Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a soutenu que l’employeur avait enfreint les dispositions de la convention collective sur la rémunération au rendement – l’arbitre de grief a affirmé qu’un régime par échelon fixe est une progression quasi automatique se produisant à une date préétablie et selon un montant préétabli – l’arbitre de grief a conclu que la clause de la nouvelle convention collective selon laquelle une restriction est placée sur les personnes qui étaient en congé de maternité ou parental et qui n’étaient pas en mesure d’être évalués, n’avait aucune incidence sur l’augmentation de salaire en fonction des échelons fixes – l’arbitre de grief a soutenu que les avocats qui étaient en congé de maternité ou parental 25 jours avant le dépôt du grief et après cette date, et qui n’avaient pas reçu d’augmentation par échelon fixe en raison d’une cote de rendement « impossible à déterminer », devaient obtenir tout paiement par échelon fixe qu’ils auraient dû recevoir et toute augmentation par échelon fixe subséquente. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150928
  • Dossier: 569-02-144
  • Référence: 2015 CRTEFP 78

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Craig J. Stehr, avocat
Pour l'employeur:
Sean F. Kelly, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
le 2 septembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 Le 10 octobre 2013, l’Association des juristes de Justice (l’« AJJ »), a présenté un grief de principe en vertu du paragraphe 220(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »). Selon le grief, l’employeur aurait violé les clauses 15.03, 19.03g) et 19.06g), et l’appendice « A » de la convention collective conclue entre l’AJJ et l’employeur pour le groupe Droit (tous les juristes) datée du 12 mars 2013 et venant à échéance le 9 mai 2014 (la « convention collective actuelle »). Le grief, plus précisément, indique ce qui suit :

[Traduction]

  1. Le 18 septembre 2013, l’Association des juristes de Justice (l’« AJJ ») a été informée par John Pombert, conseiller en rémunération de JUS, que les personnes en congé de maternité ou en congé parental non payé qui sont maintenant dans un système de rémunération par échelons fixes depuis le 10 mai 2013, après l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective, n’étaient pas admissibles à une augmentation de salaire si elles recevaient une évaluation du rendement « impossible à déterminer » en raison de leur absence du travail.
  2. Avant le 10 mai 2013, la rémunération au rendement des membres en congé de maternité ou en congé parental était calculée au prorata, conformément à la durée réellement travaillée durant l’année, lorsqu’une telle évaluation pouvait être effectuée.
  3. Depuis le 10 mai 2013, les taux de rémunération des LP sont maintenant organisés selon un système de rémunération par échelons fixes constitués d’« augmentations »
  4. Les membres en congé de maternité et ceux en congé parental devraient, selon la justification présentée dans Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor [2012 CRTFP 32] et les clauses 19.03g) et 19.06g), avoir droit à une augmentation d’échelon de salaire, sauf s’ils reçoivent une évaluation « insatisfaisant ».

2 L’AJJ a demandé, à titre de redressement, que tous les ministères respectent les clauses 15.0, 19.03g) et 19.06g) de la convention collective actuelle, de même que l’appendice « A » de la convention collective actuelle, que tous les praticiens du droit en congé de maternité ou en congé parental qui respectaient les exigences d’admissibilité pour l’augmentation d’échelon du 10 mai 2013 bénéficient d’un redressement de leur rémunération; et tout autre redressement jugé juste dans les circonstances.

3 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. La même journée, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

4 Dès le début de l’audience, une question relative à l’admissibilité de la preuve extrinsèque a été présentée.

5 Aucun témoin n’a été cité à témoigner.

6 Les parties ont produit un exposé conjoint des faits (l’« ECF »).

II. Admissibilité de la preuve extrinsèque

7 Quatre documents ont été joints à l’ECF (pièces 1 à 4). Seule la pièce 1, soit la convention collective entre l’employeur et l’AJJ pour le groupe Droit (tous les juristes), en date du 27 juillet 2010 et venant à échéance le 9 mai 2011 (la « convention collective expirée »), a été convenu entre les parties. Les trois autres pièces ont été soumises par les parties aux fins de commodité et il a été entendu que leur traitement à titre de preuve ferait l’objet d’arguments au début de l’audience, et que je réserverais ma décision sur cette question, que j’entendrais leurs observations sur le grief et que je traiterais les deux questions dans ma décision.

8 La pièce 2 a été présentée par l’AJJ et les pièces 3 et 4 ont été présentées par l’employeur. La pièce 2 de l’ECF est intitulée [traduction] « FAQ sur la convention collective de l’AJJ, affichée le 17 juin 2012, et ses mises à jour subséquentes le 1er août, et le 14 septembre 2012, et le 18 mars et le 10 avril 2013 ». La pièce 3 est un document intitulé [traduction] « Annonce de l’AJJ, l’AJJ se retire des consultations sur la gestion du rendement avec le Conseil du Trésor, le 27 novembre 2013 », et la pièce 4 est un document intitulé [traduction] « Observations de l’AJJ, dossier 585‑02‑25 ».

9 Selon l’employeur, les pièces 3 et 4 devraient être admises à des fins contextuelles; selon l’AJJ, les pièces 3 et 4 ne devraient pas être admises. L’AJJ a de plus fait valoir que si les pièces 3 et 4 étaient admises en preuve, la pièce 2 devrait aussi l’être.

A. Pour l’AJJ

10 La position de l’AJJ est que le libellé de la convention collective est clair et sans ambiguïté.

11 Le paragraphe 3:4400 de Canadian Labour Arbitration, 4e édition, de Donald Brown et David Beatty (« Brown et Beatty »), présente la règle générale relative à l’utilisation de la preuve extrinsèque lorsqu’un tribunal a pour tâche d’interpréter une convention écrite. La règle générale est que la preuve extrinsèque ne peut être admise pour contredire ou modifier la convention collective dans sa seule forme écrite, ou y ajouter des modalités ou en retirer. Cependant, si la convention collective est ambiguë, une telle preuve est admissible à titre d’aide à l’interprétation de la convention en vue d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour modifier les termes de la convention. Les deux formes les plus habituelles de telles preuves dans les arbitrages en matière de relation de travail sont l’historique des négociations entre les parties qui ont mené à la convention collective et les pratiques antérieures avant et après la conclusion de la convention.

12 Dans DHL Express (Canada) Ltd., v. National Aerospace, Transportation and General Workers of Canada (CAW Canada) Locals 4215, 144 and 4278 , (2004) CarswellNat 2975 (paragraphe 51), l’arbitre de différends a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Le point de référence principal d’un arbitre de différends doit être le libellé de la convention […] car c’est surtout par le mot écrit qu’il faut tenter d’évaluer l’intention commune des parties . Le libellé doit être interprété selon son sens propre et ordinaire, à moins que cette approche n’entraîne une absurdité ou une incompatibilité, auquel cas les arbitres interpréteront le libellé de manière à éviter de tels résultats. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces principes d’interprétation doivent être appliqués dans le contexte de la convention écrite elle-même. Il est également bien reconnu qu’en contrepartie, les anomalies ou les résultats imprévus ne justifient pas à eux seuls la modification du sens ordinaire des termes. Ce n’est pas non plus le cas si une interprétation de la convention peut occasionner un préjudice (perçu) à une partie.

13 Au paragraphe 52 de DHL Express, l’arbitre de différends a poursuivi en ces termes :

[Traduction]

Il est largement accepté que « le caractère défendable de [différentes] constructions », en lui-même, ne crée pas d’ambiguïté, ce qui permet de soumettre des preuves extrinsèques.

Lors de l’évaluation de l’intention commune des parties, des tests objectifs doivent être utilisés, et « […]non ce que les parties, post contractu , pourraient déclarer comme ayant été leur intention, même en toute honnêteté et sincérité. »

14 Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit (au paragraphe 78) :

Il est bien reconnu que les preuves extrinsèques peuvent être utilisées pour appuyer l’interprétation d’une convention collective lorsqu’une telle preuve indique une intention mutuelle claire des parties.

15 Le document présenté à la pièce 3 ne divulgue aucune intention mutuelle des parties. Ce document est une déclaration de la position de l’AJJ relativement aux consultations sur la gestion du rendement et les initiatives qui étaient en cours à ce moment et qui faisaient l’objet de discussions. Dans ce document, il est question du fait que l’AJJ avait l’impression que la position de l’employeur était en conflit avec la convention collective expirée et que, par conséquent, elle se retirait des discussions. Aucune intention mutuelle n’est divulguée dans le document.

16 Il n’y a pas de litige sur le régime de gestion du rendement, tel qu’il est prévu dans la convention collective actuelle. Le litige est la « portée » du régime de gestion du rendement à l’égard des avocats en congé de maternité ou en congé parental.

