Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s'estimant lésée avait présenté un certificat médical falsifié afin d'assurer la continuation d'une entente de télétravail – l'administrateur général avait révoqué sa cote de fiabilité et, par conséquent, a mis fin à son emploi – la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief concernant à la fois la révocation et le licenciement – tout au long de la procédure de règlement des griefs, l'administrateur général a soutenu que ses décisions étaient purement de nature administrative – au cours de l'arbitrage, l'administrateur général s'est  opposé à la compétence d'un arbitre de grief d'entendre le grief – la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que les décisions de l'administrateur général constituaient des mesures disciplinaires déguisées – l'arbitre de grief a conclu qu'il avait compétence pour déterminer le bien-fondé du licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'il incombait à l'administrateur général de démontrer que le licenciement était motivé – de plus, l'arbitre de grief a conclu qu'il avait compétence pour examiner la légitimité de la décision de l'administrateur général de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire s'estimant lésée, car la révocation de la cote constituait le seul motif à l'appui de la décision de l'administrateur général de licencier la fonctionnaire s'estimant lésée et que cette dernière contestait la légitimité de la révocation– l'arbitre de grief a conclu qu'il avait été démontré que l'administrateur général n'avait aucune préoccupation légitime quant au risque de sécurité posé par la fonctionnaire s'estimant lésée et il  a déclaré que les conditions requises pour révoquer sa cote de fiabilité n'étaient pas présentes – l'arbitre de grief a conclu que le licenciement n'était pas motivé – il a conclu que l'administrateur général était lié par les motifs sur lesquels il s'était appuyés au moment du licenciement et qu'ayant pris une décision stratégique de traiter la cote de fiabilité de la fonctionnaire s'estimant lésée plutôt que d'entamer un processus disciplinaire, l'administrateur général ne pouvait pas modifier les motifs du licenciement au cours de l'arbitrage – l'arbitre de grief a réintégré la fonctionnaire s'estimant lésée à son poste. Grief accueilli. Licenciement (motif non disciplinaire) Relations de travail – Cote de sécurité – Révocation de la cote de fiabilité – Qualification – Licenciement (motif non disciplinaire) – Est-ce que ce sont des mesures disciplinaires – Procédure – Processus disciplinaire dans la convention collective – Unité de négociation du groupe Services des programmes et de l'administration La fonctionnaire s'estimant lésée avait présenté un certificat médical falsifié afin d'assurer la continuation d'une entente de télétravail – sa cote de fiabilité avait été révoquée et, par conséquent, l'employeur a mis fin à son emploi – elle a présenté un grief contestant le fait que l'employeur avait enfreint les dispositions de la convention collective portant sur le processus disciplinaire – tout au long de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a soutenu que la révocation de la cote de la fonctionnaire s'estimant lésée et son licenciement étaient purement de nature administrative – l'arbitre de grief a déterminé que sa conclusion selon laquelle le licenciement n'était pas motivé ne signifiait pas que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée constituait une mesure disciplinaire – les dispositions de la convention collective portant sur le processus disciplinaire ne s'appliquaient pas en l'espèce.   Grief rejeté.

Contenu de la décision

  • Date: 20150805
  • Dossier: 566-02-8831 et 8832
  • Référence: 2015 CRTEFP 70

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHER HEYSER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Emploi et du Développement social)

défendeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Emploi et du Développement social)

Employeur

Répertorié
Heyser c. Administrateur général (ministère de l'Emploi et du Développement social) et Conseil du Trésor (ministère de l'Emploi et du Développement social)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur et l’employeur:
Lesa Brown, avocate
Affaire entendue à Edmonton (Alberta)
du 24 au 27 juin 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 La fonctionnaire s’estimant lésée, Cher Heyser, (la « fonctionnaire ») était, pendant la période en cause, au service du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (actuellement le ministère de l’Emploi et du Développement social; par souci de commodité, l’« employeur ») à titre d’agente aux avantages sociaux spécialiste des appels, classifiée au groupe et niveau PM-02, à la division de la rémunération et du traitement de l’assurance-emploi, à Edmonton, en Alberta.

2 Le 27 avril 2012, l’employeur a licencié la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11) (la « LGFP »), à la suite de la révocation de sa cote de fiabilité découlant d’une enquête administrative, au terme de laquelle il a été conclu que la fonctionnaire avait falsifié un document médical qu’elle avait soumis à l’employeur afin de prolonger une entente de télétravail existante. L’alinéa 12(1)e) prévoit ce qui suit :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique […]

3 La convention collective pertinente est celle touchant l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration, conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur de la fonctionnaire, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »), qui est arrivée à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective »).

4 Le 11 juin 2012, la fonctionnaire a déposé des griefs relativement à son licenciement et à la révocation de sa cote de fiabilité. Les deux griefs étaient formulés de façon identique et indiquaient ce qui suit : [traduction] « Je dépose un grief contre mon licenciement et la révocation du statut de ma cote de fiabilité ». Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 29 juillet 2013. Le premier grief a été déposé en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP ») (mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, dossier de la CRTEFP 566-02-8831). Le deuxième grief, alléguant une violation de l’article 17 de la convention collective (Mesures disciplinaires), a été déposé en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP et était appuyé par l’agent négociateur de la fonctionnaire, conformément au paragraphe 209(2) de la LRTFP (dossier de la CRTEFP 566-02-8832). À titre de mesure de réparation, la fonctionnaire a demandé sa réintégration sans perte de salaire ou d’avantages sociaux.

5 Les griefs ont été traités directement au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs. La décision de l’employeur au dernier palier était identique dans les deux dossiers et était formulée ainsi :

[Traduction]

[…]

Je conclus que l’employeur n’a pas violé la clause 17.02 de la convention collective PA, étant donné qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise à cet égard. L’employeur a effectué un examen et une nouvelle évaluation de votre cote de fiabilité. Le maintien d’une cote de fiabilité est requis comme condition d’emploi. Étant donné que vous ne respectez plus cette exigence, vous avez été licenciée conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques.

[…]

6 La décision au dernier palier de l’employeur indiquait également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Vous cherchez également à obtenir l’annulation de la révocation de votre cote de fiabilité, la fin de la discrimination, la mise en œuvre de mesures d’adaptation à votre retour au travail et la somme de 40 000 $ en dommages pour souffrances et douleurs.

[…]

7 Hormis l’annulation de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire, les autres mesures de réparation mentionnées dans la décision de l’employeur au dernier palier n’ont pas été entendues à l’arbitrage.

8 Au début de l’audience, l’employeur a soulevé une objection quant à la compétence de l’arbitre de grief pour entendre cette affaire, au motif qu’en raison de la révocation de sa cote de fiabilité, la fonctionnaire ne répondait plus aux conditions de son emploi. Selon l’employeur, si je suis convaincu que la fonctionnaire ne répondait plus à ses conditions d’emploi, je dois conclure que l’employeur avait un motif pour la licencier en vertu du paragraphe 12(3) de la LGFP et je n’ai pas à aller plus loin. Le paragraphe 12(3) prévoit ce qui suit :

12. (3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

9 L’employeur a soutenu qu’étant donné que la révocation de la cote de fiabilité est une décision administrative, il n’appartient pas à un arbitre de grief de se pencher sur le bien-fondé d’une telle décision, à moins que l’on conclue qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée. Les parties ont convenu de passer à l’examen des éléments de preuve sur le fond et que l’objection de l’employeur serait abordée de façon plus complète dans l’argumentation.

10 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires contenues dans les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont également entrées en vigueur (SI/2014-84). Conformément à l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, l’arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003 ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

11 L’employeur a appelé les témoins suivants à témoigner : Andy Netzel, Debbie Smith, Kevin Morris, Frank Bourque et Peter Boyd. La fonctionnaire a témoigné pour son compte.

1. M. Netzel

12 M. Netzel était, pendant la période visée, cadre de direction de la Gestion des services pour la région de l’Ouest canadien et des Territoires. Il a émis la lettre en date du 27 avril 2012, indiquant le licenciement de la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 8). La lettre mentionnait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’agent de sécurité du Ministère, en vertu de sa délégation de pouvoir, a révoqué votre cote de fiabilité.

Étant donné que l’emploi auprès du Ministère exige de posséder une cote de fiabilité valide et puisque vous ne répondez plus à cette condition d’emploi, je vous informe par la présente de ma décision de mettre fin à votre emploi à Ressources humaines et Développement des compétences Canada conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cette décision entre en vigueur immédiatement.

[…]

13 M. Netzel a été mis au courant de l’enquête administrative visant la fonctionnaire à l’automne 2011, lorsqu’une demande de participation de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) de l’employeur a été envoyée à son bureau. Il a indiqué qu’il était informé de ces demandes à titre informatif seulement, et non à des fins d’approbation. Il a par la suite reçu une lettre, datée du 2 février 2012, de l’agent de sécurité du Ministère (ASM), M. Boyd (pièce E-1, onglet 4), dans laquelle ce dernier l’informait que l’enquête administrative était terminée et qu’il avait joint une copie du rapport d’enquête (le « rapport sur l’enquête administrative »). Dans la lettre, il était indiqué que l’enquête avait permis de confirmer le fait que la fonctionnaire avait contrevenu au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et aux « Lignes directrices de conduite pour la fonction publique ». Je souligne que le rapport d’enquête et la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité allèguent tous deux que la fonctionnaire a agi à l’encontre des Lignes directrices de conduite pour Service Canada. Ce document n’est pas mentionné dans la lettre envoyée par M. Boyd à M. Netzel. Même si l’employeur a inclus les Lignes directrices de conduite pour Service Canada dans son recueil de documents, elles n’ont pas été déposées en preuve et l’employeur ne les a pas mentionnées dans son argumentation. Je n’ai donc pas tenu compte de ce document.

14 En contre-interrogatoire, M. Netzel a dit que l’employeur avait demandé une mise à jour de toutes les ententes de télétravail, puisqu’il y avait un intérêt accru à protéger les renseignements personnels du public et que l’on estimait que le télétravail n’offrait pas suffisamment de mesures de protection. Par conséquent, moins d’employés avaient l’occasion d’effectuer du télétravail et ceux qui le pouvaient, en raison de mesures d’adaptation, n’avaient pas accès aux renseignements personnels des clients.

15 M. Netzel a indiqué qu’il n’avait pas communiqué directement avec la fonctionnaire pour entendre sa version des faits. Il a examiné son dossier de relations de travail relativement à cette question, et son dossier ne contenait aucune mesure disciplinaire antérieure et aucune référence à des enjeux en suspens la concernant. Il ignorait que la fonctionnaire était de retour dans le milieu de travail lorsqu’il a mis fin à son emploi. À la question de savoir pourquoi l’employeur n’avait pas poursuivi le processus disciplinaire, M. Netzel a répondu qu’il avait géré la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire et qu’il avait été convenu qu’il y avait peu d’intérêts à poursuivre les deux processus. Si la cote de fiabilité de la fonctionnaire était révoquée, l’employeur n’avait pas à prendre de mesures disciplinaires. M. Netzel a indiqué qu’il n’avait pas pris part à la décision de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire.

16 En ré-interrogatoire, M. Netzel a indiqué que ni le nombre d’années de service, ni le fait qu’elle était retournée dans le milieu de travail n’avaient eu d’incidence sur sa décision de la licencier.

2. Mme Smith

17 Du mois d’août 2010 au mois de juin 2012, Mme Smith était chef de service de la division des appels relatifs à l’assurance-emploi de l’employeur pour la région de l’Ouest canadien. Elle devait, entre autres fonctions, gérer environ 65 employés et veiller à l’exécution des objectifs du programme de l’employeur. Plusieurs chefs d’équipe relevaient d’elle; entre 15 et 20 employés se rapportaient à chaque chef d’équipe. La fonctionnaire relevait de l’un des chefs d’équipe sous la supervision de Mme Smith. À l’époque pertinente, le bureau de Mme Smith était situé à Kamloops, en Colombie-Britannique.

