Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son renvoi en cours de stage pour comportement inapproprié dans le milieu de travail – l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre et de trancher le grief – le fonctionnaire s’estimant lésé a développé des sentiments amoureux à l’égard d’une collègue et ses sentiments n’étaient pas réciproques – le fonctionnaire s’estimant lésé et la collègue partageaient un espace de travail et il a commencé à la complimenter sur ses vêtements et son apparence, et à lui envoyer des courriels, l’invitant à souper, à sa maison et à son chalet – la collègue a décliné ses offres et elle a informé l’employeur de ses préoccupations lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé a persisté – au début, l’employeur lui a conseillé de parler avec le fonctionnaire s’estimant lésé pour exprimer clairement ses sentiments, ce qu’elle a fait, mais elle a informé l’employeur que le fonctionnaire s’estimant lésé ne semblait pas comprendre – un superviseur a ensuite parlé en privé au fonctionnaire s’estimant lésé pour lui demander de cesser et pour l’avertir que son emploi était en jeu – lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé a persisté, lui et la collègue ont été séparés dans le milieu de travail et l’employeur a convoqué une réunion au cours de laquelle la collègue a lu une déclaration indiquant qu’elle ne s’intéressait pas au fonctionnaire s’estimant lésé – il n’a pas cru sa déclaration et il a blâmé l’employeur pour son interférence; il a continué de tenter à maintenir un contact avec la collègue, communiquant même avec un membre de la direction à son domicile pour lui demander pourquoi lui et la collègue avaient été séparés dans le milieu de travail – une fois de plus, la direction a réitéré par écrit ses instructions d’éviter tout contact avec sa collègue, mais le jour suivant, il lui a envoyé des roses accompagnées d’une carte indiquant qu’il savait qu’il prenait un risque – à la suite d’une enquête, le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage – l’arbitre de grief a soutenu que l’employeur croyait raisonnablement que le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé était non justifié et persistant, et qu’il s’était poursuivi malgré des directives claires pour qu’il cesse – l’employeur disposait de motifs pour discipliner le fonctionnaire s’estimant lésé mais a choisi de ne pas le faire - cependant, cela n’a pas transformé son renvoi en cours de stage en mesure disciplinaire déguisée et n’a pas non plus établi que l’employeur avait agi de mauvaise foi – malgré des directives claires, le fonctionnaire s’estimant lésé a continué de faire preuve d’un manque de jugement et de mépris faisant en sorte qu’il est devenu inapte à maintenir son emploi – il n’a pas démontré que son renvoi en cours de stage était arbitraire, qu’il constituait une mesure disciplinaire déguisée, un subterfuge ou un camouflage, ou qu’il s’agissait d’un acte de mauvaise foi – le concept d’aptitude à l’emploi comprend le comportement approprié dans le milieu de travail et les employeurs ont l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer que le milieu de travail soit exempt de harcèlement – le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage pour des motifs valides liés à l’emploi et l’employeur avait une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de son aptitude – il ne s’agissait pas d’une invocation factice de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, d’un subterfuge ou d’un camouflage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-12-09
  • Dossier: 566-02-7427
  • Référence: 2015 CRTEFP 94

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PHILIPPE D’AOUST

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
D’Aoust c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même
Pour l'employeur:
Léa Bou Karam, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 8 au 11 décembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Philippe D’Aoust (le « fonctionnaire ») était au service de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (le « défendeur » ou l’« employeur ») à titre d’agent d’information classifié au groupe et niveau CR-05, à la Direction générale des conseils, de l’information et des services partagés, à Ottawa, en Ontario. Dans la lettre d’offre de nomination pour une période indéterminée de l’employeur en date du 23 septembre 2010, que celui-ci a signée le 29 septembre 2010, il était indiqué que l’emploi du fonctionnaire prendrait effet le 4 octobre 2010, et qu’il serait assujetti à un stage probatoire de 12 mois, conformément à l’article 61 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »).

2 Dans une lettre de l’employeur datée du 4 avril 2011, le fonctionnaire a été avisé qu’il était renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 62(2) de la LEFP et qu’une indemnité tenant lieu de préavis, équivalant au salaire auquel il aurait eu droit, lui serait versée jusqu’à la fin du mois suivant.

3 Le 11 mai 2011, le fonctionnaire adéposé un grief contestant son licenciement et demandant saréintégration. Il a renvoyé son grief à l’arbitrage à titre demesure disciplinaire ayant entraîné son licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »).

4 L’employeur a soulevé une objection quant à la compétence de l’arbitre de grief à instruire et à trancher cette affaire. Il a souligné que le fonctionnaire avait été licencié conformément à la LEFP.

5 La convention collective applicable est celle du groupe Services des programmes et de l’administration, qui a été conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur du fonctionnaire, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »), qui est venue à échéance le 20 juin 2011.

6 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »),qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), dans sa version antérieure à cette date.

7 À l’audience, les deux parties ont présenté un témoignage de vive voix et unepreuve documentaire, en français et en anglais. Ceci étant, à la fin de l’audience, j’ai demandé aux parties si elles avaient une préférence quant à la langue de la décision originale, puisque toutes les décisions de la Commission sont traduites. Les deux parties m’ont fait savoir qu’une décision rendue dans l’une ou l’autre langue les satisferait.

II. Résumé de la preuve

A. Pour l’employeur

8 Au début de l’audience, l’avocate de l’employeur a indiqué que ce dernier allait démontrer que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage. Elle a ajouté qu’à la suite du témoignage du fonctionnaire, il déciderait s’il fallait demander une contre-preuve.

9 La lettre mettant fin à l’emploi du fonctionnaire (pièce E-2) a été signée par Renzo A. Benocci qui, à l’époque pertinente, était directeur de la Direction de la sécurité industrielle canadienne (DSIC) de l’employeur. Dans la lettre, les motifs du licenciement sont énoncés comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à l’examen des préoccupations liées à votre conduite au travail dans le contexte de votre période probatoire.

L’examen et vos aveux ont permis de confirmer que vous aviez eu un comportement inapproprié envers une collègue. L’examen confirme aussi que vous avez continué à essayer d’établir une relation amoureuse avec cette collègue, malgré le fait qu’elle vous a demandé d’arrêter, et que vous avez continué de le faire contrairement aux directives verbales et écrites qui vous ont été émises par la direction.

[…]

10 M. Benocci a déclaré qu’il gérait environ 195 employés et que quatre gestionnaires relevaient directement de lui, notamment Mélanie LeBlanc, qui était responsable de la Division de filtrage de la sécurité du personnel. Diane Guilbault et Lynne Fournier faisaient partie des superviseurs qui relevaient de Mme LeBlanc. Le fonctionnaire rendait compte à Mme Fournier, et sa collègue (la « collègue »), à Mme Guilbault.

11 À l’automne 2010, Mme LeBlanc a informé M. Benocci que le fonctionnaire avait commencé à porter une attention importune à l’égard d’une collègue. Elle était en pourparlers avec les deux employés en question et leur avait dit que cette conduite devait cesser. M. Benocci a eu l’impression que l’affaire était prise en charge.

12 Par la suite, il y a eu d’autres signalements concernant la conduite du fonctionnaire, laquelle s’était tellement envenimée que M. Benocci a dû prendre des mesures supplémentaires. Il a demandé que les deux employés soient placés à des étages distincts de l’immeuble de bureaux. Il a aussi demandé que l’on ordonne au fonctionnaire de ne plus communiquer avec la collègue en question et que, s’il avait besoin de certains documents aux fins du travail, des dispositions devaient prises pour les lui apporter. M. Benocci a dit que cette mesure avait été prise pour éviter toute rencontre fortuite entre ces employés, ainsi que pour éviter que le fonctionnaire ne soit accusé d’orchestrer des rencontres avec la collègue. Il savait que les superviseurs enjoignaient au fonctionnaire de se tenir à distance de la collègue et d’éviter de prendre des risques. M. Benocci a dit qu’il était satisfait de ces arrangements, tant que les employés se conforment aux directives. Il était au courant des allégations faites par la collègue dans un rapport de police, mais il n’en avait jamais reçu la confirmation.

13 En mars 2011, M. Benocci a appris que le fonctionnaire avait envoyé au bureau de la collègue une douzaine de roses, à laquelle était jointe une note (pièce E-1) qui était rédigée en partie comme suit :

Devine qui, [nom de la collègue] tu était ma chum. Fait moi signe, oui c’est moi, celui qui prend des risque juste pour toi […] [traduction] “toujours célibataire au cas où d’autres prétendraient le contraire.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

14 M. Benocci a dit que ce contact était importun. Après avoir lu la note, il a consulté des conseillers en relations de travail. Le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage parce qu’il avait fait preuve d’insubordination en ne tenant pas compte des directives de la direction et parce qu’il s’était livré à un comportement inapproprié au travail.

15 En contre-interrogatoire, M. Benocci a déclaré que les actes du fonctionnaire étaient liés au travail puisqu’ils étaient survenus dans les locaux de l’employeur pendant les heures de travail.

16 Lorsque le fonctionnaire lui a demandé s’il était au courant qu’il avait connu le père de la collègue dans le passé ou que cette dernière avait besoin d’un don de rein, M. Benocci a répondu qu’il n’avait aucune information personnelle au sujet du fonctionnaire ou de la collègue.

17 M. Benocci a été contre-interrogé au sujet d’une réunion tenue en mars 2011, au cours de laquelle il a censément parlé de pistolets Taser et où le fonctionnaire s’attendait à être congédié publiquement. M. Benocci ne se souvenait pas de cette réunion. Il a soutenu qu’il n’aurait jamais congédié publiquement un employé. En ce qui concernait les pistolets Taser, M. Benocci a dit qu’en qualité de directeur de la DSIC, il aurait fait allusion à ces appareils pour donner un exemple du matériel qu’il pourrait fournir au personnel.