17 Le document présenté à la pièce 4 constitue une partie des observations de l’AJJ durant l’arbitrage de différends qui a mené à la première convention collective entre l’AJJ et l’employeur. Son authenticité n’est pas remise en cause; la question porte plutôt sur sa pertinence. La proposition comprise dans les observations porte sur l’inclusion d’un plan de gestion du rendement dans la convention collective initiale. Il s’agit d’un document qui a été mis de l’avant durant l’arbitrage de différends et qui formulait une proposition à ce moment. Avant l’arbitrage de différends, aucune convention collective n’existait entre les parties. À la deuxième page de la pièce 4 se trouve une référence aux [traduction] « politiques sur l’administration de la rémunération au rendement » et, à plusieurs endroits, un renvoi au sous-alinéa 34(1)a)(iii) de la Loi sur le contrôle des dépenses. Il est évident que le document joint ne fait que présenter la législation à respecter.

B. Pour l’employeur

18 L’employeur estime que, lorsque le libellé de la convention collective est clair, la preuve extrinsèque ne sera pas acceptée.

19 Les pièces 3 et 4 de l’ECF présentent un contexte pour comprendre la position de l’employeur, ce qui est appuyé parUnion of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 85, au paragraphe 51.

20 L’objet des pièces 3 et 4 est de démontrer que l’ajout du « Programme de gestion du rendement » à la convention collective actuelle était une proposition de l’AJJ.

C. Motifs

21 Comme il est indiqué dans DHL Express Ltd., le point de référence principal d’un arbitre de différends ou d’un arbitre de grief doit être le libellé de la convention, puisque c’est surtout par le mot écrit qu’il faut tenter d’évaluer l’intention commune des parties. Le libellé doit être interprété selon son sens propre et ordinaire, à moins que cette approche n’entraîne une absurdité ou une incompatibilité, auquel cas les arbitres de différend et les arbitres de grief interpréteront le libellé de manière à éviter de tels résultats. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces principes d’interprétation doivent être appliqués dans le contexte de la convention écrite elle-même. Il est également bien reconnu qu’en contrepartie, les anomalies ou les résultats imprévus ne justifient pas à eux seuls la modification du sens ordinaire des mots. Ce n’est pas non plus le cas si une interprétation de la convention pouvait occasionner un préjudice (perçu) à une partie. Il est largement accepté que [traduction] « le caractère défendable de différentes constructions », en lui-même, ne crée pas d’ambiguïté, ce qui permet de soumettre des preuves extrinsèques. Lors de l’évaluation de l’intention commune des parties, des tests objectifs doivent être utilisés, et non ce que les parties, post contractu, pourraient déclarer comme ayant été leur intention, même en toute honnêteté et sincérité.

22 Tel qu’il est présenté au paragraphe 3:4400 de Brown et Beatty, un témoignage oral ou une preuve extrinsèque, présenté de vive voix ou au moyen de documents, est une preuve extérieure, ou distincte, du document écrit visé par l’interprétation et le champ d’application d’un organe décisionnel. La règle générale en common law est que la preuve extrinsèque ne peut être admise pour contredire ou modifier la convention collective écrite, ou y ajouter des modalités ou en retirer. Il peut y avoir une exception à cette règle si la convention collective est ambiguë. Cependant, une telle preuve est admissible pour faciliter l’interprétation de la convention afin d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour modifier les termes de la convention. Les formes de preuve extrinsèque les plus courantes dans les cas de relation de travail sont l’historique des négociations entre les parties qui ont mené à la convention collective et les pratiques antérieures et postérieures à la conclusion de la convention.

23 L’employeur a demandé que j’accepte en preuve deux documents trouvés dans l’ECF et identifiés comme suit :

  1. Pièce 3 : Annonce de l’AJJ en date du 27 novembre 2013, intitulée [traduction] « L’AJJ se retire des consultations sur la gestion du rendement avec le Conseil du Trésor ».
  2. Pièce 4 : Observations de l’AJJ, dossier de référence 585-02-25.

24 L’employeur a affirmé que ces documents fournissaient une mise en contexte des questions visées par le grief. Je ne suis pas d’accord. Aucun de ces documents ne fait la lumière sur les négociations relatives aux questions dont je suis saisi. Ils ne répondent pas aux critères acceptés pour l’admission de preuve extrinsèque et, par conséquent, ne doivent pas être admis en preuve.

25 L’AJJ a indiqué que, si j’accepte les documents présentés par l’employeur à titre de preuve, je devrais également accepter le document de quatre pages présenté à la pièce 2 de l’ECF, intitulé [traduction] « FAQ sur la convention collective de l’AJJ, affichée le 17 juin 2012, et ses mises à jour subséquentes le 1er août et le 14 septembre 2012, et le 18 mars et le 10 avril 2013 ». Puisque je n’accepterai pas à titre de preuve les documents identifiés comme étant les pièces 3 et pièces 4 de l’ECF, je n’accepterai pas la pièce 2 de l’ECF.

III. Résumé de la preuve

26 Les parties conviennent que la question visée par le grief est de déterminer si les juristes classifiés aux groupes et niveaux LP‑00, LP‑01, LP‑02 et LP‑03 (précédemment les groupes et niveaux LA‑DEV, LA‑1, LA‑2A et LA‑2B) (les « juristes ») qui ont reçu une cote de rendement « impossible à déterminer » en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental ont droit à leur augmentation de rémunération par échelons fixes pour cette année. L’admissibilité des employés qui reçoivent une cote « insatisfaisant » n’est pas contestée.

27 Avant le 10 mai 2013, y compris pour la période précédant l’accréditation de l’AJJ à titre d’agent négociateur pour le groupe Droit en 2006, l’employeur augmentait le salaire d’un juriste après une évaluation du rendement positive. Un juriste dont l’évaluation du rendement était [traduction] « Insatisfaisant/Objectifs non atteints » ou « impossible à déterminer » ne recevait pas d’augmentation. Cependant, un juriste absent du travail pour une partie de l’année en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental, qui avait une période d’emploi suffisante pour une évaluation et dont le rendement était satisfaisant, était admissible à une augmentation dans son échelon au prorata des mois au lieu de travail.

28 Le 23 octobre 2009, un conseil arbitral présidé par Michael Bendel incluait un plan de rendement dans la convention collective expirée (dossier de la CRTFP 585-02-25).

29 L’article 15 de la convention collective actuelle est intitulé « Administration de la rémunération ». La clause 15.02 prévoit qu’un juriste a le droit d’être rémunéré au taux de rémunération prévu à l’appendice « A » pour la classification du poste auquel il est nommé, si la classification coïncide avec celle qui est précisée dans son certificat de nomination, ou au taux de rémunération prévu à l’appendice « A » pour la classification du poste prévue dans son certificat de nomination, si cette classification et celle du poste auquel il est nommé ne coïncident pas.

30 La clause 15.03 de la convention collective actuelle prévoit que les taux de rémunération, indiqués à l’appendice « A », entrent en vigueur aux dates précisées dans cet appendice.

31 À l’appendice « A » de la convention collective actuelle, dans la disposition intitulée « Remarque concernant la rémunération », plus précisément sous « Conversion à un régime de rémunération par échelons fixes », on retrouve la clause suivante :

(5) À compter du 10 mai 2013, les juristes des niveaux LA‑DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B (taux nationaux ou taux de Toronto) seront rémunérés dans l’échelle de taux « Y », le plus près du, mais non inférieur au, taux de rémunération que reçoit le juriste depuis l’échelle de taux « C ».

32 À l’appendice « A » de la convention collective actuelle, dans la disposition intitulée « Remarque concernant la rémunération », plus précisément sous « Mouvement salarial à l’intérieur de l’échelle », se trouvent les clauses suivantes :

(8) Avant le 10 mai 2013, les mouvements salariaux à l’intérieur de l’échelle pour tous les juristes sauf LA-DEV seront régies [sic] par les régimes de rémunération au rendement applicables.

(9) Après le 10 mai 2013, les mouvements salariaux à l’intérieur de l’échelle pour tous les juristes aux niveaux LA-3A et LA-3B continueront d’être régies [sic] par les régimes de rémunération au rendement de l’appendice « C »

33 À l’appendice « A » de la convention collective actuelle, sous la disposition « Remarque concernant la rémunération » plus précisément sous « Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », se trouvent les clauses suivantes :

(10) À compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui est en vigueur le 10 mai 2013.

(11) Un juriste dont le rendement a été évalué « insatisfaisant » n’est pas éligible à une augmentation d’échelon.

