Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a commis un acte discriminatoire à son égard en exigeant qu’elle subisse une évaluation de l’aptitude au travail (EAT) par un médecin ne relevant pas de son choix, en lui interdisant de se présenter à son lieu de travail et en omettant de lui fournir un environnement exempt de discrimination et de harcèlement – la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée nommée pour une période déterminée – elle a informé l’ARC qu’elle souffrait d’anxiété et qu’elle vivait une rupture difficile – la fonctionnaire s’estimant lésée a été confrontée à de nombreux conflits avec ses collègues et ses superviseurs – à sa demande, la fonctionnaire s’estimant lésée a été mutée au quart du matin et on lui a donné un lieu de travail tranquille à proximité d’une fenêtre, ce qui, selon ses allégations, n’a pas été respecté en tout temps – des collègues ont signalé que la fonctionnaire s’estimant lésée avait des conversations inappropriées avec les contribuables – on a informé la fonctionnaire s’estimant lésée que son contrat ne serait pas renouvelé si elle n’arrivait pas à s’entendre avec ses collègues – la fonctionnaire s’estimant lésée fût assujettie à un plan d’action et l’ARC a accepté de prendre plusieurs mesures d’adaptation, incluant lui permettre de quitter son lieu de travail pour se calmer au besoin et accepter de ne pas convoquer de réunions imprévues – la fonctionnaire s’estimant lésée s’était présentée au travail, à au moins une occasion, malgré un certificat médical indiquant qu’elle était malade – la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée d’être réaffectée à un autre chef d’équipe a été refusée initialement, mais acceptée par la suite – la fonctionnaire s’estimant lésée a quitté le bureau pour se calmer dans une salle de prière, mais sa détresse a attiré l’attention de la sécurité, augmentant ainsi son anxiété – la fonctionnaire s’estimant lésée a été hospitalisée dans une unité psychiatrique, pendant les cinq jours qui ont suivi un incident au travail – elle s’absentait régulièrement du travail et, à l’occasion, elle omettait de communiquer avec le bureau pour l’informer de son absence – l’ARC a demandé que la fonctionnaire s’estimant lésée subisse une EAT par un médecin indépendant et l’a retirée du milieu de travail en attendant la confirmation qu’elle était apte à travailler – la fonctionnaire s’estimant lésée a refusé et, éventuellement, elle a pris un congé d’invalidité de longue durée – l’arbitre de grief a conclu que l’ARC s’était acquittée de son fardeau de présenter des exigences professionnelles de bonne foi pour exiger la tenue d’une EAT par un tiers et interdire à la fonctionnaire s’estimant lésée de se rendre au bureau en attendant un certificat médical – l’arbitre de grief avait un intérêt légitime en ce qui a trait à la protection de la santé de la fonctionnaire s’estimant lésée et à la sécurité des autres employés – l’ARC a pris des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, selon les recommandations de son médecin – tout changement de lieu de travail temporaire ou toute réunion imprévue découlant de plaintes urgentes, ne constituaient pas un acte discriminatoire – des inconvénients mineurs ne constituaient pas d’interruptions aux mesures d’adaptation de la fonctionnaire s’estimant lésée – cette dernière n’a présenté aucune preuve indiquant qu’un poste de travail modulaire auquel elle avait été déplacée ne convenait pas – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a fourni aucune justification médicale relativement à sa demande d’être affectée à un nouveau chef d’équipe – l’incident survenu dans la salle de prière n’était pas un acte de harcèlement – il était justifié d’assujettir la fonctionnaire s’estimant lésée à un plan de rendement – la direction n’a commis aucun acte discriminatoire à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée en tentant de traiter les questions relatives à son assiduité et à son rendement. Griefs rejetés.

Contenu de la décision

  • Date: 20151014
  • Dossier: 566-34-7736 à 7738
  • Référence: 2015 CRTEFP 83

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROSHEEN MCLAUGHLIN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Rosheen McLaughlin et Agence du Revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada, et Kristan McLeod, avocate
Pour l'employeur:
Zorica Guzina, avocate
Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
du 16 au 18 septembre 2014 et du 7 au 10 juillet 2015.

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Rosheen McLaughlin, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a allégué que l’employeur, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur ») a discriminé contre elle lorsqu’il a exigé qu’elle subisse une évaluation de l’aptitude au travail (EAT) par un médecin de son choix sans aucun motif raisonnable et probable, qu’il lui a interdit de se présenter au lieu de travail sans motif et qu’il a omis de lui fournir un milieu de travail exempt de discrimination et de harcèlement.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014, continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

3 La fonctionnaire a témoigné longuement au sujet de sa version des événements, et ce, à compter de sa date d’embauche jusqu’au moment où elle a déposé ses griefs. Elle avait été embauchée à titre d’agente des services aux contribuables par l’employeur à son centre d’appels à Edmonton, en Alberta. Son rôle consistait à répondre aux demandes de renseignements par téléphone de « niveau 1 » liées à l’impôt des sociétés, à la TPS et à la paie provenant des contribuables. À l’origine, elle avait été embauchée aux termes d’un contrat de travail pour une période déterminée d’un an, dont les six premières semaines étaient consacrées à la formation. Chaque jour, elle travaillait un quart de huit (8) heures comptant deux pauses payées de 15 minutes, une période de lecture de 15 minutes et une pause-repas non payée d’une demi-heure. Pendant le reste de son quart, elle répondait aux appels téléphoniques. À l’origine, elle travaillait le quart de 10 h à 18 h, mais elle a ensuite demandé d’être mutée au quart de 7 h à 15 h, ce qui a été approuvé. Le motif du changement était que le quart du matin était plus tranquille et lui permettait plus facilement de se présenter à ses rendez-vous chez son médecin.

4 La fonctionnaire a commencé à exercer son emploi en juin 2008. En septembre 2008, elle a éprouvé des difficultés avec une collègue, soit « M », qui, selon la fonctionnaire, était bruyante et perturbait le milieu de travail, ce qui rendait difficile pour la fonctionnaire d’exécuter ses fonctions. Elle a rencontré son chef d’équipe, Eric Beaudoin, à maintes reprises au sujet de l’incidence de M sur ses statistiques. Le conflit a été réglé lorsque les parties ont eu recours au processus de règlement de différends de l’employeur. La source du conflit, selon la fonctionnaire, était le fait que M avait été contrariée lorsque la fonctionnaire lui a demandé d’être plus silencieuse dans le milieu de travail. M avait l’impression que la fonctionnaire ne l’aimait pas. Afin de régler ce conflit, la fonctionnaire a été mutée au quart du matin, qui était beaucoup plus tranquille.

5 Selon la fonctionnaire, après sa mutation au quart du matin, tout a été correct, et ce, jusqu’à ce qu’elle informe l’employeur, en octobre 2008, de ses problèmes d’anxiété. Cette divulgation a été effectuée dans le cadre d’une conversation avec M. Beaudoin, sur un sujet autre, alors que la fonctionnaire l’a informé qu’elle prenait des médicaments qui pouvaient entraîner une irritabilité. Lorsqu’elle a commencé son emploi, elle prenait une dose de 75 mg d’Effexor. Au moment où elle a quitté l’ARC, sa dose avait augmenté à 300 mg. Elle devait également prendre des médicaments pour l’aider à dormir. Lorsqu’elle a communiqué ces renseignements à M. Beaudoin, il n’a pas réagi. Elle a réalisé pour la première fois qu’il y avait un problème lorsque Nadine Bell, la superviseure de M. Beaudoin, lui a demandé, ainsi qu’à M. Beaudoin, de la rencontrer dans son bureau en vue de discuter d’une question liée à un conflit d’intérêts.

6 Mme Bell a informé la fonctionnaire que le fait qu’elle aide ses amis à organiser leurs affaires financières et à produire des déclarations de revenus constituait un conflit d’intérêts. Cela a surpris la fonctionnaire puisqu’elle avait informé M. Beaudoin qu’elle offrait cette aide et qu’elle lui avait demandé si elle devait signer une déclaration sur les conflits d’intérêts. M. Beaudoin avait alors dit que cela n’était pas nécessaire. Toutefois, il ne l’a pas mentionné lors de la réunion. Par conséquent, selon la fonctionnaire, son emploi pour une période déterminée d’un an a été diminué à trois mois. À l’origine, elle a été embauchée de juin 2008 à juin 2009. La fonctionnaire ne se souvenait pas de la date à laquelle cette réunion avait été tenue.

7 Une série de prolongations ont été accordées à l’offre initiale d’emploi pour une période déterminée, soit du 9 juin 2008 au 3 avril 2009. Son mandat a été prolongé du 3 avril 2009 au 26 juin 2009, du 26 juin 2009 au 7 août 2009, du 7 août 2009 au 9 avril 2010; du 9 avril 2010 au 1er avril 2011, du 1er avril 2011 au 24 juin 2011, du 24 juin 2011 au 28 octobre 2011, du 28 octobre 2011 au 30 décembre 2011 et du 28 octobre 2011 au 30 mars 2012 (voir la pièce 7 qui comprend les détails relatifs aux mesures de dotation et aux prolongations de son mandat).

8 Selon la fonctionnaire, Mme Bell l’a informée qu’aucune autre prolongation de son contrat ne serait accordée après la prolongation initiale de trois mois. La fonctionnaire n’a eu aucune réunion avec M. Beaudoin au cours de la première prolongation de trois mois. Elle n’a obtenu aucun encadrement écrit ni aucun autre document écrit au sujet de son travail. À la question de savoir pourquoi aucune autre prolongation ne serait accordée, Mme Bell l’a informée que si elle ne pouvait pas s’entendre avec ses collègues, elle ne pouvait pas travailler à l’ARC. Malgré sa demande de documentation écrite quant à la signification de ce que Mme Bell lui avait dit, elle n’en a reçu aucune. Une prolongation de deux mois lui a été accordée le lendemain.

9 Pendant cette prolongation, aucun service de conseil n’a été offert à la fonctionnaire. M. Beaudoin lui a dit quelques fois par semaine de s’améliorer ou aucune autre prolongation ne serait accordée. Il ne lui a jamais expliqué ce qu’il voulait dire. Des conflits ont continué de survenir entre la fonctionnaire et ses collègues. « J » est entrée dans l’espace de travail de la fonctionnaire pendant qu’elle était au téléphone avec un client et elle aurait tapé son pied et commencé à crier à l’endroit de la fonctionnaire. J a soutenu que la fonctionnaire donnait des renseignements inexacts au client, même si elle ne pouvait entendre que le côté de la fonctionnaire de la conversation. La fonctionnaire estimait que l’intrusion de J dans son espace de travail avait porté atteinte à son espace privé, ce qui a intensifié son niveau d’anxiété. M. Beaudoin a entendu le conflit de son bureau et est allé voir ce qui se passait. Il était très contrarié et il a ordonné aux deux d’arrêter immédiatement. D’autres collègues avaient fermé leur session dans le système téléphonique pour aller voir ce qui se passait.

10 Le 3 avril 2009, après l’incident avec J, la fonctionnaire a été convoquée à une réunion avec M. Beaudoin afin de signer une déclaration selon laquelle elle ne respectait pas les valeurs fondamentales de l’ARC et pour accepter un plan d’action qu’il avait élaboré à son égard. Il lui a dit qu’elle devait s’améliorer ou aucune autre prolongation de son contrat pour une période déterminée ne serait accordée. Elle a demandé d’obtenir une copie du plan d’action afin d’y ajouter ses commentaires dans la zone du formulaire réservée à cette fin le lendemain. Cette copie ne lui a pas été fournie avant plusieurs mois plus tard. Le jour où M. Beaudoin l’a convoquée à une réunion dans son bureau en vue de discuter du plan d’action, la fonctionnaire a subi un accès d’anxiété parce qu’elle avait été prise par surprise.

11 La fonctionnaire souhaitait obtenir des précisions quant à la façon dont elle ne respectait pas les valeurs de l’ARC. Elle souhaitait également avoir un plan d’action qui était précis, mesurable, réalisable, raisonnable et opportun. Elle a envoyé un courriel à M. Beaudoin pour lui demander des précisions et n’a reçu aucune réponse.

12 Peu après la réunion du 3 avril 2009, des postes permanents ont été offerts à d’autres employés nommés pour une période déterminée au centre d’appels, alors qu’une simple prolongation a été accordée à la fonctionnaire. Elle a supposé que son rendement était satisfaisant. Ses statistiques étaient bonnes; toutefois, d’autres employés qui avaient commencé au même moment qu’elle sont devenus des employés nommés pour une période indéterminée, mais pas elle. Conformément à la politique de l’ARC, la fonctionnaire a demandé une rétroaction quant à la raison pour laquelle le statut d’employée nommée pour une période indéterminée ne lui avait pas été accordé. Elle devait recevoir une rétroaction écrite dans les 10 jours ouvrables suivant sa demande. Elle n’a rien reçu.

13 Au moment où la fonctionnaire a rencontré sa représentante syndicale, Edith Keefe-MacLeod, ainsi que M. Beaudoin et Mme Bell, le 2 juillet 2009, elle n’avait toujours pas reçu de réponse à ses demandes concernant le plan d’action. Lors de la réunion, elle a demandé d’être mutée de l’équipe de M. Beaudoin et affectée à un chef d’équipe qui était plus réceptif envers les employés puisqu’elle souffrait de problèmes d’anxiété et de trouble dépressif et qu’elle ne voulait plus faire l’objet du harcèlement de M. Beaudoin à son égard. Elle était d’avis qu’il était évident que M. Beaudoin avait un problème à son égard, ce qui aggravait son problème d’anxiété et l’empêchait de dormir. La fonctionnaire a affirmé que lors de la réunion, elle a été longuement interrogée au sujet des médicaments qu’elle prenait et de ses médecins. Au cours de la réunion, ils ont dressé une liste des façons dont la fonctionnaire serait traitée, mais sa demande d’être affectée à un autre chef d’équipe a été refusée (voir le courriel : pièce 8).

14 Selon les recommandations, notamment, il n’y aurait aucune réunion imprévue; la fonctionnaire et M. Beaudoin devaient se rencontrer tous les vendredis après-midi pendant une demi-heure pour discuter de ses progrès; la fonctionnaire devait avoir un lieu de travail tranquille à proximité d’une fenêtre; la fonctionnaire ne devait discuter de sa situation personnelle avec aucun de ses coéquipiers; si la fonctionnaire avait un problème à l’égard d’un coéquipier, elle devait suivre le modèle de règlement des différends de l’ARC; la fonctionnaire pouvait quitter son lieu de travail pour se calmer et reprendre le contrôle au besoin; la fonctionnaire devait utiliser un vocabulaire approprié au sein du lieu de travail; la fonctionnaire devait se contrôler lorsqu’elle était au centre d’appels; la fonctionnaire devait continuer de travailler le quart du matin et serait munie d’un casque téléphonique pour deux oreilles afin de réduire au minimum les distractions. Après la réunion, Mme Keefe-MacLeod a montré la salle de prière à la fonctionnaire et lui a dit qu’elle pouvait l’utiliser au besoin pour se calmer.

15 La fonctionnaire a réitéré ses demandes d’être mutée de l’équipe de M. Beaudoin à celle de Rick Wilson, qui avait remplacé Mme Bell (voir les pièces 2 et 3). Elle lui a dit qu’elle estimait faire l’objet de harcèlement et de discrimination de la part de M. Beaudoin et que ce dernier l’empêchait d’avancer. M. Wilson a informé sa représentante syndicale qu’il était content du travail et des statistiques de la fonctionnaire. Toutefois, deux incidents de conflits sont survenus entre la fonctionnaire et des clients, au sujet desquels elle a eu une réunion avec M. Wilson. Dans un cas, le client ne pouvait pas se souvenir du nom de la personne avec qui il ou elle avait discuté. Dans le deuxième cas, il s’agissait d’une cliente qui avait appelé à maintes reprises et qui avait discuté avec de nombreux agents. La cliente croyait avoir obtenu différentes réponses chaque fois qu’elle appelait. La fonctionnaire lui a expliqué le processus concernant la façon de déposer une plainte. M. Wilson a fermé la plainte, indiquant que la fonctionnaire avait traité l’appel de manière appropriée.

16 Le 7 octobre 2009, la fonctionnaire devait rencontrer M. Wilson et M. Beaudoin. Puisque M. Beaudoin avait accepté une nouvelle affectation et qu’il quittait l’équipe, la chef d’équipe intérimaire, Sue Sohnle, l’avait remplacé à la réunion. Peu de temps avant la réunion, M. Wilson a décidé qu’il n’était pas nécessaire qu’il y assiste. La fonctionnaire n’était pas à l’aise de rencontrer Mme Sohnle seule, notamment parce que lors de la réunion du 2 juillet 2009, une entente relative aux réunions avait été conclue selon laquelle les réunions seraient fixées au moins deux jours à l’avance et que les personnes qui devaient y assister ne pouvaient être remplacées par une autre personne sans préavis. La fonctionnaire en a éprouvé beaucoup d’anxiété et, par conséquent, elle est allée à la salle de prières pour se calmer.