18 À la question de savoir s’il avait examiné le dossier personnel du fonctionnaire avant de prendre sa décision, M. Benocci a répondu que oui et a ajouté qu’il ne contestait pas que l’employeur pouvait avoir perdu un bon employé.

19 M. Benocci a dit avoir fait tout son possible pour mettre fin à l’intérêt importun du fonctionnaire. Il a donné des directives strictes aux gestionnaires quant à la façon adéquate de mettre fin aux actes du fonctionnaire. Il a déclaré que la note jointe à la douzaine de roses que le fonctionnaire a fait livrer à la collègue était la goutte qui avait fait déborder le vase.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

20 La preuve du fonctionnaire comportait à la fois un témoignage de vive voix et des déclarations écrites. En ce qui concerne les déclarations écrites, il a déposé deux documents : le premier daté des 16 octobre et 17 novembre 2010, et le deuxième daté du 8 février 2011 (pièce G-1, onglet 20). Les deux documents exposaient la version des faits du fonctionnaire concernant certains événements. Bien qu’ils portent le titre d’« affidavit », ces documents ne constituent pas des déclarations sous serment. Un document distinct d’une soixantaine de pages, intitulé « Affidavit détaillé », a été présenté sous serment devant un commissaire à l’assermentation le 14 août 2012. Ce document consistait principalement en une réfutation des allégations de la collègue, qu’il a essentiellement réitérée dans son témoignage de vive voix. L’employeur ne s’est pas opposé au versement en preuve de ces trois documents. Quant aux allégations de la collègue, elles étaient incluses dans une déclaration manuscrite non signée (pièce E-5), présentée sous la forme d’un rapport allégué de police qui a été versé en preuve pendant le contre-interrogatoire du fonctionnaire, sans que celui-ci ne s’y oppose. La collègue n’a pas témoigné.

21 Je fais une pause ici pour m’exprimer au sujet de la valeur probante qui doit être attribuée à la déclaration non signée de la collègue et aux réponses du fonctionnaire, lesquelles, je tiens à le souligner, ont été présentées à l’employeur pendant son enquête et faisaient partie du contexte sous-jacent à sa décisionde renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Encore une fois, je souligne que ces documents ont été versés en preuve et que le fonctionnaire ou l’employeur ne les ont pas contestés ni exprimé de réserve à cet égard. Les déclarations écrites du fonctionnaire, présentées sous forme d’affidavit ou autres, ont été déposées à titre de preuve par le fonctionnaire et constituaient une réfutation directe à la déclaration de la collègue. De plus, le témoignage du fonctionnaire réitérait en grande partie les déclarations qu’il avait faites antérieurement dans ces documents. En l’espèce, je ne suis pas tenu de faire la vérité sur les faits en question. Mon rôle consiste plutôt à décider si les actes de l’employeur constituent effectivement un renvoi en cours de stage effectué de bonne foi, ou s’il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée, d’un subterfuge ou du camouflage. Pour ce faire, je n’ai pas à statuer sur ce qui s’est réellement passé, je n’ai qu’à décider si le renvoi en cours de stage était un exercice de bonne foi de l’autorité de l’employeur en vertu de la LEFP. La déclaration de la collègue et les déclarations du fonctionnaire en guise de réponse ont été fournies à l’employeur au moment des faits en question et constituent le contexte des mesures prises. En ce sens, je n’ai pas à déterminer quelles parties des déclarations sont crédibles ou non à mes yeux, puisque mon rôle est de trancher la question de savoir si l’employeur a raisonnablement et effectivement renvoyé le fonctionnaire en cours de stage.

22 Initialement, le fonctionnaire avait été placé auprès de l’employeur par le biais d’une agence de placement comme agent de centre d’appels, à partir du 1er avril 2009. Une fois que l’employeur l’a embauché, le 4 octobre 2010, il a continué de travailler au même endroit. Le fonctionnaire a souligné que lorsqu’il était au service de l’agence de placement, il était supervisé par Mme Guilbault, laquelle l’avait également formé.

23 Le fonctionnaire a dit que Mme Guilbault avait fait en sorte qu’il partage son espace de travail avec la collègue, et que c’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à lui envoyer des courriels. Il a dit qu’un collègue lui avait dit de faire attention, mais qu’il ne comprenait pas ce qu’il voulait dire. Il a fait allusion à un courriel contenant l’image d’un pont à arches, où l’on pouvait apercevoir, en faisant un zoom avant, un couple se livrant à une activité sexuelle sur l’une des arches du pont (pièce E-4). Lorsqu’il a ouvert ce courriel, la collègue l’a vu et lui a demandé de lui envoyer, après quoi elle l’a fait suivre à d’autres collègues. Il a dit qu’il n’avait pas cherché l’image sur Internet et qu’elle lui avait été envoyée par un ancien gestionnaire. Il a aussi fait allusion à un autre courriel contenant l’image d’un accouplement de cerfs. Il a dit que la collègue lui avait également demandé de lui faire suivre ce courriel. Il a dit que les employés s’envoyaient régulièrement des courriels contenant des blagues et des images.

24 Le fonctionnaire a dit qu’à l’occasion d’une activité sociale en milieu de travail, Mme LeBlanc a déjà demandé aux employés d’apporter des photographies d’eux-mêmes datant de leur jeunesse. Le fonctionnaire a déclaré que c’est à ce moment-là qu’il a réalisé qu’il connaissait le père de la collègue en raison du club de tir à l’arc.

25 Selon la déclaration du fonctionnaire en date du 16 octobre 2010, la collègue lui a dit que son anniversaire était en octobre, pendant la saison de chasse. Le fonctionnaire a mentionné cette déclaration et a affirmé que la collègue lui avait dit qu’elle n’allait pas à la chasse et qu’elle serait seule le jour de son anniversaire. Le fonctionnaire lui a alors offert de l’emmener à la chasse pour une journée et d’aller ensuite dîner au restaurant. La collègue était censée le rencontrer chez lui, après quoi ils devaient se rendre à son chalet, où il devait lui fournir la tenue appropriée. Dans sa déclaration écrite, le fonctionnaire a dit qu’il avait fait un double de sa clé de maison et qu’il l’avait offert à la collègue; elle ne l’a pas accepté. Selon la déclaration, la collègue ne s’est jamais présentée au domicile du fonctionnaire. Dans son témoignage, il a que la collègue ne s’était pas rendue chez lui en raison d’une intervention de Mme Guilbault.

26 Le fonctionnaire a déclaré que Mme Guilbault était une amie de la mère de la collègue, et qu’elle la contrôlait constamment. Il a allégué qu’en une occasion, alors que la collègue se trouvait à l’extérieur de son espace de travail, il a vu Mme Guilbault glisser une boîte de préservatifs dans le sac à main de la collègue. Il a déclaré ne pas en avoir soufflé mot à Mme Guilbault.

27 Le fonctionnaire a dit qu’environ une semaine après avoir obtenu un poste pour une période indéterminée, en octobre 2010, il a surpris une conversation entre Mme Guilbault et la collègue, qui se trouvaient à l’extérieur de son espace de travail. Il a déclaré que la collègue avait demandé à Mme Guilbault : [traduction] « Est-ce que Phil pourrait perdre son emploi? », et que Mme Guilbault avait répondu : [traduction] « Ne te fais pas de souci - il est débrouillard, il s’en sortira ».

28 Le fonctionnaire s’est demandé de quoi elles avaient parlé. Lorsque la collègue est retourné à leur espace de travail, pendant qu’elle était encore debout, elle lui a mis la main sur l’épaule et a dit : [traduction] « Ne te fais pas de souci ». Lorsqu’elle s’est assise, il lui a demandé ce qui se passait et elle lui a répondu : [traduction] « Je suis désolée, Phil - je ferais n’importe quoi pour obtenir un poste pour une période indéterminée ».

29 Le fonctionnaire a mentionné un courriel qu’il avait envoyé à la collègue ce même jour, le 5 octobre 2010, afin de l’inviter dans un restaurant à l’occasion d’une soirée « ailes de poulet ». Elle lui a répondu le jour même en lui disant qu’il était déconseillé de sortir avec des collègues, que ça pouvait nuire à sa carrière et qu’il ne devait pas se sentir visé personnellement (pièce G-1, onglet 3). Dans sa déclaration, la collègue a allégué que le fonctionnaire lui avait répondu en la traitant d’« hostie de menteuse », et que plus tard cette journée-là, il l’avait qualifiée de [traduction] « trouillarde » pour avoir refusé son invitation. Le fonctionnaire a reconnu avoir fait ce dernier commentaire; il a ajouté qu’il ne l’avait pas dit de manière agressive. Il ne se souvenait pas de l’avoir traitée d’« hostie de menteuse ».

30 Le fonctionnaire a dit qu’autour de cette date, il a remarqué que la collègue avait commencé à se tenir le bas du corps. Il est allé voir Mme Guilbault afin de lui demander quel était son problème. Il a affirmé que Mme Guilbault lui avait répondu que s’il souhaitait fréquenter sa collègue, il devrait lui donner un rein et que s’il y consentait, il obtiendrait une promotion importante, qui entraînerait une mutation. Il a dit qu’il était sans voix et qu’il était retourné à son espace de travail. Il a ajouté qu’en raison du fait qu’un membre de sa famille immédiate avait été atteint d’une maladie potentiellement mortelle, il connaissait les conséquences possibles. Il a éventuellement décidé de donner un rein à la collègue. Il a expliqué qu’il prenait un risque en donnant un rein, et que c’était pour cette raison qu’il avait employé le mot « risque » dans la note accompagnant les fleurs qu’il a envoyées à la collègue.

