Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé en stage – l’administrateur général a invoqué la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour le renvoyer en cours de stage, décision à l’égard de laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief – l’administrateur général s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief pour entendre le grief, car l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique prévoit qu’un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage – l’arbitre de grief est d’abord arrivé à la conclusion qu’il avait la compétence pour déterminer si le licenciement n’était pas pour un motif légitime lié à l’emploi, mais pour un autre motif factice ou s’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée, d’un subterfuge, d’un camouflage ou si elle avait été de mauvaise foi – l’arbitre de grief en est arrivé à la conclusion que la décision de l’administrateur général n’était pas fondée sur une insatisfaction de bonne foi à l’égard de son aptitude mais était sans fondement – il a également conclu que l’opinion de l’administrateur général voulant que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas respecté les politiques était de mauvaise foi – finalement, il a conclu que l’opinion de l’administrateur général voulant que le fonctionnaire s’estimant lésé ait des problèmes d’assiduité illégitimes était contredite par la preuve – l’arbitre de grief a réintégré le fonctionnaire s’estimant lésé et a ordonné la reprise de l’audience sur la question d’une réparation monétaire. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150626
  • Dossier: 566-02-7297
  • Référence: 2015 CRTEFP 58

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CRAIG DYSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Pêches et Océans Canada)

défendeur

Répertorié
Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et Océans)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Kétia Calix, avocate
Affaire entendue à St. John’s, Terre-Neuve,
les 6 et 7 août 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Craig Dyson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a été embauché par le ministère des Pêches et des Océans à titre d’agent des pêches stagiaire, en date du 26 mai 2008. Il était classifié au groupe et niveau GT-02, Technicien divers. Le fonctionnaire faisait partie de la Direction de la Conservation et de la protection. Il était en poste à Bay Roberts, à Terre-Neuve. Le 5 juillet 2010, le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage.

2 Le 9 juillet 2010, le fonctionnaire a déposé un grief contre son renvoi en cours de stage et a demandé que le licenciement de son emploi soit annulé, qu’on lui accorde toutes les réparations que l’on estime justes et qu’il soit indemnisé intégralement.

3 Le 6 juillet 2012, le fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») aux fins d’arbitrage en application de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »).

4 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) est entrée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

5 Le défendeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief au motif que l’article 211 de la LRTFP ne permet pas le renvoi d’un grief à l’arbitrage s’il concerne un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »).

6 Au début de l’audience, le fonctionnaire a demandé une ordonnance excluant les témoins, que j’ai accordée.

7 Au début de l’audience, le fonctionnaire a contesté la position de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire était en cours de stage au moment où il a été licencié. Pendant l’audience, le fonctionnaire a revu sa position sur ce point et a convenu qu’il était toujours en stage au moment de son licenciement.

II. Résumé de la preuve

8 L’employeur a appelé cinq témoins et le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

9 Le 7 mai 2008, le fonctionnaire a reçu une offre d’emploi pour une période indéterminée du MPO à titre d’agent de pêche stagiaire dans le Programme de progression de carrière des agents des pêches (PPCAP) à la Direction de la gestion des pêches et de l’aquaculture, Conservation et protection, au détachement de Bay Roberts, Terre-Neuve, à compter du 26 mai 2008. L’offre était assujettie à une période de stage pour la durée du programme ou douze mois, selon la plus longue de ces périodes. Le poste était classifié au groupe et niveau GT-02.

10 Avant qu’on lui offre le poste, le fonctionnaire avait été tenu de réussir un programme de formation des cadets de 17 semaines, lequel était une exigence préalable à l’admission au PPCAP. Le programme de formation des cadets se déroulait au Dépôt de formation de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Regina, en Saskatchewan.

11 Kenneth Scott était, pendant toutes les périodes pertinentes, chef de l’application de la loi et des normes de formation pour le MPO à Terre-Neuve-et-Labrador. Il a dit qu’il était responsable du recrutement et de la formation de tous les nouveaux agents des pêches à Terre-Neuve-et-Labrador.

12 Le superviseur immédiat du fonctionnaire était Leo Doyle. M. Doyle n’a pas témoigné devant moi en raison d’un état de santé qui a été décrit dans une note de son médecin traitant; la note m’a été remise pendant l’audience par l’avocate de l’employeur.

13 M. Doyle relevait de James Francis, qui était, pendant la période pertinente, le superviseur du détachement pour le MPO à Bay Roberts, Terre-Neuve. M. Francis relevait à son tour de Bennett Rogers qui était, pendant la période pertinente, chef de secteur pour la Conservation et de la protection pour l’est et le sud de Terre-Neuve.

14 Robert Lambert est le directeur de la Conservation et de la protection pour la région de Terre-Neuve-et-Labrador du MPO. Le fonctionnaire, ainsi que MM. Scott, Rogers, Francis et Doyle, relevaient tous « indirectement » de lui par l’intermédiaire d’une chaîne de commande. M. Lambert était responsable de la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

15 M. Scott a dit que le PPCAP était un programme en deux étapes, d’environ 30 mois, l’intégralité de cette période constituant un stage. Un agent des pêches qui n’est pas en stage, est initialement classifié au groupe et niveau GT-04. Les agents des pêches stagiaires dans le PPCAP sont embauchés au groupe et niveau GT-02. On attend d’eux qu’ils passent, après une période d’environ 18 mois, au groupe et niveau GT-03, puis, après une autre période de 12 mois, qu’ils passent au niveau des agents des pêches, soit le groupe et niveau GT-04, moment auquel prend fin la période de stage.

16 M. Francis a dit que M. Doyle s’était adressé à lui à de nombreuses reprises pour discuter du rendement du fonctionnaire; en quelques occasions, il a parlé directement avec le fonctionnaire, une fois en juillet 2009 et une fois en septembre 2009.

17 Selon M. Francis, le rendement général du fonctionnaire, à partir de la période durant laquelle il rendait compte à Bay Roberts, en mai 2008, jusqu’à son licenciement, en juillet 2010, était médiocre.

18 Le 5 juillet 2010, M. Lambert a envoyé une lettre mettant fin à l’emploi du fonctionnaire (pièce E-1, onglet 1), dans laquelle il a indiqué ce qui suit :

 [Traduction]

[…]

La lettre d’offre que vous avez reçue datée du 7 mai 2008, vous nommant au poste d’agent des pêches stagiaire, précisait que, conformément à l’article 61 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, vous étiez assujetti à une période de stage pour la durée du programme ou 12 mois, selon la plus longue de ces périodes, excluant toutes les périodes de congé non payé, une formation linguistique à temps plein ou un congé payé de plus de 30 jours consécutifs et toutes les périodes hors travail dans le cas des employés saisonniers.

[…]

Le but de cette lettre vise à vous informer que, conformément au pouvoir qui m’est délégué aux termes du paragraphe 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, je suis arrivé avec regret à la conclusion que votre emploi au sein du ministère des Pêches et des Océans prendrait fin, à compter d’aujourd’hui, le 5 juillet 2010, à la fermeture des bureaux […]

La raison de votre licenciement s’explique par votre manque d’aptitude pour le poste d’agent des pêches stagiaire, plus particulièrement […]

  • préoccupations liées à la fiabilité et à la présence;
  • défaut de répondre aux exigences professionnelles;
  • défaut de respecter les politiques, procédures et pratiques établies, de même que les codes de conduite.

[…]

19 M. Lambert a témoigné que sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage était fondée sur les recommandations qui lui avaient été faites; cependant, il n’a pas donné de précision quant à la source des recommandations. Il a également témoigné quant aux détails de son incapacité, qui ont été présentés dans sa lettre du 5 juillet 2010, selon sa compréhension de ceux-ci.

A. Préoccupations liées à la fiabilité et à la présence

20 M. Lambert a indiqué que les documents qui lui avaient été présentés lui décrivaient clairement les situations au fur et à mesure qu’elles évoluaient. Selon M. Lambert, des superviseurs ont transmis des instructions claires, que le fonctionnaire n’a pas respectées.

21 M. Lambert a témoigné que les agents des pêches et les agents des pêches stagiaires travaillaient sur le terrain (parfois sur l’océan), et qu’il devait y avoir au moins deux agents; lorsque l’un d’eux était absent, cela mettait fin à l’opération. Lorsqu’un agent des pêches ou un agent des pêches stagiaire s’absente du travail, son superviseur doit en être informé, car cela aura une incidence sur les surveillances, les patrouilles et les enquêtes. Il a déclaré qu’il y avait une préoccupation à l’égard du fait que le fonctionnaire ne communiquait pas avec son superviseur et ne l’informait pas lorsqu’il s’absentait du travail; il ne l’informait pas non plus des motifs de son absence. Il a également déclaré que le fonctionnaire était parfois absent de son poste sans en informer qui que ce soit.

22 M. Lambert a témoigné qu’on avait porté à son attention que, après une année d’emploi, le fonctionnaire avait considérablement dépassé ses crédits de congé de maladie et qu’on lui avait avancé d’autres crédits de congé de maladie.

23 La pièce E-1, onglet 9, est un courriel daté du 17 mai 2010 de M. Francis à M. Rogers, dont M. Doyle a reçu copie, et qui était intitulé : [traduction] « Problèmes récurrents concernant les congés de maladie et le défaut de communiquer avec le superviseur lorsqu’un congé est pris ». Ce courriel présente une série d’événements liés à la prise de congés de maladie pendant la semaine du 10 au 17 mai 2010. Selon ce courriel, le fonctionnaire était malade et n’était pas en mesure de travailler pendant la semaine du 10 mai 2010 et la fin de semaine des 15 et 16 mai 2010, et il a appelé pour indiquer qu’il était malade une fois de plus le lundi 17 mai 2010. Selon ce courriel, le fonctionnaire a communiqué à de nombreuses reprises avec le bureau du détachement pendant cette période pour dire qu’il ne se sentait pas bien et qu’il ne se présenterait pas au travail. Dans tous les cas sauf un, le fonctionnaire n’a pas appelé son superviseur ou le superviseur du détachement, parlant plutôt avec un agent des pêches, le commis du détachement ou laissant des messages sur le gestionnaire de message du commis du détachement.

B. Défaut de répondre aux exigences professionnelles

24 M. Scott a affirmé que l’ensemble des agents des pêches stagiaires devait passer des tests médicaux et physiques, des tests psychologiques pour porter une arme à feu, être titulaire d’un permis de conduire valide et recevoir la cote de sécurité appropriée.