18 Mme Smith a indiqué que la fonctionnaire travaillait depuis longtemps à la division des appels de l’employeur et qu’elle travaillait de la maison. L’entente de télétravail avait été autorisée en raison de son besoin de fournir des soins à des membres immédiats de sa famille, tel qu’il est indiqué dans un certificat médical émis par la Dre Jennifer Tse, le 9 mai 2008 (pièce E-3, « certificat de 2008 de la Dre Tse »).

19 Mme Smith a indiqué qu’à l’automne 2010, l’employeur a examiné toutes les ententes de télétravail relevant du pouvoir de ses gestionnaires. La fonctionnaire et un autre employé relevant du pouvoir de Mme Smith bénéficiaient d’une entente de télétravail. Mme Smith a rencontré la fonctionnaire et lui a expliqué qu’elle devrait fournir des renseignements à jour à l’appui de la poursuite de l’entente de télétravail.

20 La fonctionnaire a indiqué à Mme Smith qu’elle devait subir une chirurgie importante et qu’elle était très inquiète. En janvier 2011, Mme Smith a eu des discussions avec la fonctionnaire au sujet de l’entente de télétravail et lui a dit qu’en raison de sa chirurgie prochaine, elle n’aurait pas à fournir ses renseignements avant la chirurgie. Mme Smith a témoigné en disant qu’elle ne voulait pas que la fonctionnaire soit anxieuse au sujet de l’entente de télétravail et préférait qu’elle se concentre plutôt sur sa santé.

21 Le 11 avril 2011, Mme Smith a reçu un courriel de la fonctionnaire, qui contenait un certificat médical daté du 31 mars 2011 et portant la signature de la Dre Tse (pièce E-1, onglet 2, le « certificat de 2011 »). Selon le certificat de 2011, la fonctionnaire devait continuer de fournir des soins à des membres immédiats de sa famille. À la lecture du certificat, Mme Smith a eu des doutes. Elle a comparé le certificat à celui de la Dre Tse de 2008 et a constaté plusieurs ressemblances. Elle a par la suite parlé à la Dre Tse, qui a confirmé ne pas avoir émis le certificat de 2011 et ne pas l’avoir signé. Elle a renvoyé Mme Smith à son gestionnaire du bureau, M. Morris, pour de futurs contacts. Mme Smith a ensuite informé le directeur général et un consultant en relations de travail, puis elle a discuté des étapes suivantes.

22 La fonctionnaire a été convoquée à une réunion de recherche des faits le 27 avril 2011 afin de discuter du certificat de 2011. Les personnes présentes à cette réunion étaient Mme Smith, un autre gestionnaire, qui agissait à titre de secrétaire, la fonctionnaire et son représentant syndical, Réal Labbé. Pendant la réunion, la fonctionnaire a convenu qu’elle avait envoyé le certificat par courriel à Mme Smith. Selon la fonctionnaire, elle avait reçu le certificat pour courrier, puisqu’il était apparu sur son bureau de travail à la maison. Elle a indiqué que ses garçons avaient la responsabilité de récupérer et d’ouvrir le courrier.

23 À la suite de la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, la fonctionnaire a présenté un certificat du Dr Paul Johnson, qui l’envoyait en congé médical pour cinq semaines à compter de la même date (pièce E-4, « certificat du Dr Johnson »). Dans une lettre en date du 8 mai 2011, Mme Smith a envoyé à la fonctionnaire une copie dactylographiée du procès-verbal de la réunion de recherche des faits (pièce E-1, onglet 3). Dans la lettre, elle demandait à la fonctionnaire d’examiner les notes et de l’informer de toute omission ou erreur.

24 La chirurgie importante de la fonctionnaire a eu lieu le 18 mai 2011. Mme Smith a indiqué que, pendant que la fonctionnaire était en congé de maladie, tout, y compris l’exercice de recherche des faits, a été suspendu.

25 Mme Smith a indiqué que la fonctionnaire était retournée au travail graduellement, en octobre 2011. Étant donné qu’il n’y avait aucune nouvelle information à l’appui de l’entente de télétravail, elle a travaillé sur les lieux de travail. Même si la fonctionnaire travaillait au départ aux appels, elle a été transférée aux opérations générales afin de parfaire ses compétences en matière d’arbitrage avant de retourner aux appels; son travail était étroitement surveillé. Pendant ce temps-là, son chef de service était Mike Cannon et elle était supervisée par un nouveau chef d’équipe.

26 Dans une lettre envoyée le 25 octobre 2011 (pièce E-5), Mme Smith a informé la fonctionnaire qu’elle faisait l’objet d’une enquête administrative relativement à une allégation de conflit d’intérêts, puisqu’elle avait sciemment présenté un faux document dans le cadre de la prolongation d’une entente de télétravail. Dans la lettre, il était indiqué qu’elle serait interrogée par l’enquêteur, M. Bourque, le 2 novembre 2011. Dans cette lettre, elle informait la fonctionnaire qu’elle avait le droit d’être représentée pendant l’entrevue et elle a indiqué ce qui suit : [traduction] « S’il devait être déterminé que l’allégation à votre endroit est fondée, des mesures disciplinaires pourraient être imposées. Il est possible que votre cote de fiabilité fasse aussi l’objet d’un examen, si des renseignements défavorables surviennent pendant l’enquête. »

27 En contre-interrogatoire, Mme Smith a affirmé qu’avant de parler avec la Dre Tse, elle a présenté le certificat de 2011 à son bureau. À la suite de sa première conversation avec la Dre Tse, elle a communiqué plusieurs fois avec M. Morris.

28 En ce qui concerne les ententes de télétravail, Mme Smith a indiqué que, à un certain moment, il manquait d’espace au bureau d’Edmonton. Par conséquent, certains employés bénéficiaient d’ententes de télétravail en raison des contraintes liées à l’espace et d’autres employés en bénéficiaient à titre de mesures d’adaptation. Au départ, la fonctionnaire avait été autorisée à effectuer du télétravail en raison de sa situation familiale. En 2010, tous les employés relevant de Mme Smith qui bénéficiaient d’une entente de télétravail ont dû présenter des renseignements à jour.

29 Lorsqu’on lui a demandé si elle avait expliqué à la fonctionnaire le type de renseignements requis pour prolonger son entente de télétravail, Mme Smith a répondu qu’elle pensait l’avoir fait. Les renseignements auraient porté sur une mesure d’adaptation, un motif d’ordre familial ou autre. Mme Smith a indiqué que c’est la haute direction qui autorisait les ententes de télétravail. Elle soumettait à la haute direction, aux fins d’approbation, une description de la situation d’un employé, sans toutefois indiquer le nom de ce dernier.

30 À la question de savoir si la fonctionnaire avait pleuré pendant la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, Mme Smith a répondu qu’elle était silencieuse. Elle a reconnu que, pendant les conversations téléphoniques, la fonctionnaire a pleuré à quelques reprises, car elle était inquiète et bouleversée par son grave trouble médical. Elle a également convenu qu’entre Noël 2010 et avril 2011, la fonctionnaire était stressée et au bord des larmes. La fonctionnaire était toujours au travail et Mme Smith lui a vivement conseillé de prendre un congé.

31 Mme Smith a été surprise de recevoir le certificat du Dr Johnson après la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011. Elle l’a appelé afin de vérifier son authenticité, qu’il a confirmée.

32 Lorsqu’on lui a demandé, en réinterrogatoire, qui avait le pouvoir de décider si un employé pouvait continuer à effectuer du télétravail, Mme Smith a répondu qu’il s’agissait d’un comité formé de M. Netzel, d’un sous-ministre adjoint et d’un troisième cadre supérieur afin d’assurer l’uniformité dans l’ensemble de la région.

3. M. Morris

33 M. Morris est le directeur du bureau de la Dre Tse depuis le mois de septembre 2008. Parmi les fonctions qu’il occupe, notons la responsabilité du logiciel des dossiers médicaux électroniques, y compris son entretien et sa conformité aux lois de l’Alberta sur les renseignements sur la santé. Il effectue également le suivi des dates et des heures de création et de modification de documents.

34 M. Morris a affirmé que Mme Smith avait communiqué avec lui au sujet du certificat de 2011. Lorsqu’il l’a lu, il a soupçonné qu’il était faux, puisque le style d’écriture n’était pas celui de la Dre Tse. Il a ensuite vérifié les entrées dans le système des dossiers médicaux électroniques, mais il n’a pu le localiser. Le document ne se trouvait pas non plus dans les journaux de création et de modification. Il a posé la question à la Dre Tse, qui lui a dit qu’elle n’avait pas créé le certificat.

35 M. Morris a indiqué que même si l’en-tête sur le certificat de 2011 venait du bureau de la Dre Tse, c’était celui utilisé pour sa pratique dans les cosmétiques, appelée « ShapeMD ». Il a conclu que le certificat avait été contrefait. Dans un courriel envoyé à Mme Smith en date du 19 avril 2011 (pièce E-6), M. Morris a indiqué que l’en-tête venait de la pratique des cosmétiques de la Dre Tse et que la fonctionnaire n’avait pas consulté la Dre Tse depuis environ un an. Il a également indiqué que le certificat de 2008 établi par la Dre Tse était authentique.

36 M. Morris a confirmé avoir remis une lettre en main propre en date du 9 juillet 2010 de la Dre Tse à la fonctionnaire afin de mettre fin à la relation avec la patiente (pièce E-1, onglet 1, « lettre de 2010 de la Dre Tse »).

37 En contre-interrogatoire, M. Morris a indiqué que la lettre de 2010 de la Dre Tse avait été générée par le système de dossiers médicaux électroniques, y compris la signature de la Dre Tse. Il a affirmé que la Dre Tse examinait ce genre de lettre afin de s’assurer qu’elle l’aurait signée.

38 Lorsqu’on lui a demandé de comparer le certificat de 2008 de la Dre Tse et celui de 2011, M. Morris a d’abord indiqué qu’il n’aurait trouvé ni l’un ni l’autre de ces documents dans le système de dossiers. Il a indiqué qu’étant donné qu’il pouvait prouver que le certificat de 2011 ne se trouvait pas dans le système, le certificat de 2008 de la Dre Tse ne s’y trouverait pas non plus. Lorsqu’on lui a demandé de lire son courriel du 19 avril 2011 envoyé à Mme Smith, afin de confirmer l’authenticité du certificat de 2008 de la Dre Tse, M. Morris a ensuite indiqué que la Dre Tse lui avait dit que la fonctionnaire lui avait dicté le texte. Il a reconnu le style d’écriture de la Dre Tse, puisqu’elle est sa belle-fille. Il a indiqué qu’il n’avait pas examiné le dossier de la fonctionnaire avant de témoigner à l’audience.

39 M. Morris a indiqué avoir rencontré M. Bourque et Mme Smith à son bureau à domicile, mais il ne pouvait se souvenir de la date. Cette réunion portait sur l’authenticité des certificats de 2008 et de 2011 de la Dre Tse. Il a affirmé que les métadonnées du système de dossiers indiqueraient la dernière fois où la fonctionnaire avait été vue par la Dre Tse.

40 M. Morris a affirmé que les appels téléphoniques au bureau ne n’étaient pas enregistrés. Même si le système dispose actuellement d’une fonction qui permet l’enregistrement manuel de la date et de l’heure d’un appel téléphonique, M. Morris ne se souvient pas quand cette fonction a été ajoutée. Il a dit que la plupart des appels téléphoniques faits au bureau n’étaient pas enregistrés.

41 M. Morris ignorait quand la fonctionnaire est devenue l’une des patientes de la Dre Tse. Il a affirmé, en ré-interrogatoire, que le certificat de 2008 de la Dre Tse avait été émis avant qu’il ne commence à travailler pour cette dernière.

