Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Les fonctionnaires s’estimant lésés ont été licenciés pour être entrés illégalement sur le lieu historique national Cave and Basin après les heures d’ouverture et pour avoir nagé dans le bassin d’une caverne qui était fermé en vertu de la réglementation de l’employeur visant la protection d’une espèce d’escargot en voie de disparition – ils ont demandé à être réintégrés dans leur poste respectif, et ce, avec salaire et avantages – l’arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires s‘estimant lésés sont entrés sur les lieux alors qu’ils savaient qu’ils ne l’auraient pas dû et qu’ils ont nagé dans le bassin protégé de la caverne, alors qu’ils savaient qu’il était interdit de nager dans ces eaux– de plus, l’arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés ont agi délibérément et que, par leurs actions, ils ont démontré un manque total de respect à l’égard du mandat de base de leur employeur qui consiste à préserver les ressources naturelles – cependant, l’arbitre de grief a déterminé que la mesure disciplinaire, soit le licenciement, était inappropriée – lorsqu’elle a décidé d’annuler le licenciement, elle a tenu compte des facteurs atténuants suivants : il s’agissait d’un évènement unique imprévu; les fonctionnaires s’estimant lésés avaient de longues années de service sans incident et il n’y avait pas de preuve que les actions des fonctionnaires s’estimant lésés avaient nui aux escargots – l’arbitre de grief a déterminé qu’une longue suspension était appropriée puisqu’elle n’était pas convaincue que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient conscience des répercussions de ce qu’ils ont fait, et qu’ils n’avaient pas démontré de véritables remords – l’arbitre de grief a également trouvé très troublant le fait que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient choisi de ne pas coopérer durant l’enquête administrative, en refusant de répondre à la question de savoir s’ils ont nagé dans le bassin; et c’est seulement dans le cadre de l’audience qu’ils ont admis l’avoir fait– elle a jugé que ce que les fonctionnaires s’estimant lésés ont fait était significatif et que leur conduite méritait une sanction sévère – plutôt que d’imposer une suspension de 20 jours, comme l’a soutenu l’avocat des fonctionnaires s’estimant lésés, l’arbitre de grief a ordonné que les plaignants soient réintégrés à partir de la date de la décision, mais sans paie rétroactive. Grief accueilli; substitution par une longue suspension.
Contenu de la décision
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
- Date: 20150821
- Dossier: 566-33-9502 et 9503
- Référence: 2015 CRTEFP 75
Devant un arbitre de grief
ENTRE
KRISTY HUGHES ET STEPHAN TITCOMB
fonctionnaires s'estimant lésés
et
AGENCE PARCS CANADA
employeur
Répertorié
Hughes et Titcomb c. Agence Parcs Canada
Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage
MOTIFS DE DÉCISION
- Devant:
- Linda Gobeil, arbitre de grief
- Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
- Wassim Garzouzi, avocat
- Pour l'employeur:
- Richard Fader, avocat
du 7 au 9 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)
I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage
1 Ces deux griefs concernent les licenciements de Kristy Hughes et de Stephan Titcomb, les fonctionnaires s’estimant lésés, (les « fonctionnaires »). Au moment de leur licenciement, le 5 septembre 2013, Mme Hughes était employée à titre de maître nageuse saisonnière aux Sources thermales Upper Hot Springs de Banff, à Banff, en Alberta, alors que M. Titcomb occupait un poste de caissier à temps plein à ce même emplacement. Tous deux étaient au service de l’Agence Parcs Canada (l’« employeur »). Mme Hughes était au service de l’employeur depuis 30 ans, alors que M. Titcomb l’était depuis 14 ans. Il est approprié de souligner que les fonctionnaires forment un couple et qu’ils vivent ensemble.
2 Le motif de leur licenciement respectif a été énoncé dans des lettres datées du 5 septembre 2013, provenant de Tracy Thiessen, directrice générale, Parcs des montagnes (pièces E-31 et E-32, onglets 16 à 17). Essentiellement, les lettres de licenciement sont les mêmes pour les deux fonctionnaires et allèguent qu’ils sont entrés illégalement sur le lieu historique national Cave and Basin (« Cave and Basin ») de l’employeur après les heures d’ouverture, le 18 mai 2013, et qu’ils ont nagé dans un bassin de la caverne qui était fermé en vertu des règlements de l’employeur visant à protéger une espèce d’escargot en voie de disparition et son habitat.
3 Le 5 septembre 2013, chaque fonctionnaire a déposé un grief contestant la décision de l’employeur de les licencier et demandant leur réintégration dans leur poste respectif sans aucune perte de salaire et d’avantages. Le 29 janvier 2014, leurs griefs ont été renvoyés à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») aux fins d’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi »), notamment en ce qui a trait aux mesures disciplinaires ayant donné lieu à leur licenciement respectif.
4 Le 18 août 2014, j’ai tenu une conférence préalable à l’audience avec les représentants des parties. Les parties ont convenu que l’on tiendrait une audience pour les deux griefs de licenciement, que la preuve serait commune aux deux griefs et qu’une seule décision serait rendue à l’égard des deux griefs. Il me convient également d’ajouter que, à l’audience, l’avocat n’a établi aucune distinction entre les fonctionnaires en ce qui a trait à leur participation, aux circonstances ou à la réparation demandée.
5 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission) et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014, continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.
II. Résumé de la preuve
6 À la demande de l’employeur, le premier jour de l’audience, les fonctionnaires, deux des représentants de l’employeur, moi-même et les avocats des parties, avons visité le site de Cave and Basin, où les événements menant aux licenciements ont eu lieu (pièce E-22, page 4). Le site de Cave and Basin est situé à une courte distance en voiture des sources thermales Upper Hot Springs de Banff, un site de l’employeur qui comprend des bains publics et qui offre un bassin d’eau minérale où le grand public est autorisé à se baigner. Aucune baignade n’est autorisée au site de Cave and Basin (pièces E-22, page 4; pièce E-23, page 4).
7 Même si les détails de ce qui s’est produit seront présentés plus loin dans la présente décision, il est important de comprendre que les fonctionnaires ont été accusés d’être entrés au site de Cave and Basin sans autorisation et d’avoir nagé dans un bassin d’une caverne en béton située dans l’immeuble de Cave and Basin. L’entrée qu’ils ont utilisée pour accéder au site de Cave and Basin la nuit en question mène à une terrasse à aire ouverte contenant un plan d’eau (pièce E-40), appelé le « bassin ». Même si les eaux de ce bassin (pièce E-40) sont protégées et contiennent une espèce en voie de disparition, les fonctionnaires ne s’y sont pas baignés. Comme ils l’ont admis dans le cadre de l’audience, ils se sont baignés dans un bassin d’une caverne située dans l’immeuble de Cave and Basin auquel on ne peut accéder que par un tunnel bloqué par une barrière verrouillée. Une image du bassin de la caverne et de son mur de soutènement est présentée à la pièce E-43. Le bassin de cette caverne a un diamètre d’environ 12 mètres et il contient des espèces en voie de disparition. À l’audience, les fonctionnaires ont admis y être entrés.
8 Il est également important de souligner que, devant un autre tribunal, des chefs d’accusation ont été déposés contre les fonctionnaires en vertu du Règlement général sur les parcs nationaux (DORS/78-213) à propos de l’incident du 18 mai 2013. Par conséquent, ils ont retenu les services d’un avocat au criminel afin de les conseiller et de les représenter devant une cour criminelle.
A. Pour l’employeur
1. Témoignage de Mary Minogue
9 Mary Minogue a été la première à témoigner pour le compte de l’employeur. Elle se trouvait au Royaume-Uni pendant l’audience et a témoigné par téléphone.
10 Mme Minogue a indiqué qu’elle travaillait comme maître nageuse aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff, de mars 2011 jusqu’à octobre 2013. Elle y a rencontré les deux fonctionnaires. Elle a indiqué qu’elle connaissait surtout M. Titcomb.
11 Dans son témoignage, Mme Minogue a déclaré que Jim Van Tassel, un superviseur aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff, l’avait informé que les deux fonctionnaires s’étaient rendus au site de Cave and Basin, alors que le lieu était fermé depuis des années pour des rénovations, afin de nager dans le bassin de la caverne s’y trouvant, et ce, après les heures d’ouverture. Mme Minogue a indiqué que M. Van Tassel lui avait déclaré que John Green, un concierge au site de Cave and Basin, lui avait dit que, la nuit du 18 mai 2013, les fonctionnaires s’étaient présentés après les heures d’ouverture et qu’il les avait laissés entrer étant donné qu’il les connaissait. Une fois sur les lieux, les fonctionnaires ont accédé au bassin de la caverne, ont enlevé leurs vêtements et ont nagé dans le bassin de la caverne.
12 Mme Minogue a témoigné avoir dit à M. Van Tassel qu’il devrait en informer la direction, car il était interdit de nager dans ces eaux étant donné qu’elles étaient l’habitat d’une espèce d’escargot protégée qui était désignée à titre d’espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29).
13 Peu de temps après, en prenant un verre avec M. Titcomb dans sa cour, Mme Minogue et lui ont parlé de ce qui s’était passé cette nuit. Elle a indiqué M. Titcomb lui avait dit que le personnel les avait laissés entrer, lui et Mme Hughes, après les heures d’ouverture et qu’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne. Mme Minogue a témoigné que M. Titcomb avait indiqué qu’ils savaient qu’ils n’étaient pas autorisés à se baigner dans cette zone. Mme Minogue a également témoigné que les fonctionnaires avaient décidé néanmoins de nager dans le bassin de la caverne, puisqu’il n’y avait aucune caméra de surveillance. Mme Minogue a affirmé que M. Titcomb semblait très heureux de ce que Mme Hughes et lui avaient fait; il s’impressionnait lui-même et il s’en vantait.
14 Mme Minogue a indiqué qu’elle était consternée par le fait que les fonctionnaires étaient allés nager dans le bassin de la caverne, étant donné que tout le monde savait que cela était interdit. Elle a expliqué qu’on leur avait dit tout cela dans le cadre de la formation sur les [traduction] « Services de qualité aux visiteurs » (SQV).
15 Mme Minogue a déclaré qu’elle avait soulevé la question auprès de la gestionnaire des sources thermales Upper Hot Springs de Banff, Lynn Barrett, qui était la superviseure des fonctionnaires, et que Mme Barrett n’avait rien fait avec ces renseignements. Mme Minogue a présenté une déclaration écrite le 9 juillet 2013 (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3, page 106, et pièce 5, onglet 3, pages 24 à 27).
2. Témoignage de Brenda DeMone
16 Au moment de l’incident, Brenda DeMone occupait le poste de directrice intérimaire de l’unité de gestion, parcs nationaux du Mont-Revelstoke et des Glaciers, deux sites de l’employeur. Elle a indiqué avoir travaillé pour l’employeur pendant plus de 21 ans. Elle a été fonctionnaire pendant 32 ans.
17 Mme DeMone a témoigné que, en août 2013, on lui a demandé de mener une enquête de recherche de faits sur l’allégation voulant que les fonctionnaires soient entrés dans les installations de Cave and Basin après les heures d’ouverture et que, alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur, ils aient nagé dans le bassin de la caverne, qui est l’habitat d’une espèce d’escargot protégée (pièces E-25 et E-26). Elle a précisé que sa tâche consistait à interviewer, dans le cadre d’une visite du site de Cave and Basin, les personnes impliquées, puis de présenter son rapport à Mme Thiessen aux fins d’une décision. Mme DeMone a également mentionné que, parallèlement à son enquête administrative, la directrice du parc, Sharon Woods, enquêtait également sur la question en vertu du Règlement général sur les parcs nationaux (DORS/78-213). Mme DeMone a indiqué que Renée Lamontagne, de la division des ressources humaines (RH) de l’employeur, faisait également partie de son enquête.
18 Mme DeMone a indiqué avoir terminé son rapport le 15 août 2013 et l’avoir envoyé à Mme Thiessen aux fins d’une décision. Le contenu du rapport et ses annexes ont été déposés en tant que pièces (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3).
19 Mme DeMone a expliqué que le site de Cave and Basin est le lieu de naissance des parcs nationaux du Canada et qu’il avait été désigné comme un lieu historique en 1981. Ce lieu offre un habitat pour des plantes, des invertébrés et des poissons rares. Par exemple, une espèce endémique d’escargots, le Physella johnsoni, ne peut être trouvée que dans certains lieux précis de Parcs Canada, comme Cave and Basin. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada dresse la liste des espèces comme celle-ci qui sont menacées de disparition. Le bassin de la caverne du site de Cave and Basin est l’un de ces habitats. Les escargots sont également protégés contre toute autre forme de perturbation causée par l’homme par l’ordonnance du directeur Roulet de 2007 (l’« ordonnance Roulet »), qui précise que le public peut observer le bassin de la caverne, le bassin et les sources thermales au site de Cave and Basin uniquement pendant les heures d’exploitation et seulement à partir des passerelles l’entourant (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, pages 12 et 13).
