Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait enfreint les dispositions relatives à la répartition des heures supplémentaires dans la convention collective, lorsqu’il a instauré un projet pilote visant l’ouverture, les samedis, de certains centres d’appels de l’assurance-emploi (AE) – les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient au centre de l’AE de Toronto, lequel n’était pas visé par le projet pilote en raison du tarif horaire lié à l’ouverture de ce bureau – le bilinguisme était également l’un des facteurs dont l’employeur devait tenir compte au moment de décider quels centres de l’AE devaient ouvrir – chaque centre d’appels relevait de l’échelle nationale et tous les postes d’agent des services aux clients faisaient partie de la même classification de poste – les éléments de preuve ont permis d’établir que dans des circonstances normales, lorsque l’occasion de travailler des heures supplémentaires se présentait, l’offre de travailler ces heures était faite au personnel du bureau où les heures supplémentaires devaient être exécutées et que chaque centre était géré à partir de son propre budget distinct – la formation de la Commission a conclu que pour obtenir gain de cause, les fonctionnaires s’estimant lésés devaient démontrer que, selon la convention collective, les heures supplémentaires devaient être réparties autrement qu’à l’échelle locale – bien qu’il soit établi dans la convention collective que la répartition des heures supplémentaires est faite en fonction des besoins opérationnels, cette convention ne contient aucune disposition étayant l’interprétation selon laquelle les heures supplémentaires auraient dû être réparties à l’échelle nationale plutôt qu’aux bureaux concernés par le besoin opérationnel existant – le financement destiné à ces postes, y compris les coûts des heures supplémentaires, a été réparti à l’échelle régionale – chaque centre d’appels fonctionnait de façon autonome au sein du réseau des centres d’appels – la convention collective s’appliquait à plusieurs classifications de postes et ministères et l’application de la disposition en question, selon les fonctionnaires s’estimant lésés, aurait pour effet d’entraîner des perturbations – leur interprétation exigerait une modification à la convention collective, ce qui irait à l’encontre de l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-12-22
  • Dossier: 566-02-2013 à 2017 et 2019 à 2047
  • Référence: 2015 CRTEFP 96

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

TRAVIS LAHNALAMPI ET AL.

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement social)

employeur

Répertorié
Lahnalampi et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement social)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Lea Bou Karam, avocate
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
les 5 et 6 août 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Travis Lahnalampi, Gilda Marinucci, Bev J. McCarthy, Amber L. Morden, Jocelyn T. Myint-Swe, Jay Raikundalia, Elizabeth Ray, Cleopatra Reid, Craig Russel, Harminder Sahota, Antonella Sciacca, Brian Shin, Scott Stanley, Beata Syropiatko, Mary Visco, Suzanne Walters, Tracey Watters, Sharon Ali, Enid Awuku, Latricia Beeston, Barbara Budgell, Gennaro Canale-Parola, Kathy Cooper, Amabel Court, Roger Descotes, Omar Fairclough, Bruce Flannigan, Megan Gagnon-Fitzgerald, Robert Graham, Simone Hercules, Julian Jeganathan, Diane Johnson, David Jones et Clint James (les « fonctionnaires s’estimant lésés », ci-après les « fonctionnaires ») ont allégué que l’employeur, soit le ministère des Ressources humaines et du Développement social (maintenant le ministère de l’Emploi et du Développement social), a violé la clause 28.05a) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Service des programmes et de l’administration (tous les employés), qui est venue à échéance le 20 juin 2007 (la « convention collective »). L’employeur aurait enfreint la convention collective entre janvier et mars 2007, en mettant en œuvre un projet visant à ouvrir les centres d’appels de l’assurance-emploi (AE) les samedis aux emplacements de Montréal (Québec), et Sudbury (Ontario), (le « projet »), donnant lieu à une attribution inéquitable des heures supplémentaires.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

3 Au début de l’audience, à la suite d’une requête préliminaire présentée par le représentant des fonctionnaires, il a été déterminé que la portée de la présente audience porterait sur la question de savoir si l’employeur avait contrevenu à la clause 28.05a) de la convention collective en offrant des occasions de travailler des heures supplémentaires ailleurs qu’au centre d’appel de Toronto, en Ontario. Advenant une réponse affirmative, la question devait être renvoyée aux parties pour déterminer l’indemnité à leur accorder en raison de cette contravention. Il a ensuite été proposé que je continue d’être saisie de l’affaire dans l’éventualité où les parties ne seraient pas en mesure de la régler.

II. Résumé de la preuve

4 À partir de 2007, l’employeur a décidé que tous les centres d’appels de l’AE devraient être ouverts les samedis afin d’offrir un meilleur service aux Canadiens éprouvant des difficultés à produire des demandes d’AE par téléphone ou par voie électronique. L’intention de l’employeur était de réduire la charge de travail du lundi visant à traiter les problèmes survenus à la fin de la période de rapport de la semaine précédente. Au début, il était question d’un projet pilote dans le cadre duquel les centres de Montréal et de Sudbury ont été choisis pour être ouverts les samedis de façon à s’assurer qu’un service bilingue soit offert. La portée du projet a été élargie afin d’inclure les centres d’appels de St. John’s (Terre-Neuve), d’Edmonton (Alberta), et de Vancouver (Colombie-Britannique), pour veiller à ce que tous les fuseaux horaires dans le pays soient couverts. Le centre d’appels de Toronto a été ajouté au projet le dernier samedi du mois de mars 2011 et a été exclu des heures supplémentaires pendant une période de 11 semaines. Les heures supplémentaires effectuées par les employés des différents centres ont été attribuées équitablement au fur et à mesure que des centres d’appels ont été ajoutés au projet pilote, conformément à la clause 28.05 de la convention collective. Les fonctionnaires ont fait valoir qu’en vertu de la clause 28.05, ils avaient le droit d’être inclus dans l’attribution des heures supplémentaires dès le début du projet.