4. M. Bourque

42 M. Bourque était enquêteur principal à l’UES de l’employeur depuis le mois de septembre 2010. Son expérience antérieure comprenait 10 ans à titre de policier, 12 ans à titre d’enquêteur privé dans le domaine des fraudes sur l’assurance et 5 ans à titre d’enquêteur pour une grande société canadienne.

43 M. Bourque a indiqué que, lorsqu’il est chargé de faire enquête sur une affaire, le dossier contient déjà habituellement certains éléments de preuve. Dans ce cas, le dossier contenait le certificat de 2011 et l’entente de télétravail. Il a communiqué avec Mme Smith, qui lui a fourni le certificat de 2008 de la Dre Tse. Il a également communiqué avec M. Morris, qui lui a soumis la lettre de 2010 de la Dre Tse et qui lui a dit que le certificat de 2011 ne venait pas du bureau de la Dre Tse.

44 M. Bourque a indiqué que Mme Smith l’avait informé de la santé de la fonctionnaire et que la fonctionnaire avait été informée de l’enquête administrative à son retour au travail.

45 M. Bourque a interrogé, individuellement, la fonctionnaire et M. Morris, le 2 novembre 2011. Il a dit que son entrevue avec la fonctionnaire était informelle et qu’elle s’était bien déroulée. Son représentant syndical et son mari étaient présents. Il a discuté de certains aspects des antécédents familiaux, puisqu’il possédait le certificat de 2008 de la Dre Tse. Il a affirmé avoir montré à la fonctionnaire une copie du certificat de 2011. Il lui a demandé d’où il venait. M. Bourque a indiqué que la fonctionnaire avait admis avoir fabriqué le certificat de 2011 afin de prolonger son entente de télétravail. Elle n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi elle l’avait fait, puisqu’il n’était pas nécessaire qu’elle fournisse d’explication en raison de son départ en congé de maladie. La fonctionnaire lui a indiqué avoir rédigé le document puisqu’elle prévoyait rencontrer la Dre Tse, comme ça avait été le cas pour le certificat de 2008 de la Dre Tse. Elle lui a dit qu’au moyen d’un fichier PDF, elle avait pu transférer la signature de la Dre Tse du certificat de 2008 au certificat de 2011.

46 M. Bourque possédait une copie des notes de la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, qui indiquait que la fonctionnaire avait affirmé ne pas avoir fabriqué le certificat de 2011. Lorsqu’il a soulevé cette question à la fonctionnaire, elle a répondu qu’elle n’était pas certaine de la raison pour laquelle elle avait menti à Mme Smith, mais qu’elle se trouvait dans le même état d’esprit que lorsqu’elle avait fabriqué le certificat de 2011, soit qu’elle était très émotive et très inquiète au sujet de sa chirurgie importante prochaine.

47 M. Bourque a conclu qu’il était évident que la fonctionnaire avait fabriqué un faux document. Le rapport sur l’enquête administrative, en date du 2 février 2012 (pièce E-1, onglet 5), a conclu que la fonctionnaire avait émis un faux document, ce qui constitue une infraction en vertu de l’article 366 (Faux) du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46) et qu’elle avait contrevenu au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (pièce E-1, onglet 11), qui contient l’énoncé suivant sous le titre « Valeurs liées à l’éthique » : « La conduite des fonctionnaires doit pouvoir résister à l’examen public le plus minutieux; cette obligation ne se limite pas à la simple observation de la loi ». M. Bourque a indiqué que même si, à ce moment-là, il estimait que les actes commis par la fonctionnaire étaient de nature criminelle, ils n’étaient pas graves au point de justifier le dépôt d’accusations criminelles.

48 La participation de M. Bourque a pris fin par sa présentation du rapport sur l’enquête administrative. Il a indiqué avoir été surpris d’apprendre plusieurs mois plus tard que la cote de fiabilité de la fonctionnaire avait été révoquée.

49 En contre-interrogatoire, M. Bourque a indiqué qu’il n’avait pas interrogé la Dre Tse. Il n’avait pas à interroger Mme Smith, puisqu’il avait des discussions continues avec cette dernière et qu’il avait eu une réunion avec elle. En ce qui concerne le Code criminel, M. Bourque a souligné que, même s’il estimait que la fonctionnaire l’avait enfreint, il ne l’a pas signalé à la police. En ce qui concerne le certificat de 2011, M. Bourque a indiqué que, selon Mme Smith et la fonctionnaire, il n’était pas nécessaire de présenter ce certificat à ce moment.

50 M. Bourque a souligné qu’il avait été surpris, compte tenu de la situation de la fonctionnaire, d’apprendre que sa cote de fiabilité avait été révoquée, mais M. Boyd n’en a pas discuté avec lui.

51 M. Bourque a déposé un enregistrement audio de son entrevue avec la fonctionnaire et des notes préparées sur cette dernière (pièce G-1) quelques jours plus tard. Étant donné qu’il n’a pas enregistré son entrevue avec M. Morris, il a préparé ces notes le même jour (pièce G-2).

52 La fonctionnaire a raconté à M. Bourque les faits relatifs au certificat de 2008 de la Dre Tse. Elle a indiqué qu’un premier certificat préparé par la Dre Tse ne suffisait pas à justifier une entente de télétravail et que la Dre Tse avait demandé à la fonctionnaire de rédiger un texte afin qu’elle l’examine. Elles ont toutes deux accepté le texte, que la Dre Tse a signé. M. Morris a indiqué à M. Bourque que la fonctionnaire avait apporté un texte à faire signer par la Dre Tse.

53 M. Bourque a affirmé que l’ASM ne verrait que le rapport sur l’enquête administrative et non ses notes d’entrevue.

54 En ré-interrogatoire. M. Bourque a indiqué que l’avis d’enquête administrative adressé à la fonctionnaire était un modèle préparé par son unité, qui est signé par la direction locale. Il a déclaré que, telles que l’indiquent ses notes d’entrevue, la fonctionnaire lui avait dit qu’elle possédait du papier à en-tête vierge du bureau de la Dre Tse.

5. M. Boyd

55 M. Boyd était l’ASM et directeur général intérimaire de la section de l’intégrité et de la sécurité interne de l’employeur de la fin du mois de décembre 2011 au mois de mai 2012. Ses fonctions à titre d’ASM comprenaient la gestion des opérations de sécurité pour l’employeur, la préparation en cas d’urgence et la continuité des opérations, ainsi que la responsabilité de l’UES et de l’équipe des valeurs et de l’éthique. Claude Jacques, le gestionnaire de la sécurité du personnel, relevait de lui.

56 M. Boyd a indiqué qu’il connaissait la Politique sur la sécurité du gouvernement (pièce E-1, onglet 9), qui établit les rôles et les responsabilités en matière de sécurité au gouvernement du Canada. La politique prévoit que les administrateurs généraux de tous les ministères sont responsables des activités de sécurité ministérielle et de la nomination d’un ASM afin de gérer le programme de sécurité du Ministère. La Norme sur la sécurité du personnel (pièce E-1, onglet 10) est la politique à appliquer dans un ministère et porte sur l’évaluation de la cote de fiabilité

57 M. Boyd était au courant de l’enquête administrative sur les actes commis par la fonctionnaire, puisqu’il avait reçu une version provisoire du rapport sur l’enquête administrative. Il a formulé des commentaires afin de s’assurer que le document était suffisamment clair pour appuyer les conclusions. Une fois dans sa version définitive, le rapport sur l’enquête administrative lui a été retourné.

58 Après avoir soumis le rapport sur l’enquête administrative à M. Netzel, il a renvoyé l’affaire à M. Jacques pour une nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, conformément à la procédure à suivre lorsque des renseignements défavorables au sujet d’un employé surviennent. Il a tenu compte du rapport de M. Jacques en date du 17 février 2012 (pièce E-1, onglet 6, le « rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité »), au moment de l’évaluation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire. Lorsqu’on lui a demandé d’indiquer la période à laquelle il aurait envoyé une lettre non datée à M. Netzel, afin de l’informer de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire, M. Boyd a déclaré qu’il pensait l’avoir rédigée vers la fin de l’exercice 2011-2012.

59 Pour en arriver à sa décision, M. Boyd a indiqué avoir examiné le rapport sur l’enquête administrative, le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité et les documents de politique. Il a également eu des discussions avec M. Jacques et Mme Lucie Clément, la superviseure de M. Jacques. Il a étudié les actes commis par la fonctionnaire, qui indiquaient une perte de confiance à son égard. Il a souligné que la confiance était cruciale pour obtenir une cote de fiabilité. À son avis, la production d’un faux document suffisait à conclure que la cote de fiabilité de la fonctionnaire devait être révoquée.

60 En contre-interrogatoire, M. Boyd a indiqué que les conclusions du rapport sur l’enquête administrative étaient demeurées les mêmes de la version provisoire à la version définitive. Il a communiqué avec Mme Clément et M. Jacques, mais pas avec M. Bourque. Son seul contact avec M. Netzel a eu lieu par lettre.

61 Lorsqu’on lui a demandé s’il avait participé au rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, M. Boyd a répondu qu’il avait cherché à obtenir les conseils de M. Jacques, en raison de sa grande expérience dans le domaine. Son travail porte sur les enquêtes et les normes de sécurité. M. Boyd a indiqué qu’au moment de lire le rapport sur l’enquête administrative, il était évident pour lui que l’affaire devait être transférée au secteur de la sécurité du personnel pour une nouvelle évaluation de la cote de fiabilité. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas consulté les Relations de travail, M. Boyd a répondu que ses responsabilités consistaient à évaluer les risques liés à la sécurité et à agir en conséquence, et non à gérer ou à réprimander des employés. Il a indiqué qu’il aurait eu certains contacts avec le directeur des Relations de travail de l’employeur. Il n’était pas au courant s’il y avait eu des contacts entre M. Jacques et le personnel des relations de travail et il a affirmé qu’il était peu probable que Mme Clément ait eu de tels contacts. M. Boyd n’a pas parlé à la fonctionnaire et il ignorait si M. Jacques ou Mme Clément l’avaient fait.

62 M. Boyd a affirmé que la révocation de la cote de fiabilité d’un employé entraîne la perte de son emploi, puisque la cote de fiabilité est une condition d’emploi. C’est la direction locale qui prend cette mesure. Lorsqu’on a porté à son attention le fait que M. Bourque s’était dit surpris de la décision, M. Boyd a indiqué qu’il n’était pas au courant de l’opinion professionnelle de l’enquêteur.

63 M. Boyd n’a eu connaissance d’aucun autre cas de falsification de certificat médical pendant son affectation de cinq mois à titre d’ASM. Il en aurait discuté avec M. Jacques.

64 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il y avait un retard de deux mois et demi entre le rapport sur l’enquête administrative, en date du 2 février 2012, et le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, approuvé par Mme Clément le 20 avril 2012, M. Boyd a évoqué la charge de travail élevée dans l’administration de la sécurité de l’employeur à ce moment-là.

65 M. Boyd a souligné que M. Jacques avait reçu le rapport sur l’enquête administrative, y compris les données et les notes recueillies par l’enquêteur.

66 Lorsqu’il a été questionné sur l’allégation selon laquelle les actes commis par la fonctionnaire constituaient une infraction criminelle, M. Boyd a répondu que le fait qu’elle ait commis un acte criminel n’était pas un facteur dans sa décision de révoquer sa cote de fiabilité. Il a examiné son comportement et a déterminé s’il contrevenait aux politiques de sécurité.