20 Mme DeMone a expliqué qu’au moment des événements en question, le site de Cave and Basin avait été fermé au public pendant environ cinq ans en vue de le revitaliser et de l’améliorer au moyen d’un investissement de 13,8 millions de dollars. Le 17 mai 2013, les dignitaires ont officiellement rouvert le lieu. Le jour suivant, le samedi 18 mai 2013, après les heures d’ouverture, alors que le site était fermé au public, les fonctionnaires sont entrés sans autorisation et ont nagé dans les eaux protégées du bassin de la caverne.
21 Le bassin de la caverne étant l’habitat d’escargots en voie de disparition. Mme DeMone a déclaré que plusieurs annonces étaient affichées à l’entrée du site de Cave and Basin, à l’extérieur du bassin, dans le tunnel menant au bassin de la caverne et sur les murs du bassin de la caverne eux-mêmes, rappelant aux gens qu’ils ne pouvaient submerger leurs mains ou nager dans les eaux protégées (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, pages 15 à 21, et pièces E-40 et 43).
22 Pendant son témoignage, Mme DeMone a fait référence à son rapport, daté du 15 août 2013, qu’elle a envoyé à Mme Thiessen le 16 août 2013, à la suite de l’enquête administrative. Ce rapport comprend les notes et les résumés de chaque entrevue, ainsi que l’analyse et la conclusion de Mme DeMone fondée sur sa recherche de faits (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3, pages 3 à 108).
23 Mme DeMone a expliqué que, le 8 août 2013, elle et Mme Lamontagne, qui a pris les notes pendant l’enquête, ont interviewé M. Green, Mme Minogue, Mme Barrett et les deux fonctionnaires séparément, et que le représentant de l’agent négociateur des fonctionnaires, Jaison Van Tine, était présent.
24 Mme DeMone a indiqué que le but de l’enquête était de déterminer si le 18 mai 2013, les deux fonctionnaires étaient entrés dans le lieu Cave and Basin après les heures d’ouverture et s’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne.
25 Mme DeMone est arrivée à la conclusion que les fonctionnaires avaient effectivement [traduction] « […] ignoré l’ordre d’activité limitée et étaient entrés dans le bassin de la caverne » (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, page 8). Elle a expliqué qu’elle avait fondé ses constatations sur les entrevues menées auprès des témoins.
26 Mme DeMone a précisé que M. Green semblait crédible lorsqu’elle l’a rencontré. Il a indiqué que la nuit du 18 mai 2013, après la fermeture de l’immeuble au public, il a vu les fonctionnaires retirer une clôture de construction pour accéder aux installations de Cave and Basin et que, une fois à l’intérieur des installations, ils ont réussi à se rendre jusqu’au bassin de la caverne, où ils ont retiré leurs vêtements et sont entrés dans les eaux protégées. Mme DeMone a indiqué que, même si M. Green connaissait les fonctionnaires, il n’estimait pas qu’il avait l’autorité de les empêcher d’entrer sans autorisation (pièce E-4, onglet 3, pages 22 et 23).
27 Mme DeMone a témoigné qu’elle avait également interviewé Mme Minogue, qui était la collègue des fonctionnaires aux installations des sources thermales Upper Hot Springs de Banff. Mme Minogue lui a dit que M. Van Tassel l’avait informée du fait que les fonctionnaires étaient entrés dans les installations et qu’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne. M. Titcomb l’avait confirmé; il s’était vanté à propos de ce que Mme Hughes et lui avaient fait (pièce E-5, onglet 3, pages 24 à 27).
28 Mme DeMone a également interviewé Mme Barrett, qui a indiqué qu’elle avait été informée des allégations formulées contre les fonctionnaires, mais qu’elle en avait discuté avec eux et qu’elle les avait signalées au directeur général, Ken Fisher. Mme Barrett a également indiqué que les membres du personnel étaient au courant de la protection de l’espèce d’escargot et que les fonctionnaires n’avaient jamais fait l’objet de mesures disciplinaires (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3, pages 28 à 30).
29 Mme DeMone a déclaré que, pendant l’entrevue du 8 août 2013, Mme Hughes a admis être entrée dans le site de Cave and Basin, la nuit du 18 mai 2013, sur l’invitation de M. Green. Toutefois, Mme DeMone a lu dans une déclaration que Mme Hughes avait refusé de répondre à la question particulière visant à déterminer si M. Titcomb et elle avaient nagé dans le bassin de la caverne cette nuit-là. Mme Hughes a indiqué qu’elle agissait selon les conseils de son avocat au criminel, qui représentait les deux fonctionnaires à l’égard des chefs d’accusation en vertu du Règlement général sur les parcs nationaux.
30 Mme DeMone a indiqué que Mme Hughes semblait anxieuse et évasive pendant l’entrevue. Mme DeMone a déclaré que Mme Hughes lui avait dit que la nuit du 18 mai 2013, après le souper, M. Titcomb et elle avaient décidé de faire une promenade à vélo jusqu’au site de Cave and Basin pour voir les rénovations étalées sur plusieurs années et durant lesquelles le lieu avait été fermé au public. Mme DeMone a indiqué que Mme Hughes avait déclaré qu’elle et M. Titcomb n’étaient pas entrés par l’entrée principale, mais par le côté, qu’ils ont marché sur la terrasse et que M. Green les a invités à faire une visite des installations. Mme Hughes a nié le fait que les fonctionnaires avaient retiré des clôtures pour entrer dans les installations et que, puisqu’il faisait noir, ils n’avaient pas vu l’avis de zone d’accès restreint. Mme Hughes a également indiqué qu’elle connaissait peu le site de Cave and Basin et qu’elle ne connaissait pas l’ordonnance Roulet (pièce E-6, onglet 3, pages 31 à 39).
31 Mme DeMone a également interviewé M. Titcomb le même jour. Il était également accompagné par M. Van Tine. M. Titcomb a indiqué que le site de Cave and Basin n’était pas ouvert au public, mais que M. Green les avait invités Mme Hughes et lui à entrer. M. Titcomb a indiqué qu’ils étaient entrés dans les installations en passant par la terrasse et qu’ils avaient marché près du bassin ouvert (pièce E-40). Il a nié avoir retiré une barrière ou une clôture de construction pour entrer sur les lieux. Il a reconnu qu’il savait que la baignade n’était pas autorisée au site de Cave and Basin et a admis qu’il était au courant de l’ordonnance Roulet qui était en vigueur afin de protéger les escargots en voie de disparition. Cependant, il a indiqué que, à son avis, il n’y avait aucun escargot dans le bassin de la caverne et qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu un avis d’accès restreint. Mme DeMone a indiqué que M. Titcomb avait également refusé de répondre à la question de savoir si Mme Hughes et lui avaient nagé dans le bassin de la caverne cette nuit-là, conformément aux conseils de son avocat au criminel (pièce E-7, onglet 3, pages 40 à 49).
32 Mme DeMone a dit qu’après avoir entendu les témoins, elle est arrivée à la conclusion que les fonctionnaires n’avaient pas respecté l’ordonnance Roulet à propos de l’habitat des escargots des sources thermales de Banff et qu’ils étaient entrés dans le bassin de la caverne (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, page 12). Elle a expliqué que, malgré le fait que les deux fonctionnaires aient nié avoir vu un avis d’activité restreinte, il était plus raisonnable de conclure que, en tant qu’employés chevronnés, ils étaient au courant des zones restreintes et du fait que la baignade dans le bassin de la caverne était interdite. Mme DeMone a déclaré qu’au site de Cave and Basin et, plus particulièrement, dans le tunnel menant au bassin de la caverne lui-même, l’ordonnance Roulet y est affichée (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, pages 15 à 21). Elle a indiqué que, d’après les circonstances, il était raisonnable de supposer qu’en raison de leurs années de service, les fonctionnaires savaient que le seul endroit où la baignade était autorisée, et ce, sous supervision, était leur lieu de travail : les sources thermales Upper Hot Springs de Banff.
33 Mme DeMone a également signalé que, contrairement aux affirmations des fonctionnaires, elle ne croyait pas qu’ils étaient entrés sans effort dans le site de Cave and Basin la nuit du 18 mai 2013. Mme DeMone s’est appuyée sur une déclaration faite par Steve Malins, le gestionnaire des ressources culturelles de l’employeur, qui a indiqué que la zone était protégée par des clôtures de construction et que la seule façon d’accéder à la terrasse était de s’efforcer de retirer une barrière de sécurité. Lorsqu’on lui a posé des questions au sujet d’un courriel envoyé par Glen Exley, le coordonnateur des services techniques de l’employeur, à propos des entrées dans le lieu pendant la nuit, Mme DeMone a indiqué qu’elle n’avait pas inclus les préoccupations de M. Exley dans son rapport, puisque son courriel est arrivé après la présentation de son rapport à Mme Thiessen (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, page 67).
34 Mme DeMone a également témoigné que, même si M. Green connaissait les fonctionnaires, elle le croyait lorsqu’il disait qu’il ne leur avait pas permis d’entrer dans le bassin de la caverne. Mme DeMone a expliqué qu’avant de devenir un caissier, M. Titcomb avait également été un concierge et, à ce titre, Mme Hughes et lui faisaient partie d’une formation qui avait recruté M. Green en tant que concierge en 2011 (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3, page 57). Mme DeMone a expliqué que les fonctionnaires auraient dû savoir que M. Green n’avait pas l’autorité de leur permettre de se rendre sur la terrasse de l’immeuble de Cave and Basin, puis d’accéder au bassin de la caverne.
35 Mme DeMone a déclaré qu’elle avait conclu, dans le cadre de son enquête, que les deux fonctionnaires connaissaient le « Code d’éthique » de l’employeur, et que, en accédant à une zone fermée et en entrant dans les eaux du bassin de la caverne, ils faisaient tous deux la démonstration d’un manque de qualités professionnelles et éthiques. Elle a également indiqué qu’elle estimait que les fonctionnaires n’étaient pas francs et qu’ils avaient eu l’occasion d’admettre leur erreur, mais qu’ils avaient décidé de ne pas le faire. D’après Mme DeMone, les fonctionnaires ont suivi un scénario en vertu duquel ils ont refusé de répondre à des questions précises et, en outre, ils ont répondu de façon vague. En ce qui concerne Mme DeMone, les fonctionnaires ne se sont pas rendu compte de la gravité de leurs actes; ils n’ont pas non plus exprimé de remords. La référence à des [traduction] « regrets » quelconques citée par Mme Hughes dans sa déclaration avait davantage à voir avec le temps consacré à la question, plutôt que le fait de regretter ce qu’elle et M. Titcomb avaient fait (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, pages 9 et 38).
36 Mme DeMone a témoigné que, lorsqu’elle a présenté son rapport, elle ignorait qu’il existait une vidéo montrant les fonctionnaires au site de Cave and Basin la nuit du 18 mai 2013. Elle a indiqué n’avoir vu la vidéo que le jour précédent l’audience.
3. Témoignage de Mme Lamontagne
37 Mme Lamontagne occupe actuellement le poste de conseillère à la directrice générale, Parcs des montagnes. Au moment de l’événement en question, elle occupait le poste de gestionnaire des RH pour l’employeur.
38 Mme Lamontagne a indiqué que, en juillet 2013, elle a été informée d’un incident concernant le fait que des employés étaient entrés dans le site de Cave and Basin après les heures d’ouverture et qu’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne. Elle a signalé l’affaire à un agent d’exécution de la loi, conformément à la procédure.
39 Mme Lamontagne a témoigné que, en août 2013, la direction a lancé une enquête administrative devant être menée par Mme DeMone sur l’allégation formulée contre les fonctionnaires.
40 Mme Lamontagne a indiqué que, à titre de gestionnaire des RH, elle participait également à l’enquête, qu’elle avait été présente aux entrevues menées par Mme DeMone et qu’elle avait pris des notes manuscrites pendant les entrevues (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3).
41 Plus précisément, Mme Lamontagne a indiqué que la pièce E-6, onglet 3, pages 31 à 39, et la pièce E-7, onglet 3, pages 40 à 49, contenaient les notes qu’elle a prises lorsque Mme DeMone a interviewé les fonctionnaires séparément le 8 août 2013; M. Van Tine était présent lors de ces entrevues.
