI dans son intégralité et afin de vous donner l’occasion de présenter votre justification.

236 Le représentant de Mme Lloyd a répondu à la lettre du 10 septembre 2009 et a demandé la tenue d’une rencontre aussitôt que possible (pièce U-8).

237 Une réunion a été convenue pour le 18 septembre 2009 (pièce E-32).

238 Mme Walker a participé à la réunion et trois employés de la DAI à l’administration centrale y ont participé par téléconférence. Mme Lloyd a été informée à propos de ce que l’on a trouvé sur les CD et on a insisté auprès d’elle sur l’importance d’obtenir l’ordinateur portatif. Au cours de cette rencontre, on a révélé que Mme Lloyd avait visionné les CD sur son ordinateur personnel, elle a donc accepté de l’apporter en plus d’une lettre du propriétaire (son ancien petit ami) de l’ordinateur portatif. Elle a exprimé des préoccupations quant à la protection de sa vie privée et à la façon dont la Section de la TI retirerait toutes les copies du contenu des CD, si elles existaient. Mme Walker a répondu le 28 septembre 2009 en indiquant les procédures que la TI allaient suivre (pièce E-1, onglet 11).

239 Le jour suivant, le 29 septembre 2009, le représentant de Mme Lloyd a répondu à Mme Walker, en affirmant qu’il fournirait une lettre de l’ami de Mme Lloyd répondant aux préoccupations de l’ARC à propos de son ordinateur portatif. Cependant, elle a refusé de remettre son ordinateur portatif, car l’employeur n’était pas en mesure de protéger la confidentialité des renseignements personnels sur son disque dur (pièce E-1, onglet 65).

240 Également le 29 septembre 2009, Mme Walker a reçu une lettre signée par le propriétaire de l’ordinateur portatif en question. La lettre était en partie rédigée comme suit (pièce E-1, onglet 60) :

[Traduction]

[…]

Mme Lloyd a effectivement utilisé un ordinateur portatif en ma possession à l’époque. À aucun moment je ne l’ai vue télécharger des renseignements sur les contribuables. Je n’ai vu aucun renseignement autre qu’un courriel en particulier qui a par la suite été imprimé par Mme Lloyd à partir de son propre ordinateur et déposé en preuve à l’audience. Je n’ai téléchargé aucun renseignement moi-même, car Mme Lloyd ne m’a pas donné accès aux disques en sa possession. J’ai nettoyé l’ordinateur portatif après son utilisation pour effacer son courriel.

Malheureusement, je n’ai plus accès à l’ordinateur portatif qu’elle a emprunté, je ne suis donc pas en mesure de vous le fournir.

Je suis prêt à signer un affidavit sous serment relativement aux événements indiqués ci-dessus, si vous en faites la demande.

[…]

241 Uniquement dans le but de boucler la boucle sur ce point, Mme Walker a écrit au propriétaire de l’ordinateur portatif le 22 décembre 2009, et lui a demandé de se présenter et de signer un affidavit indiquant qu’il n’avait pas vu ou communiqué les renseignements sur les contribuables que Mme Lloyd avait placés sur son ordinateur portatif. Il l’a fait le 30 décembre 2009 et, en réponse à une question de Mme Walker à propos de la lettre qu’il avait signée le 29 septembre 2009, Mme Walker a déclaré qu’il lui avait dit que Mme Lloyd avait rédigé la lettre et qu’il n’avait fait que la signer. Je souligne qu’il n’a jamais témoigné devant moi.

242 Il est important de se souvenir que, moment où ces événements avaient lieu, Mme Lloyd ne se trouvait pas au travail. Comme il a été mentionné plus tôt, elle a subi un très grave accident de vélo le 7 août 2007 et a été incapable de retourner au travail depuis. Elle a eu un certain nombre de fournisseurs de soin, y compris le Dr Jan Carstoniu, d’un centre sur la gestion de la douleur et des céphalées, à Toronto.

243 Le 29 septembre 2009, le Dr Carstoniu a écrit à Mme Lloyd et a déclaré qu’il était d’accord avec sa suggestion voulant qu’elle tente d’effectuer un retour au travail. Il a suggéré qu’elle commence par un horaire d’au plus trois ou quatre heures par jour, trois jours par semaine, puis d’augmenter progressivement sa charge de travail (pièce U-10).

244 Mme Lloyd a ensuite écrit à Mme Walker, le 3 novembre 2009, en déclarant qu’elle retournerait au travail de façon limitée à compter du 30 novembre 2009 (pièce U-11).

245 Mme Walker a répondu en rédigeant la lettre du 6 novembre 2009 suspendant Mme Lloyd [traduction] « […] pour une période indéterminée sans traitement dans l’attente de l’achèvement d’un examen plus exhaustif sur ces questions » (pièce U-12).

246 Mme Walker a témoigné qu’elle avait suspendu Mme Lloyd, car elle n’était pas à l’aise de donner à Mme Lloyd un plus grand accès à des renseignements sur les contribuables et que la DAI lui avait dit qu’une enquête pouvait être conclue dans les quatre mois.

247 Suivant la lettre de suspension du 6 novembre 2009, Mme Lloyd a déposé son grief contre celle-ci le 30 novembre 2009.

248 Le premier argument de l’employeur est que je n’ai pas compétence pour trancher ce grief, car il s’agit d’une mesure administrative et que, par conséquent, elle n’était pas admissible à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la LRTFP.

249 L’article 209 de la LRTFP est ainsi libellé :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

250 Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, au paragr. 126, indique ce qui suit :

Pour être arbitrable, un grief doit traiter de l’application ou de l’interprétation d’une convention collective ou d’une décision arbitrale, d’une mesure disciplinaire majeure, d’une rétrogradation, d’un licenciement ou d’une mutation. Un fonctionnaire qui dépose un grief concernant un « […] fait portant atteinte à ses conditions d’emploi » qui ne tombe pas sous le coup des paramètres de l’article 209 de la Loi ouvre droit à certains recours, mais le processus d’arbitrage de grief ne constitue pas le mécanisme approprié. Le fonctionnaire peut toujours demander, devant la Cour fédérale, un contrôle judiciaire de la décision de l’employeur au dernier palier du processus de règlement des griefs.

251 À mon avis, il s’agissait d’une suspension pour une période indéterminée d’une durée importante et qui constituerait une mesure disciplinaire importante. Il arrive dans de nombreux cas que la suspension pour une période indéterminée soit annulée si l’enquête ne révèle aucun acte répréhensible ou que celle-ci soit modulée en fonction d’une suspension si l’enquête met à jour un acte répréhensible. Dans cette affaire, la suspension pour une période indéterminée a été partiellement constituée d’une autre suspension, j’en conclus donc que le reste de la suspension était une mesure disciplinaire importante à l’égard de laquelle j’ai compétence.

252 Le grief dresse la liste d’un certain nombre de questions à l’égard de ses détails. Je traiterai avec chacun d’eux.

253 Mme Lloyd a déclaré qu’elle avait déposé un grief contre la lettre du 6 novembre 2009.

254 La lettre du 6 novembre 2009 impose une suspension sans traitement, par conséquent, les deux premiers éléments dans le grief de Mme Lloyd peuvent être combinés. Elle a allégué que la suspension sans traitement était injustifiée ou sans fondement. Je ne peux pas être d’accord.

255 La protection des renseignements sur les contribuables doit être l’un des préceptes les plus importants, voire le plus important, de l’ARC. Tous les contribuables ont le droit d’être confiant que leurs renseignements soient tenus strictement confidentiels. Dans le cas contraire, les contribuables pourraient être extrêmement réticents à communiquer des renseignements personnels à l’ARC.

256 La preuve indique que Mme Walker était préoccupée à propos du fait que Mme Lloyd effectue un retour au travail compte tenu des allégations voulant qu’elle ait accédé à des renseignements sur les contribuables et qu’elle les ait sortis de l’ARC. Jusqu’à la fin de l’enquête sur ces allégations, Mme Walker a déterminé qu’il était approprié de délivrer une lettre suspendant Mme Lloyd. Une fois l’enquête terminée, une décision définitive serait prise à l’égard de ce qui serait fait, le cas échéant. L’enquête pourrait avoir exonéré Mme Lloyd entièrement, partiellement ou pas du tout. Cependant, avant la fin de l’enquête, les allégations auxquelles était confrontée Mme Lloyd étaient, à mon avis, tout simplement trop graves pour lui permettre d’effectuer un retour au travail.

257 Le grief indique que la suspension était du harcèlement et qu’elle a été imposée en guise de représailles relativement à la demande de mesures d’adaptation. Mme Lloyd a déposé un grief contre le fait que la suspension était inopportune et qu’on y avait eu recours pour l’empêcher de retourner au travail.

258 Une fois de plus, je suis d’avis que la suspension n’avait pas été émise en guise de représailles relativement à la mesure d’adaptation. Comme il a été mentionné ci-dessus, la suspension a été émise en raison des préoccupations de Mme Walker liées à la présence de Mme Lloyd dans le milieu de travail compte tenu des allégations voulant qu’elle ait retiré des renseignements confidentiels de l’ARC. Elle ne l’a pas été en guise de représailles relativement à la demande de mesures d’adaptation. Je ne relève aucune preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle la suspension était un acte de harcèlement.

259 Mme Lloyd a contesté les résultats préliminaires du rapport de la DAIPF. Je conclus que j’ai n’ai pas compétence pour examiner ce rapport, car j’estime qu’il ne relève pas des paramètres énoncés à l’article 209 de la LRTFP.

260 J’adopte un point de vue similaire avec la partie du grief qui stipule que Mme Lloyd n’a pas été interviewée dans le cadre du processus de la DAIPF. Je n’ai pas compétence pour déterminer qui devrait être interviewé ou non dans le cadre de ce processus.

261 Mme Lloyd a déposé un grief contre le fait qu’aucune échéance n’avait été établie pour l’achèvement du rapport. Comme il a été indiqué plus tôt, je crois que je n’ai pas compétence à l’égard de cette partie du grief, car elle échappe aux paramètres de l’article 209 de la LRTFP.

262 Mme Lloyd a déposé un grief contre le fait que l’ARC a démontré un mépris volontaire à l’égard de sa situation et que les personnes responsables de la décision de la suspendre ont agi de mauvaise foi.

263 Les arguments écrits de l’Institut à ce sujet sont, selon ma compréhension, qu’ [traduction] « […] il n’y a eu aucun examen complet et équitable des questions qui ont été soulevées par Mme Lloyd. Cela contrevient à la justice naturelle et à l’équité procédurale ».

264 Il est important de se souvenir que le présent grief en particulier traite de la décision du 6 novembre 2009, qui est antérieure au rapport définitif de la DAIPF (publié en décembre 2010; pièce E-1, onglet 21). Par conséquent, au moment du dépôt du présent grief, les questions n’avaient pas été examinées entièrement et elles n’auraient pu l’être car le processus d’enquête n’était pas encore terminé. En conséquence, au moment du dépôt du présent grief, il aurait été prématuré d’affirmer qu’il y a eu un mépris volontaire à l’égard de la situation de Mme Lloyd et que les personnes concernées avaient agi de mauvaise foi. Une telle constatation aurait pu être formulée, à mon avis, uniquement après l’achèvement du rapport.

265 Si je suis dans l’erreur, après avoir examiné tous les rapports après le fait, je ne crois pas que l’ARC a agi d’une façon ayant démontré un mépris volontaire à l’égard de la situation de Mme Lloyd; elle n’a pas non plus agi de mauvaise foi. L’employeur était pleinement informé que Mme Lloyd prévoyait retourner au travail, ce qui est précisément la raison pour laquelle il a envoyé la lettre de suspension, car il cherchait à protéger les renseignements confidentiels. L’employeur a soutenu que [traduction] « […] [l’ARC] était motivée par la nécessité de veiller à ce qu’aucun autre manquement à la sécurité ait lieu concernant des renseignements d’une telle nature délicate ». Je suis d’accord avec cette partie de l’argument de l’employeur et, à ce titre, je ne relève aucune preuve de mauvaise foi ou de mépris volontaire à l’égard de la situation de Mme Lloyd.

266 Le grief comprend des allégations de contravention à la convention collective, aux politiques de l’ARC et à la LCDP.

267 En ce qui a trait à la LCDP, je souligne que l’Institut n’a pas déposé le formulaire 24 requis auprès de la Commission et qu’il n’en a pas débattu beaucoup dans ses arguments écrits. Cela n’a rien de surprenant, car l’Institut a abordé cette question lorsqu’il a traité avec les griefs restants. J’aborderai donc cette question en même temps.