25 M. Scott a témoigné que, dans le cadre du PPCAP, le travail de l’agent des pêches stagiaire était évalué par un comité d’examen de trois personnes présidé par lui. Le processus d’examen comprend un examen écrit et une évaluation du travail des agents des pêches stagiaires en fonction des compétences des agents des pêches. M. Scott a déclaré que pour examiner les compétences, on présentait aux agents des pêches stagiaires des exemples des compétences des agents des pêches et on leur demandait de présenter au comité d’examen des observations écrites comprenant des exemples de leur travail réel sur le terrain tout en démontrant la façon dont ils ont atteint les compétences pour lesquelles ils sont évalués.

26 M. Scott a témoigné que l’examen avait lieu après 18 mois dans le PPCAP. Pour réussir, avancer et devenir un employé classifié GT-03, les agents des pêches stagiaires doivent satisfaire aux compétences évaluées par le comité d’examen. Selon M. Scott, il effectue un examen préliminaire des observations de chaque agent des pêches stagiaire relatives aux compétences pour voir s’il y a des parties des observations qui peuvent être améliorées; le cas échéant, il présente des suggestions aux agents des pêches stagiaires pour qu’ils puissent présenter leurs meilleurs exemples dans leurs observations au comité d’examen.

27 M. Lambert a déclaré que M. Scott assurait la prestation de formations depuis 20 ans et qu’il avait supervisé le processus de formation. Il est très conscient du processus et, s’il y a quelque chose qu’une recrue ne comprend pas, il est important de veiller à ce que les agents des pêches stagiaires bénéficient de toute la formation dont ils ont besoin. Selon M. Lambert, les superviseurs des fonctionnaires se sont réunis avec le fonctionnaire. Il était également au courant qu’au printemps 2009, une rencontre avait eu lieu au cours de laquelle les questions ont fait l’objet d’une discussion. M. Lambert a également déclaré qu’il était informé du fait que les progrès du fonctionnaire avaient été revus deux à trois mois après la rencontre du printemps 2009.

28 Le fonctionnaire a présenté au comité d’examen ses premières observations en les acheminant à M. Scott le 22 janvier 2010. Une copie de ces commentaires a été marquée en tant que pièce E-2. M. Scott a déclaré que le 15 février 2010, il avait renvoyé les observations du fonctionnaire avec les suggestions suivantes au fonctionnaire pour qu’il les modifie avant l’évaluation officielle :

 [Traduction]

[…]

Vous devez soumettre de nouveau vos réponses pour les compétences suivantes :

  • Raisonnement analytique
  • Capacité à obtenir des renseignements
  • Adaptabilité
  • Confiance en soi
  • Initiative
  • Orientation axée sur les résultats
  • Travail d’équipe et collaboration

Vos réponses doivent répondre aux définitions qui vous ont été présentées et vous devez présenter des réponses élaborées et fournir les détails nécessaires. Les réponses que vous avez présentées sont très brèves, ne contiennent pas les détails nécessaires et ne satisfont pas aux critères d’évaluation. En outre, on vous a indiqué que ces exemples devaient être validés par votre superviseur sur le terrain et le superviseur du détachement.

« N’oubliez pas que vos observations écrites doivent également être validées par votre formateur sur le terrain et votre superviseur sur le terrain et être corroborées par le superviseur de votre détachement avant d’être présentées ».

Veuillez présenter vos compétences modifiées au plus tard à 8 h, le lundi 22 février 2008.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

29 Le fonctionnaire a modifié et a présenté de nouveau ses observations en fonction des compétences. Les observations et l’évaluation du comité sont marquées en tant que pièce E-3. M. Scott a transmis l’évaluation du comité au fonctionnaire au moyen d’un courriel daté du 5 mars 2010, qui déclarait en partie ce qui suit :

 [Traduction]

[…]

[…] Les compétences modifiées ont été examinées de nouveau le 22 février 2010 et, pendant son deuxième examen, le comité est arrivé à la conclusion que 6 de ces compétences ne répondaient toujours pas aux critères d’évaluation. Ces compétences sont les suivantes :

  • Adaptabilité
  • Confiance en soi
  • Fiabilité
  • Initiative
  • Orientation axée sur les résultats
  • Travail d’équipe et collaboration

Un examen de votre journal GT-03 a également été effectué et de nombreux éléments n’ont pas d’entrées pour la période de formation sur le terrain. Compte tenu des résultats du processus d’évaluation, votre programme de formation sur le terrain a été prorogé de trois mois à compter du 1er mars 2010 jusqu’au 31 mai 2010. Pendant cette prorogation, il est impératif que vous vous concentriez sur les secteurs qui ont été relevés et que vous travailliez avec votre superviseur pour veiller à ce que vous receviez une formation dans ces domaines. […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

30 Il existe trois domaines généraux à l’égard desquels les agents des pêches stagiaires sont évalués : « connaissances », « aptitudes et compétences » et « qualités personnelles ». Le fonctionnaire a réussi les parties concernant les connaissances et les aptitudes et les compétences; cependant, il n’a pas réussi la partie concernant les qualités personnelles. M. Scott a prorogé de trois mois la durée de la formation, c’est-à-dire jusqu’au 31 mai 2010, après quoi le fonctionnaire devait être évalué de nouveau.

31 Les aptitudes personnelles comprennent sept compétences : « adaptabilité », « confiance en soi », « contrôle de soi », « fiabilité », « initiative », « orientation axée sur les résultats » et « travail d’équipe et collaboration ».

32 Le 30 mai 2010, à la fin de la prorogation de trois mois, le fonctionnaire a remis à M. Scott ses observations en fonction des compétences. La pièce E-4 est une copie des observations du fonctionnaire à l’égard des compétences datée du 30 mai 2010, ainsi que l’évaluation du comité d’examen datée du 3 juin 2010. Une fois de plus, le fonctionnaire a réussi les parties sur les connaissances et les aptitudes et les compétences; cependant, il a de nouveau échoué celle sur les qualités personnelles.

33 Des sept compétences comprises dans les qualités personnelles, le fonctionnaire a échoué aux compétences « fiabilité » et « orientation axée sur les résultats ».

34 Sous Fiabilité, le formulaire d’évaluation indique ce qui suit :

[Traduction]

Est ponctuel. Se comporte conformément au Code de conduite des agents des pêches. On peut se fier à lui pour accomplir les fonctions attribuées avec un minimum de supervision. Accomplit les tâches constamment d’une façon appropriée et en temps opportun, conformément à ce qui a été demandé.

35 Sous Orientation axée sur les résultats, le formulaire d’évaluation indique ce qui suit :

[Traduction]

Améliore le rendement : Établit ses propres objectifs ou effectue des changements précis dans ses propres méthodes de travail ou celles de son équipe pour améliorer le rendement (p. ex. fait quelque chose de mieux, de façon plus efficace; améliore la qualité).

36 Il n’y a rien d’établi dans l’évaluation des compétences, à la pièce E-4, qui indique que le fonctionnaire a échoué aux deux compétences. MM. Scott et Rogers ont présenté des éléments de preuve. Lors de l’interrogatoire principal, on a demandé à M. Scott  d’indiquer de façon précise en quoi le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux compétences. M. Scott a témoigné que les observations fondées sur les compétences visent à établir des règles de jeu équitables; les agents des pêches stagiaires doivent se servir de leur expérience. Il a déclaré qu’il était membre d’un comité composé de trois membres, auquel participaient au moins un agent des pêches actif et une personne des ressources humaines et où l’on tente d’avoir au moins un membre du comité qui est une femme. Il a ensuite déclaré qu’ils examinaient les exemples présentés par les agents des pêches stagiaires pour déterminer si l’agent des pêches stagiaire répondait ou non à la définition telle qu’elle est présentée dans la compétence.

37 On a également questionné M. Rogers au sujet du processus du comité d’examen. On lui a également posé des questions à propos des compétences du fonctionnaire à l’égard du processus. Il a répondu que trois membres du comité examinaient individuellement les présentations et se réunissaient pour en discuter, puis l’évaluer et parvenir à un consensus.

38 Jennifer Kendall travaille aux ressources humaines et, à l’époque, elle occupait le poste de conseillère intérimaire en ressources humaines. Elle était la troisième membre des deux comités d’examen qui ont évalué le fonctionnaire. Aucune preuve n’a été présentée pour laisser entendre que Mme Kendall est une agente des pêches formée.

39 On a également posé à Mme Kendall des questions principalement sur le processus du comité d’examen. On lui a également posé des questions à propos des compétences du fonctionnaire à l’égard du processus. Elle a répondu que trois membres du comité examinaient individuellement les présentations et se réunissaient pour en discuter, puis l’évaluer et parvenir à un consensus.

40 Dans la preuve qu’ils m’ont présentée, ni M. Scott, ni M. Rogers, ni Mme Kendall  ne m’ont expliqué comment il se faisait que le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux deux compétences établies dans la pièce E-4.

C.   Défaut de respecter les politiques, procédures et pratiques établies, de même que les codes de conduite

41 Au moment de témoigner sur ce quoi il se fiait pour justifier sa conclusion selon laquelle le fonctionnaire avait omis de respecter les politiques, procédures, pratiques et codes de conduite établis, M. Lambert s’est fié à deux occurrences, ce qui, selon ce qu’il a affirmé, l’a mené à tirer cette conclusion :

  1. Il a contrevenu à la politique de la GRC interdisant la consommation d’alcool sur la base alors qu’il se trouvait au Dépôt de formation de la GRC à Regina.
  2. Il a omis de respecter la politique sur les armes à feu lorsque le chargeur d’une arme a disparu.

42 En ce qui concerne l’affaire au Dépôt de la GRC à Regina, M. Lambert a déclaré qu’il existait une politique interdisant la consommation d’alcool alors qu’une personne se trouvait à l’installation de formation. Le fonctionnaire était au courant de cette règle et y a contrevenu. On a remis au fonctionnaire une lettre de réprimande pour cet acte. La lettre était datée du 10 mars 2008 (pièce E-1, onglet 11). Dans la lettre de réprimande, il était mentionné qu’une autre inconduite de la part du fonctionnaire dans le cadre de la formation entraînerait son renvoi de ce programme.