31 Dans ses déclarations, le fonctionnaire a dit qu’à ce moment-là, il attendait une livraison de bois de chauffage, et qu’il avait prié un voisin de débiter et de fendre le bois, parce qu’un donneur de rein ne peut soulever qu’un poids de 20 livres après cette opération. Il a également déclaré avoir acheté un nouveau lit en prévision de cet événement. Par la suite, le fonctionnaire est allé voir une autre gestionnaire, Jennifer Green, et lui a communiqué ce que Mme Guilbault lui avait dit. Selon lui, elle lui a répondu qu’elle se renseignerait.

32 Le fonctionnaire a dit que la collègue et lui ont été séparés au travail. Tout d’abord, ils sont demeurés sur le même étage, mais à des endroits différents. Ultérieurement, ils ont été réinstallés sur des étages différents.

33 Le fonctionnaire a dit qu’en octobre 2010, la collègue a reçu trois appels sur son téléphone cellulaire personnel alors qu’elle se trouvait dans son espace de travail. Il ne pouvait entendre que sa partie de la conversation, mais à chacun des deux premiers appels, elle s’est exclamée : [traduction] « Tu veux m’enlever! » Au troisième appel, le fonctionnaire a dit à la collègue de raccrocher. Il l’a mentionné à Mme Guilbault.

34 Le 4 octobre 2010, le fonctionnaire a envoyé un courriel à la collègue afin de lui demander de le rencontrer au Starbucks le lendemain matin, entre 6 h et 6 h 15, afin de lui parler de quelque chose (pièce G-2). La collègue a répondu en lui demandant de quoi il voulait parler. Il a répondu comme suit au sujet d’un cauchemar qu’il a fait à son sujet : « Quand on reve des choses que lon veut pas voir on appelle sa un cauchemard [sic pour l’ensemble de la citation] [traduction]  “Sois là, chérie!” »

35 En octobre 2010, Mme Green a effectué l’évaluation du rendement du fonctionnaire. Le fonctionnaire est entré dans le bureau de cette dernière et il s’est assis. Il a allégué que Mme Green portait une robe d’été, ce qu’il estimait être un manque de professionnalisme. Il a ajouté que Mme Green avait fermé la porte à clé et lui avait dit ceci : [traduction] « Phil, il faut que je couche avec quelqu’un avant mon mariage ». Il a dit qu’il en était resté abasourdi et qu’il avait ramené le sujet de la conversation à son évaluation.

36 Le 22 octobre 2010, le fonctionnaire a reçu un courriel de Mme LeBlanc, le convoquant à une réunion ce matin-là. Mme Guilbault, Mme Green et la collègue y ont également assisté. Le fonctionnaire a dit que la collègue était en larmes, qu’elle tremblait, et qu’elle a lu une note disant qu’il ne l’intéressait pas.

37 Le fonctionnaire a dit que, étant donné qu’il avait été séparé de la collègue, il s’était enquis de son état de santé auprès de Mme Fournier. Elle lui a répondu qu’il n’avait pas à se soucier de sa santé, puisqu’elle prendrait soin d’elle. Il a dit à Mme Fournier qu’il était disposé à faire don d’un rein à la collègue, parce qu’il croyait qu’elle éprouvait un problème de santé. Pendant son témoignage, il a dit que cela avait été une erreur de sa part, parce qu’il aurait pu être victime d’une arnaque.

38 À la suite de la séparation de leurs espaces de travail, le fonctionnaire a tenté de rester en contact avec la collègue par courrier électronique les 29 novembre et 10 décembre 2010 (pièce G-1, onglet 27). Dans le premier courriel, il a écrit qu’elle ne devait pas hésiter si elle souhaitait lui parler. Dans le deuxième, il a écrit qu’il ne se sentait pas bien, qu’elle lui manquait et qu’il avait besoin d’elle à ses côtés, au moins au travail. Il l’a priée de lui donner la possibilité « de [s’]en sortir » et lui a rappelé qu’elle avait son numéro de téléphone.

39 En ce qui concerne les roses, le fonctionnaire a dit qu’il apportait régulièrement des roses de son jardin à la collègue, et qu’elle les acceptait. Il lui a aussi donné un vase qui avait appartenu à sa grand-mère. Il a dit que la collègue et lui faisaient des échanges. Par exemple, il a affirmé qu’elle lui avait déjà dit qu’elle avait un tatouage, ce à quoi il a répondu qu’il ne la croyait pas; le lendemain, la collègue portait un pantalon de jogging qu’elle a baissé afin de lui montrer un tatouage, qu’il a qualifié de tribal.

40 Le fonctionnaire a dit qu’il n’y avait eu aucun contact physique entre sa collègue et lui. Elle n’avait pas peur de lui et elle l’avait déjà accompagné pour faire des emplettes sur l’heure du déjeuner.

41 Le fonctionnaire a confirmé que, le 4 janvier 2011, il a assisté à une réunion avec Mme Fournier, un représentant syndical et une autre personne qui agissait à titre de secrétaire. Comme il est précisé dans le résumé de la réunion (pièce G-1, onglet 15), on a informé le fonctionnaire que la division des relations du travail mènerait une enquête sur cette affaire. On lui a enjoint d’éviter tout contact avec la collègue et de ne quitter le deuxième étage, où était situé son espace de travail, sous aucun prétexte. Par  conséquent, s’il avait besoin de fournitures de bureau, il devait demander à un superviseur d’aller les chercher au troisième étage. Il ne devait pas tenter d’obtenir des nouvelles de la collègue, directement ou indirectement. Afin d’éviter tout contact, l’espace de bureau de la collègue a été déplacé et son horaire de travail a été modifié. Le défaut de se conformer à ces restrictions pouvait entraîner la suspension du fonctionnaire.

42 Le 31 janvier 2011, le fonctionnaire a reçu un courriel de Eve Nadeau, une conseillère principale en relations de travail à la Direction générale des ressources humaines de l’employeur. Mme LeBlanc était également désignée comme destinataire de ce courriel. Trois documents étaient joints au courriel, notamment un prétendu rapport de police incluant une déclaration écrite de la collègue, ainsi que des annexes (pièce G-1, onglet 16).

43 Dans ce courriel, Mme Nadeau a affirmé qu’elle rassemblait des faits liés à des incidents concernant la conduite du fonctionnaire envers la collègue entre septembre et décembre 2010. Elle a demandé au fonctionnaire de fournir une explication écrite en guise de réponse aux allégations figurant dans le prétendu rapport de police. Après réception de son explication, il devait être convoqué à une réunion avec Mme Nadeau, afin de présenter ses observations sur les conclusions de l’enquête. Alors que ce courriel faisait référence à la recherche des faits, il y était également précisé qu’en fonction des conclusions de l’enquête, il pouvait faire l’objet d’un renvoi en cours de stage ou de mesures disciplinaires.

44 Le fonctionnaire a dit qu’il avait été convoqué au bureau de Mme LeBlanc et que cette dernière lui avait alors remis une copie du prétendu rapport de police et lui avait prié de s’asseoir et de le lire. Il a dit qu’elle semblait trouver la situation humoristique. Il a remarqué que, même si le rapport était rédigé sur un formulaire de déclaration du témoin du Service de police d’Ottawa, il n’y figurait aucun numéro de référence et il n’était pas signé. Le fonctionnaire a ajouté que, lorsqu’il s’est enquis de la nature du document, Mme LeBlanc a souri et lui a dit qu’elle avait l’habitude de congédier des gens. Elle lui a alors demandé de répondre aux allégations énoncées dans le document.

45 À ce stade-ci, je souhaite situer le contexte de l’utilisation en preuve de ces documents. Le courriel de Mme Nadeau à l’intention du fonctionnaire, auquel était jointe la déclaration non signée de la collègue, a été versé en preuve par ce dernier pendant son témoignage en interrogatoire principal. Il a rédigé une réponse écrite aux allégations énoncées dans la déclaration, qu’il a aussi produite pendant son témoignage en interrogatoire principal. Durant son témoignage, le fonctionnaire a réitéré de vive voix ses réactions écrites à chacune des allégations. Une copie papier de la déclaration non signée de la collègue lui a été présentée pendant son contre-interrogatoire. Il ne s’y est pas opposé, et la copie en question a été versée en preuve comme pièce E-5. J’ai informé les parties que cette pièce devait être qualifiée de déclaration écrite non signée de la collègue, plutôt que de rapport de police et, par conséquent, j’ai versé la pièce E-5 à ce titre.

46 Par la suite, le fonctionnaire a vu une gestionnaire des ressources humaines remettre une enveloppe brune au chef du Service de police d’Ottawa, dans le lobby de l’immeuble. Le fonctionnaire a conclu que cette enveloppe contenait vraisemblablement des documents concernant la question mettant sa collègue en cause.

47 En réponse aux allégations, le fonctionnaire a déclaré qu’il connaissait la collègue depuis 2009, à l’époque où elle était logée dans une autre partie du même étage. À ce moment-là, il était seul dans son espace de travail. Elle passait le voir chaque matin, parce qu’elle devait rassembler des documents. Elle s’assoyait avec lui et ils partageaient un bagel.