67 M. Boyd a indiqué que sa décision de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire se fondait sur les faits relatifs à l’affaire, notamment qu’elle avait brisé le lien de confiance en présentant des documents médicaux frauduleux à la direction. Lorsqu’on lui a demandé si un événement quelconque s’était produit entre le 31 mars 2011 et le licenciement de la fonctionnaire, le 27 avril 2012, M. Boyd a indiqué qu’il n’en avait pas tenu compte dans sa décision, pas plus qu’il n’avait tenu compte des 22 années de service de la fonctionnaire. Il a été mis au courant de l’affaire en janvier 2012, lorsqu’il a reçu une version provisoire du rapport sur l’enquête administrative.

68 M. Boyd a affirmé qu’il ignorait à quel moment la fonctionnaire avait reçu une copie du rapport sur l’enquête administrative et il n’a pas vu sa réponse à ce dernier, puisque ce genre de rapport est envoyé à la direction locale, qui traite avec l’employé. M. Boyd a indiqué ne pas avoir révoqué la cote de fiabilité de la fonctionnaire avant la présentation du rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, le 17 avril 2012.

69 Lorsqu’on lui a demandé si d’autres événements auraient pu laisser entendre que la fonctionnaire n’était pas digne de confiance à la suite de son retour au travail, le 18 octobre 2011, M. Boyd a répondu qu’aucun nouvel incident n’avait été signalé.

70 En ré-interrogatoire, M. Boyd a indiqué que sa lettre non datée envoyée à M. Netzel (pièce E-1, onglet 7) avait été émise après la date du rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, après quoi M. Boyd n’a plus joué de rôle dans cette affaire.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

71 La fonctionnaire était au service de la fonction publique depuis 1989. Elle était visée par une entente de télétravail depuis 2008, en raison de sa situation familiale, comme l’indique le certificat de 2008 de la Dre Tse. La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait pas dicté le contenu dudit certificat à la Dre Tse, mais qu’il s’agissait d’une rédaction commune. Elle a indiqué que la Dre Tse et elle avaient échangé des courriels sur le contenu du certificat avant que celui-ci soit finalisé. Au mois d’août ou de septembre 2008, l’employeur a autorisé la fonctionnaire à travailler à partir de chez elle dans le cadre d’une entente de télétravail.

72 La fonctionnaire a témoigné en disant qu’elle était aux prises avec certains problèmes médicaux de longue date, pour lesquels elle prenait des médicaments, et qu’un certain nombre d’entre eux avaient été prescrits par la Dre Tse, dont elle était la patiente depuis 1995.

73 En septembre 2010, lorsque Mme Smith a demandé à la fonctionnaire de présenter des renseignements à jour pour soutenir son entente de télétravail, cette dernière lui a expliqué qu’elle n’avait plus de médecin de famille et qu’elle se rendrait dans une clinique locale, où elle obtiendrait une prescription pour ses médicaments. Elle a indiqué que Mme Smith lui avait suggéré que, même si elle n’était plus une patiente de la Dre Tse, elle devrait tenter de communiquer avec elle.

74 Lorsque la fonctionnaire a appris qu’elle subirait une chirurgie importante, elle était convaincue qu’elle ne survivrait pas. Elle a réglé ses affaires, ce qui comprenait le fait de s’assurer que les programmes et services requis pour sa situation familiale particulière soient en place. Elle a indiqué qu’elle avait été aux prises avec ce qu’elle a appelé des [traduction] « terreurs nocturnes » du mois de décembre 2010 jusqu’à la date de sa chirurgie, le 18 mai 2011.

75 La fonctionnaire a reconnu avoir soumis le certificat de 2011. Elle a témoigné en disant que, entre les mois de janvier et de février 2011, elle avait téléphoné au bureau de la Dre Tse et qu’elle avait laissé des messages afin de l’informer qu’elle avait besoin d’un nouveau certificat médical. Elle n’a reçu aucune réponse à ses messages, mais elle a indiqué avoir trouvé [traduction] « merveilleux » de voir le certificat de 2011 apparaître sur son bureau à la maison. Elle a reconnu qu’il ressemblait au certificat de 2008 de la Dre Tse. La fonctionnaire a affirmé qu’elle ne se souvient pas avoir rédigé le certificat, qu’elle ignore d’où il vient et qu’il a dû arriver par courrier. Pendant la réunion de recherche de faits du 27 avril 2011, Mme Smith a demandé à la fonctionnaire si elle avait l’enveloppe dans laquelle le certificat est arrivé, ce à quoi elle a répondu par la négative. Lorsqu’elle a demandé à Mme Smith quel était le problème, on lui a dit que la Dre Tse n’avait pas rédigé le certificat de 2011 et qu’elle tentait d’en savoir plus à ce sujet. Après la réunion de recherche des faits, la fonctionnaire a compris que le certificat de 2011 ne serait pas accepté pour prolonger son entente de télétravail, puisque Mme Smith le trouvait douteux. La fonctionnaire a indiqué que cela était logique. Elle a indiqué que le certificat de 2011 ne servait pas à réaliser un gain pécuniaire.

76 Pendant la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, la fonctionnaire a présenté le certificat du Dr Johnson pour prendre congé avant sa chirurgie importante. La fonctionnaire s’est décrite comme un [traduction] « cas désespéré » du mois de janvier 2011 au mois d’avril 2011, puisqu’elle était stressée par sa chirurgie prochaine.

77 La fonctionnaire est retournée au travail le 18 octobre 2011, en exerçant des fonctions modifiées jusqu’à un moment donné au mois de novembre, après quoi elle est retournée au travail à temps plein. Elle a indiqué qu’elle pleurait tous les jours au travail et que, si elle n’affichait pas un rendement élevé, on ne lui accorderait pas une entente de télétravail, et ce, peu importe sa situation. Lorsqu’elle a été interrogée sur son travail qui était supervisé de près après son retour, la fonctionnaire a indiqué que tous les dossiers de client sur lesquels elle travaillait étaient examinés par un autre employé avant que la décision soit saisie dans le système. Selon elle, l’employeur tentait de la pousser à démissionner volontairement.

78 Avant sa réunion avec M. Bourque du 2 novembre 2011, la fonctionnaire a indiqué qu’elle avait rencontré un représentant syndical, qui lui a dit d’écouter ce que M. Bourque avait à dire et que, si c’était raisonnable, de l’accepter et de ne faire aucun remous. La fonctionnaire a indiqué à M. Bourque qu’elle avait rédigé le certificat de 2011, mais qu’elle ne se souvenait pas l’avoir fait.

79 La fonctionnaire a indiqué que, pendant une réunion tenue le 23 avril 2012, elle a reçu le rapport sur l’enquête administrative et la lettre envoyée par M. Boyd à M. Netzel en date du 2 février 2012, provenant de M. Cannon, un gestionnaire de service au bureau de l’employeur situé au centre commercial Meadowlark à Edmonton (le « bureau de Meadowlark »). Son représentant syndical était présent. On a demandé à la fonctionnaire si elle avait quelque chose à dire et son représentant syndical lui a conseillé de garder ses commentaires. Elle a indiqué que sa première réponse écrite était longue, qu’elle l’avait raccourcie suivant les conseils de son représentant syndical et qu’elle l’avait envoyée à M. Cannon, le 25 avril 2012 (pièce E-7). Elle a indiqué que le représentant syndical lui avait suggéré de dire qu’elle ne se souvenait pas d’avoir rédigé le certificat de 2011, ce qui s’est peut-être avéré sa plus grande erreur. Elle a poursuivi en affirmant que, même si elle ne se souvenait pas avoir rédigé le certificat, il serait logique qu’elle l’ait fait.

80 La fonctionnaire a travaillé les 25, 26 et 27 avril 2012. Vers 16 h, le 27 avril 2012, elle a été escortée dans un bureau où Kelvin Mathiuk et un autre chef de service se trouvaient. M. Mathiuk lui a indiqué qu’il avait la lettre de M. Netzel, qui mettait fin à l’emploi de la fonctionnaire, et il a ajouté qu’il n’avait pas d’autre choix dans cette affaire, et qu’il ne s’agissait pas de sa décision. La fonctionnaire a demandé à avoir un représentant syndical, mais on lui a dit qu’il était trop tard aujourd’hui.

81 La fonctionnaire a indiqué qu’à aucun moment pendant sa discussion avec M. Cannon il n’a été question de l’importance du certificat de 2011. Elle a indiqué que, si elle avait eu le choix, elle n’aurait jamais rédigé le certificat. Elle a affirmé que, puisque tout le monde disait qu’elle avait rédigé le certificat, elle devait l’avoir fait, mais elle ne se souvient pas l’avoir fait.

82 La fonctionnaire a indiqué qu’il était difficile de croire que les actes qu’elle a commis lui ont coûté la perte de son emploi qu’elle occupait, après 22 ans de service et 3 prix d’excellence. Elle n’a pas travaillé depuis son licenciement.

83 La fonctionnaire a indiqué qu’après avoir reçu la lettre de 2010 de la Dre Tse, dans laquelle cette dernière mettait fin à la relation avec la patiente, elle a laissé des messages auprès de la personne qui répondait au téléphone au bureau de la Dre Tse entre les mois de janvier et de février 2011, en indiquant qu’elle devait parler à la Dre Tse au sujet de son entente de télétravail.

84 En ce qui concerne les questions de sécurité liées à l’entente de télétravail indiquées dans le témoignage de M. Netzel, la fonctionnaire a indiqué qu’elles ne lui avaient jamais été présentées. Avant de pouvoir être approuvée aux fins d’une entente de télétravail, sa maison a été inspectée par un chef d’équipe. Elle a indiqué qu’elle travaillait à la maison pour des motifs familiaux, et non en raison de sa santé.

85 La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’a jamais reçu une copie du rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité. Elle a appris que l’employeur songeait à révoquer sa cote de fiabilité le 23 avril 2012, dans le bureau de M. Cannon. Le même jour, il lui a envoyé par courriel des copies de la lettre envoyée par M. Boyd à M. Netzel, en date du 2 février 2012, et du rapport sur l’enquête administrative.

86 En faisant référence au rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, qui indiquait que les actes qu’elle avait commis avaient contrevenu au Code criminel, la fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait jamais été accusée d’une infraction criminelle.

87 Lorsqu’on lui a demandé si les notes de l’entrevue prises par M. Bourque étaient exactes, la fonctionnaire a indiqué qu’elle ne se souvenait pas de lui avoir parlé des problèmes médicaux, lesquels étaient indiqués à la quatrième puce de ces notes. Elle a indiqué qu’il s’agissait des termes utilisés par la Dre Tse dans sa première ébauche du certificat de 2008, que la fonctionnaire avait d’abord refusée; d’autres échanges ont eu lieu avec la Dre Tse au sujet de la formulation du certificat. La fonctionnaire a ajouté que même si les notes d’entrevue renvoyaient au fait qu’elle avait demandé à Mme Smith de changer de chef d’équipe parce qu’elle faisait l’objet de discrimination et de microgestion, ces renseignements n’avaient pas été inclus dans le rapport sur l’enquête administrative.

88 La fonctionnaire a ensuite abordé la section des notes de M. Bourque où il est indiqué qu’elle lui avait dit qu’elle avait copié et collé la signature de la Dre Tse à partir d’un autre document médical et qu’elle possédait du papier à en-tête de la Dre Tse, sur lequel elle a imprimé le certificat de 2011. La fonctionnaire a indiqué qu’elle n’avait jamais possédé ce papier à en-tête. Elle a indiqué qu’elle se sentait intimidée par M. Bourque et qu’il avait interprété certains de ses pleurs pendant l’entrevue comme une réponse affirmative. Elle a indiqué qu’elle ne pouvait réfuter ce qu’un professionnel formé présentait.