43 Le programme au Dépôt de formation de la GRC était antérieur à l’offre d’emploi faite au fonctionnaire en tant qu’agent des pêches stagiaire, qui lui a été faite le 7 mai 2008; par conséquent, il précédait sa période de stage.

44 Lors de son contre-interrogatoire, M. Lambert n’était pas certain de la date de commencement du stage du fonctionnaire. Il semblait croire que celui-ci avait commencé pendant qu’il se trouvait au Dépôt de formation de la GRC. Ce n’est qu’au moment du réexamen, lorsqu’on lui a montré la lettre d’offre d’emploi du fonctionnaire datée du 7 mai 2008, que M. Lambert a déclaré que la période de stage du fonctionnaire avait commencé le 26 mai 2008, soit la date à laquelle il a commencé son emploi au MPO.

45 Pendant le contre-interrogatoire de M. Scott, la lettre de réprimande du 10 mars 2008 (pièce E-1, onglet 11) lui a été présentée et on lui a demandé si cette lettre faisait partie de l’évaluation du fonctionnaire. À ce stade, on a excusé M. Scott de la barre des témoins et on a tenu une discussion quant à la pertinence de ce document et de son contenu en ce qui a trait aux questions abordées dans le cadre de la présente audience. À la fin de la discussion, l’employeur m’a informé qu’il ne se fiait pas à la pièce E-1, onglet 11 (la lettre de réprimande du 10 mars 2008).

46 Le deuxième incident portait sur la perte d’un chargeur pour l’arme de service du fonctionnaire. Un chargeur contient des balles pour l’arme. M. Lambert a témoigné que la politique sur les armes à feu établissait une procédure claire et que cette procédure n’avait pas été respectée par le fonctionnaire. La politique exige que, dans le cadre d’une perte, le contrôleur des armes à feu, le service de police local et le superviseur en soient informés.

47 La politique sur les armes à feu n’a pas été présentée à l’audience, même si un extrait de celle-ci a été copié-collé dans un courriel envoyé par M. Scott au fonctionnaire dans le cadre d’une série de courriels envoyés à propos du chargeur perdu (pièce E-1, onglet 4). M. Scott a déclaré que la politique était accessible sur le site Web de l’employeur et qu’elle était environ 80 à 90 pages.

48 L’extrait, tel qu’il figure dans la pièce E-1, onglet 4, indique ce qui suit :

[Traduction]

58.1 Lorsqu’un chargeur pour un pistolet semi-automatique Smith and Wesson, modèle 5946, délivré par le MPO est perdu ou volé, l’agent des pêches à qui le chargeur a été délivré doit immédiatement signaler, verbalement et par écrit les circonstances concernant la perte ou le vol au

a) service de police de l’administration locale;

b) superviseur de l’agent des pêches;

c) contrôleur régional des armes à feu.51

49 M. Scott a témoigné que, même s’il supervise la formation sur les armes à feu dans la région, il ne se trouve pas en tout temps au champ de tir. Il y a des contrôleurs des armes à feu qui sont sur place et qui sont responsables de la formation. Le champ de tir est situé dans les environs de St. John’s.

50 M. Francis a témoigné que la perte d’une arme ou de munitions présentait un danger pour le public.

51 Lorsqu’on lui a posé des questions sur les répercussions de la perte d’un chargeur, M. Lambert a témoigné que le chargeur contenait les munitions et que, l’année dernière (2013), un chargeur avait été perdu et qu’on avait procédé à une recherche importante.

52 Le fonctionnaire a témoigné que, pendant l’une des journées de sa formation de requalification sur les armes à feu, il a perdu un chargeur vide. La majorité de la preuve relativement à cet incident est claire et est présentée dans les courriels qui figurent dans la pièce E-1, onglet 4, et par fonctionnaire lui-même.

53 La pièce E-1, onglet 4, est une série d’échanges de courriels liés à la perte du chargeur. La pièce ne semble pas comprendre l’ensemble des échanges de courriels. Il semble y avoir des parties des échanges qui ont été obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (la « LAI »). On ne m’a pas expliqué pourquoi ces documents, qui ont été produits et présentés en preuve par l’employeur, ont dû être obtenus au moyen de la Loi sur l’accès à l’information, car les documents sont la propriété de l’employeur.

54 On avait remis trois chargeurs au fonctionnaire pour son arme de service. Les 27 et 28 janvier 2010, le fonctionnaire et d’autres ont participé à une formation de requalification sur les armes à feu dans un champ de tir situé à St. John ou dans les environs de St. John’s. Le mercredi 27 janvier 2010, à la fin de la journée de formation, le fonctionnaire est parti du champ de tir et est retourné à Bay Roberts. Il a témoigné qu’il croyait être parti du champ de tir avec tous ses chargeurs, soit deux dans sa pochette de service, et un dans son arme. Il a déclaré qu’il ne s’était aperçu que le chargeur qui devait être dans son arme ne s’y trouvait pas que vers 19 h, lorsqu’il est retourné à Bay Roberts.

55 Selon le fonctionnaire, aucun de ses chargeurs n’était chargé. Selon la preuve dont je suis saisi, aucune munition n’a été perdue.

56 Le fonctionnaire a déclaré qu’il savait qu’il devait signaler la perte, mais qu’il ne savait pas avec certitude qui il devait informer. Le jour suivant, le jeudi 28 janvier 2010, il a informé le contrôleur des armes à feu qui était responsable de la formation le jour précédent, Wilfred Porter, du chargeur perdu. Il a affirmé avoir demandé à M. Porter si on avait retrouvé des chargeurs de rechange et on lui a répondu [traduction] « non ». Il a témoigné avoir également demandé à M. Porter s’il devait informer quelqu’un d’autre à propos du chargeur perdu, ce à quoi M. Porter lui a répondu [traduction] « non ». M. Porter lui a remis un chargeur de rechange et il lui dit d’informer M. Scott si l’on retrouvait le chargeur perdu.

57 Le jeudi 2 février 2010, M. Porter a envoyé un courriel à Trent Barrett. On ne m’a pas informé du poste qu’occupait M. Barrett au sein de l’organisation. Le courriel de M. Porter à M. Barrett a été envoyé à 10 h 36, le 2 février 2010, et est rédigé comme suit :

 [Traduction]

[…]

J’ai réfléchi à propos du chargeur perdu par Craig. Je ne crois pas que nous avons traité cette affaire comme il se doit. Selon la Politique sur les armes à feu, tout chargeur perdu ou volé doit être signalé aux personnes suivantes : le service de police local, le superviseur de l’agent des pêches et au OAS (Ken). Ce qui me préoccupe le plus est que je crois que le chargeur était chargé. J’ai posé des questions à Craig à propos de cela et il a répondu qu’il ne l’était pas. Il ignore à quel endroit il a perdu le chargeur. On ne l’a pas retrouvé au champ de tir.

[…]

J’ai donné à Craig un autre chargeur qu’un autre agent m’avait remis en me disant qu’il était rentré chez lui l’an dernier avec un chargeur supplémentaire en partant du champ de tir […] On m’a remis le chargeur alors qu’il contenait toujours des munitions de pratique.

J’ai indiqué à Craig de continuer à chercher le chargeur et de signaler s’il le trouvait ou non. J’attends toujours de recevoir de ces nouvelles. Je crois que Ken devrait en être informé.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

58 Entre 10 h 36 et 13 h 5, le 2 février 2010, MM. Porter et Barrett ont échangé quelques courriels très brefs concernant le nombre de chargeurs que le fonctionnaire avait en sa possession lorsqu’il se trouvait au champ de tir. À 13 h 28, le même jour, ils ont commencé à envoyer des copies conformes à M. Scott dans leur chaîne de courriels.

59 Le fonctionnaire a témoigné qu’après la fin de la fin de semaine, il a reçu un courriel de M. Porter indiquant qu’il devait signaler la perte du chargeur à son superviseur. Le fonctionnaire a signalé la perte du chargeur à M. Doyle par courriel le 2 février 2010, ainsi qu’au service de police local.

60 Ni M. Porter ni M. Barrett n’ont témoigné devant moi.

61 M. Scott n’a pas témoigné au sujet de sa participation à l’échange de courriels portant sur le chargeur perdu.

62 On a demandé au fonctionnaire en contre-interrogatoire s’il était au courant de la politique sur les armes à feu. Sa réponse a été [traduction] « je le suis maintenant ». Lorsqu’on lui a laissé entendre une fois de plus en contre-interrogatoire qu’il aurait dû savoir que la politique exigeait de lui qu’il signale le chargeur perdu, le fonctionnaire a répondu en déclarant qu’ [traduction] « il savait qu’il devait le signaler et qu’il avait utilisé son meilleur jugement et l’avait signalé à l’agent du champ de tir ». On a ensuite indiqué au fonctionnaire que l’agent du champ de tir lui avait indiqué de signaler le chargeur perdu, ce à quoi le fonctionnaire a répondu [traduction] « non, pas à ce moment-là ». En réinterrogatoire sur la discussion qu’il a eue avec l’agent du champ de tir (M. Porter) lorsqu’il a signalé la perte du chargeur, on a demandé au fonctionnaire si M. Porter lui avait indiqué de signaler le chargeur perdu à quiconque ce jour-là. Le fonctionnaire a répondu [traduction] « non » à cette question.

63 La politique sur les armes à feu n’a pas été déposée en preuve.

64 Je n’ai entendu aucune preuve relative à ce qui suit :

  1. quelle formation, le cas échéant, le fonctionnaire a reçue sur la politique sur les armes à feu;
  2. la question de savoir si on a remis une copie de la politique sur les armes à feu au fonctionnaire;
  3. les renseignements ou la formation, le cas échéant, reçus par le fonctionnaire concernant l’accès à la politique sur les armes à feu dans le site intranet du MPO;
  4. la question de savoir si la politique sur les armes à feu était effectivement accessible dans le site intranet du MPO au moment où s’est déroulé l’incident de la perte du chargeur.

65 Lorsque M. Lambert a témoigné à propos de son raisonnement qui sous-tendait sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage, on a attiré son attention sur la troisième puce dans sa lettre, faisant référence au défaut de respecter les politiques établies. Dans son explication de ce motif, il a mentionné le fait que le fonctionnaire n’avait pas respecté la politique sur les armes à feu et qu’il n’avait pas respecté la politique de la GRC relativement à l’interdiction de consommer de l’alcool au Dépôt de formation de la GRC, à Regina. M. Lambert a ensuite ajouté que le fonctionnaire n’avait pas respecté les règles claires selon lesquelles, s’il est malade, il devait communiquer avec son superviseur et présenter une note du médecin. Selon M. Lambert, il y a eu de nombreux exemples d’aide donnée au fonctionnaire, que ce dernier n’était pas en mesure de comprendre ou ne voulait pas comprendre.