268 Pour ce qui est des contraventions présumées aux politiques de l’ARC, je constate que je n’ai pas compétence pour trancher cette question, car cette allégation échappe, à mon avis, aux dispositions de l’article 209 de la LRTFP.

269 Le grief allègue des contraventions aux [traduction] « clauses 1.01, 1.02, 37.04, 37.06, 43 ».

270 L’article 1 de la convention collective est intitulé « Objet de la convention » et je n’ai trouvé aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation voulant que l’on ait contrevenu aux clauses 1.01 ou 1.02 de la convention collective (la pièce U-1 comprend une copie de la convention collective).

271 L’article 37 de la convention collective est intitulé « Normes de discipline » et les clauses 37.04 et 37.06 sont ainsi libellées :

37.04 Lorsque l’employé est suspendu ou congédié de ses fonctions, l’Employeur s’engage à lui indiquer, par écrit, la raison de cette suspension ou congédiement. L’Employeur s’efforce de signifier cette notification au moment de la suspension ou du congédiement.

[…]

37.06 L’Employeur consent à ne pas produire comme preuve à une audience concernant une mesure disciplinaire tout document au sujet de la conduite ou du rendement de l’employé dont celui-ci n’était pas au courant au moment de présenter un grief ou dans un délai raisonnable après avoir présenté le grief.

272 La lettre du 6 novembre 2009 était adressée à Mme Lloyd et contenait une explication relative à la suspension sans traitement de cette dernière. Dans la lettre, il était notamment indiqué que les constatations préliminaires indiquaient qu’elle avait compromis la sécurité des biens de l’ARC et de renseignements confidentiels sur les contribuables. La lettre affirmait aussi que les résultats préliminaires de l’enquête indiquaient qu’elle avait retiré du milieu de travail des CD contenant des renseignements confidentiels sur les contribuables.

273 À mon avis, ces affirmations, ainsi que le reste de la lettre, respectent les dispositions de la clause 37.04 de la convention collective. La suspension est entrée en vigueur le 6 novembre 2009. Par conséquent, j’en conclus qu’on a présenté à Mme Lloyd le motif de la suspension au moment où celle-ci a été imposée et qu’il n’y a eu aucune contravention à la clause 37.04.

274 Mme Lloyd a allégué qu’on avait contrevenu à la clause 37.06 de la convention collective. Je ne suis au courant d’aucun document sur lequel on s’est fié à l’audience d’arbitrage dont Mme Lloyd n’a pas eu connaissance au moment de la présentation du grief ou à l’intérieur d’un délai raisonnable par la suite. Je ne relève aucune contravention à ce paragraphe.

275 L’article 43 de la convention collective est intitulé « Élimination de la discrimination » et, comme il a été indiqué ci-dessus, aucun formulaire 24 n’a été déposé relativement au présent grief. Cependant, cette allégation a été traitée dans les autres griefs déposés par Mme Lloyd et il en est question plus loin dans la présente décision.

276 Pour être clair, je ne suis pas en mesure de relever un élément de preuve quelconque voulant que l’employeur ait commis un acte discriminatoire contre Mme Lloyd en envoyant la lettre du 6 novembre 2009. À mon avis, la lettre a clairement été envoyée en raison de la préoccupation de l’ARC selon laquelle ses renseignements confidentiels sur les contribuables devaient être protégés en ne permettant pas à Mme Lloyd de retourner au travail, ce qui n’était pas discriminatoire. Celle-ci était fondée sur une constatation préliminaire d’une enquête interne qui nécessitait un examen plus approfondi. La décision était fondée sur les besoins opérationnels de l’ARC et n’était pas fondée sur l’un des facteurs énumérés à la clause 43.01 de la convention collective.

277 Compte tenu de ce qui précède, le grief traitant de la suspension indéfinie correspondant au dossier de la CRTEFP 566-34-3750 est rejeté.

C. Suspension disciplinaire de 40 jours (dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717)

278 Le 17 mars 2011, l’ARC a envoyé à Mme Lloyd un document intitulé [traduction] « Rapport de mesure disciplinaire – 17 mars 2011 », qui la suspendait pour une période de 40 jours (pièce U-23). La suspension devait commencer dès que Mme Lloyd était apte sur le plan médical à retourner au milieu de travail.

279 Le rapport présente l’inconduite et dresse la liste de tous les facteurs atténuants ou aggravants, comme suit :

[Traduction]

Inconduite

Le 3 février 2006, pendant que vous vous trouviez en congé, vous avez communiqué avec le bureau d’aide régional et avez demandé une copie de l’intégralité de votre lecteur H. Le 9 mars 2006, la demande a été traitée et vous avez retiré 16 CD non protégés du milieu de travail qui contenaient des milliers de courriels comprenant des renseignements personnels et confidentiels. Il n’y avait aucune raison liée au travail pour que vous agissiez de la sorte.

Un examen détaillé des CD a été effectué par le Système de surveillance du réseau électronique (SSRE) et a mené à la conclusion qu’ils contenaient 37 488 courriels et 776 documents comprenant des renseignements sur les contribuables. Les courriels s’étendaient de décembre 2000 au 3 janvier 2006. Les 776 documents contenaient plus de 42 000 éléments de renseignements confidentiels, dont des noms, des numéros d’assurance sociale, des adresses et des données financières.

L’enquête subséquente menée par la Division des affaires internes et de la prévention de la fraude (DAIPF) a déterminé que vous avez téléchargé le contenu de tous les CD sur l’ordinateur portatif de votre ami, et que vous avez fait des copies, ou que vous avez fait faire des copies, d’au moins un des CD. Vous avez également reconnu avoir téléchargé les CD sur votre ordinateur personnel.

La conclusion du rapport de la DAIPF est que vous « […] avez contrevenu à la politique de l’ARC concernant la sécurité et la protection des renseignements confidentiels et avez omis de respecter les dispositions en matière de confidentialité de l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu en retirant les CD non chiffrés contenant des renseignements confidentiels appartenant à l’ARC du milieu de travail et en copiant ces renseignements confidentiels sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Cela a donné lieu à une divulgation non autorisée de renseignements confidentiels ».

De nombreuses tentatives ont été faites par la direction afin de récupérer l’ordinateur portatif de votre ami et, ultérieurement, votre ordinateur personnel, afin de nettoyer le reste des renseignements sur les contribuables sur le disque dur. Cependant, vous vous êtes montrée peu disposée à collaborer avant la participation de la DAIPF en mars 2010. Votre manque de collaboration a nui aux tentatives de la direction visant à réduire au minimum la menace pour la sécurité, et a entraîné le risque continu de communication et de divulgation de volumes importants de renseignements confidentiels de nature délicate.

L’examen du contenu des CD a également révélé une quantité énorme de CD contenant des courriels personnels, ce qui rend évident que vous avez consacré une multitude d’heures de travail à envoyer et à recevoir des courriels personnels. La quantité dépasse grandement l’utilisation personnelle limitée au sens du Code de déontologie et de conduite à la section G : Accès aux réseaux électroniques et leur usage.

Il n’y a aucun dossier disciplinaire antérieur.

Tous les facteurs atténuants ou aggravants, et la mesure disciplinaire

Les facteurs atténuants qui ont été pris en considération sont la durée de l’enquête, le fait que votre intention n’était pas de divulguer ou de diffuser des renseignements confidentiels, et votre dossier disciplinaire vierge.

Les facteurs aggravants pris en considération comprennent le manque de collaboration et de candeur dont vous avez fait preuve dans vos rapports avec la direction relativement à cette question, ainsi que la gravité et la nature de l’inconduite.

La confidentialité des renseignements sur les contribuables revêt la plus haute importance pour l’intégrité de notre régime fiscal. L’ARC prend très au sérieux son obligation de protéger les renseignements sur les contribuables. Notre Code de déontologie et de conduite traite de l’importance de la contribution de chaque employé pour assurer que notre tradition d’intégrité et de professionnalisme se poursuive et soit améliorée, afin de renforcer l’engagement de l’ARC de servir le public de façon responsable, tout en soutenant un environnement de travail dans lequel les personnes sont respectées. Pour cette raison, votre conduite ne peut être tolérée.

Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’est délégué aux termes de l’alinéa 51(1)f) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, vous recevez par la présente une suspension de 40 jours (300 heures). La suspension sera servie dès que vous serez apte sur le plan médical à retourner au milieu de travail. Les détails et les dates de la suspension seront déterminés à ce moment. Pour la durée de la suspension, vous serez tenus de rendre votre carte d’identité et votre carte d’accès de l’Agence, et il vous sera interdit d’entrer dans les locaux de l’employeur sans la permission du directeur adjoint de l’Exécution.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

280 Le 11 avril 2011, Mme Lloyd a déposé un grief concernant la mesure disciplinaire imposée (je souligne que les arguments écrits de l’Institut indiquent que le grief a été déposé le 17 mars 2011. Il s’agissait de la date à laquelle le Rapport de mesure disciplinaire a été publié, et le grief au dossier de la nouvelle Commission est daté du 11 avril 2011).

281 En plus de contester la suspension, Mme Lloyd a allégué que l’employeur avait pris des mesures de représailles contre elle et que cela contrevenait à plusieurs de ses politiques, à la LCDP et à la clause 42.01 de la convention collective.

282 Je souligne que l’Institut a effectivement déposé un formulaire 24 auprès de la Commission en ce qui concerne les dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717, et que la Commission a choisi de ne pas présenter d’arguments, mais qu’elle souhaitait recevoir une copie de la décision une fois cette dernière rendue.

283 Mme Lloyd a demandé que la suspension soit annulée ou, à tout le moins, réduite, qu’elle soit indemnisée intégralement, y compris tous les salaires, prestations et pensions perdus, et qu’elle reçoive des dommages généraux et majorés.

1. Contexte

284 En octobre 2008, Mme Lloyd a participé à une audience d’arbitrage concernant une question en matière de mesures d’adaptation à propos de son emploi à l’ARC. Pendant cette audience, elle a été informée que l’employeur contestait l’existence d’un courriel qu’elle avait prétendument écrit à son superviseur, M. Prince. Son représentant lui a conseillé d’avoir une copie du courriel disponible afin de la présenter à l’audience. L’obtention de ce courriel est ce qui a finalement entraîné la suspension de 40 jours.

285 Mme Lloyd a commencé son emploi à l’ARC en 1997 et, en décembre 2000, elle a accepté un poste au PSE. Peu de temps après, elle est passée à un poste au PEC, dans le cadre duquel elle travaillait sur des dossiers portant sur des cas potentiels de fraude fiscale.

286 En 2007, Mme Lloyd a eu un très grave accident de vélo et s’est absentée du travail pour une période prolongée. Elle a témoigné avoir été autorisée à effectuer un retour au travail le 29 septembre 2009. J’en fais mention pour montrer clairement qu’en raison de son accident, elle était absente du travail au moment de l’audience d’arbitrage de 2008 sur les mesures d’adaptation.

287 Mme Lloyd était également absente du travail de juin à octobre 2006 en raison d’une invalidité de longue durée. Pendant cette période, son représentant et elle se sont préparés à l’audience sur les mesures d’adaptation. Mme Lloyd a déclaré que l’une des questions centrales de cette audience consistait à déterminer si elle avait envoyé un courriel à M. Prince à propos de ses besoins en matière de mesures d’adaptation.

288 Il semble que le 30 juin 2005, Mme Lloyd a envoyé un courriel à M. Prince expliquant de façon détaillée sa fibromyalgie et son traitement (pièce U-3). En se préparant à l’audience d’arbitrage de 2008, le représentant de Mme Lloyd a appris que l’employeur contesterait le fait que ce courriel ait été envoyé, le représentant a donc informé Mme Lloyd qu’elle devrait prouver son existence.

289 Étant donné que, pour cause de maladie, Mme Lloyd ne se trouvait pas au travail pendant qu’elle se préparait à son audience d’arbitrage de 2008, elle a téléphoné à son superviseur, M. Horbatiuk, et lui a indiqué qu’elle avait besoin de certains renseignements personnels dans son ordinateur. On lui a indiqué d’appeler la Section de la TI et d’obtenir un [traduction] « numéro de billet », ce qu’elle a fait.

290 Mme Lloyd a dit qu’elle avait rencontré M. Balgobin et qu’elle lui avait dit qu’elle voulait uniquement des copies de ses dossiers personnels sauvegardées dans son ordinateur. Il a dit à Mme Lloyd d’apporter son propre disque, car il s’agissait de ses renseignements personnels. Mme Lloyd a apporté deux CD et les lui a remis.

