Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé un réexamen d’une décision de 2008 (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 13 (« IPFPC 1 ») rendue à l'égard de plaintes que l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a déposées contre le Conseil du Trésor et l’Agence du revenu du Canada – sa demande reposait sur le fait que les employés directement touchés par la décision n’avaient pas été informés de l’audience et qu’ils n’ont, par conséquent, pas eu la possibilité de présenter des arguments – elle a soutenu que les arguments présentés au cours de l’audience d’IPFPC 1 ne tenaient pas compte du contexte législatif des questions – la jurisprudence prévoit des lignes directrices pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission d’examiner ou modifier ses décisions ou ordonnances – l’objet d’un réexamen est de permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou arguments qui n’avaient pu être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale et non de remettre en cause  le bien-fondé de l’affaire  – il doit être fondé sur un changement important des circonstances – la nouvelle preuve ou le nouvel argument doit avoir un effet important et déterminant sur l’issue de la question initiale – la Commission doit s’assurer qu’il y a un motif impérieux à un réexamen – son pouvoir discrétionnaire doit être utilisé de manière judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment – la formation de la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité pour agir puisque la décision qu’elle souhaitait voir réexaminer était une plainte que le Syndicat avait déposée contre l’employeur, dont elle n’était pas une partie – même si on peut soutenir qu’elle avait un intérêt important dans l’issue de la procédure, son recours consistait à demander un contrôle judiciaire d’IPFPC 1, ce qu’elle n’a pas fait – elle a plutôt choisi de demander le contrôle judiciaire d’Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 58 (« IPFPC 2 »)– lui reconnaître la qualité pour agir aurait contrevenu aux exigences de l’article 14 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique et aurait porté préjudice au caractère définitif des décisions de la Commission – elle n’a pas présenté sa demande à la première occasion, mais six ans après la décision visée par la requête – le fait qu’elle ait intenté d’autres recours juridiques ne l’a pas empêchée de demander un réexamen en même temps – la question à réexaminer dans IPFPC 1 devait être distincte des questions qui faisaient l’objet de ses autres demandes de contrôle judiciaire et appels, sinon, elle serait sans portée pratique – si la question était réellement distincte de celles des autres procédures, la demanderesse n’avait alors aucune raison légitime de ne pas déposer une demande de réexamen en même temps que ses autres processus judiciaires – le contexte législatif que la demanderesse souhaitait voir examiner concernait les dispositions du Code canadien du travail qui n’étaient pas en cause dans IPFPC 1 et, par conséquent, on pourrait soutenir qu’elles n’étaient pas pertinentes – de plus, les arguments de la demanderesse portaient directement sur la question de savoir si les syndicats avaient le droit de connaître les coordonnées domiciliaires des employés, soit une conclusion que l’ancienne Commission n’a pas tirée de façon explicite et délibérée dans IPFPC 1 – l’examen de ses arguments n’aurait pas eu de conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte – la demande était une tentative mal déguisée de rouvrir une question déjà tranchée par la Cour suprême du Canada dans Bernard c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 13, une affaire à laquelle la demanderesse a participé activement. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date: 20150629
  • Dossier: 525-02-54 et 525-34-55
    XR: 561-02-176 et 561-34-177
  • Référence: 2015 CRTEFP 59

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ELIZABETH BERNARD

demanderesse

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR ET AGENCE DU REVENU DU CANADA

défendeur

Répertorié
Bernard c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada

Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Elle-même
Pour le défendeur:
Patrizia Campanella, avocate, Institut professionnel de la fonction publique du Canada, et Caroline Engmann, avocate, Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 14 et 22 août 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

1 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De plus, en vertu de l'article 395 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, le commissaire de l'ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu'une formation de la nouvelle Commission. 

I. Demande devant la Commission

2 Le 24 avril 2014, Elizabeth Bernard (la « demanderesse ») a demandé à l’ancienne Commission de réexaminer une décision, soit Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 13 (« IPFPC 1 »), rendue à l’égard de plaintes déposées par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC » ou le « syndicat ») contre le Conseil du Trésor (« CT ») et l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») (collectivement, l’« employeur »), aux termes des alinéas 190(1)b) et g) de la LRTFP.

3 La demanderesse a fondé sa demande de réexamen d’IPFPC 1 sur le fait que les employés qui étaient directement touchés par la décision n’avaient pas été informés de l’audience et que, par conséquent, ils n’avaient pas eu l’occasion de présenter des arguments. Elle a souligné qu’il avait été conclu dans cette décision que les responsabilités de représentation du syndicat lors de la tenue de votes de grève et de votes sur les dernières offres, tel qu’il est prévu par les articles 184 et 187 de la LRTFP, justifiaient la divulgation des renseignements personnels demandés par le syndicat dans sa plainte. Elle a indiqué que les observations et les arguments des parties présentés à Dan Butler, qui a entendu IPFPC 1, ne tenaient pas compte du contexte législatif entourant la question de la tenue de votes de grève et de votes sur les dernières offres et, en particulier, ne mentionnaient pas les vastes débats parlementaires entourant les modifications proposées au Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2), (le « Code ») après la publication du rapport intitulé Code canadien du travail, Partie I, Vers l’équilibre (1995).

4 La demanderesse a joint un certain nombre de documents à sa demande de réexamen, y compris des observations écrites déposées par les parties dans IPFPC 1, un extrait des débats de la Chambre des communes, le Compte rendu officiel des débats de la Chambre des communes (Hansard), 36e législature, 1ère séance, no 63, volume 135 (le jeudi 19 février 1998), à 4166 (hon. Lawrence MacAulay); un extrait des Délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, du 16 juin 1998; un extrait des Débats de la Chambre des communes : compte rendu officiel (Hansard), 37e législature, 2e séance, no 110, volume 138 (mardi 3 juin 2003), à 6775 (Mac Harb). Elle a indiqué qu’elle avait l’intention de fournir des documents supplémentaires et, le 16 juin 2014, elle a fourni un disque audionumérique comprenant un grand nombre de documents, notamment des copies des projets de loi présentant les modifications législatives au Code, une copie de la LRTFP, des extraits d’un certain nombre de débats de la Chambre des communes portant sur les modifications au Code et à la LRTFP, de la jurisprudence et des documents divers.

5 La demanderesse a indiqué que les parties qui se présentent devant les comités parlementaires ne contestent généralement pas le fait que selon l’article 109.1 du Code, les coordonnées domiciliaires d’un employé ne sont pas remises au syndicat sans le consentement de l’employé. Selon la demanderesse, aux termes des règles modernes de l’interprétation législative, le libellé d’une disposition législative doit être interprété dans son ensemble et suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi et l’intention du législateur. La formation de l’ancienne Commission n’avait aucune preuve relative au contexte législatif permettant de déterminer l’intention des législateurs lorsqu’elle a conclu qu’il y avait une obligation de divulgation aux termes de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP.