66 En contre-interrogatoire, on a questionné M. Lambert au sujet de la durée, du début et de la fin de la période de stage. M. Lambert a témoigné que la période de stage était de 30 mois et qu’il n’était pas certain du moment où la période de stage du fonctionnaire avait commencé. Il comprenait que la période de stage avait été prolongée et qu’il croyait qu’elle durait 33 mois.

D. Assiduité en raison de troubles médicaux

67 Le fonctionnaire a témoigné que, pendant la durée de la période de stage, il a cherché à obtenir des services de counseling en raison de problèmes personnels. Il a déclaré que son superviseur immédiat, M. Doyle, était au courant des séances de counseling et que, une fois, M. Doyle lui avait demandé comment se déroulaient les séances de counseling. Le fonctionnaire a déclaré avoir à M. Doyle que le conseiller lui avait dit qu’ : [traduction] « il semblait un peu déprimé ». Il a déclaré que, peu après avoir dit cela à M. Doyle, il a été convoqué dans le bureau de M. Francis, il a été retiré du travail sur le terrain, son arme courte lui a été confisquée et il a dû se soumettre à une évaluation de son aptitude au travail.

68 M. Francis a témoigné avoir entendu le fonctionnaire dire à M. Doyle qu’ [traduction] « il était possible qu’il soit atteint de dépression ». Il a déclaré qu’il avait convoqué le fonctionnaire et M. Doyle dans son bureau et les avait informés qu’en raison de l’utilisation du terme [traduction] « dépression », le fonctionnaire devait remettre son arme à feu. Il a affirmé qu’il aurait fait preuve de négligence si quelqu’un sous sa supervision souffrait de dépression et qu’il lui permettait de conserver une arme à feu. Il a déclaré qu’il n’avait jamais été informé du fait que le fonctionnaire souffrait effectivement de dépression et qu’on lui avait confisqué son arme à feu en raison du fait que M. Doyle avait utilisé le terme « dépression ».

69 Le fonctionnaire a déclaré avoir été retiré du terrain pendant une période de trois mois. Il a témoigné qu’il croyait que cette perte de trois mois sur le terrain aurait une incidence sur son rendement.

70 Il n’y avait aucune preuve selon laquelle le fonctionnaire souffrait de dépression ou qu’on lui avait diagnostiqué une dépression.

71 Le fonctionnaire a subi une évaluation de son aptitude au travail et un rapport a été signé par le médecin de Santé Canada en date du 25 novembre 2008. Dans ce rapport, il était indiqué que le fonctionnaire était apte à retourner au travail et à s’acquitter de l’ensemble de ses fonctions, sans restrictions relatives au travail (pièce E-1, onglet 8).

72 Le fonctionnaire a témoigné à propos de ses troubles médicaux qui ont eu une incidence sur son assiduité au travail. Il a affirmé qu’il était souvent malade et, à l’époque, il en ignorait la cause.

73 Le fonctionnaire a témoigné que, en raison de la durée de la période pendant laquelle il a été malade, M. Francis lui a demandé de présenter des certificats médicaux. Le fonctionnaire a déclaré dans sa preuve que, lorsqu’on lui a demandé de présenter un certificat médical, il l’a fait (pièce E-1, onglet 3).

74 La pièce E-1, onglet 3 est une série de courriels entre un certain nombre de personnes, dont le fonctionnaire, M. Doyle, M. Francis et M. Rogers, à propos de la question liée aux congés de maladie. Dans la chaîne de courriels, il y a un courriel daté du 4 mai 2009 de M. Rogers dans lequel on a annexé un copier-coller de l’article 39 de la convention collective, qui traite des congés de maladie. Dans ce courriel, M. Rogers indique qu’il n’est plus nécessaire que le fonctionnaire présente des certificats médicaux, mais que le fonctionnaire devait avoir des crédits de congé de maladie et convaincre M. Francis qu’il était malade. Le dernier courriel dans la chaîne date du 4 mai 2009, à 12 h 19, le 4 mai 2009, et a été envoyé par M. Francis à M. Rogers. Il se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Il y a un problème en ce qui concerne les congés de maladie de Craig. Je lui ai parlé il y a quelques jours et j’ai accepté de reporter un déficit pour lui, en espérant qu’il serait en mesure de les compenser. À l’époque, ce déficit était de 6 à 7 jours. Je lui ai demandé un billet du médecin à titre de mécanisme de contrôle, dans l’espoir de garder le déficit sous contrôle. Il a actuellement un déficit de 10,75 heures. Je suppose que c’est pour l’intégralité de l’exercice 2009-2010. Que faites-vous!!!!!!

75 Les paragraphes 39.02, 39.03 et 39.04 de la convention collective sont ainsi rédigés :

39.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a)       qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine;

et

b)       qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

39.03 À moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il ou elle a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l’Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 39.02a).

39.04 Lorsque l’employé-e n’a pas de crédits ou que leur nombre est insuffisant pour couvrir l’attribution d’un congé de maladie payé en vertu des dispositions du paragraphe 39.02, un congé de maladie payé peut lui être accordé à la discrétion de l’Employeur pour une période maximale de cent quatre-vingt-sept virgule cinq (187,5) heures, sous réserve de la déduction de ce congé anticipé de tout crédit de congé de maladie acquis par la suite.

76 M. Francis a affirmé que, pendant les 15 premiers mois de formation, le fonctionnaire avait utilisé 25 ou 26 journées de congé de maladie et qu’il se trouvait dans une situation déficitaire de moins onze jours. Il a confirmé qu’il avait demandé au fonctionnaire de fournir des certificats médicaux d’un médecin (pièce E-1, onglet 3).

77 Le fonctionnaire a témoigné que son médecin de famille avait éventuellement diagnostiqué qu’il souffrait du syndrome du côlon irritable, ce qui a été décrit dans un certificat médical qui a été remis à l’employeur. Il a également témoigné que son médecin de famille l’avait renvoyé à un spécialiste; cependant, ce rendez-vous avec le spécialiste n’a eu lieu qu’après son renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire a témoigné qu’après avoir consulté le spécialiste, même si cette rencontre a eu lieu après son renvoi en cours de stage, on lui avait diagnostiqué une hernie hiatale, ce qui était la cause de ses maux d’estomac récurrents qui faisaient qu’il devait s’absenter du travail.

78 En contre-interrogatoire, on a demandé au fonctionnaire s’il avait toujours respecté la demande de son superviseur de présenter un certificat médical, ce à quoi il a répondu [traduction] « oui ». On a montré au fonctionnaire un billet de médecin (pièce E-5) daté du 6 janvier 2009 et on lui a demandé s’il reconnaissait le billet, ce à quoi il a répondu [traduction] « oui ». On lui a ensuite demandé s’il avait des copies des billets qu’il avait remis à l’employeur, ce à quoi il a répondu [traduction] « oui ». On lui a demandé s’il les avait apportées à l’audience, ce à quoi il a répondu [traduction] « non ».

79 On n’a posé aucune question aux témoins de l’employeur à propos des dates d’absence du fonctionnaire et pour lesquelles il était tenu de fournir un billet de médecin mais ne l’avait pas fait.

80 Aucun témoin n’a témoigné pour dire que le fonctionnaire n’avait pas respecté une demande quelconque de fournir un certificat médical ou un billet de médecin sur demande.

81 Aucune politique, règle ou ligne directrice selon lesquelles les agents des pêches stagiaires sont tenus d’appeler une personne en particulier s’ils n’étaient pas en mesure de se présenter au travail en raison d’une maladie n’a été déposée en preuve.

82 Selon le témoignage de M. Francis, le fonctionnaire était censé communiquer avec M. Doyle ou, en son absence, lui-même pour les informer de son absence du travail. Il a déclaré que, en certaines occasions, le fonctionnaire n’avait pas appelé M. Doyle ou lui-même lorsqu’il prévoyait s’absenter en raison d’une maladie.

83 La pièce E-1, onglet 9, est un courriel daté du 17 mai 2010, de M. Francis à M. Rogers, dont M. Doyle a reçu une copie conforme, qui est intitulé [traduction] « Questions récurrentes concernant les congés de maladie et le défaut de communiquer avec le superviseur lorsqu’un congé est pris ». Le courriel est une série de 11 puces établies par M. Francis à l’égard de cette question concernant l’absence au travail du fonctionnaire, en raison d’une maladie, du lundi 10 mai 2010 au lundi 17 mai 2010. Même si M. Francis est l’auteur du courriel, il ne semble pas avoir participé aux discussions qui ont eu lieu. Les personnes identifiées dans le courriel qui ont participé aux discussions sont le fonctionnaire, M. Doyle, l’agent des pêches Harrison Sharpe, et la commis du détachement, Samantha Newhook.

84 Comme on l’a indiqué plus tôt, M. Doyle n’a pas témoigné devant moi. Ni l’agent des pêches Sharpe ni Mme Newhook n’ont témoigné devant moi.

85 La pièce E-1, onglet 6 comprenait des renvois à un certain nombre de documents portant sur une plainte de harcèlement. Dans la preuve qu’il a présentée quant au raisonnement qui sous-tend le licenciement de son emploi, M. Lambert n’a pas mentionné ces documents; le fonctionnaire n’a pas non plus parlé de ces documents ou de cette question.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

86 L’employeur a fait valoir que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage de bonne foi et pour des motifs légitimes liés à l’emploi. Le fonctionnaire n’était pas un employé convenable.

87 L’employeur a affirmé que la preuve n’appuyait pas l’allégation voulant que le licenciement de l’emploi du fonctionnaire soit un subterfuge, un camouflage, factice ou de mauvaise foi ou une mesure disciplinaire déguisée. Il a ajouté qu’en vertu de la LRTFP, un arbitre de grief  n’avait pas compétence pour se prononcer sur cette affaire.

88 M. Lambert a témoigné qu’il avait décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage pour les motifs suivants :

  1. préoccupations liées à la fiabilité et à la présence;
  2. défaut de répondre aux exigences professionnelles;
  3. défaut de respecter les politiques, procédures et pratiques établies, de même que les codes de conduite.