291 Mme Lloyd a témoigné devant moi que M. Balgobin lui avait dit de télécharger tous ses renseignements à partir de son ordinateur portatif vers un lecteur sur le réseau pour lui permettre d’y accéder pour faire le travail. On lui a dit qu’il faudrait toute la journée pour effectuer le transfert des fichiers; étant donné qu’elle était censée être en congé de maladie, elle ne pouvait pas rester là toute la journée. Selon son témoignage, elle a dit à M. Horbatiuk que quelqu’un de la Section de la TI serait présent toute la journée et qu’il aurait besoin de tous ses renseignements, mais qu’elle ne pouvait pas rester au travail. Elle est partie avec la compréhension qu’une personne de la Section de la TI l’appellerait lorsque le travail aurait été fait.

292 M. Balgobin a témoigné au sujet de ce que Mme Lloyd lui avait demandé. Il a affirmé qu’on lui avait demandé de graver une copie de son lecteur H sur un CD. Le lecteur H correspond à son lecteur personnel sur son ordinateur. Il a également témoigné que si sa demande avait été pour quelque chose de petit et de précis, cela aurait été indiqué sur le billet de travail, et qu’il aurait fait ce travail. Le billet de travail (pièce E-8) se lit en partie comme suit : [traduction] « L’utilisatrice a fourni 2 CD pour graver le lecteur H. Cependant, la taille de son lecteur H est de 9 Go. J’ai appelé l’utilisatrice et je lui ai laissé un MV indiquant qu’une plus grande organisation était nécessaire, ainsi que d’autres CD ». M. Balgobin a témoigné avoir pris ces mesures.

293 Le 9 mars 2006, M. Balgobin a remis un certain nombre de CD à Mme Lloyd alors qu’elle était dans son lieu de travail. Elle a indiqué qu’il y avait 16 CD au total et qu’elle était partie avec ceux-ci.

294 Mme Lloyd a témoigné qu’elle était préoccupée au sujet du fait de recevoir tous ces renseignements. Toutefois, comme elle en avait parlé à son gestionnaire et à la TI, elle croyait qu’il n’y avait pas de problème lié au fait qu’elle soit en possession de ces renseignements.

295 Mme Lloyd a témoigné avoir amené les CD à la maison et les avoir placés dans une armoire spéciale verrouillée que l’ARC avait fournie et approuvée.

296 Alors que la date de l’audience d’arbitrage de 2008 approchait, le représentant de Mme Lloyd lui a demandé d’être prête à démontrer l’existence du courriel du 30 juin 2005. Lorsque cette demande lui a été faite, Mme Lloyd a témoigné que son ordinateur personnel à la maison ne fonctionnait pas et que son petit ami de l’époque lui avait donc offert son ordinateur portatif pour graver une copie du CD. Mme Lloyd a indiqué qu’elle avait ensuite examiné les courriels, trouvé celui en litige, lequel elle a copié sur le bureau de l’ordinateur qu’elle utilisait, a pris le CD et a dit à son ami qu’elle avait besoin de deux copies.

297 Lors de l’audience d’arbitrage de 2008, la question de savoir si le courriel du 30 juin 2005 avait réellement été envoyé a effectivement été soulevée. Mme Lloyd y était préparée et a présenté une copie imprimée, prouvant ainsi l’existence du courriel. L’avocat de l’employeur s’est opposé à la copie imprimée, et Mme Lloyd a ensuite fourni le disque original contenant le courriel. Le disque a été remis à une étudiante en stage qui assistait l’avocat, et cette dernière l’a chargé sur son ordinateur portatif. À ce stade, Mme Lloyd a témoigné devant moi qu’elle avait affirmé qu’elle informait [traduction] « toutes les personnes que le CD contenait des renseignements sur les contribuables, car cela échappait maintenant à [son] contrôle ».

298 À la suite d’une discussion pendant l’audience d’arbitrage de 2008, Mme Lloyd a remis les autres CD à la représentante de l’ARC.

299 La représentante de l’ARC a informé l’étudiante en stage que son ordinateur portatif devrait être ramené à l’ARC pour que son disque dur soit effacé. Mme Lloyd a ensuite demandé à la représentante si la même mesure devait être prise à l’égard de l’ordinateur portatif de son ami. On a dit à Mme Lloyd que si elle avait fait la même chose que l’étudiante en stage venait de faire, il faudrait alors amener l’ordinateur portatif, le jour suivant.

300 Mme Lloyd a parlé à son ami. Il lui a dit que le CD n’avait pas été copié sur son ordinateur portatif et qu’une seule copie en avait été faite. Pour cette raison, Mme Lloyd n’a pas senti le besoin d’apporter l’ordinateur portatif et elle n’en a pas entendu parler de nouveau jusqu’à ce qu’elle reçoive une lettre de l’ARC en date du 20 janvier 2009 (pièce U-4). La lettre fait référence à un courriel antérieur, mais Mme Lloyd a témoigné que ce n’est que par l’entremise de la lettre du 20 janvier 2009 qu’elle a entendu parler pour la première fois de la question de l’ordinateur portatif à la suite de l’audience d’arbitrage de 2008.

301 Dans la lettre, on a demandé à Mme Lloyd de prendre des mesures pour apporter l’ordinateur portatif au bureau dans les sept jours suivant la date de la lettre. Celle-ci était signée par la directrice du BSF de Toronto-Centre d’alors, Mme Todesco.

302 Mme Lloyd a témoigné que l’ordinateur portatif appartenait à son ex-petit ami, qui était présent à l’audience d’arbitrage de 2008. Lorsqu’elle a reçu la lettre du 20 janvier 2009, elle n’était plus en relation avec lui. Il lui avait dit que l’ordinateur portatif appartenait à son employeur et qu’il ne voulait pas le récupérer.

303 Mme Lloyd a répondu à la lettre du 30 janvier 2009, affirmant en partie ce qui suit : [traduction] « [V]euillez prendre note que je ne suis pas en mesure de vous fournir l’ordinateur portatif d’une autre personne » (pièce U-5).

304 Mme Lloyd n’a reçu aucune autre pièce de correspondance à propos de l’ordinateur portatif avant le 4 juin 2009, lorsqu’elle a reçu une lettre de Mme Delonghi, directrice intérimaire, BSF de Toronto-Centre (pièce U-6). La lettre demandait le nom et les coordonnées du propriétaire de l’ordinateur portatif pour que l’ARC puisse communiquer avec lui directement, mais Mme Lloyd n’a pas répondu.

305 Le 10 septembre 2009, Mme Walker, qui était la directrice intérimaire, BSF de Toronto-Centre, a écrit à Mme Lloyd à propos de deux questions (pièce U-7). La lettre indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je vous écris aujourd’hui pour vous informer de la gravité de la situation et de la nécessité d’obtenir accès à l’ordinateur portatif pour veiller à ce qu’il ne reste aucune empreinte électronique sur le disque dur ou ailleurs dans l’ordinateur. Comme vous le savez, l’Agence a la responsabilité juridique de sécuriser et de protéger les renseignements confidentiels et personnels sur les contribuables en vertu de l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les employés de l’ARC sont également tenus de respecter les dispositions en matière de confidentialité de l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le paragraphe 239(2.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que toute personne qui contrevient au paragraphe 241(1) est coupable d’une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de 12 mois, ou les deux.

Je vous ordonne de choisir l’une des deux options. Plus particulièrement que vous donniez accès à l’ordinateur portatif en question et/ou le nom et le numéro de téléphone de la personne en possession de l’ordinateur portatif. Une spécialiste de l’informatique de l’ARC doit examiner les renseignements stockés dans l’ordinateur portatif et veiller à ce qu’il ne reste aucun renseignement classifié et/ou protégé sur le disque dur non protégé.

Je m’attends à ce que vous communiquiez avec moi au téléphone au […] ou par courriel à […] au plus tard le 17 septembre 2009, pour que je puisse prendre les arrangements nécessaires. À défaut d’avoir de vos nouvelles cette fois, nous aurons l’obligation de renvoyer la question à la GRC afin d’enquêter à savoir si des chefs d’accusation devraient être déposés ou non contre vous en application du paragraphe 239(2.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour avoir contrevenu aux dispositions en matière de confidentialité de l’article 241 de la même Loi.

La deuxième question est liée à votre défaut de respecter les dispositions en matière de confidentialité du Code de déontologie et de conduite ainsi qu’aux dispositions du chapitre 9 – Procédures pour la protection des biens et des renseignements classifiés et protégés à l’extérieur des lieux de travail, Volume Sécurité, Manuel des finances et de l’administration. Une enquête provisoire s’est maintenant terminée par un rapport daté du 14 août 2009, selon lequel vous avez téléchargé des renseignements confidentiels de nature délicate sur un ordinateur n’appartenant pas à l’Agence.

Je communiquerai avec vous sous peu pour vous demander de participer à une rencontre de recherche de faits pour examiner le rapport de la DAI dans son intégralité et afin de vous donner l’occasion de présenter votre justification. Je vous recommande fortement d’être accompagnée par votre représentant syndical pour vous soutenir pendant cette rencontre.

[…]

306 Mme Lloyd a témoigné qu’elle ignorait que la DAI était concernée, car on ne l’en avait pas informée avant de recevoir la lettre du 10 septembre 2009.

307 Mme Lloyd et son représentant ont demandé la tenue d’une rencontre avec l’employeur (pièce U-8), laquelle a eu lieu le 18 septembre 2009. Pendant la rencontre, on a dit à Mme Lloyd que l’ARC voulait son ordinateur personnel à domicile afin de vérifier si des renseignements sur les contribuables s’y trouvaient. L’ARC voulait également obtenir l’ordinateur portatif de son ami. Elle a répondu qu’elle remettrait une lettre signée à propos de l’ordinateur portatif, mais qu’elle avait des préoccupations en matière de protection de la vie privée à propos du fait de remettre son ordinateur personnel. Elle a assuré l’ARC qu’aucun renseignement sur les contribuables ne s’y trouvait. On lui a indiqué que des procédures seraient élaborées afin de veiller à ce que sa vie privée soit protégée. Celles-ci lui ont été présentées le 28 septembre 2009 et, le jour suivant, le représentant de Mme Lloyd a écrit qu’une lettre provenant du propriétaire de l’ordinateur portatif serait présentée (elle l’a été, le 29 septembre 2009; pièce E-1, onglet 60.) Le représentant a également écrit que Mme Lloyd ne remettrait pas son ordinateur portatif, car l’ARC [traduction] « […] ne peut pas protéger la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les disques durs » (pièce E-1, onglet 65).

308 Mme Lloyd a témoigné que, six mois plus tard, un enquêteur de la DAI a mis en place des procédures qui l’ont convaincue que sa vie privée serait protégée. Elle a ensuite remis son ordinateur personnel et on y a effectué une recherche. On n’y a trouvé aucun renseignement sur les contribuables.

309 Comme on l’a mentionné plus tôt, Mme Lloyd a tenté d’effectuer un retour au travail à temps partiel en novembre 2009 et a été suspendue par la suite [traduction] « […] pour une période indéterminée sans traitement dans l’attente de l’achèvement d’un examen plus approfondi de ces questions » (lettre de Mme Walker à Mme Lloyd, pièce U-12).

310 Cet [traduction] « examen plus approfondi » était, dans les faits, une enquête de la DAIPF menée par Mme Rodriguez. On lui a donné pour tâche [traduction] « […] [d]e déterminer les circonstances entourant ce qui semblait être une divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables par Mary Lloyd, enquêtrice, Division de l’exécution, Bureau des services fiscaux de Toronto-Centre » ainsi que [traduction] « […] [d]e déterminer si les Services régionaux de l’informatique avaient suivi le protocole établi au moment de copier le contenu du lecteur personnel de Mary Lloyd sur des disques compacts » (pièce E-1, onglet 21, page 6).

311 Mme Rodriguez a témoigné qu’elle avait été affectée à cette tâche en décembre 2009 et qu’elle avait publié le rapport en décembre 2010 (pièce E-1, onglet 21).

312 Mme Rodriguez a des antécédents en matière de TI. Elle détient plusieurs certificats en informatique et en techniques d’enquête. Elle a reçu une formation auprès de la GRC et du service de police d’Ottawa sur des questions judiciaires à l’égard des disques durs et la TI est son domaine d’expertise. Elle a mené des centaines d’enquêtes, la plupart d’entre elles portant sur des questions liées à la TI.

313 Mme Rodriguez savait que l’enquête préliminaire remontait au 14 août 2009 (pièce E-1, onglet 8) et que personne n’avait été interviewé, elle avait donc préparé une liste de personnes à interviewer et les questions qu’elle leur poserait.

314 Mme Rodriguez a interviewé quatre personnes (Mme Lloyd, son ex-petit ami, M. Balgobin et Mme O’Brien), puis elle a rédigé son rapport(pièce E-1, onglet 21).