34 À l’appendice « A » de la convention collective actuelle, dans la disposition intitulée « Remarque concernant la rémunération » et plus précisément sous « Administration de l’Augmentation d’échelon de rémunération pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », se trouvent les clauses suivantes :

(12) Les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B qui auraient été éligibles pour une augmentation à l’intérieur de l’échelle au 1er avril 2013 sous l’ancien régime de rémunération au rendement se verront, à la place, accorder une augmentation d’échelon de rémunération le 10 mai 2013, immédiatement après l’action de paie associé [ sic ] avec la conversion à un régime de rémunération par échelons fixes, le tout tel que décrit au point 5 ci-haut.

(13) La période d’augmentation de rémunération pour tous les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-2A et LA-2B est de 12 mois et de six (6) mois pour les juristes aux niveaux LA-1.

(14) Un juriste nommé dans son poste avant le 31 mars 2013 mais qui n’a pas occupé son poste pour une période suffisante permettant d’évaluer son rendement par le 31 mars 2013, recevra une augmentation à la date anniversaire de sa nomination, ou, dans le cas d’un juriste de niveau LA-1, six (6) mois de sa date de nomination.

35 La convention collective actuelle et la convention collective expirée comprenaient toutes deux un appendice « B » intitulé « Politique sur l’administration de la rémunération au rendement des juristes classifiés aux niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B ». Les deux appendices ont une partie 1 et une partie 2. Dans la convention collective expirée, la partie 2 de l’appendice « B » porte le titre « Régime d’administration de la rémunération au rendement de certains niveaux supérieurs exclus non compris dans la catégorie de la gestion ». La partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle porte le titre « Régime d’administration de la rémunération au rendement pour les niveaux LA‑1, LA-2A et LA-2B », quoique dans une police et une taille de caractère différentes de celles utilisées dans la convention collective expirée.

36 Avant le 10 mai 2013, les juristes classifiés aux niveaux LA‑1, LA‑2A et LA‑2B recevaient une augmentation annuelle selon un régime de rémunération au rendement. La clause 15.06 de la convention collective actuelle indique que la « politique sur l’administration de la rémunération au rendement » des juristes classifiés aux niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B est présentée à l’appendice « B ». Selon la « politique sur l’administration de la rémunération au rendement », les juristes étaient évalués selon leur rendement et pouvaient recevoir l’une des quatre évaluations suivantes : supérieur, entièrement satisfaisant, insatisfaisant et impossible à déterminer. Un juriste qui recevait une cote « supérieure » ou « entièrement satisfaisant » avait une augmentation de 7 % et de 4,6 %, respectivement. Un juriste qui recevait une cote « insatisfaisante » ou « impossible à déterminer » n’avait aucune augmentation.

37 La convention collective expirée contenait aussi une clause 15.06, qui était formulée de la même manière que la clause de la convention collective actuelle, sauf pour l’ajout de la formulation « À partir du 1er novembre 2009 ».

38 L’« augmentation à l’intérieur de l’échelle » est définie exactement de la même manière à la clause 2.2 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle et à la clause 2.2 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective expirée. Voici le libellé de cette clause :

2.2 « Augmentation à l’intérieur de l’échelle » ( in-range increase ) augmentation de traitement fondée sur la cote de rendement, qui amène une progression dans l’échelle (jusqu’à concurrence du taux normal).

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

39 Une « prime de rendement » est définie exactement de la même manière à la clause 2.5 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle et à la clause 2.5 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective expirée. Les clauses énoncent ce qui suit :

2.5 « prime de rendement » ( performance award ) – prime payable à un employé dont le traitement a atteint le taux normal de l’échelle de traitement applicable (ou, à compter du 10 mai 2013, le maximum de rémunération par échelons fixes) et dont le rendement a été coté entièrement satisfaisant ou supérieur. Cette prime est payable en un montant forfaitaire et doit être méritée à nouveau chaque année.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

40 La clause 3.0 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle est intitulée « Administration de la rémunération au rendement » et est libellée comme suit :

3.0 Administration de la rémunération au rendement

3.1 Les augmentations à l’intérieur de l’échelle effectives au 1er avril 2012 sont déterminées par ce régime de rémunération au rendement. Après cette date, les augmentations à l’intérieur de l’échelle pour les juristes de niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B seront faites sous le régime de l’échelle de rémunération par échelons fixes.

3.2 Les montants forfaitaires de la prime au rendement payable le 1er avril 2012, sont déterminés par ce régime de rémunération au rendement. À compter du 10 mai 2013, les juristes de niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B dont les salaires sont au maximum de l’échelle de rémunération par échelons fixes continueront d’être éligibles aux montants forfaitaires de la prime au rendement sous ce régime de rémunération au rendement. Pour le rendement durant l’année fiscal [sic] se terminant le 31 mars 2013, les montants forfaitaires de la prime au rendement seront payés le 10 mai 2013. Après cette date, les primes au rendement seront payées le 10 mai de chaque année pour le rendement de l’année fiscale précédente. Les dépenses consacrées aux augmentations à l’intérieur de l’échelle et aux primes de rendement sont contrôlées par un budget ministériel qu’il ne faut pas dépasser.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

41 La clause 8.0 de la partie 2 de l’appendice « B » est identique dans la convention collective actuelle et dans la convention collective expirée. Intitulée « Rémunération au rendement pour les employés en congé non payé », elle est libellée comme suit :

8.0 Rémunération au rendement pour les employés en congé non payé

8.1 Les employés qui ont pris un congé non payé pour tout l’exercice financier et qui n’étaient pas revenus au travail le 31 mars de cet exercice financier ne sont pas admissibles à une augmentation au rendement. Il ne faut pas inclure leur traitement dans les calculs budgétaires

8.2 Les employés qui ont pris un congé non payé pendant une partie de l’exercice financier pourraient être admissibles à une augmentation au rendement s’ils font partie de l’effectif depuis assez longtemps pour qu’on puisse effectuer une évaluation du rendement valable. La rémunération au rendement doit être proportionnelle à la période depuis laquelle l’employé fait à nouveau partie de l’effectif.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

42 Le libellé de l’article 19 de la convention collective actuelle et de la convention collective expirée est identique. L’article est intitulé « Autres congés payés ou non payés ». La clause 19.03 de la convention collective actuelle et de la convention collective expirée est intitulée « Congé de maternité non payé » et la clause 19.03g) est libellée comme suit :

g) Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’« emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

43 Le libellé de la clause 19.06 est le même dans l’ancienne convention collective et dans la nouvelle et est intitulée « Congé parental non payé ». La clause 19.06g) est libellée comme suit :

g) Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’« emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

44 Les clauses 19.04 et 19.07 de la convention collective actuelle et de la convention collective expirée sont respectivement nommées « Indemnité de maternité » et « Indemnité parentale ». Ces clauses respectives comprennent les sous-clauses 19.04i) et 19.07i), lesquelles sont identiques et énoncent ce qui suit :

Si le juriste devient admissible à une augmentation d’échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement qui augmenterait son indemnité de maternité [et/ou ses prestations parentales], cette indemnité sera rajustée en conséquence.

45 Le 18 septembre 2013, l’AJJ a été informée par l’employeur que les juristes en congé de maternité ou en congé parental non payé visés par un système de rémunération par échelons fixes depuis le 10 mai 2013 n’étaient pas admissibles à une augmentation d’échelon fixe s’ils recevaient une évaluation du rendement « impossible à déterminer » en raison de leur absence du travail.

Résumé de l’argumentation

A. Pour l’AJJ

46 Le 10 mai 2013, les parties ont remplacé le plan de rémunération au rendement à l’intérieur de l’échelle par un cadre d’augmentation de la rémunération par échelons fixes.

47 Le 8 septembre 2013, l’employeur a avisé l’AJJ que les juristes en congé de maternité ou en congé parental n’étaient pas admissibles pour l’augmentation fixe prévue s’ils recevaient une cote « impossible à déterminer » dans leur évaluation du rendement en raison de leur absence du travail pour congé de maternité ou congé parental.

48 Le temps passé en congé de maternité ou en congé parental doit compter aux fins de l’augmentation de rémunération et la seule restriction à l’admissibilité à l’augmentation convenue entre les parties est lorsqu’un juriste reçoit une évaluation de rendement « insatisfaisant ».

49Selon l’AJJ, le fait de refuser une augmentation de la rémunération par échelon fixe à un juriste après lui avoir attribué une cote « impossible à déterminer » en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental constitue une violation de la convention collective actuelle.