48 Dans sa déclaration, la collègue a allégué que lorsqu’elle a commencé à partager l’espace de travail du fonctionnaire, celui-ci la complimentait sur ses vêtements et son apparence. Éventuellement, ses commentaires sont devenus vulgaires; par exemple, la fois où elle a porté un pull col roulé et qu’il lui a dit, en faisant allusion à sa poitrine, que c’était dommage qu’il ne puisse rien voir. En réponse à cette allégation, le fonctionnaire a déclaré que la collègue portait des vêtements révélateurs au travail, et qu’elle paradait devant son espace de travail tous les jours et lui demandait des commentaires. Selon son témoignage et sa déclaration écrite, s’il lui disait que l’un de ses vêtements ne paraissait pas bien, elle en achetait un nouveau pendant sa pause déjeuner et lui demandait s’il le trouvait à son goût et si cela lui allait bien. Le fonctionnaire a déclaré qu’au cours de cette période, il ignorait totalement qu’elle était la fille d’un homme qu’il avait connu à son club de tir à l’arc. Ultérieurement, l’employeur avait fait emménager la collègue dans son espace de travail.

49 Selon l’une des allégations de la collègue, le comportement obsessif du fonctionnaire la rendait mal à l’aise en sa présence, et elle évitait les conversations personnelles avec lui de façon à ne pas être harcelée. Elle a de plus allégué dans sa déclaration qu’il avait multiplié les demandes afin de la rencontrer en dehors du travail. La déclaration fait état d’un courriel que le fonctionnaire lui a envoyé le 29 juillet 2010, sur une note personnelle, afin de lui demander si elle était célibataire ou mariée. La collègue a allégué que cette demande présentée par un homme deux fois plus âgé qu’elle l’avait importunée, et qu’elle avait répondu par courriel qu’elle n’avait pas encore rencontré son [traduction] « prince charmant », dans l’intention de lui signifier son refus. Le fonctionnaire a reconnu avoir envoyé ce courriel et a affirmé qu’à une occasion, la collègue lui avait dit qu’elle avait pensé à lui pendant la fin de semaine et qu’il lui avait manqué. Selon lui, s’il l’ignorait, elle lui tapait l’épaule et amorçait une conversation. Si elle allait aux toilettes, elle lui disait qu’elle allait revenir dans une minute et lui mettait la main sur l’épaule. Il a déclaré que sa conduite, sa façon de le regarder et ses yeux n’étaient pas ceux d’une personne qui se sent harcelée.

50 Dans sa déclaration, la collègue a aussi allégué que le 30 juillet 2010, le fonctionnaire lui a transmis par courriel une invitation à son chalet. Celui-ci a déclaré que la collègue et lui avaient parlé de son chalet et qu’il l’y avait invitée, tout simplement.

51 Pour ce qui est de l’image montrant le couple sur le pont à arches, la collègue l’a trouvée suggestive et y a vu une invitation de la part du fonctionnaire. Celui-ci a déclaré que c’était la première et la seule image qu’il avait envoyée à deux collègues de sexe masculin au cours de la période où il avait travaillé au centre d’appels. La collègue était assise à côté de lui au moment où il a ouvert la pièce jointe, et il lui a dit d’y jeter un coup d’œil. Elle lui a alors demandé de lui envoyer. Il a dit qu’en 1998, l’un de ses anciens gestionnaires lui avait envoyé cette pièce jointe. Il a ajouté que des images semblables circulaient au sein du Ministère, dont certaines étaient envoyées par des superviseurs.

52 La déclaration de la collègue renfermait une allégation selon laquelle, en octobre 2001, le fonctionnaire lui avait demandé de le rencontrer au Starbucks. Ce dernier a réagi à cette allégation en disant qu’il avait voulu lui parler en tête-à-tête d’un rêve qu’il avait fait à son sujet. Dans ce rêve, il l’avait vue pleurer; tout le monde la cherchait et on tentait de l’enlever. Dans ce même rêve, il avait aussi perdu son emploi. Il a dit que le vendredi précédent, en quittant le lieu de travail, il lui avait dit de faire attention.

53 Lors de la réunion du 22 octobre 2010, Mme Leblanc a questionné le fonctionnaire au sujet de son rêve. Il a alors raconté son rêve et il a dit aux personnes présentes que, dans le rêve, lorsqu’il entre chez lui, il trouve sa collègue « ensanglantée ». Le fonctionnaire a déclaré qu’il s’était mal exprimé à la réunion, et qu’il avait voulu dire « en sanglots ». Il a ajouté que pendant la réunion, l’image de sa fille lui était venue à l’esprit, ce qui avait entraîné la confusion entre les termes. Il a dit qu’il était arrivé à sa fille de tomber de son vélo et de s’égratigner le visage sur le gravier. Elle était rentrée à la maison le visage couvert de sang et, ultérieurement, la cicatrisation avait nécessité un traitement. Le fonctionnaire a déclaré que sa collègue était au courant de cet incident, parce qu’il lui avait envoyé des photos de sa fille.

54 Le fonctionnaire a déclaré que les événements survenus dans son rêve s’étaient effectivement produits. Il a affirmé que la collègue avait dit aux autres collègues qu’une personne avait tenté de l’attirer à son véhicule dans le stationnement d’un centre commercial. Il a vu la collègue en larmes à la réunion du 22 octobre 2010. Un collègue lui avait dit qu’ils cherchaient la collègue parce qu’ils n’avaient pas reçu d’elle certains documents au moment prévu. En dernier lieu, le fonctionnaire a perdu son emploi.

55 Le vendredi 15 octobre 2010, le fonctionnaire a prié sa collègue de l’appeler chez lui ce soir-là. À son insu, celle-ci en a avisé Mme Guilbault, qui lui a conseillé de l’appeler et de signifier clairement qu’elle ne souhaitait pas établir une relation. Mme Guilbault a prié la collègue de l’appeler à la suite de sa conversation avec le fonctionnaire, ce qu’elle a fait à 19 h 15.

56 Comme en attestent ses déclarations écrites, à l’occasion de l’appel téléphonique du 15 octobre 2010, le fonctionnaire a dit à la collègue qu’il était célibataire depuis longtemps et qu’elle comptait profondément pour lui, puis il lui a demandé d’être son amie de cœur. Selon lui, elle a répondu qu’il était déconseillé de fréquenter des collègues. Il a rétorqué que, si elle changeait d’idée ou avait des ennuis, elle pouvait venir chez lui, peu importe l’heure.

57 Le lundi 18 octobre 2010, Mme Guilbault a demandé au fonctionnaire de l’accompagner à l’extérieur de l’immeuble de bureaux. Elle lui a demandé s’il savait pourquoi elle désirait lui parler, ce à quoi il a répondu qu’il n’était pas idiot. Elle lui a dit de se rappeler son âge et de cesser d’inviter la collègue chez lui, puis elle a ajouté que [traduction] le « flirt ou quoi que ce soit » avec la collègue devait cesser, ou qu’elle interviendrait. Mme Guilbault lui a dit que la mère de la collègue avait cherché celle-ci, ce à quoi il a rétorqué qu’elle n’était jamais venue chez lui. Il a déclaré qu’il avait compris qu’il devait cesser de parler à la collègue [traduction] « sinon ». Il sentait que son emploi était en jeu.

58 Dans sa déclaration, le fonctionnaire a dit qu’il était célibataire, propriétaire d’une maison et père d’une fille âgée de 15 ans, et qu’aucune loi n’empêchait un homme d’offrir un toit dans une résidence privée à une femme âgée de 24 ans. Il a soutenu qu’il n’avait jamais constitué une menace pour qui que ce soit au travail.

59 Le fonctionnaire a dit qu’à l’occasion, la collègue et lui déjeunaient ensemble chez IKEA. Le 21 octobre 2010, il l’a invitée à déjeuner, mais elle lui a répondu qu’elle rencontrait Mme Guilbault. Il lui a alors dit : « flush la ». Selon le fonctionnaire, au retour de la collègue, celle-ci lui a dit que Mme Guilbault lui avait présenté son fils afin qu’elle le fréquente, et qu’elle ne le souhaitait pas.

60 Dans ses déclarations écrites, le fonctionnaire a soutenu que la conduite de la collègue en présence des hommes était inappropriée, qu’elle avait recours à la sexualité pour attirer l’attention, et qu’elle créait des situations qui victimisaient les collègues célibataires de sexe masculin.

61 Le fonctionnaire a déclaré que, lorsque la collègue a été réinstallée à l’extérieur de leur espace de travail, elle lui a dit qu’ils continueraient à échanger des courriels. Il a dit qu’il lui avait envoyé trois courriels après avoir été enjoint à ne plus communiquer avec elle. Il a précisé qu’ils avaient pour but de signifier qu’il n’éprouvait aucune animosité envers elle.

62 En décembre, le fonctionnaire a téléphoné à Mme Guilbault à son domicile. Il lui a demandé pourquoi la collègue et lui avaient été séparés. Elle lui a répondu que la collègue n’éprouvait aucun sentiment pour lui comme il aurait pu le croire.

63 Pendant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire a dit qu’après que la collègue et lui eurent été placés sur des étages différents, lui au deuxième et elle au cinquième, initialement il allait chercher des fournitures au cinquième, mais que, par la suite, on lui apportait les fournitures pour qu’il ne se rende pas au cinquième étage.

64 En ce qui concerne la rencontre du 22 octobre 2010, le fonctionnaire a déclaré que la collègue semblait très nerveuse et qu’il ne l’a pas cru lorsqu’elle lui a dit qu’il ne l’intéressait pas.

65 Pour ce qui est de l’image du couple sur le pont à arches, le fonctionnaire a dit que la collègue avait vu le courriel sur son écran. Il a déclaré qu’elle regardait ce genre d’images plus souvent que lui et qu’elle lui disait d’y jeter un œil.