315 Le processus menant à la publication du rapport a duré un peu plus d’un an. Il a été publié le 22 décembre 2010.

316 Pendant le processus d’entrevue, Mme Rodriguez a appris que les 16 CD avaient été étiquetés conformément aux échéanciers des renseignements qu’ils contenaient. Mme Lloyd les a étiquetés, ce qui n’a jamais été contesté.

317 Selon Mme Rodriguez, pour voir ce qui se trouve sur un CD, celui-ci doit être copié sur le disque dur de l’ordinateur utilisé pour que le programme applicable affiche son contenu. On a discuté longuement pendant l’audience d’arbitrage quant à savoir si les CD avaient été copiés ou non sur l’ordinateur portatif ou si on les avait simplement lus sur l’ordinateur portatif. Mme Rodriguez a été catégorique, à la fois dans l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire, sur le fait que la seule façon de lire un CD était d’abord de le copier sur le disque dur pour que son contenu soit affiché. En fin de compte, je suis d’avis que rien d’important ne repose sur ce point, et je l’expliquerai de façon détaillée dans ma décision.

318 Mme Rodriguez a expliqué que le retard lié à la publication du rapport a été causé par une série de changements de personnel dans la DAI. Chaque rapport doit faire l’objet d’un examen par les pairs avant d’être publié et personne n’était disponible pour effectuer cet examen.

319 Lorsque le rapport a été publié en décembre 2010, il contenait la conclusion suivante à propos de Mme Lloyd (pièce E-1, onglet 21, page 27) :

[Traduction]

[…]

Les renseignements recueillis pendant cette enquête ont permis de déterminer que Mary Lloyd, enquêtrice, Division de l’exécution, Bureau des services fiscaux de Toronto-Centre, a contrevenu à la politique de l’ARC concernant la sécurité et la protection des renseignements confidentiels et qu’elle a omis de respecter les dispositions en matière de confidentialité prévues à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu en retirant des CD non chiffrés contenant des renseignements sur les contribuables appartenant à l’ARC du milieu de travail et en copiant des renseignements confidentiels sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC. Cela a donné lieu à une divulgation non autorisée de renseignements sur les contribuables.

[…]

320 En janvier 2010, lorsque l’enquête de Mme Rodriguez ne faisait que commencer, Mme Todesco est retournée à son poste de directrice du BSF de Toronto-Centre. Elle est demeurée à ce poste jusqu’en janvier 2011, soit immédiatement après la publication du rapport d’enquête.

321 À plusieurs reprises en 2010, Mme Lloyd ou son représentant ont questionné Mme Todesco sur le statut de l’enquête. Mme Lloyd a fait une de ces demandes de renseignements le 10 juin 2010 par courriel (pièce U-17), et Mme Todesco a répondu en déclarant en partie ce qui suit : [traduction] « je me rends compte que les résultats de la DAI prennent beaucoup de temps, cependant, les enquêtes de ce type peuvent s’avérer passablement dispendieuses et complexes » (pièce U-17).

322 Le représentant de Mme Lloyd a répondu à ce courriel le 28 juin 2010. Il a exprimé sa déception et demandé la réintégration de Mme Lloyd (pièce U-18). Mme Todesco a répondu le 8 juillet 2010, refusant de la réintégrer et déclarant ce qui suit : [traduction] « On prévoit que le rapport de la DAI sera terminé avant la fin de l’été » (pièce U-19).

323 Un autre courriel, envoyé par Mme Todesco, le 1er décembre 2010, mentionnait ce qui suit : [traduction] « Dans le courriel que je vous ai adressé le 9 novembre, je vous ai informé que je prévoyais que le rapport de la DAI serait terminé avant la fin de novembre. Cela ne s’est pas produit et j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de confirmer un échéancier exact afin de recevoir le rapport à l’heure actuelle » (pièce U-20).

324 Mme Todesco a témoigné que la raison pour laquelle elle a choisi de ne pas réintégrer Mme Lloyd comprenait le fait que la DAI lui avait initialement dit que le rapport serait terminé à la fin de l’été, ensuite pour indiquer qu’il le serait à la fin de novembre. Elle avait continuellement l’impression que le rapport serait publié sous peu (voir pièce E-23 pour certains des motifs).

325 De plus, Mme Todesco savait que Mme Lloyd continuait de recevoir des prestations d’invalidité, qui, selon l’affirmation de Mme Todesco, correspondait à entre 70 % à 80 % de son salaire, Mme Todesco était donc d’avis que le fardeau de la suspension était atténué.

326 L’autre raison pour laquelle elle n’a pas réintégré Mme Lloyd était que cette dernière aurait alors accès à des renseignements sur les contribuables dans le milieu de travail et que la protection de ces renseignements était vitale pour Mme Todesco.

327 En décembre 2010, le rapport de la DAI a été publié. Mme Todesco a été transférée à un autre poste et Mme Delonghi est devenue la directrice du BSF de Toronto-Centre. La décision de suspendre Mme Lloyd pour une période de 40 jours a été prise par Mme Delonghi, même si le Rapport de mesure disciplinaire (pièce E-1, onglet 22) a été signé par M. Prince. Mme Delonghi a expliqué que M. Prince était le gestionnaire de Mme Lloyd et qu’il s’agissait d’une pratique courante à l’ARC de demander au gestionnaire de signer un avis disciplinaire et de le signifier.

328 Mme Delonghi a pris en considération un certain nombre de facteurs au moment de prendre la décision d’imposer une suspension de 40 jours. Un de ces facteurs était la quantité importante de renseignements sur les contribuables trouvée sur les CD. Le rapport de la DAI indiquait que les CD en la possession de Mme Lloyd comprenaient 776 documents, qui contenaient ce qui suit (pièce E-1, onglet 21, page 25) :

[Traduction]

[…] plus de 42 000 éléments de renseignements sur les contribuables, dont des noms, des numéros d’assurance sociale, des adresses et des données financières

[…] un examen détaillé a été effectué sur le CD contenant le courriel du 30 juin 2005 et a révélé au moins 2 660 cas de noms et de numéros d’assurance sociale de contribuables uniques […]

329 En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Delonghi si elle savait qu’une part importante des renseignements sur les CD étaient produits en double et que le nombre de cas unique n’était pas aussi important qu’on l’avait fait croire. Elle a répondu que la référence aux 2 660 éléments dans le CD contenant le courriel du 30 juin 2005 concernait des cas uniques. Il n’y avait pas de données produites en double; il s’agit de données solides, contenant des noms, des adresses et des numéros d’assurance sociale. La référence aux 42 000 éléments contient certains éléments produits en double.

330 Un autre facteur dont Mme Delonghi a tenu compte était le fait que Mme Lloyd avait fait des copies des renseignements sur les contribuables.

331 Mme Delonghi a également tenu compte du fait que Mme Lloyd avait retiré des CD non protégés contenant des renseignements confidentiels du milieu de travail, qu’elle avait demandé à quelqu’un de copier les CD et qu’elle les avait téléchargés sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC.

332 En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Delonghi si le chiffrement était possible en 2006, lorsque Mme Lloyd a reçu les CD de la TI. Mme Delonghi croyait que c’était possible, mais elle n’était pas certaine. En ce qui concerne la question du téléchargement des CD, elle croyait comprendre que pour faire des copies d’un CD, il fallait d’abord télécharger les renseignements sur le disque dur.

333 Un autre élément à prendre en considération dans l’imposition de la mesure disciplinaire était le fait que Mme Lloyd n’avait pas tenté de limiter la quantité de renseignements qu’elle avait retirée du milieu de travail. De l’avis de Mme Delonghi, une quantité inhabituelle de renseignements confidentiels avaient été retirés.

334 On a demandé à Mme Delonghi si elle savait qu’il existait une différence d’opinions quant à ce que Mme Lloyd avait réellement demandé que l’on copie. Elle a indiqué avoir été informée que le rapport de la DAI indiquait que la position de Mme Lloyd était qu' [traduction] « elle avait signalé à la TI les éléments qu’elle voulait que l’on copie » (pièce E-1, onglet 21, page 13), mais la position de Mme Delonghi était que le billet indiquait que la demande était de [traduction] « graver le lecteur H : » (pièce E-1, onglet 21, page 8). Qui plus est, le rapport indiquait ce qui suit : [traduction] « [E]n aucune façon il n’aurait consacré toute une semaine à trier les courriels et à graver tous ces CD si tout ce que Mary Lloyd voulait était quelques dossiers de sa boîte de réception. Cela aurait été du travail supplémentaire sans motif » (pièce E-1, onglet 21, page 17). Mme Delonghi a dit que, d’après son expérience avec la TI, celle-ci n’aurait pas fait de copies si elle n’avait pas besoin de le faire, elle a donc préféré la version de M. Balgobin de ce qui avait été demandé plutôt que celle de Mme Lloyd.

335 Le fait que Mme Lloyd était une enquêtrice criminelle et qu’elle avait déjà enquêté sur de telles questions auparavant a également fait en sorte que Mme Delonghi émette une suspension de 40 jours. En outre, elle a fait preuve d’un manque de candeur et de collaboration en ce qui concerne le retour de l’ordinateur portatif.

336 Pour ce qui est du manque de candeur, on a demandé à Mme Delonghi si elle savait que Mme Lloyd avait admis spontanément que les CD contenaient des renseignements sur les contribuables, mais Mme Delonghi ne s’en souvenait pas.

337 En ce qui concerne l’ordinateur portatif, Mme Delonghi savait que Mme Lloyd n’était pas en possession de l’ordinateur portatif de son ami et elle savait que Mme Lloyd n’avait pas remis son ordinateur personnel en raison de préoccupations liées à la protection de sa vie privée.

338 L’absence de remords démontrée par Mme Lloyd constituait une autre considération pour Mme Delonghi. Bien que le représentant de Mme Lloyd se soit excusé en son nom, elle ne l’a jamais fait.

339 Mme Delonghi a tenu compte du fait que Mme Lloyd était employée depuis 1997 et que son dossier était vierge. Elle a également tenu compte du temps qu’il avait fallu pour terminer le rapport de la DAI. Les facteurs atténuants présentés par le représentant de Mme Lloyd ont également été pris en considération. L’éventail des mesures disciplinaires allait d’une suspension de 30 jours jusqu’au licenciement de Mme Lloyd, et Mme Delonghi estimait qu’une suspension de 40 jours était appropriée, compte tenu de tous les faits.

340 On a demandé à Mme Delonghi de formuler des commentaires relativement à une section du Rapport de mesure disciplinaire qui se lit comme suit (pièce E-1, onglet 22) :

 [Traduction]

[…]

La confidentialité des renseignements sur les contribuables revêt la plus haute importance pour l’intégrité de notre régime fiscal. L’ARC prend très au sérieux son obligation de protéger les renseignements confidentiels. Notre Code de déontologie et de conduite traite de l’importance de la contribution de chaque employé pour assurer que notre tradition d’intégrité et de professionnalisme se poursuive et soit améliorée, afin de renforcer l’engagement de l’ARC de servir le public de façon responsable, tout en soutenant un environnement de travail dans lequel les personnes sont respectées. Pour cette raison, votre conduite ne peut être tolérée.

[…]

341 Mme Delonghi a témoigné que la confiance du public revêtait la plus grande importance pour l’ARC. On s’attend à ce que les renseignements sur les contribuables soient traités comme l’ARC traiterait ses propres renseignements. Les renseignements sur les contribuables sont traités avec beaucoup de soin et on parle continuellement aux employés de cette question. En outre, les employés doivent faire une affirmation annuelle indiquant qu’ils ont lu les politiques de l’ARC.

342 En ce qui concerne la section du Rapport de mesure disciplinaire qui stipule ce qui suit (pièce E-1, onglet 22) :

 [Traduction]

[…]

Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’est délégué aux termes de l’alinéa 51(1)f) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, vous recevez par la présente une suspension de 40 jours (300 heures). La suspension sera servie dès que vous serez apte sur le plan médical à retourner au travail. Les détails et les dates de la suspension seront déterminés à ce moment. Pour la durée de la suspension, vous serez tenus de rendre votre carte d’identité et votre carte d’accès de l’Agence, et il vous sera interdit d’entrer dans les locaux de l’employeur sans la permission du directeur adjoint de l’Exécution.

[…]

Mme Delonghi a expliqué que même si Mme Lloyd était invalide au moment de la publication du Rapport de mesure disciplinaire, un plan de retour au travail progressif était en cours d’élaboration. Elle estimait qu’il n’était pas équitable que Mme Lloyd effectue sa suspension sans pouvoir toucher ses prestations d’assurance-invalidité. De plus, on estimait que si Mme Lloyd effectuait sa suspension immédiatement après son retour au travail; cela aurait une incidence négative sur la réussite de ce retour.