89 L’employeur a déclaré que l’usage de congés de maladie de la part du fonctionnaire n’était pas au cœur du problème, mais bien le fait qu’il ne respectait pas le protocole établi qui consistait à prévenir lorsqu’il n’était pas en mesure de se présenter au travail. Il n’a pas communiqué avec son superviseur immédiat ou avec le superviseur de son détachement comme il en avait été informé. C’est ce qui est indiqué dans le courriel de M. Francis à M. Rogers, daté du 17 mai 2010, et qui figure à la pièce E-1, onglet 9.

90 L’employeur a déclaré que MM. Rogers et Francis avaient parlé de la question du défaut du fonctionnaire de respecter les exigences de l’emploi. Le fonctionnaire éprouvait des problèmes à l’égard de son travail sur des dossiers de contravention. Il n’a pas satisfait les compétences écrites lors de son examen qui a eu lieu au bout de 18 mois et il a eu un délai de trois mois pour s’améliorer. Après 21 mois, malgré le fait qu’on lui ait accordé une prorogation, un encadrement et des directives, le fonctionnaire ne s’était pas amélioré. Selon la preuve des trois membres du comité d’examen, MM. Scott et Rogers et Mme Kendall, le fonctionnaire n’a pas satisfait aux compétences d’un employé classifié GT-03 pour lui permettre de passer au PPCAP.

91 L’employeur a fait valoir que le défaut du fonctionnaire de respecter la politique sur les armes à feu lorsqu’il a perdu un chargeur pour son arme courte, lequel faisait partie de son équipement défensif, était une démonstration du fait que le fonctionnaire avait omis de respecter les politiques établies.

92 Un arbitre de grief a abordé la question des objections à la compétence dans des affaires en vertu de la LEFP dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2010 CRTFP 134. Le paragraphe 112 est ainsi libellé :

112   Comme j’ai conclu plus tôt dans la présente décision, les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver l’existence d’un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement, si ce n’est qu’il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé (ni sur un motif lié à l’emploi légitime) s’appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

93 Le paragraphe 127 de Tello est ainsi libellé :

127   Comme le fonctionnaire a été incapable d’établir que la décision de le renvoyer en cours de stage était arbitraire, il lui incombe de prouver que le licenciement est un subterfuge ou du camouflage. Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462, on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir. […] ». Dans McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–02–23967 (19931119), un arbitre de grief a mentionné, à la page 14, qu’à son avis :

[…]

[…] si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle. […]

[…] Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons […] en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur. […]

[…]

94 Dans Rahman c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien),2013 CRTFP 6, confirmée par Rahman c. Canada (Procureur général),2013 CF 1007, il a été conclu que le licenciement d‘un employé en stage peut uniquement être examiné par un arbitre de grief lorsque le licenciement est factice ou qu’il s’agit d’un subterfuge ou d’un camouflage dans le but de licencier un employé pour un motif autre que le rendement. Ce même concept est établi au paragraphe 135 de Michaux c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2012 CRTFP 38.

95 L’employeur m’a également renvoyé à Canada (Procureur général) c. Penner,[1989] 3 CF 429 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi,2001 CFPI 529; Archambault c. Canada (Agence des douanes et du revenu),2005 CF 183; Chaudhry c. Canada (Procureur général),2007 CF 389; Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie),2009 CRTFP 175; Maqsood c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 309; Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2010 CRTFP 136; Kagimbi c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 19; Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 400; Hamza c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale),2010 CRTFP 119; Currie c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans),2010 CRTFP 10.

96  Au cas où il y aurait des questions soulevées à l’égard de la crédibilité, je dois examiner le raisonnement présenté aux paragraphes 10 à 12 de Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (BCCA), qui est reconnu par la CRTFP dans Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire,2009 CRTFP 145, au paragr. 137.

97 L’employeur a affirmé qu’il n’existait aucun fait permettant d’établir qu’il s’agissait d’autre chose qu’un renvoi en cours de stage légitime et qu’il n’existait aucun subterfuge, camouflage, mesure disciplinaire déguisée ou acte de mauvaise foi.

B. Pour la fonctionnaire

98 Selon le fonctionnaire, l’employeur a agi de mauvaise foi. Le vrai motif de l’employeur qui sous-tend le licenciement du fonctionnaire était l’état de santé de celui-ci.

99 L’employeur a envoyé le fonctionnaire subir une évaluation de l’aptitude à travailler lorsqu’il a entendu le mot « dépression ».

100 L’employeur a produit un certificat médical, daté du 6 janvier 2009 (pièce E-5). L’employeur a fait valoir qu’il n’en avait qu’un au dossier. Toutefois le fonctionnaire a affirmé avoir fourni d’autres certificats médicaux. La pièce E-1, onglet 3 est une série de courriels entre un certain nombre de personnes, dont le fonctionnaire, M. Doyle, M. Francis et M. Rogers, à propos de la question liée aux congés de maladie. Dans la chaîne de courriels, il y a un courriel daté du 4 mai 2009, de M. Rogers, dans lequel on a annexé un copier-coller de l’article 39 de la convention collective, qui traite des congés de maladie. Dans ce courriel, M. Rogers a indiqué qu’il n’était plus nécessaire que le fonctionnaire présente des certificats médicaux, mais que le fonctionnaire devait avoir des crédits de congé de maladie et convaincre M. Francis qu’il était malade.

101 Le fonctionnaire s’est conformé aux directives de l’employeur lorsqu’on lui a demandé de fournir des certificats médicaux. Le vrai problème est le fait que le fonctionnaire était malade. Une utilisation légitime des crédits de congé de maladie ne constitue pas un motif légitime pour renvoyer quelqu’un en cours de stage.

102 Le défendeur a déclaré que le fonctionnaire avait omis de signaler ses absences à son superviseur lorsqu’il était malade. Le fonctionnaire en informait son employeur lorsqu’il était malade et il a respecté les procédures établies dans la convention collective. L’employeur n’a présenté aucune autre politique, procédure ou règle qui laisserait entendre qu’il devait faire plus que ce qui était prévu dans la convention collective. Le problème réel ici est la fiabilité en raison de l’utilisation des congés de maladie.

103 L’article 39 de la convention collective prévoit que, lorsqu’un employé n’a plus de crédits de congé de maladie, l’employeur peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, avancer des crédits à l’employé. C’est ce qui s’est produit avec le fonctionnaire et il s’agit de la préoccupation réelle. La pièce E-1, onglet 3, comprend un courriel daté du 14 septembre 2009, de M. Francis à M. Doyle, dans lequel il décrit une discussion à propos du rendement du fonctionnaire ainsi que ses soldes de crédits de congé de maladie. M. Francis a déclaré ce qui suit à propos des soldes de congé de maladie :

[Traduction]

[…]

J’ai informé Craig que son solde de crédits de congé de maladie était maintenait de - 11 jours et que je n’étais pas prêt à reporter un solde négatif plus longtemps. Je lui ai rappelé que, sur le plan contractuel, il existait une disposition selon laquelle l’employeur avait le pouvoir discrétionnaire d’approuver des soldes de crédits de congé de maladie jusqu’à un maximum de - 25 jours, mais j’estimais que Craig, en tant qu’employé relativement nouveau, avait déjà utilisé une quantité excessive de crédits de congé de maladie et que tout autre congé de maladie serait considéré comme un congé non payé. En outre, Craig a été informé que tout autre congé de maladie devrait être justifié au moyen d’un billet du médecin.

Craig a consulté un médecin plus tôt cet après-midi-là et est revenu avec un formulaire, signé par son médecin, dans lequel on demandait qu’il subisse certains tests en laboratoire dans l’espoir de déterminer ce qui faisait en sorte qu’il ait besoin d’autant de congés de maladie.

[…]

104 Quant à son défaut présumé de signaler ses absences à ses superviseurs, le fonctionnaire a suivi les procédures établies conformément à la convention collective. L’employeur n’a présenté aucune preuve selon laquelle le fonctionnaire est tenu d’aller au-delà de ce qui est indiqué dans la convention collective.

105 En ce qui a trait à la perte d’un des chargeurs de l’arme à feu du fonctionnaire, ce dernier a signalé la perte du chargeur. La pièce E-1, onglet 4, comprend un courriel de M. Porter, l’instructeur d’armes à feu du fonctionnaire. Dans ce courriel, M. Porter a admis qu’un autre agent et lui-même avaient communiqué les mauvaises directives au fonctionnaire.

106 L’employeur a utilisé à la fois le manquement présumé à la politique sur les armes à feu et l’incident au Dépôt de formation de la GRC; cependant, s’il n’y a aucune question quant à la date de début de la période de stage, le fait que l’employeur se soit fié à l’incident au Dépôt de formation de la GRC et à la lettre de réprimande (pièce E-1, onglet 11) constitue des éléments de preuve de la mauvaise foi de la part de l’employeur. L’incident au Dépôt de formation de la GRC était antérieur à l’offre d’emploi au fonctionnaire et, par conséquent, antérieur à la période de stage.

107 Le paragraphe 79 de Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Procureur général du Canada Service correctionnel),2004 CRTFP 109, est ainsi libellé :

79    Pour établir si les gestes de l’employeur ont été posés de bonne foi, je dois me pencher sur la signification de la bonne foi. Dans le document intitulé « Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable », la bonne foi est définie de la façon suivante : « Désigne une façon de se comporter reposant sur l’honnêteté des intentions et l’équité du traitement. » Le critère ou la procédure/les principes adoptés par le Conseil du Trésor quant aux principes d’équité sont les suivants :

  • agir de bonne foi;
  • communiquer au fonctionnaire tous les renseignements concernant l’exécution de ses fonctions;
  • faire savoir au fonctionnaire qu’il ne satisfait pas aux exigences du poste et l’informer de la nature du problème et des conséquences, s’il ne corrige pas les lacunes signalées;
  • donner au fonctionnaire la possibilité de prendre les dispositions qui lui permettront de répondre aux exigences de son poste;
  • aider le fonctionnaire, dans la mesure du possible, à prendre les dispositions nécessaires;
  • explorer les solutions raisonnables autres que le licenciement et la rétrogradation.