50 Les taux de rémunération et les échelles salariales étaient présentés à l’appendice « A » de la convention collective expirée. L’appendice « B » de la convention collective expirée présentait la Politique sur l’administration de la rémunération au rendement pour tous les juristes. Les augmentations de la rémunération des juristes, par les échelles salariales, se faisaient au moyen d’un ensemble d’augmentations en fonction du niveau de rendement évalué du juriste. Les juristes recevaient une augmentation de leur rémunération en fonction d’un niveau de rendement évalué qui entraînait une hausse de leur niveau salarial dans l’échelle, mais sans excéder le taux normal. Les augmentations dans l’échelle étaient un pourcentage de la rémunération établi en fonction de l’évaluation et du budget ministériel.

51 Il y a des facteurs clés de différenciation pour déterminer la manière dont un cadre de la rémunération par échelon fixe doit fonctionner. Les paragraphes 7 à 10 d’Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor, 2012 CRTFP 32 (« AJJ c. CT ») expliquent la manière dont le modèle de rémunération au rendement précédant le régime d’augmentations de rémunération par échelons fixes (le « régime de rémunération au rendement ») fonctionnait. Ce modèle précédant le régime d’augmentations par échelons fixes (le régime de rémunération au rendement) ne comportait pas d’augmentations fixes à intervalles réguliers. Les juristes étaient évalués et, selon le résultat de cette évaluation, ils recevaient une augmentation de la rémunération au taux associé à la cote. Dans la convention collective actuelle, les parties se sont éloignées du cadre d’augmentations fondées sur le rendement. Les parties sont passées à un cadre d’augmentations de la rémunération à échelons fixes presque automatiques.

52 La question dans AJJ c. CT était très semblable à la question en l’espèce : un juriste qui était absent en congé de maternité ou en congé parental et qui ne pouvait être évalué était-il admissible à une augmentation de la rémunération dans l’échelle pour la période visée par l’évaluation? Cependant, dansAJJ c. CT, le cadre d’augmentations de la rémunération par échelons fixes n’était pas encore en vigueur. Dans cette affaire, l’AJJ avait affirmé qu’une [traduction] « augmentation d’échelle de rémunération » devait être considérée comme une [traduction] « augmentation à l’intérieur de l’échelle salariale ». L’arbitre de grief était en désaccord et a expliqué, au paragraphe 37, la différence entre l’augmentation de la rémunération à l’intérieur de l’échelle et une augmentation fixe de la manière suivante :

Je ne peux souscrire à l’argument de l’agent négociateur voulant que la progression à l’intérieur de l’échelle par l’effet de la rémunération au rendement corresponde à une augmentation d’échelle de rémunération prévue en vertu de la convention collective. Une augmentation d’échelle de rémunération, en vertu de la convention collective, équivaut à une progression quasi-automatique se produisant à une date préétablie, selon un montant préétabli. Par opposition, les augmentations au rendement à l’intérieur de l’échelle et les primes de rendement à l’extérieur de l’échelle correspondent à une rémunération visant à récompenser le rendement et non des augmentations d’échelle de rémunération accordées en fonction des états de service. Il s’agit en fait de deux régimes séparés et distincts, l’un ayant pris fin alors que l’autre a commencé à être mis en pratique.

53 L’AJJ a fait valoir que l’explication de l’arbitre de grief au paragraphe 37 d’AJJ c. CT correspondait exactement à la situation telle qu’elle se présentait après le 10 septembre 2013.

54 L’AJJ a fait valoir que, conformément à l’article 229 de la LRTFP, le rôle de l’arbitre de grief n’est pas de modifier le langage utilisé par les parties dans une convention collective ou dans une décision arbitrale.

55 Alliance de la Fonction publique du Canada c. Centre de la sécurité des télécommunications , 2009 CRTFP 121 (au paragraphe 28), a fait valoir ce qui suit :

L’avocate de l’AFPC a déclaré qu’il est largement reconnu en droit du travail que la raison fondamentale pour laquelle on interprète les dispositions d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties en fonction de son contenu. Leur intention doit être déduite des instruments écrits. L’arbitre de grief a pour fonction de déterminer ce que les parties voulaient dire en interprétant les mots qu’elles ont employés à partir de ce qui est écrit dans l’instrument et non de ce qui était censé y avoir été écrit. Sur ce point, l’avocate a invoqué Exportations Consolidated Bathurst et Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415.

56 Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux) , 2009 CRTFP 142 (au paragraphe 28), fait valoir ce qui suit :

Pour déterminer le sens normal ordinaire des mots, le point de départ est qu’on suppose que les parties voulaient dire ce qu’elles ont dit. Il peut arriver à l’occasion qu’un arbitre ou un arbitre de grief doive déduire la présence implicite d’un mot, mais cela se produit seulement lorsqu’il faut donner à la convention collective l’efficacité d’une convention collective ou commerciale, et ce seulement s’il est déterminé que les parties se seraient entendues sans hésitation sur le terme implicite dans l’éventualité où elles auraient été informées d’une telle lacune (voir Brown et Beatty, 4:2100).

57 Selon les observations de l’AJJ, le libellé de la convention collective actuelle est clair et peut être interprété sans déduire la présence implicite d’un mot.

58 La convention collective actuelle prévoit une période de transition pour passer du système de rémunération au rendement à l’intérieur de l’échelle (régime de rémunération au rendement) à l’augmentation de la rémunération par échelons fixes. Elle démontre une intention claire selon laquelle le temps passé en congé de maternité ou en congé parental doit être pris en compte afin de déterminer les augmentations de la rémunération. Il y a une seule restriction à l’augmentation de la rémunération, laquelle est appliquée lorsque le rendement d’un juriste est évalué et reçoit une cote « insatisfaisant ».

59 La clause 3.1 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle présente le changement vers l’échelon fixe. La clause 3.0 est intitulée « Administration de la rémunération au rendement » et la clause 3.1 est libellée comme suit :

3.1 Les augmentations à l’intérieur de l’échelle effectives au 1er avril 2012 sont déterminées par ce régime de rémunération au rendement. Après cette date, les augmentations à l’intérieur de l’échelle pour les juristes de niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B seront faites sous le régime de l’échelle de rémunération par échelons fixes.

60 À partir du 10 mai 2013, les augmentations de la rémunération ne sont plus calculées conformément au régime de rémunération au rendement qui régissait précédemment les augmentations (régime de rémunération au rendement). Si les parties avaient voulu qu’elles soient ainsi liées, elles l’auraient dit dans la convention collective actuelle.

61 Les augmentations à l’intérieur de l’échelle par échelons fixes sont une nouvelle manière d’augmenter la rémunération des juristes par rapport à ce qui se faisait en vertu de la convention collective expirée. Selon la convention collective expirée, les augmentations de la rémunération étaient déterminées par le régime de rémunération au rendement antérieur à l’augmentation de la rémunération par échelons fixes. Par ce régime, la rémunération d’un juriste donné pouvait être augmentée, ou non, et l’augmentation dépendait entièrement de la cote qu’il recevait. Dans la convention collective actuelle, la transition est claire à la clause 3.1, et plus encore à la clause 3.2 de l’appendice « B » qui précisent qu’un juriste visé par la convention collective actuelle dont le salaire est au maximum de l’échelle de rémunération par échelon fixes, sera éligible au paiement forfaitaire de la prime de rendement prévue à la partie Administration de la rémunération au rendement de l’appendice « B ».

62 La clause 13 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle précise les périodes d’augmentation de la rémunération. Pour les juristes classifiés aux niveaux LA‑DEV, LA‑2A et LA‑2B, cette période est de 12 mois, et pour les juristes classifiés au niveau LA‑1A, elle est de 6 mois. La clause 14 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle porte sur la situation d’un juriste nommé dans son poste avant le 31 mars 2013 mais qui n’a pas occupé son poste pour une période suffisante permettant d’évaluer son rendement au 31 mars 2013. Lorsque cela arrive, le juriste recevra une augmentation à la date anniversaire de sa nomination ou, dans le cas de juristes du niveau LA‑1A, 6 mois après sa nomination. Ces clauses indiquent clairement le passage d’un régime de rémunération au rendement vers un système d’augmentation de la rémunération par échelons fixes.