343 De plus, Mme Delonghi a réduit la suspension sans solde à septembre 2010. Elle a fait en sorte que la période de temps restante soit convertie en congé de maladie non payé pour permettre à Mme Lloyd de recevoir un remboursement des prestations d’assurance-maladie et de racheter le service ouvrant droit à pension. La suspension a été réduite à septembre 2010, car cela correspondait au moment où la publication du rapport de la DAI était attendue.

344 La mesure disciplinaire a été imposée parce que, comme il est indiqué dans l’avis disciplinaire, Mme Lloyd a retiré  « […] du milieu de travail des CD non chiffrés contenant des renseignements sur les contribuables appartenant à l’ARC et en copiant ces renseignements confidentiels sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC » (pièce E-1, onglet 22). Cette action, tel qu’il a été conclu dans le rapport de la DAIPF [traduction] « contrevenait à la politique de l’ARC concernant la sécurité et la protection des renseignements confidentiels et ne respectait pas les dispositions en matière de confidentialité de l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu » (pièce E-1, onglet 22).

345 On ne peut pas contester que Mme Lloyd a retiré des renseignements sur les contribuables de son milieu de travail. En fait, elle a révélé que les CD en sa possession à l’audience d’arbitrage de 2008 contenaient des renseignements confidentiels protégés sur les contribuables. Elle a affirmé qu’elle avait les CD, car elle avait besoin d’une copie d’un courriel qui se trouvait sur son lecteur H et elle a demandé à M. Balgobin de lui faire cette copie. M. Balgobin a indiqué qu’on lui avait demandé de copier le lecteur H, qui contenait non seulement le courriel en question, mais aussi des milliers de dossiers contenant des renseignements confidentiels.

346 Lorsque Mme Lloyd a demandé une copie des renseignements, elle a donné à M. Balgobin deux CD. Le courriel en question devait être copié sur un CD; présumément, l’autre CD devait être une deuxième copie. Lorsque M. Balgobin a informé Mme Lloyd au moyen d’un message vocal qu’elle avait besoin d’un plus grand nombre de CD pour faire les copies, cela aurait dû l’alarmer. Tout ce dont elle avait besoin était une copie d’un courriel, qui aurait pu facilement être sauvegardé sur un seul CD. Pourquoi donc M. Balgobin a-t-il eu besoin de plus de CD, alors que Mme Lloyd lui en avait fourni deux? Il n’y a aucune preuve que Mme Lloyd l’ait rappelé pour lui demander pourquoi il avait besoin d’autres CD. Mme Lloyd a manqué le premier signal d’arrêt qui s’est présenté à elle!

347 Mme Lloyd a ensuite rencontré M. Balgobin et a reçu un nombre important de CD. (Selon la preuve, il y avait entre 16 et 20 CD.) Il s’agissait d’une autre occasion où Mme Lloyd aurait pu remettre en question la raison pour laquelle elle recevait tous ces renseignements, alors que tout ce dont elle avait besoin était une copie d’un courriel. Elle a omis de s’arrêter et de poser cette question. C’est la deuxième fois qu’elle manquait un signal d’arrêt!

348 Selon un des arguments présentés, Mme Lloyd n’avait demandé qu’une seule copie du courriel, ce à quoi on lui a répondu que le lecteur H devait être copié intégralement. M. Balgobin a indiqué qu’il n’aurait pas fait tout ce travail si on ne le lui avait pas demandé. On m’a demandé de privilégier son témoignage à celui de Mme Lloyd, mais, au bout du compte, je ne crois pas que ce point soit pertinent.

349 Mme Lloyd a apporté deux CD pour obtenir les renseignements et on lui en a remis entre 16 et 20. Elle savait qu’elle n’avait besoin que d’un seul courriel, le fait de recevoir tous ces CD aurait dû la freiner. En outre, le lecteur H était le sien, et elle savait évidemment ce qui s’y trouvait. Dès son départ du milieu de travail, elle aurait dû savoir qu’elle avait en sa possession des renseignements personnels, et elle aurait dû s’arrêter. Un autre signal d’arrêt ignoré!

350 Le fait que Mme Lloyd n’ait pas été informée qu’elle ne pouvait pas retirer de renseignements confidentiels du milieu de travail n’est pas contesté. Effectivement, elle avait mentionné que le CD déposé à l’audience d’arbitrage de 2008 contenait non seulement le courriel en question, mais également des renseignements confidentiels sur les contribuables.

351 Les CD en possession de Mme Lloyd étaient étiquetés et elle a indiqué qu’il s’agissait de son écriture. Elle a indiqué qu’elle devait visionner les CD pour déterminer celui qui contenait le courriel en question, puis elle a dû l’étiqueter par souci de commodité à l’audience d’arbitrage de 2008.

352 Mme Lloyd a admis avoir chargé les CD dans l’ordinateur portatif de son petit ami de l’époque pour en faire des copies. On a témoigné longuement sur la question de savoir si les CD pouvaient être lus ou non sans être tout d’abord téléchargés sur l’ordinateur. Selon le témoignage de Mme Rodriguez, la seule façon de lire un CD était de le télécharger. Mme Lloyd a affirmé que le CD avait seulement été copié, qu’il n’avait pas été téléchargé. En fin de compte, je conclus que rien ne repose sur la réponse. Qu’ils aient été téléchargés ou non, laissant ainsi une copie sur l’ordinateur est, je crois, une question technique qui n’a aucune incidence sur ma décision. En réalité, Mme Lloyd a sciemment demandé que l’on insère les CD dans un appareil n’appartenant pas à l’ARC et qu’on en fasse des copies.

353 D’une certaine façon, le visionnement et la copie des CD sur un appareil n’appartenant pas à l’ARC sans savoir si des traces de leurs renseignements pourraient être laissées sur cet appareil est pire que de savoir que cela laisserait des traces de preuve. À tout le moins, si une personne est informée qu’il existe des traces de preuve, elle peut alors prendre des mesures de sécurité pour toutes les supprimer. Si une personne ne sait pas ou ne s’aperçoit pas que des traces de preuve pourraient exister, alors cette personne ne saurait pas quelles sont les mesures nécessaires pour s’assurer que toute trace de preuve soit entièrement effacée.

354 Le fait que Mme Lloyd ait déclaré qu’elle conservait les CD dans une armoire verrouillée approuvée par l’ARC joue en sa faveur, et il n’existe aucun élément de preuve pour suggérer le contraire. Il est évident qu’elle savait que les CD contenaient des renseignements confidentiels sur les contribuables, ce qui correspondait à beaucoup plus de renseignements que ce dont elle avait besoin pour son audience d’arbitrage de 2008. Pourquoi n’a-t-elle pas communiqué avec l’ARC pour l’informer qu’elle avait plus de renseignements que ceux dont elle avait besoin, y compris des renseignements confidentiels sur les contribuables? Elle a choisi de garder le silence, ignorant ainsi un autre signal d’arrêt.

355 L’Institut a fait valoir que dans McGoldrick c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP no 166-02-25796 (19941003), la décision appuyait la réduction de la sanction, compte tenu des différents facteurs atténuants.

356 Je souligne que dans McGoldrick, le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié, car il avait révélé des renseignements confidentiels à des personnes non autorisées. L’arbitre de grief a réduit la sanction à une suspension de plus de 10 mois.

357 Il n’y avait aucune preuve que Mme Lloyd avait révélé des renseignements confidentiels à quiconque. Cependant, je crois qu’il existe une différence très importante entre une suspension de 10 mois et une suspension de 40 jours. Les facteurs atténuants dans McGoldrick,comme un dossier de travail satisfaisant, l’absence de mesures disciplinaires antérieures et le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire n’allait tirer aucun avantage de ses actions, ont tous été pris en considération par l’employeur dans le cas de Mme Lloyd  pour en arriver à une suspension de 40 jours.

358 Dans Labrie c. Conseil du Trésor (Santé Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26301 (19950918), une suspension de 20 jours a été réduite à 3 jours, mais dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé avait le soutien tacite de son superviseur pour ses actions, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

359 Dans Bastie c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22285 (19930909), une suspension de 10 jours, imposée parce que le fonctionnaire dans cette affaire s’est présenté sous un faux jour, a été réduite à 5 jours. Mme Lloyd ne s’est jamais présentée sous un faux jour, et les facteurs atténuants dans Bastie (un dossier vierge et aucun gain personnel) ont une fois de plus été pris en considération en l’espèce.

360 J’en conclus que la preuve appuie clairement les motifs de l’employeur liés à l’imposition d’une mesure disciplinaire et qu’il a tenu compte de tous les facteurs atténuants. Dans les faits, la preuve appuie la présentation selon laquelle, en l’absence de ces facteurs atténuants, Mme Lloyd aurait été licenciée.

361 Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis, a dit ce qui suit : [traduction] « Lorsque vous êtes sur le point de faire quelque chose, mais que celle-ci ne peut être connue que de vous, demandez-vous comment vous agiriez si le monde entier vous observait et agissez en conséquence » (citation tirée de Peggy Anderson, Great Quotes from Great Leaders, 1990.).

362 Mme Lloyd pensait peut-être que personne ne le saurait, mais elle devait savoir que ce qu’elle faisait était mal. Selon moi, plusieurs signaux d’arrêts ont été placés sur son chemin et elle les a ignorés.

363 Comme je l’ai indiqué plus tôt dans la présente décision, la protection des renseignements confidentiels par les employés de l’ARC, peu importe le niveau de l’employé, doit être de la plus haute importance, et s’applique à l’ensemble de l’organisation. Le fait de retirer des renseignements confidentiels du milieu de travail sans un besoin particulier et sans une approbation très explicite est, je crois, une action qui ne doit pas être tolérée.

364 À la lumière de tout cela, à mon avis, la mesure disciplinaire imposée était appropriée et je ne vois aucune nécessité de modifier la suspension de 40 jours; les dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717 sont rejetés.

D. MLP sans consentement et discrimination (dossier de la CRTEFP 566-34-7718)

365 Le 8 février 2012, Mme Lloyd a déposé un grief alléguant qu’on avait contrevenu à la convention collective et à la LCDP. Le grief se lit comme suit (pièce U-27) :

[Traduction]

Grief

Je dépose un grief contre le fait que je n’ai pas été autorisée à retourner à mon ancien poste au PEC (Enquêtes).

Je dépose un grief contre le fait que l’on me retire maintenant sans mon consentement de mon poste au PSE auquel on m’a dit que je retournerais.

Je dépose un grief contre le fait que j’ai été obligée d’accepter une mutation, sans une période de réflexion préalable appropriée, à la Vérification, un secteur dans lequel j’ai occupé un poste PM la dernière fois il y a douze ans.

Je dépose un grief contre le fait que ma mutation forcée a fait en sorte qu’on a fait de moi un spectacle dans le milieu du travail.

Je dépose un grief contre le fait que mes limitations (physiques et cognitives) n’ont pas été adéquatement prises en considération avant que l’on m’informe que je serais mutée au secteur de la Vérification.

Je dépose un grief contre le fait que l’on m’impose le fardeau supplémentaire d’avoir 2 superviseurs et d’avoir à accomplir du travail du PSE dans un secteur de la Vérification.

Je dépose un grief contre le fait que de me muter à 2 emplois différents dans l’espace de 6 mois, après avoir effectué un retour au travail à la suite d’une blessure, est une mesure disciplinaire.

Je dépose un grief contre le fait que l’employeur a contrevenu à l’article 43 de la convention collective et à tout autre article connexe.

Je dépose un grief contre le fait que l’employeur a fait preuve de discrimination envers moi en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne au motif d’une déficience mentale et physique.

Mesure corrective :

Que je sois retournée immédiatement à l’étage des Enquêtes et à l’emploi au PSE dans l’attente du grief et de l’audience de la CRTFP sur la question de savoir si je dois être retournée au PEC.

Que je sois retournée immédiatement au PEC.

Que je sois indemnisée pour les dommages généraux et pour le préjudice moral afin de compenser ce traitement et la contravention à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

366 La Commission a été informée du renvoi à l’arbitrage, mais a choisi de ne pas présenter d’arguments. Au lieu de cela, elle a demandé une copie de la décision de la nouvelle Commission une fois que celle-ci aura été rendue.

1. Contexte

367 En août 2007, Mme Lloyd a eu un très grave accident de vélo qui a nécessité une longue période de récupération. L’une des personnes qui lui a fourni des soins était le Dr Jan Carstoniu, qui était cofondateur d’une clinique pour les personnes souffrant de douleur chronique en 1995.