42 Mme Lamontagne a témoigné que les deux fonctionnaires avaient reconnu s’être présenté sur le site de Cave and Basin après les heures d’ouverture le 18 mai 2013, mais que tous deux avaient nié avoir retiré des barrières. Ils lui ont dit que M. Green les avait invités à entrer. Mme Lamontagne a également mentionné que lorsqu’elle leur a demandé précisément si, à un certain moment, ils avaient retiré leurs vêtements et nagé dans le bassin de la caverne, les deux fonctionnaires ont lu une déclaration écrite indiquant qu’ils ne pouvaient pas répondre à cette question puisqu’une action en justice était en suspens devant un autre tribunal. Selon Mme Lamontagne, les fonctionnaires ont indiqué qu’ils agissaient conformément aux conseils de leur avocat au criminel (pièce E-6, page 32, et pièce E-7, page 42).
43 Mme Lamontagne a témoigné que, en août 2013, les deux fonctionnaires ont été mis en congé payé pendant la durée de l’enquête et que, le 30 août 2013, ils ont été invités à participer à une rencontre avec Mme Thiessen, le 3 septembre 2013. Trente minutes avant le début de la rencontre avec Mme Thiessen, on a remis aux fonctionnaires un exposé des faits préparé après la fin de l’enquête de Mme DeMone (pièce E-11, onglets 9, 11 et 12). Mme Lamontagne a indiqué que le but de la rencontre avec Mme Thiessen était de donner aux fonctionnaires une dernière occasion de commenter, de préciser ou d’expliquer les circonstances de l’incident du 18 mai 2013. La rencontre du 3 septembre 2013 a été suivie par une autre rencontre, au cours de laquelle Mme Thiessen devait présenter sa décision aux fonctionnaires (pièces E-27 et E-28, onglet 3, pages 117 et 118).
44 Mme Lamontagne a témoigné que, le 3 septembre 2013, Mme Thiessen et elle ont mené une entrevue de suivi auprès de M. Green (pièce E-10, onglet 7). Pendant cette entrevue, M. Green a réitéré que, la nuit du 18 mai 2013, il a entendu le bruit d’une barrière que l’on secouait. Il a par la suite vu M. Titcomb s’efforçant de traverser la barrière et en train d’aider Mme Hughes à entrer dans les lieux de Cave and Basin. M. Green a affirmé que, même s’il connaissait les fonctionnaires, il ne les avait jamais invités à entrer. Il a indiqué qu’ils avaient visité les installations et que M. Titcomb lui avait demandé s’il y avait des caméras. Une fois dans la caverne, M. Green a indiqué que M. Titcomb avait enlevé ses vêtements et qu’il avait plongé dans le bassin. M. Green a indiqué que cela le rendait mal à l’aise et qu’il avait dit aux fonctionnaires qu’ils auraient droit à 45 minutes, puis il est parti. Selon M. Green, à son retour, Mme Hughes avait également enlevé ses vêtements et nageait avec M. Titcomb dans le bassin de la caverne. M. Green a indiqué que lorsque M. Titcomb est sorti, ce dernier lui avait murmuré qu’il venait de faire l’amour avec Mme Hughes. M. Green a indiqué qu’il avait signalé ce qui s’était passé à M. Van Tassel.
45 Mme Lamontagne a témoigné que, le même jour, le 3 septembre 2013, Mme Thiessen, M. Van Tine et elle avaient également rencontré M. Titcomb, qui venait tout juste de recevoir une copie de l’exposé des faits préparé par Mme DeMone (pièce E-11, onglet 9). Mme Lamontagne a indiqué que M. Titcomb était contrarié par l’exposé des faits et qu’il avait réfuté les affirmations de M. Green et de Mme Minogue, indiquant qu’elles étaient entièrement fausses. Il a insisté sur le fait que Mme Hughes et lui n’étaient pas entrés de force ou qu’ils n’avaient pas forcé ou retiré une barrière quelconque. M. Titcomb a déclaré qu’une petite clôture de construction fragile était grande ouverte et qu’il n’y avait aucune affiche disant qu’il était interdit d’entrer. Il a indiqué que les fonctionnaires étaient entrés et qu’ils n’avaient fait que marcher sur la terrasse. M. Green les a ensuite invités à visiter les installations. M. Titcomb a soutenu qu’il n’avait aucune idée qu’il y avait des escargots sur les lieux et qu’il n’était pas au courant de l’ordonnance Roulet. Il a insisté sur le fait qu’il n’avait jamais posé de questions à propos des caméras. Il a nié que Mme Hughes et lui s’étaient baignés nus dans le bassin de la caverne. Il a indiqué que M. Green se trouvait avec eux dans le bassin de la caverne et qu’il était parti pendant quelques minutes, pendant lesquelles Mme Hughes et lui avaient eu un moment romantique au cours duquel ils s’étaient embrassés et enlacés (pièce E-12, onglet 8).
46 Mme Lamontagne a témoigné qu’ils avaient également rencontré Mme Hughes le 3 septembre 2013. On lui a présenté le même exposé des faits préparé par Mme DeMone (pièces E-13, onglet 11, et E-14, onglet 12). Mme Lamontagne a indiqué que, une fois de plus, elle a pris des notes manuscrites de l’entrevue (pièce E-15, onglet 10). Mme Hughes a affirmé que la déclaration de M. Green était inexacte et que, la nuit du 18 mai 2013, M. Titcomb et elle avaient décidé de faire une promenade à vélo; ils voulaient voir les améliorations apportées aux installations de Cave and Basin. Mme Hughes a indiqué qu’une clôture de construction était ouverte, et que c’était de cette façon que M. Titcomb et elle étaient entrés. Elle a déclaré que M. Titcomb et elle n’avaient pas touché la clôture pour entrer. Mme Lamontagne a témoigné que Mme Hughes lui avait dit que M. Green les avait invités à entrer et qu’il était en possession de la clé de la barrière menant au tunnel du bassin de la caverne. Mme Lamontagne a déclaré que Mme Hughes avait indiqué que M. Green les avait ensuite invités à se baigner dans le bassin de la caverne, mais qu’elle lui avait dit qu’elle venait de subir une chirurgie. M. Green est ensuite parti pendant quelques minutes, et M. Titcomb et elle se sont assis sur un banc à proximité du bassin de la caverne pour profiter de l’ambiance.
47 Mme Lamontagne a indiqué que Mme Hughes avait refusé de répondre à la question de savoir si M. Titcomb et elle avaient nagé dans le bassin de la caverne, au motif que leur avocat au criminel leur avait conseillé de ne pas formuler de commentaires. Mme Hughes a également indiqué qu’elle avait reçu une formation sur le site de Cave and Basin, mais que cela faisait longtemps. Elle a ajouté que pendant ses années en tant qu’employée, elle n’avait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Enfin, elle a déclaré qu’elle regrettait la situation et qu’elle croyait que celle-ci avait pris des proportions exagérées.
48 Mme Lamontagne a également témoigné à propos d’un autre incident qui est survenu après que les deux fonctionnaires ont été informés, au moyen d’une lettre datée du 5 septembre 2013 en provenance de Mme Thiessen, qu’ils avaient été licenciés. Mme Lamontagne a expliqué que, en octobre 2013, Pat Thomsen a remplacé Mme Thiessen à titre de directeur général, Parcs des montagnes. Mme Lamontagne a indiqué que, le 16 octobre 2013, elle a été informée que les deux fonctionnaires s’étaient présentés à leur ancien lieu de travail, soit les installations des sources thermales Upper Hot Springs de Banff, même si, aux fins d’entretien, le bassin était fermé au public. Mme Lamontagne a témoigné que les deux fonctionnaires étaient entrés dans les installations et que, pendant que M. Titcomb parlait avec certains membres du personnel, Mme Hughes était entrée dans un petit bureau où l’on conservait les dossiers personnels et avait retiré certains dossiers contenant des feuilles de temps. Mme Lamontagne a indiqué qu’on avait fait appel à l’équipe d’exécution de la loi et qu’on avait pris la décision d’envoyer un avis aux deux fonctionnaires leur interdisant de se présenter de nouveau aux installations (pièces E-17, onglet 20, et E-18, onglet 21).
4. Témoignage de M. Green
49 M. Green travaille actuellement dans le secteur privé. La nuit du 18 mai 2013, il travaillait en tant que concierge pour l’employeur à l’emplacement de Cave and Basin. Il a expliqué qu’il s’agissait de son deuxième jour d’emploi et qu’il connaissait les fonctionnaires pour des motifs professionnels, puisqu’ils faisaient partie du jury de sélection lorsqu’il a posé sa candidature et qu’il a obtenu le poste de concierge en 2012.
50 M. Green a expliqué que la date du 18 mai 2013 était le samedi soir suivant la journée de la grande réouverture des installations de Cave and Basin, après cinq années de fermeture en raison de rénovations importantes. Il a témoigné que, pendant cette nuit, il travaillait après les heures d’ouverture lorsqu’il a entendu un bruit et qu’il est allé enquêter. Il a indiqué avoir vu les deux fonctionnaires à l’intérieur des installations. Il a indiqué avoir vu les vélos des fonctionnaires dans la courbe et que les installations étaient barricadées. Selon lui, les fonctionnaires sont entrés par une clôture de construction d’une hauteur de quatre à cinq pieds qui avait été scellée avant leur entrée. Il a admis ne pas avoir vu les fonctionnaires retirer la barrière et qu’ils les avaient vus franchir la barrière uniquement après leur départ.
51 M. Green a témoigné ne pas avoir été préoccupé par la présence des fonctionnaires sur les lieux, puisqu’ils étaient des employés du gouvernement de longue date. Il a expliqué qu’il leur avait fait visiter les lieux et que, lorsqu’il a ouvert la barrière qui menait au tunnel vers le bassin de la caverne, il a allumé les lumières.
52 M. Green a témoigné qu’une fois dans le bassin de la caverne, Mme Hughes s’est assise sur un banc près du bassin et M. Titcomb a demandé s’il y avait des caméras. M. Green a indiqué que les caméras étaient situées à l’extérieur du bassin de la caverne. Il a témoigné qu’il avait été surpris et choqué par la décision de M. Titcomb de plonger dans le bassin de la caverne. Il a ensuite dit aux fonctionnaires qu’il leur accordait 45 minutes avant de s’éloigner. M. Green a déclaré qu’il avait l’impression qu’on avait profité de lui.
53 M. Green a témoigné qu’après 20 à 25 minutes, il est retourné à la caverne et a vu que Mme Hughes se trouvait également dans le bassin. M. Titcomb et elle nageaient. M. Green a indiqué être sorti une fois de plus et que les fonctionnaires étaient sortis et qu’ils étaient vêtus. M. Green a indiqué qu’en sortant, M. Titcomb lui avait murmuré qu’il venait d’avoir une relation sexuelle avec Mme Hughes. M. Green a indiqué qu’en sortant, M. Titcomb a seulement remis la barrière de construction en place sans beaucoup d’effort (pièce E-19, onglet 3, page 108).
54 M. Green a témoigné que quelques semaines après l’incident, il croyait que l’affaire serait dévoilée au grand jour et il a décidé d’en parler à M. Van Tassel. Un mois plus tard, Lorne Davidson, superviseur aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff, a approché M. Green et a insisté pour qu’il en fasse part. M. Green a ensuite rédigé une déclaration à propos de l’incident (pièce E-19, onglet 3, page 108).
55 Dans son témoignage, M. Green a nié avoir invité les fonctionnaires à entrer dans les installations ou à nager dans le bassin la nuit du 18 mai 2013. Il a insisté sur le fait que les fonctionnaires avaient nagé dans le bassin de la caverne.
56 M. Green a indiqué qu’avant de témoigner, M. Titcomb l’avait approché dans un magasin d’alcool et lui avait dit que [traduction] « quelqu’un devrait aller en prison pour cela ». M. Green a déclaré qu’il s’était senti menacé par cette remarque.
57 En contre-interrogatoire, M. Green a admis que, contrairement à ce qu’il a dit dans son affirmation originale, il a réalisé qu’il n’avait pas vu M. Titcomb retirer la barrière de construction pour avoir accès aux lieux. M. Green a indiqué que, le jour avant l’audience, au moment de visionner la vidéo prise la nuit de l’événement, il s’est aperçu que les fonctionnaires se trouvaient déjà sur la terrasse lorsqu’il les a vus. Il a admis qu’il ignorait au moment de présenter sa déclaration qu’il existait une vidéo montrant que les fonctionnaires se trouvaient à l’intérieur des installations lorsqu’il les a vus pour la première fois. Il a témoigné qu’il avait probablement voulu dire qu’il avait vu sortir les fonctionnaires par la barrière de construction, mais qu’il ne les avait pas vu entrer (voir la vidéo; pièce E-42). M. Green a expliqué que, lorsqu’il a présenté ses déclarations, il s’était concentré davantage sur ce qui s’était produit dans le bassin de la caverne que sur la façon dont les fonctionnaires étaient entrés sur les lieux. Il a également admis que, la nuit avant l’incident, deux gardes étaient entrés sur les lieux, mais qu’ils n’avaient pas nagé dans le bassin de la caverne.