63 Lorsqu’elles sont lues conjointement, les clauses 8, 9, 10 et 11 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle indiquent clairement un passage d’un régime d’augmentation de rémunération au rendement vers un système d’augmentation de la rémunération par échelons fixes. Les clauses 8 et 9 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle indiquent que, avant le 10 mai 2013, le mouvement salarial à l’intérieur de l’échelle pour tous les juristes, sauf ceux classifiés au niveau LA-DEV, est régi par les régimes de rémunération au rendement applicables et que, après le 10 mai 2013, les mouvements salariaux à l’intérieur de l’échelle pour tous les juristes classifiés aux niveaux LA-3A et LA-3B continueront d’être régis par les régimes de rémunération au rendement de l’appendice « C » de la convention collective actuelle. Les clauses 10 et 11 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle indiquent que, à compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes classifiés aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui est en vigueur le 10 mai 2013. Le seul juriste qui n’est pas éligible à une augmentation d’échelon est celui dont le rendement sera évalué à « insatisfaisant ».

64 Si les parties avaient voulu ajouter une restriction à l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes classifiés aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B après le 10 mai 2013, pour ceux qui ont reçu une évaluation du rendement « impossible à déterminer » en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental, elles l’auraient dit. Elles ne l’ont pas fait.

65 La convention collective expirée, dans la partie 2 de l’appendice « B », sous le sous-titre « 3.0 Administration de la rémunération au rendement » et la clause 4.0, « Augmentations à l’intérieur de l’échelle » établit clairement que, si un juriste a une cote « satisfaisant », « insatisfaisant » ou « impossible à déterminer », il n’a pas droit à une augmentation de sa rémunération. Dans la convention collective expirée, les augmentations de rémunération étaient liées à l’évaluation du rendement. Ce n’est pas le cas dans la convention collective actuelle après la mise en œuvre de l’augmentation de la rémunération par échelons fixe le 10 mai 2013. Après le 10 mai 2013, la seule limite relative à une augmentation de la rémunération est lorsqu’un juriste a été évalué et a reçu une cote « insatisfaisant ».

66 L’AJJ a fait valoir que l’employeur s’appuiera vraisemblablement sur la clause 8.0 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle, intitulée « Rémunération au rendement pour les employés en congé non payé », qui précise que les employés qui ont pris un congé non payé pendant une partie de l’exercice financier pourraient être admissibles à une augmentation au rendement s’ils font partie de l’effectif depuis assez longtemps pour qu’on puisse effectuer une évaluation du rendement valable et que toute rémunération au rendement doit être proportionnelle à la période depuis laquelle l’employé fait à nouveau partie de l’effectif. Cette clause n’est pas pertinente, puisqu’elle n’aide pas à déterminer la manière dont des augmentations de la rémunération quasi automatiques doivent être établies.

67 Même si la clause 8.0 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle traite généralement de tous les congés non payés, les parties, par des changements aux appendices « A » et « B » de la convention collective actuelle, ont établi une transition vers l’augmentation de la rémunération par échelons fixe par laquelle la seule restriction est l’attribution d’une cote de rendement « insatisfaisant » à un juriste, laquelle fera en sorte que le juriste n’aura pas droit à une augmentation de la rémunération par échelon fixe.

68 En cas de différend relativement à l’intention des parties, l’AJJ indique que les clauses 19.03g) et 19.06g) de la convention collective actuelle précisent que le temps passé en congé de maternité ou en congé parental doit être pris en compte aux fins d’augmentation de la rémunération. Il s’agit d’un renvoi explicite à une augmentation du revenu. Il peut être impossible d’évaluer une personne en congé de maternité ou en congé parental, mais cela ne lui retire pas son droit à une augmentation de la rémunération par échelon fixe. La seule restriction à l’augmentation de la rémunération par échelons fixes est si la personne est évaluée et qu’elle a une cote « insatisfaisant » dans son évaluation du rendement.

B. Pour l’employeur

69 L’employeur n’a pas contesté le fait que les parties ont négocié et mis en œuvre le système d’augmentation de la rémunération par échelons fixes. Cependant, elles ne se sont pas débarrassées des évaluations du rendement. Pour qu’un juriste soit admissible à une augmentation, il doit avoir reçu une évaluation du rendement positive.

70 L’AJJ a déclaré que, sauf disposition expresse de la convention collective, l’employeur ne peut pas le faire. Ce n’est pas le cas. L’emploi peut faire tout ce qui n’est pas expressément interdit par la convention collective.

71Les articles 7 et 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11) (la « LGFP »), accordent à l’employeur de vastes pouvoirs illimités pour la gestion des ressources humaines. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Babcock v. Canada (Attorney General), 2005 BCSC 513; P.S.A.C v. Canada (Canadian Grain Commission) (1986), 5 F.T.R. 51 (F.C.T.D.); Peck c. Canada (Parcs Canada), [2009] A.C.F. no 1707 (QL); Brescia c. Canada (Conseil du trésor), 2005 CAF 236.

72n arbitre de grief doit se pencher sur le sens ordinaire des mots utilisés par les parties, sauf s’il en découle un résultat absurde ou si la convention les définit d’une manière spéciale ou particulière. La convention collective doit clairement et expressément stipuler toute présence d’un coût financier direct. À l’appui de cette position, l’employeur m’a renvoyé à Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, et sur Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112.

73 La clause 8.0 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle prévoit explicitement qu’un employé en congé non payé n’a pas droit à une rémunération au rendement; cependant, il peut avoir droit à une rémunération au rendement s’il a fait partie de l’effectif depuis assez longtemps pour qu’on puisse effectuer une évaluation valable. L’utilisation du terme « peut », associé à la condition « si », confirme que l’employeur a le pouvoir discrétionnaire de refuser de payer une augmentation de la rémunération au rendement, notamment une augmentation de la rémunération par échelons fixes, à un juriste en congé non payé si l’employeur est incapable de l’évaluer (voir O’Brien c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 45, au paragraphe 27.)

74 Contrairement aux observations de l’AJJ, l’appendice « B » de la convention collective actuelle s’applique aux augmentations par échelon fixes. La clause 15.06 de la convention collective actuelle, sous l’article « Administration de la rémunération » précise que la politique sur l’administration de la rémunération au rendement de l’appendice « B » s’applique aux juristes classifiés aux niveaux LA-1 et LA-2 et que la politique sur l’administration de la rémunération au rendement de l’appendice « C » s’applique aux juristes du niveau LA-3. La clause 15.06 de la convention collective expirée, toujours à l’article « Administration de la rémunération » précise que, à partir du 1er novembre 2009, la politique sur l’administration de la rémunération au rendement de l’appendice « B » s’applique aux juristes classifiés aux niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B et que la politique sur l’administration de la rémunération au rendement de l’appendice « C » s’applique aux juristes classifiés au niveau LA-3.

75 Contrairement aux observations de l’AJJ, l’appendice « B » de la convention collective actuelle, lorsqu’elle est lue conjointement à la clause 15.06 de la convention collective actuelle, combinée à la définition d’« augmentation à l’intérieur de l’échelle » énoncée à la clause 2.2 de la Partie 2 de l’annexe « B » de la convention collective actuelle, confirme que l’appendice « B » s’applique aux augmentations par échelon fixes, puisqu’elles sont fondées sur le rendement.

76 La deuxième phrase de la clause 3.1 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle précise clairement que les augmentations à l’intérieur de l’échelle comprennent les augmentations d’échelles de traitement par échelon fixes. La définition d’« augmentation à l’intérieur de l’échelle » présentée au même appendice est « fondée sur la cote de rendement », et, par conséquent, les augmentations par échelon fixe sont toujours considérées comme un type d’augmentation à l’intérieur de l’échelle, qui nécessite une évaluation du rendement avant un paiement.

77 La clause 15.06 de la convention collective actuelle, de même que la clause 3.1 et l’article 8 de la partie 2 de l’appendice « B », de même que le libellé « Après cette date, les augmentations à l’intérieur de l’échelle pour les juristes classifiés aux niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B seront faites sous le régime de l’échelle de rémunération par échelons fixes » de l’article 3 de l’appendice « B » doit être interprété de manière à éviter la redondance. En ajoutant de tels mots, les parties avaient clairement l’intention que toute augmentation par échelon fixe soit toujours sous réserve d’une évaluation positive (voir Stevens c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34, au paragraphe 21).

78 Accepter l’argument de l’AJJ nécessiterait une modification de la convention collective actuelle, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article 229 de la LRTFP. Cela aurait pour effet de supprimer la clause 15.06, de même que les clauses 3.1 et 8.0 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle.

79 Un examen approfondi de la convention collective actuelle démontre que les augmentations par échelons fixes ne sont pas automatiques. L’utilisation des termes « admissible » ou « éligible » dans l’ensemble de la convention collective précise clairement que les augmentations, y compris les augmentations par échelons fixes, dépendent d’évaluations du rendement positives. La remarque concernant la rémunération 12 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle utilise le terme « éligible » lorsqu’elle renvoie à une augmentation de la rémunération à l’intérieur de l’échelle au 1er avril 2013 en vertu de l’ancien régime de rémunération au rendement. Par conséquent, une personne doit toujours être admissible en vertu de l’ancien régime de rémunération au rendement. Par conséquent, si le juriste est présent durant l’exercice et qu’une évaluation significative peut être faite, s’il est admissible, il reçoit une augmentation de la rémunération par échelons fixes.