368  Le Dr Carstoniu a témoigné qu’il avait rencontré Mme Lloyd en septembre 2009 et qu’elle avait exprimé un intérêt en vue de retourner au travail. Il a donné son accord à un programme de retour au travail progressif, qu’il a confirmé à Mme Lloyd le 29 septembre 2009, indiquant en partie ce qui suit (pièce U-10) :

[Traduction]

[…]

Depuis votre implication dans un accident de véhicule à moteur le 7 août 2007, vous n’avez pas été en mesure de retourner à votre travail en raison des blessures que vous avez subies à votre tête, à votre mâchoire, à votre cou et à votre dos qui ont donné lieu à une douleur chronique intolérable, à un dysfonctionnement cognitif, à un trouble du sommeil, à une dépression et à de l’anxiété.

Vous avez participé à un traitement multidisciplinaire comprenant des thérapies pharmacologiques, physiques, psychologiques et chirurgicales au cours des deux dernières années environ. Pendant cette période, vous avez constamment fait part de votre détermination à retourner au travail.

Pendant notre rencontre du 17 septembre 2009, vous m’avez dit que vous vous sentiez prête à effectuer un retour à votre ancien emploi et vous m’avez demandé mon opinion. J’étais d’accord. En fait, à ce stade, j’estime qu’il s’agirait d’une action positive d’un point de vue thérapeutique de prendre part à un emploi que vous trouvez important et enrichissant sur le plan personnel.

Toutefois, vos symptômes ne sont pas entièrement disparus et, malheureusement, il est peu probable que vous cessiez complètement un jour de ressentir de la douleur. Il est probable qu’un retour au travail causera une certaine aggravation de certains symptômes, mais vous avez démontré que vous étiez consciente de cette possibilité et nous avons convenu que les avantages éventuels de retourner au travail l’emportaient largement sur les risques éventuels. Vous avez déjà démontré de bonnes capacités d’adaptation et vous êtes en fait habituée à éprouver de la douleur dont la gravité fluctue.

La durée de votre absence du travail et la gravité de vos blessures sont de solides indicateurs en faveur d’un retour au travail progressif. Je vous recommande de commencer par au plus trois ou quatre heures par jour, trois jours par semaine et d’augmenter votre charge de travail progressivement par la suite. Même s’il est difficile de prédire avec précision une date exacte pour votre retour au travail à temps plein, je crois qu’un objectif raisonnable pour vous serait de travailler à temps plein dans les trois mois suivant votre retour à votre emploi.

[…]

369 Selon le témoignage de Mme Lloyd, elle a présenté cette lettre à Mme Walker qui, en septembre 2009, était la directrice du BSF de Toronto-Centre.

370 Mme Lloyd a demandé une description de travail et un formulaire d’évaluation des capacités fonctionnelles pour que le Dr Carstoniu puisse le remplir et le remettre à l’ARC. Mme Lloyd n’a pas eu d’autres nouvelles de l’ARC. Le 3 novembre 2009, elle a donc envoyé un courriel à Mme Walker pour l’informer qu’elle effectuerait un retour au travail à temps partiel à compter du 30 novembre 2009 (pièce U-11).

371 Après que Mme Walker a reçu le courriel, Mme Lloyd a été suspendue pour une période indéterminée (pièce U-12).

372 La lettre de suspension faisait également référence au plan de retour au travail de Mme Lloyd, indiquant en partie ce qui suit (pièce U-12) :

[Traduction]

[…]

J’ai reçu le billet de médecin que vous m’avez fourni en ce qui a trait à votre aptitude à effectuer un retour au travail. Je suis heureuse d’entendre que votre santé s’est suffisamment améliorée afin de vous permettre d’envisager un retour au travail. Je sais toutefois que des renseignements supplémentaires sont requis afin de préciser toute limitation et/ou besoin en matière de mesures d’adaptation pouvant être requis afin de faciliter et de mettre en œuvre un retour au travail progressif.

[…]

Bien qu’un retour au travail ne soit pas possible pour le moment, je vous assure que la direction est prête à travailler avec vous et votre médecin pour mettre en place un Plan de mesures d’adaptation individuel, conformément à la Politique sur les accidents et les maladies de l’Agence, selon ce que l’on estimera approprié après l’achèvement de l’examen de votre conduite. Si vous souhaitez entreprendre un autre échange de renseignements entre la direction et votre médecin afin de faciliter la préparation du Plan de mesures d’adaptation à l’heure actuelle, je suis également prête à la faire. Subsidiairement, si vous choisissez de reporter cette étape jusqu’à ce que l’enquête soit conclue, j’accepterais également votre demande. Veuillez m’informer de l’option que vous avez choisie à cet égard.

[…]

373 Mme Lloyd a témoigné que l’emploi auquel elle retournait était au PEC.

374 Le 7 décembre 2009, le centre Ramsay de l’institut de réadaptation de Toronto, où Mme Lloyd consultait, a envoyé une lettre à l’ARC demandant la tenue d’un plan de mesures d’adaptation lié au retour au travail (pièce U-14). La lettre indique également en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez en raison de la correspondance et des documents précédents, Mme Lloyd a achevé une thérapie dans le cadre du programme pour malades externes souffrant de lésion cérébrale acquise au centre Ramsay de l’institut de réadaptation de Toronto, le 25 novembre 2009. Également indiqué dans les documents précédents, selon notre évaluation et nos observations, nous estimons que Mme Lloyd s’est réhabilitée de sa lésion cérébrale, de sorte qu’elle est maintenant prête à reprendre le travail, bien que de façon progressive et avec certaines mesures d’adaptation raisonnables en place.

Afin de faciliter le retour au travail de Mme Lloyd, nous avons annexé une liste préliminaire de mesures d’adaptation qui maximisera son rendement au travail. Habituellement, une évaluation du milieu de travail et une rencontre avec l’employé et le gestionnaire précède cette liste de mesures d’adaptation, cependant, puisque l’ARC n’a pas accepté notre offre à l’égard de ces services, une liste de mesures d’adaptation préliminaires est annexée, selon nos constatations et nos ressources.

[…]

375 Des recommandations de mesures d’adaptation pour permettre à Mme Lloyd d’accomplir son travail étaient annexées à cette lettre.

376 Le 19 février 2010, Mme Lloyd a signé un « Plan de mesures d’adaptation individuel » englobant les recommandations de mesures d’adaptation annexées à la lettre du 7 décembre 2009 (pièce U-15). Mme Lloyd devait [traduction] « […] assumer les fonctions d’une enquêtrice du PEC […] » et il devait s’agir d’un retour au travail progressif. Ce plan a ensuite été envoyé à l’ARC aux fins d’approbation finale.

377 Ce plan a été présenté à Mme Lloyd lors d’une réunion le 5 février 2010, à laquelle a participé à la directrice d’alors, Mme Todesco. Dans son témoignage, Mme Todesco a indiqué qu’elle avait offert deux plans de mesures d’adaptation à Mme Lloyd. Le premier concernait un poste au PSE avec une réintégration graduelle au poste au PEC. Mme Lloyd et son représentant se sont opposés à cette proposition, car ils voulaient qu’elle retourne à un poste au PEC, ce qui correspondait au deuxième plan, et les deux plans ont été présentés à Mme Lloyd (pièce E-1, onglet 37). Comme on l’a indiqué plus tôt, Mme Lloyd a approuvé le retour au poste au PEC.

378 Mme Lloyd était toujours sous le coup d’une suspension administrative (citée plus tôt) lorsque le plan de mesures d’adaptation a été signé. Mme Todesco a décidé de ne pas mettre en œuvre le plan de mesures d’adaptation et de réintégrer Mme Lloyd parce que, en partie, elle était d’avis que le rapport de la DAI serait publié avant la fin de l’été. En outre, elle savait que Mme Lloyd continuait de recevoir des prestations d’invalidité, ce qui correspondait à entre 70 % et 80 % de son salaire, la suspension administrative était donc atténuée. En outre, la protection des renseignements confidentiels était une préoccupation de la plus haute importance pour Mme Todesco. Comme on l’a indiqué plus tôt, le rapport de la DAI n’a été publié qu’en décembre 2010.

379 Mme Todesco a également témoigné que la cote de sécurité de Mme Lloyd avait expirée à l’été de 2010, elle en a donc parlé à M. Prince et a demandé qu’elle soit renouvelée. Même si une employée peut être réintégrée à son milieu de travail dans l’attente d’une cote de sécurité si la directrice l’approuve, Mme Todesco ne le permet pas.

380 Mme Lloyd a rempli le formulaire de sécurité en mars 2011 et M. Prince lui a écrit ainsi qu’à son représentant, le 11 mai 2011, indiquant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 33) :

[Traduction]

[…]

Veuillez prendre note que nous avons reçu des documents de la Sun Life concernant le retour au travail progressif de Mary. Je passerai en revue le plan en consultation avec les ressources humaines et je communiquerai sous peu avec vous à ce sujet; cependant, je peux vous informer que je ne vois aucun problème médical empêchant Mary d’effectuer un retour au travail.

À ce stade, le seul retard relatif au retour au travail est la cote de sécurité de Mary, qui demeure en suspens […]

[…]

381 M. Prince a ensuite écrit à Mme Lloyd, le 20 mai 2011, indiquant en partie ce qui suit : [traduction] « J’ai eu l’occasion d’examiner le plan de retour au travail avec les RH et je ne prévois aucune difficulté à mettre en œuvre les besoins en matière de mesures d’adaptation […] » (pièce U-25).

382 Cependant, plus loin dans la lettre, M. Prince a informé Mme Lloyd qu’elle ne retournerait pas au poste au PEC, mais qu’elle serait plutôt affectée à du travail au PSE, et ce, de façon intérimaire.

383 Mme Lloyd a témoigné qu’il s’agissait de la première fois que l’employeur invoquait McNeil. Le représentant de Mme Lloyd a envoyé une réponse à la lettre de M. Prince, le 21 mai 2011, déclarant en partie ce qui suit (pièce U-25) :

[Traduction]

[…]

Notre position est que Mary Lloyd, comme tout autre employé de l’ARC, a le droit de travailler pendant le renouvellement de sa cote de sécurité. Elle devrait par conséquent commencer à travailler immédiatement sur son plan de retour au travail, qui a été approuvé par toutes les parties. Un acte discriminatoire en vertu de la LCDP au motif d’un défaut de prendre des mesures d’adaptation pourrait être établi si rien de moins n’était entrepris.

[…]

384 Mme Lloyd a accepté de retourner travailler au poste au PSE dans l’attente de discussions à propos de McNeil. Elle a effectué un retour en juin 2011, et le retour au travail progressif devait se poursuivre jusqu’en septembre 2011, moment auquel il devait faire l’objet d’un examen.

385 Mme Delonghi était la directrice du BSF de Toronto-Centre en 2011. Elle a témoigné qu’elle avait pris la décision de demander à Mme Lloyd d’effectuer un retour au travail au poste au PSE. Ce poste était classifié au groupe et niveau AU-02, mais Mme Lloyd était classifié au groupe et niveau AU-03, elle était donc rémunérée au groupe et niveau AU-03 tout en travaillant dans un poste AU-02. Tous les besoins connus en matière de mesures d’adaptation ont été mis en place pour Mme Lloyd dans son poste au PSE. Lorsque Mme Lloyd a effectué son retour en juin 2011, Mme Delonghi était consciente d’un plan de retour au travail que Mme Lloyd et le Dr Carstoniu avaient signé en mars 2011 (pièce E-1, onglet 29). Mme Delonghi a indiqué que le poste au PSE répondait à ces besoins en mesures d’adaptation.

386 Mme Delonghi a déclaré qu’elle était préoccupée par le fait que Mme Lloyd occupe un poste au PSE en raison de « McNeil ». Selon l’interprétation donnée à cette décision, l’ARC était tenue, dans le cadre d’une audience, de divulguer à la défense toute inconduite par un enquêteur criminel, ce qui pourrait éventuellement compromettre la preuve de l’ARC contre le contribuable. Mme Delonghi a décidé qu’il était préférable de muter Mme Lloyd en dehors du PSE, avec ou sans son consentement.

387 Une rencontre a eu lieu le 17 décembre 2011, entre Mme Lloyd et son représentant. On a demandé à Mme Lloyd de donner son consentement d’être muté à un poste classifié AU-03 dans la Division des petites et moyennes entreprises (PME). Mme Lloyd a demandé qu’on lui permette de demeurer dans son poste au PSE jusqu’à ce que la décision d’arbitrage soit rendue à l’égard de la suspension de 40 jours. Mme Delonghi a accepté d’envisager sa demande.

