Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée pour des motifs non-disciplinaires, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques – la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contestant son licenciement – l’agent négociateur a renvoyé en arbitrage le grief relatif au licenciement et il a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, en raison de son invalidité – en se fondant sur le principe établi dans Burchill, l’employeur a soutenu que l’arbitre de grief était privé de la possibilité d’aborder l’ allégation de discrimination puisque cette dernière n’avait pas été soulevée dans le grief relatif au licenciement – l’arbitre de grief a remarqué que l’essence même du principe établi dans Burchill porte sur l’équité procédurale – il a affirmé que la réelle question en litige était de savoir si l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, en raison de son invalidité et si, le cas échéant, les mesures d’adaptation à prendre à l’égard de son invalidité auraient constitué une contrainte excessive – l’arbitre de grief a alors insisté sur le fait que, non seulement l’employeur était entièrement au courant de ceci, mais, son avocat avait également présenté des éléments de preuve et des arguments démontrant les efforts de l’employeur pour prendre des mesures d’adaptation – l’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait aucune préoccupation quant aux questions de préjudice ou d’équité procédurale à l’égard de l’employeur lorsqu’il a déterminé qu’il avait compétence pour trancher l’ allégation de discrimination – l’arbitre de grief a conclu que, selon la preuve devant lui, une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’invalidité avait été démontrée – en faisant référence à Hydro Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, l’arbitre de grief a appliqué le critère suivant de la contrainte excessive : à la question de savoir si l’employeur a démontré qu’il avait pris des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, alors qu’en dépit de ces mesures, cette dernière était incapable de reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible – l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait démontré que, malgré les mesures d’adaptation prises à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, elle était incapable de reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible – par conséquent, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur s’était acquitté de son fardeau de la preuve et avait démontré une contrainte excessive. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20151028
  • Dossier: 566-02-9902 et 9903
  • Référence: 2015 CRTEFP 85

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

CATHERINE CALABRETTA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile)

employeur

Répertorié
Calabretta c. ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Goretti Fukamusenge, agent aux griefs et à l’arbitrage
Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
du 12 au 15 mai 2015.

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 25 avril 2014, la fonctionnaire s’estimant lésée, Catherine Calabretta (la « fonctionnaire ») a contesté [traduction] « la lettre de licenciement en date du 8 avril 2014 signée par Shawn Tupper, sous-ministre adjoint (le « SMA »), Gestion des urgences et programmes, Sécurité publique Canada. Je demande une consultation avec mon agent des relations de travail au sujet de ce grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. »

2 À titre de mesures correctives, Mme Calabretta a demandé [traduction] « que la lettre de licenciement mentionnée ci-dessus soit retirée immédiatement, que toutes les copies de cette dernière soient détruites en sa présence, qu’elle soit réintégrée sans perte de salaire ou d’avantages sociaux, et qu’elle fasse l’objet d’une réparation intégrale. »

3 La lettre de licenciement en date du 8 avril 2014 mentionnée au paragraphe 2 prévoit, en partie, ce qui suit :

[Traduction]

La présente fait suite à la communication antérieure, […] le 11 mars 2014, relativement à votre absence du lieu de travail en raison d’une maladie qui est survenue en juillet 2010. Même si un retour progressif au travail a été tenté en janvier 2013, il a finalement échoué et a mené à un autre congé de maladie à temps plein en juin 2013.

Afin de régler la situation en ce qui concerne votre congé non payé de longue durée, la direction a demandé d’obtenir une date de retour au travail possible. Malheureusement, les renseignements médicaux qu’elle a reçus indiquaient que votre retour au travail n’était pas possible dans un avenir prévisible […]. Même si un congé non payé est accordé afin d’assurer la continuité d’emploi pendant que vous n’êtes pas en mesure de travailler, selon les dispositions de la politique sur les congés et les modalités de travail spéciales du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, il ne peut pas être accordé indéfiniment. C’est à regret que je dois vous informer que je n’approuverai aucun autre congé non payé. Par conséquent, en vertu de mon pouvoir délégué conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin à votre emploi pour des motifs autres que des mesures disciplinaires, et ce, à compter de l’heure de fermeture des bureaux aujourd’hui […].

Je vous informe également que vous avez le droit de déposer un grief contre cette décision, conformément aux dispositions de votre convention collective.

4 Le 11 juillet 2014, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») a déposé deux renvois à l’arbitrage du grief. Un renvoi a été présenté en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »)relativement à une prétendue contravention à l’article 19 de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, portant sur l’élimination de la discrimination. L’autre renvoi a été déposé conjointement en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP (une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire), ainsi qu’en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP (la rétrogradation ou le licenciement d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (la « LGFP ») pour rendement insuffisant, ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite).

5 Une téléconférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 27 avril 2015. L’employeur a affirmé que le cas portait uniquement sur le grief déposé contre le licenciement non disciplinaire en 2014. Il a soutenu que l’affaire ne portait pas sur une allégation de discrimination ou de harcèlement, tel qu’il a été affirmé dans un des renvois à l’arbitrage, puisque ces questions avaient déjà fait l’objet d’un grief et qu’elles avaient été tranchées au dernier palier de la procédure de règlement des griefs avant le licenciement de la fonctionnaire et que ces griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage.

6 L’agent négociateur, l’AFPC, a soutenu que les griefs concernant l’allégation de discrimination et de harcèlement avaient été déposés de manière appropriée devant la Commission. De plus, il a été soutenu qu’une plainte en instance devant la Commission canadienne des droits de la personne alléguant que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire en raison de son incapacité devrait être regroupée et entendue conjointement avec les griefs.

7 J’ai décidé de remettre à plus tard le prononcé de ma décision et d’entendre le témoignage et les arguments relatifs à l’objection préliminaire soulevée par l’employeur durant l’argumentation finale. En ce qui concerne la compétence de la Commission pour entendre la plainte de la fonctionnaire en matière de droits de la personne, un délai pour l’échange d’arguments écrits a été établi afin que cette question puisse être tranchée avant l’audience des griefs. Le 28 avril 2015, l’agent négociateur a retiré la demande visant à instruire la plainte de la fonctionnaire en matière de droits de la personne conjointement avec les griefs.

8 L’audience a eu lieu du 12 au 15 mai 2015. L’employeur a appelé trois témoins, Shawn Tupper, Stephanie Dusablon, agente des relations de travail, et Nicola Epprecht, directrice régionale intérimaire, Sécurité publique Canada. L’agent négociateur a appelé quatre témoins, Danny Epstein, ancien directeur, Environnement Canada, Audrey Devlin, enquêtrice indépendante, Danielle Belleau, vice-présidente régionale, Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) et la fonctionnaire, Catherine Calabretta.

9 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, s. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013, une procédure amorcée en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 doit être assumée et résumée en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa version modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

10 Catherine Calabretta a commencé son emploi à la fonction publique fédérale en 2004, à Environnement Canada. Elle est passée d’un emploi temporaire à des postes à titre d’employée classifiée CR, AS-01 et AS-02. Elle a aimé son travail à Environnement Canada et sa contribution au ministère a été reconnue.

11 M. Epstein, l’ancien directeur régional d’Environnement Canada, à Toronto, a dit que Mme Calabretta avait travaillé dans sa direction générale à compter de 2004 et, en 2006, elle est devenue son adjointe exécutive. Il l’a décrite comme étant très professionnelle, discrète, respectueuse et faisant preuve de beaucoup d’initiative. Il a affirmé qu’elle était plus efficace dans une culture d’apprentissage où elle avait l’impression de faire partie d’une équipe et où l’initiative était reconnue. À l’inverse, il a déclaré que Mme Calabretta ne fonctionnerait pas bien dans une situation où elle ferait l’objet d’une microgestion et où il y a un manque de souplesse, surtout en ce qui concerne les heures de travail.

12 En février 2009, la directrice régionale intérimaire de l’époque de Sécurité publique Canada, en Ontario, a appelé M. Epstein en vue de recruter un employé qui faisait preuve d’initiative. Elle a expliqué qu’elle recrutait en vue de doter un poste classifié PM-02 et que cette personne serait susceptible de passer à un poste classifié PM-04 en un an. M. Epstein a pensé que Mme Calabretta conviendrait et il l’a encouragée à poser sa candidature pour le poste. Il l’a également recommandée.

13 Mme Calabretta a déclaré qu’elle avait entendu la directrice intérimaire parler en public au sujet du travail à Sécurité publique Canada et qu’elle était enthousiaste à l’idée de se joindre à cette section. Étant donné que M. Epstein était sur le point de prendre sa retraite, elle cherchait des moyens de faire avancer sa carrière. M. Epstein lui a recommandé de postuler au poste.

14 Mme Calabretta a passé une entrevue aux fins de la dotation du poste. Pendant l’entrevue, Mme Calabretta a insisté sur le fait qu’il était important que ses heures de travail soient de 7 h à 15 h, et ce, afin de répondre à ses besoins en matière de garde d’enfants. Elle a indiqué qu’elle avait été rassurée du fait que ses heures de travail privilégiées ne poseraient aucun problème.

15 Le poste lui a été offert et elle l’a accepté. Elle a commencé en juillet 2009. À sa première journée, elle a eu pour instruction de s’asseoir au comptoir d’accueil et elle a été informée que ses heures de travail seraient de 8 h à 16 h 30. Lorsqu’elle a soulevé ses préoccupations auprès de la directrice intérimaire, cette dernière lui a répondu que tout le monde devait faire ses preuves au comptoir d’accueil et que ce ne serait que temporaire.

16 Mme Calabretta a indiqué qu’après les trois premiers mois, il y avait très peu de travail à exécuter par un stagiaire et que les travaux à exécuter étaient menus. Elle a été affectée à des tâches comme arroser les plantes et laver la vaisselle. La directrice intérimaire l’a informée qu’elle n’était pas prête à accomplir des travaux plus importants. Elle était surveillée de près et son courriel faisait l’objet d’une vérification. Elle a commencé à se sentir mal à l’aise lorsqu’elle se rendait au bureau et elle se sentait isolée. Elle a déclaré qu’elle était assujettie à des remarques désobligeantes et à de l’intimidation de la part de la directrice intérimaire. Après avoir été assujettie à ce comportement pendant quelques mois, elle a soulevé ses préoccupations auprès du syndicat.

17 Elle a commencé à se retirer et elle ne pouvait se concentrer. Elle est devenue émotive en milieu de travail.

18 Elle a eu l’occasion de suivre un cours gratuit lié à son travail. Toutefois, la directrice intérimaire ne l’a pas autorisé à y assister. Elle a affirmé qu’elle avait refusé de signer son évaluation du rendement écrit qui comprenait des commentaires défavorables quant à sa ponctualité, puisque ses retards étaient attribuables à ses heures de travail et à sa situation relativement à la garde d’enfants. Elle a déclaré qu’elle reprenait toutes les heures perdues en raison de ses retards.

19 La fonctionnaire avait hâte de participer à la conférence du G-8 et du G-20, à Toronto, avec le reste du personnel du bureau. Le matin du début de la conférence, la directrice intérimaire l’a informée qu’elle n’y participerait pas. La directrice intérimaire lui a demandé de la rencontrer dans son bureau l’après-midi et elle lui a fait des commentaires défavorables et inappropriés quant à sa santé et sa situation familiale.

20 La fonctionnaire n’avait jamais été dans une position où elle estimait être obligée de se protéger. Elle était d’avis que la directrice intérimaire devenait très agressive à son égard.

21 Selon le diagnostic de son médecin, la fonctionnaire souffrait de dépression et d’anxiété importante qui aggravait une condition préexistante. Elle était d’avis que la directrice intérimaire souhaitait qu’elle quitte le ministère en lui disant qu’elle ne convenait pas et en l’encourageant à poser sa candidature pour d’autres postes. Toutefois, elle rendait sa recherche d’autres possibilités difficiles. La fonctionnaire a commencé à prendre des congés, un jour et ensuite deux.

22 La fonctionnaire a commencé à avoir des épisodes d’évanouissements. Elle s’est cogné la tête sur une console et a dû aller à l’hôpital.

23 Mme Calabretta a pris un congé de maladie prolongé à compter du 6 juillet 2010. Elle a déposé des notes médicales auprès de son employeur. La directrice intérimaire a demandé qu’elle lui donne des mises à jour de son état. Elle lui a envoyé une lettre à laquelle elle a joint une description de travail de son poste afin de lui permettre de déterminer, avec son médecin, si elle avait des limitations fonctionnelles relativement à sa capacité d’exercer ses fonctions pour que le ministère puisse déterminer si des mesures d’adaptation devaient être prises à son égard.

24 Le 10 septembre 2010, le médecin de la fonctionnaire a informé l’employeur que cette dernière demeurerait inapte à travailler jusqu’à avis contraire. La directrice intérimaire a demandé à obtenir une note de son médecin indiquant une date approximative de retour au travail ou qu’elle serait en congé jusqu’à avis contraire et, le cas échéant, de lui fournir régulièrement des mises à jour.

25 Le 1er novembre 2010, M. Chris Lorenz, le nouveau directeur régional intérimaire, a envoyé une lettre à Mme Calabretta dans le but de planifier une rencontre téléphonique avec elle et un représentant des relations de travail pour effectuer un suivi de son dossier. Entre-temps, l’ancienne directrice intérimaire est retournée à son poste d’attache.

26 Mme Calabretta a demandé à son agent négociateur de s’impliquer. Le 2 novembre 2010, M. Robin Kerrs a informé M. Lorenz qu’il était responsable du dossier de la fonctionnaire.

27 M. Lorenz a répondu à M. Kerrs le 8 novembre 2010 et l’a informé qu’une gestion efficace de l’incapacité exige un certain niveau de communication entre l’employé inapte et la direction et qu’il souhaitait mettre en place un régime selon lequel Mme Calabretta tiendrait la direction au courant des progrès relatifs à sa santé afin de permettre aux gestionnaires de répartir le travail plus facilement, et aussi pour maintenir la communication en vue d’assurer une réintégration plus facile au bureau au moment du retour de la fonctionnaire.

28 Le 8 novembre 2010, M. Kerrs a envoyé une lettre à M. Lorenz l’informant qu’il avait examiné un dossier provenant du président du syndicat local dans lequel il était question d’un certain nombre d’incidents vécus par Mme Calabretta, laquelle a décritsa réception de ses propositions. M. Kerrs a également indiqué que les détails relatifs à son dossier lui laissaient croire qu’il lui avait conseillé de déposer une plainte ou un grief en matière de harcèlement personnel, ainsi qu’une plainte officielle en matière de droits de la personne alléguant une discrimination fondée sur l’invalidité. Il a également informé M. Lorenz qu’il avait encouragé Mme Calabretta à répondre aux demandes de renseignements appropriées provenant du ministère quant à son état de santé.

29 Mme Dusablon a indiqué qu’il s’agissait de la première fois que les relations de travail du ministère étaient informées de l’allégation de harcèlement ou d’une plainte liée à la discrimination fondée sur l’invalidité.

30 Le 16 novembre 2010, une téléconférence a été tenue entre M. Lorenz, Mme Calabretta, Mme Jessica Roy, conseillère en matière de relations de travail, Mme Danielle Belleau, vice-présidente régionale, SESG, et M. Robin Kerrs en vue de déterminer l’état de santé de Mme Calabretta. Il a été déterminé qu’il était trop tôt pour discuter d’un retour au travail. Après la réunion, M. Kerrs a encore informé les représentants patronaux que, selon les renseignements dont disposait le syndicat, une plainte de harcèlement personnel serait probablement déposée et qu’il était vraisemblable qu’une plainte en matière de droits de la personne soit déposée.

31 Le 17 novembre 2010, Jessica Roy, Relations de travail, a rédigé une lettre à l’intention de Danielle Belleau dans laquelle elle a demandé qu’une réunion soit tenue pour discuter des allégations qui, selon les dires, seraient présentées. Elle a également indiqué que le ministère prenait les allégations très au sérieux et demeurait ouvert à tenir des discussions relativement à une solution informelle. Elle a aussi demandé des renseignements supplémentaires.

32 Mme Belleau a indiqué qu’elle était disposée à collaborer avec la direction et qu’elle y était ouverte. Toutefois, à ce stade, cela était prématuré, mais elle prévoyait tenir une réunion avec Mme Calabretta à la fin du mois.

33 Le 25 février 2011, M. Lorenz a rédigé une lettre à l’intention de Mme Calabretta, en guise de suivi de la conversation téléphonique du 16 novembre pour savoir comment elle allait et pour demander une mise à jour. Le 2 mars 2011, Mme Calabretta a informé M. Lorenz qu’elle faisait tout pour se rétablir.

34 Le 13 avril 2011, Mme Calabretta a communiqué avec la Commission canadienne des droits de la personne au sujet des allégations de discrimination à l’égard de son ancienne directrice intérimaire. Elle a soutenu qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur l’invalidité ou sur son état matrimonial découlant du refus de prendre des mesures d’adaptation à son égard, de son assujettissement à un milieu de travail empoisonné, de son traitement négatif particulier et du fait qu’on ne lui avait pas fourni un milieu de travail exempt de harcèlement.

35 Le 28 avril 2011, Mme Calabretta a présenté un grief dans lequel elle a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Je présente un grief parce que j’ai été victime de discrimination fondée sur l’invalidité, le sexe, la situation familiale et l’état matrimonial dans mon lieu de travail de la part de ma gestionnaire […] pendant la période de juin 2009 à août 2010, ce qui a fait que je suis assujettie à un traitement négatif particulier, à un milieu de travail non exempt de harcèlement et à un manquement de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation contrairement à l’article 19 de ma convention collective (groupe PA).

36 La mesure corrective demandée était la suivante : que le [traduction] « ministère de la Sécurité publique prenne les mesures appropriées pour mettre fin à ce comportement de la part de ma gestionnaire, que des mesures d’adaptation appropriées soient prises relativement à mon incapacité et que je fasse l’objet d’une mesure corrective intégrale. »

37 Le 29 avril 2011, la Commission canadienne des droits de la personne a envoyé une lettre à Mme Calabretta et au ministère portant sur ses allégations de discrimination. Ses allégations étaient reconnues dans la lettre et elle indiquait qu’aux termes de l’alinéa 41(1)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission pouvait refuser de statuer sur une plainte qui pouvait être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, aux termes d’une autre loi fédérale.