80 L’AJJ ne conteste pas que, si un juriste est à la fin ou au dernier échelon de la grille de rémunération, et que l’évaluation est « impossible à déterminer », il n’y a pas d’augmentation. Il s’agit du même résultat si le rendement d’un juriste est « insatisfaisant ».

81 L’objet des augmentations au rendement est de récompenser un bon rendement. Toutes les augmentations sont des augmentations au rendement. Voici ce que prévoit la convention collective. Les augmentations par échelons fixes n’éliminent pas l’exigence qu’un employé soit admissible à une augmentation. Pour y être admissible, un employé doit recevoir une évaluation du rendement positive. Être admissible ne se fait pas automatiquement, c’est une condition préalable qui se trouve dans l’ensemble de la convention collective. La remarque concernant la rémunération 11 de l’appendice « A » de la convention collective actuelle utilise le terme « éligible » lorsqu’elle renvoie à une augmentation de la rémunération après le 10 mai 2013, selon le régime d’augmentation de la rémunération par échelons fixes. « Admissible » est également utilisé aux alinéas 19.04i) et 19.07i) pour le traitement d’augmentations de la rémunération pour les juristes en congé de maternité ou en congé parental.

82 La restriction établie dans la convention collective actuelle est le terme « insatisfaisant ». Comment le rendement d’une personne peut-il être « insatisfaisant » sans être évalué? Clairement, la position de l’AJJ est contraire aux intentions des parties. L’objet de l’augmentation de la rémunération est de récompenser un bon rendement. Si la position des fonctionnaires est acceptée, un mauvais rendement est récompensé. Les primes de rendement ne sont pas distinctes des augmentations à l’intérieur de l’échelle. Les juristes sont évalués en fonction de leur rendement. Un juriste qui a une évaluation « entièrement satisfaisant » ou « supérieur » reçoit une augmentation au rendement à l’intérieur de l’échelle d’augmentation par échelons fixes. S’il reçoit une évaluation « insatisfaisant » ou « impossible à déterminer », il ne la reçoit pas.

83 L’employeur a souligné qu’il serait absurde de payer une augmentation par échelons fixes aux juristes en congé non payé, alors qu’une personne au haut de l’échelle ne reçoit pas d’augmentation puisqu’elle ne peut pas être évaluée.

84 En ce qui concerne AJJ c. CT, les parties ont négocié la clause 3.1 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle, ce qui est différent de ce à quoi cette affaire faisait référence.

C. Réplique de l’AJJ

85 Il y a une différence entre l’augmentation de la rémunération à l’intérieur de l’échelle et une prime de rendement. Les récompenses au rendement sont ce qui se trouve à l’appendice « B » de la convention collective actuelle et traite des personnes qui sont au sommet des taux de rémunération. Si un juriste ne peut pas obtenir d’augmentation de la rémunération, il peut tout de même obtenir une prime de rendement. L’appendice « B » de la convention collective actuelle est resté en place après le 10 mai 2013 pour régir les primes de rendement.

86 L’AJJ est en désaccord avec les observations de l’employeur relatives à l’utilisation du terme « admissibilité ». Le juriste a pour seule obligation de ne pas recevoir une cote « insatisfaisant » dans une évaluation de rendement pour avoir une augmentation.

87 À la clause 8.2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle, l’expression « augmentation au rendement » est utilisée. C’est différent de l’expression « augmentation de la rémunération ». Celui qui accepterait l’argument de l’employeur devrait accepter de fusionner le sens des expressions « augmentation au rendement » et « augmentation à l’intérieur de l’échelle » et elles ne veulent pas dire la même chose.

88 L’AJJ ne demande pas de réécrire la convention collective actuelle. Le libellé indique une transition claire vers un modèle d’augmentation de la rémunération qui n’est plus régie par un régime de rémunération au rendement.

V. Motifs

89 La seule question présentée en l’espèce est de savoir si les juristes classifiés aux niveaux LP‑00, LP‑01, LP‑02 et LP‑03 qui ont, durant l’exercice, pris un congé de maternité ou un congé parental conformément à la convention collective actuelle, et qui ont reçu une cote de rendement « impossible à déterminer » dans le cadre du processus d’évaluation du rendement, ont le droit de recevoir une augmentation de la rémunération par échelons fixes.

90 Bien que les juristes soient actuellement dans le groupe des praticiens du droit (« LP »), jusqu’à récemment ils faisaient partie du groupe « LA ». Tant dans la convention collective actuelle que dans l’ancienne convention collective, il y avait sept groupes et niveaux, soit : LA‑DEV, LA‑1A, LA‑2A, LA‑2B, LA‑3A, LA‑3B et LA‑3C. Puisque le présent grief porte seulement sur les juristes qui étaient classifiés aux anciens niveaux LA‑DEV, LA‑1, LA‑2A et LA‑2B, le terme « juriste » renvoie uniquement aux niveaux LA‑DEV, LA‑1, LA‑2A et LA‑2B.

91 Les juristes reçoivent un taux de rémunération annuel en fonction de leur groupe et niveau. Les taux de rémunération annuels sont établis à l’appendice « A » de la convention collective expirée et de la convention collective actuelle. Les taux de rémunération annuels des sept groupes et niveaux étaient les mêmes dans toutes les régions du pays, sauf à Toronto. Par conséquent, à l’appendice « A », il y a un ensemble de taux de rémunération pour tous les groupes et niveaux, et ce, pour Toronto et pour le reste du pays.

92 Avant le 10 mai 2013, chaque groupe et niveau avait un taux de rémunération annuel minimum et un taux de rémunération annuel maximum. Par exemple, un juriste classifié au groupe et niveau LA-2 en-dehors de Toronto (selon la convention collective expirée) était rémunéré entre 82 917,00 $ et 118 995,00 $.

93 Avant le 10 mai 2013, les augmentations de la rémunération pour les juristes étaient liées à l’évaluation du rendement qu’ils recevaient dans le cadre du processus d’évaluation du rendement pour l’exercice fiscal précédent (le régime de rémunération au rendement). Comme il a été établi dans la convention collective expirée, l’augmentation de la rémunération qu’un juriste donné recevrait était fondée sur un pourcentage de sa rémunération actuelle, lequel pourcentage était fondé sur la cote de rendement, de la manière précisée à la clause 4.0 de la partie 2 de l’appendice « B », dont le texte suit :

  • Exceptionnel                        jusqu’à 10 %
  • Supérieur                             jusqu’à 7 %
  • Entièrement satisfaisant      jusqu’à 5 %
  • satisfaisant                                        0 %
  • Insatisfaisant                                     0 %
  • Impossible à déterminer                    0 %

94 Alors que la clause 4.0 de la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective expirée utilise le terme « jusqu’à » avant le pourcentage de l’augmentation pour toute année donnée, l’employeur établit le pourcentage pour chaque cote d’évaluation « exceptionnel », « supérieur » et « entièrement satisfaisant ».

95 Par exemple, selon la convention collective expirée, durant l’année 1, si un juriste du groupe et niveau LA‑2A recevait une cote de rendement « exceptionnel », et qu’il gagnait 100 000,00 $, sa rémunération augmentait du pourcentage établi par l’employeur pour la cote « exceptionnel » pour cet exercice. Si l’augmentation du pourcentage était de 10 %, le juriste qui recevait une cote de rendement « exceptionnel » voyait sa rémunération augmenter de 10 000,00 $ et, par conséquent, l’exercice suivant, il gagnait 110 000,00 $. Si, cependant, ce même juriste recevait une cote de rendement « supérieur » et que l’employeur avait établi que le pourcentage de l’augmentation pour la cote « supérieur » était de 7 %, la rémunération de ce juriste était augmentée de seulement 7 000,00 $, et, par conséquent, l’année suivante, il gagnait 107 000,00 $. Finalement, si ce même juriste avait une cote de rendement de « satisfaisant », il ne recevait pas d’augmentation et sa rémunération restait à 100 000,00 $.