388 Une autre rencontre a eu lieu en janvier 2012, entre Mme Lloyd et son représentant. Mme Delonghi a dit à Mme Lloyd que la décision d’arbitrage allait être rendue à l’intérieur d’un délai de 6 à 12 mois, elle ferait donc l’objet d’une MLP avec ou sans son consentement.

389 Le 17 janvier 2012, Mme Delonghi a écrit à Mme Lloyd, indiquant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 39) :

[Traduction]

[…]

En raison des exigences en matière de divulgation mentionnées dans McNeil, la direction a déterminé que votre dossier disciplinaire vous empêche de participer à des enquêtes ou à des procédures criminelles au nom de l’Agence. Ces fonctions sont essentielles à votre poste d’attache en tant qu’enquêtrice principale dans le Programme des enquêtes criminelles. Par conséquent, la direction a estimé qu’il était nécessaire de vous placer dans un autre poste qui n’exige pas habituellement que vous participiez à des procédures criminelles.

Cette mutation latérale permanente (MLP) est une mesure administrative prise conformément à la Directive sur les mutations latérales. On reconnaît que cette mutation latérale permanente est une mesure prise sans votre consentement. Tel qu’il est indiqué dans la Directive sur les recours en matière d’évaluation et de dotation, vous avez le droit de recevoir un recours pour cette mutation latérale permanente sans consentement sous la forme d’une rétroaction individuelle, suivie d’une révision de la décision. Des copies de la Directive sur les mutations latérales et de la Directive sur les recours en matière d’évaluation et de dotation ont été jointes aux fins de référence.

À compter du 23 janvier 2012, vous travaillerez à la Division des petites et des moyennes entreprises (PME) de la Vérification. Conformément à votre demande, M. Thomas Haddrath sera votre nouveau chef d’équipe. Vous trouverez ci-joint une copie de l’ébauche du Plan d’apprentissage pour votre nouvel emploi que l’on vous a remis précédemment le 20 décembre 2011. Celui-ci a été mis à jour afin de tenir compte du bon chef d’équipe. Je tiens à vous assurer que la direction s’est engagée à vous fournir le soutien nécessaire en vue d’assurer une transition réussie à votre nouveau poste.

[…]

390 La fin de semaine du 23 janvier 2012, le poste de travail de Mme Lloyd a été déplacé au poste de la PME, qui se trouvait sur un étage différent de son poste au PSE.

391 Le 24 janvier 2012, Mme Lloyd a déposé une « Demande de rétroaction individuelle », dans laquelle elle a demandé d’être réintégrée immédiatement au PSE. Elle a également indiqué ce qui suit dans le formulaire : [traduction] « On a contrevenu à mon plan de mesures d’adaptation et de retour au travail au PSE sans consultation ou avis médical quant à l’effet que ce transfert aurait sur moi sur les plans physique et mental » (pièce E-1, onglet 40).

392 Lorsque Mme Delonghi l’a reçu, elle a immédiatement mis fin à la mutation et a indiqué à Mme Lloyd de reprendre son travail au PSE jusqu’à ce que l’on reçoive d’autres renseignements de son médecin (pièce E-1, onglet 41).

393 Mme Lloyd a demandé qu’on la réintègre à son poste de travail au PSE, mais Mme Delonghi a rejeté cette demande, car on avait déménagé le bureau et les besoins ergonomiques au nouvel emplacement situé au sein de la Division des PME. Selon Mme Delonghi, l’on répondait à tous les besoins en matière de mesures d’adaptation à l’emplacement de travail aux PME. Elle a déclaré ce qui suit à Mme Lloyd : [traduction] « Bien que je reconnaisse que le fait de demeurer assise dans le secteur de la Vérification n’est pas idéal pour des raisons pratiques, cet arrangement suffira pour une période d’une courte durée pendant que nous consultons votre médecin » (pièce E-1, onglet 43).

394 Mme Lloyd a répondu, déclarant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 43) :

[Traduction]

[…] J’aimerais signaler que ma situation concerne les mesures d’adaptation et la sécurité et qu’il ne s’agit pas de simples questions d’utilité. […]

Entre-temps, compte tenu de la situation actuelle, j’aimerais signaler que toute cette situation est plutôt stressante pour moi et, en conséquence, ma douleur physique est plus grande a augmenté […]

395 Le 4 février 2012, le Dr Carstoniu a écrit au représentant de Mme Lloyd, indiquant en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 45) : [traduction] « J’ai examiné attentivement la description de travail de Revenu Canada en ce qui concerne le poste classifié AU-03 auquel Mme Lloyd a été transférée. À mon avis, le transfert de Mme Lloyd à ces nouvelles conditions de travail est inapproprié sur le plan médical pour les raisons suivantes […] »

396 Le Dr Carstoniu a été contre-interrogé longuement à propos de sa compréhension quant à ce en quoi consistait l’emploi à la Division des PME, et il a reconnu qu’une part importante de sa compréhension était fondée sur ses conversations avec Mme Lloyd. Cependant, il a également dit que Mme Lloyd était familière avec l’emploi au PSE. Le transfert proposé à un poste avec lequel elle n’était pas familière, comme le poste aux PME, aurait causé plus de stress et le transfert n’était pas une bonne idée. Il a effectivement reconnu que si l’employeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Lloyd et lui avait donné le temps nécessaire pour étudier et apprendre le nouveau poste, elle aurait réussi.

397 Le commissaire de l’ARC a rendu une décision écrite, le 20 août 2012, en ce qui a trait à la MLP. La décision indique en partie ce qui suit (pièce E-1, onglet 51) : [traduction] « Par conséquent, après avoir examiné attentivement les documents connexes et les renseignements dont je suis saisi, j’en conclus que la décision de donner suite à une mutation latérale permanente sans consentement n’était pas fondée sur une politique établie. Pour cette raison, je conclus que la décision était arbitraire ».

398 Mme Lloyd est demeurée au poste au PSE jusqu’au moment où ce programme a été transféré à la Vérification; elle est alors retournée à son emplacement original au PEC.

399 La première partie du grief traite de la décision de l’employeur d’assujettir Mme Lloyd à une MLP. L’employeur a affirmé que je n’avais pas compétence pour entendre cet aspect du grief en raison des dispositions du paragraphe 208(2) de la LRTFP, qui stipule en partie ce qui suit :

208. (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

400 Il est très clair d’après la preuve qu’il existait un processus interne pour contester la MLP. Il est également très clair d’après la preuve que Mme Lloyd s’est prévalue elle-même de ce processus interne. En fait, la décision du commissaire de l’ARC, datée du 20 août 2012, a annulé la MLP, la réputant comme [traduction] « arbitraire ». À ce titre, il existait clairement une autre [traduction] « procédure administrative de recours » et le commissaire a soutenu cet aspect du grief de Mme Lloyd. Par conséquent, je suis d’accord avec l’argument de l’employeur voulant que je n’aie pas compétence pour entendre cette partie du grief.

401 La partie restante de ce grief concerne l’allégation de Mme Lloyd selon laquelle elle a été l’objet de discrimination de la part de son employeur au motif d’une invalidité et que l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son invalidité. La fonctionnaire a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination relativement à son invalidité en contravention à la LCDP et à l’article 43 de la convention collective.

402 La clause 43.01 de la convention collective prévoit qu’il n’y aura aucune discrimination exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son incapacité mentale ou physique, entre autres motifs.

403 Selon l’alinéa 226(2)a) de la LRTFP, l’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis, interpréter et appliquer la LCDP (sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes), peu importe si la LCDP entre en conflit avec une convention collective, ou non.

404 Selon l’article 7 de la LCDP, le fait de défavoriser un employé en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire si cet acte est fondé sur un motif de distinction illicite. Une déficience est un motif de distinction illicite (paragraphe 3(1) de la LCDP). L’article 25 de la LCDP définit le terme « déficience » comme une « [d]éficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue ».

405 Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, un fonctionnaire doit d’abord produire une preuve prima facie de l’existence de l’acte discriminatoire, c’est-à-dire une preuve qui couvre les allégations faites et qui, si les allégations sont crues, seraient complètes et suffisantes pour justifier une décision donnant gain de cause au fonctionnaire en l’absence de réponse du demandeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragr. 28). La Commission ne peut pas tenir compte de la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de l’existence de discrimination a été produite (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragr. 22).

406 Il n’est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l’unique raison des actions en litige pour démontrer l’allégation de discrimination. Le fonctionnaire n’a qu’à démontrer que la discrimination était l’un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden c. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.), au paragr. 7). La norme de la preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (ministère de la Défense nationale), [1996] 3 C.F, 789 (C.A.)).

407 Lorsqu’une preuve prima facie est présentée, l’employeur peut éviter une conclusion défavorable en démontrant que ses actes n’étaient, en fait, pas discriminatoires, ou en invoquant une défense prévue par la loi qui justifiait la discrimination. (A.B. v. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragr. 13). Lorsque l’employeur présente une preuve qui réfute la preuve prima facie, il incombe au fonctionnaire de démontrer que la preuve de l’employeur est fausse ou qu’elle constitue un prétexte et que la réelle motivation derrière les actes du défendeur était, en fait, discriminatoire.

a. Y a-t-il une preuve prima facie de discrimination?

408 Pour établir une preuve prima facie de discrimination, Mme Lloyd devait démontrer ce qui suit : qu’elle était atteinte d’une invalidité; qu’elle éprouvait un effet préjudiciable relativement à son emploi; que son invalidité était un facteur dans cet effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, CanLII, au paragr. 33).

409 Mme Lloyd a-t-elle établi qu’elle était atteinte d’une invalidité? L’employeur a fait valoir qu’elle n’avait pas démontré son invalidité. Je suis en désaccord. J’ajouterais qu’il est inconcevable que l’employeur tente d’argumenter autrement. Non seulement ai-je le bénéfice du témoignage de Mme Lloyd et du Dr Carstoniu, une preuve documentaire importante a également été présentée à l’audience afin de corroborer le fait qu’elle était atteinte d’une invalidité au sens de l’art. 25 de la LCDP (voir, par exemple, les pièces suivantes : U-9, U-10, U-14, U-29, U-35). En outre, dès février 2010, l’employeur a envoyé un document intitulé, [traduction] « Plan de mesures d’adaptation individuel » (pièce U-15), qui indiquait en partie : [traduction] « [s]elon votre maladie préexistante et votre accident de vélo et de véhicule à moteur, vos besoins en matière de mesures d’adaptation tels que recommandés par l’institut de réhabilitation de Toronto et appuyés par la Financière Sun Life ont été utilisés pour formuler votre plan de retour au travail progressif ». Ce document a été publié après qu’il a reçu la lettre du centre Ramsay de l’institut de réhabilitation de Toronto, indiquant que Mme Lloyd s’était réhabilitée de sa lésion cérébrale dans la mesure où un retour au travail progressif pouvait commencer [traduction] « […] avec certaines mesures d’adaptation raisonnables en place » (pièce U-14).

410 À mon avis, Mme Lloyd a clairement établi son invalidité.

411 Mme Lloyd a-t-elle vêcu un effet préjudiciable relativement à son emploi? La preuve non contredite est que Mme Lloyd cherchait à retourner au même poste qu’elle occupait avant son congé de maladie, c’est-à-dire son poste au PEC. Toutefois, elle a accepté de revenir au travail au poste au PSE. Six mois plus tard, elle a été assujettie à une MLP sans son consentement. Mme Lloyd a été transférée à un poste à la vérification, situé sur un autre étage. Son poste de travail et son équipement ont été déménagés physiquement à ce nouvel emplacement. Il ne fait aucun doute que Mme Lloyd a éprouvé un effet préjudiciable à l’égard de son emploi.

412 L’invalidité de Mme Lloyd était-elle un facteur relativement à cet effet préjudiciable? Pour que son invalidité soit un facteur, il devait y avoir une indication que l’employeur en avait connaissance. Il ne subsiste aucun doute dans mon esprit que Mme Lloyd a informé l’employeur de son invalidité. Une employée qui demande une mesure d’adaptation a une obligation de collaborer avec son employeur en fournissant des renseignements quant à la nature et à l’étendue de ses invalidités qui permettront à l’employeur de déterminer les mesures d’adaptation nécessaires (voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 525). Mme Lloyd s’est correctement acquittée de cette obligation. Effectivement, le plan de mesures d’adaptation que l’employeur a présenté dès le début était fondé sur ces renseignements.