17 Pendant qu’elle y était, un gardien de sécurité est entré et lui a demandé pourquoi elle pleurait. La fonctionnaire était tellement bouleversée que le gardien de sécurité a appelé la sécurité de l’ARC, la sécurité de l’immeuble et un représentant su programme d’aide aux employés. Il lui a dit qu’elle devait retourner travailler ou qu’elle courrait le risque de perdre son emploi, ce qui a fait en sorte qu’elle est devenue encore plus anxieuse. La fonctionnaire a appelé son bureau et a informé le centre de contrôle de la circulation qu’elle n’était pas en mesure de travailler en raison d’un accès d’anxiété total. Elle est ensuite partie. Une fois qu’elle a été en mesure de conduire, elle s’est rendue au bureau de son médecin. Il lui a donné un certificat médical indiquant qu’elle devrait prendre un congé. Toutefois, dans le cadre de la discussion avec son médecin, il lui a indiqué que si elle ne pouvait pas prendre un congé payé, elle éprouverait moins d’anxiété si elle retournait travailler. Elle a présenté la note du médecin (pièce 3) à Mme Sohnle, le 26 octobre 2009, et elle a été informée qu’elle serait en congé jusqu’à ce qu’une EAT puisse être effectuée. On lui a demandé de fermer sa session dans le système et de retourner chez elle.

18 La fonctionnaire a demandé de rencontrer M. Wilson, mais elle a été informée qu’elle devait partir, car elle représentait un risque. Elle a tenté d’expliquer qu’elle n’avait pas les moyens de prendre un congé non payé, mais cela n’a fait aucune différence. M. Wilson lui a envoyé une lettre (pièce 24) dans laquelle il a confirmé l’exigence de subir une EAT, suivant laquelle une réunion serait tenue pour discuter de toute mesure d’adaptation qui pourrait être requise. Cette discussion n’a jamais eu lieu.

19 Le 2 novembre 2009, Denis Chenevert a assumé le poste de chef d’équipe de la fonctionnaire. Elle et M. Chenevert étaient des amis antérieurement et, par conséquent, la fonctionnaire espérait que les choses s’amélioreraient et qu’elle pourrait sauver sa carrière. Avant janvier 2010, elle n’était au courant de l’existence d’aucun problème, jusqu’à ce qu’elle soit déplacée de son lieu de travail tranquille à proximité de la fenêtre pour répondre aux besoins d’un autre employé.

20 La fonctionnaire a demandé à M. Chenevert d’expliquer pourquoi les besoins en mesure d’adaptation de l’autre employé avaient préséance sur les siens; elle n’a reçu aucune réponse. Son nouveau poste de travail était situé dans un endroit à circulation élevée, ce qui a augmenté son anxiété. Elle était en congé entre le 2 et le 4 mars 2010. Lorsqu’elle est retournée au travail, M. Chenevert l’a rencontrée et lui a posé de nombreuses questions au sujet de sa maladie.

21 Le 10 ou 11 mars 2010, la fonctionnaire est allée à la bibliothèque de l’ARC au sous-sol de son immeuble pour faire un appel. Pendant le trajet, elle a trébuché sur une brique et elle est tombée, ce qui lui a fait peur. Elle a subi un accès d’anxiété et elle est devenue hystérique. Elle a essayé de se calmer pendant sa pause-repas, mais elle n’a pas réussi. À la fin de sa pause-repas, elle a rencontré M. Chenevert et lui a demandé de rentrer chez elle. Il lui a dit qu’elle ne pouvait pas quitter et qu’elle devait s’asseoir à son bureau et remplir une formule de déclaration d’accident. À un moment donné, ils sont allés voir où elle était tombée. Elle est demeurée au travail aussi longtemps qu’elle le pouvait. Environ 40 minutes avant la fin de son quart, elle n’en pouvait plus et elle est allée trouver M. Chenevert. Comme elle ne parvenait pas à le trouver, elle a informé une des secrétaires qu’elle devait partir.

22 Après cet incident, elle a discuté avec un travailleur social de la police qui l’a emmenée à l’urgence du Royal Alexandra Hospital, où elle a été hospitalisée pendant cinq jours à l’unité de psychiatrie. Son médecin traitant à l’hôpital a rédigé une note à l’intention de son employeur dans laquelle il confirmait l’hospitalisation de la fonctionnaire. Il a également informé la fonctionnaire de ne pas divulguer à son employeur la raison de son hospitalisation. Quelques jours après son retour au travail, M. Chenevert l’a informée qu’elle devait consulter le Dr Grootelaar et que l’employeur assumerait les frais liés au rendez-vous. Puisqu’elle avait épuisé tous ses congés de maladie, elle ne pouvait être rémunérée pour le rendez-vous. Le rendez-vous est ensuite passé du Dr Grootelaar à l’associé de ce dernier, le Dr Els. Avant de s’y présenter, la fonctionnaire devait fournir des échantillons de sang et d’urine et ensuite fixer son rendez-vous avec le médecin, à défaut de quoi, elle serait tenue d’assumer les coûts liés au rendez-vous.

23 Elle est rentrée chez elle après cette discussion. Elle a reçu une série de trois lettres recommandées de son employeur dans lesquelles il était indiqué qu’elle était en congé jusqu’à ce qu’elle se conforme à sa demande et que le défaut de s’y conformer pouvait entraîner une mesure disciplinaire. La fonctionnaire a rédigé une lettre à son bureau des relations de travail local et a expliqué qu’elle n’avait aucun problème à consulter les médecins, mais qu’elle exigeait les raisons précises pour lesquelles on lui demandait de les consulter, ainsi que les raisons pour lesquelles elle devait fournir des échantillons de sang et d’urine. La conseillère en relations de travail a répondu qu’elle ne pouvait pas répondre aux questions de la fonctionnaire au moyen de courriel non sécurisé puisque cela constituerait une violation de ses droits à la protection des renseignements personnels. La fonctionnaire ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas consulter son propre médecin, dont le nom était suivi d’un titre qui indiquait qu’il avait suivi des cours supplémentaires sur le traitement de l’anxiété. La fonctionnaire est demeurée en congé en raison de son refus de se présenter au rendez-vous.

24 Plus tard, la Financière Sun Life (« Sun Life »), la société d’assurance-invalidité de longue durée de la fonctionnaire a suggéré qu’elle consulte un autre médecin, qui était spécialisé en schizophrénie. Sun Life a ensuite communiqué avec M. Chenevert pour déterminer si un retour au travail pourrait être organisé pour la fonctionnaire. Il lui a répondu qu’elle ne pouvait pas retourner au travail avant d’avoir consulté un médecin choisi par l’ARC. Finalement, la fonctionnaire a été envoyée à Gibbons, en Alberta, pour consulter le Dr Oyama. La fonctionnaire a commencé à toucher des prestations d’assurance-invalidité le 13 avril 2010, jusqu’à son retour au travail en novembre 2011. Dr Oyama n’a pas modifié le plan de traitement qui lui a été donné lors de son congé de l’hôpital.

25 Pendant que tout cela se produisait au travail, la fonctionnaire vivait la rupture de son union de fait, y compris le partage de l’actif. Une ou des personnes l’ont entendu faire des appels personnels de son bureau et discuter de sa situation avec des clients. On lui a demandé d’utiliser le téléphone dans le coin-repas ou dans la bibliothèque pour faire ses appels téléphoniques personnels. Sa maladie et les facteurs stressants supplémentaires ont fait en sorte que la fonctionnaire s’absente régulièrement du travail. Ses médicaments ont également fait en sorte qu’elle soit parfois en retard au travail, lorsqu’elle ne se réveillait pas à temps. Elle a reçu comme directive d’appeler son chef d’équipe et le centre de contrôle de la circulation pour les informer lorsqu’elle serait en retard ou absente.

26 M. Beaudoin a témoigné pour le compte de l’employeur. Il était le chef d’équipe de la fonctionnaire entre juillet 2008 et septembre à octobre 2009. Pendant cette période, son poste de travail modulaire était situé à environ 20 pieds de celui de la fonctionnaire, ce qui a fait en sorte qu’il pouvait l’entendre.

27 Le 1er octobre 2008, il a reçu un rapport d’un de ses employés indiquant qu’il avait entendu la fonctionnaire être impolie au téléphone. Il en a discuté avec d’autres personnes qui étaient également au travail ce jour-là pour obtenir leur version de l’incident. Il ne s’attendait pas à la réaction de la fonctionnaire; elle est devenue très contrariée lorsqu’il l’a interrogée au sujet de l’appel. Elle a accusé l’un de ces collègues d’envoyer constamment des courriels la critiquant. En particulier, l’une de ses collègues (M) jetait un coup d’œil au-dessus de la cloison et lui disait ce qu’elle devait faire pendant un appel. La fonctionnaire a reconnu que, le 1er octobre, elle est devenue si contrariée par l’intervention de M qu’elle s’est levée, qu’elle lui a crié après et qu’elle lui a dit de se mêler de ses affaires.

28 Le 8 octobre 2008, M. Beaudoin a rencontré la fonctionnaire et M afin de régler la situation. Après que chacune d’elles ait donné sa version de l’incident, M s’est excusée auprès de la fonctionnaire et a exprimé son désir de pouvoir collaborer dans le cadre d’une relation harmonieuse à l’avenir. La fonctionnaire s’est également excusée auprès de M, mais elle l’a fait en indiquant qu’elle en avait eu assez des critiques de M sur sa façon de faire son travail. M. Beaudoin a informé la fonctionnaire qu’elle pouvait discuter avec lui lorsque des choses la tracassaient plutôt que de laisser les choses s’aggraver au point où elle commence à crier après ses collègues.

29 Le 31 décembre 2008, M. Beaudoin était à son poste de travail modulaire lorsqu’il a entendu les voix de deux personnes qui s’enflammaient. La fonctionnaire et un autre collègue participaient à une discussion et le ton de leur voix augmentait. Apparemment, ils se disputaient au sujet de la façon dont un certain formulaire devait être rempli. M. Beaudoin est allé les voir et leur a dit que ce type de comportement n’était pas approprié. La fonctionnaire a alors été irrespectueuse à son égard en l’interrompant constamment.

30 M. Beaudoin est retourné à son poste de travail modulaire et a envoyé un courriel à la fonctionnaire l’ordonnant de venir le rencontrer. Lorsqu’elle s’est présentée, elle semblait déconcertée et troublée. Elle avait été contrariée par J qui lui aurait crié après et qui, selon elle, aggravait délibérément toute discussion entre eux.

31 On a dit à la fonctionnaire de s’éloigner de la situation dans ces cas et de prendre le temps de respirer. Si elle avait des questions liées à son travail, elle devait consulter M. Beaudoin. La même chose a été dite à J. Le 8 janvier 2009, M. Beaudoin a fait un suivi relativement à des allégations que la fonctionnaire a formulées contre J. Aucun autre membre de l’équipe n’a été témoin de ce comportement, mais ils ont tous souligné que la fonctionnaire aggravait souvent une dispute au point de crier, peu importe si elle était au téléphone ou avec des membres de l’équipe. Le 9 janvier 2009, M. Beaudoin a encore rencontré la fonctionnaire. Il a partagé un compliment qu’il avait reçu à son sujet pour amorcer une discussion sur la façon dont elle devrait mener ses appels afin que les contribuables avec qui elle discute ne ressentent pas ses frustrations.

32 Le 3 février 2009, un autre collègue (« D ») a signalé avoir entendu la fonctionnaire dire à un contribuable [traduction « Tais-toi » (voir le courriel : pièce 12). Le poste de travail de D était le plus éloigné de celui de la fonctionnaire et il avait été en mesure d’entendre l’appel, tellement la fonctionnaire avait parlé fort. M. Beaudoin a rencontré la fonctionnaire et lui a dit qu’elle ne pouvait pas dire aux contribuables de se taire. En réponse, elle l’a informé qu’elle était très stressée et qu’elle consultait un conseiller. Il a pris connaissance pour la première fois des médicaments qu’elle prenait au moyen d’un courriel dans lequel elle y a fait allusion. Elle s’attendait à consulter un nouveau conseiller et elle s’attendait à ce que dernier lui donne une ordonnance pour de nouveaux médicaments.

33 Le 3 mars 2009, un collègue (« R ») a indiqué à M. Beaudoin avoir entendu la fonctionnaire faire des commentaires inappropriés et tenir une conversation inappropriée avec un contribuable. R a affirmé qu’il en avait assez d’entendre parler de la vie personnelle de la fonctionnaire, de ses commentaires inappropriés aux contribuables et de ses potins, lesquels il estimait tous être inappropriés. Dans le cadre d’un suivi, M. Beaudoin a discuté avec un collègue (« L ») dont le poste de travail était situé à côté de la fonctionnaire. L a répondu que ce genre de chose survenait quotidiennement. Par la suite, M. Beaudoin a communiqué ses préoccupations à la fonctionnaire. Lorsqu’une réunion a été tenue en vue de discuter de la prolongation de son contrat, elle a été informée que sa prolongation ne serait que pour quelques autres mois en raison de son comportement inapproprié. M. Beaudoin a témoigné que son contrat avait été prolongé plutôt que d’être renvoyé en cours de stage puisque cela lui donnerait le temps de s’améliorer comme il avait constaté son potentiel. Elle était techniquement fiable et avait fait preuve d’une bonne assiduité. De plus, M. Beaudoin a soulevé de nouveau le Programme d’aide aux employés (PAE) pour l’aider à contrôler les facteurs stressants qui causaient des problèmes relativement à son travail. L’admissibilité aux répertoires de candidats ou la nomination à un poste permanent n’ont jamais été discutées.

34 Le 20 mars 2009, la fonctionnaire a envoyé à M. Beaudoin une demande de réunion relative à un règlement des différends avec J. Apparemment, pendant qu’il était en congé, la fonctionnaire et J s’étaient disputés au sujet des formulaires lors de la réunion d’équipe. La fonctionnaire aurait interrompu J et d’autres ont essayé d’intervenir en vue de désamorcer la situation. Les choses se sont aggravées lorsque la fonctionnaire a refusé de poursuivre la discussion, même si la question avait été déposée. Après la réunion, elle a dit au chef d’équipe intérimaire que J était responsable de l’ensemble de la situation puisqu’elle critiquait toujours la fonctionnaire.

35 Puisqu’il était incertain de la façon de traiter la situation, M. Beaudoin en a discuté avec son gestionnaire, Mme Bell. Elle lui avait donné, auparavant, de nombreuses idées et de nombreux conseils quant à la façon de traiter un conflit en milieu de travail. M. Beaudoin a indiqué à Mme Bell qu’il ne savait pas comment traiter la situation puisque ses tentatives visant à corriger le comportement de la fonctionnaire n’avaient pas été fructueuses. Mme Bell lui a dit d’expliquer clairement les problèmes et les améliorations attendues. Il devait veiller à ce qu’elle comprenne que son comportement entraînait des conséquences et il devait identifier les conséquences qui en découleraient si elle continuait d’avoir ce type de comportement. En se basant sur ces conseils, le 3 avril 2009, il a présenté à la fonctionnaire un plan d’action (pièce 14).

36 M. Beaudoin a rencontré la fonctionnaire le 3 avril 2009 pour discuter du plan d’action. Pendant leur réunion du 13 mars 2009, au cours de laquelle ils ont discuté de la prolongation de son contrat, M. Beaudoin a énuméré les comportements qui devaient être corrigés. Il lui a donné des conseils sur la façon de les corriger, lesquels elle n’a pas suivis. Le plan d’action constituait une directive officielle des comportements qui devaient être corrigés et la façon dont elle devait l’accomplir. Selon ce plan, les comportements déterminés étaient les suivants : elle devait assurer le respect des valeurs de l’ARC dans le cadre de ses communications avec les contribuables et ses collègues et elle devait régler les conflits de manière efficace. Ils ont également discuté des appels téléphoniques personnels que la fonctionnaire recevait pendant qu’elle était au travail et du fait qu’elle devait tenir compte qu’elle avait un public. La fonctionnaire n’était pas contente et a commencé à crier après M. Beaudoin en lui indiquant que ce n’était pas de sa faute. Selon M. Beaudoin, cette réaction était inappropriée et son comportement consistant à crier après ce dernier n’était pas acceptable.