38 Selon la lettre, à titre d’employée au sein de la fonction publique, la fonctionnaire avait le droit, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique de déposer un grief relatif aux questions qu’elle a soulevées et, par conséquent, la Commission canadienne des droits de la personne n’accepterait pas une plainte à ce moment-là. La fonctionnaire a été encouragée à régler ses allégations de discrimination dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

39 Le 17 mai 2011, M. Louis Germaine, gestionnaire national, Relations de travail, du ministère, a rédigé une lettre à l’intention de Mme Calabretta en vue de l’informer que le sous-ministre de Sécurité publique Canada avait reçu une copie d’une lettre provenant de la Commission canadienne des droits de la personne et l’a avisé qu’elle pourrait avoir recours à la procédure de règlement des griefs et que la procédure de règlement des plaintes de harcèlement constituait également un autre mécanisme auquel elle pourrait avoir recours en ce qui concerne ses allégations. Il a ajouté qu’elle pourrait également consulter un représentant syndical pour obtenir des conseils sur la présentation d’une plainte de harcèlement.

40 À la mi-mai 2011, l’employeur et l’agent négociateur ont convenu que le grief de Mme Calabretta serait considéré comme en suspens en attendant la présentation et l’évaluation de toutes ses allégations dans le cadre de la procédure de règlement des plaintes de harcèlement.

41 À la mi-juin 2011, le représentant syndical de Mme Calabretta a présenté une plainte dans le cadre de la procédure de règlement des plaintes comprenant les allégations de harcèlement mentionnées dans son grief en date du 17 mai 2011. L’employeur a demandé des renseignements supplémentaires pour chaque allégation aux fins de l’évaluation de la plainte de harcèlement et de l’établissement du mandat de l’enquêteur.

42 Le 10 juin 2011, l’ancienne directrice intérimaire a été informée qu’elle avait été nommée en tant que défenderesse dans une plainte de harcèlement officielle. Une copie des allégations présentées par la plaignante à son égard lui a été fournie et elle a été informée qu’un certain nombre des allégations seraient renvoyées aux fins d’enquête. Le même jour, Mme Calabretta a également été informée des allégations qui seraient renvoyées aux fins d’enquête et de celles qui ne le seraient pas.

43 Le 9 décembre 2011, Mme Calabretta et l’ancienne directrice ont été informées que l’entreprise Audrey Devlin and Associates avait été embauchée pour mener une enquête des allégations.

44 Audrey Devlin a rencontré Mme Calabretta le 17 janvier 2012. Elle a aussi rencontré l’ancienne directrice intérimaire le 23 février 2012.

45 Le 29 mars 2012, un rapport provisoire sur les allégations de harcèlement a été rédigé par Mme Devlin. Le 14 mai 2012, une copie du rapport préliminaire a été envoyée à Mme Calabretta et à l’ancienne directrice intérimaire. Elles ont été invitées à examiner le rapport et à fournir directement à l’enquêtrice des commentaires, y compris des précisions, des corrections ou des renseignements supplémentaires, par écrit, au plus tard le 1er juin 2012.

46 Des retards importants sont survenus parce que l’ancienne directrice intérimaire était en congé de maladie de longue durée et que le médecin de cette dernière a indiqué que pour des raisons de santé, elle était incapable de répondre à ce moment-là à la plainte de harcèlement. Le rapport d’enquête n’a été achevé et envoyé aux parties qu’en août 2013.

47 Entre-temps, des discussions ont eu lieu avec Mme Calabretta au sujet d’un retour possible au travail. Le 16 juillet 2012, le ministère a rédigé une lettre à l’intention du médecin traitant de Mme Calabretta dans laquelle l’obligation du ministère de prendre des mesures d’adaptation était décrite. Dans la lettre, le ministère a aussi fait appel à l’expertise du médecin dans le but de déterminer si Mme Calabretta avait des limitations fonctionnelles à l’égard desquelles des mesures d’adaptation étaient nécessaires afin d’assurer la réussite du retour au travail. Le 17 septembre 2012, le ministère a reçu les renseignements médicaux du médecin de Mme Calabretta, lesquels indiquaient qu’elle était maintenant apte à retourner au travail, à condition que certaines mesures d’adaptation soient prises et que son retour soit effectué de manière progressive. La mesure d’adaptation la plus importante portait sur le fait que Mme Calabretta ne devait pas retourner travailler au Bureau de gestion des urgences, à Toronto. Par conséquent, elle n’était pas en mesure de retourner à son poste d’attache.

48 En raison de cette lettre, la direction a cherché des solutions de rechange relativement à l’emploi. Toutefois, le ministère faisait déjà l’objet d’une réduction de l’effectif. Il a été reconnu que le poste d’attache de Mme Calabretta, ainsi que le poste classifié PM-02 d’un autre employé seraient touchés et qu’ils devraient participer à un processus de sélection des fonctionnaires aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité (« SMPMD »). Il a été convenu avec le syndicat que la direction n’obligerait pas Mme Calabretta à participer au processus de SMPMD avant qu’elle soit de retour au travail à plein temps.

49 Mme Epprecht, qui était la directrice régionale de Sécurité publique de 2012 à janvier 2013, a été informée à l’automne de 2012 que Mme Calabretta retournerait au travail et qu’elle serait probablement placée à la direction des Subventions et des contributions du Centre national de prévention du crime (CNPC). Elle a été informée que Mme Calabretta était classifiée PM-02. Il n’y avait aucun poste classifié PM-02 au CNPC à ce moment-là et elle a donc pris les mesures nécessaires pour obtenir le curriculum vitæ de Mme Calabretta afin d’examiner son expérience pour déterminer comment cette dernière pourrait appuyer la direction. Ils ont demandé à Environnement Canada de fournir des commentaires quant à l’expérience de Mme Calabretta. Elle a tenté de créer un travail significatif pour Mme Calabretta. Des réunions préparatoires ont eu lieu avec toutes les parties concernées, y compris Mme Calabretta.

50 Mme Calabretta s’est présentée au bureau. Mme Epprecht avait reçu une lettre du médecin de Mme Calabretta dans laquelle il demandait qu’elle soit affectée à un poste de travail tranquille. Elle a trouvé un poste de travail tranquille, conformément à la demande du médecin. Elle a montré le lieu de travail à Mme Calabretta. Mme Calabretta a demandé un autre poste de travail. Mme Epprecht n’avait aucun problème à apporter le changement. Elle a envoyé un courriel à la rémunération et aux avantages sociaux afin de s’assurer que Mme Calabretta soit de nouveau inscrite sur la liste de paie. Elle prévoyait son retour en octobre.

51 Une réunion a eu lieu le 2 octobre 2012 entre Mme Calabretta, son représentant syndical, Mme Belleau et Mme Nichola Epprecht. La réunion avait pour objet de décrire le travail qui pourrait être attribué à Mme Calabretta au bureau du CNPC du même ministère, mais situé ailleurs à Toronto pour répondre à ses besoins en mesure d’adaptation. Les heures de travail proposées ont été discutées, soit quatre heures par jour avec une pause repas de 30 minutes entre 10 h et 14 h, trois jours par semaine. À la fin de la réunion, il semblait qu’une entente avait été conclue selon laquelle Mme Calabretta se présenterait au travail à ce bureau en vue d’un retour au travail progressif à compter du mardi 9 octobre 2012.

52 Le 5 octobre 2012, Mme Belleau a envoyé un courriel dans lequel elle indiquait qu’elle n’estimait plus que les mesures d’adaptation étaient acceptables et que, par conséquent, le retour au travail de Mme Calabretta serait retardé. Mme Belleau a indiqué, en partie, ce qui suit :

[Traduction]

[…] même si je reconnais que Nichola a fait de son mieux pour essayer de prendre des mesures d’adaptation pour notre membre, je me préoccupe du fait que l’inexistence du poste classifié PM-02, de fonctions précises et d’une description de travail fera en sorte de causer un préjudice à mon membre, ce à quoi, selon moi, elle  ne peut vraiment pas être exposée à ce stade. Cela n’aurait comme conséquence que d’entraîner un échec, conformément à ce qui a été effectué dans le passé, et qui a donné lieu à cette situation.

53 Mme Belleau a expliqué qu’elle était d’avis que la mesure proposée ne constituait pas une mesure d’adaptation appropriée, puisqu’il n’y avait aucun poste classifié PM-02. De plus, l’agent négociateur était préoccupé par le fait que Mme Calabretta ne devait pas exécuter de travaux financiers, puisque cela exigerait qu’elle relève d’une personne occupant un poste classifié CR-04. Mme Belleau a également pris connaissance du fait qu’en 2011 Mme Calabretta, ainsi qu’un autre employé classifié PM-02, avait été déclarée être une employée touchée et qu’elle serait tenue de participer à un processus de SMPMD. Selon elle, certaines des limitations décrites par son médecin n’étaient pas respectées puisqu’à l’origine, un poste de travail ouvert lui avait été attribué.

54 Mme Calabretta a déclaré que la raison pour laquelle la mesure d’adaptation n’était pas acceptable était le fait qu’il n’y avait aucun poste officiel qu’elle pouvait occuper, qu’aucune fonction d’emploi n’avait été précisément identifiée et qu’il n’y avait pas d’espace de travail approprié.

55 Les représentants patronaux ont exprimé leur surprise, car ils croyaient que la téléconférence du 2 octobre 2012 s’était bien déroulée. Toutefois, la création d’un nouveau poste était impossible à ce moment. Mme Epprecht a envoyé un courriel à Mme Calabretta pour lui demander des renseignements supplémentaires de son médecin traitant quant à la nature de ses besoins en matière d’adaptation et elle lui a également demandé de consentir à une évaluation de l’aptitude au travail par Santé Canada.

56 Mme Epprecht a expliqué qu’elle était surprise et que, même s’il n’y avait pas de poste classifié PM-02 dans la région de l’Ontario, il y en avait dans deux autres régions. Elle a déclaré avoir examiné les antécédents et les fonctions des postes classifiés PM-02 dans les autres régions. Même si le poste PM-02 n’existait pas techniquement en Ontario, tous les efforts avaient été déployés pour créer de nouvelles tâches conformes aux fonctions des deux autres postes. Elle ne créait pas le poste à partir de zéro.

57 Le syndicat a demandé une réunion avec le sous-ministre pour discuter de la situation de Mme Calabretta. Une réunion a été tenue le 10 décembre 2012, John Edmund, Danielle Belleau, Catherine Calabretta, Philippe Thompson, Nichola Epprecht et Stephanie Dusablon y ont assisté. Lors de cette réunion, le ministère a répété sa volonté de maintenir en poste Mme Calabretta et il a dit qu’il était disposé à prendre des mesures d’adaptation pour répondre à ses problèmes médicaux. Mme Calabretta a exprimé ressentir de l’anxiété relativement à la possibilité de retourner au travail et elle a confirmé qu’elle rencontrerait son médecin pour obtenir les renseignements requis pour prendre les mesures d’adaptation appropriées à son égard. Il a également été convenu que les tâches seraient déterminées en fonction d’un poste classifié PM-02 qui existait dans la région du Québec et qu’elle aurait droit à un plan d’apprentissage afin de l’aider à exécuter son travail.

58 Le 19 décembre 2012, une note médicale a été reçue qui confirmait que Mme Calabretta pouvait retourner au travail à temps partiel, soit neuf heures par semaine, et que ces heures seraient révisées de nouveau au fur et à mesure que l’état de santé de Mme Calabretta s’améliorerait.

59 Une réunion a eu lieu le 21 décembre 2012 au sujet du retour au travail de Mme Calabretta. Le directeur général et le président du syndicat y ont assisté. Pendant cette réunion, une longue discussion a eu lieu relativement aux fonctions que Mme Calabretta devrait exercer. Il a été convenu que Mme Calabretta retournerait au travail le 7 janvier 2013, selon un horaire progressif qui serait modifié en fonction de ses besoins médicaux; qu’un plan d’apprentissage et des objectifs de rendement lui seraient fournis; qu’on lui avancerait 19 jours de congé de maladie payé. Il a également été convenu que Mme Dusablon et Mme Belleau se rendraient à Toronto, lors du premier jour de travail de la fonctionnaire, afin de favoriser le retour au travail de cette dernière.

60 Mme Calabretta est retournée au travail le 7 janvier 2013. À ce moment, Mme Calabretta, Mme Belleau, Mme Epprecht et Mme Dusablon sont parvenues à une entente quant au type de travail que Mme Calabretta effectuerait, ainsi qu’à d’autres questions. Mme Calabretta était préoccupée par le titre de son poste. Elle ne souhaitait pas avoir un titre qui indiquait qu’elle exécutait un travail administratif. Mme Epprecht n’avait aucun problème à changer le titre et elle a collaboré avec la classification pour en arriver à un titre convenable.

61 Mme Epprecht a indiqué que son équipe avait souhaité la bienvenue à Mme Calabretta, et qu’il s’agissait d’une équipe très professionnelle et respectueuse. Mme Calabretta travaillait trois heures, trois fois par semaine. Elle assistait aux réunions des agents de programmes qui concernaient tous les membres du personnel. Selon ses souvenirs, elle était d’avis que pendant la période de janvier à avril 2013, l’intégration de Mme Calabretta à l’unité de travail se déroulait très bien.

62 Au début de février 2013, l’avance de 19 jours de congé de maladie de Mme Calabretta était épuisée parce que même si elle ne travaillait que neuf heures par semaine, elle recevait un salaire complet. Apparemment, les formulaires de congé non payé appropriés n’avaient pas été remplis. Cela a donné lieu à un trop-perçu important. Mme Calabretta a indiqué en avoir été surprise. Selon l’agent négociateur, le ministère devait continuer de payer le salaire complet de Mme Calabretta dans le cadre du règlement de la plainte de harcèlement.

63 Mme Belleau a approché Gina Wilson, sous-ministre adjointe (« SMA »), qui a accordé à Mme Calabretta une rémunération de trois semaines supplémentaires. Selon la position de la direction, elle faisait de son mieux pour adopter une approche équilibrée relativement à la situation de Mme Calabretta et elle s’efforçait à déterminer le plus rapidement possible les dates de médiation pour régler sa plainte de harcèlement.

64 En avril 2013, Mme Epprecht et Mme Calabretta ont discuté de la question de savoir s’il serait approprié d’effectuer une évaluation du rendement, laquelle est habituellement effectuée à la fin de l’exercice et après au moins six mois d’emploi. Selon Mme Epprecht, il s’agissait d’une bonne idée parce que l’évaluation serait positive.

65 Une évaluation du rendement écrite a été rédigée pour la période du 1er janvier au 31 mars 2013. Le rapport indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Catherine est retournée au travail à Sécurité publique Canada à temps partiel en janvier 2013, après une absence prolongée. Son poste d’attache est à la Gestion des urgences. Toutefois, elle est affectée au CNPC pour un avenir prévisible. Catherine est devenue membre d’une équipe qu’elle ne connaissait pas très bien antérieurement et elle travaille maintenant dans un domaine qui lui est nouveau. Catherine fait preuve d’initiative, de souplesse et d’une volonté à apprendre. Elle fait des efforts pour essayer d’accomplir les tâches elle-même avant de demander de l’aide et elle s’intéresse aux travaux accomplis par le CNPC, tel qu’en témoignent son enthousiasme et les questions qu’elle pose et/ou les points qu’elle soulève. Catherine est intégrée tranquillement, mais je m’attends à ce que les heures accrues permettent à Catherine d’exécuter des tâches plus concrètes, plus substantielles qui contribuent à la réalisation du mandat et qui contribuent à son propre apprentissage et perfectionnement et c’est ce que j’espère. Évaluation : Satisfait aux attentes.

66 Mme Calabretta a déclaré ne pas avoir signé l’évaluation du rendement parce que la fonctionnaire ne travaillait pas à sa pleine capacité, qu’il ne s’agissait pas d’une véritable affectation de travail et qu’elle n’avait pas eu la possibilité de démontrer ses forces. La fonctionnaire a écrit à Mme Epprecht et elle a indiqué qu’elle souhaitait que le ministère fournisse des plans concrets permanents quant à son avenir; elle a ajouté qu’elle avait acheminé ses préoccupations à Mme Belleau et qu’elle en avait parlé avec M. Thompson. Mme Epprecht a déclaré qu’elle n’avait aucun contrôle ou autorisation à cet égard.

67 Le 9 avril 2013 ou vers cette date, Mme Calabretta a rédigé un courriel à l’intention de Mme Epprecht. Dans ce courriel, elle s’est plainte du fait qu’il avait été convenu à la réunion de décembre 2012 que tout élément relatif à son emploi devait passer par le syndicat. Elle se demandait pourquoi son évaluation du rendement n’était pas passée par le syndicat. Elle a également déclaré qu’il avait été convenu que les tâches seraient attribuées par l’entremise de Mme Epprecht et que toutes les instructions lui seraient données par écrit. Elle a ensuite demandé pourquoi une tâche lui avait été attribuée par un collègue qui n’était pas au courant de ses mesures d’adaptation alors qu’il avait été convenu que Mme Epprecht lui attribuerait directement ses tâches. Elle a affirmé que Mme Epprecht allait à l’encontre des recommandations de son médecin et qu’elle érigeait des obstacles qui auraient une incidence sur son progrès dans le cadre de son retour au travail. Le syndicat est intervenu et a allégué que la direction assurait son échec.

68 Une téléconférence a eu lieu le 17 avril 2013 pour discuter des questions soulevées par Mme Calabretta dans son courriel à Mme Epprecht. Mme Calabretta, Louise Blouin, Mme Belleau, Mme Dusablon, M. Kerrs et Mme Epprecht étaient parmi les personnes qui y ont participé. Il a été convenu pendant la téléconférence que le syndicat ne participait habituellement pas à la gestion du rendement. Mme Calabretta a demandé à ce que les mauvaises nouvelles lui soient communiquées par l’entremise du syndicat. Elle a été informée que cela n’était pas toujours possible. Mme Epprecht a soulevé la possibilité que la paie de Mme Calabretta soit réduite si elle ne présentait pas les formulaires de congé appropriés. Il lui a été répété qu’il n’existait aucun poste classifié PM-02 au CNPC à ce moment-là, mais qu’à titre de mesure temporaire, les fonctions d’un poste PM-02 lui avaient été clairement communiquées. Il a été convenu que la direction préparerait une évaluation de l’aptitude au travail par Santé Canada que Mme Calabretta pourrait examiner avant de consentir à l’évaluation. Il a également été convenu que toute autre directive provenant de Mme Epprecht à l’intention de Mme Calabretta serait communiquée par écrit.

69 À l’audience, Mme Calabretta a indiqué qu’elle estimait faire l’objet d’une gestion accrue en raison de ses problèmes de santé. Elle s’est plainte du fait qu’énormément de documents à lire lui avaient été remis, ce qui, selon elle, n’était pas conforme aux directives de son médecin.