6 La demanderesse a indiqué que l’objet de sa demande de réexamen était de permettre à la Commission de tenir compte de la preuve et des arguments relatifs au contexte législatif pertinent qui, selon elle, aurait dû être pris en compte avant que l’ancienne Commission ne rende sa décision dans IPFPC 1. Elle a indiqué qu’elle n’avait pu présenter sa preuve et ses arguments à l’audience originale puisqu’elle n’en a pas été avisée. Elle a également souligné que l’article 43 de la LRTFP ne comprenait pas de délai de prescription. De plus, elle a souligné que le temps écoulé avant sa demande de réexamen de IPFPC 1 découlait du fait qu’elle se prévalait activement de ses droits prévus par la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) et la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») auprès de l’ancienne Commission et des tribunaux. Si elle avait eu gain de cause, elle n’aurait pas eu à demander un réexamen d’IPFPC 1.

7 Les défendeurs se sont opposés à la demande de réexamen aux motifs qu’elle était hors délais et non fondée. Leurs arguments sont résumés ci-après.

II. Contexte

8 La demanderesse est une employée de l’ARC et fait partie du groupe Vérification, finances et sciences (VFS). Le groupe VFS est une unité de négociation représentée par le syndicat, même si la demanderesse est une employée assujettie à la formule Rand et n’est pas membre du syndicat.

9 Au cœur de la demande de réexamen de la demanderesse est une tentative énergique visant à empêcher la divulgation de ses renseignements personnels au syndicat. Même si son combat à cet égard a commencé en 1992, lorsqu’elle a déposé une plainte au Commissariat à la protection de la vie privée, l’escarmouche récente a commencé en 2008 et a ultimement visé trois décisions de la CRTFP, deux décisions de la Cour d’appel fédérale, une décision de la Cour suprême du Canada et une demande de réexamen de la décision de la Cour suprême du Canada. Cette demande de réexamen d’IPFPC 1 ne peut être considérée séparément de l’historique considérable des litiges entre les parties.

10 En 2007, l’IPFPC a déposé des plaintes contre le CT et l’ARC en vertu de l’alinéa 190(1)b) de la LRTFP, alléguant que ces derniers n’avaient pas négocié de bonne foi conformément à l’article 106 et à l’alinéa 190(1)g) de la LRTFP, soutenant une pratique de travail déloyale aux termes de l’article 185. Les plaintes alléguaient également des violations de la Charte. L’IPFPC, le CT et l’ARC étaient les parties aux plaintes, lesquelles ont été traitées sur la base d’arguments écrits. Les employés des unités de négociation touchées, dont la demanderesse, n’ont pas été informés de la plainte et n’ont donc pas pu intervenir dans le processus.

11 Le refus par l’employeur de fournir les coordonnées des employés au syndicat est au cœur des plaintes. Plus précisément, le syndicat voulait que l’employeur fournisse le nom, le titre du poste, les numéros de téléphone et les adresses postales et électroniques à domicile et au travail de tous les employés des six unités de négociation précises de l’ARC pour lesquelles le syndicat était l’agent négociateur accrédité, y compris ceux des employés de l’unité de négociation des VFS, qui inclut la demanderesse.

12 La demande du syndicat était fondée sur sa compréhension de l’article 187 de la LRTFP qui impose aux syndicats un devoir légal de représenter ses membres de bonne foi et de manière non arbitraire, que ce soit à la table de négociation ou pour les griefs et les plaintes. Afin de s’acquitter de ce devoir, le syndicat devait être capable de communiquer avec les employés de l’unité de négociation. Il a affirmé que, selon les décisions rendues conformément à la législation provinciale en matière de droit du travail et en vertu du Code, les syndicats devaient être capables de communiquer avec les employés de l’unité de négociation pour s’acquitter de leurs devoirs légaux et, par conséquent, ils avaient le droit de recevoir des renseignements personnels des employeurs au sujet des employés de l’unité de négociation.

13 L’employeur n’a pas contesté le principe selon lequel le syndicat avait droit à une certaine divulgation des coordonnées des employés pour ses fins légitimes d’agent négociateur. Ses préoccupations étaient dues à des considérations d’ordre pratique. Il était notamment préoccupé par la capacité du syndicat de gérer les renseignements personnels des employés conformément aux exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

14 Dans ce qu’il a décrit comme étant une décision provisoire, M. Butler a remarqué que le syndicat avait indiqué que l’article 187 était la source de son devoir légal. Cependant, il a conclu que même si l’article 187 fournissait le contexte entourant les obligations du syndicat, le fondement de ses craintes découlait de l’application de l’alinéa 186(1)a). Il a jugé que la jurisprudence citée par le syndicat provenant d’autres importantes instances et de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, appuyait la conclusion selon laquelle le refus d’un employeur de fournir les coordonnées d’un employé au syndicat était « […] le genre d’intervention dans la représentation des employés par un agent négociateur que ce type de disposition législative est censé prévenir ». Il a soutenu qu’il suffisait généralement que l’agent négociateur ait démontré qu’il a fait une demande d’information, que les renseignements réclamés puissent être liés à des fins de représentation légitimes aux termes de la loi et que l’employeur ait rejeté sa demande pour justifier une plainte.

15 Lors de l’examen consistant à déterminer si la demande de renseignements du syndicat avait été faite dans un objectif de représentation légitime, M. Butler a examiné les obligations en matière de représentation imposées aux syndicats par la LRTFP. En particulier, il s’est penché sur l’obligation de tenir des votes de grève en vertu de l’article 184 ou des votes sur les dernières offres en vertu de l’article 183, de même que les obligations prévues aux articles 119 à 134 relativement aux services essentiels. Il a jugé que les articles 183 et 184, par exemple, exigeaient du syndicat qu’il donne à tous les employés de l’unité de négociation une occasion raisonnable de prendre part à un vote de grève ou à un vote sur les dernières offres. Par conséquent, il a jugé que le refus de l’employeur de fournir les coordonnées de l’employé nécessaires à cette fin constituerait une interférence dans la représentation des employés par le syndicat au sens de l’alinéa 186(1)a).

16 Même si M. Butler a jugé que l’employeur avait, en principe, le devoir de fournir au syndicat au moins certaines des coordonnées des employés demandées, il ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si les coordonnées à domicile étaient essentielles. Il s’est prononcé en ces termes au paragraphe 61 d’IPFPC 1 :

On pourrait argumenter sur les renseignements relatifs aux employés dont le plaignant a besoin et sur le moment auquel il les lui faut pour chacune des fins de représentation qu’il a mentionnées. Cela dit, aux fins de ma décision provisoire, à ce stade, je n’ai pas besoin d’analyser chacune de ces fins de façon détaillée, ni d’avoir toutes les précisions sur le type de renseignements nécessaires pour une activité donnée. Ce dernier élément doit plutôt faire partie selon moi d’une discussion sur le redressement réclamé.