37 La fonctionnaire a soulevé encore une fois sa demande de tenir une réunion de règlement des différends avec J qui n’était pas disposé à y participer. La fonctionnaire n’a assumé aucune responsabilité pour ses actes au cours de cette réunion, ou au cours de la réunion précédente, et elle a quitté brusquement la salle de réunion. M. Beaudoin lui a demandé de s’asseoir et de discuter de la situation afin qu’ils puissent aller de l’avant, mais la fonctionnaire a indiqué que la conversation était terminée et qu’elle ne souhaitait plus en discuter avec lui. Même si elle n’était évidemment pas contente, elle a signé le plan d’action et elle est partie.

38 Le 3 juin 2009, M. Beaudoin a entendu la fonctionnaire au téléphone; il pouvait entendre que la conversation s’aggravait. Un membre de l’équipe s’est présenté à son poste de travail modulaire et a indiqué que la conversation de la fonctionnaire s’enflammait considérablement. M. Beaudoin est allé voir ce qui se passait et il a constaté que d’autres agents travaillant dans le secteur avaient mis leurs appels avec des contribuables en attente afin que ces derniers n’entendent pas la conversation de la fonctionnaire. Il a demandé à la fonctionnaire de l’accompagner à son poste de travail modulaire pour discuter de l’appel et il l’a informée qu’il avait reçu une plainte d’un collègue. La façon dont elle avait traité la personne au téléphone avait été inappropriée, tant en ce qui concerne le contexte que l’intensité du bruit. Apparemment, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle était aussi bruyante et elle estimait qu’il était approprié de prendre un appel personnel à son poste de travail modulaire pendant sa pause. Il y avait des salles privées où elle pouvait faire de tels appels et d’où ses collègues et les contribuables au téléphone n’auraient pas été en mesure de l’entendre.

39 Le 24 juin 2009, R a rencontré M. Beaudoin pour discuter de ses préoccupations quant aux discussions tenues en milieu de travail. Apparemment, il avait entendu une discussion entre la fonctionnaire et un autre collègue à son sujet. R n’était pas content d’avoir entendu ce genre de conversation. Il a confirmé sa plainte dans un courriel envoyé à M. Beaudoin.

40 Le 2 juillet 2009, M. Beaudoin a rencontré la fonctionnaire, Mme Keefe-MacLeod et Mme Bell en vue de discuter de sa relation de travail avec la fonctionnaire, afin d’assurer son succès au lieu de travail. Mme Keefe-MacLeod a rédigé le procès-verbal (pièce 8) de la réunion. Ceux qui y ont assisté ont convenu qu’un casque d’écoute serait fourni à la fonctionnaire en vue de supprimer le bruit dans le lieu de travail et qu’elle serait déplacée à un poste de travail modulaire situé à proximité d’une fenêtre. M. Beaudoin et la fonctionnaire devaient se rencontrer chaque semaine afin qu’il puisse lui donner une rétroaction quant à son rendement. La première réunion a été tenue le 3 juillet; elles étaient prévues tous les vendredis après-midi suivants.

41 Le 6 juillet, la fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail et elle n’a pas appelé à l’avance pour signaler son absence, conformément à la politique de l’ARC. Ce type d’absence était inhabituel pour la fonctionnaire et a préoccupé M. Beaudoin. Il l’a téléphoné au numéro qu’elle avait fourni dans ses coordonnées, mais il n’a reçu aucune réponse. Elle était encore absente le lendemain et M. Beaudoin a alors consulté Mme Bell qui lui a conseillé d’appeler de nouveau la fonctionnaire. Il n’a pas réussi à la joindre avant l’après-midi. Elle l’a informé que le désordre régnait et qu’elle se présenterait au travail le lendemain et qu’il ne devait pas s’inquiéter. Elle ne s’est pas présentée au travail le lendemain, tel que promis, ni le surlendemain. Lorsqu’elle ne s’est pas présentée au travail ou n’a pas appelé pour signaler son absence, M. Beaudoin l’a appelée encore une fois. Personne n’a répondu et il a laissé un message vocal. La fonctionnaire l’a rappelé le 9 juillet et elle l’a informé qu’elle éprouvait des difficultés à dormir et qu’elle se présenterait au travail le 10 juillet.

42 Lorsqu’elle s’est présentée au travail le 10 juillet, M. Beaudoin l’a rencontrée et ils ont discuté de ses attentes en ce qui concerne le signalement de ses absences. Elle devait suivre la politique de l’ARC et appeler lorsqu’elle n’était pas en mesure de se présenter au travail. Il a dit qu’il était inquiet à son égard en raison des facteurs stressants dont elle faisait l’objet et qu’il connaissait. Il a ajouté qu’il était inhabituel pour elle de ne pas se présenter au travail, conformément à son horaire fixé. Il a accepté de lui permettre d’utiliser ses crédits de congé annuel pour couvrir son congé non autorisé du 6 au 9 juillet (voir l’approbation de congé, pièce 17).

43 La prochaine réunion ordinaire entre M. Beaudoin et la fonctionnaire a été tenue le 23 juillet. Le lendemain, elle a appelé pour signaler qu’elle était malade en raison du stress découlant de la réunion tenue la veille. M. Beaudoin ne comprenait pas, selon lui, la réunion s’était bien déroulée. Lors de leur réunion ordinaire tenue le 28 juillet 2009, il a constaté une amélioration relative à son comportement. Il lui a répété qu’elle devait isoler sa vie personnelle de son lieu de travail. Malgré cela, elle a continué de s’absenter occasionnellement tout au long de l’été. En août 2009, il a effectué son évaluation du rendement annuelle (pièce 21).

44 M. Beaudoin devait rencontrer la fonctionnaire au début de septembre, date à laquelle la fonctionnaire était encore absente. Avec l’approbation de M. Wilson, qui avait remplacé Mme Bell à titre de gestionnaire, elle a utilisé ses crédits de congé annuel pour couvrir ses absences des 3 et 4 septembre. Elle était encore absente les 21 et 22 septembre, et elle n’a pas téléphoné pour le signaler. Le 23 septembre, elle a envoyé un courriel à M. Beaudoin l’informant qu’elle serait absente. Cela a suscité de nouveau des préoccupations chez M. Beaudoin puisque cela était inhabituel. La fiabilité des employés est essentielle au fonctionnement du centre d’appels.

45 La fonctionnaire est retournée au travail le 25 septembre 2009. À cette date, il y a eu un exercice d’incendie. Selon la politique de l’ARC, si une urgence survient pendant qu’un employé est au téléphone avec un contribuable, il doit mettre fin à l’appel et quitter les lieux. Malgré le fait qu’elle ait été ordonnée à maintes reprises de raccrocher, la fonctionnaire a refusé de mettre fin à un appel personnel et est restée à l’écart, ce qui constitue un danger à la sécurité d’autrui. Après cet incident, M. Beaudoin l’a rencontrée pour discuter des appels personnels à partir du lieu de travail (pièce 20). Il s’agissait du deuxième incident concernant ses appels téléphoniques personnels. Le 17 septembre, elle a reçu un appel personnel très bouleversant, qui a perturbé ses collègues qui l’ont entendu. À ce stade, M. Beaudoin a envisagé de lui donner une lettre d’instructions, mais étant donné son assiduité, le contenu de son courriel (pièce 20) et leurs discussions antérieures, il estimait qu’une EAT serait plus appropriée. Lorsqu’il a discuté avec la fonctionnaire au sujet de son courriel (pièce 20), M. Beaudoin a constaté qu’elle n’était pas contente à son égard et qu’elle éprouvait une réaction physique relativement à leurs réunions.

46 M. Beaudoin avait discuté de cette possibilité avec son gestionnaire, M. Wilson, ainsi qu’avec le conseiller en relations de travail local de l’ARC. Une EAT permet de cerner les préoccupations et d’identifier des mesures d’adaptation convenables. Il avait informé la fonctionnaire en mars et en avril 2009 que si ses comportements se poursuivaient, que son contrat ne serait peut-être pas renouvelé. Si une raison médicale faisait en sorte qu’elle ne pouvait pas exercer ses fonctions, une EAT pourrait offrir une idée quant à ses restrictions, ce qui aurait une incidence sur la décision de renouveler ou non son contrat. Il était préoccupé par le comportement illogique dont elle avait fait preuve au lieu de travail et par la façon dont elle aggravait la situation jusqu’à ce qu’elle soit en colère si elle estimait qu’elle était mise au défi ou qu’elle faisait l’objet d’espionnage.

47 M. Beaudoin avait informé antérieurement la fonctionnaire du fait qu’il n’y avait aucun certificat médical dans son dossier indiquant ses problèmes médicaux et qu’un tel certificat était nécessaire si une mesure d’adaptation devait être prise à son égard. Il savait qu’elle avait demandé une mutation à une autre équipe en juillet, car elle croyait faire l’objet de harcèlement de sa part et en raison de sa gestion de son rendement. Selon la fonctionnaire, elle avait été traitée différemment en raison de sa maladie mentale.

48 Mme Sohnle a remplacé M. Beaudoin en septembre 2009. Une réunion a été prévue le 7 octobre 2009, dans le but de faciliter la présentation à la fonctionnaire d’une lettre d’instructions portant sur ses absences. Elle a été informée que la réunion était tenue en vue d’obtenir des renseignements médicaux relatifs à sa maladie. À l’origine, M. Wilson devait y assister, mais en fin de compte, il s’est retiré et a été remplacé par Mme Sohnle. La fonctionnaire était très contrariée par ce changement et la réunion n’a pas eu lieu. Cette réunion visait à favoriser la transition d’un chef d’équipe à un autre. Aux fins de préparation à cette réunion, M. Beaudoin a communiqué à Mme Sohnle le dossier de statistiques de la fonctionnaire, son examen du rendement et les courriels qu’elle avait envoyés. Il lui a également fait part de ses connaissances en ce qui concerne la situation médicale de la fonctionnaire.

49 Mme Sohnle a été la chef d’équipe de la fonctionnaire du 5 au 30 octobre 2009. La fonctionnaire a quitté le lieu de travail le 7 octobre 2009 plutôt que d’assister à la réunion prévue. Au lieu de consulter son chef d’équipe, conformément à ce qui était requis, la fonctionnaire est allée au centre de contrôle de la circulation et a informé le personnel qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle partait. Le centre a informé Mme Sohnle que la fonctionnaire avait quitté.

50 La fonctionnaire a téléphoné à M. Chenevert vers 15 h, le même après-midi, et il a transféré l’appel à Mme Sohnle. La fonctionnaire a informé Mme Sohnle que son appel avait pour but de se renseigner au sujet de ses options puisque son médecin lui avait dit qu’elle devait prendre un congé à compter de cette date jusqu’au 2 novembre 2009. Elle a demandé à Mme Sohnle de lui indiquer le congé dont elle pouvait se prévaloir. Lorsque Mme Sohnle lui a demandé ses coordonnées afin de la rappeler pour lui donner les renseignements, la fonctionnaire l’a informée que son numéro de téléphone avait été annulé et qu’il était impossible de la rappeler. Mme Sohnle a donc donné à la fonctionnaire le numéro de téléphone du centre d’appels de la rémunération afin qu’elle puisse téléphoner et obtenir directement les renseignements requis. La fonctionnaire semblait être au bord des larmes pendant l’appel. Mme Sohnle lui a dit qu’elle semblait être très frustrée. La fonctionnaire a été très irrespectueuse et lui a répondu à l’aide de mots grossiers, ce qui a surpris Mme Sohnle.

51 À la conclusion de l’appel, la fonctionnaire a informé Mme Sohnle qu’elle n’aurait aucune nouvelle d’elle jeudi ou vendredi (l’appel a été fait un mercredi). Le bureau était fermé le lundi suivant pour l’Action de grâces. Le prochain jour ouvrable était le mardi 13 octobre 2009. Lorsque Mme Sohnle a vérifié, la fonctionnaire n’avait laissé aucun message vocal ni courriel. Mme Sohnle a tenté de communiquer avec la fonctionnaire à l’aide du dernier numéro de téléphone connu, mais il était hors service. Le même jour, Mme Sohnle a été informée qu’un incident était survenu dans la salle de prières où la fonctionnaire était allée après avoir quitté son poste de travail au centre d’appels le mercredi précédent.

52 Mme Sohnle a informé M. Wilson, le mercredi, qu’elle n’avait eu aucune nouvelle de la fonctionnaire pendant une semaine et qu’elle n’avait pas réussi à communiquer avec elle. Le lendemain, Mme Sohnle a rencontré la représentante syndicale de la fonctionnaire pour déterminer si elle avait eu des nouvelles et, dans l’affirmative, de demander à la fonctionnaire de communiquer avec Mme Sohnle. Mme Sohnle a ajouté que si la fonctionnaire ne se sentait pas à l’aise de communiquer avec elle, elle pouvait communiquer avec le centre de contrôle de la circulation. De plus, Mme Sohnle a demandé à la représentante syndicale de la fonctionnaire d’informer cette dernière qu’elle devait présenter un certificat médical pour son absence. Il n’y avait toujours aucune nouvelle de la fonctionnaire le vendredi.

53 Le lundi 19 octobre 2009, vers 7 h 30, Mme Sohnle a découvert la fonctionnaire assise à son poste de travail qui répondait à des appels téléphoniques comme si rien ne s’était produit. Mme Sohnle a été surprise de la voir puisque la fonctionnaire ne lui avait pas dit qu’elle serait au travail ce jour-là. Elle a attendu que la fonctionnaire termine l’appel et lui a demandé de l’accompagner dans une salle de réunion. La fonctionnaire a insisté pour rencontrer M. Wilson. À ce moment-là, il n’était pas encore au travail et Mme Sohnle a dit à la fonctionnaire de l’attendre dans la salle de réunion. Lors de la réunion, la fonctionnaire a donné un certificat de son médecin pour son absence qui indiquait qu’elle était inapte à travailler jusqu’au 2 novembre 2009 (pièce 3). Mme Sohnle a expliqué à la fonctionnaire qu’elle ne pouvait pas lui permettre de travailler alors que son médecin avait attesté qu’elle était inapte à travailler. La fonctionnaire ne devait pas retourner au travail avant que l’employeur obtienne d’autres renseignements de son médecin. M. Wilson a donné à la fonctionnaire une demande d’EAT qu’elle devait remettre à son médecin.

54 Après la réunion, la fonctionnaire est allée à son bureau, a fait quelques appels et est partie. Il n’y a eu aucune nouvelle à son sujet avant le 26 octobre 2009, date à laquelle Mme Sohnle l’a encore découverte à son bureau où elle répondait à des appels. Aucune discussion n’a eu lieu lorsque Mme Sohnle l’a approchée. La fonctionnaire lui a donné une lettre provenant de son médecin qui indiquait qu’elle était apte à travailler, moyennant certaines mesures d’adaptation (pièce 4). Mme Sohnle a donné la lettre du médecin à M. Wilson, ce qui a mis fin à son interaction avec la fonctionnaire.

55 M. Chenevert a remplacé Mme Sohnle, le 2 novembre 2009, à titre de chef d’équipe, en partie parce qu’il était présumé avoir une bonne relation avec la fonctionnaire. De plus, il avait vécu une expérience dans sa vie personnelle relativement au traitement de problèmes de maladie mentale. Il a rencontré la fonctionnaire le 6 novembre pour lui rappeler la procédure à suivre pour signaler un retard ou une absence. Le 2 décembre, elle ne s’est pas présentée au travail. Elle n’a communiqué ni avec M. Chenevert ni avec le centre de contrôle de la circulation. Le lendemain, elle lui a envoyé un courriel pour l’informer que sa ligne téléphonique à domicile avait été annulée. Il s’agissait du début de ses préoccupations quant à son assiduité. Le 4 février et du 2 au 4 mars 2010, la fonctionnaire était encore absente et ne l’en a pas informé. Pendant la même période, elle était souvent en retard de 15 à 90 minutes. Le 27 janvier, on lui a rappelé la procédure à suivre si elle était en retard. Toutefois, le 15 février, elle a omis d’aviser qu’elle serait en retard.

56 En mars 2010, M. Chenevert était préoccupé par les absences de la fonctionnaire, ainsi que par son non-respect de la procédure et le fait qu’elle ne se présentait pas au travail ou qu’elle ne fournissait pas d’avis ni d’explication. Le 8 mars 2010, il l’a rencontrée au sujet de ses absences du 2 au 4 mars. Elle l’a informé qu’en 2002, elle avait reçu un diagnostic de dépression et de trouble d’anxiété. Elle prenait des médicaments et son médecin essayait d’ajuster le dosage afin de trouver la quantité et la combinaison optimales. Elle avait demandé trois fois d’être mutée de l’équipe de M. Beaudoin, demandes qui ont été refusées. Lorsque le contrat d’autres personnes a été renouvelé, Mme Bell avait menacé de la congédier. Elle se disputait avec son conjoint de fait au sujet de leur maison qu’elle avait achetée, mais pour laquelle elle avait ajouté le nom de son conjoint de fait à l’acte formaliste et elle faisait face à la faillite pour une deuxième fois. De plus, sa mère refusait de la laisser déménager avec elle. Tout cela a causé un épisode dépressif. M Chenevert a pris des notes de la conversation, les a dactylographiées et les a acheminées à la fonctionnaire aux fins d’examen (pièce 9).