89 À cette étape, l’employeur a tenu à entendre de nouveau M. Bourque relativement à la préoccupation selon laquelle la fonctionnaire semblait indiquer que les réponses qu’elle a données pendant l’entrevue avaient été formulées contrairement à ses intérêts parce qu’elle se sentait intimidée. Étant donné que la fonctionnaire ne s’y est pas opposée, j’ai permis à M. Bourque de témoigner sur ce point avant le contre-interrogatoire de la fonctionnaire. M. Bourque a dit qu’après avoir passé 30 ans à interroger des personnes, il a remarqué que la fonctionnaire était bouleversée par sa situation, mais il n’a pas constaté qu’elle était intimidée. Il a ajouté qu’il n’y avait aucune tension pendant l’entrevue et qu’à la fin, il avait demandé à la fonctionnaire si elle avait des questions. Je souligne le fait que, pendant son témoignage, la fonctionnaire a indiqué que M. Bourque avait été [traduction] « très juste » avec elle.

90 Lorsqu’on lui a demandé si elle assumait la responsabilité de ses actes, la fonctionnaire a indiqué avoir certainement soumis le certificat de 2011, parce qu’il s’agissait de la seule conclusion logique, et que, même si elle ne se souvenait pas avoir rédigé le document, elle en assumait l’entière responsabilité. Elle a ajouté qu’elle estimait mériter des mesures disciplinaires pour ses actes, mais non un licenciement.

91 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a indiqué qu’elle est devenue une patiente du Dr Johnson de janvier à février 2011. Elle a communiqué avec la Dre Tse parce que cette dernière connaissait la fonctionnaire depuis une décennie et qu’elle était au courant de tous ses problèmes. Lorsqu’elle a affirmé à Mme Smith qu’elle n’avait pas de médecin, cette dernière lui a conseillé de communiquer avec la Dre Tse. Bien qu’elle ait demandé au Dr Johnson une note pour l’entente de télétravail, il a refusé car, à son avis, il n’était pas logique de fournir une telle note au moment où la fonctionnaire allait subir une chirurgie importante.

92 On a demandé à la fonctionnaire de se reporter aux notes de son entrevue avec M. Bourque, dans lesquelles il est indiqué qu’à l’automne 2010, Mme Smith avait indiqué qu’étant donné que la fonctionnaire allait subir une chirurgie importante, l’entente de télétravail pouvait être mise en suspens. La fonctionnaire a convenu que Mme Smith lui avait mentionné une telle chose, mais qu’en réalité, cette dernière lui avait envoyé des courriels bihebdomadaires afin de lui demander un certificat médical, qu’elle voulait obtenir d’ici la fin de l’exercice.

93  Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait affirmé avoir trouvé [traduction] « merveilleux » de voir le certificat de 2011 apparaître sur son bureau à la maison, la fonctionnaire a expliqué que c’était parce que la Dre Tse ne l’avait pas rappelée. Elle a indiqué que ses fils apportaient le courrier et que le certificat est apparu entre le 31 mars et le 11 avril 2011.

94 La fonctionnaire a indiqué que sa dernière discussion avec la Dre Tse avait eu lieu en mai 2010. On lui a ensuite demandé de se reporter à une déclaration du certificat de 2011 sur les besoins particuliers de l’un des proches immédiats de la fonctionnaire et on lui a demandé d’expliquer comment la Dre Tse aurait pu être au courant. La fonctionnaire a répondu qu’elle l’ignorait et que cela n’était pas raisonnable, mais elle ne se trouvait pas dans un état d’esprit raisonnable. On lui a ensuite demandé de se reporter à une autre section du certificat de 2011, qui contient des renseignements sur son grave trouble médical en septembre 2010, et on lui a de nouveau demandé comment la Dre Tse aurait pu être au courant. La fonctionnaire n’a pas répondu et ignorait d’où provenaient ces renseignements.

95 La fonctionnaire a indiqué ne pas avoir vérifié auprès de ses fils ou de son mari afin de savoir s’ils avaient placé le certificat de 2011 sur son bureau et elle n’a pas communiqué avec le bureau de la Dre Tse afin de savoir si le certificat en provenait. Elle a affirmé que le certificat semblait légitime et qu’il ne lui était jamais venu à l’esprit que la Dre Tse possédait des renseignements dont elle n’aurait pu être au courant.

96 On a demandé à la fonctionnaire de se reporter aux notes de la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011. Elle se souvenait avoir reçu les notes et elle a indiqué qu’elle n’était pas convaincue de leur exactitude. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait effectué un suivi, elle a dit qu’elle avait rédigé une lettre détaillée, mais que son représentant syndical lui avait conseillé de ne pas faire de remous. Elle n’a jamais répondu à ces notes.

97 La fonctionnaire a indiqué qu’au moment de la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, elle pensait que le certificat de 2011 était arrivé par courrier, mais qu’après la discussion avec Mme Smith et l’entrevue avec M. Bourque, elle n’avait pas d’autre réponse à part celle voulant que le certificat de 2011 ne soit probablement pas arrivé par courrier et qu’il s’agissait de la seule réponse raisonnable. La fonctionnaire a reconnu que les signatures sur la lettre de 2010 de la Dre Tse et le certificat de 2011 semblaient pareilles.

98 La fonctionnaire a reconnu avoir reçu le rapport sur l’enquête administrative. Lorsqu’on lui a demandé si elle était au courant des conséquences possibles, elle a répondu qu’elle pensait qu’elles ne s’appliquaient pas à elle, puisqu’elle ne se souvenait pas d’avoir rédigé le certificat de 2011. Elle a indiqué qu’elle a rencontré son représentant syndical avant son entrevue avec M. Bourque, le 2 novembre 2011, et qu’il lui avait dit d’être d’accord avec tout ce que l’enquêteur allait dire. Il a indiqué que le certificat n’était pas requis parce qu’elle partait en congé de maladie avant sa chirurgie importante. La fonctionnaire a indiqué que les experts avaient dit que le bureau de la Dre Tse ne possédait aucun dossier relativement à la rédaction du certificat. Elle a indiqué qu’elle aurait dû dire à M. Bourque qu’elle ne se souvenait pas d’avoir rédigé le certificat. Elle a dit qu’elle n’avait pas été honnête avec M. Bourque et que c’est le témoignage de ce dernier qui était le plus exact.

99 La fonctionnaire a indiqué que, même si elle se sentait à l’aise avec les conseils de son représentant syndical, ce dernier l’avait porté à croire que l’entrevue avec M. Bourque s’était bien déroulée et qu’il n’y aurait aucune conséquence. Selon elle, M. Bourque comprenait la situation.

100 On a demandé à la fonctionnaire de se reporter aux notes d’entrevue de M. Bourque, qui indiquaient qu’elle avait admis avoir rédigé le certificat de 2011 et qu’elle avait copié et collé la signature de la Dre Tse d’un autre document médical. La fonctionnaire a répondu qu’elle avait eu tort de dire à M. Bourque qu’elle avait rédigé le certificat. Elle a indiqué que M. Bourque avait posé les questions, qu’elle avait [traduction] « pleuré toutes ses larmes » et qu’il avait interprété cela comme un [traduction] « oui ». Lorsqu’on lui a demandé si, en dépit des années d’expérience de M. Bourque comme enquêteur, la fonctionnaire maintenait qu’il avait mal interprété son comportement, elle a répondu par l’affirmative.

101 On a demandé à la fonctionnaire de se reporter à une autre section des notes d’entrevue de M. Bourque, où il était indiqué que, pendant la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, elle n’avait pas été honnête lorsqu’on l’avait questionnée sur l’origine du certificat de 2011. La fonctionnaire a témoigné en disant que, pendant son entrevue avec M. Bourque le 2 novembre 2011, elle allait accepter tout ce qu’il allait dire, ce qui signifiait qu’elle avait convenu, à ce moment-là, que les renseignements qu’elle avait fournis à Mme Smith étaient erronés. La fonctionnaire a affirmé dans son témoignage qu’en fait, c’était l’inverse et qu’elle n’avait pas été honnête avec M. Bourque.

102 La fonctionnaire a reconnu qu’elle n’avait pas communiqué avec M. Bourque en aucune façon afin de lui faire part de ses préoccupations relatives à l’entrevue. On lui a demandé pourquoi, si elle estimait qu’elle ne pouvait pas être honnête avec M. Bourque et qu’elle lui avait affirmé quelque chose qu’elle ne se souvenait pas avoir fait, elle n’avait pas agi. La fonctionnaire a répondu qu’elle pensait que l’affaire était close, puisqu’elle avait travaillé du mois de novembre 2011 au mois d’avril 2012 sans être mise au courant d’un problème. Elle a reconnu que, dans le courriel qu’elle a envoyé à M. Cannon, en date du 25 avril 2012, elle n’avait pas mentionné que les renseignements qu’elle avait fournis à M. Bourque étaient inexacts ou faux. Dans ce même courriel envoyé à M. Cannon, la fonctionnaire a demandé pourquoi le document qu’il lui avait envoyé s’intitulait une [traduction] « trousse de libération » et ce que signifiait le fait d’être [traduction] « libérée ». Elle a indiqué que, lorsqu’elle a vu le terme [traduction] « trousse de libération », elle a su qu’une décision avait déjà été prise de mettre fin à son emploi.

103 La fonctionnaire a ajouté que la raison pour laquelle elle n’avait pas effectué de suivi était la réception d’un prix d’excellence du service, le 28 septembre 2011. Elle ne se doutait aucunement que ce qu’elle avait fait un an auparavant aurait entraîné la perte de son emploi.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

104 Le premier argument de l’employeur porte sur la compétence d’un arbitre de grief dans le cas d’un licenciement à la suite de la perte de la cote de fiabilité d’un employé. L’employeur a renvoyé aux paragraphes 209(1) de la LRTFP et 12(3) de la LGFP, le second précisant qu’un licenciement doit être motivé.

105 L’employeur a indiqué que la question consiste à déterminer si la fonctionnaire a été licenciée pour un motif déterminé. Il a admis qu’il ne fait aucun doute que la cote de fiabilité est une condition d’emploi pour tous les fonctionnaires. Étant donné que sa cote de fiabilité a été révoquée, la fonctionnaire ne répond plus à ses conditions d’emploi, et elle relève de la portée de la LGFP. Par conséquent, si je suis convaincu que son licenciement était lié à un motif déterminé, mon examen des actes de l’employeur doit se terminer ici et je dois rejeter le grief.

106 L’employeur a également invoqué le fait que, si je décide que ses actes doivent être examinés, ma compétence serait donc limitée par l’article 209 de la LRTFP; en d’autres termes, je dois déterminer que les actes commis par l’employeur étaient des mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, ou qu’il s’agissait d’un licenciement ou d’une rétrogradation, en vertu de l’alinéa 209(1)c). Selon l’argument de l’employeur, je peux statuer sur ma compétence à entendre le cas uniquement si je conclus que sa décision constituait une mesure disciplinaire déguisée.

107 L’employeur a invoqué le fait qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle la décision de M. Boyd était de nature disciplinaire. Il a mené une évaluation en vertu de la Norme sur la sécurité du personnel et ni les relations de travail, ni la direction n’ont eu une influence sur sa décision. À titre d’ASM, il n’était pas habilité à imposer des mesures disciplinaires aux employés. M. Boyd s’est fondé sur le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité et sur l’examen, par M. Jacques, des politiques du gouvernement. M. Boyd a conclu que le comportement de la fonctionnaire était contraire au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et qu’elle constituait un risque grave pour le Ministère. L’employeur a demandé à ce que la partie du grief liée à la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire soit rejetée pour défaut de compétence.

108 Afin d’étayer ses arguments sur la compétence, l’employeur a cité les décisions suivantes : Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (CF)(QL), Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, Canada (Procureur général) c. Basra, 2008 CF 606, Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, Bergey c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada) et Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2013 CRTFP 80 (demande de contrôle judiciaire rejetée : Bergey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 617) et Gravelle c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 61.

109 L’employeur a invoqué le fait qu’autrement, si je conclus que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire constitue une mesure disciplinaire déguisée, je dois décider si la fonctionnaire a commis l’inconduite alléguée et, le cas échéant, si le licenciement était la pénalité appropriée.