17 Même s’il a conclu qu’il avait en principe des motifs pour se prononcer en faveur de la plainte du syndicat, M. Butler a conclu qu’il n’avait pas suffisamment de renseignements pour accorder une réparation. En particulier, il a indiqué qu’il avait besoin de plus de renseignements, par exemple, sur le contenu et l’exactitude des coordonnées des employés en la possession de l’employeur et sur les renseignements précis requis par le syndicat pour remplir ses obligations en vertu de la loi. Il a ajouté qu’il avait également besoin de renseignements sur la façon dont il pourrait satisfaire ses obligations visant à fournir les renseignements tout en répondant aux préoccupations soulevées aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Partant du principe que les parties sont le plus à même de déterminer les redressements appropriés, il leur a ordonné de se consulter afin de conclure d’elles-mêmes une entente au sujet des coordonnées des employés qui doivent être fournis par l’employeur au syndicat. Cependant, il a indiqué que si les parties ne parvenaient pas à une entente, il tiendrait une audience afin d’entendre les arguments relativement à la réparation appropriée.

18 Une audience était prévue en juillet 2008, mais les parties ont conclu une entente et elles ont demandé à la Commission d’en intégrer les modalités à une ordonnance de la Commission. Cette ordonnance sur consentement a été rendue le 18 juillet 2008 (2008 CRTFP 58; « IPFPC 2 »). Selon cette ordonnance, l’employeur accepté de divulguer tous les trois mois au syndicat les coordonnées, y compris l’adresse à domicile et le numéro de téléphone à domicile, des employés de l’unité de négociation, sous réserve du respect de certaines conditions techniques. Le syndicat a accepté de veiller à ce que les renseignements divulgués soient utilisés uniquement aux fins légitimes prévues par la LRTFP et a convenu d’un certain nombre de conditions relatives à la protection de la vie privée des membres de l’unité de négociation et à la sécurité de l’information. Les deux parties ont convenu que, avant la divulgation initiale des renseignements au syndicat, ils informeraient conjointement les employés de la divulgation de leurs renseignements. Les parties ont également convenu du texte du message à envoyer aux employés.

19 Lorsque la demanderesse a reçu une copie du message conjoint envoyé aux employés de l’unité de négociation, elle a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision IPFPC 2 auprès de la Cour d’appel fédérale (Bernard c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 40) (« Bernard 1 ») aux motifs que la décision exigerait de l’employeur qu’il viole la Loi sur la protection des renseignements personnels en ordonnant la communication de ses renseignements sans son consentement. Elle a également soutenu que la Commission devait s’en remettre au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada quant aux questions touchant à la protection de la vie privée, en particulier en raison de la décision du commissariat à l’égard de plainte faite en 1992. Elle a également souligné qu’elle aurait dû être informée de la procédure devant la CRTFP. Finalement, elle a affirmé que la décision portait atteinte à ses droits prévus par la Charte de ne pas s’associer au syndicat.

20 Puisque la demanderesse ne s’est pas opposée à IPFPC 1, qui a conclu que le défaut de fournir au moins certaines des coordonnées des employés demandées par le syndicat constituait une ingérence allant à l’encontre de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la question à trancher portait « […] sur la nature des renseignements devant être fournis et sur les circonstances en vertu desquelles ils doivent l’être ».

21 La Cour d’appel fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que la CRTFP n’aurait pas dû entériner l’entente entre les parties sans tenir compte de l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour la divulgation de renseignements personnels des employés, plus particulièrement parce que la décision rendue dans IPFPC 2 touchait le droit de la protection des renseignements confidentiels prévu par la loi de personnes qui n’étaient pas parties au litige. Elle a renvoyé la question à la CRTFP pour qu’elle rende une nouvelle décision sur la question de la nature des renseignements que l’employeur devait fournir au syndicat pour lui permettre de s’acquitter de ses devoirs légaux. La Cour d’appel fédérale a également indiqué que la demanderesse et le Commissariat à la protection de la vie privée devaient se voir donner le droit de présenter des arguments afin de traiter les enjeux liés à la vie privée posés par cette décision. Elle a soutenu qu’il serait prématuré de traiter les questions liées à la Charte qui ont été soulevées par la demanderesse et a conclu qu’il n’était pas nécessaire de traiter la question de l’avis.

22 L’audience pour une nouvelle décision (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 34) (« IPFPC 3 ») a été entendue par le vice-président Mackenzie. La demanderesse, le Commissariat à la protection de la vie privée, et d’autres syndicats ayant des ententes de nature semblable à celle d’IPFPC 2 ont obtenu le statut d’intervenants. En raison des décisions précédentes, la question à l’audience était limitée à une évaluation des droits des employés en matière de protection de leurs renseignements personnels et ne comprenait pas les arguments relatifs à la Charte que la demanderesse voulait présenter.

23 Des preuves et des arguments ont été présentés relativement au besoin du syndicat d’avoir les coordonnées des employés dans le but, notamment, de fournir aux employés de l’unité de négociation les avis de vote sur les dernières offres ou les votes de grève (articles 183 et 184 de la LRTFP) et pour préparer des ententes sur les services essentiels. La position du syndicat était que les coordonnées liées au travail ne suffisaient pas pour lui permettre de s’acquitter de ses devoirs légaux. Il a ajouté que l’utilisation des coordonnées domiciliaires serait conforme aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies et était nécessaire pour qu’il respecte son obligation prévue par la LRTFP. À cet égard, le syndicat a souligné que la divulgation est permise aux termes du paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il a également souligné qu’un certain nombre de commissions du travail avaient conclu que la divulgation des coordonnées à la maison était nécessaire pour que les syndicats s’acquittent de leurs devoirs légaux. La preuve du syndicat et ses arguments quant à la nécessité d’avoir les coordonnées des employés étaient soutenus par les arguments des intervenants des autres syndicats et n’ont pas été contestés de quelque manière importante par l’employeur.

24 La demanderesse a reconnu que le syndicat avait besoin de certaines coordonnées des employés afin de s’acquitter de ses devoirs légaux, mais elle a fait valoir que les coordonnées à domicile n’étaient pas requises. Elle a indiqué qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté démontrant que le syndicat avait été incapable de s’acquitter des nouvelles obligations qui lui avaient été imposées à la suite des modifications qui ont créé la LRTFP en 2005, même s’il n’avait pas les coordonnées à domicile des employés. Selon elle, ses droits de protection des renseignements personnels ne pouvaient être supplantés par les droits du syndicat et elle a souligné un certain nombre de préoccupations d’ordre pratique sur la manière dont le syndicat assurerait la protection de ses renseignements personnels.