70 Mme Epprecht n’était pas d’accord avec le fait qu’ils préparaient l’échec de Mme Calabretta. Elle se souvenait que Mme Calabretta s’empressait de travailler et souhaitait participer davantage au travail du ministère. À ce stade, cela exigeait un apprentissage supplémentaire plutôt que de la pratique. Elle a déclaré avoir fait de son mieux pour attribuer personnellement les tâches à Mme Calabretta. Toutefois, dans le cadre de son rôle de gestionnaire, elle n’était pas toujours disponible et, dans une petite équipe, il n’était pas rare qu’un autre membre du personnel informe les employés des tâches à accomplir. Mme Epprecht a déclaré qu’elle ne savait pas si elle changerait la façon dont elle gérait Mme Calabretta et que tout le monde dans sa direction lui souhaitait une réussite. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais eu l’impression que ces mesures de gestion étaient contraires aux recommandations du médecin de Mme Calabretta et que la plupart des mesures qu’elle a prises avaient été autorisées par les Relations de travail ou la haute direction.

71 Mme Calabretta s’est plainte qu’elle ne pouvait pas accomplir les travaux de l’unité, Subventions et contributions, puisqu’elle n’avait pas suivi la formation nécessaire. Elle a reconnu qu’elle avait assisté à une réunion du personnel national à Ottawa qui avait été utile, mais elle aurait préféré suivre une formation plus concrète. Deux séances sur les Subventions et contributions ont été offertes par l’École de la fonction publique du Canada, une à Toronto et une autre à Ottawa. Elle ne pouvait pas s’inscrire au premier cours à Toronto parce que toutes les places étaient prises ou il n’était pas offert. Sa demande de formation à Ottawa relative aux Subventions et contributions a été approuvée. Toutefois, aucun suivi n’a été effectué.

72 Le 15 mai 2013, Mme Calabretta a informé Mme Epprecht qu’elle n’était pas disposée à consentir à une évaluation par Santé Canada. Mme Dusablon lui a expliqué que la direction avait besoin de l’évaluation par Santé Canada pour déterminer les autres mesures d’adaptation qui pourraient être prises à l’égard de Mme Calabretta, compte tenu des problèmes qu’elle a soulevés dans sa lettre du 9 avril 2013 et du fait que les notes médicales existantes n’étaient pas précises.

73 À partir du 21 mai 2013, Mme Calabretta a augmenté ses heures et a commencé à travailler 12 heures par semaine.

74 Elle a pris un congé de maladie à compter du 10 juin 2013 afin de se préparer à la médiation de sa plainte de harcèlement contre l’ancienne directrice. Elle a participé à un processus de médiation de trois jours, du 24 au 26 juin 2013.

75 À la conclusion de la médiation, les parties sont parvenues à une entente qui réglait en partie le différend. Il a été convenu que les heures de médiation seraient payées au titre d’heures de travail, ainsi que 30 heures supplémentaires au titre de téléconférences avec le médiateur. Il a également été convenu que le médiateur examinerait la description de travail actuelle avec Mme Epprecht pour déterminer les tâches exhaustives propres au travail et qu’ils élaboreraient ensuite un plan de retour au travail qui comprendrait des tâches de travail à court terme, à moyen terme et à long terme, conformément à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation avec l’appui du médecin de Mme Calabretta et de Mme Belleau. De plus, Mme Dusablon a accepté de fixer une réunion avec Mme Calabretta, le médiateur et Mme Belleau pour discuter et parvenir à une entente sur le protocole et la nature délicate de la communication.

76 Mme Calabretta n’est pas retournée au travail après la médiation.

77 Après la médiation, une réunion a été tenue entre les représentants patronaux et syndicaux pour discuter des mesures d’adaptation. Le syndicat cherchait un poste permanent. Toutefois, la direction était d’avis qu’il ne disposait pas de la souplesse nécessaire aux fins de la création d’un nouveau poste classifié PM-02 dans la région de l’Ontario. La discussion était axée sur le regroupement des fonctions sans réellement créer un nouveau poste et sur sa réintégration dans l’environnement de travail, ainsi que sur l’apprentissage des habilités administratives de base qui l’aideraient dans le cadre de son retour au travail.

78 Le 27 juin 2013, Mme Calabretta a informé Mme Epprecht qu’elle serait absente du travail pour des raisons médicales et qu’elle avait communiqué avec Sun Life pour réactiver sa demande de prestations d’invalidité. Mme Epprecht lui a répondu en l’informant que le ministère exigerait un certificat médical décrivant la durée de son absence et que, si une date de retour au travail possible ne pouvait être établie, une date de sa prochaine évaluation devait être indiquée.

79 Le 10 juillet 2013, Mme Calabretta a déposé un certain nombre de griefs. Il y avait notamment un grief sur la rémunération supplémentaire pour les heures de préparation à la médiation, un grief relatif au recouvrement du trop-perçu de salaire et un grief relatif au processus de médiation.

80 De plus, elle a déposé un grief relatif à un milieu exempt de harcèlement qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Je dépose le présent grief parce que le ministère de la Sécurité publique Canada ne m’a pas assuré un milieu de travail exempt de harcèlement, conformément à la politique du Conseil du Trésor, et ce, depuis le début de mon emploi en juillet 2009. Je conteste également le fait que le ministère n’a pas protégé mes droits dans le cadre de ce processus lorsqu’il a manqué à son obligation d’agir justement en n’achevant pas, en ne mettant pas au point et n’exécutant pas l’enquête de harcèlement en temps opportun et conformément à la politique du Conseil du Trésor. En outre, je présente un grief parce que j’ai été victime de discrimination de la part de mon superviseur en raison de ma maladie et de ma situation familiale et que le ministère a omis d’agir pour me protéger contre une telle discrimination lorsqu’il a été informé des actes discriminatoires. Je soutiens que le ministère a donc manqué à son obligation envers moi en vertu de l’article 19 de la convention collective PA. L’employeur a non seulement contrevenu à l’article 19 de la convention collective, mais il a également contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je soutiens également qu’en agissant de cette manière et en causant des retards indus et inutiles dans le traitement du harcèlement et du rapport de l’enquête en matière de discrimination, le ministère a empêché mon retour au travail réussi. Il a en outre fait en sorte de me rendre plus malade et il a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre à mes besoins aux fins de mon retour au travail dans un milieu exempt de harcèlement. L’omission de mener à terme une enquête en temps opportun constitue un autre exemple de leurs tentatives continues de me harceler et de discriminer à mon endroit. En guise de mesure corrective, je demande que l’enquête soit terminée avant le 23 juillet 2013 et qu’un milieu exempt de harcèlement me soit immédiatement fourni. Je demande également que le ministère m’offre un poste d’attache garantie et existant au niveau PM-04 au sein de l’organisation au bureau régional de Toronto et une réparation intégrale.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

81 Le 13 juillet 2013, le médecin de Mme Calabretta a fourni au ministère un certificat médical indiquant qu’elle devrait être évaluée de nouveau dans un mois.

82 Le 19 août 2013, le médecin de Mme Calabretta a informé le ministère qu’elle n’était pas apte à travailler pour des raisons médicales et qu’elle ne prévoyait pas son retour au travail avant quatre ou six mois après cette date.

83 Le 22 août 2013, M. Tupper a envoyé une lettre à Mme Calabretta à laquelle était joint le rapport définitif de l’enquêteur relativement à ses allégations de harcèlement contre son ancienne superviseure. M. Tupper a indiqué en partie ce qui suit :

[Traduction]

J’ai examiné attentivement le rapport rédigé par Devlin and Associate [sic] Canada et je ne suis pas satisfait de toutes les conclusions présentées par l’enquêtrice. Par conséquent, j’ai accepté les constatations de l’enquêtrice dans la mesure où elles se rapportent aux allégations 4, 7, 8 et 9, mais je conclus que ses constatations n’étaient pas fondées relativement à toutes les autres allégations.

84 Les allégations 4, 7, 8 et 9, tel qu’elles sont indiquées dans le rapport définitif sont ainsi rédigées :

[Traduction]

4. La défenderesse a-t-elle harcelé la plaignante en refusant de lui permettre de travailler le quart qui avait été convenu pendant le processus de recrutement, causant ainsi un stress important relativement à sa situation familiale et à sa capacité de se présenter ponctuellement au travail et, par la suite, en incluant la question du manque de ponctualité en tant que problème dans son Évaluation du rendement et appréciation de l’employé (« ERAE »)?

7. La défenderesse a-t-elle harcelé la plaignante lorsqu’elle a refusé de lui permettre d’être mutée au bureau de Dennison, alors que d’autres ont été autorisés à le faire, l’assujettissant ainsi à un traitement différent?

8. La défenderesse a-t-elle harcelé la plaignante lorsqu’elle lui a fait des commentaires inappropriés pendant une téléconférence à discussion ouverte, ce qui a fait en sorte que la plaignante se sente humiliée et embarrassée?

9. La défenderesse a-t-elle harcelé la plaignante lorsqu’elle ne l’a pas autorisé à suivre les cours de formation qui lui auraient permis d’accroître ses compétences alors que d’autres ont été autorisés à suivre les cours, créant ainsi un milieu « inéquitable »? La défenderesse a-t-elle harcelé la plaignante lorsqu’elle a refusé de répondre à ses besoins en formation découlant de son état sous-jacent?

85 M. Tupper a indiqué ce qui suit plus loin dans sa lettre :

[Traduction]

À la lumière de ce qui précède, j’ai conclu que vous avez été harcelé dans le cadre de votre emploi à Sécurité publique Canada et je prends les constatations de harcèlement au sérieux. Je suis heureux de vous informer que de nombreux changements ont été apportés à la gestion régionale et que le milieu de travail a fait l’objet d’une transformation importante depuis les événements qui ont donné lieu à votre plainte.

Nous continuons de nous efforcer à améliorer le moral dans les bureaux régionaux et je vous encourage à communiquer avec votre directrice, Mme Corita Harty, pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon de participer aux changements régionaux actuels.

86 Mme Dusablon a expliqué que le Conseil du Trésor avait délégué au ministère le pouvoir de déterminer les recommandations découlant d’une enquête de harcèlement qui seraient acceptées, ainsi que la mesure de réparation. En l’espèce, le ministère a déterminé que certaines des conclusions ne découlaient pas des éléments présentés à l’enquêtrice et, par conséquent, il n’a accepté que quatre des conclusions.

87 Mme Devlin, qui mène des enquêtes en milieu de travail depuis 1976, a indiqué qu’à l’origine, la plaignante avait formulé 18 allégations. Toutefois, le ministère n’a retenu que 12 allégations aux fins d’enquête. Elle a mené son enquête au début de 2012 et a présenté son rapport provisoire au ministère en mars de 2012. Le rapport définitif a été mis au point en août 2013. Le ministère lui avait donné pour instruction de ne pas terminer le rapport avant d’avoir obtenu la réponse de la défenderesse. La défenderesse était en congé de maladie le jour où a reçu le rapport provisoire de Mme Devlin.

88 Mme Devlin n’a pas été informée que seules quatre des allégations avaient été confirmées par le ministère et que ses conclusions relativement aux huit autres allégations avaient été rejetées. Elle a déclaré avoir reçu beaucoup de questions du ministère au sujet du rapport définitif et que plusieurs conversations téléphoniques avaient été tenues avec le ministère. Elle a affirmé que le ministère l’avait encouragé à modifier certaines de ses constatations, ce qu’elle n’était pas disposée à faire. Elle a indiqué que le ministère avait rejeté les constatations auxquelles il avait attaché la plus grande importance. Elle était d’avis que toutes les constatations devaient être fondées.

89 Le 6 septembre 2013, Mme Epprecht a envoyé une lettre au médecin de Mme Calabretta pour lui demander de clarifier si la période de quatre à six mois indiquait une date de retour au travail possible ou simplement la date à laquelle Mme Calabretta sera évaluée de nouveau.

90 Le médecin a répondu le 10 septembre 2013 en indiquant ce qui suit : [traduction] « […] tel qu’il a été indiqué antérieurement dans ma lettre du 19 août 2013, je ne prévois pas un retour au travail de la fonctionnaire avant quatre ou six mois. »

91 Le 2 octobre 2013, Mme Belleau a rédigé une lettre à l’intention de Mme Epprecht dans laquelle elle a mentionné qu’elle avait eu des discussions avec Mme Calabretta et que, au besoin, cette dernière serait prête à participer à une évaluation par Santé Canada.

92 Une demande officielle d’évaluation de l’aptitude au travail a été présentée le 18 novembre 2013.

93 Le 10 décembre 2013, M. Tupper a envoyé une lettre à Mme Calabretta relativement à la réponse au troisième palier à son grief initial du 28 avril 2011 qui avait été mis en suspens en attendant l’enquête de sa plainte de harcèlement :

[Traduction]

La présente constitue la réponse au grief que vous avez déposé le 17 mai 2011 dans lequel vous avez soutenu que vous aviez été victime de discrimination fondée sur l’invalidité, le sexe, la situation familiale et l’état matrimonial de la part de votre gestionnaire. […] J’ai examiné attentivement le rapport d’enquête de harcèlement rédigé par Mme Audrey Devlin, les arguments présentés dans votre grief, ainsi que les renseignements supplémentaires présentés par vos représentants de l’agent négociateur dans le cadre de l’audience du grief tenu le 13 novembre 2013. Tel qu’il est indiqué dans la lettre que je vous ai envoyée le 22 août 2013, j’ai accepté quatre des constatations de l’enquêtrice, dont trois étaient fondées. Par conséquent, je conclus que vous avez été victime de harcèlement de la part de votre gestionnaire à ce moment-là […] Cela étant, ni moi ni l’enquêtrice n’avons été en mesure d’établir, selon les renseignements compris dans le rapport, que le traitement négatif particulier auquel vous avez été assujetti dans le cadre de votre emploi était fondé sur un motif de discrimination illicite prévu à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Néanmoins, le harcèlement demeure une question très sérieuse qui ne sera pas tolérée à Sécurité publique Canada. Des changements importants ont été apportés au bureau de Toronto depuis les événements donnant lieu à votre plainte, y compris le départ de (votre ancienne gestionnaire). Par conséquent, je suis heureux de vous informer que les mesures correctives demandées dans votre grief ont été traitées. Je suis également au courant du fait que vous êtes en congé de maladie et je souhaite vous assurer que la direction régionale, ainsi que moi-même, sommes engagés à prendre des mesures d’adaptation pour répondre à votre état sous-jacent au point de contrainte excessive, conformément à notre obligation en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En raison de ce qui précède, il est fait droit à votre grief dans la mesure décrite ci-dessus.

94 Ce grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage.

95 Le même jour, M. Tupper a envoyé une lettre à Mme Calabretta relativement à la réponse au troisième palier relativement à son grief déposé le 10 juillet 2013 dans lequel elle a soutenu que l’employeur ne lui avait pas fourni un milieu de travail exempt de harcèlement depuis le début de son emploi en juillet 2009, entre autres allégations, lesquelles sont reproduites intégralement au paragraphe 80. La réponse indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

Milieu de travail exempt de harcèlement

La première partie de votre grief porte sur les allégations de harcèlement et de discrimination que vous avez présentées en 2011 et qui se rapportent aux événements survenus en 2009 et en 2010. Vous avez indiqué en outre que le ministère avait manqué à son obligation de vous protéger une fois qu’il a été informé des actes discriminatoires donnant lieu à votre plainte. Cela étant, votre représentant a indiqué clairement qu’aucune nouvelle allégation de harcèlement n’est présentée dans le cadre du présent grief. Puisque vous n’avez pas démontré une tendance de harcèlement continu, vous n’avez pas démontré que le ministère avait toléré des comportements discriminatoires ou de harcèlement une fois que les allégations ont été présentées. De plus, ces allégations se rapportent aux événements survenus en 2009 et en 2010 et elles sont visées par un grief antérieur déposé en 2011. Étant donné que vous n’avez soulevé aucune nouvelle allégation de harcèlement, cette partie de votre grief est hors délai, conformément à la clause 18.15 de votre convention collective. Même si la question de fond est traitée dans une réponse distincte au grief, je souhaite répéter que je prends très au sérieux les allégations de harcèlement fondées et que ces pratiques ne sont pas jugées acceptables par la direction. Par conséquent, vous pouvez continuer de vous attendre à avoir un milieu de travail sûr et sain si vous êtes jugée apte à retourner au travail.

Respect des délais – Enquête de harcèlement

[…] Je reconnais que le délai entre le dépôt de la plainte et son traitement était inhabituellement long, mais je souhaite vous rassurer que ces retards n’étaient ni indus ni inutiles et qu’ils ne relevaient pas entièrement de la responsabilité de l’employeur […]  Le retard le plus long pour achever ce processus était attribuable au fait qu’il a été nécessaire de mettre la plainte en suspens de mai 2012 au 7 juin 2013, puisque la défenderesse n’était pas en mesure de participer au processus pour des raisons médicales […] faire avancer l’enquête pendant que la défenderesse n’était pas en mesure d’y participer pour des raisons médicales aurait constitué une pratique discriminatoire que ce ministère ne tolère pas et ne pouvait envisager. Par conséquent, même si je suis d’accord avec vous pour dire que le délai nécessaire pour achever l’enquête relative à votre plainte était plus long que souhaitable, je n’estime pas que les retards étaient inutiles ou qu’ils ont été occasionnés par négligence ou de mauvaise foi.

Obligation de répondre aux besoins spéciaux.

[…] Encore une fois, je souhaite répéter que, pendant les deux audiences de griefs, vos représentants ont indiqué clairement que ce grief ne visait pas à présenter des allégations de harcèlement en plus de celles présentées en 2011. Par conséquent, selon ma compréhension, le milieu de travail où vous êtes retourné constituait un milieu exempt de harcèlement. Je souhaite également souligner que le travail qui vous a été attribué pendant ce retour a été établi en fonction des renseignements médicaux que vous avez fournis. De plus, le ministère a offert de vous envoyer à Santé Canada pour subir une évaluation de l’aptitude au travail à au moins deux reprises avant et pendant votre retour au travail progressif afin de nous assurer que nous disposions de tous les renseignements pertinents pour passer à la prochaine étape et que vous avez refusé de consentir à ce processus. Par conséquent, je conclus que le ministère s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation lorsqu’il a respecté les renseignements médicaux que vous lui avez fournis. De plus, rien dans les renseignements dont je dispose n’indique que vous avez été harcelé ou que vous avez été victime de discrimination dans le milieu de travail où nous avons tenté un retour au travail progressif. Par conséquent, votre grief est maintenu dans la mesure décrite ci-dessus.

96 Ce grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage. Le 10 décembre 2013, une réponse au dernier palier par M. Tupper a été donnée relativement aux autres griefs déposés le 10 juillet 2013 relativement à la rémunération aux fins de la préparation à la médiation, au recouvrement du trop-perçu et au processus de médiation. Aucun de ces griefs n’a été renvoyé à l’arbitrage.