57 Lors de la même réunion, M. Chenevert a discuté avec elle au sujet de l’obtention d’une EAT. L’EAT précédente fournie par son médecin ne comprenait aucune énumération de restrictions, uniquement les mesures d’adaptation requises. Selon la compréhension de M. Chenevert, un médecin ne peut dicter les mesures d’adaptations, lesquelles relèvent de la décision de l’ARC. Les préoccupations de M. Chenevert quant aux absences de la fonctionnaire, à la fréquence de ses retards et à son commentaire selon lequel Dr Mansell était son spécialiste en dépression ont fait en sorte que M. Chenevert se demande si d’autres médecins traitaient la fonctionnaire sans être conscients les uns des autres.

58 M. Chenevert a amorcé le processus de demande d’EAT en collaboration avec le représentant des relations de travail. Il ne s’intéressait pas au diagnostic médical de la fonctionnaire, mais il souhaitait plutôt savoir comment il pouvait s’assurer qu’elle se présente au travail et lui fournir un environnement à l’abri du stress pendant qu’elle y était présente. M. Chenevert n’a reçu aucun renseignement médical à l’appui du diagnostic déclaré par la fonctionnaire même ni aucun renseignement permettant de déterminer sa véracité ou son exactitude.

59 Le 11 mars 2010, la fonctionnaire a perdu pied sur l’escalier mécanique de l’immeuble. Elle est retournée au lieu de travail après être tombée et elle en a discuté avec M. Wilson. Il l’a ramenée à l’endroit où l’accident est survenu pour déterminer ce qui s’est produit afin de remplir un rapport d’incident. Le lien aux formulaires de demande de prestations d’accidents du travail qui devaient être remplis lui a été remis. Elle pleurait pendant qu’elle parlait à M. Wilson et elle était évidemment bouleversée lorsqu’il lui a demandé de remplir les formulaires. Elle n’a pas demandé d’instructions sur la façon de remplir les formulaires et elle n’a pas exprimé de préoccupations non plus. Elle est allée au sous-sol prendre un café et elle est retournée à son lieu de travail.

60 Le 12 mars, la fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail et elle n’a pas appelé, tel qu’il est requis. Apparemment, elle avait été admise à l’hôpital la veille après avoir demandé aux policiers de l’y apporter. À l’origine, elle avait indiqué avoir appelé la police, mais sa version a changé et elle a indiqué qu’elle s’était rendue au poste de police pour demander qu’on la conduise à l’hôpital. Elle était encore absente du 15 au 19 mars. Elle a appelé pour indiquer qu’elle serait absente le 15 mars. Le 18 mars, elle a indiqué qu’elle s’était rendue à la Royal Alexandra Hospital. Le 19 mars, elle a indiqué qu’elle ne serait pas au travail, sans toutefois fournir de raison de son absence. Elle était encore absente les 26 et 31 mars et les 1, 8 et 9 avril 2009. Elle n’a signalé aucune de ses absences, conformément à ce qui est requis. M. Chenevert aurait pu prendre des mesures disciplinaires à son endroit pour ce comportement, mais il a choisi de ne pas le faire puisqu’il souhaitait l’aider.

61 M. Chenevert a rencontré la fonctionnaire le 22 mars pour discuter de ses absences du 15 au 19 mars. Ils ont discuté de ce qu’est une EAT et la raison pour laquelle elle était requise. L’employeur souhaitait aborder la question de ses difficultés à se présenter au travail et veiller à ce qu’elle obtienne les soins requis relativement à ses besoins. À l’origine, M. Chenevert s’attendait à ce que le médecin de famille de la fonctionnaire, Dr Mansell, remplisse le formulaire d’EAT. Lorsque la fonctionnaire a indiqué qu’elle savait qu’il l’ordonnerait à prendre un congé et qu’elle savait exactement ce qu’elle lui demanderait de dire, il en a été préoccupé. Un médecin tiers a été choisi en raison de ces préoccupations.

62 Le 13 avril 2010, M. Chenevert a rencontré la fonctionnaire pour lui présenter le formulaire d’EAT et pour qu’elle signe les formulaires de consentement à subir l’évaluation et de communication des renseignements (pièce 24). Cette réunion n’a pas duré longtemps. M. Chenevert n’a réussi qu’à communiquer une partie de la demande. Lorsqu’elle a vu la biographie du médecin et qu’elle a été informée que le médecin s’attendait à ce qu’elle fournisse des échantillons de sang et d’urine, elle est devenue en colère. Elle tremblait de colère et elle a lancé des objets sur la table. M. Chenevert a eu peur et a été intimidé par son comportement. La fonctionnaire souhaitait connaitre la raison pour laquelle l’incident survenu dans la salle de prières le 7 octobre 2009 y était mentionné. Elle a quitté brusquement la réunion, simplement pour y revenir plus tard et demander une copie de la lettre afin de l’inclure dans sa plainte en matière des droits de la personne.

63 M. Chenevert était tellement contrarié par la réaction de la fonctionnaire qu’il a dû quitter le lieu de travail pour se changer les idées. Avant de partir, il a demandé aux autres chefs d’équipe du secteur d’être prudents à l’égard de la fonctionnaire puisqu’ils seraient seuls avec elle après son départ. Vers 17 h, le même jour, il a vu la fonctionnaire au téléphone. Il lui a dit que sa journée était terminée, ce qu’elle a contesté. Il a indiqué que, selon l’horaire, son quart de travail était de 9 h à 17 h ce jour-là, mais elle a continué de le contester. Lorsqu’il a insisté sur le fait que sa journée de travail était terminée, elle est partie brusquement, en colère et en pleurant. Elle n’a pas été renvoyée du lieu de travail ce jour-là puisqu’elle ne représentait pas une menace aux contribuables au téléphone.

64 Le lendemain, M. Chenevert a rédigé le résumé de la réunion et l’a acheminé à M. Wilson. Il a indiqué qu’il se sentait mal à l’aise avec elle dans le lieu de travail et qu’il craignait pour son bien-être. Il souhaitait également expliquer la raison pour laquelle l’EAT n’avait pas été effectuée parce que le consentement de la fonctionnaire était nécessaire, ce qu’elle a refusé de fournir. M. Wilson a envoyé une lettre recommandée à la fonctionnaire dans laquelle il lui a demandé de le rencontrer au deuxième étage du centre d’appels et l’invitait à y assister. M. Wilson a pris la décision de la renvoyer du lieu de travail jusqu’à ce que l’employeur ait reçu la confirmation qu’elle était apte à travailler. Il a ordonné à M. Chenevert de désactiver la carte d’identité et la carte à bande magnétique de la fonctionnaire jusqu’à obtention des résultats de l’EAT.

65 M. Chenevert n’a jamais vu la lettre de mesures d’adaptation provenant du Dr Mansell (pièce 4). Il ne se souvenait pas d’avoir changé le poste de travail de la fonctionnaire. Elle était toujours située à proximité de la fenêtre. Il se souvenait qu’elle avait peut-être été déménagée une fois lorsqu’elle travaillait un samedi pendant la période d’établissement de feuillets T4. Ni la fonctionnaire ni Mme Keefe-MacLeod n’avaient soulevé des préoccupations quant au lieu de travail de la fonctionnaire. Il savait que l’employeur avait accepté de lui donner un préavis d’au moins 24 heures pour toute réunion, ainsi qu’une liste des personnes invitées et l’ordre du jour. Toutefois, il avait dû rencontrer la fonctionnaire, au moins deux fois, pour discuter des plaintes déposées par un contribuable, et ce, sans lui donner un préavis en raison de la nature urgente des réponses à ces plaintes. Selon M. Chenevert, ces deux réunions s’étaient bien déroulées, malgré l’absence de préavis. Le 4 mai 2010 était le dernier jour de M. Chenevert, à titre de chef d’équipe de la fonctionnaire.

66 Il incombait à M. Chenevert de discuter avec la fonctionnaire des problèmes liés à son assiduité et à son rendement. Il ne se souvenait pas d’avoir eu une discussion au sujet de la durée de son contrat. Le 24 février 2010, il a suggéré à l’ensemble des membres de l’équipe de postuler à un processus externe aux fins d’un poste permanent au centre d’appels. Il était d’avis que plus un employé est inscrit à des répertoires de candidats, plus ce dernier a de chances d’obtenir un emploi pour une période indéterminée auprès de l’ARC. Les répertoires viennent régulièrement à échéance sans avis et, par conséquent, le plus de répertoires auxquels une personne est inscrite, les meilleures sont ses chances. Le 10 février 2010, M. Chenevert a reçu un courriel de la fonctionnaire dans lequel elle a indiqué qu’elle avait obtenu des renseignements inexacts quant à la nécessité de poser sa candidature aux fins des répertoires de candidats. Tout renseignement inexact que la fonctionnaire a obtenu concernant les répertoires lui a été donné par un autre chef d’équipe.

67 Mme Bell était, jusqu’en juillet 2009, gestionnaire du Centre d’appels des demandes de renseignements aux entreprises où travaillait la fonctionnaire. Elle a collaboré avec la fonctionnaire pendant environ un an avant de quitter ce poste. Elle a été informée de la situation par M. Beaudoin, qui relevait d’elle. Entre janvier 2009 et juillet 2009, un processus concurrentiel et de rappel a été tenu. Puisqu’un certain nombre d’employés du centre d’appels étaient des employés nommés pour une période déterminée, elle souhaitait leur donner l’occasion d’obtenir soit des contrats à terme plus longs soit des postes pour une période indéterminée. Les répertoires de candidats ont été créés à partir de ce concours et des nominations ont été faites.

68 Mme Bell a discuté avec la fonctionnaire en février 2009 au sujet de la prolongation de son contrat à durée déterminée. La fonctionnaire s’est vu offrir une période plus courte que les autres employés du centre d’appels en raison des problèmes liés à son rendement. On lui a expliqué qu’elle aurait l’occasion d’aborder la question des préoccupations de l’employeur quant à son comportement inapproprié et non professionnel en milieu de travail, ainsi que la question du conflit d’intérêts qui est survenu lorsque la fonctionnaire a profité de son poste pour régler une question fiscale pour un ami. Mme Bell utilisait des scripts pour toutes ces réunions (pièce 27) qui avaient été créés en consultation avec son directeur adjoint et ils étaient utilisés par les trois gestionnaires du centre d’appels à l’égard des membres de leur personnel.

69 La fonctionnaire souhaitait discuter de la possibilité d’obtenir un poste pour une durée déterminée et elle a été informée que ce ne serait pas possible à ce moment-là en raison de ses problèmes de rendement. Elle souhaitait également discuter de sa relation avec ses collègues, ce qui a préoccupé Mme Bell. Si la fonctionnaire ne pouvait pas s’entendre avec ses collègues, elle n’était pas apte à occuper un emploi dans ce secteur. L’intention était de lui offrir un encadrement et une formation supplémentaire pendant la brève prolongation qui lui était offerte. En aucun temps, Mme Bell n’a informé la fonctionnaire qu’aucune autre prolongation ni aucun poste permanent ne lui seraient offerts. La réunion ne s’est pas bien terminée; en fait, aucune réunion tenue avec des employés de la même catégorie de la fonctionnaire ne se déroulait bien.

70 La fonctionnaire a été informée antérieurement que son comportement non professionnel en milieu de travail était inacceptable. Elle aurait dit à Mme Bell qu’elle était déprimée et qu’elle prenait des médicaments qui la rendaient irritable. Le contrat de la fonctionnaire a été prolongé encore une fois en août 2009, jusqu’en avril 2010. Mme Bell n’était au courant d’aucune autre préoccupation quant au comportement de la fonctionnaire et, selon la pratique normale de l’employeur dans ces cas, le contrat d’un employé nommé pour une période déterminée était prolongé jusqu’à la fin de la période de production de déclarations.

71 La fonctionnaire et Mme Keefe-MacLeod ont rencontré Mme Bell et M. Beaudoin le 2 juillet 2009. Mme Bell a assisté à la réunion à titre de gestionnaire de M. Beaudoin et en tant que personne ayant une expérience considérable en matière de règlement des différends. La réunion avait pour objet de trouver une méthode pour établir une relation de travail harmonieuse entre la fonctionnaire et M. Beaudoin, permettant ainsi de limiter l’incidence de leurs différends dans le lieu de travail. Aucune discussion relative aux médicaments que Mme McLaughlin prenait ou aux qualifications de son médecin n’a été tenue. Mme Bell ne se souvenait pas d’une demande de la fonctionnaire visant à être mutée de l’équipe de M. Beaudoin. Même si elle avait reçu une telle demande, elle ne l’aurait normalement pas accordée. En général, le ton de la réunion était positif. La représentante syndicale de la fonctionnaire a rédigé un résumé des engagements pris pendant la réunion (pièce 8).

72 M. Wilson a remplacé Mme Bell en tant que gestionnaire de la fonctionnaire plus tard en juillet 2009. Tout comme M. Chenevert, M. Wilson avait eu à traiter avec des questions liées à la maladie mentale dans le cadre de sa vie personnelle. Avant d’occuper le poste, il n’avait aucune connaissance des problèmes à l’égard de la fonctionnaire. En fait, lorsqu’il a assumé le poste de chef d’équipe, il n’y avait aucune question en suspens en lien avec la fonctionnaire. Il a rencontré M. Beaudoin avec qui il a discuté de l’entente conclue à la réunion du 2 juillet 2009. Une copie du résumé par courriel préparé par Mme Keefe-MacLeod lui a été fournie. Il savait également que la fonctionnaire avait informé Mme Bell et M. Beaudoin qu’elle souffrait d’une maladie mentale. Dès le début, M. Wilson croyait qu’il était nécessaire d’obtenir un avis médical relativement à l’aptitude de la fonctionnaire à être au lieu de travail. Toutefois, il a accepté de respecter l’entente conclue lors de la réunion du 2 juillet 2009.

73 M. Wilson a reçu une copie du procès-verbal des réunions visant à établir une relation entre la fonctionnaire et M. Beaudoin. Les réunions ont pris fin à un moment donné après le 31 juillet 2009. La fonctionnaire et M. Beaudoin avaient différentes interprétations de ce qui avait été dit aux réunions. Mme Keefe-MacLeod a signalé à M. Wilson que la fonctionnaire avait l’impression, après leur dernière réunion, que M. Beaudoin la traquait, qu’il utilisait ces réunions à titre d’audiences disciplinaires, qu’il profitait de l’occasion de la réprimander et qu’il menaçait de rédiger le procès-verbal lui-même, contrairement à ce qui avait été convenu le 2 juillet (voir le courriel : pièce 33).

74 Après la réception du courriel de Mme Keefe-MacLeod (pièce 33), M. Wilson l’a rencontré pour discuter des préoccupations de la fonctionnaire. À la question concernant la traque furtive, Mme Keefe-MacLeod a indiqué qu’il s’agissait d’une microgestion. La fonctionnaire a soutenu que M. Beaudoin l’écoutait de son poste de travail et que, par conséquent, il exerçait une microgestion à son égard. Selon la fonctionnaire, elle a été victime de harcèlement au motif qu’il la dénonçait. Selon Mme Keefe-MacLeod, la fonctionnaire a blâmé M. Beaudoin, qui n’avait que des choses négatives à dire à son sujet et cherchait une transgression quelconque à soulever au cours de leurs réunions hebdomadaires, pour le fait qu’elle a dû utiliser ses crédits de congé de maladie. Mme Keefe-MacLeod a également informé M. Wilson que la fonctionnaire souffrait de troubles anxieux. M. Wilson a accepté de discuter de ces allégations, entre autres, avec M. Beaudoin (voir les notes de la réunion : pièce 34).

75 Tel que convenu, M. Wilson a fait un suivi auprès de M. Beaudoin. En général, M. Beaudoin avait plusieurs commentaires positifs en ce qui concerne le rendement de la fonctionnaire, puisqu’elle était techniquement très saine. M. Beaudoin avait effectivement écouté les appels téléphoniques de la fonctionnaire dans le cadre de son rôle de chef d’équipe et de la gestion du rendement et du processus d’évaluation. Cela faisait partie de ses fonctions professionnelles. Il ne traitait pas la fonctionnaire différemment qu’un autre membre de son équipe. Il était tenu d’écouter les appels. Le problème était que la fonctionnaire croyait qu’il ne devait pas écouter ses appels. Les collègues de la fonctionnaire avaient exprimé des préoccupations quant à la quantité de renseignements personnels que la fonctionnaire partageait avec les contribuables au téléphone; il s’agissait d’une façon de faire un suivi relativement à cette préoccupation. Selon l’expérience de M. Wilson, tous les employés qui sont assujettis à la gestion du rendement estiment faire l’objet de harcèlement de la part de leurs superviseurs. Son enquête n’a entraîné aucune modification. M. Beaudoin était d’avis qu’il avait traité la fonctionnaire de manière appropriée. M. Wilson a fait un suivi auprès de Mme Keefe-MacLeod et l’a informé de sa conclusion.