58 Selon M. Green, même s’il n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour les événements du 18 mai 2013, son contrat avec l’employeur n’a pas été renouvelé. Il a également admis que, dans son emploi précédent à Via Rail et à Air Canada, des problèmes étaient survenus entre lui, d’autres employés et les syndicats.
5. Témoignage de M. Malins
59 M. Malins a expliqué qu’il était responsable du projet de rénovation du site de Cave and Basins et que celui-ci avait était rouvert le jour avant l’incident, le 17 mai 2013. Il a indiqué qu’il supervisait les rénovations, qui ont coûté 13,8 millions de dollars et qui portaient sur le pavillon historique et ses expositions. Il a insisté sur l’importance du site de Cave and Basin, étant donné qu’il s’agit du lieu de naissance de Parcs Canada, qui remonte à 1885, et qui a été la première zone au Canada désignée protégée. Il a expliqué que les sources thermales du site de Cave and Basin, y compris le bassin de la caverne, étaient l’habitat essentiel d’une espèce d’escargots reconnue comme étant en voie de disparition. Les eaux, comme celles dans le bassin de la caverne, ne doivent tout simplement pas être perturbées d’une quelconque façon (pièces E-21 et E-22).
60 M. Malins a témoigné avoir été surpris d’entendre que les fonctionnaires avaient nagé dans les eaux protégées, puisque tous les membres du personnel étaient au courant des escargots et du fait que leurs eaux étaient protégées.
61 M. Malins a déclaré que, bien qu’il n’ait pas été là nuit du 18 mai 2013, au mieux de ces connaissances, cette nuit-là, une clôture était en place et les fonctionnaires l’ont déplacé pour entrer dans les lieux. Il a ajouté que bien que cette barrière ait été temporaire, il était évident qu’elle ne devait pas être déplacée pour entrer sur le site. Selon lui, la barrière n’était pas fragile; il l’a décrit comme un panneau standard de six pieds de hauteur par huit pieds de large et qu’il devait être passablement difficile et lourd à déplacer.
62 M. Malins a témoigné qu’une fois à l’intérieur des installations, tout le long du chemin menant au bassin de la caverne, des affiches étaient en place autour du bassin et du côté ouest du pavillon de bain du bassin, expliquant qu’il était interdit de nager, voire de tremper une main, dans ces eaux en raison de la présence d’escargots protégés (pièce E-40).
63 M. Malins a expliqué que trois grandes affiches sont installées dans le tunnel menant au bassin de la caverne sur lesquelles la présence d’escargots protégés dans les eaux est indiquée (recueil de pièces de l’employeur, onglet 3, pages 15 à 21). En outre, des affiches se trouvent aussi du côté du bassin, sur lesquelles il est indiqué que les eaux ne doivent pas être perturbées (pièce E-43). Selon M. Malins, il y a des lumières tout le long du tunnel et que, même sans les allumer, il ne fait pas trop sombre dans le tunnel et dans la caverne pour voir les affiches d’interdiction.
64 M. Malins a expliqué que, même s’il n’y avait aucune caméra dans le bassin de la caverne, ce n’est qu’entre août et décembre 2013 qu’il a découvert que l’une des caméras à l’extérieur, près du bassin, avait enregistré une partie de la présence des fonctionnaires à l’intérieur du lieu. Il a témoigné qu’il croyait qu’aucune de ces caméras n’avait été connectée. Il a indiqué que lorsqu’il a découvert qu’il y avait une vidéo des fonctionnaires sur les lieux le 18 mai 2013, il en a informé la Direction de l’application de la loi ainsi que la gestion. La vidéo a été montrée dans le cadre de la preuve de l’employeur (pièce E-42).
65 La vidéo montre les fonctionnaires déjà à l’intérieur de l’immeuble de Cave and Basin le 18 mai 2013, lorsque M. Green les a vus pour la première fois. Elle ne montre pas comment ils sont entrés. Elle les montre également en train de regarder alentours et lisant les affiches le long du bassin (pièce E-42).
6. Témoignage de Mme Thiessen
66 Mme Thiessen a été la dernière à témoigner pour le compte de l’employeur. Elle a déclaré qu’au moment de l’incident du 18 mai 2013, et jusqu’en août 2013, elle était la directrice générale, Parcs des montagnes. À ce titre, elle était responsable des installations, y compris du site de Cave and Basin et des sources thermales Upper Hot Springs de Banff. À l’époque, M. Fisher relevait d’elle. Mme Thiessen a expliqué qu’en tant que directrice générale, elle avait l’autorité de prendre des mesures suivant l’incident concernant les fonctionnaires.
67 Mme Thiessen a témoigné que les RH l’avaient informée de l’incident et qu’elle avait décidé de mener une enquête à ce sujet. Elle a expliqué qu’après les entrevues avec Mmes DeMone et Lamontagne, elle voulait entendre les explications des fonctionnaires. Elle les a rencontrés le 3 septembre 2013 (pièce E-27, onglet 5 et pièce E-28, onglet 6).
68 Mme Thiessen a témoigné que, le même jour, elle a également rencontré M. Green afin de mettre sa crédibilité à l’épreuve. Elle a indiqué qu’elle avait utilisé ses compétences en gestion pour mettre à l’épreuve la version de M. Green. Elle a conclu qu’il disait la vérité (pièce E-10, onglet 7). Elle a indiqué qu’après avoir rencontré les fonctionnaires et M. Green, le 3 septembre 2013, elle s’est fait une idée à propos des actions des fonctionnaires et de leurs conséquences (pièces E-29, onglet 13; E-30, onglet 14; E-31, onglet 16; et E-32, onglet 17).
69 Dans son témoignage, Mme Thiessen a passé en revue le contenu des lettres de licenciement (pièce E-31 et E-32, onglets 16 et 17). Elle a expliqué que la raison principale pour les licenciements était le fait que les fonctionnaires s’étaient rendus aux installations de Cave and Basin après les heures d’ouverture, ce qui était entièrement inapproprié et que, malgré les nombreuses affiches interdisant toute baignade et le fait que les deux fonctionnaires étaient des employés chevronnés qui auraient dû être plus avisés, ils avaient nagé dans des eaux protégées qui contenaient une espèce d’escargots en voie de disparition.
70 Mme Thiessen a déclaré que, par leurs actions, les fonctionnaires avaient contrevenu au Code d’éthique de l’employeur (pièce E-33, onglet 24, page 178) et avaient agi contre son mandat, soit de protéger et de préserver les ressources culturelles et naturelles et d’être le gardien du patrimoine du Canada. Les fonctionnaires en étaient bien informés. Mme Thiessen a insisté sur le fait qu’ils avaient omis de respecter les politiques et les décisions de l’employeur de protéger des espèces en voie de disparition et que, par leur conduite, ils avaient porté atteinte au respect du public à l’égard de l’employeur (pièce E-33, onglet 24, page 183).
71 Mme Thiessen a insisté sur le fait que les fonctionnaires étaient chevronnés et qu’ils avaient reçu toute la formation nécessaire, notamment la formation SQV ainsi qu’un module sur les escargots et leur habitat, et qu’ils étaient tous deux au courant que personne n’était autorisé à perturber les eaux et l’habitat des escargots (pièces E-34, onglet 27; E-35, onglet 26; E-36, onglet 28; E-37, onglet 30; E-38, onglet 31; et E-39, onglet 32).
72 Mme Thiessen a témoigné qu’elle croyait que, dans ce cas, le licenciement était la mesure disciplinaire appropriée compte tenu du fait que les deux fonctionnaires avaient refusé de répondre à la question de savoir s’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne lorsque celle-ci leur a été posée pendant l’enquête et qu’ils avaient également blâmé leurs collègues, M. Green et Mme Minogue, plutôt que d’admettre leurs erreurs. Mme Thiessen a indiqué qu’elle était préoccupée par la crédibilité des fonctionnaires.
73 Mme Thiessen a insisté sur le fait que, dans le cas de Mme Hughes, le fait qu’elle comptait 30 années de service constituait un facteur aggravant en ceci qu’elle aurait dû se rendre compte que ses actions constituaient un manque de respect complet à l’égard de son employeur et de son mandat. Dans le cas de M. Titcomb, le fait qu’il comptait 14 années de service auprès de l’employeur aurait dû lui faire comprendre que sa décision d’entrer dans les installations de Cave and Basin, ce qui n’est pas autorisé après les heures d’ouverture, et de nager dans des eaux protégées était entièrement inappropriée. Selon Mme Thiessen, les deux fonctionnaires n’ont jamais exprimé de remords pour leurs actions; au contraire, ils ont jeté le blâme sur M. Green et Mme Minogue.
B. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés
1. Témoignage de M. Titcomb
74 M. Titcomb a témoigné qu’il travaillait pour l’employeur depuis 1999; d’abord en tant que nettoyeur nommé pour une période déterminée, puis en tant que caissier aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff, où son emploi consistait essentiellement à accueillir le public au bureau de réception, à manipuler l’argent et à les orienter vers les vestiaires. Il a indiqué que son emploi comprenait également le fait d’informer le public à propos des autres sites de l’employeur, par exemple Cave and Basin, et d’informer le public que la baignade n’était pas autorisée au site de Cave and Basin (pièce G-2, onglet 3, page 93).
75 En ce qui concerne les événements menant au licenciement de Mme Hughes et au sien, M. Titcomb a déclaré que, la nuit du 18 mai 2013, ils ont décidé de faire une promenade à vélo après le souper. Ils ont choisi de se rendre au site de Cave and Basin, qui avait rouvert le jour précédant, car ils étaient curieux de voir les rénovations qui avaient été effectuées au site pendant qu’il avait été fermé au public pendant quelques années.
76 M. Titcomb a expliqué qu’ils ont roulé sur le côté de l’immeuble de Cave and Basin jusqu’à ce qu’ils se rendent à l’arrière, où ils ont vu une barrière qui avait une ouverture d’environ deux ou trois pieds. À ce moment, Mme Hughes et lui ont décidé [traduction] « d’aller y jeter un œil ». Il a admis qu’il savait que le lieu était fermé et qu’ils étaient en dehors des heures d’ouverture. Il a indiqué avoir jeté un coup d’œil au bassin (pièce E-40) et qu’il était prêt à entrer lorsque M. Green a communiqué avec Mme Hughes et les a invités tous deux à entrer afin d’effectuer une visite du site pour leur montrer les rénovations. M. Titcomb a indiqué qu’ils connaissaient tous deux M. Green, puisqu’il travaillait aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff et que Mme Hughes et lui étaient membres du jury de sélection qui a embauché M. Green comme concierge. M. Green était heureux que Mme Hughes et lui l’aient aidé à obtenir cet emploi.
77 M. Titcomb a témoigné que M. Green les avait guidés jusqu’à la salle Belvedere, où le bassin de la caverne est situé, mais que, pour y accéder, il fallait d’abord ouvrir une barrière verrouillée et suivre un tunnel. Il a témoigné que M. Green disposait des clés de la barrière menant au tunnel et qu’il avait ouvert la barrière pour les guider vers le bassin de la caverne (recueil des pièces de l’employeur, onglet 25, pages 210 à 212, et onglet 33). Bien que M. Titcomb ait affirmé n’avoir vu aucune affiche d’interdiction pendant qu’il se trouvait dans la caverne parce que la lumière était faible et qu’ils parlaient, il a admis qu’il savait qu’il ne pouvait nager dans le bassin de la caverne et qu’il aurait dû le savoir, avec ou sans affiches d’interdiction.
78 Selon le témoignage de M. Titcomb, une fois dans la caverne, Mme Hughes et lui se sont assis sur un banc et ont parlé avec M. Green pendant 5 à 10 minutes. Il a ajouté que M. Green n’avait pas cessé de laisser entendre qu’ils pouvaient nager dans le bassin s’ils le voulaient, puisqu’il n’y avait aucune caméra dans la caverne. M. Titcomb a indiqué que M. Green est parti pendant 10 à 20 minutes, pendant lesquelles Mme Hughes et lui sont entrés dans le bassin et n’ont fait qu’y flotter et profiter de la sérénité et du moment. Il a indiqué que ni l’un ni l’autre n’avait amené de maillot de bain ou de serviette, puisqu’ils n’avaient pas l’intention de nager dans le bassin de la caverne quand ils ont quitté la maison.