96 Si nous modifions juste un peu notre exemple, toujours selon le régime de rémunération au rendement prévu par la convention collective expirée, et en utilisant notre juriste classifié au groupe et niveau LA‑2A dont les revenus sont de 100 000,00 $, mais pour l’exercice suivant, l’année 2, et que l’employeur établit le pourcentage d’augmentation à seulement 7 % pour « exceptionnel », le juriste aurait une augmentation de sa rémunération de seulement 7 000,00 $ et, durant l’exercice suivant, ce juriste gagnerait 107 000,00 $.

97 Selon le régime de rémunération au rendement, l’augmentation de tout juriste était non seulement liée à la cote de rendement qu’il recevait, mais aussi au pourcentage d’augmentation attribuée pour cette cote par l’employeur. Cette augmentation de la rémunération pouvait varier d’une année à l’autre et c’était souvent le cas.

98 Toujours selon la convention collective expirée, si un juriste gagnait déjà le salaire maximum conformément à son groupe et niveau, et qu’il avait une cote de rendement « exceptionnel », « supérieur » ou « entièrement satisfaisant », il ne recevait pas une augmentation de sa rémunération, mais un montant équivalent en argent à titre de prime de rendement. Cela est également présenté à la partie 2 de l’appendice « B », qui précise, à la clause 5.0, que, si un juriste est déjà au maximum de l’échelle de rémunération, il ne recevra pas d’augmentation, mais bien le montant du pourcentage de sa rémunération en espèces. Les primes sont présentées de la manière suivante :

  • Rendement exceptionnel                    jusqu’à 10 %
  • Rendement supérieur                           jusqu’à 7 %
  • Rendement entièrement satisfaisant    jusqu’à 5 %

99 Par exemple, si nous reprenons l’exemple d’un juriste classifié LA‑2A, qui gagne le montant maximal de rémunération prévu par la convention collective expirée, qui aurait été (pour l’extérieur de Toronto) de 118 995,00 $, et qui, dans le cadre du processus d’évaluation du rendement, avait eu une cote « exceptionnel » et que le pourcentage de la prime était de 10 %, il n’aurait pas reçu d’augmentation de sa rémunération, qui serait restée à 118 995,00 $; cependant, il aurait reçu un versement en espèces de 10 % de sa rémunération, soit 11 899,50 $.

100 Je suis d’accord avec la conclusion présentée au paragraphe 37 d’AJJ c. CT, qui précise qu’une « augmentation d’échelle de rémunération, en vertu de la convention collective, équivaut à une progression quasi automatique se produisant à une date préétablie, selon un montant préétabli. Par opposition, les augmentations au rendement à l’intérieur de l’échelle et les primes de rendement à l’extérieur de l’échelle correspondent à une rémunération visant à récompenser le rendement et non des augmentations d’échelle de rémunération accordées en fonction des états de service. Il s’agit en fait de deux régimes séparés et distincts […] ». À cet égard, la convention collective actuelle a apporté un certain nombre de changements relatifs aux augmentations de la rémunération et aux primes de rendement. Elles sont passées d’un régime de rémunération au rendement, fondé sur une augmentation en raison d’une évaluation du rendement, à un régime par échelons fixes qui présente une progression quasi automatique se produisant à une date préétablie, selon un montant préétabli. Ces changements, dans aucun ordre particulier, dénotent un changement important apporté à cette partie de la convention collective, puisqu’ils portent sur les augmentations de la rémunération.

101 D’abord, le système de cotation utilisé pour coter le rendement évalué d’un juriste est passé de six (6) cotes d’évaluation à quatre (4). Les quatre nouveaux points d’évaluation, présentés dans la partie 2 de l’appendice « B » de la convention collective actuelle, aux clauses 4.0 et 5.0 sont les suivants :

  • Supérieur
  • Entièrement satisfaisant
  • Insatisfaisant
  • Impossible à déterminer

102 Ensuite, le 10 mai 2013, un système d’augmentations de la rémunération par échelons fixes est entré en vigueur. Ce jour-là, la rémunération de tout juriste a été augmentée en fonction d’une série d’ajustements (les « ajustements initiaux »), qui étaient présentés à l’appendice « A », « Remarque concernant la rémunération », « Structure d’échelles salariales » aux clauses 1 à 4. Lorsque ces ajustements initiaux ont été apportés, la rémunération annuelle de tous les juristes était représentée par un taux de rémunération annuelle présentée à la ligne C de l’appendice « A ». C’est à ce moment que le taux de rémunération annuel de chaque juriste a été converti à l’échelle salariale de l’augmentation de la rémunération par échelon fixe. Pour ce faire, le taux de rémunération de chaque juriste a été pris de la ligne C (du groupe et du niveau approprié auquel il correspond) et ajusté au taux de rémunération de la ligne « Y » de l’appendice « A », sous l’intitulé « taux de rémunération annuels » qui était le plus près, sans être inférieur, au taux de rémunération du juriste à la ligne « C » de l’appendice « A », « taux de rémunération annuels ». Par exemple, un juriste classifié au groupe et niveau LA‑2A et qui travaillait dans une autre région que Toronto, et dont la rémunération, après les ajustements initiaux prévus le 10 mai 2013, sous la remarque concernant la rémunération, était de 125 000 $, aurait eu une rémunération après conversion de 125 785 $.

103 Un troisième changement concerne la manière dont les taux de rémunération de tous les juristes devaient augmenter. Le processus pour obtenir une augmentation de la rémunération annuelle après le 10 mai 2013 est présenté à l’appendice « A », « Remarque concernant la rémunération », sous « Mouvement salarial à l’intérieur de l’échelle » et « Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », soit les clauses (8) à (11), de la convention collective actuelle. En termes simples, ces quatre clauses précisent que le processus précédant d’augmentation de la rémunération tel qu’il est régi par la rémunération au rendement, prenait fin le 10 mai 2013 et que, après cette date, tous les mouvements salariaux annuels se feraient selon le nouveau système de rémunération par échelon fixe et qu’un juriste passerait à l’échelon supérieur de l’échelle de rémunération par échelons fixes.

104 L’employeur a souligné que l’évaluation du rendement n’avait pas été retirée de la convention collective actuelle, ce que je reconnais. Cependant, l’employeur a également indiqué que, même si les parties sont passées d’une augmentation selon un pourcentage à une augmentation par échelons fixes, elles sont toutes deux fondées sur le rendement. À ce sujet, je ne suis pas d’accord.

105 Comme cela a déjà été précisé dans la convention collective expirée, un juriste pouvait seulement obtenir une augmentation de son taux de rémunération annuel s’il recevait une cote de rendement d’« exceptionnel », « supérieur » ou « entièrement satisfaisant ». S’il recevait une cote de rendement de « satisfaisant », « insatisfaisant » ou « impossible à déterminer », il n’avait pas d’augmentation. Clairement, dans la convention collective expirée, l’augmentation de la rémunération d’un juriste était directement liée à son rendement. Le niveau de rendement évalué déterminait d’abord s’il aurait une augmentation et, de même, le montant de l’augmentation. Le montant de l’augmentation n’était pas établi. Selon la rémunération de n’importe quel juriste donné, l’augmentation pouvait être accordée en fonction de trois pourcentages applicables au salaire du juriste à ce moment, ou il ne recevait rien.

106 La convention collective actuelle a changé tout cela. Même si elle n’a pas retiré le processus d’évaluation du rendement, elle a en grande partie séparé l’évaluation du rendement et l’augmentation de la rémunération annuelle ou l’augmentation de la rémunération. En effet, la convention collective expirée et la convention collective actuelle comprenaient toutes deux des remarques concernant la rémunération aux appendices. Ces notes concernant la rémunération sont présentées à l’appendice « A » des deux conventions collectives. Le principal changement entre la convention collective expirée et la convention collective actuelle est la mention ainsi que l’inclusion, dans la convention collective actuelle, des dispositions retrouvées à la clause (5) et aux clauses (8) à (14) qui n’étaient pas dans la convention collective expirée. Les clauses (8) à (14) de la convention collective actuelle traitent toutes de la conversion à un régime de rémunération par échelons fixes et sont présentées par les sous-titres suivants :

  • Mouvement salarial à l’intérieur de l’échelle      Clauses (8) et (9
  • Régime de rémunération par échelons fixes     Clauses (10) et (11) pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B
  • Administration de l’Augmentation d’échelon      Clauses (12), (13) et (14) de rémunération pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B

107 Même si je conviens que le régime de rémunération au rendement n’a pas été retiré de la convention collective actuelle, je n’accepte pas que ce soit parce que les augmentations de la rémunération sont liées au rendement. Il me semble plutôt clair que cela est dû au fait que, durant la durée de la convention collective actuelle, la conversion à un régime de rémunération par échelons fixe prenait place. Le passage à la rémunération par échelons fixes ne devait pas avoir lieu avant le 10 mai 2013, après que la convention collective actuelle soit entrée en vigueur. Avant que ce changement ait lieu, le système d’augmentations de la rémunération antérieur, fondé sur le régime de rémunération au rendement, présenté en détail à l’appendice « B » des deux conventions collectives, était en place. Il convient de noter que la convention collective expirée est venue à échéance le 9 mai 2011 et que la convention collective actuelle a été signée le 12 mars 2013. Il y a un écart de près de deux ans durant lequel les questions de rémunération devaient être prises en compte. De plus, après le 10 mai 2013, les juristes au maximum de l’échelle de rémunération de leur groupe et niveau, telle qu’elle était le 10 mai 2013, avaient droit à une « prime de rendement ». Ces faits précis nécessitent l’inclusion continue de l’appendice « B » à la convention collective actuelle.