413 En appliquant le critère établi dans O’Malley, je conclus que les allégations de Mme Lloyd, si on leur fait foi, sont complètes et suffisantes pour justifier un verdict en sa faveur, en l’absence de réplique de l’employeur. La preuve qu’elle a présenté a démontré qu’elle était invalide, qu’elle a été défavorisée et que son invalidité était un facteur dans cet effet préjudiciable. En conséquence, j’en conclus que Mme Lloyd s’est acquittée de son fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination.

414 Compte tenu de cette conclusion, je souligne qu’il m’est inutile de traiter l’argument présenté par le représentant de Mme Lloyd voulant que je tire une inférence négative du refus de l’employeur d’appeler M. Prince à témoigner.

415 Pour que l’employeur réfute la preuve prima facie de discrimination établie par la fonctionnaire, il doit présenter une preuve suffisante et convaincante permettant de démontrer que l’explication présentée est raisonnable et non discriminatoire (voir Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154, aux paragr. 36 et 37).

b. L’employeur s’est-il acquitté du fardeau de la preuve de présenter une explication raisonnable non discriminatoire?

416 Selon les arguments de l’employeur (page 30, paragr. 79), [traduction] « la MLP découlait d’exigences opérationnelles et de risques déterminés dans le cadre du programme ». Je ne peux pas accepter que l’explication de l’employeur est raisonnable pour le simple fait que, au moment de la MLP, Mme Lloyd occupait un poste au PSE, non pas un poste au PEC. La différence entre les postes a été présentée comme suit dans la lettre de Mme Delonghi du 25 janvier 2012 qui a été envoyée au Dr Carstoniu (pièce E-1, onglet 42) : [traduction] « La différence principale entre les postes au PSE et au PEC est que les vérificateurs du PSE effectuent des vérifications civiles dans le but de déterminer l’obligation fiscale; alors que les enquêteurs du PEC mènent des enquêtes criminelles afin de déterminer la responsabilité pénale. Un vérificateur du PSE se concentre sur la collecte d’éléments de preuve afin d’appuyer les nouvelles évaluations civiles, alors qu’un enquêteur du PEC se concentre sur la collecte d’éléments de preuve afin de prouver "l’esprit coupable" du contribuable. »

417 Qui plus est, comme l’employeur l’a reconnu dans ses arguments écrits (page 25, paragr. 61) [traduction] : « Mme Delonghi a décidé que, lorsque Mme Lloyd est retournée au travail en juin 2011, ce serait à la Division du Programme spécial d’exécution (« PSE »), où les problèmes liés à la divulgation dont il est question dans McNeil ne seraient pas en cause ». Même si Mme Delonghi a témoigné qu’elle était préoccupée par le fait que Mme Lloyd occupe un poste au PSE compte tenu des répercussions éventuelles de McNeil, je ne peux accepter que les préoccupations de Mme Delonghi étaient raisonnables compte tenu de la différence fondamentale entre les postes au PEC et au PSE qu’elle a portée à l’attention du Dr Carstoniu dans sa correspondance du 25 janvier 2012.

418 Selon la preuve présentée (de vive voix et documentaire), j’arrive à la conclusionque l’explication présentée par l’employeur pour la MLP n’était pas raisonnable. Je ne suis pas convaincu, d’après la preuve présentée, que la défenderesse s’est acquittée de son fardeau de démontrer qu’au moment où la MLP est survenue, il y avait des exigences opérationnelles précipitant la mutation de Mme Lloyd de son poste au PSE ayant fait l’objet de mesures d’adaptation. Par conséquent, je conclus conclusion que la défenderesse n’a pas fourni une explication raisonnable non discriminatoire pour la pratique discriminatoire.

c. L’employeur s’est-il acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Lloyd au point de subir des contraintes excessives?

419 Le paragraphe 15(2) de la LCDP établit une défense prévue par la loi de ce qui serait par ailleurs une pratique discriminatoire. Les parties applicables de l’article 15 de la LCDP sont ainsi libellées :

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées; […]

Besoins des individus

15. (2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable […]s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

420 Le premier plan de mesures d’adaptation signé par toutes les parties devait faire en sorte que Mme Lloyd effectue un retour progressif à ses fonctions en tant qu’enquêtrice du PEC (pièce U-15). C’était en février 2010. Cette entente avait été conclue à la suite d’une rencontre au cours de laquelle l’employeur avait espéré que Mme Lloyd accepterait un poste au PSE. Mme Lloyd a demandé le poste au PEC et le document a été signé.

421 En raison de l’enquête et de la suspension administrative citée dans les autres griefs, Mme Lloyd n’a pas effectué un retour au travail en février 2010. En fait, ce n’est qu’en juin 2011 que Mme Lloyd est retournée au travail dans un poste au PSE, un poste qu’elle avait finalement accepté. Tout porte à croire que tout se déroulait bien jusqu’à ce qu’on lui dise, en décembre 2011, que l’employeur allait l’assujettir à une MLP, avec ou sans son consentement.

422 Il n’y a clairement eu aucune consultation avec les conseillers médicaux de Mme Lloyd avant que l’on prenne la décision de l’assujettir à une MLP. L’employeur avait reçu des conseils médicaux relativement aux postes antérieurs qu’elle devait occuper et estimait qu’il pouvait répondre à ses besoins dans le cadre du nouveau poste. Mme Delonghi a fait une supposition qu’elle n’était pas loisible de faire dans les circonstances. L’employeur avait une obligation de demander un avis médical à l’égard des mesures d’adaptation nécessaires pour permettre à Mme Lloyd de réussir à exercer les nouvelles fonctions avant de lui imposer unilatéralement la MLP.

423 En outre, lorsque Mme Lloyd a été assujettie à une MLP sans son consentement, elle a été déplacée physiquement à un autre étage. Lorsqu’elle s’est opposée à la MLP sans son consentement, Mme Delonghi a immédiatement mis fin à la mutation, ce qui est tout à son honneur. Cependant, Mme Lloyd n’a pas été déplacée de nouveau à l’étage où elle était située pendant qu’elle exerçait les fonctions du PSE. On lui attribuait du travail au PSE, mais elle était isolée de ses collègues, lesquels auraient pu l’aider à réintégrer l’effectif. Il est vrai qu’elle aurait pu prendre le téléphone et appeler ses collègues ou qu’elle aurait pu monter un étage pour prendre part à une réunion, mais je ne trouve aucune raison pour expliquer pourquoi elle ne pouvait pas être relocalisée à l’étage du PSE. Le fait d’être située physiquement au PSE, je crois, est conforme aux mesures d’adaptation recommandées et convenues dans le plan de mesures d’adaptation qui a mené au retour au travail de Mme Lloyd dans un poste au PSE et qui aurait aidé à sa réintégration. Au lieu de cela, on l’a isolée sur un étage différent.

424 J’en conclus que l’employeur a omis de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’invalidité de Mme Lloyd. En conséquence, j’arrive à la conclusion que l’employeur s’est livré à une pratique discriminatoire et cet aspect du grief est accueilli.

d. Quelle est alors l’indemnité appropriée?

425 J’ai le pouvoir, en application de l’alinéa 226(2)b) de la LRTFP d’accorder des dommages à Mme Lloyd en raison de la pratique discriminatoire de l’employeur en application de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP, qui sont ainsi libellés :

Plainte jugée fondée

(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[]

(e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

Indemnité spéciale

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

426 Mme Lloyd a demandé une indemnité pour les dommages généraux et pour le préjudice moral, ce que l’on a également envisagé dans Lloyd no 1, qui indique en partie ce qui suit (aux pages 17-18) :

[…]

Que la fonctionnaire s’estimant lésée soit dédommagée pour le préjudice moral subi et les dépenses indues qu’elle a engagées.

[…]  Dans l’affaire en instance, je conclus que l’acte de discrimination de l’employeur n’a pas été « délibéré ou inconsidéré », de sorte que je ne suis pas prêt à rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP. Néanmoins, il est clair que la fonctionnaire s’estimant lésée a sérieusement fait les frais du défaut de son employeur de fournir un plan adéquat de mesures d’adaptation, voire de donner suite en temps opportun à sa demande d’évaluation ergonomique. Dans une affaire récente, un arbitre de grief de la Commission a habilement énoncé des lignes directrices utiles en déclarant ceci :

Dans l’estimation du montant approprié de dédommagement, la LCDP établit les lignes directrices suivantes que je considère pertinentes : la nature, les circonstances, la gravité et le caractère délibéré ou intentionnel de l’acte discriminatoire ainsi que les antécédents discriminatoires de son auteur.

(Voir Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale) 2008 CRTFP 71 au paragraphe 30). Quoique cela ne porte pas à conséquence en l’espèce, je pourrais tiquer quant à la suggestion de la nécessité d’une dimension d’acte délibéré eu égard à l’octroi de dommages-intérêts aux termes de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP. Cela mis à part, j’accepte ces lignes directrices générales.

Dans le cas qui nous occupe, je suis d’avis que, malgré le fait que l’employeur a eu connaissance de la nature de la déficience qui affecte la fonctionnaire s’estimant lésée, les superviseurs de cette dernière ne se sont même pas adressés à elle pour discuter du type d’accommodement qu’il lui fallait. Au lieu de cela, ils ont unilatéralement imposé des changements à ses exigences de travail sans avoir connaissance du détail des [traduction] « précautions au travail » énoncées dans le rapport de son médecin. Pour ce motif, je détermine que le préjudice moral subi par la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas aussi sérieux que celui dont il est question dans la décision Pepper (2008 CRTFP 71), mais il n’en était pas moins significatif. En conséquence, j’ordonne à l’employeur de payer à la fonctionnaire s’estimant lésée une somme de 6 000 $.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

427 J’arrive également à la conclusion qu’il n’y avait aucune preuve voulant que l’acte de l’employeur soit [traduction] « […] délibéré ou inconsidéré […] » et j’ai déterminé qu’il n’était pas approprié de rendre une ordonnance en vertu des dispositions du paragraphe 53(3) de la LCDP.

428 À mon avis, la preuve a effectivement établi que Mme Lloyd a été touchée par la décision de l’employeur de l’assujettir à une MLP, même si cette décision a finalement été annulée. Mme Lloyd a écrit à l’employeur, le 26 janvier 2012, indiquant que la situation était stressante et que sa douleur physique avait augmenté. Cela n’a pas été contesté. Elle a subi un préjudice moral.

429 Après l’audience d’arbitrage de 2008, on a ordonné à l’employeur de verser à Mme Lloyd une indemnité de 6 000 $ (Lloyd no 1). Je suis d’avis que la situation en l’espèce était encore plus stressante pour Mme Lloyd, même si le stress n’était pas aussi important que dans Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71. Dans Pepper, le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié en raison d’une incapacité à se présenter au travail pour des raisons médicales. (La demande de révision judiciaire a été rejetée : Canada (Procureur général) c. Pepper, 2010 CF 226. L’indemnité pour le préjudice moral n’a pas été contestée au moment de la révision.) En conséquence, je fixe le montant à verser à Mme Lloyd en application de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP à 7 000 $.

430 Je souligne également que Mme Lloyd a demandé la communication des renseignements personnels qui se trouvaient sur le CD. Si l’employeur ne l’a pas déjà fait, je lui ordonnerai de les communiquer à Mme Lloyd. Je n’ai été informé d’aucun motif pour lequel cette ordonnance ne devrait pas être rendue (je souligne qu’il s’agissait d’une réparation demandée dans le dossier 561-34-440, mais mon pouvoir de réparation est vaste et n’est pas limité par une liste particulière de réparations énumérées : voir Canada (Procureur général) c. Amos, 2011 CAF 38 au paragr. 75).

431 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

432 Le dossier de la CRTEFP 561-34-440, soit la plainte de pratique déloyale de travail, est rejeté.

433 Le dossier de la CRTEFP 566-34-3750, soit le grief contre la suspension pour une période indéterminée sans traitement, est rejeté.

434 Les dossiers de la CRTEFP 566-34-7716 et 7717, soit le grief contre la suspension de 40 jours, est rejeté.

435 Dans le cas du dossier de la CRTEFP 566-34-7718, soit le grief contre la MLP sans consentement et la discrimination, je n’ai pas compétence pour trancher la question de la MLP sans consentement. J’arrive à la conclusion que l’employeur a commis un acte discriminatoire contre Mme Lloyd et je lui accorde une indemnité de 7 000 $ au titre de préjudice moral devant être payé dans les 60 jours suivant la présente décision. Aucune autre indemnité pécuniaire n’est accordée.

436 L’employeur communiquera à Mme Lloyd les renseignements personnels de celle-ci dans les 60 jours suivant la présente décision.

Le 23 juillet 2015.

Traduction de la CRTEFP.

Joseph W. Potter,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique et un arbitre de grief

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