79 Pendant son témoignage, M. Titcomb a nié que Mme Hughes et lui avaient eu une relation sexuelle dans le bassin ou avoir dit comme tel à M. Green. M. Titcomb a déclaré que le fait d’être entré dans l’eau était [traduction] « la plus grande erreur de [sa] vie », qu’il éprouvait des remords à propos de ce qu’il avait fait et que c’est ce qu’il avait dit à la direction pendant l’enquête.
80 Selon le témoignage de M. Titcomb, il a ensuite entendu parler de l’incident lorsque Mme Hughes et lui sont revenus de vacances aux petites heures du 7 août 2013. Il a indiqué qu’ils avaient été réveillés par Steve Anderson, qui leur a dit que la directrice du parc voulait leur parler à 11 h ce matin-là à son bureau (pièce E-1, onglets 3 et 4).
81 M. Titcomb a indiqué que son entrevue avec la directrice du parc, Mme Woods, avait duré environ 20 minutes et qu’il n’avait pas eu la possibilité d’être accompagné par un représentant de l’agent négociateur ou un avocat. Il a indiqué que la rencontre s’était bien déroulée et qu’il avait admis à Mme Woods que Mme Hughes et lui étaient entrés dans les eaux du bassin de la caverne la nuit du 18 mai 2013 (pièce E-1, onglet 4, pages 13 et 14). Selon son témoignage, à la fin de l’entrevue, Mme Woods lui a remis une assignation à comparaître en cour pour avoir contrevenu au Règlement général sur les parcs nationaux.Sur déclaration de culpabilité, il encourait une amende pouvant s’élever à 25 000 $. Il a témoigné qu’elle l’avait également informé que M. Lamontagne communiquerait avec lui au sujet de l’enquête administrative.
82 M. Titcomb a indiqué que, le même jour, soit le 7 août 2013, Mme Hughes et lui, en l’absence du représentant de son agent négociateur, ont également rencontré Mme Lamontagne et M. Fisher, qui leur ont remis les lettres de suspension avec paie dans l’attente des résultats de l’enquête administrative. M. Titcomb a témoigné que Mme Hughes et lui ont ensuite communiqué avec un avocat au criminel, qui leur a conseillé [traduction] « de se taire et de ne rien dire » à propos du fait d’être entrés dans le bassin de Cave and Basin. M. Titcomb a déclaré que M. Van Tine leur avait également conseillé la même chose.
83 M. Titcomb a témoigné que, toujours le 7 août, Mme Hughes et lui avaient été convoqués à une réunion d’enquête administrative avec Mme DeMone prévue le jour suivant, le 8 août 2013 (pièce E-26, onglet 2). M. Titcomb a indiqué que la rencontre avec Mmes DeMone et Lamontagne s’était bien déroulée et que, lorsqu’on lui a demandé s’il était entré dans les eaux du bassin de la caverne, il avait suivi les directives de son avocat au criminel et a répondu qu’il ne lui était pas loisible d’en discuter.
84 M. Titcomb a expliqué que la réunion du 7 août 2013 avait été suivie d’une autre réunion, le 3 septembre 2013, à laquelle ont participé Mmes Thiessen et Lamontagne ainsi que M. Van Tine. M. Titcomb a déclaré que, avant la réunion, on lui avait donné 30 minutes pour réviser l’exposé des faits préparé par Mme DeMone (pièce E-11, onglet 9). Il a indiqué qu’il était contrarié par l’exposé des faits, car il s’agissait presque exclusivement de mensonges. Il ne comprenait pas pourquoi Mme Minogue avait présenté une telle déclaration étant donné qu’elle était une amie.
85 M. Titcomb a témoigné que bien qu’il ait admis avoir nagé dans le bassin de la caverne, il ne l’avait pas admis pendant cette rencontre puisque son avocat au criminel et le représentant de son agent négociateur lui avaient conseillé de ne rien dire au sujet de cette allégation (pièce E-12, onglet 8). M. Titcomb a admis qu’il était au courant de l’interdiction de nager en raison des escargots; cependant, il a néanmoins insisté sur le fait que M. Green les avait invités, Mme Hughes et lui, à entrer et qu’il n’avait jamais posé de question concernant la présence de caméras. M. Titcomb a indiqué que la réunion avait été difficile et qu’il avait l’impression que quelque chose allait se produire.
86 M. Titcomb a témoigné qu’une dernière rencontre avec Mmes Thiessen et Lamontagne avait eu lieu le 5 septembre 2013, au cours de laquelle Mme Hughes et lui ont reçu des lettres de licenciement (pièce E-32, onglet 17). Il a témoigné que la perte de son emploi a eu une incidence importante sur sa vie; Mme Hughes et lui ont été ostracisés par d’anciens collègues, ils ont dû vendre leur maison à Banff et trouver un autre emploi. Il a indiqué qu’ils s’étaient réinstallés en Ontario, où il travaille maintenant comme serveur. Il a indiqué qu’il éprouvait des remords à l’égard de l’incident et qu’il avait présenté ses excuses à Mmes Woods et DeMone. Il a déclaré que l’incident du 18 mai 2013 avait été la plus grande erreur de sa vie.
87 M. Titcomb a témoigné qu’après avoir perdu son emploi, il a rencontré M. Green dans un magasin d’alcool et que ce dernier lui avait dit qu’il n’avait pas eu le choix de, en ses mots [traduction] « couvrir ses arrières » lorsque l’employeur s’est adressé à lui relativement à l’incident du 18 mai 2013, et que, si M. Titcomb ne s’en était pas vanté auprès de Mme Minogue, les choses se seraient déroulées différemment. M. Titcomb a déclaré qu’il avait alors affirmé que la déclaration de M. Green à propos du fait que les fonctionnaires avaient ouvert la clôture était fausse et que, si cela devait se rendre jusqu’à un procès, quelqu’un devrait aller en prison pour parjure.
88 Enfin, en ce qui concerne l’allégation voulant que M. Titcomb et Mme Hughes se soient introduits sans autorisation en octobre 2013 aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff, leur ancien lieu de travail, M. Titcomb a indiqué que Mme Hughes et lui voulaient des lettres de recommandation et que Mme Lamontagne leur avait conseillé de tenter d’en obtenir une auprès de leur ancien superviseur.
89 M. Titcomb a indiqué que, ce jour-là, Mme Hughes et lui avaient décidé de conduire jusqu’aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff pour obtenir une lettre et en profiter pour aller nager. Il a témoigné qu’il ignorait que la piscine était fermée pour la saison, puisqu’elle fermait à une date différente chaque année. Il a déclaré que lorsqu’il s’est rendu compte que la piscine était fermée, ils ont décidé d’essayer tout de même d’obtenir une lettre de recommandation, puisque le spa et la boutique de cadeaux étaient encore ouverts au public. Une fois à l’intérieur, Mme Hughes et lui ont parlé à d’anciens collègues, et ils ont demandé à M. Van Tassel une référence. Par la suite, M. Titcomb est allé faire laminer une carte, pendant que Mme Hughes s’est rendue à un petit bureau pour obtenir une copie de son attestation de maître nageuse. À ce moment, Karen Smith leur a dit de quitter les lieux.
2. Témoignage de Mme Hughes
90 Mme Hughes a été la dernière personne à témoigner. Elle a dit qu’à compter de 1982, elle avait toujours travaillé aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff et qu’elle était devenue une employée permanente en 1993. Au moment de son licenciement, elle travaillait comme maître nageuse, ce qui signifiait qu’elle devait superviser la piscine, nettoyer les installations et, occasionnellement, aider à la caisse. Elle a déclaré qu’avant d’être licenciée, elle n’avait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire au cours de ses 31 années de service (pièce G-3).
91 La nuit de l’incident du 18 mai 2013, Mme Hughes a expliqué qu’après le souper, M. Titcomb et elle ont décidé de faire une promenade à vélo jusqu’au site de Cave and Basin. Elle a expliqué qu’ils ont choisi cette destination parce qu’elle avait subi une chirurgie au pied et que le chemin vers Cave and Basin était plat et aussi parce qu’ils voulaient voir les rénovations à cet endroit. Elle a témoigné qu’elle ne savait pas si le site de Cave and Basin serait ouvert ou fermé à cette heure de la journée.
92 Mme Hughes a indiqué que, lorsqu’ils sont arrivés aux installations de Cave and Basin, ils se sont rendus sur le côté de l’immeuble et ils ont vu une clôture de construction ouverte. Elle a affirmé que ni M. Titcomb ni elle n’avaient eu à retirer la clôture. Ils sont entrés et ont marché sur la terrasse entourant le bassin; c’est à cet endroit qu’elle a remarqué M. Green (pièce E-40). Elle a expliqué qu’elle connaissait M. Green puisqu’elle et M. Titcomb avaient fait partie du jury de dotation qui l’avait embauché comme nettoyeur.
93 Mme Hughes a témoigné que M. Green leur avait offert une visite des installations nouvellement rénovées. Elle a déclaré que M. Green les avait guidés vers le tunnel menant au bassin de la caverne et qu’il avait ouvert une barrière verrouillée menant à ce tunnel (recueil des pièces de l’employeur, onglet 25, page 212). Elle a déclaré que, en entrant dans le tunnel, elle n’avait vu aucune affiche d’interdiction puisque les lumières étaient très faibles et qu’elle était occupée à parler avec MM. Titcomb et Green. Elle a aussi indiqué qu’elle avait une connaissance générale de l’ordonnance Roulet (recueil des pièces de l’employeur, onglet 3, page 12).
94 Mme Hughes a témoigné qu’une fois dans le bassin de la caverne (pièce E-43), M. Green leur a suggéré de faire une trempette, puisqu’il n’y avait aucune caméra. Même si elle a fait valoir que M. Titcomb et elle n’avaient pas soulevé la question de la présence de caméra et que c’est M. Green qui leur avait suggéré d’entrer dans le bassin, elle a admis qu’il s’agissait de leur erreur, à M. Titcomb et à elle, et qu’elle en assumait la responsabilité.
95 Mme Hughes a témoigné que M. Green a quitté pendant environ 15 minutes, période durant laquelle M. Titcomb et elle ont enlevé leurs vêtements et sont entrés dans le bassin de la caverne. Elle a indiqué qu’ils n’avaient pas apporté de maillots de bain ou de serviettes, puisqu’ils ne prévoyaient pas entrer dans le bassin lorsqu’ils sont partis de la maison. Elle a dit que, pendant qu’ils se trouvaient dans le bassin, ils ont flotté et se sont cajolés, mais ils n’ont pas eu de relation sexuelle. En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé si elle avait admis avoir nagé dans le bassin de la caverne, Mme Hughes a insisté sur le fait que M. Titcomb et elle [traduction] « s’étaient trempés » dans le bassin de la caverne par opposition à [traduction] « nager ».
96 Mme Hughes a témoigné que, le 7 août 2013, après être revenu tard de vacances, on a demandé à M. Titcomb et à elle de se rendre au bureau du garde civil. Mme Hughes a expliqué avoir rencontré Mme Woods en premier, pendant que M. Titcomb attendait dans un autre bureau. Mme Hughes a indiqué qu’elle était fatiguée puisqu’ils étaient revenus de leur voyage à 3 h ce matin-là (pièce E-2, recueil des pièces de l’employeur, Documents de l’ordonnance de communication, onglet 5).
97 Mme Hughes a mentionné que Mme Woods l’avait questionné à propos des événements du 18 mai 2013, plus précisément sur la question de savoir si M. Titcomb et elle étaient entrés dans les eaux du bassin de la caverne. Mme Hughes a témoigné qu’elle se sentait nerveuse et qu’elle ne voulait pas être aux prises avec des problèmes et perdre son emploi, et c’est pourquoi elle a d’abord simplement nié être entrée dans les eaux du bassin de la caverne. Dans son témoignage, elle a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur (pièce E-2, onglet 5, recueil des pièces de l’employeur, documents de l’ordonnance de communication, pages 12, 13, 19, 21, 22, 52 et 61). Mme Hughes a indiqué que plus tard dans l’entrevue avec Mme Woods, elle a admis s’être [traduction] « trempée » (pièce E-2, page 69). Elle a indiqué qu’à la fin de la réunion, Mme Woods lui a signifié une assignation à comparaître devant la cour pour avoir contrevenu aux règlements de l’employeur.
98 Tout comme M. Titcomb, Mme Hughes a indiqué avoir rencontré Mme Lamontagne et M. Fisher l’après-midi du 7 août 2013, lorsqu’ils ont reçu des lettres de suspension avec paie pendant l’enquête (pièce E-25, onglet 1). Dans son témoignage, Mme Hughes a également mentionné que leur avocat au criminel leur avait conseillé de ne pas parler du fait d’être entrés dans les eaux du bassin de la caverne, et qu’ils avaient suivi son conseil lorsqu’ils ont rencontré Mmes DeMone et Lamontagne le 8 août 2013. Mme Hughes a indiqué qu’elle avait honte de ce qui s’était passé et qu’elle avait tenté d’exprimer ce sentiment auprès de Mmes DeMone et Lamontagne.