76 Une date de fin ou d’examen aurait dû être fixée pour le plan d’action élaboré par M. Beaudoin. Il a commis une erreur lorsqu’il n’a pas fixé cette date, mais il ne s’agissait pas de harcèlement. Le 5 août 2009, il a acheminé à M. Wilson une copie de l’évaluation du rendement annuelle de la fonctionnaire, auquel M. Wilson a souscrit. En septembre, M. Wilson a reçu une autre demande de Mme Keefe-MacLeod visant à changer le chef d’équipe de la fonctionnaire. La fonctionnaire a été informée qu’un changement aurait lieu puisque M. Beaudoin quittait l’équipe et qu’un nouveau chef d’équipe assumerait bientôt le poste. À ce stade, M. Wilson ne savait pas que M. Chenevert assumerait le poste après Mme Sohnle. Toutefois, il avait toujours été prévu que l’assignation de Mme Sohnle à titre de chef d’équipe serait brève.

77 Un mois après l’évaluation du rendement de la fonctionnaire, une lettre d’instructions a été rédigée par M. Beaudoin et les relations de travail, qui mettait l’accent sur les absences imprévues de la fonctionnaire et le fait qu’elle ne se présentait pas au travail tel que cela était exigé. Une telle lettre avait pour but de communiquer les directives procédurales. Elle n’est pas de nature disciplinaire, mais bien de nature administrative. Cette approche traite des directives procédurales, alors que les plans de rendement traitent des comportements en milieu de travail. M. Wilson n’était pas certain si cette lettre avait été remise à la fonctionnaire.

78 Le 7 octobre 2009, la réunion prévue avec la fonctionnaire n’a pas été tenue. Elle n’était pas contente de la décision de M. Wilson de ne pas assister à la réunion et de se faire remplacer par Mme Sohnle. Il s’agit du jour où est survenu l’incident dans la salle de prières. La fonctionnaire était libre de quitter son poste de travail et d’utiliser la salle de prières. Toutefois, son comportement dans la salle ce jour-là a obligé les gardiens de sécurité à appeler un représentant du PAE. La fonctionnaire est alors devenue plus agitée parce qu’elle ne souhaitait pas discuter avec le représentant du PAE; les tentatives des gardiens de sécurité visant à la calmer n’ont eu comme conséquence que de la mettre plus en colère. M. Wilson a témoigné avoir reçu des appels concernant des préoccupations quant aux propos de la fonctionnaire dans la salle ce jour-là. Apparemment, elle utilisait des mots grossiers et elle était très bouleversée. M. Wilson a reçu des rapports sur ce qui s’est produit ce jour-là et il a traité les plaintes, qui ont ensuite été déposées. La fonctionnaire a nié avoir utilisé des mots grossiers dans la salle de prières, mais elle a admis avoir été très contrariée. Par conséquent, M. Wilson était préoccupé par l’aptitude de la fonctionnaire à travailler.

79 Le 15 octobre 2009, M. Wilson a rencontré Mme Sohnle et Mme Keefe-MacLeod; l’employeur n’avait reçu aucune nouvelle de la fonctionnaire relativement à ses absences du travail. Ils devaient savoir où elle était et si elle retournerait au lieu de travail. Ils savaient qu’elle avait une note médicale, mais ils ne l’avaient pas reçue. Ils ont choisi de rencontrer Mme Keefe-MacLeod parce qu’ils ne pouvaient pas communiquer directement avec la fonctionnaire.

80 La fonctionnaire a présenté sa note médicale à son retour au lieu de travail, le 19 octobre. Selon cette note, la fonctionnaire devait être en congé jusqu’au 2 novembre 2009 et, par conséquent, M. Wilson l’a rencontrée et lui a dit qu’elle devait arrêter de travailler jusqu’à ce qu’il ait une note médicale indiquant qu’elle était apte à retourner au travail. Il lui a recommandé de consentir à une EAT. Une lettre à l’intention de son médecin, une copie de la description de travail et un formulaire de communication de renseignements lui ont été envoyés par courrier recommandé après la réunion. La demande avait pour but de déterminer ses restrictions et, le cas échéant, les mesures d’adaptation nécessaires. La lettre mettait en évidence les préoccupations de l’employeur au sujet des absences de la fonctionnaire, de ses déclarations qu’elle était dépressive, des appels qu’elle avait faits à son chef d’équipe alors qu’elle était dans un état agité, de son comportement et des incidents où elle a pleuré en milieu de travail. Selon lui, la fonctionnaire était évidemment en détresse et, par conséquent, elle n’était pas en mesure de se présenter au travail. La réunion tenue le 19 octobre a été très stressante pour la fonctionnaire. Elle souhaitait être au travail, elle avait besoin de l’argent et elle n’avait aucun crédit de congé payé accumulé.

81 En réponse à la demande de l’employeur, M. Wilson a reçu une lettre du Dr Mansell (pièce 4) indiquant que trois mesures d’adaptation étaient nécessaires. Il a indiqué à la chef d’équipe de la fonctionnaire de faire de son mieux pour mettre en œuvre ces mesures d’adaptation. Il est difficile de trouver un lieu tranquille dans un centre d’appels, mais un poste de travail à proximité de la fenêtre a été attribué à la fonctionnaire. La chef d’équipe a eu comme directive de donner à la fonctionnaire un préavis approprié pour toute réunion, bien qu’il soit arrivé, à quelques reprises, que la fonctionnaire ait à assister à une réunion sans préavis relativement à des plaintes officielles déposées par des contribuables, et ce, sans répercussions. Lorsque ces incidents sont survenus, les réunions se sont bien déroulées. La fonctionnaire était calme et rationnelle et elle a expliqué sa version de l’appel avec le contribuable.

82 Entre octobre 2009 et avril 2010, l’habitude de la fonctionnaire de s’absenter a persisté. La principale préoccupation de M. Wilson était le manque de communication de la fonctionnaire avec le lieu de travail. Étant donné qu’il était au courant que ces absences étaient liées à sa santé, il a ordonné encore une fois à M. Chenevert d’obtenir une EAT. Lorsque M. Chenevert a rencontré la fonctionnaire pour l’informer de cette demande, la réunion ne s’est pas bien déroulée. Elle est devenue contrariée, elle a subi un déferlement d’émotion envers son chef d’équipe et elle s’est comportée de manière inappropriée, comportement dont elle a continué de faire preuve en milieu de travail. Sa crise a bouleversé ses collègues lorsqu’elle a menacé la sécurité de M. Chenevert.

83 Les déferlements d’émotion de la fonctionnaire étaient inappropriés, peu importe leur cause. La façon dont un gestionnaire aborde ces crises diffère lorsqu’elles sont liées à la santé. C’est pourquoi la décision a été prise d’obtenir une EAT d’un tiers. Étant donné que la mise en œuvre des recommandations du médecin de la fonctionnaire n’était pas fructueuse, M. Wilson était d’avis qu’il était temps d’obtenir une autre opinion. Si la fonctionnaire était apte à travailler, ses crises constituaient un comportement fautif. Si la fonctionnaire était inapte à travailler, ses crises étaient liées à sa santé et ne constituaient pas un comportement fautif. L’une est abordée au moyen d’une mesure disciplinaire et l’autre pourrait exiger un traitement médical et peut-être une mesure d’adaptation en milieu de travail. M. Wilson s’est fié à la « Politique de l’ARC sur les blessures et les maladies » (pièce 41) et aux relations de travail dans le cadre du processus pour obtenir une EAT d’un tiers.

84 La fonctionnaire a reçu comme directive de ne pas retourner au travail avant d’être en mesure de contrôler ses crises ou que l’employeur ait reçu une EAT indiquant qu’elle était apte à travailler. Lorsqu’il a pris cette décision, M. Wilson a tenu compte de l’incidence négative de la présence de la fonctionnaire en milieu de travail sur ces collègues, de la possibilité de violence physique (étant donné le manque de contrôle dont elle a fait preuve à la réunion avec M. Chenevert) et de la possibilité qu’elle puisse facilement faire une crise au téléphone avec un contribuable si elle devient contrariée.

85 M. Wilson pensait que la fonctionnaire se présenterait à l’EAT prévue le 5 mai 2010, c’est-à-dire jusqu’à ce que la fonctionnaire constate que le médecin devait faire une analyse de sang et d’urine pour faire une évaluation complète. En raison de cela, la fonctionnaire a refusé de se présenter au rendez-vous. En conséquence, elle n’a pas eu la permission de retourner au lieu de travail. Par l’entremise de Mme Keefe-MacLeod, une heure a été fixée pour que la fonctionnaire ramasse ses effets personnels, mais cette dernière ne s’est pas présentée au bureau. Tout au long de cette période et pendant les mois suivants, le même poste de travail modulaire a toujours été attribué à la fonctionnaire. L’employeur a continué de demander une EAT d’un tiers. Finalement, la fonctionnaire a pris un congé d’invalidité de longue durée.

86 M. Wilson ne se souvenait pas d’avoir reçu des demandes de la fonctionnaire afin qu’elle soit retirée de l’équipe de M. Beaudoin. Même s’il avait reçu une telle demande, elle n’aurait pas été accordée puisqu’elle faisait l’objet d’une gestion du rendement. Toutefois, lorsque la fonctionnaire est retournée au travail après son congé d’invalidité de longue durée, M. Wilson lui a attribué un nouveau chef d’équipe, étant donné le temps qui s’était écoulé. Cela a permis à la fonctionnaire de repartir sur de nouvelles bases.

87 Aucun plan en matière de mesures d’adaptation n’a été élaboré à l’égard de la fonctionnaire, conformément à la Politique sur les blessures et les maladies, parce que l’employeur avait simplement accepté et mis en œuvre les recommandations décrites dans la lettre du Dr Mansell (pièce 4). Même si la politique énonce également que le médecin de l’employé constitue la principale source de renseignements médicaux dans les cas concernant des mesures d’adaptation, il a été décidé, en consultation avec les relations de travail, qu’une EAT d’un tiers indépendant serait demandée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

88 La fonctionnaire a allégué une violation de l’article 19 « Élimination de la discrimination » de la convention collective conclue entre l’Agence du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs qui est venue à échéance le 31 octobre 2012 (la « convention collective ») et de l’alinéa 7b) de Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP »).

89 Entre avril 2008 et mars 2012, la fonctionnaire était employée par l’ARC, au centre d’appels des demandes de renseignements aux entreprises. Le 3 avril 2009, un plan d’action relatif à son rendement a été mis en oeuvre à son égard sans aucune date de fin. Son évaluation du rendement du 26 août 2009 (pièce 21) renvoyait au plan d’action (voir la pièce 14). Selon son évaluation du rendement, elle répondait à presque toutes les exigences de son travail.

90 Au début de 2009, la fonctionnaire a informé l’employeur de son incapacité et l’a attribuée au stress extrême en milieu de travail. En février 2009, elle a discuté avec M. Beaudoin de son stress extrême et l’a informé qu’elle prenait des médicaments et qu’elle avait recours à des services de counseling (pièce 11). Mme Bell, la gestionnaire de M. Beaudoin, a été informée des troubles anxieux de la fonctionnaire et de ses symptômes le 11 juin 2009 (pièce 28). Le 2 juillet 2009, Mme Bell et M. Beaudoin ont rencontré la fonctionnaire et Mme Keefe-MacLeod pour discuter des mesures d’adaptation qui seraient prises en milieu de travail à son égard. Une entente a été conclue et a été circulée parmi les participants à la réunion (pièce 8). Lorsqu’il a assumé le poste de Mme Bell en juillet 2009, M. Wilson, qui avait remplacé Mme Bell, a été informé du fait que la fonctionnaire était dépressive et avait des troubles anxieux (pièce 34). Il a également été informé des mesures d’adaptation mises en œuvre suivant la réunion du 2 juillet. Le 25 septembre 2009, la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Beaudoin pour expliquer qu’elle éprouvait un stress extrême lors de réunions avec des gestionnaires et qu’elle s’attendait à ce que M. Wilson assiste à une réunion prévue la semaine suivante. Toutefois, Mme Sohnle l’a remplacé à la réunion.

91 Les chefs d’équipe qui ont remplacé M. Beaudoin, Mme Sohnle et M. Chenevert n’ont pas été informés des mesures d’adaptation mises en œuvre pour la fonctionnaire lorsqu’ils ont assumé le poste de chef d’équipe. Toutefois, M. Chenevert était au courant de la nécessité de donner à la fonctionnaire un préavis d’au moins 24 heures pour toute réunion à laquelle elle était tenue d’assister.

92 Le 22 octobre 2009, Dr Mansell, le médecin traitant de la fonctionnaire, a fourni à l’employeur une liste de mesures d’adaptation convenables (pièce 4). Après la réception de cette lettre, l’employeur n’a demandé aucun autre renseignement au Dr Mansell, même s’il a continué de traiter la fonctionnaire pendant toute la durée de son emploi.

93 L’employeur n’a pas respecté les mesures d’adaptation convenues pour Mme McLaughlin. Les réunions convenues avec M. Beaudoin ont cessé à la fin d’août, mais il était prévu qu’elles continueraient d’être tenues chaque semaine. Malgré l’engagement de l’employeur de lui donner un préavis des réunions avec les gestionnaires et de l’informer des personnes qui y assisteraient, le 5 octobre 2009, Mme Sohnle a assisté à une réunion avec la fonctionnaire et M. Beaudoin alors que M. Wilson devait y assister. M. Wilson n’avait pas l’intention d’assister à la réunion et il n’en a pas informé la fonctionnaire. Par conséquent, elle a subi un accès d’anxiété important avant la réunion et elle a dû obtenir un traitement médical immédiat de son médecin. M. Wilson a affirmé avoir rencontré la fonctionnaire deux fois au sujet de plaintes liées au service en février 2010, sans lui donner de préavis.

94 La fonctionnaire a indiqué que le lieu de son poste de travail avait été modifié plusieurs fois et qu’elle avait, en une occasion, dû changer de poste de travail afin de mettre en œuvre une mesure d’adaptation à l’égard d’une autre personne. La raison pour laquelle son besoin d’un lieu de travail tranquille avec peu de distraction n’était pas accepté ne lui a pas été communiquée. M. Chenevert ne se souvenait pas de ces déménagements.

95 Le 7 octobre 2009, la fonctionnaire a subi un accès d’anxiété important et a quitté le lieu de travail pour trouver un endroit pour se calmer. Elle est allée à la salle de prières. Elle a fait valoir que les gardiens de sécurité en fonction continuaient de lui parler et de lui dire que ses problèmes n’étaient pas si graves et que si elle ne retournait pas à son poste de travail elle ferait l’objet d’une mesure disciplinaire pour abandon d’emploi. Elle a été dans l’impossibilité de se calmer dans les circonstances et elle a quitté l’immeuble. Il s’agissait de la première fois qu’elle se prévalait de la mesure d’adaptation lui permettant de quitter son lieu de travail; cela n’a fait qu’aggraver son anxiété.

96 M. Wilson a affirmé avoir accepté les mesures d’adaptation recommandées par le Dr Mansell, le 22 octobre 2009 (pièce 4). Toutefois, le 28 octobre 2009, M. Wilson a indiqué dans un courriel qu’il n’était pas d’avis que le rôle du médecin était de recommander des mesures d’adaptation (pièce 38). L’employeur détermine les mesures d’adaptations qui sont appropriées. Il n’a jamais rencontré la fonctionnaire pour discuter de ses mesures d’adaptation, car il avait accepté celles recommandées par le médecin. Ces éléments de preuve sont contradictoires. Le 8 mars 2010, M. Chenevert a répété le point de vue de l’employeur quant au rôle du médecin dans le cadre de la détermination des mesures d’adaptation appropriées pour la fonctionnaire lorsque la fonctionnaire s’est plainte que les ordonnances de son médecin n’étaient pas respectées. À cela, il a répondu en l’informant que le médecin ne pouvait pas indiquer à l’employeur les mesures d’adaptation nécessaires à son égard. Le médecin ne pouvait qu’indiquer ses restrictions et l’employeur détermine ensuite les mesures d’adaptation à prendre pour y répondre. En l’espèce, il n’est pas évident de savoir si l’employeur a accepté les mesures d’adaptation recommandées par le médecin.