108 Je suis d’accord avec les observations de l’employeur selon lesquelles la convention collective présente uniquement les restrictions des pouvoirs accordées à l’employeur selon la LGFP. De plus, l’employeur a également avancé l’argument selon lequel, lorsqu’il y a un coût monétaire direct, il doit être clairement et expressément accordé par la convention collective. Je suis également d’accord avec cela. Cependant, je conclus que les dispositions sur l’augmentation d’échelon de rémunération comprises à l’appendice « A » de la convention collective actuelle sont claires et non ambiguës.

109Rien ne peut porter à confusion dans le libellé de la convention collective actuelle. Aux clauses (12) à (14) de l’appendice « A » de la convention collective actuelle, sous le sous-titre « Administration de l’Augmentation d’échelon de rémunération pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », le fonctionnement du nouveau système d’augmentation de la rémunération de tous les juristes est expliqué. En termes simples, ces trois clauses indiquent que, à compter du 10 mai 2013, si vous étiez éligibles à une augmentation selon le régime de rémunération au rendement, vous étiez maintenant éligibles à une augmentation selon le nouveau régime d’augmentations par échelons fixes. Elles précisent également que, tous les 12 mois, ou chaque année, vous êtes éligibles à une augmentation de la rémunération (sauf pour les juristes classifiés au niveau LA‑1 – leur augmentation est tous les six mois). En fait, la clause (14) précise que même les juristes qui ont été nommés avant le 31 mars 2013, mais qui n’ont pas été employés pour une période suffisante permettant d’évaluer leur rendement à la fin de l’exercice (le 31 mars 2013), doivent recevoir une augmentation de leur rémunération.

110 Selon le libellé des clauses (10) et (11) de l’appendice « A » de la convention collective actuelle, au sous-titre « Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », à compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes classifiés aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui entre en vigueur le 10 mai 2013. La clause (11) présente ensuite la seule restriction du mouvement à un échelon salarial supérieur en indiquant qu’un juriste dont le rendement a été évalué « insatisfaisant » n’est pas éligible à une augmentation d’échelon. En termes simples, lorsque la conversion au système de rémunération par échelon fixe a eu lieu, avec date d’entrée en vigueur le 10 mai 2013, tous les juristes ont eu droit à leur augmentation de la rémunération, sauf si leur rendement a été évalué « insatisfaisant ». Selon la convention collective actuelle, il y a quatre cotes de rendement, soit « supérieur », « entièrement satisfaisant », « insatisfaisant » et « impossible à déterminer ». Si l’employeur voulait restreindre la progression de la rémunération par échelon fixe, il aurait certainement pu le faire en étant plus précis. Il ne l’a pas fait. La seule restriction convenue et présentée est la cote « insatisfaisant ».

111S’il y avait une quelconque incertitude, elle est supprimée par l’examen de la clause 3.0 de la partie 2 de l’appendice « B », sous le sous-titre « Administration de la rémunération au rendement », qui précise que les augmentations à l’intérieur de l’échelle en vigueur le 12 avril 2012 sont déterminées par ce régime de rémunération au rendement. Après cette date, les augmentations à l’intérieur de l’échelle seront faites conformément au régime de l’échelle de rémunération par échelons fixes. De plus, dans le régime de rémunération par échelons fixes, le montant de l’augmentation de la rémunération qu’un juriste reçoit en fonction de l’évaluation du rendement ne varie pas. La seule restriction est si le rendement d’un juriste est évalué à « insatisfaisant ». Par conséquent, si deux juristes de même groupe et niveau et au même point de la grille de rémunération par échelons fixes sont évalués dans le cadre du processus de rendement, que l’un reçoit la cote « supérieur » alors que l’autre a la cote « entièrement satisfaisant », ils passent tous les deux à l’échelon suivant de l’échelle de rémunération par échelons fixes. Si l’employeur avait voulu qu’il y ait une différence, il l’aurait précisé à la clause (11) de l’appendice « A » de la convention collective actuelle, au sous-titre « Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B », ce qu’il n’a pas fait.

112 L’appendice B traite uniquement de la rémunération au rendement et des primes de rendement qui, avant le 10 mai 2013, constituait à la fois la manière dont la rémunération des juristes progressait d’un échelon de rémunération à l’autre et celle dont les juristes qui avaient atteint le maximum de l’échelle salariale étaient rémunérés. Après le 10 mai 2013, le régime de rémunération au rendement n’a pas complètement disparu. Il a continué de s’appliquer aux juristes dont la rémunération avait atteint le maximum de l’échelle salariale pour leur groupe et niveau, puisqu’ils continuaient de recevoir une prime de rendement en fonction de leur évaluation du rendement, soit si le résultat était « supérieur » ou « entièrement satisfaisant ».

113 L’employeur a affirmé que la clause 8 de l’appendice « B » limite les personnes qui étaient en congé de maternité ou en congé parental et qui, par conséquent, ne pouvaient pas être évaluées; elles recevaient alors une cote « impossible à déterminer ». Je conviens que c’était le cas avant le 10 mai 2013. Cependant, après la conversion au régime de rémunération par échelons fixes, cette clause n’a plus d’incidence sur l’augmentation de la rémunération en fonction de la rémunération par échelons fixes.

114 Canada (Office national du film) c. Coallier (C.A.F.) , [1983] A.C.F. no 813 (CAF) (« Coallier ») portait sur un appel interjeté à l’égard d’une décision d’un arbitre de grief relative à un grief portant sur la rémunération. La cour a soutenu que, lorsque la convention collective prévoit un délai à l’intérieur duquel un fonctionnaire s’estimant lésé peut déposer un grief, le délai commence à courir au moment où le fonctionnaire s’estimant lésé a pris connaissance des faits sur lesquels son grief est fondé.

115 La clause 24.12 de la convention collective permet à un juriste de présenter un grief au premier palier de la procédure de grief au plus tard le vingt-cinquième (25e ) jour qui suit la date à laquelle le juriste est notifié ou prend connaissance, pour la première fois, de la violation alléguée ou de la présentation erronée des faits ou de toute occurrence ou question qui touche les conditions d’emploi du juriste.

116 En appliquant le raisonnement de Coallier aux faits du présent grief de principe, tout membre de l’unité de négociation qui était en congé de maternité ou en congé parental à partir du jour qui précède de 25 jours le 10 octobre 2013 (le jour auquel le grief a été présenté), et après cette date, qui n’ont pas reçu leur augmentation par échelon fixe uniquement parce qu’ils ont reçu une cote de rendement de « impossible à déterminer » doivent recevoir toute augmentation par échelon fixe qu’ils auraient dû recevoir, de même que toute augmentation par échelons fixes subséquentes.

117 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

118 La preuve extrinsèque ne doit pas être admise et, par conséquent, elle n’a pas été prise en compte.

119Le grief est accueilli.

120 Tout juriste qui était en congé de maternité ou en congé parental à partir du jour qui précède de 25 jours le 10 octobre 2013 et après cette date, qui n’a pas reçu son augmentation par échelon fixe uniquement parce qu’il a reçu une cote de rendement de « impossible à déterminer », doit recevoir toute augmentation par échelon fixe qu’il aurait dû recevoir, de même que toute augmentation par échelons fixes subséquente.

121Tout juriste qui a droit à un paiement des arriérés doit également avoir le droit de recevoir le paiement des intérêts sur toute somme due, à partir de la date à laquelle la somme était due.

122 L’intérêt sera calculé au taux des intérêts présenté dans les tableaux des intérêts avant jugement et des intérêts sur les jugements présentés dans la Loi sur les Cours fédérales et doit être calculé annuellement jusqu’à la date à laquelle le paiement est fait.

123 Je demeure saisi de cette affaire pour traiter toute question relative au redressement.

Le 28 septembre 2015.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski
arbitre de grief

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