97 Santé Canada a éventuellement terminé l’évaluation de l’aptitude au travail. Le 25 février 2014, il a informé l’employeur et Mme Calabretta qu’elle n’était pas actuellement apte à exercer les fonctions de son poste d’attache à titre d’agente de la gestion des urgences classifiée au niveau PM-02.

98 En réponse à la question [traduction] « si l’employé n’est pas actuellement apte à travailler, veuillez indiquer si une date de retour au travail peut être établi à l’heure actuelle et fondée sur les renseignements médicaux disponibles », Santé Canada a répondu que [traduction] « une autre évaluation de l’aptitude au travail pourrait être effectuée dans six à neuf mois pour déterminer si un retour au travail peut être tenté et la date de ce retour ».

99 Le 11 mars 2014, Corita Harty, qui avait été nommée entre temps directrice régionale, en Ontario, de la Gestion des urgences et des programmes, Santé publique Canada, a envoyé une lettre à Mme Calabretta. Elle a mentionné l’évaluation de Santé Canada qui indiquait qu’elle n’était pas actuellement apte à travailler et qu’une date de retour au travail ne pouvait pas être établie à ce moment-là. Elle a également mentionné la directive du Secrétariat du Conseil du Trésor sur les congés et les modalités de travail spéciales. La lettre indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

Votre période de congé de maladie a commencé le 6 juillet 2010 et malgré nos meilleurs efforts pour faciliter votre retour progressif au milieu de travail en janvier 2013, votre situation médicale ne vous a pas permis de demeurer au lieu de travail après juin 2013. Les renseignements médicaux provenant de votre médecin traitant et de Santé Canada indiquent que vous ne serez pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. Par conséquent, les options suivantes vous sont disponibles : la démission, la retraite ou la retraite pour des raisons médicales (approbation requise de Santé Canada) […]  Afin de vous permettre de prendre une décision définitive à cet égard, nous souhaitons vous accorder le temps nécessaire pour examiner ces options en fonction de conseils d’un conseiller financier, d’un membre de votre famille ou d’une personne à qui vous faites confiance. Par conséquent, je vous demanderais de m’informer de votre décision d’ici le 11 avril 2014. Veuillez noter que, si je ne reçois aucune réponse ou décision de votre part à cette date, je recommanderai à la personne ayant le pouvoir délégué de mettre fin à votre emploi au motif d’incapacité médicale.

100 Le 11 mars 2014, le représentant légal de Mme Calabretta a informé Mme Harty que sa lettre :

[Traduction]

[…] viole l’intention et l’objectif du code des droits de la personne du Canada et de la Charte canadienne des droits et libertés. Vous ne pouvez licencier un employé ni prendre une mesure disciplinaire à son égard pendant qu’il est en congé de maladie légitime ou pendant qu’il essaie de se rétablir afin de retourner au travail de façon thérapeutique et en étant entièrement rétabli. Nous souhaitons donc vous informer que Mme Calabretta ne démissionnera pas ni ne prendra sa retraite, conformément à vos directives. La question sera tranchée bientôt devant la Commission canadienne des droits de la personne. Veuillez noter que vous ne devez pas communiquer directement avec Catherine […]

101 Le 17 mars 2014, Mme Calabretta a téléphoné à Mme Harty et lui a demandé, entre autres, que l’employeur fasse preuve de patience et qu’il lui donne la possibilité de subir une autre évaluation par Santé Canada dans un certain nombre de mois. Mme Harty l’a informé que l’organisation estimait avoir fait preuve de beaucoup de patience et qu’une autre personne était touchée à l’égard de laquelle l’organisation avait une obligation de fournir des soins, mais qu’elle soulèverait la question auprès des Relations de travail et qu’elle communiquerait ensuite avec elle.

102 Le 19 mars 2014, Mme Calabretta a envoyé une lettre à Mme Harty en guise de suivi de la conversation téléphonique du 17 mars et dans laquelle elle a confirmé sa demande de prorogation du délai imparti dans la lettre du 11 mars 2014 relativement à ses options et dans laquelle elle a indiqué, en partie [traduction] « […] mes deux médecins conviennent, y compris Santé Canda, qu’une date de retour au travail pourrait être établie au cours de ma prochaine évaluation dans six mois […] »

103 Le 21 mars 2014, Mme Harty a envoyé une lettre à Me Roche, le représentant légal de Mme Calabretta, accusant réception de sa lettre en date du 11 mars 2014, indiquant ses directives expresses de ne pas communiquer directement avec sa cliente et l’informant que sa cliente avait communiqué deux fois avec l’employeur, et elle y a inclus la teneur des messages qu’elle lui avait envoyés. La lettre indiquait que, jusqu’à ce que l’employeur reçoive un avis contraire écrit de Mme Calabretta, il était son représentant et que la position énoncée dans sa lettre constituait la position officielle de sa cliente. La lettre indiquait en outre :

[Traduction]

Toutefois, aux fins de précision, nous fournirons exceptionnellement une réponse à ses demandes de renseignements. Elle a d’abord demandé que le ministère attende un autre six mois afin de permettre une autre évaluation médicale avant mettre à exécution la lettre du 11 mars 2014. La décision d’offrir ces options à Mme Calabretta a fait l’objet d’un examen minutieux à la lumière de la durée de son absence en congé non payé, du manque d’un pronostic clair quant à son retour au travail dans un avenir prévisible, ainsi que des politiques applicables. Par conséquent, cette prorogation ne serait pas appropriée dans les circonstances.

104 Le 8 avril 2014, M. Tupper a envoyé une lettre à Mme Calabretta dans laquelle il a souligné son absence du lieu de travail en raison d’une maladie qui a commencé en juillet 2010 et la tentative d’un retour au travail progressif en janvier 2013 qui a échoué, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

Afin de régler votre congé non payé de longue durée, la direction a demandé d’obtenir une date de retour au travail possible. Malheureusement, les renseignements médicaux reçus indiquaient que votre retour au travail n’était pas possible dans un avenir prévisible. Après cette détermination, on vous a offert les options suivantes : la démission, la retraite ou la retraite pour raisons médicales sous réserve de l’approbation de Santé Canada. Dans un courriel envoyé le 11 mars 2014, votre représentant, Me Roche, a indiqué en votre nom qu’aucune de ces options ne vous était acceptable.

Même si un congé non payé est accordé afin d’assurer la continuité d’emploi pendant que vous n’êtes pas en mesure de travailler, selon les dispositions de la Politique sur les congés et les modalités de travail spéciales du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, il ne peut pas être accordé indéfiniment. C’est à regret que je dois vous informer que je n’approuverai aucun autre congé non payé. Par conséquent et en vertu de mon pouvoir délégué conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin à votre emploi pour des motifs autres que des mesures disciplinaires, et ce, à compter de l’heure de fermeture des bureaux aujourd’hui.

105 L’annexe B de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du Secrétariat du Conseil du Trésor, traite des congés non payés et prévoit en partie ce qui suit :

La personne ayant le pouvoir délégué doit réexaminer chaque cas périodiquement afin de s’assurer que le congé non payé accordé pour maladie ou blessure survenue au travail n’est pas prolongé sans raison médicale valable. Les cas de congé non payé doivent être réglés dans les deux ans qui suivent la date du début du congé, quoique chaque cas doit être évalué sous réserve de ses circonstances particulières. Le congé non payé accordé pour maladie ou blessure survenue au travail se termine lorsque la personne […] est licenciée pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques.

106 M. Tupper a indiqué que sa décision de mettre fin à l’emploi de Mme Calabretta avait été difficile. Il avait obtenu des renseignements complets quant à sa situation. Il a décrit les tentatives du ministère visant à prendre des mesures d’adaptation relativement à l’incapacité de Mme Calabretta. Le ministère faisait l’objet d’une réorganisation et d’une réduction de l’effectif qui ont touché un certain nombre de personnes. Il a déclaré que le ministère, afin de faire preuve d’équité envers Mme Calabretta, avait retardé un processus de SMPMD qui a touché d’autres employés jusqu’à ce qu’il soit clair que le ministère ne pouvait pas déterminer sa date de retour au travail. Il a affirmé qu’il ne pouvait plus maintenir la situation et que le processus de SMPMD avait été retardé considérablement et que ce retard avait mis en suspens la situation de Mme Calabretta et celle d’un autre employé.

107 Tel qu’il a été indiqué ci-dessus, Mme Calabretta a déposé un grief contre la lettre de licenciement. Le grief a été entendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. La réponse de rejet du grief a été rendue le 4 juin 2014.

108 M. Tupper a indiqué qu’il avait entendu le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le représentant de Mme Calabretta lui a demandé de réexaminer la décision de mettre fin à son emploi. La seule question soulevée consistait à permettre une nouvelle évaluation. Aucun nouveau renseignement n’a été offert. Aucune allégation selon laquelle Mme Calabretta avait été victime de discrimination ou de harcèlement n’a été présentée. M. Tupper a refusé de réexaminer la décision de mettre fin à son emploi.

109 Mme Dusablon était présente à l’audience du grief au dernier palier avec M. Tupper. M. Kerrs a représenté Mme Calabretta, qui n’était pas présente. Selon Mme Dusablon, M. Kerrs a déclaré que le libellé du grief ne comprenait aucune mention de harcèlement ou de discrimination et qu’il ne présenterait aucune observation sur ces sujets. La représentante de la fonctionnaire a demandé de reporter le contre-interrogatoire de Mme Dusablon jusqu’à ce qu’elle ait la possibilité de discuter avec M. Kerrs. Il n’a pas été appelé à titre de témoin. La représentante de la fonctionnaire n’a pas demandé de rappeler Mme Dusablon en contre-interrogatoire.

110 À l’audience dont je suis saisie, l’agent négociateur a demandé que soit déposé en preuve un rapport provenant du psychologue de Mme Calabretta, soit le Dr John Fleming, en date du 1er mai 2015, portant sur la capacité de Mme Calabretta de retourner au travail. L’avocat de l’employeur s’est opposé à la présentation du rapport au motif qu’il était impossible de contre-interroger le psychologue. De plus, il a été soutenu que la question à trancher était celle de savoir si la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire en 2014 était raisonnable et que je ne devrais tenir compte d’aucun élément de preuve concernant les événements survenus après la décision de l’employeur de mettre fin à la relation d’emploi. L’avocat a invoqué la décision de la Cour suprême du Canada dans Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095. J’ai conclu qu’il était permis de penser que les renseignements compris dans le rapport étaient pertinents au caractère raisonnable de la décision de 2014 et j’ai admis son dépôt à titre de preuve. Ma décision est conforme à Cie minière Québec Cartier (voir le paragraphe 13).

111 Le rapport en date du 1er mai 2015 prévoit en partie ce qui suit :

[Traduction]

En raison de son long antécédent d’emploi réussi et d’un rapport personnel important avec son travail, je crois que Catherine sera finalement prête à retourner au travail, même si son retour réussi n’est aucunement garanti. Elle s’est efforcée pendant plus de cinq ans de surmonter les obstacles relatifs à son retour au travail et elle est très anxieuse en ce qui concerne ces questions […]  À l’heure actuelle, elle souffre beaucoup d’anxiété, laquelle sera aggravée ou diminuée en fonction du succès de son retour au travail […] Si elle est placée dans un milieu semblable à sa dernière expérience, je ne m’attends pas à un résultat particulièrement positif. Ceci étant, j’encouragerais fortement qu’elle ne retourne pas au ministère où elle a vécu une telle détresse. J’estime que cela nuirait considérablement à son rétablissement.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

112 Voici un résumé des arguments oraux et écrits de l’employeur.

113 La présente affaire ne concerne pas une allégation de discrimination ou de harcèlement. Cette affaire concerne le grief déposé contre le licenciement non disciplinaire en 2014. La question ultime à trancher est celle de savoir si l’employeur avait un motif pour licencier la fonctionnaire pour des motifs non disciplinaires et dépend de la question de savoir si l’employée était disponible à travailler dans un avenir prévisible raisonnable.

114 L’allégation de la fonctionnaire selon laquelle elle n’était pas disponible en raison de l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation pour cause de harcèlement ou de discrimination, ne constitue par une préoccupation en l’espèce. Ces questions ont été tranchées au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans le cadre de griefs antérieurs qui n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage.

115 Ni la discrimination ni le harcèlement n’ont été mentionnés dans le grief actuel ou pendant la procédure de règlement des griefs, soulevant le principe énoncé dans Burchill. Shawn Tupper a indiqué que le représentant de la fonctionnaire n’avait pas soulevé la question du harcèlement ou de la discrimination dans le cadre de l’audience du grief au dernier palier. M. Tupper n’a pas été contre-interrogé sur ce point. Stephanie Dusablon a indiqué que l’agent négociateur avait commencé sa présentation à l’audience du grief en déclarant ce qui suit : [traduction] « Le libellé du grief ne mentionne pas le harcèlement ou la discrimination et, par conséquent, je ne présenterai aucun argument à ce sujet. »

116 La seule question à trancher est celle de savoir si l’employeur peut établir que la fonctionnaire n’était pas disponible dans un avenir prévisible raisonnable (au point de licenciement) en fonction des éléments de preuve présentés à ce moment-là.

117 Voici les questions tranchées dans les griefs antérieurs et non renvoyés à l’arbitrage : les questions suivantes ont fait l’objet d’un grief et elles ont été tranchées au dernier palier avant le licenciement de la fonctionnaire et n’ont pas été renvoyées à l’arbitrage; notamment, les allégations de discrimination et celles concernant les retards indus dans le cadre du processus d’enquête de harcèlement.

118 Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, ce qui suit a été souligné : [traduction] « Les représentants de votre agent négociateur ont également confirmé que vous n’estimez pas avoir subi de harcèlement de la part de votre gestionnaire ou de vos collègues au lieu de travail où vous avez travaillé depuis votre retour au travail le 7 janvier 2013. Par conséquent un milieu exempt de harcèlement vous a été fourni. »  Il a également été noté, au deuxième palier, que le retard découlait de facteurs indépendants de la volonté de l’employeur et que ce dernier avait agi de bonne foi, et ce, en tout temps.

119 La réponse au grief au dernier palier traitait du premier grief contre la discrimination et le harcèlement et indiquait qu’il n’y avait aucune discrimination, que la direction n’avait accepté que quatre des constatations de l’enquête de harcèlement et que la mesure corrective demandée avait été prise.

120 La réponse au dernier palier du deuxième grief contre la discrimination et le harcèlement, indiquait [traduction] « […] notre représentant a clairement indiqué qu’aucune nouvelle allégation de harcèlement n’est présentée dans le cadre du présent grief. »  Selon la conclusion de ce grief, aucun harcèlement n’est survenu après les événements de 2009 et de 2010. Cet aspect du grief était hors délais. La réponse expliquait également les raisons du retard de l’enquête de harcèlement, dont le retard le plus long était attribuable à l’état sous-jacent de la défenderesse. Finalement, la réponse a permis de conclure que le retard n’était pas inutile et qu’il n’a pas été causé par la négligence ou de mauvaise foi. De plus, il a été conclu que le ministère s’était acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation lorsqu’il a respecté les renseignements médicaux.

121 Aucun des griefs rejetés au dernier palier n’a été renvoyé à l’arbitrage.

122 Selon la jurisprudence, il est clairement indiqué que l’omission de renvoyer ces questions à l’arbitrage en temps opportun est réputée constituer l’abandon de la position. Voir particulièrement Canadian Labour Arbitration, Brown and Beatty, 2:3230; C.U.P.E., Local 207 v. Sudbury (City), (1965), 15 L.A.C. 403; Hamilton Health Sciences v. Local 2558 (2010), 192 L.A.C. (4e) 332.

123 Puisque la fonctionnaire n’a pas renvoyé ces questions à l’arbitrage en temps opportun, elle est maintenant liée par les conclusions au dernier palier. Tel qu’il est indiqué dans Mark c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 34, au paragraphe 24 :

[…]

les délais contribuent à la stabilité des relations de travail en assurant une conclusion aux décisions opérationnelles de l’employeur, ce qui a pour conséquence de permettre d’éviter, pour l’agent négociateur ou l’employeur, une exposition constante ou à long terme à des incidents en milieu de travail.

124 Le fait que les préoccupations de la fonctionnaire concernaient un seul gestionnaire et que ce gestionnaire a quitté le lieu de travail en mai 2012 et n’y est jamais retourné est distinct de la question d’abandon. La date du présent grief est avril 2014; toutes les préoccupations devaient faire l’objet d’un grief en temps opportun. En fait, elles ont été contestées et tranchées – il n’y a eu aucun renvoi à l’arbitrage.

125 La clôture a lieu lorsque le fonctionnaire décide de ne pas renvoyer un grief à l’arbitrage. Si un fonctionnaire était autorisé à soulever la même question des années plus tard dans le cadre d’un autre grief, la clôture n’aurait jamais lieu.

126 Toute demande d’élargir la portée du présent grief en vue de traiter la question de la discrimination ou du harcèlement serait contraire au principe établi dans Burchill. Voir Burchill c. Canada (A.G.), [1981] 1 F.C. 109 (C.A.); Boudreau c. Canada (P.G.), 2011 CF 868; Babiuk et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 51, Chase c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 9; Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 55.

127 Selon l’employeur, la détermination de cette question ne constitue pas une simple formalité, elle est fondamentale au fonctionnement approprié du système de règlement des différends en ce qui concerne les conflits de travail dans l’administration publique fédérale.

128 La LRTFP permet aux employés de déposer un grief relativement à une vaste gamme de questions touchant leurs conditions de travail. Voir l’article 208 de la LRTFP.

129 Toutefois, la LRTFP prévoit que seuls des griefs particuliers peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Il existe essentiellement deux volets qui permettent à des questions visées par des griefs à être renvoyées à l’arbitrage, à savoir : a) des mesures disciplinaires (y compris le licenciement ou la rétrogradation non disciplinaire) et b) des questions liées à la convention collective (voir l’article 209).

130 Le fait que les employés ne puissent pas modifier la nature de leurs griefs pendant la procédure de règlement des griefs ou au moment de renvoi à l’arbitrage constitue un élément fondamental de ce système.

131 La détermination des griefs en vertu de l’article 208 de la LRTFP permet aux parties de régler des plaintes rapidement et officieusement et est essentielle aux saines relations de travail. Dans Babiuk, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient été reclassifiés à la suite d’un long processus d’examen. Les employés ont déposé un grief selon lequel la date de reclassification aurait dû être plus tôt que celle établie. Lors de l’arbitrage, les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu qu’ils s’étaient vu refuser une rémunération intérimaire, conformément à leur convention collective. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu qu’ils exerçaient des fonctions d’un niveau plus élevé et qu’ils avaient droit à une rémunération intérimaire.