25 M. Mackenzie a conclu que les coordonnées liées au travail n’étaient pas suffisantes pour permettre au syndicat de s’acquitter de son obligation de représenter tous les employés de l’unité de négociation. Il a soutenu que, si le syndicat devait s’acquitter de son devoir de représentation équitable, il devait être capable de communiquer directement, rapidement et efficacement avec les employés qu’il représente. Il a souligné que la divulgation au syndicat des coordonnées à domicile ne devait pas être confondue avec la communication au grand public. Le syndicat participe à une relation d’emploi tripartite et le fait que les coordonnées domiciliaires des employés lui soient fournies est une conséquence majeure de cette relation.

26 M. Mackenzie a conclu que la divulgation des coordonnées personnelles était permise en vertu de l’alinéa 8(2)a). À cet égard, il a indiqué que la CRTFP avait examiné la question de la divulgation de renseignements personnels en 1996 et qu’elle avait conclu qu’une telle divulgation au syndicat était autorisée aux termes de l’alinéa 8(2)a) et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, puisque la divulgation était conforme aux fins pour lesquelles les renseignements ont été recueillis. L’employeur a obtenu les renseignements pertinents afin de communiquer avec les employés au sujet des questions liées à l’emploi et le syndicat avait l’intention d’utiliser les renseignements afin de remplir ses obligations de représentation des employés de l’unité de négociation sur les questions liées à l’emploi. Il a remarqué que les commissions des relations de travail d’autres instances en étaient venues à des conclusions semblables.

27 M. Mackenzie a examiné les dispositions de l’ordonnance sur consentement afin de déterminer si les intérêts des employés en matière de protection des renseignements personnels avaient été correctement pris en compte à la lumière des préoccupations soulevées par le Commissariat à la protection de la vie privée et la demanderesse. Il a conclu que, dans deux secteurs, l’ordonnance était incomplète et il a ordonné que des mesures supplémentaires y soient incluses afin d’assurer la transmission sécuritaire des coordonnées domiciliaires et la disposition appropriée et rapide des renseignements périmés. Il a également ajouté une disposition qui portait sur l’avis à donner aux employés, après leur nomination initiale aux postes, au sujet des coordonnées domiciliaires communiquées au syndicat. Les autres dispositions de l’ordonnance sur consentement présentées dans IPFPC 2 restent inchangées.

28 La demanderesse a fait une demande de contrôle judiciaire d’IPFPC 3 (Bernard c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 92) (« CAF Bernard 2 »). Elle a affirmé que la décision de M. Mackenzie n’était pas raisonnable parce qu’il n’a pas accordé suffisamment d’importance aux observations et aux recommandations du Commissariat à la protection de la vie privée; il n’a pas envisagé toutes les solutions de rechange possibles à la communication des coordonnées à domicile des employés et il n’a pas établi de distinction entre la communication des adresses à domicile et celle des numéros de téléphone à domicile comme des questions distinctes. Elle a souligné que le syndicat n’avait pas besoin des coordonnées à domicile des employés afin de remplir ses obligations prévues par la loi, puisqu’il n’y a eu aucune plainte selon laquelle le syndicat n’aurait pas rempli ses obligations durant la période où il n‘avait pas accès aux coordonnées à domicile. Elle a également affirmé qu’elle devrait avoir l’option de demander à ne plus recevoir de renseignements du syndicat, même si elle n’a pas renoncé à son droit de représentation équitable par le syndicat. Elle a affirmé que l’utilisation de ses coordonnées par le syndicat n’était pas conforme aux fins pour lesquelles elle les a fournies à l’employeur.

29 En constatant que la norme de contrôle judiciaire de la demande dont elle était saisie était le caractère raisonnable, la Cour d’appel fédérale a soutenu que la décision rendue dans IPFPC 3 était raisonnable et a rejeté la demande de contrôle judiciaire. En particulier, elle n’a pas jugé que M. Mackenzie avait l’obligation d’accepter les observations et les recommandations du Commissariat à la protection de la vie privée et a plutôt conclu que la fonction de la Commission était de trouver un équilibre approprié entre les droits à la protection des renseignements personnels de la demanderesse et les devoirs imposés aux syndicats par la LRTFP.

30 La Cour d’appel fédérale a également jugé qu’il était raisonnable que M. Mackenzie accepte la preuve de l’employeur et du syndicat sur la faisabilité et les coûts des solutions de rechange à la communication des coordonnées à domicile des employés. Elle a également soutenu que, puisque personne n’avait présenté d’argument selon lequel il devrait y avoir une différence entre l’adresse et le numéro de téléphone résidentiels, il n’aurait pas été approprié d’accorder du poids à cet argument. Dans tous les cas, la Cour d’appel fédérale a remarqué que, pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la LRTFP, le syndicat peut avoir besoin d’unemanière plus rapide de communiquer avec les employés de l’unité de négociation qu’une communication par courrier ordinaire le permettrait. La Cour a de plus noté que M. Mackenzie avait conclu, à titre factuel, qu’aucune autre méthode que la communication à domicile ne serait adéquate pour permettre au syndicat de remplir ses devoirs légaux. Elle a également remarqué que la demanderesse n’avait pas renoncé à ses droits de représentation équitable par le syndicat et que M. Mackenzie avait conclu que la capacité d’un syndicat à communiquer rapidement et directement avec les employés de l’unité de négociation était essentielle pour qu’il s’acquitte de son devoir de représentation équitable.

31 Finalement, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel l’utilisation que le syndicat voulait faire de ses coordonnées domiciliaires n’était pas conforme à l’utilisation pour laquelle l’employeur recueillait les renseignements et elle a rejeté ses préoccupations relatives à un possible abus de ses renseignements.

32 La demanderesse a présenté une demande d’en appeler de la décision dans Bernard 2 auprès de la Cour suprême du Canada, laquelle demande a été accordée. L’appel a été rejeté dans Bernard c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 13 (« CSC Bernard »), avec dissidence partielle sur la question de savoir si l’ancienne Commission avait raison de refuser d’entendre les arguments de la demanderesse relatifs à la Charte dans IPFPC 3.

33 La Cour suprême du Canada a conclu qu’il était nécessaire de déterminer le caractère raisonnable d’IPFPC 3 dans le contexte des relations de travail dans lequel les préoccupations liées à la protection de la vie privée se sont posées. Elle a fait valoir qu’un syndicat a le droit exclusif de négocier au nom de tous les employés de l’unité de négociation qu’il représente, y compris les employés visés par la formule Rand. Le devoir du syndicat de représenter tous les employés de l’unité de négociation de manière équitable et de bonne foi est accessoire à ce droit. Les employés ne sont pas obligés de devenir membres de l’unité de négociation, mais ils ne peuvent pas choisir de se retirer de la relation de négociation et ne peuvent pas renoncer aux responsabilités de représentation du syndicat.