97 L’employeur a perpétué son harcèlement à l’endroit de la fonctionnaire dans le cadre de son régime de gestion du rendement et lorsqu’il n’a pas mené une enquête relativement à sa plainte de harcèlement. L’employeur a continué de se fier au plan d’action de M. Beaudoin (pièce 14), même après avoir reconnu qu’elle s’était améliorée. Elle n’a eu aucun autre conflit avec ses collègues après la mise en œuvre du plan d’action. Elle éprouvait encore des problèmes dans sa vie personnelle qui la touchaient parfois pendant qu’elle était au travail, mais rien dans la preuve n’a démontré que ces problèmes touchaient son travail ou celui d’autrui. Autrement, ses crises découlant de son anxiété se rapportaient à l’omission de l’employeur de répondre à ses besoins en matière de mesures d’adaptation.

98 M. Wilson a admis que l’employeur n’avait pas respecté les exigences du plan d’action, mais qu’il avait continué de s’y fier. Une fois que le plan d’action a été mis en œuvre, aucune réunion n’a été tenue pour discuter du progrès de la fonctionnaire. M. Beaudoin a admis que si elle ne corrigeait pas ses comportements, son contrat ne serait pas prolongé. L’employeur n’a pas fait de lien entre les événements donnant lieu au plan d’action et les renseignements liés à son incapacité et à ses besoins en matière de mesures d’adaptation. L’omission de concilier ces questions et de traiter convenablement le plan d’action, qui était lié au comportement découlant de l’incapacité de la fonctionnaire, était de nature discriminatoire.

99 M. Wilson a indiqué que la fonctionnaire avait affirmé en juillet 2009 que M. Beaudoin la harcelait. Son enquête relative à cette allégation consistait à demander à M. Beaudoin, de manière officieuse, comment il abordait le plan d’action et la gestion du rendement de la fonctionnaire. Il a indiqué qu’après avoir discuté avec M. Beaudoin, il était convaincu que M. Beaudoin n’avait rien fait de mal. Il n’a demandé aucun renseignement supplémentaire à la fonctionnaire ou à d’autres personnes. La fonctionnaire a demandé une mutation à une autre équipe et sa demande a été refusée. Entre-temps, elle s’est sentie de plus en plus stressée et isolée au lieu de travail. Elle a affirmé que les problèmes liés à son assiduité se rapportaient à ses expériences relatives au plan d’action, au refus de sa demande d’être mutée à une autre équipe et au refus de l’employeur de respecter ses exigences en matière de mesures d’adaptation.

100 M. Chenevert a indiqué qu’il était préoccupé par l’assiduité et l’hospitalisation de la fonctionnaire, après la chute de cette dernière en mars 2010. Le 23 mars 2010, il a discuté de ces préoccupations avec elle (voir le résumé de la réunion : pièce 26). À un moment donné entre le 23 mars 2010 et le 13 avril 2010, M. Wilson a déterminé qu’une EAT devrait être effectuée par un tiers en raison d’un commentaire fait par la fonctionnaire et de son opinion selon laquelle l’intervention du Dr Mansell ne fonctionnait pas. Son opinion en ce qui concerne les interventions de Dr Mansell était fondée sur le fait que M. Wilson croyait que la fonctionnaire lui dirait ce qu’il devait signaler à l’employeur; à cet égard, il s’est fondé sur les commentaires de la fonctionnaire à M. Chenevert. La Politique sur les blessures et les maladies de l’employeur indique que les renseignements médicaux relatifs aux mesures d’adaptation doivent être recueillis auprès du principal fournisseur de soins de santé et que le recours à un tiers n’a lieu que s’il est impossible d’obtenir les renseignements requis auprès de ce fournisseur (pièce 41). M. Wilson n’a pas tenté d’obtenir les renseignements de Dr Mansell en avril 2010.

101 Les renseignements qui ont été communiqués au tiers comprenaient des renseignements contestés par la fonctionnaire. Ce fait n’a pas été signalé dans la demande de consultation. Le fait que des mesures d’adaptations avaient été mises en œuvre pour elle, lesquelles n’étaient pas toujours respectées, n’a pas été mentionné non plus dans la demande de consultation (pièce 24). Après avoir lu les renseignements figurant dans la demande de consultation, la fonctionnaire est devenue extrêmement contrariée et a subi un accès d’anxiété important. Une autre demande de consultation d’un tiers a été rédigée et acheminée à la fonctionnaire dans laquelle on lui a demandé d’assister à une EAT avec le Dr Els, lequel exigeait des échantillons de sang et d’urine. Lorsqu’elle a exprimé une préoccupation quant à cette EAT, elle a été informée qu’elle ne pouvait pas retourner au travail à moins de consentir à subir cette évaluation.

102 Afin d’établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination, la fonctionnaire n’avait qu’à démontrer qu’elle avait une incapacité, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et que l’incapacité a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au paragr. 33). L’employeur n’a pas remis en question son incapacité. La fonctionnaire l’a affirmé et en a informé son employeur qui a accepté qu’elle était atteinte d’un trouble médical. Elle lui a demandé que des mesures d’adaptation raisonnables soient prises. Elle n’a pas fait l’objet de mesures d’adaptation jusqu’à la limite de la contrainte excessive et le défaut de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation compatibles constituait de la discrimination. L’employeur n’a pas remis en question son incapacité. Toutefois, la demande de mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de la fonctionnaire n’a pas été accordée et le défaut de l’employeur de lui fournir des mesures d’adaptation compatibles et continues constituait de la discrimination.

103 L’employeur était tenu de prendre des mesures raisonnables pour répondre aux limites fonctionnelles de la fonctionnaire, jusqu’à la limite de la contrainte excessive (voir Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, au paragr. 45). L’obligation de prendre des mesures d’adaptation comprend les aspects procéduraux qui exigent que les employeurs obtiennent tous les renseignements pertinents au sujet de l’incapacité de l’employé et qu’ils collaborent ensuite avec l’employé afin de déterminer les mesures d’adaptation requises. Les employeurs sont tenus de déployer des efforts raisonnables pour prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés et ils ne doivent pas chercher à réduire leurs efforts en matière de mesures d’adaptation uniquement par souci de commodité (voir Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 33, au paragr. 84 et 85). En outre, les employeurs doivent avoir des motifs raisonnables de cesser d’offrir des mesures d’adaptation en milieu de travail, même temporairement (voir Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada, 2015 CRTEFP 41, au paragr. 147). Il n’est pas nécessaire qu’un employeur estime qu’il existe un fondement objectif aux mesures d’adaptation. Dans certains cas, il suffit qu’un fonctionnaire atteint de troubles anxieux démontre que son anxiété, sa crainte et ses perceptions d’un milieu de travail hostile suffisent pour justifier la prise de mesures d’adaptation (voir Frito-Lay Canada v. USWA, Local 461 (2007), 166 L.A.C. (4e) 157, au paragr. 63 et 72). Le défaut de respecter des mesures d’adaptation et d’inclure les parties multiples dont les intérêts sont touchés pourrait entraîner une conclusion selon laquelle les efforts d’adaptation de l’employeur sont insuffisants (voir Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15, au paragr. 39 et 40).

104 La fonctionnaire a demandé une réparation intégrale et le remboursement de toute rémunération perdue pour la période où elle était exclue du lieu de travail en raison de la discrimination, jusqu’à la date à laquelle sa protection d’assurance-invalidité de longue durée a été déclenchée, soit le 19 juillet 2010, conformément à Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 72. Elle a également demandé des dommages en vertu de toutes les catégories énumérées dans la LCDP.

B. Pour l’employeur

105 La fonctionnaire a soutenu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation et elle a invoqué la note du médecin fournie à l’employeur à la fin d’octobre 2009 (pièce 4). La fonctionnaire a également allégué qu’elle était assujettie à un plan d’action pour une durée indéterminée, mais rien dans la preuve n’indique qu’il était toujours mis en œuvre. M. Chenevert et Mme Sohnle ont tous les deux indiqué n’avoir jamais vu un tel plan d’action.

106 L’employeur a rencontré la fonctionnaire en juin et en juillet 2009 pour discuter des incidents survenus au lieu de travail qui la concernaient. Elle a été informée des tendances relatives à son comportement. Le 2 juillet 2009, une réunion a été tenue au cours de laquelle la fonctionnaire, sa représentante syndicale et les représentants patronaux ont élaboré un plan d’action visant à traiter et à corriger les problèmes qu’elle éprouvait en milieu de travail avec ses collègues (pièce 8). La réunion n’avait pas pour but d’amorcer le processus relatif aux mesures d’adaptation. Ni la fonctionnaire ni sa représentante n’ont fait part de ses restrictions. Son médecin, dans sa note médicale d’octobre 2009 (pièce 4), n’a pas indiqué ses restrictions. Il a plutôt indiqué les mesures d’adaptation nécessaires à son égard en milieu de travail.

107 Avant la réunion prévue le 7 octobre 2009, la fonctionnaire n’avait présenté aucune note médicale indiquant qu’un changement des personnes devant assister à la réunion lui poserait problème. Elle ne pouvait pas le soulever pour démontrer que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation. Même si l’employeur a admis que M. Wilson avait rencontré la fonctionnaire pour discuter des plaintes survenues après octobre 2009, elle n’a ni indiqué ni exprimé de préoccupations quant au manque de préavis pour ces réunions et, selon la preuve, elle était à l’aise et ne semblait pas en détresse, que ce soit pendant ou après les réunions. En ce qui concerne le déménagement de son poste de travail modulaire qui, selon elle, a été fait contrairement à la recommandation du médecin voulant qu’on lui fournisse un lieu de travail tranquille, la preuve a démontré qu’un tel déménagement n’avait été fait qu’au plus deux fois, et ce, alors qu’elle travaillait des heures supplémentaires pendant la fin de semaine; le reste du temps, le même poste de travail modulaire à proximité d’une fenêtre lui était toujours attribué, il en est toujours ainsi à l’heure actuelle.

108 La fonctionnaire a également indiqué que l’employeur n’avait pas enquêté sur la plainte de harcèlement qu’elle avait déposée contre M. Beaudoin. Elle n’a pas déposé une plainte de harcèlement officielle; elle a exprimé ses préoccupations quant à la façon dont il l’a traitée à titre de chef d’équipe. À la lumière de ses plaintes, M. Wilson a examiné le type de gestion de M. Beaudoin à son égard et il a déterminé qu’elle était appropriée. Il n’existait aucune preuve prima facie de harcèlement. Le processus d’enquête entrepris par M. Wilson était approprié. Étant donné la façon dont la plainte a été déposée, M. Wilson a pris toutes les mesures raisonnables pour vérifier le caractère légitime de ses préoccupations.

109 Il se peut que la gestion de M. Beaudoin à l’égard de la fonctionnaire n’ait pas été parfaite, mais il ne l’a pas traitée différemment de ses autres employés. Ses actions étaient conformes aux politiques de l’employeur, ainsi qu’aux attentes de l’employeur relativement au rôle de chef d’équipe. L’employeur a tenté de gérer son assiduité et son comportement en milieu de travail. Deux gestionnaires et trois chefs d’équipe ont participé à la gestion de la fonctionnaire et elle avait des préoccupations à l’égard de chacun. L’employeur a reçu des rapports de ses collègues ou a observé les comportements dont elle a fait preuve en milieu de travail qui suscitait des préoccupations et il devait traiter ces problèmes.

110 L’employeur a reconnu que la gestion du rendement constitue un processus difficile pour tout employé. De nombreuses réunions ont été tenues avec la fonctionnaire au cours desquelles l’employeur a exprimé ses préoccupations. Elle s’est vu offrir l’occasion d’améliorer son comportement en milieu de travail, tel qu’en témoignent les nombreuses prolongations de son contrat de travail. L’employeur a fait preuve de bonne foi lorsqu’il lui a donné l’occasion d’améliorer son rendement.

111 En juin 2009, la fonctionnaire a rencontré M. Beaudoin et Mme Bell pour discuter des prochaines étapes en vue d’établir une relation de travail avec M. Beaudoin. Un plan d’action a été élaboré (pièce 8). Dans ce plan, la fonctionnaire a reconnu que les problèmes interpersonnels avec ses collègues devaient être réglés. Aucune restriction médicale n’a été indiquée dans le plan d’action, même si la fonctionnaire, son agent négociateur et l’employeur ont convenu d’établir certaines mesures d’adaptation en milieu de travail à son égard. Des réunions hebdomadaires ont été tenues pour discuter des problèmes survenus pendant la semaine, mais rien dans la preuve n’indique que ses réunions étaient de nature disciplinaire.

112 En août 2009, la tenue de ces réunions a été suspendue parce que la fonctionnaire avait mal interprété le résultat prévu, soit de régler les problèmes qu’elle éprouvait en milieu de travail. Une mise en œuvre imparfaite du plan ne permet pas de démontrer la malice ou la mauvaise foi de la part de l’employeur.

113 M. Beaudoin a essayé de collaborer avec la fonctionnaire. En septembre 2009, ils ont échangé une série de courriels au sujet du fait qu’elle ne respectait pas la procédure appropriée pour signaler ses absences. Rien dans la preuve n’indique qu’entre juillet et octobre 2009, elle s’est vu refuser la possibilité de quitter son poste de travail pour se calmer, conformément à ce qui a été convenu dans le plan d’action. Le 7 octobre 2009, un incident est survenu dans la salle de prières. Le seul témoignage sur l’incident est celui de la fonctionnaire. L’employeur n’avait rien à voir avec l’appel des agents de la sécurité à la salle de prières ou avec l’appel d’un agent du PAE pour l’aider. On ne peut reprocher à l’employeur les mesures prises par les gardiens de la sécurité, lesquels ne sont pas ses employés. La fonctionnaire n’a pas déposé de plainte concernant les mesures prises par le représentant du PAE. La direction ne pouvait pas traiter un problème dont elle n’avait pas connaissance.

114 Entre le 7 et le 19 octobre 2009, la fonctionnaire était absente du lieu de travail. Elle a fourni à l’employeur un certificat médical (pièce 3) qui indiquait qu’elle devait être en congé jusqu’au 2 novembre 2009, ce pourquoi Mme Sohnle lui a dit d’aller chez elle. Dr Mansell a répondu à la demande d’une EAT présentée par l’employeur et il a fourni les renseignements sur les préoccupations soulevées auprès de la direction, y compris les préavis de réunion et un milieu de travail tranquille (pièce4).

115 La fonctionnaire est retournée au travail le 26 octobre 2009. Dans une période de deux semaines, elle est passée d’un statut de personne inapte à travailler jusqu’au 2 novembre 2009 à celui d’une personne apte à travailler. Pendant cette période, elle a indiqué à d’autres personnes qu’elle éprouvait des difficultés financières et qu’elle devait travailler. Par conséquent, il convient de conclure que la raison de la modification de l’avis du médecin était liée à la situation financière de la fonctionnaire.

116 L’employeur avait accepté les recommandations du Dr Mansell et a reconnu que des réunions avaient été fixées avec la fonctionnaire sans préavis, et ce, deux fois. Dans la mesure du possible, M. Wilson a tenté de limiter son stress en milieu de travail. Lorsque des courriels de portée générale étaient envoyés, elle en était informée à l’avance. M. Chenevert n’a éprouvé aucun problème à lui donner un préavis des réunions jusqu’en avril 2010. Il se pourrait que les mesures d’adaptation n’aient pas été mises en œuvre de manière parfaite, mais un employé n’a pas droit à une solution parfaite (voir Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15 et Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12). L’employeur aurait pu mieux gérer les mesures d’adaptation, mais cela ne suffit pas pour constituer de la discrimination.

117 Il incombe au plaignant d’établir une preuve de discrimination prima facie. Une fois la preuve prima facie établie, il incombe alors à l’employeur de démontrer des exigences professionnelles de bonne foi ou une contrainte excessive pour se soustraire de l’obligation (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4; et Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010 ONCA 593). Le Dr Mansell ne mentionne pas dans ses notes que la fonctionnaire est atteinte d’une incapacité. L’employeur a pris des mesures d’adaptation à son égard en fonction des recommandations de son médecin. Il a reconnu que des mesures d’adaptation quelconques étaient nécessaires en fonction de sa conclusion et de son évaluation de son comportement dans le lieu de travail. Les mesures d’adaptation n’étaient peut-être pas parfaites, mais elles répondaient aux besoins indiqués dans les lettres de Dr Mansell, et lui permettaient de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985 2 R.C.S. 536 (O’Malley)).