132 L’arbitre de grief a conclu que les griefs, à première vue, n’avaient pas abordé la question de la rémunération intérimaire, seulement celle de la classification (laquelle ne peut faire l’objet d’un arbitrage). De plus, il a souligné que, pendant la procédure de règlement des griefs, aucun élément de preuve n’avait été présenté indiquant que la rémunération provisoire constituait une préoccupation sérieuse entre les parties. Lorsqu’il a rejeté l’argument voulant que la rémunération provisoire découle de l’objet du grief, c’est-à-dire la date d’entrée en vigueur de la reclassification, l’arbitre de grief a indiqué ce qui suit au paragraphe 51 :

Tandis que le changement de position dans Burchill était un changement plus radical que le changement de position dans les griefs en l’espèce, le principe général suivant lequel on ne peut changer d’avis à mi-chemin continue de s’appliquer. Pour que les procédures de règlement des griefs fonctionnent et permettent de résoudre rapidement et sans formalités les plaintes en milieu de travail et pour favoriser de solides relations de travail, il est fondamental que la question à l’origine du grief soit exprimée en des termes on ne peut plus clairs. Comment les parties peuvent-elles aller de l’avant si elles présentent un cas à l’employeur et un autre cas, auquel on n’a pas encore répondu, à un arbitre de grief?

[Je souligne]

133 Une pierre angulaire du système de règlement des griefs est l’exigence que l’objet des griefs soit « exprimé en des termes on ne peut plus clairs » (voir Babiuk au paragraphe 51). La Cour d’appel fédérale, dans Shneidman c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2007 CAF 192, a indiqué ce qui suit au paragraphe 28 : « Les deux parties tirent profit de cette obligation d’information. L’employeur doit comprendre la nature des allégations afin d’être en mesure d’y répondre de façon appropriée. Quant à l’employée, l’obligation d’information lui permet de comprendre ainsi les motifs pour lesquels l’employeur a rejeté son grief. » La Cour d’appel fédérale a indiqué en outre au même paragraphe que l’obligation constitue un « élément fondamental du processus de conciliation ».

134 Dans Chase, précitée, l’arbitre de grief a indiqué ce qui suit (aux paragraphes 25 et 27) :

Dans Burchill, la Cour d’appel fédérale a observé que le grief présenté à l’arbitrage ne peut pas être différent de celui qui a été tranché au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Les parties doivent avoir discuté de la question que l’arbitre de grief doit examiner. Dans ce cas-ci, je ne suis pas convaincu que la mutation et la prétendue rétrogradation ont été contestées dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[…]

Dans Sa Majesté la Reine c. Rinaldi et al, dossier de la cour T-761-96, (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a observé que le libellé du grief est important parce que les allégations qu’on y retrouve sont « attributives de juridiction ». La Cour a également déclaré que c’est principalement à la lumière du libellé du grief que la Cour doit déterminer si l’allégation formulée à l’arbitrage a pour effet de modifier son grief original au point d’en changer la nature et d’en faire un nouveau grief. Dans ce cas-ci, la fonctionnaire contestait un rapport d’enquête et une suspension de trois jours, plutôt qu’une rétrogradation ou une mutation forcée.

135 Dans Laughlin Walker c.  Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 62, l’arbitre de grief a conclu ce qui suit (aux paragraphes 27 à 29) :

Pour commencer, j’estime que le présent grief découle du fait que la fonctionnaire est déçue du résultat du processus de reclassification. Après avoir examiné les pièces justificatives, je suis convaincu qu’en aucun temps durant la procédure de règlement des griefs, l’une ou l’autre partie n’a traité le présent grief comme un grief disciplinaire […]

J’estime que la loi est limpide en ce qui concerne le renvoi de griefs à l’arbitrage. La jurisprudence indique clairement que seule la question énoncée dans le grief peut être renvoyée à l’arbitrage (voir Burchill et Lee). Ce principe est basé sur de bonnes raisons de principe, car il est logique sur le plan des relations de travail que l’employeur sache avec précision sur quoi porte le grief du fonctionnaire s’estimant lésé afin de prendre les mesures appropriées.

 En l’occurrence, le grief portait sur le processus de reclassification et les défauts inhérents que lui attribuait la fonctionnaire. Rendue au stade de l’arbitrage, la fonctionnaire a modifié l’objet de son grief, qu’elle a transformé en grief disciplinaire. J’estime que cela ne peut pas être autorisé.

136 Dans Shneidman, précitée, au paragraphe 24, la Cour d’appel fédérale a soutenu que, pour qu’un argument fondé sur une violation présumée de la convention collective soit renvoyé à l’arbitrage, il doit être « porté » au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans l’affaire en l’espèce, aucun renvoi de ce genre n’a été effectué et, par conséquent, l’arbitre de grief est lié par la décision de la Cour d’appel fédérale (voir paragraphe 24) :

[…] Peu importe que le libellé du grief soit suffisamment large pour inclure une plainte de violation de la convention collective ou non, la plainte ne pourra être renvoyée à l’arbitrage – et à la compétence de l’arbitre – que si elle a été portée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

137 La tentative de la fonctionnaire de reformuler son grief afin que celui-ci comprenne une allégation relative à un manquement à la convention collective contredit le principe dans Burchill et exigerait que l’employeur se « défend[e] contre une qualification des questions nettement différente de celle à laquelle il a été confronté pendant la procédure de règlement des griefs ». Cela est amplifié, par exemple, par la demande de dommages de la fonctionnaire dans son exposé introductif. Le grief comprend une demande simple concernant l’annulation du licenciement. Pour la première fois, dans son exposé introductif, la fonctionnaire a demandé toute une gamme de dommages. Cela contrevient clairement au principe dans Burchill.

138 La fonctionnaire a tenté de qualifier son grief à un niveau élevé de généralité. Cependant, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans Shneidman, au paragraphe 27, l’accent de cette analyse est mis sur les « motifs d’illégalité » sur lesquels est appuyé le grief.

139 Comme l’arbitre de grief Butler l’a souligné dans Boudreau c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2010 CRTFP 100, au paragraphe 33).

[…] La santé du fonctionnaire était parmi les questions soumises, mais à mon avis, elle a été évoquée par les parties comme élément à prendre en compte aux fins du redressement plutôt que comme problème principal révélé par le grief. Je ne peux conclure, sur la base des faits, que l’employeur a compris ou aurait dû comprendre que ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail prévues par la clause 16.01 de la convention collective étaient en litige, et cette question n’a certes pas été abordée explicitement par le fonctionnaire ou par l’agent négociateur.

 [Le passage en évidence l’est dans l’original]

140 Par conséquent, l’avocat de l’employeur a fait valoir que, en s’appuyant sur la discrimination et le harcèlement, la fonctionnaire contrevient au principe dans Burchill et que la Commission n’a pas compétence pour se pencher sur ces questions.

141 La décision récente dans Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115, établit qu’un arbitre de grief doit être adéquatement saisi de la compétence en vertu de l’article 209 de la LRTFP avant de se pencher sur des questions de réparation. Avant l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-4, les arbitres de grief n’ont aucune compétence indépendante sur les plaintes déposées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

142 La seule question devant la Commission concerne le licenciement de la fonctionnaire et la question de savoir si l’employeur a établi un motif valable de licenciement au moment de son licenciement en 2014.

143 L’employeur est d’avis que la jurisprudence à cet égard est bien établie.

144 En ce qui a trait au critère prévu dans Meiorin établi par la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin »), il n’est pas contesté que les deux premiers éléments ont été établis; la question dans la présente affaire porte sur le concept de contrainte excessive.

145 Les principes qui suivent découlent de la décision de la Cour suprême du Canada dans Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4. Les facteurs qui appuient une conclusion relative à des contraintes excessives ne sont pas consacrés et doivent être appliqués avec souplesse et bon sens. Les mesures d’adaptation ne sont pas à sens unique; les deux parties ont un rôle actif à jouer. Les contraintes excessives découlant de l’absence d’un employé doivent être évaluées dans leur ensemble, à compter du début de l’absence. Dans McGill, une employée a été congédiée après une absence de trois ans. Le congédiement a été confirmé.

146 Les principes suivants découlent de la décision de la Cour suprême dans Hydro-Québec c. Syndicat des employés-es de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43. Un accommodement, selon le critère établi dans Meiorin, consiste à déterminer si d’autres mesures d’adaptation sont possibles sans imposer de contrainte excessive. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’a pas pour objet de modifier complètement l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail. Si l’employeur démontre que l’employé ne sera pas en mesure d’effectuer un retour au travail dans un avenir prévisible raisonnable, l’employeur se sera acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et aura démontré une contrainte excessive. Ni l’employeur ni l’employé ne peuvent ignorer le passé dans l’évaluation d’une contrainte excessive.

147 La décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, établit qu’une application rigide de la période de deux ans prévue dans la politique antérieure du Conseil du Trésor en vigueur à l’époque, sans égard aux circonstances individuelles de chaque cas n’est pas conforme à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Selon les faits du cas en l’espèce, il est manifeste que la direction a abordé ce cas d’une façon individuelle et qu’elle n’a pas appliqué de façon rigide la règle des deux ans.

148 Dans la décision de la Cour fédérale dans Scheuneman c. Canada (Procureur général), [2000] F.C.J. 1997, l’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas été en mesure d’effectuer du travail et qu’il était improbable qu’il soit capable de le faire dans un avenir prévisible. Selon une des exigences de base de la relation d’emploi, un employé doit être en mesure d’effectuer un travail pour l’employeur. Bien qu’un employé puisse souhaiter demeurer en congé pour une durée indéterminée, les employeurs ne sont assujettis à aucune exigence de maintenir en poste indéfiniment un employé qui pourrait ne pas être en mesure de travailler pendant plusieurs années.

149 D’après les faits en l’espèce, Mme Calabretta a commencé son emploi à Sécurité publique Canada le 13 juillet 2009. Elle est partie en congé de maladie le 6 juillet 2010. Elle a épuisé ses crédits de congé de maladie payé, puis elle a reçu des prestations d’assurance-invalidité jusqu’à la fin du mois de décembre 2012. Elle est retournée au travail le 7 janvier 2013.

150 Presque immédiatement, la direction a commencé à demander plus de renseignements, y compris des renseignements médicaux, afin de déterminer les limites de la fonctionnaire dans le but de faciliter un retour au travail. Dès septembre 2010, l’employeur a demandé un billet de médecin indiquant une date de retour prévu au travail et des mises à jour régulières.

151 À l’été 2012, l’employeur a accepté de faciliter un retour au travail conformément aux renseignements médicaux au dossier en mutant la fonctionnaire à un nouvel emplacement de travail, malgré le fait que le directeur intérimaire ne se trouvait plus au bureau et qu’il était parti en mai 2012. L’employeur a accepté d’autoriser la fonctionnaire à travailler selon un horaire réduit dans le but de retourner à un horaire à temps plein. L’employeur a accepté de regrouper des fonctions significatives afin de créer un emploi pour la fonctionnaire dans le cadre d’un retour au travail. Selon les renseignements médicaux de la fonctionnaire, cette dernière ne pouvait pas retourner à son poste d’attache et avait besoin d’un horaire réduit. Il a également été établi qu’il n’y avait aucun poste vacant classifié PM-02 à Toronto. En fait, la région avait un solde négatif en raison de la réduction des effectifs. L’employeur a convenu de suspendre l’exercice de la SMPMD qui touchait le poste d’attache de la fonctionnaire à la gestion des urgences jusqu’à ce qu’elle ait effectué un retour à un horaire à temps plein, malgré le fait que cela plaçait l’autre employé classifié PM-02 dans une situation incertaine en attendant la réintégration complète de la fonctionnaire. L’employeur a continué de tenter d’obtenir d’autres renseignements médicaux pour aider la réintégration de la fonctionnaire.

152 Le 2 octobre 2012, la direction et l’agent négociateur se sont entendus sur une date de retour au travail au mois d’octobre, sur des fonctions précises et sur un horaire de travail conforme au billet du médecin. La fonctionnaire a ensuite reçu une séance d’orientation concernant le nouveau bureau et on lui a permis de sélectionner l’espace de travail qu’elle préférait. Le but de la direction était que la fonctionnaire travaille à augmenter ses heures jusqu’à ce qu’elle revienne à un horaire à temps plein.

153 En fin de compte, l’agent négociateur a décidé de se retirer du plan de retour au travail convenu. Mme Epprecht et Mme Dusablon ont toutes deux témoigné que cela les avait surprises, car elles estimaient qu’elles avaient consulté l’agent négociateur et la fonctionnaire, et qu’ils étaient parvenus à un accord commun.

154 En conséquence, le 24 octobre 2012, la direction a demandé la tenue d’une évaluation de l’aptitude au travail par Santé Canada, pour obtenir une meilleure idée des limites précises de la fonctionnaire et afin de déterminer quelles mesures d’adaptation étaient requises à l’égard de la fonctionnaire. La fonctionnaire n’a donné son consentement à une évaluation de Santé Canada qu’à la fin de 2013. L’employeur a reçu un autre billet du psychologue traitant de la fonctionnaire qui, de l’avis de l’employeur, était vague et incohérent.

155 En raison de l’expiration de l’assurance-invalidité à la mi-décembre 2012, la fonctionnaire a accepté de tenter d’effectuer un retour au travail en janvier 2013. L’employeur a continué son travail, avec les renseignements médicaux limités disponibles, en vue d’élaborer des plans d’apprentissage, des objectifs de rendement, ainsi que les fonctions et les responsabilités du poste.

156 L’employeur a avancé à la fonctionnaire le nombre maximum de journées de congé de maladie payé en vertu de la convention collective afin de lui permettre de combler la période entre la fin de ses prestations d’assurance-invalidité et le début de son emploi au 7 janvier 2013. Par la suite, l’employeur lui a également donné une avance de trois semaines de salaire, selon une semaine complète de 37,5 heures. Des représentants de l’employeur se sont déplacés à Toronto, le premier jour, pour rencontrer la fonctionnaire.

157 La fonctionnaire a travaillé de janvier à avril, sans incident. L’examen du rendement de la fonctionnaire était [traduction] « bref, mais positif ». À la mi-avril, la situation semblait s’être détériorée, la fonctionnaire soulevant des allégations contre Mme Epprecht. Mme Epprecht, tant par écrit à l’époque que dans son témoignage, a réfuté ces allégations.

158 Le 17 avril 2013, pendant une rencontre avec la fonctionnaire et l’agent négociateur, l’employeur a, une fois de plus, réitéré sa demande de renseignements médicaux précis, demandant à la fonctionnaire de consentir à une évaluation par Santé Canada. Le 15 mai 2013, la fonctionnaire a indiqué qu’elle ne donnerait pas son consentement à une évaluation par Santé Canada. Selon l’employeur, les billets de médecin existants n’étaient pas précis et contradictoires et, en conséquence, il n’était pas bien outillé pour prendre des mesures d’adaptation au-delà de ce qu’il faisait déjà.

159 Les parties ont convenu d’aller en médiation les 25 et 26 juin 2013. La fonctionnaire est partie en congé de maladie deux semaines avant les séances de médiation, et elle n’est jamais revenue au milieu de travail. Le 27 juin 2013, la fonctionnaire a communiqué avec Sun Life afin de réactiver sa demande. Le 3 juillet 2013, la fonctionnaire a envoyé un billet de médecin indiquant qu’elle ne serait pas de retour [traduction] « jusqu’à indication contraire ».

160 Le 19 août 2013, la fonctionnaire a présenté un autre billet de médecin indiquant [traduction] « Je ne prévois pas son retour au travail avant de 4 à 6 mois à compter d’aujourd’hui ».

161 L’employeur a écrit au médecin de la fonctionnaire pour lui demander si, selon son évaluation, la fonctionnaire effectuerait un retour dans quatre à six mois ou si elle serait simplement réévaluée après cette période.

162 Le médecin a écrit un billet non réceptif où il a indiqué [traduction] « Je ne prévois pas son retour au travail avant de 4 à 6 mois ».

163 Après une troisième demande, le fonctionnaire a finalement accepté de donner son consentement à une évaluation par Santé Canada. Le 25 février 2014, Santé Canada a indiqué que la fonctionnaire [traduction] « [n’était] pas, à l’heure actuelle, apte à retourner au travail à son poste d’attache ». Santé Canada a poursuivi en indiquant qu’une autre évaluation de l’aptitude au travail [traduction] « pourrait être effectuée dans une période de 6 à 9 mois ».

164 À la lumière du fait que tous les renseignements médicaux soulevaient le fait que la fonctionnaire n’était pas médicalement apte, et ce, pour un avenir prévisible raisonnable, on a présenté à la fonctionnaire la lettre d’options standard. La fonctionnaire a refusé de présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales ou de démissionner.

165 La fonctionnaire a été licenciée le 8 avril 2014, soit près de quatre ans après son premier départ en congé de maladie et après avoir tenté d’effectuer un bref retour au travail (trois heures par jour, trois jours par semaine), de janvier à la mi-juin 2013. Le licenciement était non disciplinaire et on a autorisé la fonctionnaire à présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales. elle a continué de bénéficier du droit de priorité pour invalidité aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

166 Selon l’employeur, il a réussi à démontrer un motif de licenciement, car la preuve établissait clairement que, au moment de son licenciement, la fonctionnaire n’était pas en mesure de travailler dans un avenir prévisible raisonnable. M. Tupper a témoigné avoir trouvé cette décision difficile à prendre, mais que, en examinant le dossier et en évaluant tous les facteurs pertinents, il s’agissait de la décision qu’il devait prendre.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

167 Le présent grief découle du licenciement de Catherine Calabretta au motif d’une incapacité. Mme Calabretta était membre du groupe Services des programmes et de l’administration, dont la convention collective est venue à échéance le 20 juin 2014. Elle était au service de Sécurité publique Canada, à Toronto, en Ontario.

168 Le 25 avril 2014, Mme Calabretta a déposé un grief contre la lettre de licenciement du 8 avril 2014, demandant une consultation avec son agent des relations de travail au dernier de palier de la procédure de règlement des griefs et, par l’intermédiaire d’une mesure corrective, elle a demandé le retrait de la lettre de licenciement, la réintégration sans perte de salaire et d’avantages, ainsi qu’une indemnisation intégrale.

169 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu du licenciement et de l’interprétation ou de l’application de l’article 19 (Élimination de la discrimination) de la convention collective. Étant donné que le grief porte sur l’interprétation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un formulaire 24 a été envoyé à la Commission canadienne des droits de la personne.

170 La Commission est saisie de deux questions en suspens.

171 L’une d’elles est liée au principe dans Burchill.

172 Une autre question est liée au bien-fondé du grief.

173 La question dont est saisie la Commission consiste à déterminer si, dans l’ensemble des circonstances, la décision de licencier Mme Calabretta était nécessaire, juste, raisonnable et non discriminatoire.