34 Selon la LRTFP, le syndicat doit donner à tous les employés de l’unité de négociation une occasion raisonnable de prendre part à un vote de grève ou à un vote sur les dernières offres et d’être informés des résultats de tels votes (articles 184 et 183). Dans ce contexte, l’ancienne Commission a soutenu que le refus par l’employeur de fournir les coordonnées domiciliaires constituait une pratique déloyale de travail aux termes du paragraphe 186(1) en raison de son intervention dans la représentation des employés par le syndicat.

35 La Cour suprême du Canada a jugé que cette conclusion était raisonnable. Elle a convenu que les devoirs du syndicat envers tous les employés de l’unité de négociation nécessitaient qu’il dispose de méthodes de communication efficaces, ce qui ne pouvait pas être tributaire de l’utilisation des installations de l’employeur ou des moyens de communication au travail. Elle a de plus admis que la nature tripartite de la relation signifiait que le syndicat devait être à égalité avec l’employeur et que les renseignements divulgués à l’employeur qui sont nécessaires pour que le syndicat exerce ses fonctions devaient être divulgués au syndicat afin de garantir que ce dernier et l’employeur soient à égalité en ce qui concerne les renseignements pertinents pour la relation de négociations collectives.

36 Lorsqu’elle a évalué si les usages proposés par le syndicat des coordonnées domiciliaires des employés correspondaient à une exception prévue à l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Cour suprême du Canada a remarqué que l’usage proposé n’avait pas à être identique aux fins auxquelles les renseignements ont été recueillis par l’employeur et qu’il n’avait qu’à être compatible avec cet objectif. La Cour supérieure était d’accord avec les constatations dans IPFPC 3 selon lesquelles l’usage proposé par le syndicat était de communiquer avec les employés de l’unité de négociation au sujet des modalités d’emploi et que le syndicat avait besoin de ces renseignements pour mener ses responsabilités de représentation. Elle a également admis que l’usage proposé par le syndicat était pour une fin conforme à celle pour laquelle les renseignements étaient recueillis, soit de permettre à l’employeur de communiquer avec les employés au sujet des modalités d’emploi.

37 La Cour suprême du Canada a également étudié et rejeté les arguments relatifs à la Charte de la demanderesse, même si la majorité des juges de la Cour ont jugé que la décision de M. Mackenzie était raisonnable lorsqu’il a jugé que son mandat de réexamen ne comprenait pas les arguments relatifs à la Charte de la demanderesse. Par conséquent, l’appel de la demanderesse a été rejeté. Sa demande visant le réexamen de cette décision par la Cour suprême du Canada a également été rejetée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le syndicat

38 Le syndicat m’a renvoyé à Czmola c. Conseil du trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 93; Quigley et le Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 125-02-77 (19980604); et Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39, et a indiqué que l’objectif d’un réexamen était de permettre à une partie de présenter de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments qui ne pouvaient pas raisonnablement être présentés au moment de l’audience originale. Cependant, il ne s’agit pas d’une autre manière d’interjeter appel. Il ne s’agit pas non plus d’un réexamen qui remet en litige le fond de l’affaire.

39 Le syndicat a particulièrement relevé les facteurs à prendre en compte énoncés dans Chaudhry, selon lesquels le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire, qu’il doit être fondé sur un changement important des circonstances et doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne peuvent être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale. La nature des nouveaux éléments de preuve ou des arguments est telle qu’elle a des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de l’affaire. Finalement, le réexamen doit avoir un motif impérieux et être demandé en temps opportun. Le syndicat a également souligné la mise en garde présentée dans Czmola selon laquelle le réexamen doit être exercé de manière « judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment ».

40 Le syndicat a affirmé que la demande de la demanderesse pour un réexamen aux termes de l’article 43 de la LRTFP est une tentative visant à remettre en litige une affaire à laquelle elle n’était pas une partie, aux motifs qu’elle aurait dû être informée des procédures et qu’elle aurait dû avoir une occasion d’y prendre part. Cependant, la demanderesse avait le droit de contester le fait qu’elle n’a pas été avisée et de demander un contrôle judiciaire d’IPFPC 1 au même moment où elle a demandé un contrôle judiciaire d’IPFPC 2. Elle ne l’a pas fait. Sa demande de réexamen d’IPFPC 1 n’a pas été présentée en temps opportun et constitue une tentative inappropriée d’obtenir le droit de présenter des arguments. La demanderesse comprenait le processus, puisqu’elle avait présenté une demande de contrôle judiciaire d’IPFPC 2 et avait eu un droit de parole partiel dans IPFPC 3 en raison de sa demande. Il est trop tard pour demander un réexamen d’une décision qui précédait la décision contestée.

41 Le syndicat a également indiqué que les documents et les renseignements que la demanderesse veut présenter à l’appui du réexamen d’IPFPC 1 ne correspondent à aucun des motifs de réexamen. Ils n’ont trait à aucun changement majeur des circonstances et portent plutôt sur un argument relatif au contexte historique fondé sur des documents auxquels elle avait facilement accès lorsqu’elle a produit sa demande de contrôle judiciaire d’IPFPC 2 et qui auraient pu être présentés aux audiences ultérieures.

42 Le syndicat a également fait valoir que les documents et les renseignements en question ne pouvaient pas raisonnablement avoir d’effet important et déterminant sur les résultats d’IPFPC 1, en particulier compte tenu des litiges qui ont suivis, jusqu’à la décision de la CSC, inclusivement.

43 Le syndicat a indiqué qu’il avait droit au règlement rapide et définitif de sa plainte aux termes de la LRTFP. La décision IPFPC 1 a été rendue plus de six ans plus tôt. Par conséquent, la demande de réexamen doit être considérée comme hors délai et doit être rejetée pour cette raison et au motif qu’elle ne remplit pas les exigences de réexamen précisées dans Chaudhry.

B. Pour l’employeur

44 L’employeur a souligné les lignes directrices permettant le réexamen qui sont énoncées dans Chaudhry. Il a remarqué que la demande de la demanderesse était fondée sur deux motifs. Le premier était que les arguments des parties qui ont mené à la décision dans IPFPC 1 portaient sur la jurisprudence de commissions provinciales du travail. Le second était que les parties avaient omis de présenter des arguments relatifs au contexte législatif des dispositions pertinentes de la loi et que, par conséquent, l’ancienne Commission n’avait pas accès au contexte législatif pertinent lui permettant de déterminer l’intention des législateurs.

45 L’employeur a indiqué que les documents produits par la demanderesse laissent entendre que l’argument qu’elle veut présenter pour le réexamen concerne des questions relatives aux renseignements personnels et à la Charte, que la CSC a entièrement traitées. Essentiellement, la demanderesse demande de remettre en litige la plainte de pratique déloyale de travail. En citant Gilkinson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 141, l’employeur a soutenu que le réexamen ne constituait pas un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire prévu par l’article 43 de la LRTFP.