99 Quant à la rencontre du 3 septembre 2013, à laquelle ont participé Mmes Thiessen et Lamontagne, Mme Hughes a indiqué avoir été choquée lorsqu’elle a lu l’exposé qui lui a été présenté, notamment le passage où M. Green a affirmé qu’ils avaient retiré la barrière pour accéder à l’immeuble (pièces E-13, E-14 et E-15, recueil des pièces de l’employeur, onglets 10, 11 et 12).
100 Même si pendant la rencontre du 3 septembre 2013, Mme Hughes a admis, toujours suivant les conseils de leur avocat au criminel, qu’elle n’avait pas répondu aux questions quant à savoir si M. Titcomb et elle étaient entrés dans le bassin de la caverne la nuit du 18 mai 2013, elle a admis à l’audience qu’ils l’avaient fait. Elle a témoigné que, le 5 septembre 2013, ils avaient été convoqués à une autre rencontre avec Mmes Thiessen et Lamontagne, au cours de laquelle on leur a remis des lettres de licenciement (pièces E-30 et E-31, recueil des pièces de l’employeur, onglets 14 et 16).
101 Mme Hughes a témoigné qu’après avoir été licenciés, M. Titcomb et elle voulaient obtenir des lettres de recommandation de l’employeur et qu’elle avait également besoin d’une preuve de son attestation du renouvellement de son certificat de premiers soins. Elle a déclaré que Mme Lamontagne leur avait dit qu’ils devraient s’adresser au gestionnaire aux sources thermales Upper Hot Springs de Banff.
102 Mme Hughes a témoigné que, le 16 octobre 2013, M. Titcomb et elle ont décidé de se rendre à leur ancien lieu de travail pour obtenir leurs documents et y nager. Mme Hughes a témoigné que, même s’ils ont vu une affiche avant d’atteindre les sources thermales Upper Hot Springs de Banff, ils ont décidé de poursuivre de toute façon, car les installations demeuraient ouvertes. Elle a indiqué qu’une fois dans l’immeuble, elle s’est rendue à la salle des premiers soins pour obtenir ses renseignements sur le renouvellement de la certification et que Mme Smith leur a dit de quitter les lieux. Le jour suivant, ils ont tous deux reçu une lettre de l’employeur leur interdisant d’entrer sur les lieux (pièces E-17 et E-18, onglets 20 et 21).
103 Mme Hughes a affirmé que son licenciement a eu une incidence importante sur sa vie, qu’à la date de l’audience elle n’avait pas été en mesure de trouver un autre emploi. Elle a ajouté qu’elle était âgée de 54 ans et titulaire d’un diplôme d’études secondaires. Elle a déclaré qu’après le décès de son père en août, elle a vendu son entreprise à Banff, le Creekside Country Inn (pièce E-41), à un prix inférieur et elle est déménagée avec M. Titcomb pour se rapprocher de sa mère en Ontario.
III. Résumé de l’argumentation
A. Pour l’employeur
104 Au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a déclaré que cette affaire était très importante, car elle a une incidence sur le mandat de l’employeur de protéger l’héritage naturel du Canada. Par conséquent, la réintégration des fonctionnaires enverrait le mauvais message et nuirait à la capacité de l’employeur d’exercer son mandat.
105 L’avocat de l’employeur a fait valoir que cette affaire comportait deux volets : les actions des fonctionnaires et leurs mensonges.
106 Quant aux faits, l’avocat de l’employeur a fait valoir que l’employeur a clairement démontré que les fonctionnaires n’avaient pas le droit de se trouver dans le site de Cave and Basin la nuit du 18 mai 2013, et qu’ils étaient entrés dans le lieu après les heures d’ouverture et sans autorisation. L’avocat a fait valoir que même si les fonctionnaires ont soutenu qu’ils n’avaient retiré aucune barrière pour entrer, le fait incontesté demeure qu’ils étaient au courant qu’ils n’avaient aucune raison de se trouver à l’intérieur des installations à ce moment. Sur ce point, l’avocat de l’employeur a soutenu que, malgré la déclaration originale de M. Green selon laquelle il avait vu M. Titcomb retirer la barrière pour entrer et que, après avoir vu la vidéo (pièce E-42), il a témoigné qu’il s’agissait probablement du départ des fonctionnaires, je devrais néanmoins préférer son témoignage à ceux des fonctionnaires et conclure que leur entrée dans les installations la nuit du 18 mars 2013 était non autorisée et qu’ils y étaient entrés de force. À l’appui de cet argument, l’avocat de l’employeur a indiqué que je devrais également tenir compte du témoignage de M. Malins, car il avait vu l’installation et avait déclaré que la barrière n’avait pas été ouverte et que, d’après ses connaissances, les fonctionnaires ont dû avoir poussé la clôture de construction pour entrer.
107 L’avocat de l’employeur a soutenu que, non seulement les fonctionnaires sont sciemment entrés sans autorisation la nuit du 18 mai 2013, mais ils ont également nagé dans les eaux du bassin de la caverne, contrevenant clairement au mandat et aux règlements de l’employeur ainsi qu’à leur propre code de conduite. L’avocat a fait valoir que les fonctionnaires ne pouvaient pas invoquer le fait qu’ils avaient agi sous l’impulsion du moment pour expliquer leur conduite. Il a soutenu que les fonctionnaires avaient eux-mêmes admis avoir flotté pendant 20 minutes dans les eaux protégées. Ils ont eu le temps de réfléchir au fait que ce qu’ils faisaient était mal. Au lieu de cela, ils ont affirmé que le moment était magique et merveilleux. Ils ne pouvaient pas faire valoir à l’audience qu’ils avaient agi ainsi sous l’impulsion du moment.
108 L’avocat de l’employeur a insisté sur la gravité des actions des fonctionnaires, compte tenu du fait que le mandat de l’employeur est de protéger l’héritage naturel du Canada et que le site de Cave and Basin est le lieu de naissance des parcs nationaux du Canada. Qui plus est, l’avocat a soutenu que le bassin de la caverne dans lequel les fonctionnaires ont nagé est l’habitat naturel d’une espèce d’escargots protégée, et que, comme l’a expliqué M. Malins, le bassin de la caverne ne peut tout simplement pas être perturbé. L’avocat a insisté sur le fait que les actions des fonctionnaires étaient un outrage manifeste et intentionnel contre l’employeur. Non seulement l’ont-ils fait, mais M. Titcomb en était également fier : il s’en est vanté.
109 L’avocat de l’employeur a contesté l’affirmation des fonctionnaires voulant qu’ils n’aient pas remarqué les affiches d’interdiction une fois à l’intérieur des installations. L’avocat a soutenu que, dans la vidéo (pièce E-42), on peut clairement voir les fonctionnaires lire les affiches le long de la terrasse. Qui plus est, ils étaient des employés chevronnés; ils avaient reçu une formation et ils savaient certainement qu’il était interdit de nager dans ces eaux protégées.
110 Pour l’avocat de l’employeur, le fait que les fonctionnaires aient déclaré qu’ils n’avaient pas remarqué les affiches mine leur crédibilité.
111 L’avocat de l’employeur a insisté sur le fait que la conduite des fonctionnaires était outrageuse et qu’ils avaient contrevenu à leur code de conduite. Leur emploi consistait à protéger les biens de l’employeur et à veiller à agir de façon à résister à l’examen minutieux du public. Dans cette affaire, ils ont agi de façon inverse; ils ont fait preuve d’un manque de respect total à l’égard des biens de l’employeur et de ses valeurs, qu’ils étaient tenus de protéger. L’avocat a assimilé leurs actions au vandalisme d’un monument commémoratif. L’avocat a également comparé leurs actions à celles d’un agent de l’impôt qui fraude le fisc ou à un agent du ministère des Pêches et des Océans qui fait du braconnage du homard. L’avocat m’a renvoyé à McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, aux paragr. 75 à 81; Lau c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossier de la CRTFP 166-2-15388 (19871222), au paragr. 12; Yensen c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), 2000 CRTFP 6, au paragr. 9.
112 L’avocat de l’employeur a fait valoir que non seulement les actions des fonctionnaires étaient injurieuses à l’égard des valeurs et du mandat de base de l’employeur, mais ils avaient également eu de nombreuses occasions de faire preuve de franchise envers leur employeur et d’admettre ce qu’ils avaient fait. Au lieu de cela, ils ont continué de nier et ont choisi de ne pas collaborer entièrement à l’enquête. Ils ont refusé de répondre à des questions légitimes. Par conséquent, l’avocat a fait valoir que non seulement les actions des fonctionnaires étaient inacceptables, audacieuses, délibérées et fautives, mais que leur crédibilité avait aussi été sérieusement affectée. En conséquence, ils ont rompu le lien de confiance avec leur employeur. En d’autres termes, l’employeur ne peut plus faire confiance aux fonctionnaires; par conséquent, ils ne peuvent être réintégrés dans leurs fonctions. L’avocat a également soutenu qu’il était trop tard, dans le cadre de l’audience, pour présenter des excuses. En appui à ses arguments, l’avocat m’a renvoyé à Francis c. Conseil du Trésor (Procureur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-24111 (19931007), au paragr. 17; Dutil c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-2-14391 (19840307), aux paragr. 10 et 11; Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2008 CRTFP 62, aux paragr. 34 et 35; Way c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 39, aux paragr. 13 et 14.
113 L’avocat de l’employeur a fait valoir que la conduite des fonctionnaires était complètement inappropriée et qu’ils avaient fait preuve d’un manque de respect total en entrant dans les installations après les heures d’ouverture et en nageant dans des eaux dans lesquelles était protégée une espèce en voie de disparition. Il a ajouté que je devrais tenir compte du fait qu’ils ont menti pour dissimuler leurs actions. L’avocat a insisté sur le fait que, malgré le fait que M. Green ait tout d’abord pensé avoir vu les fonctionnaires déplacer la clôture pour accéder au site et que, plus tard, après avoir vu la vidéo, il s’est aperçu qu’il avait commis une erreur et qu’il avait probablement vu les fonctionnaires déplacer la clôture en sortant, je devrais néanmoins préférer la version de ce dernier, selon laquelle il n’a pas invité les fonctionnaires à nager dans le bassin de la caverne et où M. Titcomb a posé des questions à propos de caméras dans la caverne. L’avocat a également souligné que le témoignage de M. Malins corroborait le fait que les fonctionnaires devaient avoir déplacé la clôture pour accéder à l’immeuble.
114 Pour l’avocat de l’employeur, non seulement les fonctionnaires n’ont pas été francs pendant l’enquête, en refusant par exemple de répondre aux questions ou en niant avoir vu les affiches d’interdiction, mais ils ont également continué à être malhonnête, et ce, même pendant leurs témoignages dans le cadre de l’audience. En outre, il a fait valoir que les fonctionnaires n’avaient jamais accepté leur responsabilité, préférant plutôt jeter le blâme sur d’autres, comme M. Green et Mme Minogue.
115 L’avocat de l’employeur a insisté sur le fait qu’en raison de la conduite des fonctionnaires le 18 mai 2013, et de leur refus d’accepter le blâme pour ce qui s’était produit, l’employeur avait raison de prétendre que le lien de confiance était rompu et que les fonctionnaires ne devraient pas être réintégrés dans leurs fonctions.
B. Pour les fonctionnaires
116 Dès le début de l’audience, l’avocat des fonctionnaires a indiqué que je ne devrais pas perdre de vue le fait que cette affaire concerne une maître nageuse qui a consacré 30 ans à travailler pour l’employeur sans faire l’objet d’une mesure disciplinaire et un caissier qui compte 14 années de service pour le compte de l’employeur, également sans avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Dans les circonstances, l’avocat a fait valoir qu’il serait erroné de les comparer à des vérificateurs de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et que, si une comparaison de travail ou de niveau devait être faite, celle-ci devait être faite avec un poste de niveau inférieur, comme un réceptionniste ou un téléphoniste à l’ARC, non pas avec un vérificateur.
117 L’avocat des fonctionnaires a fait valoir que, même si les lettres de licenciement des fonctionnaires avaient fait référence au fait qu’il fallait tenir compte de leurs nombreuses années de service, après avoir entendu la preuve de l’employeur, il est manifeste que, le cas échéant, leurs longues années de service n’ont pas été considérées comme des facteurs atténuants; au contraire, elles ont plutôt été utilisées contre les fonctionnaires. La position de l’employeur est que les fonctionnaires auraient dû se montrer mieux avisés.