66 Le fonctionnaire a reconnu que Mme Guilbault lui avait fait la leçon au sujet de la différence d’âge entre la collègue et lui. Il a été renvoyé à sa déclaration selon laquelle il avait tendance à regarder le décolleté de sa collègue et qu’il lui aurait dit que c’était bien, mais pas trop (pièce G-1, onglet 20). Il a rétorqué que, étant donné que la poitrine de la collègue lui arrivait au niveau des yeux lorsqu’elle se levait, il regardait son décolleté. Il a ajouté qu’elle semblait trouver cela amusant et qu’à une occasion, chez IKEA, elle avait attiré son attention sur une femme pourvue d’une poitrine généreuse.

67 Le fonctionnaire a dit que la collègue comptait pour lui, qu’il possédait une maison de cinq chambres, et qu’elle lui avait dit qu’elle payait un loyer substantiel à sa mère.

68 Le fonctionnaire a réitéré qu’en ce qui concerne son rêve, il voulait dire « en sanglots », plutôt que « ensanglanté ».

69 À la question de savoir si la déclaration figurant dans les documents qu’il avait déposés (pièce G-1, onglet 20), selon laquelle il était coupable de s’être épris de la collègue, s’interprétait au sens où il était amoureux d’elle, il a commencé par répondre que le mot [traduction] « épris » pouvait avoir différents sens. Il a dit qu’elle comptait pour lui, mais qu’il n’était pas amoureux. Il a déclaré que la collègue ne lui avait jamais donné l’impression qu’il devait la laisser tranquille.

70 Le fonctionnaire a été renvoyé au courriel qui lui avait été envoyé par Mme Fournier, le 21 mars 2011, dans lequel celle-ci réitérait les directives qu’il devait éviter tout contact avec la collègue (pièce E-6). Le lendemain, il lui a envoyé des roses.

71 Pendant son réinterrogatoire, le fonctionnaire a dit que la collègue était au courant de son âge, puisqu’elle avait cherché ses dossiers et les avait trouvés. Il lui a dit que son âge n’était qu’un chiffre.

72 En ce qui concerne son témoignage selon lequel il croyait que son dossier avait été remis au chef du Service de police d’Ottawa, le fonctionnaire a dit que cela s’était produit le lendemain du jour où il avait présenté ses explications écrites en réaction aux allégations de la collègue.

73 En ce qui concerne le fait qu’il a invité la collègue à son chalet, le fonctionnaire a affirmé qu’elle lui avait dit qu’elle aimerait y aller et qu’il lui avait donné ses coordonnées. Il a ajouté qu’il ne se souvenait pas de l’avoir traitée d’« hostie de menteuse » lorsqu’elle a refusé son invitation à souper lors de la soirée « ailes de poulet ».

C. Réplique de l’employeur

74 Mme Guilbault a été superviseure de l’assurance de la qualité aux services de sécurité du personnel de l’employeur de mars 2001 à décembre 2013. Elle a été la superviseure du fonctionnaire d’avril 2009 à août 2010, et celle de la collègue d’octobre 2010 à janvier ou février 2011. Mme LeBlanc était la gestionnaire de Mme Guilbault.

75 Mme Guilbault a affirmé qu’elle a initialement entendu parler des problèmes de la collègue avec le fonctionnaire le 5 octobre 2010, date à laquelle la collègue l’a approchée pour lui dire que le fonctionnaire voulait la fréquenter. La collègue n’était pas intéressée, mais elle ne voulait pas blesser l’orgueil du fonctionnaire. Mme Guilbault lui a conseillé de dire clairement au fonctionnaire qu’il ne l’intéressait pas et lui a demandé si elle souhaitait qu’elle-même intervienne. La collègue lui a répondu qu’elle s’occuperait elle-même de cette affaire.

76 Le 11 octobre 2010, la collègue a parlé au fonctionnaire. Il a semblé comprendre, puis il s’est excusé. Le vendredi 15 octobre 2010, la collègue est retournée voir Mme Guilbault. Elle lui a dit que même si, selon elle, le fonctionnaire avait compris, il lui a tout de même demandé de l’appeler chez lui ce soir-là. Mme Guilbault lui a conseillé d’appeler le fonctionnaire pour l’informer clairement de sa position, puis de l’appeler ensuite pour lui dire ce qui s’était passé. Mme Guilbault a affirmé qu’elle n’avait pas donné une directive, mais plutôt un conseil. La collègue était d’accord.

77 Le même soir, la collègue a appelé Mme Guilbault et lui a dit que le fonctionnaire n’avait pas saisi le message. Mme Guilbault a offert d’intervenir et a dit qu’elle parlerait au fonctionnaire le lundi suivant. Le dimanche matin, Mme Guilbault a reçu un appel téléphonique de la mère de la collègue, qui lui a demandé si quelqu’un allait s’occuper de cette affaire au travail. Mme Guilbault lui a dit qu’il n’y avait eu aucune intervention officielle à ce jour, mais qu’elle parlerait au fonctionnaire le lendemain.

78 Le lundi 18 octobre 2010, Mme Guilbault a demandé au fonctionnaire de l’accompagner à l’extérieur de l’immeuble étant donné qu’elle n’avait pas de bureau fermé. Elle lui a demandé s’il savait pourquoi il se trouvait là, ce à quoi il a répondu qu’il n’était pas idiot, et que c’était en raison de l’appel téléphonique du vendredi soir. Il lui a dit qu’il n’y était pour rien, et que la collègue avait fait tout son possible pour qu’il tombe amoureux d’elle. Mme Guilbault lui a demandé ce qu’il faisait compte tenu de la différence d’âge et elle lui a dit qu’il n’intéressait pas la collègue, qu’il ne l’avait jamais intéressée et qu’il ne l’intéresserait jamais. Mme Guilbault a affirmé qu’elle ne faisait que répéter ce que la collègue lui avait dit.

79 Mme Guilbault a dit au fonctionnaire qu’il venait d’obtenir le statut d’emploi pour une durée indéterminée et qu’il ne devait pas le compromettre. Il a répondu que d’autres employés travaillaient dans les mêmes lieux de travail et se fréquentaient. Il a ajouté qu’il souhaitait que la collègue vive avec lui et qu’il prendrait bien soin d’elle. Il a répété qu’il était amoureux d’elle.

80 Mme Guilbault a dit au fonctionnaire qu’elle ne lui souhaitait aucun mal et qu’il travaillait très bien. Elle a ajouté que, s’il promettait de mettre fin immédiatement à ses avances envers la collègue et de la traiter simplement comme une collègue, l’affaire resterait entre eux et ne serait pas renvoyée à la direction. Il a accepté.

81 Le même jour, Mme Guilbault s’est adressée officieusement à son chef d’équipe pour l’informer de la situation. Selon elle, un membre de la direction devait en être informé.

82 Le 20 octobre 2010, Mme LeBlanc a convoqué Mme Guilbault à son bureau et lui a dit qu’elle était au courant de la situation, parce que le fonctionnaire en avait parlé à Mme Green, s’étant senti menacé par Mme Guilbault. Celle-ci a alors parlé à Mme LeBlanc de la conversation qu’elle avait eue avec le fonctionnaire.

83 Le 22 octobre 2010, Mme Guilbault s’est adressée à Mme LeBlanc afin de convoquer une réunion d’urgence le jour même avec les parties intéressées, dans le but d’éviter toute situation du genre [traduction] « il a dit - elle a dit ». Mme LeBlanc a convoqué la réunion par courrier électronique (pièce G-3). Le fonctionnaire, la collègue, Mme Green, Mme LeBlanc et Mme Guilbault y ont assisté. Mme Guilbault a déclaré qu’elle-même, Mme Green et Mme LeBlanc ne s’étaient pas préparées à la réunion au préalable.

84 Dès le début de la réunion, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait droit aux services d’un avocat. Mme Guilbault était d’accord et elle a dit que la réunion n’aurait pas lieu. Il s’est opposé et il a précisé qu’il voulait dire qu’il avait des droits.

85 Mme LeBlanc a alors dit au fonctionnaire de cesser d’importuner la collègue par courrier électronique ou de vive voix, et de limiter les communications aux questions professionnelles. Il a alors raconté un rêve qu’il avait fait dans lequel la collègue avait fait l’objet de recherches et était arrivée chez lui « ensanglantée », selon ses termes.

86 Selon Mme Guilbault, il était évident que le fonctionnaire se faisait du souci pour la collègue. Il a dit qu’elle était malade et malheureuse. Il a ajouté en outre qu’elle n’était pas un ange et qu’elle avait fait tout son possible pour qu’il devienne amoureux d’elle. Elle souriait constamment et était de bonne humeur. Mme Guilbault a dit qu’ils avaient essayé de faire comprendre au fonctionnaire que la collègue agissait de même avec tout le monde, homme ou femme.

87 Pendant la réunion, la collègue a regardé le fonctionnaire droit dans les yeux et lui a dit qu’il devait comprendre qu’elle ne l’avait jamais aimé, qu’elle ne l’aimait pas et qu’elle ne l’aimerait jamais. Elle a ajouté qu’il avait 49 ans et qu’elle en avait 24. Mme LeBlanc et Mme Green ont répété la même chose au fonctionnaire, puis Mme Green lui a demandé s’il comprenait et s’il réalisait que la collègue pourrait porter des accusations contre lui s’il persistait et qu’elle pourrait même l’accuser de harcèlement sexuel. Mme Green a demandé au fonctionnaire s’il y avait quelque chose qu’il ne comprenait pas et que, si tel était le cas, elle lui expliquerait. Elle a ajouté qu’il venait d’obtenir le statut d’emploi pour une durée indéterminée, qu’il était en cours de stage et qu’il ne devait pas compromettre son poste.