110 L’employeur a invoqué le fait que la fonctionnaire avait admis l’inconduite et qu’il était très probable qu’elle ait fabriqué le certificat de 2011, puisqu’il n’y a aucune autre conclusion logique.

111 En ce qui concerne le caractère approprié de la pénalité qu’est le licenciement, l’employeur a invoqué le fait que les arbitres de grief ont considéré la fabrication de faux certificats médicaux comme une inconduite grave. L’employeur a fait référence à plusieurs versions du récit présenté par la fonctionnaire dans son témoignage et il a invoqué le fait qu’un manque de franchise avait été démontré.

112 L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas déposé de preuve médicale à l’appui du fait qu’elle avait des problèmes de rappel. Par conséquent, il n’y a aucune raison d’atténuer en raison de sa santé.

113 En ce qui concerne le potentiel de réadaptation, l’employeur a allégué que la fonctionnaire avait assumé la responsabilité de ses actes, mais qu’elle ne se souvenait pas d’avoir falsifié le certificat de 2011. L’employeur a indiqué dans son argument qu’il était difficile de discerner le potentiel de réadaptation lorsqu’une personne ne peut se montrer entièrement responsable de ses actes. En outre, l’employeur a indiqué que la fonctionnaire n’avait pas démontré de remords pour ses actes.

114 À l’appui de son argument subsidiaire, l’employeur a cité McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, et Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

115 La fonctionnaire a d’abord invoqué le fait que M. Netzel ne lui avait jamais mentionné qu’il était préoccupé par sa franchise. Elle a fait valoir que le seul motif pour lequel il a émis la lettre de licenciement était la révocation de sa cote de fiabilité par M. Boyd. En avril 2012, rien ne laissait entendre qu’il y avait des problèmes concernant sa fiabilité.

116 La fonctionnaire a souligné que Mme Smith avait reconnu qu’elle était stressée et au bord des larmes de Noël 2010 au mois d’avril 2011. Après la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, l’affaire a été transmise à l’organisation de sécurité de l’employeur. Aucune autre mesure n’a été prise après ce renvoi.

117 La fonctionnaire a fait valoir que lorsqu’elle a été interrogée par M. Bourque, le 2 novembre 2011, elle n’a pas contesté le fait qu’elle avait rédigé le certificat de 2011, seulement le fait qu’elle ne se souvenait pas de l’avoir fait. La seule conclusion logique est qu’elle a rédigé le certificat. Elle a également fait valoir que même si, le 2 novembre 2011, l’employeur avait tous les renseignements requis pour prendre une décision à son égard, il a pris sa décision seulement cinq mois et demi plus tard. Elle a mentionné le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, qui recommandait la révocation de sa cote de fiabilité, et elle a souligné que M. Jacques n’avait jamais parlé à M. Bourque. La fonctionnaire a soulevé qu’il faudrait tirer une conclusion défavorable du fait que M. Jacques n’a pas témoigné.

118  La fonctionnaire a souligné que, dans une lettre non datée, M. Boyd avait informé M. Netzel que sa cote de fiabilité avait été révoquée. Elle a ajouté que ce fait a dû survenir après le 20 avril 2012, date à laquelle le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité a été approuvé par la superviseure de M. Jacques, Mme Clément. Le 23 avril 2012, la fonctionnaire a été informée de l’état de l’enquête administrative, à laquelle on lui a demandé de répondre; ce qu’elle a fait le 25 avril 2012. Elle a souligné que M. Boyd n’avait jamais vu sa réponse et que cette dernière n’avait pas été prise en considération. Son emploi a pris fin le 27 avril 2012, un an après la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011. Pendant cette année, l’employeur disposait des renseignements sur ses actes.

119 La fonctionnaire a souligné que l’acte commis par l’employeur constituait une mesure disciplinaire déguisée. Sa falsification du certificat de 2011 était un comportement coupable. Tout doute à ce sujet a été dissipé lorsque M. Bourque l’a interrogée, le 2 novembre 2011. Elle a soulevé les questions suivantes : Si l’employeur trouvait son comportement aussi répréhensible, pourquoi a-t-il mis un an à réagir? Pourquoi lui a-t-il permis de travailler dans ses bureaux pendant cinq mois et demi avant de décider qu’elle n’était pas digne de confiance? Elle a invoqué le fait que l’employeur avait choisi de révoquer sa cote de fiabilité pour éviter un examen approfondi à l’arbitrage.

120 La fonctionnaire a invoqué l’absence d’équité administrative dans le processus de l’employeur. Ni M. Boyd, ni M. Netzel n’ont communiqué avec elle et aucune des personnes prenant part à la prise de décision n’a tenu compte de son explication, ce qui démontre l’intention réelle de l’employeur, qui était de lui imposer des mesures disciplinaires en la licenciant sans recours à la procédure applicable aux griefs.

121 La fonctionnaire a invoqué le fait que, dans les décisions que l’employeur a citées sur la falsification de certificats médicaux, un avantage financier était en cause, tandis que, dans cette affaire, la fonctionnaire n’a pas retiré un avantage financier, mais plutôt une prolongation de son entente de télétravail, qui était en place pour des motifs familiaux, et non de santé.

122 La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire à la lumière de son comportement coupable, tout en présentant ses actes comme étant de nature administrative. Elle a dit que ses actes constituaient une première infraction grave, méritant une suspension prolongée à titre d'effet dissuasif, mais qu’un licenciement était trop sévère dans les circonstances.

123 La fonctionnaire a fait référence au témoignage de Mme Smith, selon lequel elle était surveillée étroitement à son retour au travail, mais rien ne laissait entendre que cette surveillance était attribuable à des motifs de sécurité. Aucun témoin n’a dit qu’il était incapable de travailler avec la fonctionnaire; aucun fondement n’a été démontré permettant de déterminer qu’elle n’était plus digne de confiance.

124  En ce qui concerne son potentiel de réadaptation, la fonctionnaire a affirmé qu’elle avait exprimé des remords pendant son entrevue avec M. Bourque, lorsqu’elle a [traduction] « pleuré toutes ses larmes ».

125 À l’appui de ses arguments, la fonctionnaire a cité les décisions suivantes : Gunderson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-26327 et 166-02-26328 (19950912); Deering c. le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-26518 (19960208); Hillis c. Conseil du trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2004 CRTFP 151 et Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19.

C. Réfutation de l’employeur

126 En ce qui concerne l’argument de la fonctionnaire selon lequel il faudrait tirer une conclusion défavorable du fait que M. Jacques n’a pas été appelé à témoigner, l’employeur a indiqué que ce dernier n’était pas un preneur de décisions, mais uniquement un conseiller ne disposant d’aucun pouvoir délégué.

127 L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucun fondement probatoire sous-jacent à l’allégation qu’il a choisi la voie de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire pour éviter un examen approfondi à l’arbitrage, puisque la fonctionnaire a eu la possibilité de présenter cette allégation à Mme Smith ou à M. Netzel, ce qu’elle n’a pas fait. Qui plus est, il n’y a aucune indication selon laquelle l’employeur a traité les actes de la fonctionnaire comme justifiant une mesure disciplinaire.

128 Même s’il n’avait aucun avantage financier à obtenir par les actes commis par la fonctionnaire, il y avait un avantage à obtenir en prolongeant son entente de télétravail.

129 En ce qui concerne les remords de la fonctionnaire, M. Bourque n’a pas attribué le fait que la fonctionnaire ait [traduction] « pleuré toutes ses larmes » à un signe de remords.

IV. Motifs

130 L’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’examiner la contestation de la fonctionnaire en ce qui concerne  la révocation de sa cote de fiabilité et de son licenciement subséquent, parce que le licenciement était une mesure administrative en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP et non une mesure disciplinaire. Plus précisément, l’employeur a fait valoir que la question en arbitrage consiste à déterminer si la fonctionnaire a été licenciée pour un motif déterminé et qu’étant donné le fait qu’une cote de fiabilité valide est une condition d’emploi à laquelle la fonctionnaire ne répondait plus, son licenciement répondait aux exigences prévues à l’alinéa 12(1)e) et au paragraphe 12(3). Ces dispositions sont libellées comme suit :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique […]

[…]

(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

131 L’employeur a soulevé que la compétence d’un arbitre de grief relativement à un licenciement est limitée, en vertu de l’article 209 de la LRTFP, aux licenciements issus de mesures disciplinaires prévues à l’alinéa 209(1)b) ou à l’alinéa 209(1)c). Toutefois, selon l’employeur, je peux statuer sur ma compétence à entendre le cas du licenciement de la fonctionnaire uniquement si je conclus qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée.

132 La fonctionnaire a fait valoir que son licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée. Elle a invoqué le fait que l’employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire pour son comportement coupable, tout en présentant ses actes comme étant de nature administrative. Elle a affirmé que l’employeur ne l’avait jamais informée des préoccupations de sécurité qu’il avait à son sujet.

133 Les types de griefs relatifs au congédiement susceptibles d’être soumis à l’arbitrage sont établis au paragraphe 209(1) de la LRTFP comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

134 Un arbitre de grief a clairement compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP en ce qui concerne une mesure disciplinaire entraînant le licenciement. De même, un arbitre de grief a clairement compétence en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la LRTFP, en ce qui concerne le licenciement d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP pour l’insuffisance du rendement ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. Étant donné que la fonctionnaire était fonctionnaire de l’administration publique centrale, il s’ensuit donc qu’un arbitre de grief a compétence en vertu des alinéas 209(1)b) et c) de la LRTFP en ce qui concerne son licenciement, peu importe qu’il ait découlé d’une mesure disciplinaire, de l’insuffisance du rendement ou de toute autre raison qui n’est pas un manquement à la discipline ou une inconduite. Même si le paragraphe 208(2) et l’alinéa 211a) de la LRTFP prévoient des exceptions précises en ce qui concerne la compétence d’un arbitre de grief relativement aux licenciements, ces exceptions ne s’appliquent pas dans le cas de la fonctionnaire. Par conséquent, un arbitre de grief a pleine compétence en ce qui concerne le licenciement de la fonctionnaire.

135 Dans ce cas, comme dans la plupart des cas de licenciement dans la fonction publique fédérale, l’employeur avait le fardeau de démontrer que le licenciement était motivé. À l’audience, il a invoqué le fait que les exigences prévues au paragraphe 12(3) de la LGFP s’appliquaient au licenciement de la fonctionnaire. L’exigence de démontrer le motif valable signifiait que le licenciement de la fonctionnaire devait être justifié par un motif légitime lié à l’emploi. Le motif auquel on fait référence dans la lettre de licenciement remise à la fonctionnaire le 27 avril 2012 se lit comme suit :

[Traduction]

[]

L’agent de sécurité du Ministère, en vertu de sa délégation de pouvoir, a révoqué votre cote de fiabilité.

Étant donné que l’emploi auprès du Ministère exige de posséder une cote de fiabilité valide et puisque vous ne répondez plus à cette condition d’emploi, je vous informe par la présente de ma décision de mettre fin à votre emploi à Ressources humaines et Développement des compétences Canada conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cette décision entre en vigueur immédiatement.

[]

136 Selon l’employeur, si je suis convaincu que le licenciement de la fonctionnaire était fondé sur la révocation de sa cote de fiabilité, mon examen des actes commis par l’employeur doit se terminer là. Je ne suis pas d’accord. L’employeur ne peut se soustraire à l’examen de sa décision de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire dans un cas où son licenciement se fondait uniquement sur cette décision, où elle a catégoriquement contesté cette décision et où un arbitre de grief a pleine compétence pour trancher le licenciement. Dans ces circonstances, par conséquent, ma tâche consiste à déterminer si la révocation de sa cote de fiabilité constituait un motif valable de licenciement.