46 L’employeur m’a renvoyé à de nombreuses reprises à la décision de la Cour suprême du Canada afin de démontrer que les nouveaux arguments que la demanderesse veut présenter au moyen de sa demande de réexamen avaient déjà été étudiés par la plus haute instance au pays et que la Cour suprême du Canada avait implicitement confirmé la décision rendue dans IPFPC 1. À cet égard, l’employeur a demandé que la demande de réexamen soit rejetée.

C. Réfutation de la demanderesse

47 La demanderesse a indiqué que, selon l’article 14 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement »), elle était une personne directement touchée par les procédures engagées dans IPFPC 1 et que l’ancienne Commission avait erré lorsqu’elle ne l’avait pas informée des procédures. Si elle avait été informée de ces procédures, elle aurait présenté une demande pour intervenir, conformément à l’article 14.

48 La demanderesse a reconnu qu’elle aurait pu présenter une demande de contrôle judiciaire d’IPFPC 1. Elle a indiqué avoir choisi de présenter ses arguments en vertu de la Charte et de la Loi sur la protection des renseignements personnels au lieu d’entreprendre une demande de réexamen de l’interprétation législative par l’ancienne Commission de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP dans IPFPC 1 puisque, si elle avait eu gain de cause dans la voie qu’elle a choisie, elle n’aurait pas été obligée de demander un réexamen d’IPFPC 1. Elle a affirmé que sa décision de poursuivre une réparation au lieu d’une autre était raisonnable et conforme à l’approche préconisée par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, lorsqu’elle cette dernière a soutenu, au paragraphe 18, que les personnes qui prétendent avoir subi un préjudice attribuable à une mesure gouvernementale doivent pouvoir présenter leur demande au système judiciaire au moyen de procédures « réduisant au minimum les frais et complexités ».

49 La demanderesse a souligné que l’article 43 de la LRTFP ne précisait pas de délais pour les demandes de réexamen. Elle a indiqué que l’ancienne Commission ainsi que la Commission précédente avaient régulièrement évalué les demandes de réexamen déposées des années après l’émission des décisions originales. À cet égard, elle m’a renvoyé à Conseil du Trésor du Canada c. Association des juristes du ministère de la Justice, 2014 CRTFP 68; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 81; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 57; Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 22; Association des gestionnaires financiers de la fonction publique c. Conseil du Trésor du Canada, 2004 CRTFP 61.

50 La demanderesse a affirmé qu’il était absurde que le syndicat suggère qu’elle aurait pu présenter ses arguments relatifs à l’interprétation légale de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP à une quelconque audience à laquelle elle avait pris part. Elle a remarqué que M. Mackenzie avait refusé de lui permettre de présenter ses arguments relatifs à la Charte et qu’il n’aurait par conséquent accepté aucune preuve ou aucun argument relatifs à l’interprétation légale. De plus, il a refusé d’admettre certains des documents qu’elle voulait présenter aux motifs qu’ils n’avaient pas trait à la question en lien avec la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Cour d’appel fédérale a également refusé de la laisser présenter des documents qui n’avaient pas été présentés devant M. Mackenzie lors de l’audience dans le cadre de Bernard 2.

51 La demanderesse a également affirmé que le Cour suprême du Canada avait clairement indiqué qu’elle n’examinerait pas l’interprétation de l’ancienne Commission de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP après que le syndicat se soit opposé à la suggestion voulant que l’interprétation de cette disposition était une question fondamentale. Elle a souligné que, durant l’audience, la juge Abella a indiqué qu’elle n’examinerait pas Millcroft Inn Ltd. and CAW-Canada, Local 448 (2000), 63 C.L.R.B.R. (2e) 181 (Ont.). En raison de la position de la Cour suprême du Canada, la demanderesse a indiqué qu’il était clair qu’elle n’aurait pu soulever la question de l’interprétation légale à aucune des procédures auxquelles elle a pris part après IPFPC 1.

52 La demanderesse a indiqué que le syndicat n’avait que lui-même à blâmer relativement au temps requis pour le règlement de sa plainte de 2007, puisqu’il n’a pas présenté la preuve en sa possession relative au nombre d’employés touchés par les procédures prévues dans IPFPC 1 et qu’il n’a pas mentionné à l’ancienne Commission qu’il avait informé le comité parlementaire, dans le cadre des débats sur les articles 183 et 184 de la LRTFP, qu’il n’avait pas accès aux renseignements lui permettant de communiquer avec les employés visés par la formule Rand avant l’adoption de la législation.

53 La demanderesse a affirmé que Gilkinson n’était pas pertinente pour sa demande. Contrairement au demandeur dans cette affaire, elle n’a pas été informée des poursuites engagées dans IPFPC 1 et elle n’a donc pas eu l’occasion de présenter des arguments ou des preuves relatives à l’interprétation de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP par l’ancienne Commission.

54 La demanderesse a indiqué que le fait que le régime contradictoire fonctionne par défense partisane d’une cause est un principe fondamental. Cependant, cela n’a pas été le cas dans le processus d’IPFPC 1. Comme l’a remarqué une formation de l’ancienne Commission, les parties devant la Commission étaient majoritairement en accord. La demanderesse a indiqué que l’employeur n’avait pas contesté l’affirmation du syndicat et n’a pas affirmé comme il l’aurait dû que son refus de fournir les coordonnées à domicile était conforme à l’intention des législateurs et au but et à l’objet de la LRTFP dans son ensemble. L’employeur n’a pas non plus avancé l’argument que, s’il respectait la demande du syndicat, il interviendrait dans l’administration du syndicat, ce qui est interdit par l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP. La demanderesse a indiqué que, si le processus dans IPFPC 1 avait été suffisamment contradictoire, l’employeur aurait affirmé que la CRTFP n’avait pas compétence pour ordonner la divulgation.

55 La demanderesse a indiqué que, contrairement à l’allégation voulant que la Cour suprême du Canada ait traité l’interprétation de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP, la décision de la Cour ne l’a pas mentionné et les commentaires de la juge Abella durant l’audience laissaient entendre qu’aucune détermination à cet égard n’avait été faite. Par conséquent, il est faux de prétendre que la Cour suprême du Canada a implicitement confirmé l’interprétation de l’alinéa 186(1)a) adoptée par l’ancienne Commission dans IPFPC 1. Dans tous les cas, une conclusion implicite ne constitue pas une détermination définitive.

56 La demanderesse a également laissé entendre que la détermination de la Cour suprême du Canada selon laquelle la décision de l’ancienne Commission était raisonnable ne pouvait être maintenue si la loi sous-jacente à la conclusion devait être modifiée d’une quelconque façon.