88 Selon Mme Guilbault, la collègue a été réinstallée dans l’espace de travail voisin du sien au cours de la semaine suivante. À la suite du déménagement, la collègue lui a fait suivre les courriels montrant le pont à arches et les cerfs. Mme Guilbault a dit que ces courriels avaient été transmis à d’autres personnes, qu’elle avait dit à la collègue qu’ils avaient été envoyés avant la conversation avec le fonctionnaire, et que la question avait été réglée. Mme Guilbault n’est pas intervenue à l’égard de ces courriels.

89 Mme Guilbault a dit que la collègue lui avait remis une copie de sa déclaration écrite figurant dans le formulaire d’un prétendu rapport de police. Mme Guilbault a communiqué avec Mme Nadeau à la section des relations de travail, parce qu’elle était d’avis que la direction n’en faisait pas assez dans les circonstances. Elle avait le sentiment que la situation s’envenimait, et qu’elle ne devait pas se détériorer davantage. Le 1er novembre 2010, elle-même et la collègue ont rencontré Mme Nadeau afin d’obtenir des conseils sur la façon de régler l’affaire. Mme Nadeau a suggéré à Mme Guilbault de déposer une plainte, ce qu’elle ne souhaitait pas faire à ce moment-là, parce qu’elle espérait que l’affaire serait réglée. Elle a ensuite informé Mme LeBlanc de sa rencontre avec Mme Nadeau.

90 Le 3 décembre 2010, le fonctionnaire a appelé Mme Guilbault à son domicile et elle a accepté de parler avec lui. Il lui a dit qu’il n’allait pas bien et qu’il était triste, et qu’il souhaitait avoir des contacts avec la collègue. Il a ajouté qu’il l’aimait, et qu’avec son sourire, elle avait tout fait pour qu’il tombe amoureux d’elle. Il a ajouté qu’il était prêt à l’épouser, afin que personne ne puisse lui faire du mal. Mme Guilbault a dit que le fonctionnaire était sincère. Elle a fait allusion à la différence d’âge entre la collègue et lui, puis elle lui a dit qu’il méritait d’être heureux avec une personne de son âge. Elle a ajouté qu’il n’intéressait pas la collègue autrement qu’à titre de collègue de travail, ce à quoi le fonctionnaire a rétorqué que ce n’était pas vrai et que Mme Guilbault était responsable du manque d’intérêt de la collègue à son égard. Mme Guilbault lui a répondu qu’elle n’y était pour rien, que la collègue était mal à l’aise avec lui, qu’elle se sentait harcelée et qu’elle avait peur de lui. Avant de mettre fin à la conversation, Mme Guilbault a demandé au fonctionnaire si tout allait bien, puis elle lui a dit qu’elle ne lui souhaitait aucun mal. Elle voulait qu’il cesse d’importuner la collègue, ce à quoi il a rétorqué qu’il essayerait.

91 À ce moment de son témoignage, Mme Guilbault est devenue émotive. Elle a déclaré qu’à ce moment-là, elle était rendue au bout de son rouleau et elle a prié la direction de la retirer de ce dossier. Mme LeBlanc et Mme Fournier ont alors commencé à s’occuper de cette affaire.

92 Le 1er février 2011, le fonctionnaire s’est rendu au bureau de Mme Guilbault en déclarant qu’il devait lui parler. Il n’était pas censé la voir parce qu’elle se sentait mal à l’aise avec lui. Elle a néanmoins accepté de lui parler, puis ils sont allés à la cuisine afin de s’entretenir en privé. Le fonctionnaire lui a dit qu’il avait reçu la déclaration de la collègue, à laquelle il avait été invité à répliquer, et qu’il ne savait pas quoi faire. Il a ajouté que jusqu’à ce jour, il aurait laissé une clé de sa maison à la collègue.

93 Le fonctionnaire a dit à Mme Guilbault qu’il était consterné, et que c’était la première fois qu’il entendait parler des allégations énoncées dans la déclaration. Elle lui a dit qu’elle lui en avait parlé lors de leur conversation du 18 octobre 2010 ainsi que celle du 22 octobre 2010. Mme Guilbault a ajouté que Mme Fournier lui avait dit à plusieurs reprises, par courrier électronique, qu’il devait s’abstenir de tout contact avec la collègue, et qu’ils avaient été séparés au travail en raison de ses tentatives ininterrompues de communiquer avec elle.

94 À la question de savoir si elle avait présenté son fils à la collègue afin qu’elle le fréquente, Mme Guilbault a nié catégoriquement que c’était le cas et a fourni des motifs à l’appui de son allégation.

95 À la question de savoir comment la collègue en était arrivée à travailler dans le même espace de travail que le fonctionnaire, Mme Guilbault a répondu que, bien que la collègue fût dans son équipe, elle avait été installée de l’autre côté de l’étage en raison d’une pénurie de locaux. Sa réinstallation éventuelle n’a pas été faite à la demande du fonctionnaire, et Mme Guilbault n’a pas décidé à quel endroit elle serait réinstallée.

96 En ce qui concerne la question des reins de la collègue, Mme Guilbault a dit qu’elle n’en savait rien, et qu’elle en avait entendu parler pour la première fois par l’intermédiaire du fonctionnaire. Elle a alors parlé à la collègue du fait qu’il avait été porté à son attention qu’elle devait subir une greffe de rein. La collègue a réagi avec incrédulité, puis s’est exclamée : [traduction] « Absolument pas! » Mme Guilbault a dit qu’à un moment donné, la collègue a été atteinte d’une infection des voies urinaires.

97 À la question de savoir à quand remontait son plus récent achat de préservatifs, Mme Guilbault a réagi en se montrant fort indignée, puis s’est exclamée : [traduction] « Jamais! » Elle a affirmé ne pas comprendre le contexte de la question. On lui a alors demandé à quand remonte la dernière fois où elle a été en possession d’une boîte de préservatifs. Elle a répondu : [traduction] « Jamais de ma vie! »  

98 Mme Guilbault a dit qu’elle ne se souvenait pas d’avoir eu avec la collègue une conversation au cours de laquelle elle lui aurait dit que le fonctionnaire risquait de perdre son emploi. Elle a nié avoir déjà dit que le fonctionnaire était débrouillard et qu’il trouverait un moyen de se sortir de la situation.

99 Mme Guilbault a dit qu’il était possible qu’elle ait envoyé un courriel à la collègue, afin de la féliciter de son bon travail, comme elle le faisait pour plusieurs employés. À la question de savoir si elle avait également dit à la collègue qu’elle était en voie d’obtenir le statut d’emploi pour une durée indéterminée, Mme Guilbault a répondu qu’elle ne participait pas à ce processus, puisqu’un employé doit poser sa candidature à un concours pour obtenir ce statut.

100 Le fonctionnaire a demandé à Mme Guilbault si elle avait remarqué, lorsqu’il l’avait appelée à son domicile, qu’il avait besoin d’aide et qu’il était en état d’ébriété. Elle a répondu avoir remarqué qu’il pleurait et qu’il demandait de l’aide. Elle ne savait pas s’il était en état d’ébriété et il ne l’a pas mentionné pendant leur conversation. Il a toutefois mentionné qu’il était triste.

101 Mme Guilbault a soutenu qu’elle ignorait que Mme LeBlanc avait confirmé au fonctionnaire, en présence d’autres personnes, que la collègue avait déjà subi une opération aux reins.

102 À la question de savoir si d’autres incidents mettant en cause la collègue et d’autres employés étaient survenus au travail, Mme Guilbault a répondu que tout ce qu’elle savait, c’était que la collègue avait des amis au travail et qu’ils prenaient part à des activités en dehors du travail.

103 À la question de savoir si elle avait glissé une boîte de préservatifs dans le sac à main de la collègue Mme Guilbault a répondu par la négative et a dit qu’elle ne fouillerait jamais dans le sac à main d’une autre personne, pas même celui de sa fille, parce qu’un sac à main est personnel pour une femme. Par la suite elle a demandé si, étant donné l’intensité de la situation dans le milieu de travail, le fonctionnaire pensait qu’elle aurait versé de l’huile sur le feu.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

104 L’employeur s’est opposé à ma compétence à instruire et à trancher ce grief. Il a fait valoir que comme il été démontré en preuve, le fonctionnaire était en cours de stage, il avait reçu une indemnité tenant lieu de préavis et son licenciement était fondé sur des motifs liés à l’emploi. L’employeur n’était pas tenu d’exposer ses motifs. Celui-ci a en outre fait valoir qu’un seul motif lié à l’emploi suffit pour justifier un renvoi en cours de stage.

105 Selon l’employeur, afin de justifier ma compétence, le fonctionnaire devait démontrer que la décision de l’employeur ne se fondait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à occuper l’emploi, et qu’il s’agissait plutôt d’une invocation factice de la LEFP, d’un subterfuge ou d’un camouflage.

106 Selon l’employeur, la preuve a démontré que les superviseurs et la direction avaient donné des directives claires au fonctionnaire en ce qui concerne ses rapports avec la collègue. L’employeur a invoqué la discussion de Mme Guilbault avec le fonctionnaire lors des réunions tenues les 18 et 22 octobre 2010, auxquelles ce dernier et la collègue avaient tous deux assisté. L’employeur a aussi invoqué les restrictions imposées au fonctionnaire lors de la réunion du 4 janvier 2011, que Mme Fournier avait réitérées dans le courriel qu’elle lui avait envoyé le 21 mars 2011 (pièce E-6).

107 L’employeur a invoqué la note du fonctionnaire qui accompagnait les fleurs que ce dernier a envoyées à la collègue en mars 2011, dans laquelle il a dit qu’il prenait un risque. L’employeur a fait valoir que le témoignage du fonctionnaire voulant que le risque évoqué était une allusion à son offre de donner un rein, ne correspondait pas au reste de la note, où il déclare être toujours célibataire. Selon l’employeur, il s’agissait d’insubordination, ce qui est suffisant pour justifier un renvoi en cours de stage.