174 Selon le défendeur, il ne s’agit pas de la bonne tribune pour discuter de la plainte de harcèlement ou du traitement différentiel dont a fait l’objet Mme Calabretta. Une enquêtrice indépendante, Mme Audrey Devlin, est arrivée à la conclusion que Mme Calabretta a effectivement été harcelée et traitée différemment, ce qui a été confirmé par le défendeur (Shawn Tupper et Stephanie Dusablon). Cependant, l’ensemble de l’historique d’emploi de Mme Calabretta à Sécurité publique Canada est très important aux fins de la détermination du présent grief.

175 Le représentant de la fonctionnaire a déclaré comprendre que la Commission n’était pas saisie de la plainte de harcèlement. Cependant, elle a fait valoir que la Commission ne pouvait ignorer que la question était intrinsèquement liée aux problèmes qui ont mené au licenciement de Mme Calabretta.

176 Effectivement, même si la preuve médicale peut s’avérer utile afin d’établir un état de santé, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’établir la nature grave et défavorable de la conduite de l’employeur, ainsi que le préjudice pour la santé et la dignité de Mme Calabretta.

177 En fait, en raison du harcèlement et des longs délais liés au traitement de la plainte de harcèlement, Mme Calabretta est devenue déprimée et a épuisé sa banque de congés de maladie. Elle a été obligée de s’absenter du travail en congé non payé pendant une certaine période de temps, ce qui a entraîné son licenciement en avril 2014.

178 Mme Calabretta avait droit à un milieu de travail exempt de harcèlement, à un traitement équitable et à un environnement de travail sain et productif. Toutefois, elle a été isolée et privée d’affectations de travail significatives et, lorsqu’elle a éprouvé des problèmes de santé, l’employeur a décidé de la licencier.

179 L’employeur a omis de respecter son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

1. Durée du travail

180 Mme Calabretta a témoigné que, avant son transfert à Sécurité publique Canada, elle avait discuté de la durée du travail (de 7 h 30 à 15 h 30) pour être en mesure de s’occuper de ses triplets après le travail. Malgré les promesses, ces heures de travail n’ont jamais été approuvées.

2. Aucune mesure d’adaptation adéquate n’a été déterminée

181 Danielle Belleau a témoigné en disant que de nombreuses rencontres et discussions avaient eu lieu avec la direction, les relations de travail et Mme Calabretta à la fin de l’été 2012. Celles-ci ont eu lieu lorsque les médecins professionnels de Mme Calabretta ont confirmé à l’assureur Sun Life qu’elle serait en mesure d’effectuer un retour au travail avec certaines limites, qu’ils ont indiqué dans leurs rapports.

182 Mme Belleau a déclaré qu’au moment où ils planifiaient le retour au travail de la fonctionnaire, elle a appris que, l’année précédente, cette dernière avait été déclarée comme une employée « touchée », c’est-à-dire qu’elle serait assujettie à un processus de SMPMD afin de maintenir un poste permanent, et ce, pour un travail qu’elle n’avait jamais fait.

183 L’une des restrictions de la fonctionnaire était qu’elle ne retourne pas au bureau de gestion des urgences. Par conséquent, selon la direction, la seule possibilité consistait à placer Mme Calabretta au bureau du CNPC, car il s’agissait du seul autre bureau à Toronto.

184 Nichola Epprecht a également témoigné que le bureau du CNPC n’avait aucun poste classifié PM-02 et que la direction tentait de regrouper certaines fonctions pour créer un emploi.

185 Mme Belleau a insisté sur le fait que la proposition était que Mme Calabretta accomplisse du travail lié aux finances, par exemple payer des factures, et qu’elle relèverait alors d’un employé classifié CR-04, ce qui était inapproprié pour Mme Calabretta, qui détenait un poste classifié PM-02. Selon Mme Belleau, la direction a ultérieurement identifié deux autres fonctions, y compris l’AIPRP; cependant, aucun plan précis n’a été préparé quant à la façon dont elle y parviendrait.

186 Pendant leur témoignage, Stephanie Dusablon et Nichola Epprecht ont adopté la position que le syndicat (Mme Belleau) avait reporté le retour au travail prévu en octobre 2012.

187 Cependant, Mme Belleau a expliqué qu’il n’y avait aucun poste permanent permettant à Mme Calabretta d’effectuer un retour et qu’aucune mesure d’adaptation n’avait été déterminée. Dans les faits, on a montré à Mme Calabretta un poste de travail situé au milieu du bureau, entouré d’un grand nombre de personnes, lequel allait à l’encontre des recommandations du médecin de la fonctionnaire. Mme Calabretta a témoigné qu’il n’y avait aucun aménagement, par exemple, un ordinateur ou un téléphone, installé pour elle à ce moment. Il est manifeste que Mme Calabretta retournait à Sécurité publique Canada sans la stabilité d’un poste, ce qui faisait en sorte qu’elle se trouvait dans une situation où elle était plus vulnérable que lorsqu’elle se trouvait au bureau de la gestion des urgences, où elle occupait un poste permanent.

3. Refus de la formation

188 Malgré plusieurs demandes, Mme Calabretta n’a reçu aucune formation importante, conformément aux recommandations de son médecin.

4. Refus de se conformer aux recommandations du docteur Fleming

189 Le Dr Fleming a formulé des recommandations à plusieurs reprises. Dans sa lettre datée du 13 août 2012, il a indiqué ce qui suit : [traduction] « Je propose qu’elle effectue un retour au travail d’une manière passablement progressive et peut-être qu’un bon point de départ serait qu’elle prenne part à une certaine forme de formation pertinente au poste qu’elle occupera ». Comme il a été indiqué précédemment, il n’y a eu aucun plan de formation.

190 Le Dr Fleming a également indiqué dans sa lettre du 13 août 2012 que [traduction] « dans un environnement positif […] le pronostic relatif à son retour à un emploi à temps plein est raisonnablement bon ».

191 La position de l’agent négociateur et de Mme Calabretta est que Sécurité publique Canada ne lui a pas fourni un environnement de travail positif. Au contraire, Mme Calabretta a été isolée et on ne lui a pas fourni de travail significatif.

5. Aucune réhabilitation liée aux constatations de la plainte de harcèlement

192 L’employeur n’a pas fait preuve de diligence en ce qui concerne le traitement de la plainte de harcèlement : la personne qui était visée par la plainte s’est vue accorder un traitement préférentiel au détriment de Mme Calabretta.

193 En 2011, Mme Calabretta a présenté une plainte de harcèlement contre son superviseur, laquelle comprenait des allégations de harcèlement et de discrimination. Les services d’une enquêtrice indépendante ont été retenus et un rapport préliminaire a été publié en mars 2012, mais il a fallu jusqu’à 15 mois pour que l’employeur permette à l’enquêtrice d’achever son rapport final. De façon plus importante, le docteur Fleming a averti que [traduction] « l’enquête de harcèlement en cours brouille certainement les cartes à propos de l’environnement de travail et contribue à l’embarras de Catherine ».

194 Malgré le fait que le rapport définitif a confirmé que Mme Calabretta avait été victime de harcèlement, il a fallu 15 mois pour en autoriser la publication. En outre, il n’y a eu ni réhabilitation ni tentative de clôture à l’égard de la plainte de harcèlement, ce qui a ajouté des contraintes à la situation déjà difficile de Mme Calabretta.

6. Jurisprudence

195 Il est très important de garder à l’esprit le fait que l’affaire de Mme Calabretta est très particulière en ceci qu’elle a fait l’objet d’un traitement différentiel et qu’elle a été harcelée par le défendeur avant de devenir malade et de prendre un congé de maladie non payé. En outre, l’employeur a omis de se conformer à la recommandation du Programme de santé professionnelle des fonctionnaires fédéraux (Santé Canada) de mener une autre évaluation de l’aptitude au travail dans les six à neuf mois pour déterminer si un retour au travail pouvait être tenté.

196 Le représentant de la fonctionnaire est d’accord avec le principe selon lequel il est déraisonnable de s’attendre à ce que la direction attende indéfiniment une situation médicale et que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas absolue. Cependant, chaque cas est différent et, dans le cas de Mme Calabretta, il n’était pas raisonnable de la licencier sans accorder suffisamment de temps pour l’évaluation médicale, notamment lorsque des professionnels de la santé le recommandent.

197 L’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige une approche individualisée (McGill, au paragraphe 22).

198 Qui plus est, « l’obligation d’accommodement dans un contexte d’emploi implique que l’employeur soit tenu de faire preuve de souplesse dans l’application de sa norme si un tel assouplissement permet à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail sans que l’employeur subisse une contrainte excessive »; Hydro-Québec,au paragraphe 13.

199 L’employeur n’aurait été assujetti à aucune contrainte excessive s’il avait permis à Mme Calabretta de demeurer en congé non payé pendant la période de six à neuf mois qui a été recommandée par Santé Canada.

7. Jurisprudence présentée par le défendeur

200 L’agent négociateur a respectueusement fait valoir que l’affaire de Mme Calabretta ne pouvait être comparée aux affaires indiquées dans le recueil de jurisprudence du défendeur. Ces cas ne sont tout simplement pas semblables à celui de Mme Calabretta.

201 Par exemple, dans Scheuneman, l’appelant a été congédié huit ans après être tombé malade. Au moment de son congédiement, la preuve médicale était que l’appelant ne pouvait effectuer aucun travail, même à temps partiel.

202 Dans McGill, l’arbitre de grief en première instance a rejeté le grief, car la fonctionnaire était toujours inapte au travail à la fin de la période de trois ans prévue par la convention collective. L’arbitre de grief a examiné les faits à l’appui du congédiement, qui démontraient qu’elle était toujours, en date de la dernière journée d’audience, totalement incapable d’exercer ses fonctions habituelles; ses médecins considéraient qu’elle était totalement invalide. Mme Calabretta n’a jamais été déclarée totalement invalide. En outre, le billet du médecin postérieur au licenciement indique que [traduction] « Catherine [Mme Calabretta] est, en dernier ressort, en mesure d’effectuer un retour au travail, même si, en aucun cas, il n’y a de certitude quant à la réussite de son retour au travail » (lettre du Dr Fleming du 1er mai 2015).

203 Dans English-Baker c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 24, la fonctionnaire était en congé de maladie depuis plus de quatre ans, ce qui n’est pas le cas ici. Mme Calabretta est partie en juillet 2012, a tenté d’effectuer un retour au travail en octobre 2012 et elle est revenue de janvier 2013 à juillet 2013. Contrairement à English Baker, l’employeur dans ce cas a appliqué de façon mécanique la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du Conseil du Trésor.

204 Finalement, l’employeur a mentionné Mutart c. Canada (Procureur général), 2014 CF 540. Mutart ne peut être comparée à la situation de Mme Calabretta. Le grief dans Mutart a été rejeté pour deux motifs. L’un d’eux était lié à la compétence. Il a démissionné. En ce qui a trait au bien-fondé, il avait été en congé de maladie pendant 14 ans.

8. Conclusion

205 Selon l’agent négociateur et Mme Calabretta, l’employeur a commis un acte discriminatoire à l’égard de la fonctionnaire au motif de son invalidité, allant ainsi à l’encontre de l’article 19 de la convention collective. Mme Calabretta avait une incapacité à l’égard de laquelle l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation. Selon le critère établi dans Meiorin, il incombait à l’employeur de démontrer qu’il avait pris des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Calabretta jusqu’au point d’éprouver des contraintes excessives. L’employeur n’a pas démontré qu’il était impossible de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Calabretta sans subir de contraintes excessives.

206 Quoi qu’il en soit, le licenciement est la peine capitale qui peut être imposée à l’employé.

207 Selon l’agent négociateur, la décision de Sécurité publique Canada de licencier la fonctionnaire le 8 avril 2014 était prématurée et injustifiée, puisque Santé Canada avait recommandé que Mme Calabretta fasse l’objet d’une nouvelle évaluation après une période supplémentaire de six à neuf mois.

208 L’agent négociateur et Mme Calabretta comprennent qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que la direction attende indéfiniment à l’égard d’une situation médicale. Cependant, chaque cas est différent et il n’était pas raisonnable de licencier la fonctionnaire sans accorder suffisamment de temps pour permettre une évaluation médicale, notamment lorsque des professionnels de la santé le recommandent.

9. Libellé du grief et objection relative à Burchill

209 Mme Calabretta a été licenciée au motif d’une invalidité. Au paragraphe 91 de Sketchley, il a été démontré que le licenciement pour invalidité des employés qui ne sont pas en mesure d’indiquer une date fixe de retour au travail était un acte discriminatoire prima facie.

210 Même si un conseil d’arbitrage est lié par le grief dont il est saisi, le grief devrait être interprété de façon libérale, de sorte que la vraie question soit traitée et, si un manquement à la convention collective est établi, la réparation appropriée devrait être conçue; Blouin Drywall Contractors Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2486 (1975), 8 O.R. (2e) 103.

211 Les représentants de Mme Calabretta ont fait valoir pendant toute la durée de la procédure de règlement des griefs que le licenciement était injuste et injustifié.

212 Selon la lettre de licenciement, l’absence au travail de Mme Calabretta en raison d’une maladie remonte à juillet 2010.

213 Mme Calabretta a présenté une plainte de harcèlement et de discrimination en 2011.

214 La lettre de licenciement mentionne également le retour progressif qui a été tenté en janvier 2013. Mme Calabretta, ses représentants syndicaux et son médecin traitant ont tous soulevé des questions relatives au défaut de prendre des mesures d’adaptation.

215 Il ne s’agit pas d’une affaire où le renvoi en vertu de la clause sur l’élimination de la discrimination (article 19) de la convention collective prendrait l’employeur par surprise.

216 Le renvoi en vertu de l’article 19 de la convention collective ne modifie pas la nature du grief.

217 Pour tous les motifs indiqués ci-dessus, le principe établi dans Burchill ne s’applique pas en l’espèce.

10. Mesures correctives

218 Mme Calabretta a tout perdu en raison du traitement différentiel injustifié, du harcèlement et de l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation, et ce, malgré les recommandations précises du médecin. Selon le témoignage de M. Epstein, avant le transfert de la fonctionnaire à Sécurité publique Canada, cette dernière était une employée qui bénéficiait d’un dossier sans tache et dont les évaluations du rendement étaient excellentes. Elle avait même gagné un certain nombre de prix d’excellence pour son travail. Tout au long de cette épreuve, sa santé, sa famille, sa situation financière, sa carrière et sa motivation ont été touchées.

219 L’agent négociateur a demandé les mesures suivantes.

  • Une déclaration selon laquelle la décision de Sécurité publique Canada de licencier Catherine Calabretta était inutile, injuste, déraisonnable et discriminatoire.
  • Une déclaration selon laquelle Sécurité publique Canada a omis de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Catherine Calabretta au point d’éprouver des contraintes excessives.
  • Que Catherine Calabretta soit réintégrée rétroactivement avec l’intégralité de ses prestations et de son salaire.
  • Que Sécurité publique Canada verse une indemnisation de 100 000 $ au titre des préjudices moraux, de la perte de l’estime de soi, de l’humiliation et de la détresse causée par l’employeur ainsi que toute autre réparation que la Commission juge raisonnable

C. Réfutation de l’employeur

220 Le syndicat avait la possibilité de contester la réponse du grief au troisième palier relativement au grief original du 28 avril 2011, lequel contenait des allégations de discrimination et de harcèlement. Il ne l’a pas fait. De même, le syndicat a eu la possibilité de contester la réponse au deuxième palier daté du 1er août 2013 concernant le grief portant sur l’environnement exempt de harcèlement daté du 10 juillet 2013. Il ne l’a pas fait.

221 Selon la preuve, l’employeur a tout tenté pour prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Calabretta. Il a suspendu le processus de la SMPMD, transféré la fonctionnaire dans un nouveau secteur d’activité et pris toutes les mesures raisonnables en ce qui concerne les mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire.

222 Santé Canada n’a pas recommandé que la fonctionnaire fasse l’objet d’une nouvelle évaluation au bout de six ou sept mois.

223 L’argument selon lequel un licenciement est l’équivalent de la peine capitale ne s’applique pas à un licenciement non disciplinaire.

224 La meilleure approche dans le secteur public fédéral est reflétée dans Boudreau, par opposition à l’approche représentée par la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Blouin Drywall.

225 L’argument selon lequel l’employeur ne serait pas surpris par le renvoi du présent grief en vertu de l’article 19 de la convention collective, soit la clause portant sur l’élimination de la discrimination, n’est pas la question en litige. La question en litige consiste à déterminer si l’article 19 était visé par le grief.

IV. Motifs

226 La jurisprudence a clairement démontré que si un fonctionnaire ou un agent négociateur a réellement ou implicitement accepté la décision de la direction dans une réponse à un grief en ne renvoyant pas le grief à un palier supérieur de la procédure de règlement des griefs, à l’arbitrage de griefs ou à l’arbitrage, celui-ci ne devrait pas être autorisé à représenter essentiellement le même grief à une date ultérieure, et ce, parce que la direction ne saurait jamais si, en fait, sa décision a été acceptée par le fonctionnaire en particulier ou le syndicat le représentant. Selon la jurisprudence, il s’agirait d’un abus de la procédure de règlement des griefs. Le but de cette règle consiste à assurer une finalité.

227 Le 25 avril 2014, Mme Calabretta a présenté un grief contre le licenciement motivé de son emploi à titre d’employée classifiée PM-02 du service de la gestion des urgences et des programmes de Sécurité publique Canada. Elle a demandé à consulter l’agent des relations de travail relativement au grief au dernier palier de la procédure et a demandé le retrait de la lettre de licenciement, sa réintégration sans perte de salaire et d’avantages et d’être indemnisée intégralement.

228 L’agent négociateur a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la LRTFP concernant une contravention alléguée à l’article 19 de la convention collective, l’article portant sur l’élimination de la discrimination, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, et en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la LRTFP pour tout autre motif qui ne se rapporte pas à un manquement à la discipline ou à une inconduite.

229 L’employeur a soutenu que cette affaire ne concerne pas un acte de discrimination ou de harcèlement allégué comme on le prétend dans l’un des renvois à l’arbitrage, car ces questions ont fait l’objet d’un grief et ont été tranchées au dernier palier de la procédure de règlement des griefs avant le licenciement de la fonctionnaire et que ces griefs n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage.