57 La demanderesse a affirmé que ses arguments étaient fondés et méritaient d’être pris en considération. En particulier, elle a remarqué que le principe d’harmonisation de l’interprétation légale présume que la législation portant sur le même sujet est cohérente. Puisque les dispositions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail comprennent le même libellé que les dispositions de la LRTFP et puisque le Code comprend une disposition sur la divulgation des coordonnées domiciliaires des employés, le principe d’harmonisation laisse entendre que l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP ne peut comprendre d’exigences relatives à la divulgation. De plus, selon l’interprétation du Conseil canadien des relations industrielles, les dispositions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail permettent aux employés de choisir que leurs renseignements ne soient pas divulgués, alors que l’interprétation par la CRTFP de ces dispositions comportant le même libellé ne permet pas aux employés de faire ce choix. Ces faits n’ont pas été présentés à l’ancienne Commission dans IPFPC 1 et n’ont donc pas été traités.

58 La demanderesse a affirmé que, puisqu’elle n’a pas été informée de la tenue d’une audience pour IPFPC 1 et qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter des observations étant donné que le processus contradictoire était absent et que des renseignements importants n’avaient pas été présentés à l’ancienne Commission, la décision dans IPFPC 1 devrait être réexaminée et une nouvelle conclusion devrait être rendue selon laquelle l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP n’oblige pas l’employeur à divulguer les coordonnées domiciliaires des employés au syndicat.

IV. Motifs

59 La présente est une demande de réexamen en vertu du paragraphe 43(1) de la LRTFP de la décision IPFPC 1 de 2008. Le paragraphe 43(1) prévoit ce qui suit :

43. (1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

60 La jurisprudence de la CRTFP et de son prédécesseur prévoit des lignes directrices et des critères en ce qui concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vue d’examiner ou de modifier ses ordonnances ou ses décisions. Ces lignes directrices ont été résumées dans Chaudhry (confirmé par la Cour d’appel fédérale dans Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376), au paragraphe 29, dans les termes suivants :

[…]

  • le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire;
  • il doit être fondé sur un changement important des circonstances;
  • il doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne pouvaient être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale;
  • on doit s’assurer que les nouveaux éléments de preuve ou arguments ont des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte;
  • on doit veiller à ce que le réexamen soit fondé sur un motif impérieux;
  • le pouvoir de réexamen doit être exercé de manière « […] judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment […] » (Czmola).

61 Un réexamen aux termes de l’article 43 de la LRTFP n’est pas un appel ou une nouvelle décision. Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans Chaudhry : « […] Il s’agit plutôt d’une exception limitée au caractère définitif des décisions de la Commission qui permet aux décideurs de réexaminer leur décision en tenant compte d’un nouvel élément de preuve ou d’un nouvel argument. »

62 La présente demande est fondée sur la croyance de la demanderesse selon laquelle l’ancienne Commission n’avait pas devant elle des éléments de preuve et des arguments importants sur le contexte historique en ce qui concerne le vote de grève et le vote sur les dernières offres du Code et de la LRTFP. Selon elle, ces dispositions étaient essentielles à la conclusions d’IPFPC 1 voulant que le fait que l’employeur n’ait pas divulgué les coordonnées d’un employé constituait une pratique déloyale de travail au sens de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP. En particulier, elle veut que la Commission prenne en considération les débats de la Chambre des communes et des comités de la Chambre des communes précédant les modifications apportées au Code, en 2000. Elle veut également que la Commission prenne en considération les preuves tirées des débats de la Chambre des communes en 2003, sur la Loi sur la modernisation de la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22),par laquelle la LRTFP a été créée, en plus des observations faites par les représentants syndicaux qui ont comparudevant les comités parlementaires et qui ont examiné les modifications proposées au Code et, plus tard, les dispositions de la LRTFP.

63 Selon la demanderesse, ces faits appuient son argument selon lequel les législateurs n’avaient pas l’intention que les coordonnées domiciliaires des employés soient données aux syndicats sans le consentement des employés. Elle a affirmé que l’ancienne Commission aurait dû avoir ce renseignement lorsqu’elle a tranché IPFPC 1, mais que, puisqu’elle n’a pas été informée de l’audience (on lui a refusé l’occasion de prendre part à l’audience et d’y présenter des arguments), des renseignements essentiels pour la décision n’ont pas été présentés à la Commission.

64 Cette demande soulève un certain nombre de questions. D’abord, la demanderesse n’était pas, tel qu’il a été indiqué, une partie à la décision dont elle demande le réexamen et je mets en doute son droit de demander un réexamen d’IPFPC 1. À mon avis, il y a des motifs de conclure qu’elle n’a pas ce droit.

65 IPFPC 1 portait sur une plainte déposée par le syndicat contre l’employeur en vertu des alinéas 190(1)b) et g) de la LRTFP. La plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)b) concernait une allégation selon laquelle l’employeur a omis de négocier de bonne foi, conformément à l’article 106. La plainte prévue à l’alinéa 190(1)g) concernait des allégations d’ingérence de l’employeur dans la représentation par le syndicat des employés de l’unité de négociation, en plus d’un manquement au devoir de représentation équitable. Un employé seul n’aurait habituellement aucun intérêt ou droit à l’égard d’une plainte déposée par un syndicat contre un employeur aux termes des dispositions relatives à la négociation de mauvaise foi ou à une ingérence dans l’administration du syndicat ou la représentation des employés.

66 La demanderesse n’était pas une partie à la plainte mais, compte tenu des circonstances d’IPFPC 1, il aurait pu être possible de faire valoir qu’elle était une personne ayant un intérêt substantiel dans les résultats de la procédure puisque la réparation demandée par le syndicat comprenait, entre autres, une demande voulant que l’employeur fournisse au syndicat les coordonnées domiciliaires de ses employés. L’article 14 du Règlement est ainsi rédigé :

14. (1) Quiconque a un intérêt substantiel dans une affaire dont la Commission est saisie peut demander à celle-ci d’y être ajouté à titre de partie ou d’intervenant.

(2) Après avoir donné aux parties l’occasion de présenter leurs observations à l’égard de la demande, la Commission peut ajouter le demandeur à titre de partie ou d’intervenant.

67 Cependant, le statut d’intervenant n’est pas automatique. Toutes les parties à une instance ont un droit de présenter des observations dans le cadre d’une demande d’obtention du statut d’intervenant. Personne ne conteste le fait que la demanderesse n’a pas été informée de la procédure et qu’elle n’a donc pas pu demander le statut d’intervenant au moment de l’audience ou à une quelconque date ultérieure. Il est, en fait, difficile de savoir à quel égard une personne demanderait d’intervenir sur une affaire déjà tranchée. Selon moi, la réparation, dans ces situations, serait une demande de contrôle judiciaire, soit l’approche choisie par la demanderesse pour IPFPC 2.