118 La fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait refusé de prendre des mesures d’adaptation à son égard lorsqu’il a refusé de la muter de l’équipe de M. Beaudoin, ce qui aurait été inapproprié étant donné qu’il traitait avec elle dans le cadre d’une situation de gestion du rendement. L’employeur a tenu compte de ses préoccupations concernant M. Beaudoin lorsqu’il l’a affectée à l’équipe de M. Chenevert au moment du départ de M. Beaudoin et de Mme Sohnle. M. Wilson a tenté de traiter ses préoccupations en matière de harcèlement en trouvant un chef d’équipe avec qui elle avait une bonne relation. Le fait que tous les renseignements pertinents n’ont pas été transférés entre les chefs d’équipe ne démontre ni de la malice ni de la mauvaise foi de la part de la direction. M. Chenevert a fait preuve de compréhension et de compassion envers la fonctionnaire. M. Wilson et lui ont tous les deux fait preuve d’empathie puisqu’ils avaient tous les deux des membres de la famille atteints d’une maladie mentale.

119 Après que la fonctionnaire est tombée en bas de l’escalier mécanique le 11 mars 2010, il n’y avait aucune indication qu’elle souhaitait quitter l’immeuble ou que l’employeur l’avait empêchée de partir. Elle n’a exprimé aucune préoccupation quant au fait de continuer à travailler après l’incident. On ne peut reprocher à l’employeur la façon dont il a traité les événements survenus ce jour-là.

120 L’employeur a fait des efforts sincères pour gérer le lieu de travail et aider la fonctionnaire. La pièce 23 (un courriel en date du 7 octobre 2009) a démontré qu’une formation avait été offerte à la fonctionnaire, ce qui témoigne de la bonne foi dans le cadre des interactions avec cette dernière. L’employeur a le droit et l’obligation d’assujettir un employé à un examen médical s’il existe des motifs raisonnables et probables qu’un tel examen est nécessaire (voir Tobin c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-18410 à 18412 (19900124) et Lacoste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 68).

121 M. Chenevert, ainsi que M. Beaudoin, étaient préoccupés par les absences de la fonctionnaire et sa tendance à ne pas les signaler, contrairement à la politique. Le 13 avril 2010, il a convoqué une réunion pour discuter de la demande de l’employeur qu’elle subisse une EAT. Pendant cette réunion, elle est devenue très contrariée, ce qui a intimidé M. Chenevert (voir le résumé de la réunion : pièce 25). Après avoir lu le compte-rendu de M. Chenevert de la réunion du 13 avril 2010, M. Wilson a déterminé qu’un tiers indépendant devrait effectuer l’EAT. Il était particulièrement préoccupé par ce compte-rendu, les absences de la fonctionnaire et le non-respect de cette dernière à l’égard des procédures pour signaler ses absences.

122 L’employeur a tenté de gérer le non-respect des politiques par la fonctionnaire tout en abordant simultanément la question de savoir si elle était atteinte d’une incapacité qui avait une incidence sur son aptitude d’être au travail et sur le lieu de travail même. Ses absences accrues en février et en mars 2010 et ses déferlements d’émotion en milieu de travail ont amené l’employeur à se questionner à savoir s’il s’agissait d’une question de nature disciplinaire plutôt que d’une question liée aux mesures d’adaptation. Afin de déterminer cela, l’employeur a décidé de demander une EAT d’un tiers indépendant. La fonctionnaire avait indiqué antérieurement à M. Chenevert qu’elle ne souhaitait pas présenter la demande au Dr Mansell, car il l’obligerait à prendre un congé, ce qu’elle ne pouvait se permettre (voir la pièce 25). Elle n’a pas contesté le fait de consulter un tiers indépendant, soit Dr Els, avant d’être informée qu’elle aurait à fournir des échantillons de sang et d’urine.

123 Il était raisonnable pour l’employeur de demander un examen médical indépendant. La personne choisie pour effectuer l’EAT de la fonctionnaire était hors du contrôle de l’employeur. La société à qui le contrat à cette fin a été attribué déterminait le médecin qui serait affecté à cette tâche. L’employeur a envoyé les documents requis en vertu de la politique. Les mesures prises par l’employeur n’étaient aucunement inappropriées. Finalement, la fonctionnaire a convenu de subir l’évaluation médicale indépendante et elle a été jugée apte à travailler en novembre 2011.

124 L’employeur peut exiger que les employés subissent des examens médicaux (voir Firestone Tire & Rubber Co. of Canada v. United Rubber Workers, Local 113, [1973 O.L.A.A. No. 3 (QL); et Hood c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2013 CRTFP 49). Un examen médical indépendant peut être effectué par un médecin nommé par l’employeur ou par un tiers (voir Via Rail Canada Inc. v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada, [2002 C.L.A.D. No. 207 (QL)). L’employeur a également le droit de demander un deuxième avis s’il ne fait pas confiance au médecin personnel du fonctionnaire (voir Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers, [1990 C.L.A.D. No. 43 (QL)). Dans ces circonstances, l’employeur était préoccupé par la question de savoir si le comportement de la fonctionnaire était fautif et si les mesures d’adaptation qu’elle exigeait étaient respectées. Par conséquent, il était simplement raisonnable de demander l’avis d’un tiers indépendant.

125 En ce qui concerne le grief lié à l’allégation selon laquelle il était interdit à la fonctionnaire de se présenter au lieu de travail, il est évident que l’accès au lieu de travail lui a été refusé en raison des préoccupations quant à sa santé et à ses répercussions sur le lieu de travail. Il n’y avait aucune malice de la part de l’employeur. La carte d’accès de la fonctionnaire a été désactivée parce qu’elle continuait de se présenter au travail alors que son médecin avait informé l’employeur qu’elle était inapte à travailler. L’employeur se conformait simplement aux restrictions imposées par son médecin. Après la demande d’un examen médical indépendant en avril 2010, la carte d’accès de la fonctionnaire a encore été désactivée, conformément à la pratique de l’employeur en matière de contrôle du lieu de travail. La fonctionnaire a dû prendre un congé d’avril 2010 à novembre 2011 en raison de son incapacité et non en raison des mesures prises par l’employeur.

126 Les griefs devraient être rejetés et, même s’ils sont accueillis, en tout ou en partie, rien dans la preuve n’indique une négligence ou de la mauvaise foi de la part de l’employeur qui permettrait d’appuyer la demande de dommages pour souffrances et douleurs. De même, il n’existe aucun motif justifiant un jugement pour circonstances spéciales. L’employeur a tenu compte de ses préoccupations quant à la gestion effectuée par M. Beaudoin à l’égard de la fonctionnaire et il a déterminé qu’il ne l’avait pas harcelé.

IV. Motifs

127 La fonctionnaire a invoqué la clause 19.01 de la convention collective et l’alinéa 7(b) de la LCDP relativement aux trois griefs. La convention collective énonce simplement ce qui suit :

ARTICLE 19

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

Ce libellé est semblable à celui de l’article 7 de la LCDP, qui énonce ce qui suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

128 En ce qui concerne les dossiers 7737 et 7738, la fonctionnaire a contesté son interdiction de se présenter au lieu de travail en attendant l’exécution d’une évaluation de l’aptitude au travail par un médecin tiers indépendant plutôt que par un médecin de son choix. La fonctionnaire a présenté une preuve prima facie de l’existence de discrimination en ce qu’elle a démontré qu’elle a une incapacité, que l’employeur avait connaissance de cette incapacité et qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi en raison de cette incapacité. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je conclus également que l’employeur s’est acquitté de son fardeau de démontrer des exigences professionnelles de bonne foi, conformément à l’article 15 de la LCDP pour exiger une EAT par un tiers et pour avoir informé la fonctionnaire de ne pas se présenter au travail avant de fournir un certificat médical.

129 L’employeur a démontré, à ma satisfaction, que son intérêt légitime à protéger la santé de la fonctionnaire et la sécurité des autres employés exigeait que la fonctionnaire n’ait pas l’autorisation de se présenter au lieu de travail. Ses réactions inhabituellement vives aux événements et ses gestes antérieurs quant au non-respect de certificats médicaux et au fait qu’elle se présentait au travail pendant des périodes où elle aurait dû être en congé appuient la décision de l’employeur d’exiger une EAT et de communiquer clairement à la fonctionnaire qu’elle devait demeurer chez elle en attendant les résultats de l’EAT. Il s’agissait d’un exercice légitime du droit de la direction, lequel n’était de nature ni arbitraire ni discriminatoire.

130 La preuve a établi que l’employeur avait de graves préoccupations quant à la santé de la fonctionnaire qui l’ont incité à demander une EAT en avril 2010. La fonctionnaire a reconnu avoir des problèmes d’anxiété qui faisaient en sorte qu’elle éprouvait des difficultés à dormir et qu’elle devait prendre des médicaments, elle avait de longs antécédents de conflits avec ses collègues et elle subissait des accès d’anxiété au travail, dont le dernier, en mars 2010, a donné lieu à son séjour dans une unité de psychiatrie pendant cinq jours.

131 Pendant la même période, l’employeur était de plus en plus préoccupé par les retards et les absences de la fonctionnaire, la plupart desquels n’étaient accompagnés d’aucun avis ou approprié. De plus, la fonctionnaire vivait des temps difficiles dans sa vie privée qui, selon sa propre admission, ne servait qu’à aggraver ses problèmes comportementaux au travail. La pièce 25 (résumé des préoccupations par courriel) indique que seulement quelques jours avant que l’employeur ne lui demande de subir une EAT, le superviseur de la fonctionnaire, M. Chenevert, avait eu une discussion avec la fonctionnaire au cours de laquelle elle l’avait informé qu’elle prenait des [traduction « médicaments très puissants » et qu’elle allait demander à son médecin si elle [traduction « était folle » parce qu’elle perdait des articles (carte bancaire, carte-cadeau, clés). M. Chenevert a également souligné qu’elle avait eu des réactions inhabituellement vives aux conversations, telles que crier, pleurer et quitter brusquement le bureau de son superviseur, ce qui l’a mis mal à l’aise et craintif pour sa sécurité physique. Dans le cadre de son témoignage et des documents présentés, l’employeur a justifié l’exigence que la fonctionnaire subisse une EAT. Je conclus que la demande était raisonnable et non discriminatoire.

132 En plus de l’exigence de subir une EAT, la fonctionnaire a également contesté le fait qu’on lui a interdit de retourner au travail en attendant les résultats de l’évaluation. Selon l’employeur, l’évaluation était nécessaire pour indiquer clairement à la fonctionnaire qu’elle ne devait pas se présenter au travail avant que le médecin effectuant l’EAT ne l’autorise. Tel que je l’ai indiqué ci-dessus, la conclusion de l’employeur selon laquelle la présence continue de la fonctionnaire au travail pourrait avoir une incidence négative sur sa santé était bien fondée et non discriminatoire. Étant donné que la fonctionnaire s’était récemment présentée au travail pendant une période de congé de maladie visée par son certificat médical qui indiquait qu’elle n’était pas en mesure de travailler, l’employeur n’était non seulement raisonnable lorsqu’il lui a demandé qu’elle ne se présente pas au travail avant que le médecin ait approuvé son retour, mais il pourrait être allégué que l’employeur n’avait d’autre choix que de le faire puisque le fait de permettre à une employée de travailler sans certificat de santé pourrait entraîner des conséquences juridiques négatives pour lui, l’assujettissant ainsi à des actions en justice intentées par la fonctionnaire ou ses collègues. Je conclus que l’employeur a donné une explication non discriminatoire pour les mesures qu’il a prises à cet égard.

133 En dernier lieu, en ce qui concerne l’exigence que l’EAT soit effectuée par un médecin tiers, je conclus également que l’employeur a donné une justification non discriminatoire de cette exigence. La preuve de l’employeur n’a pas été contredite en ce qui concerne ses motifs pour exiger une évaluation par un tiers. Selon le témoignage de M. Chenevert, il se serait contenté que le médecin de la fonctionnaire effectue l’évaluation, jusqu’à ce que la fonctionnaire l’informe qu’elle savait exactement ce qu’elle lui demanderait de dire. La fonctionnaire n’a pas contesté cet aspect de la preuve et je conclus que cela a suscité un doute raisonnable chez l’employeur en ce qui concerne le niveau de fiabilité qu’il pourrait accorder à une telle EAT.

134 Étant donné que la fonctionnaire avait informé M. Chenevert qu’elle savait ce qu’elle devait indiquer au Dr Mansell afin qu’il l’inscrive sur l’EAT, l’employeur était, avec raison, incertain que les renseignements qu’il recevrait de ce dernier indiqueraient exactement la nature et l’étendue de l’incapacité de la fonctionnaire. Il s’était fié à ses recommandations relatives aux mesures d’adaptation pour la fonctionnaire et l’assiduité de cette dernière a continué d’être un problème. De plus, la fonctionnaire a continué d’avoir des problèmes interpersonnels avec ses collègues et ses chefs d’équipe. Tel que j’ai conclu ci-dessus, l’employeur avait le droit de demander une EAT et le processus suivi était conforme à la politique de l’employeur. La demande d’une EAT constituait un exercice du droit de la direction et n’était pas de nature punitive, arbitraire ou déraisonnable et elle n’était pas entachée de discrimination. Ayant conclu qu’une EAT d’un tiers était requise, l’employeur a traité la fonctionnaire de la même manière qu’il aurait traité tout autre employé et je ne peux trouver aucun lien entre son incapacité et la demande de la direction.

135 En outre, la fonctionnaire a retardé le processus lorsqu’elle a refusé de consulter le médecin choisi en raison de l’exigence qu’elle fournisse des échantillons de sang et d’urine, exigeant ainsi que l’employeur se réorganise et détermine une autre approche qui permettrait d’obtenir les renseignements nécessaires. L’énoncé de la fonctionnaire selon lequel elle ne souhaitait pas consulter de nouveau le Dr Mansell pour obtenir d’autres renseignements parce qu’il exigerait qu’elle prenne un congé n’a fait que confirmer la légitimité des préoccupations de l’employeur. M. Wilson a déclaré qu’il devait déterminer si les problèmes continus vécus par ses chefs d’équipe dans le cadre de la gestion de l’assiduité et du rendement de la fonctionnaire découlaient d’un comportement fautif ou non fautif; la seule façon de faire cette détermination était une EAT effectuée par un tiers indépendant. M. Wilson avait raison de croire qu’un rapport provenant du Dr Mansell pourrait ne pas indiquer la véritable nature des besoins de la fonctionnaire.

136 Dans son troisième grief, la fonctionnaire a allégué que l’employeur ne lui avait pas assuré un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination et qu’il a n’avait pas pris de mesures d’adaptation en milieu de travail à son égard. La preuve relative à ce grief avait une portée large et visait de nombreux incidents survenus au cours d’une longue période. J’ai conclu qu’aucun de ces incidents, seuls ou dans leur ensemble, ne constitue une contravention de l’article 19 de la convention collective ou des articles 7 ou 14 de la LCDP.

137 Le harcèlement et les exceptions aux allégations de harcèlement sont visés par les articles 14 et 15 de la LCDP qui sont ainsi rédigés :

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

c) en matière d’emploi.

Harcèlement sexuel

(2)  Pour l’application du paragraphe (1) et sans qu’en soit limitée la portée générale, le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

En résumé, le fait de harceler un particulier selon un motif de distinction illicite en matière d’emploi constitue un acte discriminatoire aux termes de la LCDP. L’extrait suivant tiré de Khalifa c. Affaires indiennes et du Nord Canada, 2010 TCDP 21, énonce le droit en ce qui concerne ce motif de distinction :

109 Au sens de la LCDP, le harcèlement est une conduite non sollicitée fondée sur un motif de distinction illicite, laquelle a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes (Janzen c. Platy Entreprises Ltd., [1989 1 R.C.S. 1252, à la page 1284; Rampersadsingh c. Wignall (n° 2) (2002), 45 C.H.R.R. D/237, au paragraphe 40 (T.C.D.P.)). Dans la décision Canada (CDP) c. Canada (Forces armées) et Franke, [1999 3 F.C. 653, aux paragraphes 29 à 50 (1re inst.) (Franke), madame la juge Tremblay-Lamer a défini le critère permettant d’établir qu’il y a eu harcèlement au regard de la LCDP. Pour qu’une plainte soit fondée, il faut démontrer :

i.          que la conduite que l’intimé a adoptée est liée au motif de distinction illicite allégué dans la plainte;

ii.         que les actes faisant l’objet de la plainte n’étaient pas sollicités;

iii.        qu’il y a eu un élément de persistance ou de répétition dans la conduite reprochée. Toutefois, en certaines circonstances, un seul incident peut être suffisamment grave pour instaurer un environnement hostile. Cet élément doit faire l’objet d’une analyse de la part d’une personne objective et raisonnable;

iv.        que quand une plainte est déposée à l’encontre d’un employeur en ce qui a trait à la conduite d’un de ses employés, la victime du harcèlement a, si possible, avisé l’employeur de la conduite prétendument offensante.

À l’appui de son argument, l’agent négociateur a examiné un certain nombre des événements décrits dans la preuve, les a invoqués en général à titre de preuve de harcèlement et de l’omission de prendre des mesures d’adaptation. J’aborderai d’abord la question liée à l’omission alléguée de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation.