118 L’avocat des fonctionnaires a soutenu que les faits de cette affaire sont uniques; par conséquent, la jurisprudence citée par l’employeur ne s’applique pas. L’avocat a soutenu que le fait que les fonctionnaires n’avaient pas l’intention d’entrer dans l’immeuble de Cave and Basin ou de nager dans le bassin de la caverne, lorsqu’ils ont quitté leur maison, la nuit du 18 mai 2013, n’est pas contesté. Ils n’avaient pas apporté d’équipement de natation. L’avocat a toutefois insisté sur le fait que, n’eût été de l’intervention de M. Green, les fonctionnaires n’auraient jamais eu accès au bassin de la caverne, puisque la porte vers le tunnel qui mène à cet endroit était verrouillée et que seul M. Green avait les clés (recueil des pièces de l’employeur, onglet 25, page 212). L’avocat a signalé que la preuve a démontré que, malgré le fait que M. Green ait laissé les fonctionnaires (et des gardiens la nuit auparavant) accéder à l’immeuble de Cave and Basin après les heures d’ouverture, il n’a jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour ce geste. L’avocat a également insisté sur le fait que d’autres personnes avaient accédé à l’immeuble de Cave and Basin pendant la nuit, ce qui n’a pas été pris en compte par l’employeur (recueil des pièces, onglet 3, page 67).
119 L’avocat des fonctionnaires a remis en question la crédibilité de la version de M. Green dans laquelle il a d’abord affirmé qu’il avait vu les fonctionnaires en train de pousser la barrière pour accéder à l’immeuble, pour ensuite revenir sur cette déclaration après avoir vu une vidéo le jour avant l’audience. L’avocat a insisté sur le fait que, quoi qu’il en soit, la preuve est claire qu’il s’agissait d’une pratique répandue que des personnes accèdent à l’immeuble après les heures d’ouverture, et ce, à la connaissance de l’employeur et qu’il était injuste d’en faire une préoccupation relativement aux fonctionnaires.
120 L’avocat des fonctionnaires m’a exhortée à croire leur explication selon laquelle, bien qu’ils aient admis la présence d’affiches d’interdiction, ils n’y ont pas prêté attention. L’avocat a fait valoir que l’important est que les deux fonctionnaires aient admis avoir nagé dans le bassin et qu’ils en assument l’entière responsabilité.
121 L’avocat des fonctionnaires a soutenu que les faits de cette affaire démontrent clairement que les fonctionnaires ont agi sous l’impulsion du moment. Il n’y a absolument aucune preuve démontrant que, lorsqu’ils ont quitté leur maison, ils avaient l’intention d’entrer dans l’immeuble de Cave and Basin et de nager dans le bassin de la caverne. L’avocat a fait valoir que les faits en l’espèce sont distincts de ceux dans une décision que l’employeur a citée dans laquelle un employé a été licencié après ses actions préméditées et avoir ensuite accusé un collègue (Horne c. Agence Parcs Canada, 2014 CRTFP 30).
122 L’avocat des fonctionnaires était fortement en désaccord avec l’argument de l’employeur selon lequel les actions des fonctionnaires pourraient être comparées au vandalisme d’un monument commémoratif de guerre et a insisté sur le fait que, dans cette affaire, l’employeur n’avait pas produit de preuve selon laquelle le fait que les fonctionnaires aient nagé dans le bassin de la caverne ait causé un préjudice quelconque aux escargots.
123 Pour l’avocat des fonctionnaires, les fonctionnaires devraient faire l’objet d’une mesure disciplinaire en raison de leur mauvais jugement, en tenant compte du fait que ce qu’ils avaient fait n’était pas prémédité, qu’ils n’avaient aucune mauvaise intention et qu’il n’y avait aucune preuve qu’ils ont causé un préjudice.
124 En ce qui concerne la collaboration des fonctionnaires pendant l’enquête, leur avocat était également en désaccord avec la proposition de l’employeur selon laquelle ils n’avaient pas admis être entrés dans le bassin de la caverne la nuit du 18 mai 2013 et qu’ils avaient menti à ce sujet. L’avocat a soutenu que les fonctionnaires avaient admis avoir nagé dans le bassin de la caverne pendant la rencontre du 7 août 2013 avec Mme Woods. Il a également expliqué que, même si Mme Hughes a nié être entrée dans l’eau au début de cette rencontre, elle l’a admis à la fin de l’entrevue. Dans le cas de M. Titcomb, il l’a admis immédiatement à Mme Woods (pièces E-2, onglet 5, page 69, et E-1, onglet 1, page 16, recueil de pièces de l’employeur, documents d’ordonnance de divulgation). L’avocat a soutenu que pendant les réunions subséquentes avec l’employeur, les fonctionnaires n’ont pas menti à propos du fait d’être entrés dans le bassin de la caverne. Même s’ils ont admis être entrés dans les installations, ils n’ont tout simplement pas répondu à la question à savoir s’ils étaient entrés dans l’eau, conformément aux conseils de leur avocat au criminel.
125 L’avocat des fonctionnaires a établi une distinction entre cette affaire et celles couvertes par les décisions citées par l’employeur. Il a soutenu que la jurisprudence de l’employeur portait sur des affaires où les employés avaient fait preuve de préméditation ou faisaient partie d’un camouflage, ou qu’ils n’avaient pas démontré de remords ou continuaient de nier leurs actions, et ce, même à l’audience d’arbitrage. L’avocat a laissé entendre que cette affaire était différente et que les actions des fonctionnaires n’étaient pas préméditées; ils ont agi conformément aux conseils de leur avocat et ils ont exprimé des remords. En outre, l’avocat a indiqué que même si les versions des fonctionnaires pouvaient être différentes de celle de M. Green, ce n’était pas parce qu’ils voulaient jeter le blâme sur d’autres personnes, mais plutôt parce que c’était ce qui s’était réellement passé.
126 L’avocat des fonctionnaires a indiqué que, plutôt que la jurisprudence citée par l’employeur, je devrais examiner les décisions suivantes; la différence étant que, dans ces affaires, il y avait un élément de préméditation qui n’était pas présent dans la présente affaire. L’avocat m’a renvoyé à Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100, aux paragr. 93, 94 et 97). Il a fait valoir que même si l’infraction qui consiste à regarder de la pornographie au travail est plus grave que ce qu’ont fait les fonctionnaires, l’arbitre de grief dans cette affaire a réintégré M. Andrews après avoir tenu compte de ses longues années de service, du fait qu’il n’avait aucun dossier disciplinaire et qu’il avait exprimé des remords. L’avocat m’a également renvoyée à Friolet c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 85, dans laquelle le fonctionnaire a été réintégré dans ses fonctions et où les années de service ont été considérées comme un facteur atténuant. Dans Girard c. Conseil du Trésor (Revenu Canada), dossier de la CRTFP 166-02-12726 (19820720), dans laquelle une agente de recouvrement a été licenciée pour avoir falsifié ses demandes de voyage, l’arbitre de grief a annulé le licenciement et l’a remplacée par une suspension de 15 mois fondée sur les années de service et le dossier disciplinaire vierge.
127 Les décisions suivantes ont également été citées à l’appui de l’argument voulant que je tienne compte des années de service des fonctionnaires et du fait qu’ils n’aient jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire dans le passé : Lodba c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-21819 (19920225), McManus c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-8048 et 8078 (19800310), et Gatien c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 101.
128 L’avocat des fonctionnaires a résumé la situation en déclarant que les fonctionnaires devraient être réintégrés dans leurs fonctions compte tenu du fait que l’événement s’était produit dans un emplacement qui différait de leur lieu de travail et qu’il n’avait pas été prémédité, qu’ils ont plutôt agi sous l’impulsion du moment. L’avocat a insisté pour que je tienne compte de leurs longues années de service et du fait qu’ils n’avaient jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. L’avocat m’a demandé de tenir compte du fait qu’un autre acteur dans cette affaire, M. Green, n’avait pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir guidé les fonctionnaires dans le bassin de la caverne et de les avoir laissé entrer, et que d’autres personnes avaient eu accès à l’immeuble de Cave and Basin après les heures d’ouverture, et ce, sans conséquence. L’avocat a soutenu que les fonctionnaires avaient non seulement admis être entrés dans l’immeuble de Cave and Basin, mais aussi, qu’à la première occasion, ils ont admis à Mme Woods être entrés dans le bassin de la caverne.
129 L’avocat des fonctionnaires est arrivé à la conclusion que les répercussions liées aux licenciements des fonctionnaires ont été très graves et qu’un message clair avait été envoyé. L’avocat a fait valoir que, compte tenu des circonstances, les licenciements étaient beaucoup trop graves et qu’une suspension de 20 jours aurait le même effet dissuasif.
IV. Motifs
130 Dans ses lettres de licenciement du 5 septembre 2013, l’employeur a allégué que les deux fonctionnaires étaient entrés illégalement dans le site de Cave and Basin et qu’ils avaient nagé dans ses eaux protégées la nuit du 18 mai 2013.
131 Après avoir entendu la preuve, j’arrive à la conclusion que l’employeur a démontré les allégations à l’audience. Malgré le fait qu’il y avait un litige quant à savoir si les fonctionnaires étaient entrés de force dans l’immeuble cette nuit-là et qu’un témoin, M. Green, est revenu sur sa version à l’audience après avoir visionné une vidéo, j’en conclus néanmoins que les fonctionnaires sont entrés dans l’immeuble de Cave and Basin le 18 mai 2013, après les heures d’ouverture. Les fonctionnaires étaient des employés chevronnés et savaient ou auraient dû savoir qu’ils ne devaient pas se trouver à l’intérieur des installations un samedi soir après les heures d’ouverture. Le fait que, une fois à l’intérieur, M. Green les ait invités à effectuer une visite ne change rien à cette conclusion. Les fonctionnaires savaient que M. Green était un concierge, puisqu’ils avaient fait partie de la formation de dotation qui l’avait embauché. Ils savaient qu’il n’avait pas l’autorité de leur permettre d’entrer. Dans son témoignage, M. Titcomb a indiqué que M. Green était heureux que les fonctionnaires l’aient aidé à obtenir son emploi de concierge. Il me semble que M. Green était reconnaissant envers les fonctionnaires.
132 Dans les circonstances, j’en conclus que les fonctionnaires sont entrés à l’intérieur des installations cette nuit-là en sachant qu’ils n’auraient pas dû. Dans son témoignage, M. Titcomb a indiqué que la clôture était entrouverte, ils sont donc entrés. Même si cela était vrai, je suis d’avis que cela ne constituait pas une invitation à entrer dans l’immeuble. Les fonctionnaires le savaient; ils ont tenté leur chance.
133 En ce qui concerne l’autre allégation, c’est-à-dire qu’ils ont nagé dans des eaux protégées, qui s’avéraient être l’habitat d’une espèce d’escargot en voie de disparition. Même si, au début, M. Titcomb a admis à Mme Woods que Mme Hughes et lui avaient nagé dans le bassin de la caverne, les deux fonctionnaires ont décidé par la suite au cours de l’enquête de ne pas répondre aux questions quant à savoir s’ils avaient nagé. Ils l’ont néanmoins admis au cours de l’audience.
134 Ayant tranché que l’employeur avait prouvé les allégations, je me penche maintenant sur la question de savoir si le licenciement était la réparation appropriée ou si, dans cette situation, la sanction devrait être annulée. Les facteurs pris en considération dans la jurisprudence citée par l’avocat pour évaluer si, compte tenu des circonstances, le licenciement était approprié ou si cette sanction devrait être atténuée sont essentiellement les années de service d’un employé, son dossier disciplinaire, la question de savoir si plus d’un incident a eu lieu, la conduite de l’employé pendant l’enquête et la question de savoir s’il éprouve des remords relativement à ses actions. À ces facteurs, j’ajouterais, compte tenu des circonstances de la présente affaire, les répercussions de l’inconduite des fonctionnaires pour l’employeur.
135 Comme je l’expliquerai, en tenant compte des facteurs atténuants importants dans la présente affaire, j’ai décidé d’annuler les licenciements. Bien que je sois d’avis que les actions des fonctionnaires étaient très graves, outrageuses et qu’elles méritent une sanction grave, je crois néanmoins que les licenciements, qui ont été imposés pour un événement unique et imprévu à l’égard d’employés comptant de nombreuses années de service sans incident, n’étaient pas appropriés.