108 Le fonctionnaire m’a également renvoyé à McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42.

109 L’employeur n’a pas pleinement informé le fonctionnaire quant à ce qui était exigé de lui; il ne l’a pas non plus informé des conséquences. Le courriel daté du 14 septembre 2009, de M. Francis à M. Doyle (pièce E-1, onglet 3), satisfait presque ces exigences, mais n’y arrive pas tout à fait. En outre, il n’y a aucun élément de preuve selon lequel l’employeur s’est acquitté de son obligation d’aider le fonctionnaire en procédant aux ajustements nécessaires.

110 S’il ne s’agit pas d’un acte de bonne foi, il doit par conséquent s’agir d’un acte de mauvaise foi.

111 La lettre du 5 juillet 2010 (pièce E-1, onglet 1) établit les trois motifs de base pour le licenciement :

  • la fiabilité et l’assiduité;
  • le défaut de répondre aux exigences professionnelles;
  • le défaut de respecter les politiques, procédures ou pratiques établies.

112 En ce qui concerne les congés de maladie, le fonctionnaire a suivi les procédures établies dans la convention collective. Il a épuisé tous ses congés de maladie et l’employeur lui a avancé des crédits conformément à la convention collective; le fait qu’on utilise maintenant cette avance contre lui pour justifier son licenciement est un acte de mauvaise foi.

113 Quant à la question du rendement, même s’il peut y avoir eu des lacunes, l’employeur n’a jamais communiqué au fonctionnaire quelles seraient les conséquences; il n’a pas non plus tenté de l’aider. En conséquence, cela constitue un acte de mauvaise foi.

114 Pour ce qui est du défaut de respecter les politiques et les procédures, la preuve est insuffisante quant aux politiques et aux procédures. Le fonctionnaire a effectivement signalé la perte du chargeur; il a agi de bonne foi.

115 Le paragraphe 136 de Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité,2011 CRTFP 103, est ainsi libellé :

136   En résumé, je conclus que le licenciement du fonctionnaire en cours de stage a revêtu un caractère abusif pour deux motifs :

  1. en omettant de lui donner un avis écrit de confirmation de lacunes avant de le licencier, tel que promis, l’employeur n’a pas respecté les politiques et procédures qu’il a mises en œuvre en vertu de l’article 8 de sa loi constitutive et qu’il s’agit d’un vice de fond suffisant pour invalider le licenciement;
  2. en l’absence d’une preuve prépondérante contredisant le témoignage du fonctionnaire, l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de présenter la preuve nécessaire d’un motif lié à l’emploi.

116 Le vrai motif du licenciement est la quantité excessive de congés de maladie pris. Il s’agit d’un subterfuge et d’un camouflage. Le fonctionnaire avait des motifs médicaux légitimes pour s’absenter du travail, les actions de l’employeur constituent donc des actes discriminatoires fondés sur un motif illicite.

117 Le fonctionnaire a demandé que la compétence soit assumée, que son grief soit accueilli et qu’il soit autorisé à achever sa formation et qu’il soit réintégré en tant qu’employé classifié GT-04.

C. Réponse du défendeur

118 L’utilisation des congés de maladie et le déficit relatif aux crédits de congé de maladie ne constituaient pas les motifs du licenciement du fonctionnaire — il s’agissait plutôt de son défaut de respecter le protocole établi en vertu duquel les employés doivent communiquer avec leurs superviseurs pour signaler leurs absences.

119 Dans le cas de la perte du chargeur, il n’y avait pas d’élément de preuve selon lequel la perte ne devait pas être signalée immédiatement au service de police local, à M. Scott et à M. Doyle. Le fonctionnaire aurait dû connaître la politique sur les armes à feu; même si personne ne semblait connaître la politique, lorsqu’ils l’ont su, ils en ont informé le fonctionnaire. Cependant, les agents du champ de tir ne sont pas les superviseurs du fonctionnaire. Une personne raisonnable aurait dû le signaler.

120 Le fonctionnaire n’avait aucune copie de la politique sur les armes à feu et il s’est écoulé cinq jours avant qu’il signale la perte.

121 En ce qui concerne les questions liées au rendement au travail, ses superviseurs l’ont rencontré et lui ont expliqué les problèmes. Lorsque le fonctionnaire n’a pas satisfait aux compétences, ses superviseurs lui ont donné une prorogation du délai. Le fonctionnaire n’a pas contredit le fait qu’il n’avait pas satisfait aux compétences. Il n’a fait aucune mention de sa charge de travail. Le fonctionnaire a eu la possibilité de réussir et il n’a pas satisfait les exigences des définitions. Le fonctionnaire a reçu de l’aide, ce qu’il n’a pas contesté lors de son témoignage.

IV. Motifs

122 La première question dont je suis saisi en est une relative à la compétence. L’article 211 de la LRTFP est ainsi rédigé :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

b) soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

123 La jurisprudence dans ce domaine est assez bien établie. La Cour fédérale a établi de façon succincte le critère généralement reconnu aux paragraphes 51 et 53 de Chaudhry, qui sont ainsi libellés :

[…]

51    Dans ces circonstances, l’employeur a convaincu l’arbitre qu’il s’était acquitté du fardeau l’obligeant à montrer qu’il y avait une preuve quelconque d’un motif lié à l’emploi pour procéder à un renvoi en cours de stage. Voir à cet égard la décision Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238, au paragraphe 37, où le juge Lemieux a écrit ce qui suit.

Plus spécifiquement, l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif.

[…]

53    Une fois que l’employeur s’était acquitté de son fardeau, il incombait à l’employé de démontrer la mauvaise foi de ce dernier. À cet égard, l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé que le renvoi en cours de stage était une imposture ou qu’il s’agissait d’une mesure prise de mauvaise foi.

[…]

124 Dans Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, en maintenant la décision de l’arbitre de grief, la Cour fédérale a déclaré que la LRTFP avait été rédigée de façon à offrir à l’employeur beaucoup de souplesse pendant la période de stage « […] justement pour qu’il puisse évaluer les compétences d’un employé potentiel ».La Cour est allée jusqu’à dire que la décision de l’employeur de renvoyer l’employé était une décision qui avait été rendue de bonne foi « […] c’est-à-dire qu’elle est fondée sur une insatisfaction quant aux capacités de l’employé de faire le travail en question ».

125 M. Lambert a pris la décision de licencier le fonctionnaire pour les motifs établis dans la lettre qu’il lui a adressée le 5 juillet 2010, et qui étaient fondés sur les renseignements que d’autres personnes lui avaient communiqués. Les motifs présentés dans cette lettre répondent au critère énoncé dans Tello.

126 Cela ne met toutefois pas fin à l’enquête. Comme il est établi dans la jurisprudence, le fonctionnaire pourrait être en mesure de convaincre un arbitre de grief qu’il a compétence pour se prononcer sur l’affaire s’il peut établir, selon la prépondérance des probabilités, que le motif du licenciement n’était pas un motif légitime lié à l’emploi, mais plutôt un autre motif factice, une mesure disciplinaire déguisée, un subterfuge, un camouflage ou un acte de mauvaise foi. Au paragraphe 127 de Tello, l’arbitre de grief a énoncé ce qui suit :

127   Comme le fonctionnaire a été incapable d’établir que la décision de le renvoyer en cours de stage était arbitraire, il lui incombe de prouver que le licenciement est un subterfuge ou du camouflage. Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462), on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir. […] ». Dans McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–02–23967 (19931119), un arbitre de grief a mentionné, à la page 14, qu’à son avis :

[…]

[…] si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle […]

[…] Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons […] en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur […]

[…]

127 Pour les motifs qui suivent, je conclus que le fonctionnaire a établi que l’employeur a agi de mauvaise foi et qu’il n’a pas fondé sa décision sur une insatisfaction de bonne foi quant à son aptitude. La conclusion à un acte de mauvaise foi est tirée de l’ensemble des faits présentés en appui aux trois motifs présentés par M. Lambert dans sa lettre du 5 juillet 2010.

128 Je suis d’accord avec le raisonnement présenté au paragraphe 92 de Dhaliwal, qui est rédigé comme suit :

92    Avant de prononcer et de rendre une décision, le décideur doit s’informer et prendre connaissance des faits. Je crois que le directeur de l’établissement a fondé sa décision sur une intention honnête; toutefois, il ne s’est pas appuyé sur tous les faits pertinents.

129 Je crois que M. Lambert a fondé sa décision sur des intentions honnêtes; cependant, cette décision n’était pas fondée sur l’ensemble des faits pertinents.

A. Problèmes de rendement présumés

130 Au cours de la période de stage (programme de formation), tous les agents des pêches stagiaires doivent subir une évaluation de leur rendement en fonction de certaines compétences. L’évaluation est menée par un comité d’examen de trois membres présidé par M. Scott. C’est à ce stade, s’ils réussissent, que les agents des pêches stagiaires passent du groupe et niveau GT-02 au groupe et niveau GT-03. L’évaluation du fonctionnaire a eu lieu en février 2010, après avoir passé environ 20 mois dans le programme. Le fonctionnaire a échoué à cette évaluation du rendement et, par conséquent, on lui a donné une prorogation de trois mois, jusqu’en juin 2010, pour surmonter cet obstacle. L’évaluation des compétences de juin 2010 est comprise dans la pièce E-4.

131 La pièce E-4 précise que le fonctionnaire a réussi la section portant sur les connaissances et celle sur les aptitudes et les compétences de l’évaluation des compétences; cependant, elle précise également qu’il a échoué la section portant sur les qualités personnelles. L’annexe E de la pièce E-4 établit les sept compétences qui servent à évaluer les qualités personnelles que voici :

  • Adaptabilité
  • Confiance en soi
  • Contrôle de soi
  • Fiabilité
  • Initiative
  • Orientation axée sur les résultats
  • Travail d’équipe et collaboration

132 Le formulaire d’examen de l’évaluation présente lui-même une brève définition de ce qu’il faut pour satisfaire chacune des compétences. Immédiatement à la droite de ce paragraphe, il y a une case servant à indiquer une cote sous forme de la lettre « P » pour indiquer la réussite ou de la lettre « F » pour un échec. Sous la définition de chaque compétence individuelle, il y a une case indiquant ce qui suit : [traduction] « Justification appuyant le résultat » (la [traduction] « case de justification »), dans laquelle on peut inscrire des commentaires.