137 Au moment de la réunion de recherche des faits du 27 avril 2011, l’employeur était au courant que le certificat de 2011, soumis par la fonctionnaire, était frauduleux. Mme Smith avait parlé à la Dre Tse, qui a confirmé qu’elle n’avait ni rédigé ni signé ce certificat et qu’elle n’avait pas vu la fonctionnaire comme patiente depuis environ un an, ce qui a été confirmé dans un courriel envoyé par M. Morris à Mme Smith, le 19 avril 2011, et dont une copie a été remise à la fonctionnaire. Lorsqu’on lui a demandé de justifier la provenance du certificat, la fonctionnaire a indiqué qu’il était apparu sur son bureau à la maison et qu’elle ignorait comment il s’y était trouvé, quoiqu’il ait pu arriver par courrier. On lui a remis une copie des notes de la réunion de recherche des faits, mais elle n’y a pas répondu. En contre-interrogatoire, tout en reconnaissant que son dernier contact avec la Dre Tse avait eu lieu au mois de mai 2010, la fonctionnaire n’a pu indiquer pourquoi le certificat de 2011 faisait référence à des événements survenus en septembre 2010 et en mars 2011.

138 La fonctionnaire était en congé médical à partir du 27 avril 2011, elle a subi une chirurgie importante et s’en est rétablie. Elle est retournée au travail le 18 octobre 2011. À partir de cette date jusqu’à son licenciement, elle a travaillé dans les locaux de l’employeur, au bureau de Meadowlark.

139 Dans une lettre envoyée à la fonctionnaire en date du 25 octobre 2011, Mme Smith l’a informée qu’elle faisait l’objet d’une enquête administrative relative à une allégation de conflit d’intérêts, puisqu’elle a sciemment présenté un faux document dans le cadre de la prolongation d’une entente de télétravail et que M. Bourque l’interrogerait le 2 novembre 2011. Dans cette lettre, elle a informé la fonctionnaire qu’elle avait le droit d’être représentée pendant l’entrevue et elle a indiqué ce qui suit : [traduction] « S’il devait être déterminé que l’allégation à votre endroit est fondée, des mesures disciplinaires pourraient être imposées. Il est possible que votre cote de fiabilité fasse aussi l’objet d’un examen, si des renseignements défavorables surviennent pendant l’enquête. »

140 Pendant l’entrevue avec M. Bourque, la fonctionnaire a avoué avoir rédigé le certificat de 2011 et avoir copié et collé la signature de la Dre Tse à partir d’un autre document qu’elle possédait.

141 Le rapport sur l’enquête administrative a été présenté trois mois plus tard, soit le 2 février 2012. Selon la conclusion du rapport, des éléments à l’appui d’une violation de l’article 366 (Faux) du Code criminel avaient été établis et la fonctionnaire avait contrevenu à l’énoncé suivant de la section « Valeurs liées à l’éthique » du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique : « La conduite des fonctionnaires doit pouvoir résister à l’examen public le plus minutieux; cette obligation ne se limite pas à la simple observation de la loi ». En ce qui concerne la violation alléguée du Code criminel par la fonctionnaire, M. Bourque a indiqué que, même si, à ce moment-là, il estimait que les actes commis par la fonctionnaire étaient de nature criminelle, ils n’étaient pas graves au point de justifier des accusations et il n’a pas déclaré la fonctionnaire à la police.

142 Dans une lettre en date du 2 février 2012, M. Boyd a informé M. Netzel que l’enquête administrative était terminée et que les conclusions confirmaient que la fonctionnaire avait contrevenu au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et aux « Lignes directrices de conduite pour la fonction publique ». Comme l’a indiqué M. Netzel, une copie du rapport sur l’enquête administrative a été jointe à la lettre.

143 Après avoir soumis le rapport sur l’enquête administrative à M. Netzel, M. Boyd a renvoyé l’affaire à M. Jacques, pour une nouvelle évaluation de la cote de fiabilité.

144 Le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité était en date du 17 avril 2012, soit deux mois et demi après la fin du rapport sur l’enquête administrative sur lequel il se fondait. Le rapport citait l’extrait suivant de l’« Annexe B – Lignes directrices concernant l’utilisation des informations pour les vérifications de fiabilité » de la Norme sur la sécurité du personnel :

[…]

3. En vérifiant la fiabilité de la personne, il faut se demander s’il peut se montrer digne de la confiance qu’on lui accordera. Autrement dit, il faut chercher à savoir s’il pourrait voler des objets précieux, utiliser à son profit les biens et renseignements auxquels il aura accès ou ne pas protéger les biens et renseignements, ou se comporter d’une façon qui nuirait à leur protection. Pour ce faire, il faut évaluer les risques éventuels entraînés par la nomination ou l’affectation et, compte tenu du degré de fiabilité requis et de la nature des fonctions à remplir, déterminer si ces risques sont acceptables ou non.

[…]

[Je souligne]

145 Les extraits suivants faisaient également partie du rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité :

[Traduction]

[]

Le comportement, les mensonges, les contradictions et le déni initial affichés par Mme Heyser relativement à la falsification d’une lettre d’un médecin mettent en doute sa franchise et ont une incidence négative sur sa cote de fiabilité.

[]

En dépit de ses explications présentées dans le rapport sur l’enquête administrative, en créant, en contrefaisant et en soumettant un document en sachant entièrement qu’il est faux dans l’intention qu’il fasse l’objet de mesures, Mme Heyser a agi de façon contraire au Code criminel, au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et aux Lignes directrices de conduite pour la fonction publique.

L’activité de Mme Heyser susmentionnée met en doute sa franchise et ses traits de caractère, de même que son aptitude en général, lesquels sont des principes fondamentaux pour l’obtention et le maintien d’une cote de fiabilité.

[]

[…] Elle a mis la confiance exigée de sa part en tant qu’employée de RHDCC en péril, ce qui est suffisamment grave pour endommager le lien de confiance qui existe entre l’employé et l’employeur.

[Je souligne]

146 Même si des parties du rapport sur l’enquête administrative et du rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité étaient consacrées à la violation alléguée du Code criminel par la fonctionnaire, M. Boyd a témoigné en disant que le fait qu’elle ait pu commettre un acte criminel n’a pas été pris en considération dans sa décision de révoquer sa cote de fiabilité. Il a indiqué avoir fondé sa décision sur les faits de l’affaire, notamment qu’elle avait brisé le lien de confiance en présentant un document médical frauduleux à la direction. Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, si d’autres événements auraient pu laisser entendre que la fonctionnaire n’était pas digne de confiance à la suite de son retour au travail, le 18 octobre 2011, M. Boyd a répondu qu’aucun nouvel incident n’avait été signalé. Lorsqu’on lui a demandé si un événement quelconque s’était produit entre le 31 mars 2011 et le licenciement de la fonctionnaire, le 27 avril 2012, M. Boyd a indiqué qu’il n’en a pas tenu compte dans sa décision.

147 M. Boyd a témoigné en disant que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire se fondait entièrement sur le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité, qui recommandait qu’en raison de ses actes, elle n’était plus digne de confiance. Toutefois, dans la lettre non datée qu’il a envoyée à M. Netzel afin de l’informer de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire, M. Boyd a indiqué que sa décision se fondait sur le rapport sur l’enquête administrative. Cette lettre présente le motif suivant à la décision de M. Boyd :

[Traduction]

[Le rapport sur l’enquête administrative] indique clairement que le comportement, les activités et les actes de Mme Heyser, de même que son mépris du Code de valeurs et d’éthique pour la fonction publique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada constitue un risque grave pour le Ministère.

[Je souligne]

148 M. Netzel a indiqué qu’il n’a pas pris part à la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire. Il l’a licenciée parce qu’elle ne répondait plus à une condition d’emploi, notamment une cote de fiabilité valide.

149 L’employeur avait-il une préoccupation valable relativement au risque que la fonctionnaire constituait pour sa sécurité? À mon avis, il n’en avait pas. La Norme sur la sécurité du personnel de l’employeur elle-même exige un motif raisonnable de croire que la fonctionnaire pourrait voler des objets précieux, utiliser à son profit les biens et renseignements auxquels elle aura accès ou ne pas protéger les biens et renseignements, ou se comporter d’une façon qui entraînerait un risque inacceptable pour les activités de l’employeur.

150 La fonctionnaire a travaillé dans les locaux de l’employeur à son retour au travail, le 18 octobre 2011, jusqu’à la date de son licenciement, le 27 avril 2012. L’employeur savait depuis avril 2011 que la Dre Tse n’avait ni émis, ni signé le certificat de 2011. Il n’y avait absolument aucune preuve selon laquelle, pendant cette période, l’employeur était préoccupé par le fait que, compte tenu du degré de fiabilité requis et de la nature des fonctions à remplir, il y avait un risque inacceptable que la fonctionnaire puisse voler des objets précieux, utiliser à son profit les biens et renseignements auxquels elle aura accès ou ne pas protéger les biens et renseignements, ou se comporter d’une façon qui nuirait aux activités de l’employeur. Cela expliquerait pourquoi l’employeur n’a pas estimé qu’il fallait limiter ses fonctions, l’empêcher d’accéder sans entraves à son ordinateur ou d’une façon ou d’une autre limiter ses déplacements dans le bureau à son retour au travail. En ce qui concerne la preuve selon laquelle son travail était étroitement surveillé après son retour, la fonctionnaire a témoigné en disant que les dossiers sur lesquels elle travaillait étaient examinés par un autre employé avant d’être saisis dans le système. L’employeur n’a pas contesté son affirmation et il n’a pas déposé de preuves selon lesquelles cet examen était effectué pour des motifs de sécurité.

151 Dans Braun, Shaver et Bergey, qui portaient toutes sur des révocations de cotes de fiabilité, l’employeur estimait qu’il devait limiter les fonctions du fonctionnaire en le suspendant sans traitement en attendant une enquête. Dans Gill, le fonctionnaire a été suspendu sans traitement dans l’attente d’une enquête sur les accusations criminelles déposées à son endroit. Dans Hillis, la fonctionnaire a été suspendue 10 jours pour avoir divulgué des renseignements confidentiels sur des clients à des personnes non autorisées. À son retour au travail, ses fonctions étaient limitées, de sorte qu’elle ne pouvait accéder à une base de données pendant l’enquête de sécurité, ce qui a finalement donné lieu à la révocation de sa cote de fiabilité.

152 Dans la présente affaire, même si l’employeur était au courant, depuis le 27 avril 2011, que la fonctionnaire avait falsifié le certificat de 2011, il n’a pas jugé nécessaire de prendre des mesures de sécurité relativement à sa présence sur le lieu de travail ou de la libérer de ses fonctions à son retour au travail. L’employeur était au courant de l’enquête administrative sur la fonctionnaire à ce moment-là. Le fait que l’employeur lui ait permis sans réserve de travailler dans ses locaux du 18 octobre 2011 au 27 avril 2012 indique qu’il n’avait aucune préoccupation véritable liée à la sécurité relativement à la présence de la fonctionnaire sur le lieu de travail. De même, le fait qu’il n’ait pas modifié de façon considérable la façon dont elle s’acquittait de ses fonctions pendant cette période indique qu’elle ne présentait aucune menace véritable à ses objets précieux, ses biens et ses renseignements.

153 En plus de mettre en doute la franchise de la fonctionnaire, le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité mettait en doute ses [traduction] « […] traits de caractère et son aptitude en général […] » afin de soutenir la révocation de sa cote de fiabilité. Aucun des témoins de l’employeur n’a expliqué cette expression. Si elle faisait référence à des aspects du comportement de la fonctionnaire, ces derniers auraient généralement été abordés par l’application de mesures disciplinaires. Dans la plupart des cas, la falsification d’un certificat médical entraînerait des mesures disciplinaires. Dans ce cas, tous les facteurs sur lesquels M. Boyd s’est fondé pour soutenir sa décision de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire auraient pu être abordés dans le cadre du processus disciplinaire. Toutefois, ce n’est pas cette voie que l’employeur a choisie. M. Netzel a dit que l’employeur avait décidé de réévaluer la cote de fiabilité de la fonctionnaire et qu’il y aurait eu peu d’intérêt à recourir au processus disciplinaire si sa cote de fiabilité avait été révoquée.