138 Il est bien reconnu qu’un employeur doit prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé ayant une incapacité jusqu’à la limite de la contrainte excessive pour s’acquitter de ses obligations imposées par l’article 7 de la LCDP et de l’article 19 de la convention collective. En l’espèce, l’employeur a pris des mesures d’adaptation pour la fonctionnaire en fonction des recommandations de son médecin. Malgré ses affirmations contraires, la preuve permet de conclure que la fonctionnaire reproche la mise en œuvre et la nature continue de ces mesures d’adaptation.

139 La fonctionnaire a soutenu que l’employeur n’avait pas respecté son plan en matière de mesures d’adaptation. Elle a affirmé que la mise en œuvre par l’employeur des mesures d’adaptation requises était insuffisante parce qu’à deux reprises, on ne lui avait pas donné un préavis d’au moins 24 heures en ce qui concerne une réunion, parce qu’elle avait été affectée à un autre poste de travail modulaire et parce que ses demandes de mutation à un autre chef d’équipe ont été refusées. D’autre part, l’employeur a soutenu avoir répondu aux besoins de la fonctionnaire en milieu de travail et que, malgré cela, elle a continué d’éprouver des problèmes liés à son rendement et à son assiduité.

140 L’employeur a accepté la recommandation du Dr Mansell selon laquelle la fonctionnaire ne devait pas être assujettie à des réunions imprévues et il a admis que malgré le fait qu’il ait accepté de lui donner un préavis de 24 heures en ce qui concerne les réunions, ainsi qu’une liste des personnes invitées et l’ordre du jour, deux réunions ont été prévues avec la fonctionnaire, et ce, sans préavis. Toutefois, selon le témoignage de M. Chenevert sur ces deux réunions, il devait rencontrer la fonctionnaire sans préavis en raison de la nature urgente des plaintes déposées par un contribuable. Il a indiqué que les réunions s’étaient bien déroulées et que la fonctionnaire ne semblait être ni bouleversée ni en détresse. L’agent négociateur n’a pas contesté cette description des réunions et n’a déposé aucun élément de preuve pour indiquer que la fonctionnaire avait informé l’employeur lors de ces réunions qu’elle s’opposait aux réunions imprévues.

141 Même si les mesures d’adaptation n’ont pas été mises en œuvre de manière parfaite, un employé n’a pas droit à une solution parfaite (voir Callan et Taticek). L’employeur aurait pu mieux gérer les mesures d’adaptation, mais cela ne suffit pas pour constituer une discrimination. Je conclus que l’employeur a donné une explication non discriminatoire et de bonne foi pour les mesures qu’il a prises en ce qui concerne l’organisation des réunions. Je suis d’avis que deux discussions avec le gestionnaire ayant trait aux demandes de renseignements liées au travail ne constituent pas une interruption des dispositions relatives aux préavis en ce qui concerne ses mesures d’adaptation, tel que cela est décrit dans le cadre jurisprudentiel ci-dessus. L’employeur avait le droit de rencontrer la fonctionnaire pour discuter de son travail et pour aborder les demandes de renseignements liées au travail. Elle n’a jamais indiqué à M. Wilson qu’elle ne souhaitait pas le rencontrer pour discuter des plaintes qu’il avait reçues de contribuables. Selon le témoignage de ces deux personnes, ces réunions ne lui ont causé aucune détresse. Ces inconvénients mineurs qu’elle a vécus ne constituent pas une interruption des mesures d’adaptation.

142 La représentante de la fonctionnaire a souligné l’omission de l’employeur de continuer de rencontrer la fonctionnaire chaque semaine à titre d’exemple de son omission de prendre des mesures d’adaptation. De plus, elle a déclaré que l’employeur n’avait pas concilié les événements donnant lieu au plan d’action aux renseignements liés à son incapacité et à ses besoins en matière de mesures d’adaptation. L’engagement relatif aux réunions hebdomadaires a découlé de l’application du plan de gestion du rendement de l’employeur à l’égard de la fonctionnaire et non d’une obligation de prendre des mesures d’adaptation relativement à son incapacité. Aucun élément de preuve ne m’a été fourni indiquant que la fonctionnaire a contesté l’inexistence de ces réunions. Aucun document médical à l’appui de la nécessité de ces réunions n’a été fourni à l’employeur.

143 La fonctionnaire a également soulevé la question relative à son poste de travail modulaire à titre d’exemple de l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation pour répondre à ses besoins. La pièce 8 indique les notes prises par la représentante de la fonctionnaire pendant la réunion du 2 juillet 2008, au cours de laquelle les parties ont convenu que la fonctionnaire serait affectée à un [traduction « endroit tranquille » et le fonctionnaire a reconnu que son poste de travail à proximité de la fenêtre constituait un endroit convenable. Une note médicale en date du 22 octobre 2009, (pièce 4) indique uniquement que la fonctionnaire avait besoin d’un endroit tranquille pour travailler sans distraction. Je n’ai été saisie d’aucun élément de preuve indiquant que, bien que la fonctionnaire ait eu à travailler à un autre poste de travail pendant la période d’établissement de feuillets T4, cette dernière estimait que le poste de travail modulaire auquel elle a été déménagée ne répondait pas à son plan en matière de mesures d’adaptation ou que ce déménagement représentait un risque à sa santé. Je n’ai également été saisie d’aucun élément de preuve indiquant que la fonctionnaire avait informé l’employeur de son objection au moment de tout déménagement. L’employeur n’a pas remis en question son incapacité et sa demande de mesures d’adaptation raisonnables a été accordée. Les mesures d’adaptation n’étaient peut-être pas parfaites. Toutefois, elles étaient raisonnables, à la lumière des recommandations du Dr Mansell, ce qui était suffisant (voir Andres c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 86). Les types d’interruptions visées par les plaintes ne constituent pas une interruption du processus en matière de mesures d’adaptation.

144 La fonctionnaire a soutenu en outre que le premier refus de l’employeur de l’affecter à un nouveau chef d’équipe constituait une preuve de son omission de prendre des mesures d’adaptation. Je conclus que la fonctionnaire n’avait pas le droit de déterminer qui serait affecté en tant que chef de son équipe, plus particulièrement lorsqu’il n’y a aucune justification médicale pour un tel changement. Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle a demandé un changement de chef d’équipe à la réunion du 2 juillet 2009, en soutenant que M. Beaudoin la harcelait. La fonctionnaire n’a déposé aucune preuve médicale, ni à ce moment-là ni à l’audience, pour justifier sa demande. De plus, selon son témoignage, pendant la réunion, elle et sa représentante syndicale, ainsi que l’employeur, ont dressé une liste quant à la façon dont elle serait assujettie à une gestion. Les allégations et les besoins de la fonctionnaire ont été entendus et pris en considération. De plus, le refus de l’employeur de changer son chef d’équipe ne constituait pas une violation de son droit à des mesures d’adaptation.

145 L’employeur était en droit de refuser de réaffecter la fonctionnaire à un autre chef d’équipe, surtout lorsqu’un changement de chef d’équipe était prévu prochainement. Il se peut que M. Beaudoin n’ait pas été la personne idéale pour assumer la tâche de gestion de la fonctionnaire ou il se peut qu’il ait simplement fait face à la gestion de cette dernière et à ses mesures d’adaptation dans un milieu où la communication était très difficile. Cependant, la preuve n’étaye pas ses prétentions selon lesquelles il l’a traitée de manière différente en raison de son incapacité. M. Wilson a tenu compte de ses préoccupations à l’égard de M. Beaudoin, a enquêté sur ses préoccupations et il a déterminé que ni les prétentions verbales de harcèlement de la fonctionnaire ni sa demande de changement de chef d’équipe n’étaient fondées.

146 M. Wilson n’a pas fait abstraction des préoccupations exprimées par la fonctionnaire quant au choix de l’employeur de son chef d’équipe. L’employeur s’est concentré sur son incapacité évidente de s’entendre avec M. Beaudoin lorsqu’il a choisi M. Chenevert en tant que chef d’équipe. Il a choisi une personne avec qui elle avait apparemment une relation cordiale et qui avait une expérience pour traiter des gens ayant une maladie mentale. Malgré cela et les mesures d’adaptation qui ont été prises, la fonctionnaire a continué de faire preuve des mêmes comportements perturbateurs en milieu de travail, elle était fréquemment absente et a continué de refuser de se conformer à la politique et aux directives de l’employeur quant à la façon de signaler ses absences.

147 En qui concerne la question du harcèlement, la fonctionnaire a soulevé l’incident survenu dans la salle de prières. Le fait qu’une personne non liée à l’employeur ait tenté d’intervenir lorsqu’elle a perçu la fonctionnaire en détresse dans la salle de prières ne permet pas d’établir que l’employeur ne lui a pas permis de quitter le lieu de travail pour se calmer dans le cadre de ses mesures d’adaptation. L’employeur ne l’a pas empêchée de se rendre à la salle de prières. Aucun de ses gestionnaires ou de ses chefs d’équipe n’a amorcé l’intervention par les gardiens de sécurité et l’employeur n’a pas communiqué avec le représentant du PAE. Rien n’a laissé entendre que l’employeur aurait dû informer les gardiens de sécurité que la fonctionnaire utiliserait la salle de prières. La preuve n’étaye pas plus l’allégation selon laquelle l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à cet égard que les prétentions qu’il n’a pris aucune mesure d’adaptation en général.

148 En outre, la fonctionnaire a prétendu que M. Beaudoin l’avait harcelée puisqu’il tentait de prendre une mesure à l’égard de ses problèmes liés à son assiduité et à son rendement dans le cadre du régime de gestion du rendement en continuant de se fier à un plan n’ayant aucune date de fin, et ce, même après qu’elle ait démontré une amélioration, y compris dans le cadre de ses relations avec ses collègues. Elle a également allégué que l’omission de l’employeur d’enquêter sur sa plainte de harcèlement constituait un exemple de ce harcèlement. Même si la fonctionnaire n’avait eu aucun autre conflit avec ses collègues, elle a continué d’avoir des conflits avec la direction et elle a continué d’avoir des réactions vives et émotionnelles inappropriées aux événements, des réactions qui justifiaient le fait que l’employeur continue d’appliquer le plan de gestion du rendement à son égard. Un vice de forme et de libellé du plan d’action ne le rend pas sans pertinence ou discriminatoire.

149 Même si la fonctionnaire croyait qu’elle était harcelée par les tentatives de la direction de traiter ses problèmes liés à l’assiduité, je conclus que tel n’est pas le cas. Ce ne sont pas tant ses absences qui préoccupaient la direction, que son omission de les signaler de façon appropriée et d’informer la direction de la date à laquelle elle serait au lieu de travail. Aucun renseignement indiquant que son omission de signaler ses absences de manière appropriée découlait de son état sous-jacent ne m’a été fourni et je n’ai constaté aucune preuve de discrimination dans les gestes de la direction et dans ses tentatives de traiter ce problème.

150 Malgré le fait que des mesures d’adaptation ont été prises en milieu de travail pour la fonctionnaire, l’employeur avait le droit de gérer son assiduité et son rendement. Un des objectifs de ses mesures d’adaptation était de s’assurer qu’elle dispose des éléments nécessaires pour améliorer son assiduité et son rendement. La mesure prise pour traiter les problèmes liés à son rendement n’était pas discriminatoire et l’employeur avait le droit d’aborder ses préoccupations en matière de rendement. Il a tenté de prendre des mesures pour déterminer si ces problèmes étaient liés à son incapacité ou s’ils découlaient d’un véritable comportement fautif. L’examen médical indépendant (« EMI ») qu’il a demandé avait pour but de déterminer la source de ces comportements. Ce faisant, il a agi de manière responsable et non discriminatoire.

151 Tel qu’il est indiqué dans Taticek,aux paragr. 103 à 105 :

103 Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination. Une preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire s’estimant lésé en l’absence de réplique du défendeur (O’Malley, paragr. 28). La Commission ne peut pas tenir compte de la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de l’existence de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204 (CanLII), paragr. 22).

104 Un employeur faisant face à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve permettant de fournir une explication raisonnable qui démontre que ses actions n’étaient pas, en fait, discriminatoires, ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. v. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35 (CanLII), paragr. 13). Si une explication raisonnable est fournie, il incombe au fonctionnaire de démontrer que l’explication n’est qu’un prétexte pour exercer de la discrimination (voir Maillet au paragr. 6).

105 Il n’est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l’unique raison des actions en litige pour prouver l’allégation de discrimination. Le fonctionnaire n’a qu’à démontrer que la discrimination constitue un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden v. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.), paragr. 7). Le fardeau de la preuve dans les affaires concernant la discrimination est le fardeau civil de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale), 1996 CanLII 4067 (CAF), [1996 3 FC 789).

152 L’employeur a pris des mesures pour déterminer s’il existait un fondement pour enquêter les allégations de harcèlement de la fonctionnaire. M. Wilson a discuté directement avec les gestionnaires concernés et il a déterminé que le type de gestion appliquée à l’égard de la fonctionnaire était conforme aux attentes de l’employeur. Selon l’ensemble de la preuve dont je suis saisie et des arguments et observations des avocates des deux parties, je conclus que la fonctionnaire n’a pas présenté une preuve prima facie de l’existence de discrimination relativement à cette allégation.

153 Afin d’établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination, la fonctionnaire n’avait qu’à démontrer qu’elle avait une incapacité, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et que l’incapacité a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore). L’employeur n’a pas remis en question son incapacité. Elle l’a affirmée, en a informé son employeur qui a accepté qu’elle était atteinte d’un état sous-jacent et lui a demandé que des mesures d’adaptation raisonnables soient prises. La question de savoir si la limite de la contrainte excessive existait n’a pas été soulevée à l’égard de l’employeur puisque les mesures d’adaptation qu’il a prises, même si elles n’étaient pas parfaites, étaient conformes aux recommandations du médecin de la fonctionnaire. Contrairement à l’argument de la fonctionnaire selon laquelle aucune mesure d’adaptation n’a été prise à son égard jusqu’à la limite de contrainte excessive en raison d’interruptions mineures de la nature continue de ses mesures d’adaptation, l’employeur n’a pas omis de prendre des mesures d’adaptation continues. Conformément à l’argument de la fonctionnaire, l’employeur avait une obligation de prendre des mesures raisonnables au titre de mesures d’adaptation relatives à ses limites fonctionnelles jusqu’à la limite de la contrainte excessive (voir Cyr). L’obligation de prendre des mesures d’adaptation comprend les aspects procéduraux qui exigent que les employeurs obtiennent tous les renseignements pertinents au sujet de l’incapacité de l’employé et qu’ils collaborent ensuite avec l’employé afin de déterminer les mesures d’adaptation à prendre. Une partie de ce processus consiste à obtenir un avis médical indépendant lorsque les renseignements médicaux fournis par le médecin traitant de la fonctionnaire sont insuffisants ou n’ont pas l’incidence sur son emploi continu voulu par les parties.

154 Les employeurs sont tenus de déployer des efforts raisonnables pour prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés et ils ne doivent pas à chercher à réduire les efforts en matière de mesures d’adaptation uniquement par souci de commodité (voir Stringer). En outre, les employeurs doivent être raisonnablement justifiés lorsqu’ils cessent d’offrir des mesures d’adaptation en milieu de travail, même temporairement (voir Kirby). Conformément à l’argument de l’employeur, je conviens qu’il incombe au plaignant d’établir une preuve de discrimination prima facie et une fois qu’il l’a établie, il incombe alors à l’employeur de démontrer des exigences professionnelles de bonne foi ou une contrainte excessive pour se soustraire de l’obligation (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) et Tranchemontagne). En l’espèce, l’employeur a pris des mesures d’adaptation pour la fonctionnaire en fonction des recommandations de son médecin, peu importe l’existence d’un plan officiel en matière de mesures d’adaptation ou de réunions pour discuter des mesures d’adaptation proposées. L’employeur a reçu des recommandations de son médecin selon lesquelles des changements devaient être effectués au lieu de travail, ce qui aurait permis à la fonctionnaire de continuer à exercer son emploi. Il s’agissait de mesures d’adaptation fondées sur la conclusion de l’employeur et une évaluation de son comportement en milieu de travail a permis de reconnaître que des mesures d’adaptation quelconques étaient nécessaires. Il est possible que les mesures d’adaptation n’aient pas été parfaites, mais elles répondaient aux besoins indiqués dans les lettres du Dr Mansell. Rien dans la preuve ne permet de conclure que la fonctionnaire a subi un effet préjudiciable dans le cadre de son emploi en ce qui concerne son incapacité (Commission ontarienne des droits de la personne).

155 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

156 Les griefs 566-34-7736, 7737 et 7738 sont rejetés.

Le 14 octobre 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,

arbitre de grief

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