133 Selon l’examen de l’évaluation, le fonctionnaire a satisfait les compétences adaptabilité, confiance en soi, initiative et travail d’équipe et collaboration, mais pas les compétences fiabilité et orientation axée sur les résultats. Enfin, il est indiqué qu’aucune cote n’a été attribuée à la compétence contrôle de soi. Pour les quatre compétences réussies par le fonctionnaire, la case de justification ne comprend aucun commentaire et il n’y a aucun commentaire inscrit dans la case de justification pour la compétence contrôle de soi. En ce qui concerne les deux compétences pour lesquelles le fonctionnaire a échoué, le commentaire dans la case de justification est : [traduction] « Ne répond pas à la définition ».

134 Les trois membres du comité d’examen ont présenté des éléments de preuve. Aucun d’eux n’a témoigné qu’un agent des pêches stagiaire devait satisfaire les sept compétences pour réussir l’examen des compétences. Aucune preuve ne m’a été présentée pour expliquer les critères de réussite ou d’échec. Aucune preuve ne m’a été présentée pour expliquer l’absence de cote pour la compétence contrôle de soi. Aucune preuve n’a été présentée pour expliquer si un agent des pêches stagiaire devait réussir les sept compétences sous qualités personnelles pour obtenir la note de passage.

135 En fait, aucun des trois membres du comité d’examen n’a expliqué en quoi le fonctionnaire avait échoué aux deux compétences, malgré le fait que l’avocate de l’employeur leur ait demandé expressément, au cours de l’interrogatoire principal, en quoi il avait échoué à satisfaire ces deux compétences. Même si j’accorde peu d’importance à la preuve présentée par Mme Kendall sur ce point, car elle n’était pas une agente des pêches, j’accorde toutefois une grande importance aux non-réponses de MM. Scott et Rogers, qui étaient non seulement des agents des pêches chevronnés, mais aussi des gestionnaires. Il ne pouvait y avoir aucune confusion quant à la question posée, puisque l’avocate de l’employeur avait demandé à MM. Scott et Rogers de porter leur attention sur la pièce E-4 et qu’elle leur avait expressément demandé en quoi ils avaient tiré la conclusion voulant que le fonctionnaire ne satisfasse pas aux exigences. MM. Scott et Rogers ont présenté une réponse d’une similitude frappante. M. Scott a déclaré que le processus avait pour but d’établir des règles du jeu équitables et de puiser dans l’expérience de l’employé évalué. M. Rogers a affirmé que les membres du comité procédaient à un examen individuel, qu’ils évaluaient l’employé, et qu’ensuite ils discutaient de l’évaluation pour parvenir à un consensus. Ce que les deux ont omis de dire, c’est la raison pour laquelle le fonctionnaire ne répondait pas aux exigences.

136 Dans sa lettre du 5 juillet 2010, M. Lambert a indiqué plus particulièrement que l’une des raisons du licenciement du fonctionnaire était son rendement. Cependant, la dernière évaluation du rendement présentée en preuve par l’employeur, et la plus opportune, la pièce E-4, a démontré que le fonctionnaire avait réussi toutes les parties de l’évaluation portant sur les connaissances et les aptitudes et les compétences, et qu’il n’avait échoué qu’à deux des compétences des qualités personnelles. M. Lambert a témoigné qu’il n’avait aucune connaissance directe des problèmes de rendement du fonctionnaire, car il ne le supervisait pas. Le superviseur du fonctionnaire, M. Doyle, n’a pas témoigné. Les seuls domaines présentant des lacunes étaient deux des sept compétences relatives aux qualités personnelles; cependant, aucun des trois membres du comité d’examen n’a indiqué en quoi le fonctionnaire y avait échoué. Il est manifeste que M. Lambert s’est fié aux renseignements qui lui ont été présentés pour appuyer son évaluation; cependant, pour que cette pratique soit de bonne foi et pour qu’elle satisfasse au critère relatif à une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire, les faits doivent exister pour appuyer cette conclusion. Dans la présente affaire, si ces faits existent, ils ne m’ont jamais été présentés, et ce, en dépit de la question claire qui a été posée aux trois personnes qui ont fait cette détermination. S’ils ne sont pas en mesure de présenter ces faits, la conclusion tirée par M. Lambert n’est plus tirée de bonne foi, mais plutôt de mauvaise foi et de façon arbitraire.

137 M. Francis a laissé entendre que le rendement du fonctionnaire avait été insatisfaisant pendant toute la durée de sa période de stage. Même s’il y avait une certaine preuve selon laquelle le fonctionnaire a éprouvé quelques problèmes relativement à son rendement, et bien que je n’entretienne aucun doute sur le fait que le fonctionnaire ait éprouvé certaines difficultés relativement à son rendement pendant la période de stage, je m’attends à ce que cela ne soit pas inhabituel, puisque la période de stage coïncide avec le programme de formation. Je suis sûr qu’aucun agent des pêches n’est arrivé dans le PPCAP en sachant tout et en étant parfait et qu’il y a probablement eu quelques obstacles à surmonter en cours de route. Cependant, la pièce E-4 indique que le fonctionnaire réussit, à l’exception de deux compétences, dans un domaine particulier, et que personne n’a été en mesure d’expliquer pourquoi il n’avait pas réussi ces deux compétences.

138 Même si la jurisprudence est très claire quant à l’obligation de l’employeur d’énoncer les motifs de son insatisfaction quant aux aptitudes de l’employé, le motif lié à l’emploi de l’employeur doit reposer sur quelque chose. Bien que je convienne qu’il n’est pas nécessaire que l’employeur établisse une preuve prima facie de cause juste pour le renvoi en cours de stage, il doit tout de même présenter un motif légitime. Il ne suffit pas de signaler simplement ce que l’on pourrait normalement considérer comme un motif lié à l’emploi à titre de motif de renvoi, sans qu’il y ait un fondement quelconque à l’appui de ce motif. Lorsqu’il n’y a aucun fondement pour appuyer le motif allégué, cela constitue une preuve d’un subterfuge ou d’un camouflage et, effectivement, d’un acte de mauvaise foi et indique que l’employeur s’est appuyé de façon factice sur les dispositions de la LRTFP concernant le renvoi en cours de stage.

B. Défaut présumé de respecter les politiques, procédures, règles, lignes directrices et codes de conduite et fiabilité alléguée et questions d’assiduité                    

139 La preuve présentée à l’égard du troisième motif mis de l’avant par M. Lambert pour licencier le fonctionnaire, c’est-à-dire le défaut de respecter les politiques, les procédures, règles, lignes directrices et codes de conduite est également déconcertante.

140 Lorsque M. Lambert a témoigné, il semblait embarrassé à l’égard des détails réels concernant la période de stage et les particularités du stage du fonctionnaire. Effectivement, il ignorait à quel moment la période de stage avait commencé et il semblait croire que le temps que le fonctionnaire avait passé au Dépôt de formation de la GRC en faisait partie.

141 lors de la présentation de la preuve de M. Lambert quant à son raisonnement sur les actions du fonctionnaire sur lesquelles il s’était fié pour justifier son affirmation que le fonctionnaire avait omis de respecter les politiques, procédures, pratiques et codes de conduite établis, M. Lambert a témoigné que le fonctionnaire avait montré un modèle de comportement, et que celui-ci avait commencé avec l’incident survenu au Dépôt de formation de la GRC. Cet incident, toutefois, a eu lieu à un moment quelconque avant le 10 mars 2008 (pièce E-1, onglet 11) et était antérieur à l’offre d’emploi au MPO, soit le 7 mai 2008, qui était aussi logiquement antérieur au début de la période de stage, soit le 26 mai 2008. Même si l’employeur a effectivement affirmé pendant l’audience qu’il ne se fiait plus à l’incident survenu au Dépôt de formation de la GRC, cela ne change rien au fait que M. Lambert s’en est certainement servi pour rendre sa décision. Non seulement il s’est appuyé sur cet incident, il me semble clair qu’il croyait que cela s’était produit pendant la période de stage, qu’il avait le droit de s’y fier et que cela faisait partie de la tendance affichée par le fonctionnaire.

142 L’incident qui a eu lieu au Dépôt de formation de la GRC était quelque chose dont le MPO était au courant lorsqu’il a fait une offre d’emploi au fonctionnaire. Le MPO a décidé de faire une offre au fonctionnaire en dépit du fait que cet événement s’était produit. Étant donné que l’employeur ne pouvait se fier uniquement à cet incident pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage, le fait que M. Lambert ait témoigné que c’était cette action, ainsi que le défaut de respecter la politique sur les armes à feu et les politiques liées aux absences pour maladie qui ont déclenché son raisonnement lié à la conclusion que le fonctionnaire ne respectait pas les politiques, procédures, pratiques et codes de conduite établis, entache sa décision.

143 Quant à l’allégation du défaut de respecter la politique sur les armes à feu, la preuve non contredite était que le fonctionnaire avait égaré un chargeur vide pour son arme de service. Le fonctionnaire a signalé la perte de son chargeur vide à son agent de formation. Cet agent a donné au fonctionnaire, la personne qu’il formait, les mauvais renseignements. Ce fait est présenté selon les propres termes de l’agent, figurant à la pièce E-1, onglet 4, dans son courriel du 2 février 2010, à 10 h 36, lorsqu’il a envoyé un courriel à M. Barrett, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai réfléchi à propos du chargeur perdu par Craig. Je ne crois pas que nous avons traité cette affaire comme il se doit. Selon la Politique sur les armes à feu, tout chargeur perdu ou volé doit être signalé aux personnes suivantes : le service de police local, le superviseur de l’agent des pêches et au OAS (Ken). Ce qui me préoccupe le plus est que je crois que le chargeur était chargé. J’ai posé des questions à Craig à propos de cela et il a répondu qu’il ne l’était pas. Il ignorait à quel endroit il avait perdu le chargeur. On ne l’a pas retrouvé au champ de tir.

[…]

J’ai donné à Craig un autre chargeur qu’un autre agent m’avait remis en me disant qu’il était rentré chez lui l’an dernier avec un chargeur supplémentaire en partant du champ de tir […] On m’a remis le chargeur alors qu’il contenait toujours des munitions de pratique.

J’ai indiqué à Craig de continuer à chercher le chargeur et de signaler s’il le trouvait ou non. J’attends toujours de recevoir de ces nouvelles. Je crois que Ken devrait en être informé.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

144 À partir du moment où il semble que le fonctionnaire a été informé qu’il devait signaler la perte au service de police, à son superviseur et à M. Scott, il a apparemment pris cette mesure dans un délai d’environ une heure.