136 L’avocat des fonctionnaires a soutenu que les fonctionnaires étaient des employés de longue date qui n’avaient jamais fait l’objet de mesures disciplinaires au cours de leurs carrières. L’avocat a également insisté sur le fait que les fonctionnaires avaient fait preuve d’un mauvais jugement momentané, que leurs actions n’étaient pas préméditées, qu’ils ont agi sous l’impulsion du moment, qu’ils avaient collaboré pendant l’enquête et, enfin, qu’ils avaient exprimé des remords pour ce qu’ils avaient fait. L’avocat a fait valoir que, dans les circonstances, une sanction correspondant à une suspension de 20 jours serait plus appropriée.
137 Pour sa part, l’avocat de l’employeur a soutenu qu’en tant qu’employés chevronnés, les fonctionnaires n’avaient aucune excuse d’avoir fait ce qu’ils avaient fait et que leurs actions étaient outrageuses à l’égard de leur employeur et de son mandat de protéger, entre autres choses, des espèces en voie de disparition. En ce qui concerne l’argument relatif à l’impulsion du moment, l’avocat a soutenu qu’ils ont été dans l’eau pendant 20 minutes, ce qui a fait en sorte qu’il ne s’agissait pas d’un incident impromptu. L’avocat a insisté sur le fait que les fonctionnaires n’avaient exprimé aucun remords à propos de ce qu’ils avaient fait et qu’ils s’en étaient vantés. Essentiellement, ils ont rompu le lien de confiance avec leur employeur et ont même eu l’audace de se présenter au lieu de travail après leur licenciement.
138 Même si je suis d’accord avec l’avocat de l’employeur qu’en tant qu’employés chevronnés les fonctionnaires auraient dû être mieux avisés, je dois néanmoins considérer comme un facteur atténuant le fait que Mme Hughes comptait plus de 30 années de service sans avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire et que M. Titcomb comptait 14 années de service et que son dossier disciplinaire était vierge, comme les arbitres de grief l’ont fait dans Andrews,à la page 17, dans Friolet,à la page 44, et dans Girard,à la page 12.
139 Le fait que cette affaire porte manifestement sur un incident non prémédité représente un autre facteur atténuant. Il a clairement été démontré que les fonctionnaires n’ont jamais eu l’intention d’entrer dans les installations de Cave and Basin cette nuit-là ou qu’ils avaient planifié de nager dans les eaux protégées. Ils n’ont pas apporté de maillots de bain, de serviettes ou d’autres vêtements. Je suis d’accord avec leur avocat qu’ils ont agi sous l’impulsion du moment et que ce qui s’est passé la nuit du 18 mai 2013 n’avait pas été prévu. Qui plus est, il est également manifeste que ce qu’ils ont fait cette nuit-là, ils l’ont fait une seule fois et que cela ne s’est jamais répété.
140 Même si les longues années de service sans incident des fonctionnaires, jumelées au fait qu’il n’y a eu qu’un seul incident, atténuent leur sanction au profit d’une sanction moindre qu’un licenciement, je dois signaler que les faits de la présente affaire sont manifestement uniques et que, dans d’autres circonstances, les longues années de service d’un employé et un incident unique peuvent mener un arbitre de grief à tirer une conclusion entièrement différente.
141 Même si je considère que les longues années de service des fonctionnaires, le fait qu’ils n’aient jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire et qu’ils ont agi sous l’impulsion du moment sont des facteurs atténuants en ce qui a trait à leur licenciement, je suis néanmoins très troublée par ce qu’ils ont fait et par leur conduite tout au long de l’enquête, et je ne suis pas convaincue qu’ils ont conscience des répercussions de ce qu’ils ont fait. Bien que je sois d’avis que les licenciements représentent une sanction trop sévère dans cette affaire, je conclus que les actions des fonctionnaires sont importantes et que leur conduite mérite une sanction grave.
142 Je suis très troublée par le fait que les fonctionnaires ont choisi de ne pas collaborer pendant l’enquête, lorsqu’ils ont refusé de répondre à la question de savoir s’ils avaient nagé dans le bassin de la caverne et qu’ils ne l’ont admis qu’à l’audience. Même si les circonstances sont manifestement différentes, je suis d’accord avec les principes suivants établis dans Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43, et Brazeau :
103 La reconnaissance de la culpabilité ou d’une certaine responsabilité pour ses actions est un facteur essentiel dans l’évaluation du caractère approprié de la mesure disciplinaire. Il en est ainsi puisque la possibilité de réhabilitation du fonctionnaire s’estimant lésé est fondée sur la confiance, et la confiance est fondée sur la vérité. Si un fonctionnaire s’estimant lésé a trompé son employeur, a omis de coopérer à une enquête légitime d’allégations de conflit d’intérêts et refuse d’admettre toute responsabilité en dépit des preuves qui montrent une faute, alors le rétablissement de la confiance nécessaire à une relation d’emploi est impossible.
[Oliver, au paragr. 103]
[…]
184 En ce qui concerne l’aveu de responsabilité du fonctionnaire s’estimant lésé relatif au conflit d’intérêts, j’estime qu’il s’est fait trop attendre pour être considéré comme un facteur atténuant… .
[Brazeau, au paragr. 184]
143 Le fait que leur avocat au criminel et le représentant de leur agent négociateur pourraient avoir conseillé aux fonctionnaires de ne pas répondre à une question ne saurait éliminer leur obligation de collaborer pleinement à l’enquête. Selon moi, ils ont consciemment décidé de suivre le conseil de leur avocat au criminel, qu’il avait formulé dans un contexte différent et devant un tribunal différent. À mon avis, cela ne pouvait éliminer leur obligation de collaborer pleinement à une enquête administrative. Lorsque l’employeur a rendu une décision à la fin de l’enquête, il s’est fié aux renseignements que les fonctionnaires avaient fournis. Le résultat aurait pu être différent si les fonctionnaires avaient choisi une approche différente. Au lieu de cela, ils ont choisi de ne pas divulguer tous les faits à leur employeur. Le fait qu’ils aient reçu différents conseils de leur avocat au criminel ne pouvait pas les exonérer de leur obligation d’être francs et sincères envers leur employeur.
144 Je suis également convaincue, après avoir entendu la preuve, que les fonctionnaires savaient qu’il était interdit de nager dans les eaux. Une fois de plus, ils étaient des employés chevronnés qui avaient toujours travaillé pour le même employeur. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre qu’ils ne savaient pas qu’il était interdit d’entrer dans les eaux protégées. Je ne crois pas la version de Mme Hughes à l’audience selon laquelle elle n’était pas au courant de l’ordonnance Roulet et qu’elle n’avait pas vu les affiches d’interdiction. Selon moi, il est manifeste qu’elle était au courant de l’interdiction, plus particulièrement après avoir vu la vidéo dans laquelle on peut voir les deux fonctionnaires, dès leur arrivée sur les lieux, lire certaines des affiches. Dans le cas de M. Titcomb, même s’il a indiqué pendant l’enquête qu’il doutait qu’il y avait des escargots dans le bassin de la caverne, il a admis savoir que la baignade était interdite. Ceci étant, je suis d’accord avec l’avocat des fonctionnaires qu’il n’y avait aucune preuve que les actions des fonctionnaires avaient porté préjudice aux escargots. Même s’il faut en tenir compte et que cela tend à atténuer les répercussions de leurs actions, il demeure néanmoins que les eaux dans lesquelles ils ont nagé étaient protégées et ne devaient pas être perturbées.
145 À l’audience, les fonctionnaires ont soutenu avoir nagé sur l’invitation de M. Green et qu’ils n’en avaient jamais eu l’intention. M. Green a contesté cette affirmation; il a témoigné que, même s’il les avait invités à effectuer une visite, il ne les avait jamais invités à entrer dans les eaux et que, à sa surprise, ils avaient agi de leur propre initiative. Je crois que les fonctionnaires ont décidé d’eux-mêmes d’entrer dans les eaux. À mon avis, même s’ils l’avaient fait à la suggestion de M. Green, les fonctionnaires, en tant qu’employés chevronnés, savaient très bien que cela était interdit. Ils l’ont fait; personne ne les a poussés dans ces eaux. Ils savaient ce qu’ils faisaient et ils devraient subir les conséquences de leurs actes. Ils ne peuvent pas jeter le blâme sur M. Green, peu importe s’il leur a suggéré d’entrer dans les eaux ou non. En ce qui concerne M. Green, l’avocat des fonctionnaires a fait valoir que, contrairement aux fonctionnaires, ce dernier n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour ses actions cette nuit-là. Je soulignerai seulement que la preuve incontestée est que, par conséquent, le contrat de M. Green n’a pas été renouvelé et qu’il avait cessé de travailler pour l’employeur.
146 En plus de ces facteurs perturbants, je conclus également que les fonctionnaires avaient agi volontairement et que, par leurs actions, ils ont fait preuve d’un manque de respect total envers le mandat principal de l’employeur. Je ne suis pas convaincue qu’ils éprouvent des remords authentiques pour ce qu’ils ont fait. Je crois le témoignage de Mme Minogue lorsqu’elle a indiqué que M. Titcomb semblait très heureux de ce que Mme Hughes et lui avaient fait et qu’il s’en était vanté. Je suis également d’accord avec Mme DeMone voulant que Mme Hughes semblait davantage préoccupée par les répercussions de l’incident que par le fait de reconnaître que ce que M. Titcomb et elle avaient fait était mal. Pendant l’enquête, à un certain moment M. Titcomb a indiqué qu’il savait qu’il était interdit de nager dans les eaux en raison de la présence d’escargots protégés, mais il a ajouté qu’il doutait de la présence des escargots. Je trouve qu’il est également troublant que, lorsqu’interrogée par l’avocat de l’employeur, Mme Hughes a insisté pour décrire leurs actions dans l’eau comme [traduction] « se tremper », plutôt que d’admettre qu’ils étaient entrés et avaient nagé dans les eaux. En décrivant ses actions comme [traduction] « se tremper », Mme Hughes a tenté d’amoindrir la gravité de l’infraction.
147 À mon avis, les fonctionnaires, en nageant dans le bassin de la caverne, ont montré un manque de respect total à l’égard du mandat et des valeurs promues par l’employeur; ce faisant, ils ont porté atteinte au rôle de l’employeur, qui consiste à préserver les ressources naturelles.
148 Même si je suis d’avis que, compte tenu du fait que les fonctionnaires comptaient de longues années de service et un dossier disciplinaire vierge, et qu’il s’agissait d’un incident isolé, les licenciements étaient une sanction trop grave. J’en conclus également que, en raison de la conduite des fonctionnaires pendant l’enquête, leur absence de remords authentique et la conclusion selon laquelle leurs actions étaient outrageuses à l’égard de leur employeur, la suspension de 20 jours suggérée par leur avocat est inappropriée.
149 À mon avis, les fonctionnaires doivent comprendre clairement que ce qu’ils ont fait était très grave et qu’il ne s’agissait très certainement pas de quelque chose dont il fallait être fier ou se vanter. Andrews, citée par l’avocat des fonctionnaires, portait sur un fonctionnaire qui, sur une longue période, avait utilisé l’équipement de l’employeur essentiellement pour visualiser du matériel pornographique. Même si les faits de cette affaire diffèrent complètement de ceux en l’espèce, l’arbitre de grief a décidé de réintégrer le fonctionnaire et de remplacer le licenciement du fonctionnaire par une suspension de 21 mois (temps déjà passé). En atténuant la sanction, l’arbitre de grief a tenu compte des longues années de service du fonctionnaire et du fait qu’il avait un dossier disciplinaire vierge. L’arbitre de grief a également décidé que le fonctionnaire éprouvait des remords sincères à propos de ce qui s’était passé.
150 Dans la présente affaire, même si les fonctionnaires comptaient également de longues années de service sans avoir fait l’objet de mesures disciplinaire et, contrairement à Andrews, qu’ils ont agi impulsivement, je ne suis pas convaincue qu’ils ont exprimé des remords sincères relativement à ce qu’ils ont fait. Dans les circonstances, tout comme dans Andrews, j’éprouve de la réticence à imposer une sanction disciplinaire qui ferait en sorte qu’ils soient rémunérés pour le temps qu’ils n’ont pas travaillé. Par conséquent, j’ordonne que les fonctionnaires soient réintégrés dans leurs fonctions à compter de la date de la présente décision, mais sans paie rétroactive.
151 Je me rends compte que les fonctionnaires ont eu une suspension grave et longue. Cependant, je crois qu’ils devraient recevoir un signal manifeste que leurs actions cette nuit-là étaient complètement inappropriées et que ce qu’ils ont fait a porté atteinte au mandat de leur employeur visant à préserver les ressources naturelles.
152 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :
V. Ordonnance
153 Les fonctionnaires doivent être réintégrés dans leurs postes à compter de la date de la présente décision, sans paie rétroactive.
Le 21 août 2015.
Traduction de la CRTEFP
Linda Gobeil,
arbitre de grief