154 Il est intéressant de souligner l’affirmation de M. Bourque, pendant son interrogatoire principal, selon laquelle il a été surpris d’apprendre, plusieurs mois après avoir soumis le rapport sur l’enquête administrative, que la cote de fiabilité de la fonctionnaire avait été révoquée. Même s’il n’était pas le preneur de décisions, le rapport sur la nouvelle évaluation de la cote de fiabilité et la décision de M. Boyd étaient fondés sur le rapport sur l’enquête administrative.

155 Même si l’employeur avait un motif légitime d’amorcer une enquête sur la conduite de la fonctionnaire, il lui a sciemment permis de retourner au travail sans restriction pendant près de six mois, tout en sachant qu’elle avait falsifié le certificat de 2011. Le motif invoqué pour la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire indiqué dans la lettre envoyée par M. Boyd à M. Netzel était que sa conduite constituait [traduction] « […] un risque grave pour le Ministère ». Cet énoncé est contredit par la preuve et est incompatible avec cette preuve, étant donné la présence de la fonctionnaire sur le lieu de travail et le témoignage de M. Boyd selon lequel aucun incident mettant en cause son manque de franchise depuis son retour au travail n’avait été porté à son attention. Qui plus est, il n’y avait aucune preuve du niveau de fiabilité requis et de la nature des fonctions à accomplir, surtout en ce qui concerne l’accès à des renseignements confidentiels ou de nature délicate. On ne m’a présenté absolument aucune preuve selon laquelle, pendant cette période, l’employeur a considéré qu’il y avait un risque inacceptable que la fonctionnaire puisse voler des objets précieux, utiliser à son profit les biens et renseignements auxquels elle avait accès ou qu’elle pourrait ne pas protéger les biens et renseignements qui lui sont confiés, ou qu’elle pourrait se comporter d’une façon qui nuirait aux activités de l’employeur. Tout ce qui demeure est la constatation du rapport sur l’enquête administrative, selon laquelle la fonctionnaire n’a pas [traduction] « […] agi en tout temps d’une façon qui résisterait à l’examen scrupuleux du public, une obligation qui ne se limite pas à la simple observation de la loi. »

156 Par conséquent, je conclus que la fonctionnaire a démontré selon la prépondérance des probabilités que l’employeur n’avait pas de préoccupations légitimes selon lesquelles elle [traduction] « […] constitu[ait] un risque grave pour le Ministère » ou qu’il y avait, selon les termes utilisés dans sa propre Norme sur la sécurité du personnel, « un motif raisonnable de croire » qu’elle représentait un risque inacceptable pour la sécurité lorsqu’il a décidé de révoquer sa cote de fiabilité. Les éléments de preuve ont démontré que les conditions requises pour révoquer sa cote de fiabilité étaient absentes au moment de la décision de M. Boyd et, par conséquent, je conclus que son licenciement subséquent, sans motif valable, constituait une invocation factice de la LGFP, un subterfuge ou un camouflage. Qui plus est, M. Netzel a témoigné en disant que le fait que la fonctionnaire soit retournée sur le lieu de travail n’avait eu aucune incidence sur sa décision de la licencier parce qu’il ignorait ce fait. Même si ce fait était très pertinent dans ces circonstances et qu’il était connu par l’employeur, il n’a pas éclairé la décision de licencier la fonctionnaire. Le défaut de tenir compte d’un fait très pertinent au moment de prendre une décision suffit à rendre cette décision arbitraire.

157 Pendant son argumentation, l’employeur m’a invité à tenir compte de l’argument subsidiaire à savoir si le licenciement de la fonctionnaire découle d’une mesure disciplinaire.

158 Dans de nombreuses décisions rendues en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35), et de la LRTFP, les arbitres de griefs ont conclu que les employeurs étaient liés par les motifs sur lesquels ils se fondent au moment d’un licenciement et qu’ils ne devraient pas pouvoir se fonder sur de nouveaux motifs au moment de l’arbitrage. C’est ce que l’employeur a tenté de faire, étant donné qu’il ne s’était fié qu’à la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire comme fondement à son licenciement.

159 Qui plus est, l’employeur a soutenu, tout au long de la procédure de grief, que sa décision de licencier la fonctionnaire n’était pas disciplinaire, mais administrative. Les deux griefs déposés par la fonctionnaire indiquent ce qui suit : [traduction] « Je dépose un grief contre la révocation du statut de ma cote de sécurité et mon licenciement ». Le premier grief contestait une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, tandis que le deuxième alléguait une violation de l’article 17 (Mesures disciplinaires) de la convention collective. La décision rendue au dernier palier par l’employeur pour les deux griefs était la suivante :

[Traduction]

Je conclus que l’employeur n’a pas violé la clause 17.02 de la convention collective PA, étant donné qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise à cet égard. L’employeur a effectué un examen et une nouvelle évaluation de votre cote de fiabilité. Le maintien d’une cote de fiabilité est requis comme condition d’emploi. Étant donné que vous ne respectez plus cette exigence, vous avez été licenciée conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques.

160 Il incombait à l’employeur d’établir que les motifs pour lesquels il a licencié la fonctionnaire étaient légitimes au moment où il a pris sa décision. Dès le départ, l’employeur a qualifié le licenciement de la fonctionnaire comme une mesure non disciplinaire. Toutes les preuves qu’il a présentées étaient à l’appui de cette position. Dans sa réfutation, l’employeur a invoqué le fait qu’il n’y avait aucune conclusion sous-jacente à l’allégation selon laquelle il a choisi la voie de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire afin d’éviter un examen approfondi à l’arbitrage. Qui plus est, il a maintenu qu’il n’y avait aucune indication selon laquelle il a traité les actes de la fonctionnaire comme justifiant des mesures disciplinaires.

161 À l’arbitrage, l’employeur a tenté de changer les motifs sur lesquels il s’était fondé pour effectuer le licenciement tout au long du processus. Il aurait été injuste pour la fonctionnaire et contraire aux règles de justice naturelle de permettre à l’employeur de soutenir le fait que son licenciement était de nature disciplinaire s’il n’arrivait pas à démontrer qu’il avait été issu d’une mesure non disciplinaire. L’employeur a pris une décision stratégique de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire plutôt que de poursuivre le processus disciplinaire. Je conclus donc que le grief du dossier de la CRTEFP 566-02-8831 est accueilli.

162 En guise de mesures de réparation, la fonctionnaire a demandé l’annulation de la révocation de sa cote de fiabilité et sa réintégration sans perte de salaires ou d’avantages sociaux. La décision rendue au dernier palier par l’employeur indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Vous cherchez également à obtenir l’annulation de la révocation de votre cote de fiabilité, la fin de la discrimination, la mise en œuvre de mesures d’adaptation à votre retour au travail et la somme de 40 000 $ en dommages souffrances et douleurs.

[…]

163 Hormis l’annulation de la révocation de sa cote de fiabilité, ces mesures de réparation n’ont pas été indiquées dans les griefs et la fonctionnaire ne les a pas présentés pendant l’arbitrage. Par conséquent, je ne les aborderai pas.

164 En somme, même si j’ai conclu que la preuve a démontré que les conditions requises pour révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire étaient absentes au moment de la décision de M. Boyd et que son licenciement subséquent, sans motif valable, constituait une invocation factice de la LGFP, un subterfuge ou un camouflage, cela ne permet pas de dire que la décision de l’employeur était une mesure disciplinaire.Par conséquent, le grief relativement au dossier de la CRTEFP 566-02-8832, alléguant une violation de l’article 17 (Mesures disciplinaires) de la convention collective, sera rejeté, puisque les dispositions de cet article n’ont pas été déclenchées.

V. Autres observations

165 Même si l’employeur avait suivi le processus disciplinaire, tout en concluant qu’une mesure disciplinaire était justifiée, j’aurais conclu que le licenciement de la fonctionnaire était excessif, à la lumière de tous les faits relatifs à l’affaire. Parmi les facteurs qui m’auraient mené à cette conclusion, notons les suivants : le long service de 22 ans de la fonctionnaire, sans mesures disciplinaires, le fait que l’employeur lui a permis de travailler dans ses locaux sans restriction pendant près de six mois avant son licenciement, sans incident et sans préoccupation apparente, ce qui démontre le potentiel de réadaptation de la fonctionnaire, le fait que la falsification du certificat médical était un incident, effectué sans intention de frauder l’employeur ou de réaliser un gain financier personnel, mais plutôt en raison de sa situation familiale, et le fait que sa situation diffère grandement de celles des fonctionnaires dans McKenzie et Morrow, citées par l’employeur pour soutenir le licenciement pour falsification de certificats médicaux.

166 Dans McKenzie, il était question du licenciement d’une agente correctionnelle qui avait contrefait la signature de son médecin sur neuf certificats médicaux. Sa présence au travail était surveillée et on lui avait ordonné de soumettre un certificat médical dans les cinq jours suivant tous les quarts de travail où elle était absente. Elle avait déjà fait l’objet d’une pénalité financière de cinq jours pour son inconduite liée à sa relation avec un détenu. Au moment de confirmer le licenciement, l’arbitre de grief a cité son court service de quatre ans, les mesures disciplinaires qui lui avaient déjà été imposées et son manque de franchise. Il a également conclu qu’à l’instar des agents de la paix, les agents correctionnels étaient tenus de se conformer à une norme plus élevée que les autres fonctionnaires.

167 Dans Morrow, la fonctionnaire était une adjointe aux ressources humaines qui avait été licenciée pour avoir soumis 14 certificats médicaux contrefaits pour 14 absences différentes pendant quatre ans. L’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire avait pris un congé de maladie avec certificat pour la grande majorité des jours où elle avait présenté des certificats médicaux contrefaits. Au moment de rejeter le grief, l’arbitre de grief a conclu qu’il ne pouvait atténuer la pénalité au motif qu’il s’agissait d’un incident isolé. Qui plus est, la fonctionnaire n’a pas reconnu certaines falsifications, en a attribué d’autres à l’employeur et a présenté une explication inventée du processus utilisé pour contrefaire les signatures. L’arbitre de grief a indiqué que ces éléments avaient miné l’évaluation de son potentiel de réadaptation.

168 Toutefois, l’employeur n’a pas amorcé le processus disciplinaire dans cette affaire.

169 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

170 Je déclare qu’un arbitre de grief a compétence pour juger la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire et son licenciement subséquent.

171 Je déclare que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire n’était pas fondée sur un motif raisonnable de croire qu’elle représentait un risque inacceptable pour la sécurité et que son licenciement n’était pas motivé.

172 J’ordonne que la fonctionnaire soit réintégrée dans son poste de façon rétroactive en date du 27 avril 2012, avec tous ses droits et ses avantages.

173 Je demeurerai saisi de la question pour une période de 90 jours suivant la date de la présente décision afin de résoudre tout litige qui pourrait survenir au sujet de la mise en œuvre de l’ordonnance au paragraphe 172.

174 J’ordonne que toute documentation liée à la révocation de la cote de fiabilité et au licenciement de la fonctionnaire, hormis la présente décision, soit retirée des dossiers personnels de la fonctionnaire, et de tout autre dossier relatif aux mesures disciplinaires ou aux relations de travail.

175 Le grief alléguant une violation de la convention collective dans le dossier de la CRTEFP 566-02-8832 est rejeté.

Le 5 août 2015.

Traduction de la CRTEFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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