68 Même si la demanderesse pouvait demander un contrôle judiciaire d’IPFPC 1, elle a plutôt choisi de demander un contrôle judiciaire d’IPFPC 2, en citant, entre autres motifs, le manque d’avis et de possibilité de prendre part aux procédures relatives à cette affaire. Le droit que la Cour d’appel fédérale lui a accordé afin de participer à IPFPC 3 découlait directement de sa demande de contrôle judiciaire d’IPFPC 2 et de la réparation accordée par la cour; ce droit n’était aucunement lié à un droit inhérent de présenter des arguments. Même si IPFPC 1, qui était une décision provisoire, pouvait être considérée comme faisant partie des mêmes procédures qu’IPFPC 2, le droit accordé par la Cour d’appel fédérale à la demanderesse dans Bernard 1 visait uniquement sa participation dans les procédures subséquentes et était de nature limitée.

69 À mon avis, accorder à la demanderesse un droit de réexamen d’une décision à laquelle elle n’était pas partie serait effectivement un contournement des exigences de l’article 14 du Règlement. Cela constituerait une menace au caractère irrévocable de la décision de la Commission, puisque cela permettrait à toute personne qui n’est pas partie à une décision d’en demander le réexamen. Il s’agit d’un motif fondamental pour conclure que seules les parties à une décision peuvent en demander le réexamen.

70 Je remarque également que la demande a été faite six ans après la publication de la décision visée par cette requête. Par conséquent, il y a également une question de respect des délais. La demanderesse a affirmé que le délai dans le cadre de sa demande de réexamen découlait de sa décision de présenter ses préoccupations relatives à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Charte devant les tribunaux. C’est peut-être le cas, mais cela ne l’empêchait pas de demander un réexamen en même temps qu’elle présentait ses préoccupations devant les tribunaux. Même si elle a raison d’affirmer qu’il n’y a pas de délai établi pour un réexamen, la décision de l’ancienne Commission dans Chaudhry a établi qu’une demande de réexamen devait être faite le plus tôt possible.

71 Compte tenu des circonstances de cette demande, je ne peux pas conclure que la demanderesse a présenté sa demande en temps opportun. Les faits qu’elle veut présenter à la Commission aux fins d’un réexamen sont antérieurs à l’audience d’IPFPC 1 et à toutes les audiences subséquentes sur la question de savoir si le syndicat a droit aux coordonnées domiciliaires des employés. Par conséquent, la demanderesse y avait droit bien avant qu’elle produise la demande de réexamen.

72 Selon la demanderesse, elle a pris une décision tactique raisonnable de poursuivre les demandes de contrôle judiciaire qu’elle avait produites en lien à IPFPC 2 et à IPFPC 3 au lieu de demander un réexamen d’IPFPC 1. Elle a indiqué que, si elle avait eu gain de cause, elle n’aurait pas eu besoin de poursuivre une demande de réexamen d’IPFPC 1. Cependant, la question à réexaminer dans IPFPC 1 doit être distincte des questions qui ont fait l’objet des demandes de contrôle judiciaire et des appels soulevés dans IPFPC 2 et IPFPC 3, à défaut de quoi elle serait sans portée pratique. Si la question pour laquelle la demanderesse demande un réexamen est distincte des questions ayant fait l’objet de litiges dans les autres procédures, alors il n’y avait aucune raison légitime de ne pas déposer une demande de réexamen concurrente à ses autres poursuites judiciaires. Le succès ou l’échec de ses autres litiges n’aurait pas dû avoir de répercussion sur la question de savoir s’il y avait des enjeux non liés d’IPFPC 1 qui devraient être réexaminés; si c’était le cas, alors cette demande n’a pas été produite à la première occasion.

73 Même si le manque de droit de présenter des arguments et le non-respect des délais prescrits sont des motifs suffisants pour rejeter la demande de la demanderesse pour un réexamen, il y a d’autres obstacles importants au réexamen d’IPFPC 1. En particulier, je remarque que les lignes directrices pour un réexamen, indiquées dans Chaudhry, nécessitent, entre autres, que les nouveaux éléments de preuves ou arguments aient « […] des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte […] ». Je ne peux pas arriver en arriver à cette conclusion compte tenu des circonstances de cette demande.

74 La demanderesse veut que la Commission étudie ce qu’elle décrit comme le contexte législatif lié à l’interprétation de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP. Le contexte législatif auquel elle renvoie consiste principalement en des énoncés et des commentaires faits lors de débats parlementaires et de comités en lien avec les dispositions législatives du Code, qui n’ont pas été examinés dans IPFPC 1. Par conséquent, il y a une question liée à la pertinence des faits en question. De plus, selon la demanderesse, les faits présentés à l’appui d’un réexamen ont directement trait à la question de savoir si un syndicat a droit aux coordonnées domiciliaires d’un employé et si le refus d’un employeur de les fournir est une ingérence allant à l’encontre de l’alinéa 186(1)a).

75 Cependant, M. Butler n’a pas conclu, dans IPFPC 1, que le manquement par l’employeur de fournir les coordonnées domiciliaires des employés était une ingérence au sens de l’alinéa 186(1)a) de la LRTFP. Il a seulement conclu que le manquement de l’employeur de fournir certains des renseignements réclamés par le syndicat était de l’ingérence au sens de l’alinéa 186(1)a). Il a indiqué assez clairement qu’il ne croyait pas avoir suffisamment de preuve pour déterminer, entre autres, la nature précise des renseignements nécessaires pour que le syndicat remplisse ses obligations de représentation ou la part de ces renseignements que l’employeur devrait fournir. Ces questions, notamment, devaient être réglées lors de l’audience subséquente, soit IPFPC 2.

76 Puisque les faits que la demanderesse veut que la Commission examine dans le cadre de sa demande de réexamen sont en vue d’une conclusion que l’ancienne Commission n’a pas rendue de manière explicite et délibérée dans IPFPC 1, je ne crois pas qu’un tel examen aurait des conséquences importantes et déterminantes sur le résultat de la plainte et, par conséquent, ne respecterait pas les critères présentés dans Chaudhry.

77 Il me semble que cette demande est une tentative mal déguisée de rouvrir une question déjà tranchée par la plus haute instance au pays. Même si la demanderesse affirme qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter des preuves liées au contexte législatif des dispositions examinées dans IPFPC 1 puisqu’elle ne prenait pas part à ces procédures, en fait, l’interprétation des dispositions législatives pertinentes était un thème récurrent de tous les litiges postérieurs, dans lesquels elle était une participante active. La Cour suprême du Canada a tranché la question de manière complète et définitive (dans 2014 CSC 13) lorsqu’elle a maintenu que les conclusions rendues dans IPFPC 3 étaient « clairement justifiées » et « […] que le refus de l’employeur de communiquer les coordonnées résidentielles des employés constituait une pratique déloyale de travail parce qu’il intervenait ainsi dans la représentation des fonctionnaires par le syndicat. »

78 Pour toutes ces raisons, je conclus que cette demande de réexamen d’IPFPC 1 n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.

79 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

80 La demande de réexamen de la décision rendue dans IPFPC 1 est rejetée.

Le 29 juin 2015

Traduction de la CRTEFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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