230 L’agent négociateur a soutenu que les griefs concernant les actes de discrimination et de harcèlement allégués avaient été déposés de manière appropriée devant la Commission. De plus, l’agent négociateur a initialement soutenu que la plainte non tranchée devant la Commission canadienne des droits de la personne alléguant que l’employeur a commis un acte discriminatoire à l’égard du fonctionnaire au motif de son incapacité devrait être regroupée et entendue conjointement avec les griefs. Tel qu’il a été indiqué le 28 avril 2015, l’agent négociateur a retiré la demande de faire entendre la plainte de la fonctionnaire en matière de droits de la personne conjointement avec les griefs.

231 Le grief initial, daté du 28 avril 2011, contestant en partie le fait que Mme Calabretta a fait l’objet de discrimination au motif d’incapacités, du sexe, de la situation familiale ou de l’état civil dans son milieu de travail par son gestionnaire précédent, de juin 2009 à août 2010, qui est décrit plus exhaustivement au paragraphe 35, a été initialement mis en suspens en attente de l’enquête sur le harcèlement et a fait l’objet d’une réponse au dernier palier, le 10 décembre 2013, par M. Tupper.

232 Dans sa réponse, décrite de façon exhaustive au paragraphe 93, M. Tupper est arrivé à la conclusion que la fonctionnaire avait fait l’objet de harcèlement de la part de son gestionnaire de l’époque. Il a souligné que, cela étant, ni lui ni l’enquêtrice n’ont été en mesure d’établir au moyen des renseignements contenus dans le rapport que le traitement différentiel dont elle a fait l’objet était fondé sur l’un des motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Quoi qu’il en soit, il a souligné le fait que le harcèlement demeure une question très sérieuse qui ne serait pas tolérée à Sécurité publique Canada. Il a également souligné que, depuis les événements ayant donné lieu à sa plainte, des changements importants avaient eu lieu au bureau de Toronto, y compris le départ du gestionnaire précédent et, par conséquent, les mesures correctives demandées ont été adressées. Le fait que ce grief n’ait pas été renvoyé à l’arbitrage n’est pas contesté.

233 En outre, Mme Calabretta a déposé un certain nombre de griefs le 10 juillet 2013. Celui qui est particulièrement pertinent aux présentes procédures allègue que le ministère n’a pas fourni à la fonctionnaire un environnement de travail exempt de harcèlement depuis le début de son emploi en juillet 2009, que le ministère n’a pas protégé ses droits en omettant de s’acquitter de son obligation d’agir de façon équitable et en omettant de ne pas remplir, finaliser et exécuter l’enquête sur le harcèlement en temps opportun, que son superviseur a fait preuve de discrimination à son égard au motif de sa maladie et de sa situation familiale, que le ministère a omis de s’acquitter de son obligation à son égard en vertu de l’article 19 de la convention collective et en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et que le ministère a omis de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de ses besoins pour lui permettre de retourner au travail dans un environnement exempt de harcèlement. Au moyen d’une mesure corrective, elle a demandé qu’on lui fournisse un environnement de travail exempt de harcèlement et que le ministère lui fournisse un poste d’attache existant et garanti, classifié PM-04, au bureau régional de Toronto.

234 Le 10 décembre 2013, M. Tupper a répondu à son grief au troisième palier en partie comme suit. En ce qui concerne la partie du grief lié aux allégations de harcèlement et de discrimination se rapportant aux événements qui sont survenus en 2009 et en 2010, les représentants de Mme Calabretta ont clairement indiqué à l’audience du grief qu’aucune allégation supplémentaire ne serait présentée par l’intermédiaire du présent grief. Il a souligné que ces allégations se rapportaient à des événements survenus en 2009 et en 2010, et qu’ils faisaient l’objet du grief présenté en 2011. Puisque la fonctionnaire n’a pas allégué le harcèlement dans le nouveau grief, M. Tupper a conclu que cette partie du grief était hors délai.

235 Quoi qu’il en soit, alors que la question importante a été traitée dans une réponse au grief distincte, il a réitéré qu’il prenait très au sérieux les allégations fondées de harcèlement et que, par conséquent, la fonctionnaire devrait continuer à s’attendre à un environnement de travail sain et sécuritaire dans l’éventualité où l’on déterminerait qu’elle est apte à effectuer un retour au travail.

236 En ce qui a trait au délai d’exécution de l’enquête de harcèlement, il a souligné qu’une période de temps inhabituellement longue avait été nécessaire pour achever l’enquête, mais que les retards n’étaient ni excessifs ou inutiles et qu’ils n’étaient pas entièrement imputables à l’employeur, car la plainte avait été en suspens de mai 2012 au 7 juin 2013, car le défendeur n’était pas en mesure de participer au processus pour des raisons médicales. En fin de compte, il a fallu plus de temps qu’il aurait été préférable pour finaliser l’enquête, mais il ne considérait pas que le délai avait été inutile ou qu’il constituait une faute majeure ou un acte de mauvaise foi.

237 En ce qui a trait à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, il a indiqué que le travail qui avait été attribué à la fonctionnaire lors de son retour au travail avait été établi à l’aide des renseignements médicaux qu’elle avait présentés et que, de plus, le ministère lui avait offert de l’envoyer passer une évaluation de l’aptitude au travail à Santé Canada à au moins deux reprises pour veiller à ce qu’il ait tous les renseignements pertinents; la fonctionnaire a refusé de donner son consentement à ce processus. Par conséquent, il a conclu que le ministère s’était acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. De plus, rien dans les renseignements à sa disposition n’indiquait qu’elle avait été harcelée ou qu’elle avait été victime de discrimination dans le milieu de travail où elle a tenté un retour au travail progressif. Son grief a été accueilli selon l’étendue décrite dans la réponse. Ce grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage.

238 Le 10 décembre 2013, une réponse au dernier palier par M. Tupper a été donnée aux autres griefs déposés le 10 juillet 2013 relativement à la rémunération aux fins de la préparation à la médiation, au recouvrement du trop-perçu et au processus de médiation.

239 Aucun de ces griefs n’a été renvoyé à l’arbitrage.

240 À l’audience du grief de licenciement, M. Tupper a témoigné que le représentant de l’agent négociateur lui avait demandé de réexaminer la décision de licencier Mme Calabretta et que la seule question soulevée était celle de déterminer s’il y avait lieu de la ré-évaluer dans six mois. Aucun nouveau renseignement n’a été présenté; il n’y a pas eu non plus d’allégation selon laquelle Mme Calabretta a fait l’objet de discrimination ou qu’elle a été victime de harcèlement. Mme Dusablon était également présente à l’audience du grief et a témoigné en disant que l’agent négociateur avait déclaré que le libellé du grief ne faisait pas mention de harcèlement ou de discrimination et qu’il ne ferait aucune présentation à cet égard. L’agent négociateur, après s’être vu accorder une possibilité de consulter le représentant de l’agent négociateur à l’audience du grief, n’a pas contre-interrogé Mme Dusablon sur cette question ni présenté de preuve.

241 Manifestement, les allégations de discrimination, ainsi que les allégations de harcèlement et de retard indu dans le processus d’enquête sur le harcèlement, ont fait l’objet d’un grief, ont finalement été tranchées au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et n’ont pas été renvoyées à l’arbitrage. Cela s’est produit avant le licenciement de la fonctionnaire. Qui plus est, le représentant de la fonctionnaire a fait valoir que ces affaires ne faisaient pas partie du grief relatif au licenciement. Conformément à la jurisprudence, en n’ayant pas renvoyé ces questions à l’arbitrage, la fonctionnaire est liée par les conclusions au dernier palier.

242 La preuve est également claire à l’égard du fait que ces questions n’ont pas été soulevées expressément dans le libellé du grief de licenciement et qu’elles n’ont pas été soulevées dans la procédure de règlement des griefs traitant de ce grief. Néanmoins, la fonctionnaire cherche à traiter la question de la discrimination et du harcèlement dans le contexte du grief en l’espèce. L’employeur a soutenu que toute demande d’élargir la portée du présent grief en vue de traiter de la discrimination ou du harcèlement serait contraire au principe établi dans Burchill. Dans Burchill, la Cour d’appel fédérale a déclaré en partie, au paragraphe 5, ce qui suit :

[…] après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l’article 90 ou visé à l’alinéa 91(1)a) ou b) peut être envoyé à l’arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

243 L’agent négociateur a soutenu que, même si un conseil d’arbitrage est lié par le grief dont il est saisi, le grief devrait être interprété de façon libérale, de sorte que la vraie question soit traitée et, si un manquement à la convention collective est établi, la réparation appropriée devrait être conçue en se fondant sur la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Blouin Drywall.

244 L’agent négociateur a soutenu que ses représentants ont fait valoir dans le processus de règlement des griefs que le licenciement était injuste et injustifié, que Mme Calabretta avait présenté une plainte de harcèlement et de discrimination en 2011, qu’il ne s’agit pas d’une affaire où le renvoi en vertu de la clause sur l’élimination de la discrimination, soit l’article 19 de la convention collective, prendrait l’employeur par surprise, que le renvoi en vertu de l’article 19 ne change pas la nature du grief, et que la justification dans Burchill ne s’applique pas dans cette affaire.

245 Dans sa réfutation, l’employeur a soutenu que l’agent négociateur avait eu l’occasion de contester la réponse au grief au troisième palier à l’égard des griefs originaux comprenant des allégations de discrimination et de harcèlement, mais qu’il ne l’avait pas fait. De même, l’agent négociateur a eu la possibilité de contester la réponse au grief en ce qui concerne l’environnement exempt de harcèlement. Il ne l’a pas fait. Il a fait valoir que la meilleure approche dans le secteur public fédéral est reflétée dans Boudreau par opposition à l’approche représentée par la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Blouin Drywall et que la question en litige n’est pas de déterminer si l’employeur aurait été pris par surprise par le renvoi à l’arbitrage du présent grief en vertu de l’article 19 de la convention collective. La question en litige consiste à déterminer si l’article 19 était visé par le grief.

246 Dans Boudreau,le juge Martineau s’est penché sur la question de savoir s’il existait une incohérence entre l’approche dans Burchill et celle dans Blouin Drywall. Aux paragraphes 17 à 19 de la décision, il a déclaré ce qui suit :

Le demandeur fait valoir à la Cour que l’approche « stricte » que la Cour d’appel fédérale avait favorisée, en 1980, dans l’affaire Burchill avait été remplacée par une approche « souple » approuvée par la Cour suprême du Canada, en 2003, dans l’arrêt Parry Sound, qui a reconnu « le consensus général chez les arbitres que, dans la mesure du possible, un grief ne devrait pas être gagné ni perdu pour un vice de forme, mais plutôt en raison de son bien-fondé » […]

La Cour souligne que les décisions arbitrales citées par la Cour suprême dans l’arrêt Parry Sound, précité, établissent que « celui-ci [le grief] doit toutefois être interprété libéralement de sorte que le grief véritable puisse être tranché » (Re Blouin Drywall Contractors Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Jeiners of America, Local 2486, (1975) 8 OR (2d) 103 (CA), p. 108) et que, comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Parry Sound, précité, au par. 69, ces décisions arbitrales sont aussi fondées sur l’idée que les exigences procédurales ne devraient pas être rigoureusement appliquées dans les cas où l’employeur ne subit aucun préjudice. La Cour ne voit aucun problème de cohérence avec ces principes et ce que la Cour d’appel fédérale a décidé dans l’affaire Burchill, précitée, dans la mesure où le renvoi à l’arbitrage au titre de l’article 209 de la Loi ne modifie pas la nature du grief initial déposé par un employé ou par l’agent de négociation en vertu de l’article 208 de la Loi ou de la convention collective.

La Cour est d’avis que les règles en matière d’équité procédurale dictent qu’un employeur ne devrait pas avoir à se défendre en arbitrage sur des questions dont la caractérisation est très différente de celle en litige au cours de la procédure de règlement de grief. Il ne s’agit pas d’une simple formalité, mais d’un aspect fondamental au bon fonctionnement du système de règlement des différends en matière de conflits de travail au sein de l’administration publique […]

247 Je ne vois pas non plus d’incohérence dans les principes articulés dans Blouin Drywall et Burchill, dans la mesure où ils établissent que le grief ne devrait pas être interprété d’une façon trop technique et que la vraie question en litige devrait être traitée, à condition qu’elle ne change pas la nature du grief présenté à l’origine.

248 Essentiellement, le principe établi dans Burchill vise à assurer l’équité procédurale.

249 J’ai déclaré dans Savard c. Conseil du Trésor (Passeport Canada), 2014 CRTFP 8, au paragraphe 72, ce qui suit :

Pour décider si le grief est contraire ou non aux principes énoncés dans Burchill, je dois d’abord établir si le grief que souhaite présenter le fonctionnaire est un nouveau grief ou un grief différent de celui qui a été traité dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Dans une telle situation, le critère à appliquer consiste à établir si l’employeur connaissait la nature du grief pendant que la procédure de règlement des griefs était en cours et s’il a eu l’occasion de se pencher sur les questions en litige.

250 La lettre de licenciement qui a déclenché le grief et, ultimement, le renvoi à l’arbitrage, a présenté ce qui suit à titre de motif de l’employeur : [traduction] « Malheureusement, les renseignements médicaux reçus indiquaient qu’il ne vous était pas possible d’effectuer un retour au travail dans un avenir prévisible ». Dans le grief au dernier palier, le représentant de M. Calabretta a soutenu que la décision de la licencier sans permettre la tenue d’une nouvelle évaluation après six mois était injuste et injustifiée dans les circonstances. La réponse au dernier palier par M. Tupper datée du 4 juin 2014, dans laquelle on rejette le grief, déclarait en partie : [traduction] « En conséquence, j’arrive à la conclusion que ma décision de mettre fin à votre emploi était conforme à la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du Conseil du Trésor, compte tenu de la durée de votre période de congé de maladie et de l’incapacité à établir une date de retour au travail dans un avenir prévisible ». Le renvoi à l’arbitrage a été accompagné d’une lettre de l’agent négociateur daté du 11 juillet 2014, déclarant ce qui suit : [Traduction] « Puisque le grief soulève une question concernant l’interprétation et l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous avons envoyé le formulaire 24 à la Commission canadienne des droits de la personne ». Le formulaire 24 de la Commission canadienne sur les droits de la personne contenait la mention suivante : [traduction] « Mme Calabretta soutient qu’elle a fait l’objet de discrimination de la part de l’employeur au motif de son incapacité en omettant de prendre des mesures d’adaptation à son égard ».

251 La vraie question en litige consiste à déterminer si l’employeur a commis des actes discriminatoires à l’égard de Mme Calabretta au motif d’une incapacité et, le cas échéant, si le fait de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité imposait des contraintes excessives à l’égard de l’employeur. Non seulement l’employeur en était-il pleinement conscient, mais l’avocat de l’employeur a présenté une preuve et a formulé des arguments sur les efforts de l’employeur relativement aux mesures d’adaptation. En conséquence, il n’y a ni préjudice ni préoccupation liée à l’équité procédurale pour l’employeur si je tranche l’allégation manifeste de discrimination soulevée dans le grief de licenciement.

252 En raison de l’ensemble des motifs qui précèdent, j’arrive à la conclusion que, même si je ne suis pas saisi à bon droit des allégations de harcèlement et de discrimination qui ont été soulevées dans les griefs de 2011, j’ai compétence pour déterminer si l’employeur a commis des actes discriminatoires à l’égard de Mme Calabretta au motif d’une incapacité et, le cas échéant, si le fait de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité imposerait des contraintes excessives à l’employeur. Il s’agit de la question en litige qui découle du grief de licenciement.

253 Selon l’alinéa 226(2)a) de la LRTFP, un arbitre de grief ou la Commission peut, relativement à toute affaire renvoyée à l’arbitrage, interpréter et applique la Loi canadienne des droits de la personne.

254 L’employeur a licencié Mme Calabretta pour des motifs non disciplinaires selon les renseignements médicaux qu’il a reçus, lesquels indiquaient qu’elle n’était pas en mesure d’effectuer un retour au travail dans un avenir prévisible au motif de son incapacité.

255 Je n’éprouve aucune difficulté à conclure en fonction de la preuve dont je suis saisi qu’une preuve prima facie de discrimination a été établie. Pour démontrer une preuve prima facie de discrimination, Mme Calabretta doit démontrer : qu’elle a une caractéristique protégée contre la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qu’elle a éprouvé une incidence négative à l’égard de son emploi, et que la caractéristique protégée était un facteur dans cette incidence négative (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au paragraphe 33). Dans un premier temps, Mme Calabretta avait une caractéristique protégée contre la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’un des motifs de distinction illicite énumérés à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est la déficience. En vertu de l’article 25 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une déficience s’entend d’une « [d]éficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée […] ». La preuve selon laquelle Mme Calabretta souffrait d’une déficience est accablante. Deuxièmement, on ne remet pas en question qu’elle a éprouvé une incidence négative à l’égard de son emploi – elle a été licenciée. Enfin, la preuve a clairement établi que l’invalidité de Mme Calabretta était un facteur dans le cadre de son licenciement.

256 Comme il a été indiqué précédemment, le Conseil du Trésor a promulgué la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales le 1er avril 2009. L’annexe B, au paragraphe 2, traite de la gestion de situations particulières de congés non payés où une personne n’est pas en mesure d’effectuer un retour au travail dans un avenir prévisible. La directive prévoit ce qui suit :

La personne ayant le pouvoir délégué doit réexaminer chaque cas périodiquement afin de s’assurer que le congé non payé accordé pour maladie ou blessure survenue au travail n’est pas prolongé sans raison médicale valable. Les cas de congé non payé doivent être réglés dans les deux ans qui suivent la date du début du congé, quoique chaque cas doit être évalué sous réserve de ses circonstances particulières. Le congé non payé accordé pour maladie ou blessure survenue au travail se termine lorsque la personne […] est licenciée pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques.

257 L’employeur s’est fondé sur la politique actuelle du Conseil du Trésor en licenciant Mme Calabretta. Dans la lettre de licenciement, M. Tupper a déclaré, en partie : [traduction] « En conséquence, j’arrive à la conclusion que ma décision de mettre fin à votre emploi était conforme à la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du Conseil du Trésor […] ».

258 Étant donné que j’ai conclu à l’existence d’une preuve prima facie de discrimination, il incombe à l’employeur de démontrer que son application de la norme était justifiée. Dans McGill, la Cour suprême a réitéré le critère en trois parties établi dans Meorin comme suit (au paragraphe 13) :

Il est bien établi que l’employeur doit justifier la norme qu’il cherche à appliquer en démontrant :

(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

(Meiorin, par. 54)

259 Je suis d’accord avec l’avocat de l’employeur que les deux premières parties du critère dans Meiorin ont été établies et que la question dans la présente affaire porte sur le concept de contrainte excessive.

260 Par conséquent, l’analyse se tourne sur la question de savoir si le fait de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’invalidité de Mme Calabretta imposera une contrainte excessive à l’employeur.