145 On ne m’a fourni aucune copie de la politique sur les armes à feu. La preuve dont je suis saisi est que la politique est un document de 80 à 90 pages et qu’elle est généralement accessible sur le site Web de l’employeur. On ne m’a présenté aucun détail quant à savoir si la politique était accessible au moment où l’incident est survenu. En ce qui concerne le fait que le fonctionnaire était informé des détails de la politique au moment où est survenu l’incident, on a indiqué que le fonctionnaire aurait dû suivre une formation sur les armes à feu et sur la politique sur les armes à feu alors qu’il se trouvait au Dépôt de formation de la GRC. En plus, on ne m’a présenté aucune preuve quant à savoir si le fonctionnaire avait été informé ou non des dispositions de la politique sur les armes à feu à un moment quelconque, sauf lorsqu’on lui a dit, aux environs du 2 février 2010, qu’il devait signaler la perte au service de police, à son superviseur et à M. Scott; lorsqu’on lui a communiqué cette information, il a semblé s’y conformer immédiatement.

146 À première vue, le fait de ne pas respecter la politique sur les armes à feu serait, dans les faits, un motif valide lié à l’emploi pour renvoyer un employé en cours de stage; cependant, une fois de plus, il doit y avoir un certain fondement qui sous-tend ce motif. Il ne suffit pas d’affirmer qu’il existe une politique que l’employé n’a pas respectée. Si l’employeur ne l’a pas rendue explicite ou s’il n’a pas appliqué la politique, il est inapproprié de l’invoquer comme motif de renvoi de l’employé en cours de stage. Selon la preuve, il est manifeste que les personnes chargées de l’instruction et de la qualification relativement aux armes à feu ne connaissaient pas les exigences relatives au signalement de la perte conformément à la politique sur les armes à feu. Si les personnes qui ont pour tâche de former les employés en stage ne sont pas informées de ces exigences et qu’elles forment leurs stagiaires d’une façon qui va à l’encontre de la politique, l’employeur ne peut certainement pas agir de bonne foi lorsqu’il utilise cet argument contre le stagiaire.

147 Finalement, M. Lambert a également laissé entendre que le fonctionnaire n’avait pas respecté la politique relative aux congés de maladie. Il semble que cela soit également le fondement de sa conclusion concernant l’assiduité et la fiabilité.

148 Les paragraphes 39.02, 39.03 et 39.04 de la convention collective sont ainsi rédigés :

39.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

  1. qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine;

    et
  2. qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

39.03 À moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il ou elle a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l’Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 39.02a).

39.04 Lorsque l’employé-e n’a pas de crédits ou que leur nombre est insuffisant pour couvrir l’attribution d’un congé de maladie payé en vertu des dispositions du paragraphe 39.02, un congé de maladie payé peut lui être accordé à la discrétion de l’Employeur pour une période maximale de cent quatre-vingt-sept virgule cinq (187,5) heures, sous réserve de la déduction de ce congé anticipé de tout crédit de congé de maladie acquis par la suite.

149 MM. Francis et Rogers ont présenté une preuve à propos de l’assiduité du fonctionnaire et de l’utilisation des congés de maladie. Il n’y a aucun doute que le fonctionnaire utilisait beaucoup de congés de maladie. L’employeur lui a avancé des crédits de congé de maladie en vertu de la convention collective. Cela relevait de son pouvoir discrétionnaire. À un certain moment, l’employeur a également demandé au fonctionnaire de présenter des certificats médicaux pour justifier l’octroi de congés de maladie payés. Même s’il y avait une accusation faite par l’employeur selon laquelle le fonctionnaire n’a pas présenté de certificats médicaux lorsqu’il devait le faire, il n’y avait pas de preuve réelle que c’était le cas; en fait, selon le témoignage du fonctionnaire, chaque fois qu’il était tenu de fournir des certificats médicaux, il l’a fait.

150 La pièce E-1, onglet 3, est une série d’échanges de courriels entre MM. Francis et Rogers dans lequel M. Rogers a confirmé à M. Francis que le fonctionnaire n’avait besoin que de convaincre l’employeur qu’il était malade pour que son superviseur approuve le congé de maladie payé. Selon le dernier courriel dans la chaîne, à 12 h 19, le 4 mai 2009, de M. Francis à M. Rogers, il est manifeste que M. Francis éprouve une frustration à l’égard de la quantité de congés de maladie du fonctionnaire. Le courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Il y a un problème en ce qui concerne les congés de maladie de Craig. Je lui ai parlé il y a quelques jours et j’ai accepté de reporter un déficit pour lui, en espérant qu’il serait en mesure de les compenser. À l’époque, ce déficit était de 6 à 7 jours. Je lui ai demandé un billet du médecin à titre de mécanisme de contrôle, dans l’espoir de garder le déficit sous contrôle. Il a actuellement un déficit de 10,75 heures. Je suppose que c’est pour l’intégralité de l’exercice 2009-2010. Que faites-vous!!!!!!

[…]

151 D’après le libellé du courriel du 4 mai 2009, il est clair à mes yeux que M. Francis semble croire que le fait d’exiger un billet du médecin empêchera le fonctionnaire de s’absenter du travail pour cause de maladie. La façon dont le courriel est rédigé laisse entendre que le fonctionnaire avait fait une mauvaise utilisation des crédits de congé de maladie et que la façon de contrôler cette situation était au moyen des billets de médecin.

152 Aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que le fonctionnaire n’était pas malade lorsqu’il disait qu’il était malade. Au contraire, la preuve a établi que le fonctionnaire souffrait du syndrome du côlon irritable et d’une hernie hiatale, ce qui était la cause de maux d’estomac récurrents qui faisaient qu’il s’absentait du travail.

153 L’employeur a laissé entendre que le fonctionnaire avait omis de l’informer lorsqu’il était malade puisqu’il n’appelait pas MM. Doyle ou Francis directement. On ne m’a présenté aucune preuve selon laquelle il s’agissait d’une politique, d’une procédure ou d’une ligne directrice de l’employeur. La preuve à l’appui de cela était contenue dans un courriel daté du 17 mai 2010, envoyé par M. Francis à M. Rogers (pièce E-1, onglet 9). Pour l’essentiel, ce courriel porte sur le fait que le fonctionnaire, pendant la période du 10 au 17 mai 2010, n’a pas parlé à son superviseur directement chaque fois qu’il appelait pour signaler qu’il allait être malade.

154 J’entretiens des doutes quant à l’exactitude des renseignements contenus dans ce courriel. Dans un premier temps, il s’agit d’un résumé d’une série d’événements qui ont eu lieu, et la source réelle de tous les renseignements n’a jamais été présentée; en outre, il n’est pas clair que ceux-ci sont exacts. M. Doyle, le superviseur direct du fonctionnaire, n’a jamais témoigné; pas plus que l’agent des pêches Sharpe ou Mme Newhook. Même si le fonctionnaire a témoigné devant moi, il n’a présenté aucun aperçu de cet événement. Même s’il n’est pas inhabituel dans ces circonstances d’examiner ce que l’on pourrait considérer comme la [traduction] « meilleure preuve », dans ces circonstances, il serait alors injuste ou non conforme aux règles de justice naturelle de l’accepter. Le fait qu’une personne appelle pour signaler qu’elle est malade n’est pas un événement d’une importance telle pour que cette personne se souvienne des détails ou des particularités de ce qui s’est produit, sauf s’il y avait un motif pour celle-ci de le faire. Les souvenirs s’estompent au fil du temps; il serait à la fois injuste et illogique d’attendre du fonctionnaire, plus de quatre ans plus tard, qu’il se souvienne des événements anodins exacts qui sont survenus lorsqu’il a appelé en mai 2010 pour signaler qu’il était malade. Par conséquent, je n’ai accordé aucun poids à cette preuve.

155 Même si l’employeur a le droit d’établir des règles, des politiques, des procédures et des codes de conduite, ceux-ci ne peuvent pas être utilisés de mauvaise foi ou dans le cadre d’un subterfuge ou d’un camouflage. Si l’employeur établit une règle quant à l’heure de début du travail, mais qu’il ne l’exécute pas à l’égard de ses employés, cela constitue un acte de mauvaise foi s’il ne l’applique que pour justifier le renvoi en cours de stage d’un employé, citant celle-ci comme un motif légitime lié à l’emploi.

156 Étant donné que je suis arrivé à la conclusion que la décision de renvoyer le fonctionnaire a été prise de mauvaise foi et qu’elle n’était pas fondée sur une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire, j’assume la compétence.

157 En raison du passage du temps et du fait que le fonctionnaire était toujours un stagiaire et qu’il faisait partie du PPCAP et que je n’ai pas compétence d’effectuer des nominations, j’ordonne que le fonctionnaire soit réintégré dans son poste, en tant qu’agent des pêches stagiaire classifié au groupe et niveau GT-02.

158 En raison du passage du temps, même si le fonctionnaire a vraisemblablement retenu une certaine partie de ce qu’il a appris au cours de son programme de formation initiale, il ne serait pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’il ait oublié certaines choses. L’employeur évaluera le fonctionnaire et déterminera la formation dont a besoin le fonctionnaire pour achever le PPCAP, et le fonctionnaire sera réintégré dans le programme.

159 Étant donné que je n’ai entendu aucune preuve en ce qui pourrait constituer une réparation pécuniaire appropriée dans les circonstances, je demeurerai saisi du dossier afin de trancher cette question. Même si j’encourage les parties à régler cette question par elles-mêmes, elles devront, dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de cette décision, communiquer leurs disponibilités à la Commission aux fins d’une audience sur la question d’une réparation pécuniaire.

160 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

161 Je déclare que j’ai compétence pour entendre cette affaire.

162 Le grief est accueilli.

163 Le fonctionnaire doit être réintégré au groupe et niveau GT-02, rétroactivement au 5 juillet 2010.

164 Je demeure saisi de cette affaire afin de traiter de la question de la réparation pécuniaire.

165 Les parties se réuniront immédiatement et tenteront de s’entendre sur le montant approprié d’une réparation pécuniaire, à défaut de quoi une audience sera prévue.

166 Les parties devront, dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de cette décision, présenter leur disponibilité à la Commission quant à la tenue d’une audience sur une réparation pécuniaire.

Le 26 juin 2015.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
arbitre de grief

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