108 L’employeur a fait valoir que l’allégation du fonctionnaire selon laquelle il n’était pas amoureux de la collègue contredit la preuve. L’employeur a mentionné le courriel du fonctionnaire daté du 4 octobre 2010 (pièce G-2), dans lequel il a demandé à la collègue de le rencontrer au Starbucks, et incluant la phrase [traduction] « Sois là, chérie ». L’employeur a en outre souligné la déclaration du fonctionnaire à la pièce G-1, onglet 20, concernant la conversation téléphonique avec la collègue le 15 octobre 2010, au cours de laquelle il a reconnu être coupable de s’être épris d’elle. L’employeur a fait valoir que la crédibilité du fonctionnaire devait être évaluée par rapport à la preuve dans son ensemble, conformément aux facteurs énoncés dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.).

109 L’employeur a souligné que le fonctionnaire avait confirmé que, pendant la conversation téléphonique avec la collègue, le 15 octobre 2010, celle-ci lui a dit qu’elle ne souhaitait pas fréquenter un collègue. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne croyait pas que ce que la collègue lui avait dit à la réunion du 22 octobre 2010 était la vérité, et que la direction avait orchestré ce scénario.

110 Selon l’employeur, le fonctionnaire a confirmé qu’après la réunion du 22 octobre 2010, la collègue et lui ne s’étaient plus parlé, et que celle-ci n’avait plus échangé de courriels avec lui, même s’il cherchait à communiquer avec elle.

111 L’employeur a fait valoir que l’enjeu en l’espèce n’est pas le rendement au travail du fonctionnaire, mais plutôt sa conduite au travail. L’employeur a fait valoir que pour justifier un renvoi en cours de stage, il n’est pas nécessaire d’établir un cycle d’inconduite, mais qu’un seul incident suffit. Il a fait valoir que le concept de l’aptitude à occuper l’emploi comprend le comportement approprié au travail. L’employeur a en outre fait valoir qu’en l’espèce, la preuve produite allait au-delà du fardeau de la preuve dont l’employeur doit s’acquitter dans les affaires de renvoi en cours de stage.

112 À l’appui de ses arguments, l’employeur a cité : Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 67; Sved c. Administrateur général (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2012 CRTFP 16; Cornejo Ruiz c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2012 CRTFP 44; Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134.

B. Pour le fonctionnaire

113 Le fonctionnaire a fait valoir que sa position est celle établie dans sa documentation écrite et que sa version est étayée par toutes les pièces qu’il a déposées.

114 Pour ce qui est du témoignage de Mme Guilbault, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas dans l’intérêt supérieur de Mme Guilbault de reconnaître qu’elle avait placé la boîte de préservatifs dans le sac à main de la collègue. Quant au don de rein, il a dit qu’il n’était pas dans l’intérêt supérieur de Mme Guilbault, en qualité de superviseure, de reconnaître que la collègue avait besoin d’un tel don.

115 À l’appui de ses arguments, le fonctionnaire m’a renvoyé à Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 9 et Seager c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-28549 (19990115).

IV. Motifs

116 Avant d’aborder les questions soulevées par le grief, je souhaite commenter la preuve documentaire présentée en l’espèce. La collègue n’a pas témoigné. Cependant, à l’exception des lettres d’offre d’emploi et de renvoi en cours de stage, ainsi que de la note du fonctionnaire qui accompagnait les fleurs qu’il avait envoyées à la collègue, que M. Benocci a produite, tout le reste de la preuve documentaire a été déposé par le fonctionnaire ou par l’intermédiaire de celui-ci. En aucun moment pendant l’audience celui-ci ne s’est opposé à la présentation de cette preuve.

117 Les principes régissant la compétence d’un arbitre de grief nommé en vertu de la LRTFP dans les cas de renvoi en cours de stage ont été énoncés en ces termes dans Premakanthan :

44 La compétence d’un arbitre de grief nommé en vertu de la LRTFP en vue d’instruire une affaire portant sur un renvoi en cours de stage est régie par des principes juridiques établis de longue date, que l’on retrouve notamment dans Jacmain, Penner et Leonarduzzi, et plus récemment dans Tello. En premier lieu, il convient de souligner qu’un administrateur général a le droit de renvoyer un fonctionnaire en cours de stage à tout moment, sans avoir à prouver un motif déterminé, pourvu qu’il ait donné au fonctionnaire un préavis ou une indemnité en guise de préavis. C’est ce qui ressort du libellé de l’article 62 de la LEFP :

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des Finances publiques […]

          […]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

En deuxième lieu, selon le paragraphe 211a) de la LRTFP, un grief portant sur un licenciement en vertu de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage; cette disposition est libellée comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

          […]

Ainsi, un arbitre de grief a compétence pour instruire un grief portant sur un renvoi en cours de stage lorsque celui-ci n’a pas été effectué sous le régime de la LEFP ou a invoqué de façon factice la LEFP, est un subterfuge ou un camouflage. En troisième lieu, il convient de rappeler que la raison d’être d’une période probatoire est de donner l’occasion à l’administrateur général d’évaluer l’aptitude d’un fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié. Donc, lorsqu‘un fonctionnaire établit que le renvoi en cours de stage n’est pas fondé sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié, un arbitre de grief a compétence pour statuer sur le licenciement du fonctionnaire.

118 Le fait que le fonctionnaire a été renvoyé au cours de son stage probatoire de 12 mois et qu’il a reçu une indemnité tenant lieu de préavis, conformément au paragraphe 62(2) de la LEFP,n’est pas contesté.

119 Les motifs de l’employeur en ce qui concerne le licenciement du fonctionnaire ont été énoncés précédemment dans la présente décision et sont reproduits ci-dessous par souci de commodité :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à l’examen des préoccupations liées à votre conduite au travail dans le contexte de votre période probatoire.

L’examen et vos aveux ont permis de confirmer que vous aviez eu un comportement inapproprié envers une collègue. L’examen confirme aussi que vous avez continué à essayer d’établir une relation amoureuse avec cette collègue, malgré le fait qu’elle vous a demandé d’arrêter, et que vous avez continué de le faire contrairement aux directives verbales et écrites qui vous ont été émises par la direction.

 […]

120 Il s’agit ici d’une affaire touchant les relations personnelles au travail. Au vu de la preuve, des échanges normaux entre collègues ont évolué au point où le fonctionnaire a développé un intérêt pour la collègue et a cherché à établir une relation amoureuse avec elle, même si cette dernière lui a dit que ses sentiments n’étaient ni réciproques ni voulus. Contrairement aux directives de l’employeur de mettre fin à ce comportement, le fonctionnaire a continué de pourchasser la collègue dans le milieu de travail, en tentant de faire évoluer ce qui semble avoir été une obsession.

121 Le 4 octobre 2010, le fonctionnaire a envoyé un courriel à la collègue, afin de lui demander de le rencontrer au Starbucks le lendemain matin pour discuter d’un sujet quelconque. Lorsqu’elle a répondu par courrier électronique quelques minutes plus tard, elle lui a demandé ce qu’il voulait discuter et il a répondu que c’était au sujet d’un cauchemar qu’il avait fait à son sujet, puis il a terminé en disant : [traduction] « Sois là, chérie ». Mme Guilbault a déclaré que le lendemain, la collègue lui a dit que le fonctionnaire souhaitait la fréquenter, mais qu’elle n’était pas intéressée. C’est à ce moment que la direction a pris connaissance du comportement du fonctionnaire en milieu de travail. Elle a conseillé à la collègue de signifier clairement son désintérêt. Mme Guilbault a déclaré que le 11 octobre 2010, la collègue lui a dit qu’elle avait parlé au fonctionnaire, et qu’il semblait avoir compris et s’était excusé.

122 Au cours de leur conversation téléphonique du 15 octobre 2010, le fonctionnaire a demandé à la collègue d’être son amie de cœur. Elle lui a répondu qu’il était déconseillé de fréquenter des collègues. Lorsqu’elle a parlé avec Mme Guilbault à la suite de cette conversation, elle lui a dit que le fonctionnaire n’avait pas compris qu’il ne l’intéressait pas.

123 Le 18 octobre 2010, Mme Guilbault a expliqué clairement au fonctionnaire qu’il n’intéressait pas du tout la collègue. Elle lui a dit de mettre fin à son comportement, à défaut de quoi elle interviendrait. Elle lui a dit également qu’il venait d’obtenir le statut d’emploi pour une durée indéterminée et qu’il ne devait pas le compromettre. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait compris qu’il devait cesser d’adresser la parole à la collègue et qu’il avait le sentiment que son emploi en jeu.

124 Le même jour, soit le 22 octobre 2010, Mme LeBlanc a convoqué une réunion à la demande de Mme Guilbault. Elle a déclaré que cette réunion n’avait pas été préparée au préalable. Mme LeBlanc a enjoint au fonctionnaire de cesser d’importuner la collègue par courrier électronique ou de vive voix, et de limiter ses communications aux affaires professionnelles. La collègue lui a dit qu’il ne l’intéressait pas. Mme Green lui a dit qu’il avait obtenu le statut d’emploi pour une durée indéterminée, qu’il était en cours de stage et qu’il ne devait pas compromettre son poste. Le fonctionnaire a déclaré que lorsque la collègue lui a dit qu’il ne l’intéressait pas, il ne l’avait pas cru.