261 Comme la Cour suprême l’a expliqué dans Hydro-Québec, au paragraphe 12, l’employeur est tenu de prouver une contrainte excessive, « qui, elle, peut prendre autant de formes qu’il y a de circonstances ».

262 Dans McGill,la Cour suprême a déclaré au paragraphe 11 :

L’obligation d’accommodement en milieu de travail naît lorsqu’un employeur cherche à appliquer une norme qui cause préjudice à un employé en raison de caractéristiques particulières protégées par la législation sur les droits de la personne. Il peut s’agir comme en l’espèce du droit d’une employée malade de s’absenter du travail […]

263 La question en l’espèce consiste à déterminer si les circonstances présentées imposaient une contrainte excessive à l’employeur.

264 La Cour suprême a déclaré au paragraphe 15 de McGill que :

Les facteurs permettant de conclure que la contrainte est excessive ne sont pas consacrés et doivent être appliqués avec souplesse et bon sens […] Par exemple, on pourra considérer le coût de l’accommodement, le moral et la mobilité du personnel, l’interchangeabilité des installations et la perspective d’atteinte aux droits d’autres employés ou à la convention collective. Comme le droit d’être accommodé n’est pas absolu, la prise en compte de tous les facteurs pertinents peut mener à la conclusion que l’impact causé par l’application d’une norme préjudicielle est légitime.

265 Aux paragraphes 18 et 19, la Cour suprême a ajouté ce qui suit :

[…] il faut reconnaître aux parties à la convention collective le droit de négocier des clauses assurant le retour au travail des employés malades dans un délai raisonnable. Si cet objectif valable est reconnu, la détermination d’une période d’absence maximale constitue donc une forme d’accommodement négocié.

L’existence d’une telle période, négociée et inscrite dans la convention collective, signale que l’employeur et le syndicat se sont penchés sur les caractéristiques de l’entreprise et ont convenu que, au-delà de cette période, l’employeur était en droit de mettre fin à l’emploi de la personne malade […]

266 Au paragraphe 20, la Cour suprême poursuit :

La période négociée par les parties est donc un élément pertinent dans l’appréciation de l’obligation d’accommodement raisonnable. De telles clauses ne déterminent pas de façon définitive la mesure d’accommodement particulière à laquelle un employé a droit, car chaque cas doit être évalué selon les circonstances qui lui sont propres […]

267 Au paragraphe 22 :

[…] En effet, l’obligation d’accommodement varie selon les caractéristiques de chaque entreprise, les besoins particuliers de chaque employé et les circonstances spécifiques dans lesquelles la décision doit être prise. Tout au long de la relation d’emploi, l’employeur doit s’efforcer d’accommoder l’employé. Cela ne signifie pas pour autant que les contraintes afférentes à l’accommodement doivent nécessairement être à sens unique […]

268 Au paragraphe 33 :

[…] La contrainte excessive résultant de l’absence de l’employée doit s’évaluer globalement à compter du moment où l’employée s’absente et non à l’expiration de la période de trois ans.

269 L’arbitre de grief dans cette affaire a tenu compte de la clause de la convention collective ainsi que des événements qui ont mené à la cessation de la relation d’emploi, y compris les mesures d’accommodement accordées par l’hôpital en acceptant des périodes de réhabilitation plus longues que celles prévues dans la convention collective. L’arbitre de grief a également tenu compte de l’état de santé de l’employée et de l’absence de preuve voulant qu’elle soit en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. La Cour suprême est arrivée à la conclusion que l’arbitre de grief avait correctement déterminé que l’employeur ne pouvait continuer à employer une personne qui avait été déclarée invalide pour une période indéterminée.

270 Dans Hydro-Québec, au paragraphe 12,la Cour suprême a élaboré au sujet du principe de contrainte excessive comme suit : « [c]e qui est véritablement requis ce n’est pas la démonstration de l’impossibilité d’intégrer un employé qui ne respecte pas une norme, mais bien la preuve d’une contrainte excessive […] »

271 La Cour suprême a poursuivi en partie comme suit aux paragraphes 14, 15, 16, 17 et 19 :

[…] L’obligation d’accommodement a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.

L’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail […]

Le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. L’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

[…] Cependant, en cas d’absentéisme chronique, si l’employeur démontre que, malgré les accommodements, l’employé ne peut reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible, il aura satisfait à son fardeau de preuve et établi l’existence d’une contrainte excessive.

[…]

 L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible.

272 Le critère consiste alors à déterminer si l’employeur a démontré qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé et que, malgré ces mesures, l’employé n’est toujours pas en mesure de reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible.

V. Conclusion

273 Mme Calabretta a commencé à travailler à Sécurité publique Canada en juillet 2009 à titre d’agente de gestion des urgences, un poste classifié PM-02. Un diagnostic de dépression et d’anxiété a été posé à son égard, lequel a aggravé une condition préexistante. Elle est partie en congé de maladie prolongée le 6 juillet 2010 et n’est revenue au travail que le 7 janvier 2013.

274 Peu de temps après son départ en congé de la maladie, on lui a demandé de fournir des mises à jour sur son état de santé à la direction et on lui a remis une description de travail pour son poste afin de lui permettre, ainsi qu’à son médecin, de déterminer si elle avait des limitations fonctionnelles liées à sa capacité d’exercer ses fonctions, et ce, dans le but d’aider le ministère à déterminer si elle devait faire l’objet de mesures d’adaptation. En septembre 2010, le médecin de Mme Calabretta a informé l’employeur que cette dernière demeurerait inapte à travailler jusqu’à avis contraire.

275 En novembre 2010, la direction a demandé à Mme Calabretta de la tenir informée des progrès relatifs à son état de santé afin d’assurer une réintégration plus facile au bureau à son retour. Le 16 novembre 2010, une téléconférence a eu lieu entre la direction, les relations de travail, l’agent négociateur et Mme Calabretta; à ce moment, on a déterminé qu’il était trop tôt pour parler d’un retour au travail.

276 En février 2011, la direction a rédigé une lettre à l’intention de Mme Calabretta, en guise de suivi de la téléconférence du 16 novembre pour savoir comment elle allait et pour demander une mise à jour. Mme Calabretta a informé la direction qu’elle faisait tout en son possible pour se rétablir.

277 Des discussions ont eu lieu avec Mme Calabretta en ce qui concerne un retour éventuel au travail et, le 16 juillet 2012, le ministère a préparé une lettre à l’intention du médecin traitant de Mme Calabretta, dans laquelle l’obligation de prendre des mesures d’adaptation du ministère était décrite et demandant l’expertise du médecin afin de déterminer si elle avait des limitations fonctionnelles qui devaient faire l’objet de mesures d’adaptation. En septembre, le ministère a reçu des renseignements médicaux du médecin de Mme Calabretta, indiquant qu’elle était maintenant apte à retourner au travail, à condition que certaines mesures d’adaptation soient prises et que son retour au travail se déroule de façon progressive; la mesure d’adaptation la plus importante étant qu’elle ne retourne pas travailler au bureau de gestion des urgences de Toronto.

278 La direction a examiné d’autres possibilités d’emploi. Le ministère faisait déjà l’objet d’une réduction de l’effectif et il était reconnu que le poste d’attache de Mme Calabretta ainsi que celui d’un autre employé occupant un poste classifié PM-02 seraient touchés et que les deux employés devraient faire l’objet d’un processus de SMPMD. Il a été convenu avec l’agent négociateur que la direction n’obligerait pas Mme Calabretta à participer au processus de SMPMD avant qu’elle soit de retour au travail à plein temps.

279 La direction a décidé de placer Mme Calabretta dans un autre bureau, à un autre emplacement de l’unité des Subventions et des contributions au CNPC, même si son ancien gestionnaire ne se trouvait plus dans le milieu de travail. Mme Epprecht a pris des mesures pour obtenir le curriculum de Mme Calabretta, afin de passer en revue son expérience pour déterminer comment elle pouvait appuyer l’unité des Subventions et des contributions au CNPC. L’employeur précédent de la fonctionnaire a été approché dans le but d’en savoir plus sur son expérience. Mme Epprecht a tenté de créer un travail significatif pour Mme Calabretta. Des réunions ont eu lieu avec toutes les parties concernées, l’agent négociateur et Mme Calabretta. Mme Calabretta a eu droit à une visite du bureau. Son médecin avait déclaré qu’elle devrait disposer d’un poste de travail silencieux. Le poste de travail désigné par Mme Epprecht ne convenait pas à Mme Calabretta. Elle a demandé un poste de travail différent. Mme Epprecht n’avait aucun problème à apporter le changement. Le service de la paie a été informé qu’elle effectuerait un retour en octobre 2012.

280 Le 2 octobre 2012, la direction, l’agent négociateur et Mme Calabretta se sont entendus sur un retour au travail en octobre à l’unité des Subventions et des contributions au CNPC, le travail auquel elle serait affectée et l’horaire de travail réduit, trois jours par semaine, conformément aux recommandations de son médecin.

281 L’agent négociateur a décidé de se retirer de l’entente, car il était préoccupé par le fait qu’il n’y avait pas de poste classifié PM-02, de fonctions particulières et de description de travail et que l’absence de ces éléments serait défavorable à Mme Calabretta.

282 Mme Epprecht et Mme Dusablon ont indiqué qu’elles avaient été surprises, car elles croyaient qu’ils étaient parvenus à un accord commun. Mme Epprecht a demandé au médecin traitant de Mme Calabretta de lui fournir plus de renseignements quant à la nature de ses besoins en mesures d’adaptation et elle lui a demandé de donner son consentement à une évaluation de son aptitude au travail par Santé Canada à cette fin.

283 Par la suite, une réunion a eu lieu aux plus hauts échelons du ministère, en présence du sous-ministre et de l’agent négociateur, afin de discuter de la situation de Mme Calabretta. Le ministère a répété sa volonté de maintenir en poste Mme Calabretta et il a exprimé le fait qu’il était disposé à prendre des mesures d’adaptation pour répondre à ses problèmes médicaux.

284 Le 19 décembre 2012, le médecin de Mme Calabretta a confirmé qu’elle était en mesure de retourner au travail à temps partiel. Une fois de plus, une réunion a eu lieu le 21 décembre 2012, avec des hauts fonctionnaires du ministère et le président du syndicat, concernant son retour au travail. Une discussion a eu lieu relativement aux fonctions qu’elle serait tenue d’exercer et il a été décidé qu’on lui fournirait un plan d’apprentissage et des objectifs de rendement, qu’on lui avancerait 19 jours de congé de maladie payé, et que Mme Dusablon et Mme Belleau se rendraient à Toronto à son premier jour de travail pour faciliter son retour.

285 La fonctionnaire a été accueillie par l’équipe. Elle a participé à des réunions régulières des agents de programme qui concernaient tous les membres du personnel et, selon Mme Epprecht, pendant la période de janvier à avril 2013, les choses se déroulaient très bien. En avril 2013, Mme Epprecht a préparé une évaluation du rendement écrite positive. En février, Mme Calabretta avait épuisé les 19 jours de congé de maladie qu’on lui avait avancés. Le ministère lui a accordé trois semaines supplémentaires de salaire.

286 Cependant, en avril 2013, Mme Calabretta s’est plainte à Mme Epprecht qu’on avait convenu que tout ce qui concernait son emploi devait passer par l’intermédiaire du syndicat, y compris son évaluation du rendement. Elle a également déclaré qu’il avait été convenu que les tâches seraient attribuées par l’entremise de Mme Epprecht, plutôt que par l’intermédiaire d’un collègue, et que toutes les instructions lui seraient données par écrit. Elle a prétendu que Mme Epprecht allait à l’encontre des recommandations de son médecin.

287 Mme Epprecht attribuait personnellement les tâches à Mme Calabretta; cependant, elle n’était pas toujours disponible et, au sein d’une petite équipe, il n’était pas inhabituel qu’un autre membre du personnel attribue des tâches à un employé. Mme Epprecht ignorait si elle allait modifier quoi que ce soit dans sa façon de gérer Mme Calabretta. Tout le monde au bureau voulait qu’elle réussisse. Aucune de ses actions n’allait à l’encontre des recommandations du médecin de Mme Calabretta et, dans les faits, pratiquement tout ce qu’elle faisait relativement à la gestion de Mme Calabretta était approuvé par les relations de travail et la haute direction.

288 Une conférence téléphonique a été tenue pour discuter des questions soulevées par Mme Calabretta au cours de laquelle il a été convenu que, habituellement, le syndicat ne participait pas à la gestion du rendement et qu’il n’était pas toujours possible d’y faire participer le syndicat. Cette discussion est décrite de façon plus détaillée au paragraphe 68.

289  À l’occasion de cette réunion, il a été convenu que la direction préparerait une évaluation de l’aptitude au travail pour Santé Canada, que Mme Calabretta pourrait examiner avant de donner son consentement. La direction avait besoin de l’évaluation pour déterminer les autres mesures d’adaptation qui pourraient être prises à l’égard de Mme Calabretta à la lumière des questions soulevées par celle-ci du fait que les billets de médecin actuels étaient vagues. Mme Calabretta n’était pas prête à consentir à l’évaluation.

290 Mme Calabretta est partie en congé de maladie deux semaines avant la médiation qui a eu lieu les 25 et 26 juin 2013, et elle n’est pas retournée au travail par la suite. Néanmoins, lors de la médiation, les parties ont convenu d’examiner la description de travail actuelle avec le médiateur pour déterminer les tâches propres au travail et d’élaborer un plan de retour au travail qui comprendrait des tâches de travail à court terme, à moyen terme et à long terme, conformément à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, avec l’appui du médecin de Mme Calabretta et de son agent négociateur.

291 Le 27 juin 2013, Mme Calabretta a informé Mme Epprecht qu’elle serait absente du travail pour des raisons médicales et qu’elle avait réactivé sa demande de prestations d’invalidité.

292 En juillet, le médecin de Mme Calabretta a informé le ministère qu’elle ferait l’objet d’une nouvelle évaluation après un mois. En août, le médecin de Mme Calabretta a informé le ministère qu’elle n’était pas apte à travailler pour des raisons médicales et qu’elle ne prévoyait pas son retour au travail avant quatre ou six mois après cette date. En septembre, son médecin a répété qu’elle ne s’attendait pas à ce que Mme Calabretta effectue un retour au travail avant une période de quatre à six mois.

293 En novembre, Mme Calabretta a consenti à une évaluation de son aptitude au travail. Le 25 février 2014, Santé Canada a informé l’employeur et Mme Calabretta que cette dernière ne serait pas apte à travailler dans son poste d’attache et, en réponse à la question de savoir si l’employée était actuellement inapte au travail et s’il était possible d’établir une date de retour au travail à ce moment en se fondant sur les renseignements médicaux disponibles, Santé Canada a répondu que [traduction] « une autre évaluation de l’aptitude au travail pourrait être effectuée dans six à neuf mois afin de déterminer si un retour au travail pouvait être tenté ».

294 Le 11 mars 2014, le ministère a rédigé une lettre à l’intention de Mme Calabretta dans lequel il a mentionné l’évaluation de Santé Canada et indiqué que, selon l’évaluation de Santé Canada, elle ne serait pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. Les différentes options offertes à la fonctionnaire étaient également soulevées.

295 En fin de compte, Mme Calabretta a été licenciée le 8 avril pour des motifs non disciplinaires. M. Tupper a eu de la difficulté à prendre cette décision. Cependant, il avait été brièvement informé de sa situation et était au courant des tentatives du ministère en vue de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son invalidité. Son ministère était en période de réorganisation et de réduction de l’effectif. Il avait retardé un processus de SMPMD en raison de la situation de Mme Calabretta qui avait eu une incidence sur d’autres employés, jusqu’au moment où il était clair que le ministère n’était pas en mesure de fixer une date de retour au travail pour elle. On a autorisé la fonctionnaire à présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales et elle a continué de bénéficier du droit de priorité pour invalidité aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

296 À mon avis, selon les faits que j’ai récités, je suis porté à conclure que l’employeur a démontré qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’égard de l’employée, cependant, malgré ces mesures, l’employée n’était pas en mesure de reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible. D’après les recommandations de son médecin, l’employeur a tout mis en œuvre afin de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du bref retour au travail de Mme Calabretta. Mme Epprecht, plus particulièrement, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour accueillir et créer un emploi significatif pour la fonctionnaire et prendre des mesures d’adaptation à l’égard de ses limitations.

297 Au moment de son licenciement en avril 2014, elle avait été absente du lieu de travail pendant presque quatre ans, à l’exception de sa tentative de retour au travail, de janvier à la mi-juin 2013, selon un horaire de trois jours par semaine, trois heures par jour. En février 2014, Santé Canada est arrivé à la conclusion qu’elle n’était actuellement pas apte à travailler dans son poste d’attache. En réponse à la question de savoir si une date de retour au travail pouvait être établie, Santé Canada a indiqué que [traduction] « une évaluation de l’aptitude au travail pourrait être effectuée après six à neuf mois pour déterminer si un retour au travail pouvait être tenté » [je souligne]. Je suis d’avis que Santé Canada n’a pas recommandé que Mme Calabretta fasse l’objet d’une nouvelle évaluation après une période supplémentaire de six à neuf mois, mais plutôt qu’une autre évaluation pourrait être effectuée après six à neuf mois pour déterminer « si » un retour pouvait être tenté. Il n’y a rien dans cette déclaration qui s’éloigne de la conclusion selon laquelle la fonctionnaire était médicalement inapte pour un avenir raisonnablement prévisible en avril 2014.

298 Le rapport du psychologue de Mme Calabretta, daté du 1er mai 2015, près d’un an après son licenciement, est très qualifié, et mentionne que la fonctionnaire a lutté pendant plus de cinq ans dans un effort en vue de surmonter les obstacles pour retourner au travail et qu’elle avait développé une anxiété très importante à l’égard de ces questions. Il a également souligné qu’il n’y avait aucune certitude quant à la réussite de son retour au travail. Comme il est indiqué au paragraphe 110, j’ai déterminé que les renseignements dans le rapport étaient vraisemblablement pertinents quant au caractère raisonnable de la décision de 2014 de la licencier. À mon avis, on peut soutenir que le rapport renforce la décision de l’employeur de licencier Mme Calabretta.

299 L’employeur a démontré que, malgré les mesures d’adaptation prises à l’égard de Mme Calabretta, elle n’a pas été en mesure de reprendre le travail dans un avenir raisonnablement prévisible. En conséquence, l’employeur s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et a démontré l’existence d’une contrainte excessive.

300 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VI. Ordonnance

301 Le licenciement aux termes de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques est maintenu.

302 Le grief est rejeté.

Le 28 octobre 2015.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

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