125 Subséquemment, l’employeur a placé le fonctionnaire et la collègue dans des espaces de travail distincts. Malgré les directives l’invitant à s’en abstenir, le fonctionnaire a envoyé des courriels à la collègue les 29 novembre et 10 décembre 2010, dans le but d’établir une communication. Entre ces dates, soit le 3 décembre 2010, il a appelé Mme Guilbault à son domicile et lui a dit qu’il aimait la collègue. Mme Guilbault lui a répété qu’il n’intéressait pas la collègue, que celle-ci se sentait harcelée et qu’elle avait peur de lui. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a maintenu qu’il était faux que la collègue ne s’intéressait pas à lui, puis il a blâmé Mme Guilbault, en l’accusant de contrôler la collègue.

126 Le 4 janvier 2011, le fonctionnaire a assisté à une réunion avec Mme Fournier et un représentant syndical. Il y a été informé que la division des relations de travail enquêtait sur la situation vécue avec la collègue. On lui a alors donné des directives strictes, en vertu desquelles il devait éviter tout contact avec la collègue – comme l’indique le résumé de la réunion à la pièce G-1, onglet 15 –, à défaut de quoi il pourrait être suspendu. Ces directives ont été réitérées dans un courriel que Mme Fournier lui a envoyé le 21 mars 2011. Le 22 mars 2011, le fonctionnaire a envoyé des fleurs à la collègue au travail, en y joignant une note disant qu’il était conscient de prendre un risque en communiquant avec elle et qu’il était toujours célibataire.

127 Selon la preuve, il a clairement été démontré que l’employeur croyait raisonnablement que le comportement du fonctionnaire visant à établir une liaison amoureuse avec la collègue était importun. Le fonctionnaire a décidé de ne pas accepter cette réalité et a maintenu sa conduite, en dépit des directives claires de la direction. Il a interprété sa relation avec la collègue sous un prisme déformant, et certaines parties de son témoignage étaient tellement loin de la réalité qu’elles relevaient du fantasme. J’inclus les trois exemples ci-dessous à titre de référence.

128 En premier lieu, le fonctionnaire a affirmé que Mme Guilbault lui avait dit que la collègue avait besoin d’un don de rein, et que s’il voulait la fréquenter, il devait lui faire don d’un rein, auquel cas il ferait l’objet d’une promotion importante et serait muté. Mme Guilbault a nié avoir dit cela et a déclaré que le fonctionnaire lui avait appris que la collègue avait besoin d’un rein. Lorsqu’elle a demandé à la collègue si tel était le cas, celle-ci a réagi avec incrédulité. Il est inconcevable qu’un superviseur ou un gestionnaire fasse une pareille déclaration à un employé. Je crois le déni catégorique de Mme Guilbault, parce qu’elle a déclaré qu’elle ne savait pas que la collègue nécessitait un don de rein avant d’en être informée par le fonctionnaire. De plus, elle n’a pas été contre-interrogée sur cette question. Enfin, pour les motifs établis au paragraphe 131 de la présente décision, j’estime que Mme Guilbault est crédible.

129 En deuxième lieu, le fonctionnaire a affirmé qu’il avait vu Mme Guilbault glisser une boîte de préservatifs dans le sac à main de la collègue pendant qu’elle s’était absentée de son bureau. Mme Guilbault ne se trouvait pas dans la salle d’audience lors du témoignage du fonctionnaire. Pendant l’interrogatoire principal, lorsqu’on lui a demandé à quand remontait son dernier achat d’une boîte de préservatifs ou quand elle avait été en possession d’une boîte de préservatifs pour la dernière fois, il était évident que Mme Guilbeault était indignée de se faire poser une telle question.

130 En troisième lieu, le fonctionnaire a déclaré que Mme Guilbault souhaitait présenter son fils à la collègue afin qu’ils se fréquentent, ce que Mme Guilbault a nié catégoriquement.

131 J’estime que Mme Guilbault est un témoin tout à fait crédible. Elle a réagi avec émotivité et sincérité aux questions concernant le prétendu besoin d’une greffe de rein de la collègue et les allégations du fonctionnaire voulant qu’elle ait glissé une boîte de préservatifs dans le sac à main de la collègue et qu’elle souhaite que cette dernière fréquente son fils. Son témoignage à cet égard démontre, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du fonctionnaire sur ces mêmes questions n’est dans les faits pas fondé. Pris dans son ensemble, le témoignage de Mme Guilbault démontre qu’elle était préoccupée par le fait que la conduite du fonctionnaire compromettait son statut d’emploi pour une durée indéterminée nouvellement acquis, ce qu’elle lui a dit. Elle lui a également clairement dit que sa conduite envers la collègue était inappropriée. L’affirmation du fonctionnaire voulant que Mme Guilbault ait sapé sa relation avec la collègue, ne tient pas en regard du témoignage de Mme Guilbault. Lorsque les témoignages respectifs du fonctionnaire et de Mme Guilbault se contredisent, je préfère celui de Mme Guilbault.

132 L’ensemble de la preuve et de l’argumentation du fonctionnaire avait pour objectif de souligner le fait qu’il n’avait commis aucun acte justifiant la prise de mesures disciplinaires. Il a nié avoir harcelé la collègue et a allégué que dans cette affaire, il avait lui-même été victime d’un complot quelconque, soit de la part de la collègue afin qu’elle puisse obtenir un poste d’une période indéterminée, soit de la part de Mme Guilbault, en raison de son amitié avec la mère de la collègue. Il a reconnu s’être [traduction] « épris » de sa collègue, mais tant dans ses déclarations écrites que dans son témoignage de vive voix, il a nié avoir été coupable de harcèlement de quelque façon que ce soit.

133 Je conclus, sur le fondement des propres déclarations écrites du fonctionnaire et de son témoignage, que l’employeur avait des motifs justifiant la prise de mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, mais qu’il a décidé de ne pas les prendre. Cela ne permet pas pour autant de conclure que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée, ni d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi (Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 72). Même si un employé peut faire l’objet de mesures disciplinaires en raison d’un comportement fautif, l’employeur peut tout de même décider de renvoyer cet employé en cours de stage, plutôt que d’imposer une mesure disciplinaire.

134 À défaut de démontrer que la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée, un subterfuge ou un camouflage, ou encore qu’elle a été prise de mauvaise foi, la Commission n’a pas compétence. L’employeur a démontré qu’il avait renvoyé le fonctionnaire en cours de stage après avoir tenté à plusieurs reprises de régler ce qu’il estimait raisonnablement être un comportement problématique au travail de la part du fonctionnaire. L’employeur a établi des motifs raisonnables, fondés sur une preuve non contredite, à l’appui de son évaluation démontrant que le fonctionnaire n’était pas apte à occuper son emploi. Malgré les avertissements donnés par écrit et de vive voix de ne plus communiquer avec la collègue, le fonctionnaire a néanmoins fait preuve d’un manque de jugement et a ignoré les directives de l’employeur, ce qui a eu pour conséquence de le rendre inapte à occuper un emploi continu. Dans ses déclarations écrites et même dans son témoignage à l’audience, le fonctionnaire ne semblait pas comprendre que ses sentiments envers la collègue étaient importuns. Il a déclaré que, pendant la réunion du 22 octobre 2010, la collègue semblait très nerveuse et que, lorsqu’elle lui a dit qu’il ne l’intéressait pas, il ne l’a pas cru. Il a aussi déclaré que la collègue ne lui avait jamais donné l’impression qu’il devait la laisser tranquille. Selon moi, cette preuve à elle seule suffisait pour permettre à l’employeur de conclure que le fonctionnaire était inapte à occuper un emploi continu, et qu’il n’avait d’autre choix que de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

135 Il est évident, comme il ressort de Tello, au paragraphe 127, que l’employeur a raison de soutenir qu’il incombe au fonctionnaire d’établir que son renvoi en cours de stage par l’employeur était une mesure disciplinaire déguisée, un subterfuge ou un camouflage, ou encore que cette décision avait été prise de mauvaise foi.

136 Comme le fonctionnaire n’a pas établi que la décision de le renvoyer en cours de stage était arbitraire, puisque l’employeur a avancé des motifs clairs et non contredits pour justifier sa décision, il incombait au fonctionnaire de démontrer que son licenciement était un subterfuge ou un camouflage. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462), on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir […] »

137 Dans cette affaire, l’enjeu ne concerne pas le rendement au travail du fonctionnaire, mais plutôt sa conduite au travail. Je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel le concept de l’aptitude à occuper un emploi comprend le comportement approprié au travail. Un employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que le lieu de travail est exempt de harcèlement. En l’espèce, l’employeur s’est acquitté de cette obligation. À maintes reprises, tant verbalement que par écrit, il a enjoint au fonctionnaire de mettre fin à son comportement envers la collègue et d’éviter tout contact avec elle. Il a aussi séparé physiquement leurs espaces de travail. Néanmoins, la conduite importune du fonctionnaire a persisté. Il doit assumer la responsabilité de son comportement.

138 J’estime que l’employeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait, soit de démontrer que le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage pour un motif valable lié à l’emploi.

139 Il incombait au fonctionnaire de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur n’éprouvait pas de bonne foi une insatisfaction à l’égard de son aptitude à exercer les fonctions de son poste, ou que le renvoi en cours de stage relevait d’une invocation factice de la LEFP, d’un subterfuge ou d’un camouflage.

140 Le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Il n’a présenté aucun élément de preuve laissant croire à une invocation factice, à un subterfuge ou à un camouflage. Ni preuves ni arguments ne donnent à penser que le renvoi en cours de stage était fondé sur une autre raison qu’un motif lié à l’emploi. Par conséquent, j’estime que je n’ai pas compétence pour instruire le présent grief.

141 Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante.) V. Ordonnance

142 J’ordonne la fermeture de ce dossier.

Le 9 décembre 2015.

Traduction de la CRTEFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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