5 Cette affaire a été entendue par Michael Bendel en 2013 (voir 2014 CRTFP 22). La Cour fédérale a par la suite infirmé sa décision (voir Lahnalampi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1136) et a renvoyé l’affaire aux fins d’un nouvel examen par un autre arbitre de grief de l’ancienne Commission.

6 M. Lahnalampi était employé au centre d’appels de Toronto pendant la période en question. À l’époque, il était vice-président du local 638 du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (le « syndicat »), un élément de l’agent négociateur. Au début de 2007, il a découvert que des appels étaient attribués au centre de Sudbury les samedis, ce qui n’était pas une occurrence habituelle dans les centres d’appels de l’AE. Par l’intermédiaire de discussions avec des collègues et à l’occasion de réunions syndicales-patronales locales, il a déterminé qu’un projet pilote avait commencé à Sudbury et à Montréal, puis s’était étendu à d’autres emplacements. À la question de savoir pourquoi le centre d’appels de Toronto ne faisait pas partie du projet pilote sur les heures supplémentaires les samedis, on l’a informé que cet emplacement avait été exclu pour des motifs liés au coût, par exemple le loyer, les frais généraux et les salaires supplémentaires. Éventuellement, en raison de la réussite du projet pilote, le centre d’appels de Toronto a été ouvert le samedi, et ce, à compter du dernier samedi de mars 2007, moment auquel les heures supplémentaires ont été attribuées entre les fonctionnaires aux termes de la convention collective.

7 Selon M. Lahnalampi, l’explication présentée par l’employeur est sans fondement. Le trafic téléphonique dans les centres d’appels peut être réseauté à l’échelle nationale, ce qui signifie que les appels seraient acheminés au premier agent disponible, peu importe la province ou la région. Les fonctionnaires ont été en mesure de travailler des heures supplémentaires de janvier à mars 2007 et la technologie était telle que l’employeur était en mesure de répartir les heures supplémentaires équitablement entre les provinces et les régions.

8 M. Lahnalampi a préparé un tableau comparant l’attribution des heures supplémentaires entre les centres d’appels à l’échelle des régions pour la période en question (pièces 4 et 5). Selon son tableau, les employés des centres d’appels de Montréal, de Sudbury et d’Edmonton se voyaient attribuer un plus grand nombre d’heures supplémentaires que le centre d’appels de Toronto. Il a également témoigné que, en présentant leur grief, les fonctionnaires ont démontré qu’ils étaient facilement disponibles pour travailler les heures supplémentaires si l’employeur l’avait offert, conformément à la convention collective. Leur disponibilité a également été confirmée par les demandes visant à travailler des heures supplémentaires à Toronto qui ont été présentées dès que le syndicat a été informé du projet pilote et qu’il a soulevé la question auprès de la direction locale.

9 Bruce Flannigan a passé la totalité de ses 17 années dans la fonction publique à titre d’agent des paiements pour l’employeur. Son travail consiste à répondre aux demandes de renseignements téléphoniques sur l’AE. À l’époque où il a présenté son grief, il était le président du syndicat local pour la région de Toronto. À la fin janvier 2007, M. Lahnalampi l’a informé que le centre de Sudbury était ouvert les samedis et que, par conséquent, les membres du syndicat de cet emplacement travaillaient des heures supplémentaires. Ils se demandaient tous deux pourquoi les heures supplémentaires étaient limitées aux centres de Montréal et de Sudbury alors que les centres d’appels rendaient compte à l’échelle nationale et que les heures supplémentaires auraient donc dû être réparties à l’ensemble des centres d’appels. En raison de leur obligation de rendre compte à l’échelle nationale, tous les centres d’appels offrent les mêmes services.

10 À la suite des discussions informelles avec Stephen Pellicori, le gestionnaire du centre d’appels de l’AE de Toronto, M. Flannigan, a soulevé la question à l’occasion de la réunion du comité de consultation syndical-patronal local. M. Pellicori a indiqué au comité que le centre d’appels de Toronto ne serait pas ouvert en raison des coûts liés à son ouverture, qui étaient estimés à environ 700 $ à 800 $ l’heure.

11 Lors d’une réunion du comité de consultation syndical-patronal local le 2 février 2007, au cours de laquelle on a discuté de la question, le syndicat a informé l’employeur que la convention collective ne mentionnait pas que les heures supplémentaires seraient réparties uniquement dans les centres d’appels où aucun coût ne serait engagé relativement à l’ouverture des immeubles. L’Administration centrale nationale de l’employeur ne pouvait pas choisir à qui les heures supplémentaires seraient attribuées (voir le procès-verbal de la réunion du comité de consultation syndical-patronal local, pièce 6). L’employeur n’a présenté aucun autre motif pour ne pas ouvrir le centre d’appels de Toronto avant que le présent grief ne soit entendu devant M. Bendel en 2013.

12 Des questions et réponses ont été préparées par l’employeur en janvier 2007 (pièce 7) et les centres d’appels qui seraient ouverts les samedis, à partir du 20 janvier 2007, y ont été identifiés. D’après ce document, les centres d’appels de Montréal et de Sudbury ont été choisis parce qu’ils généraient les volumes d’appels les plus élevés et que, par conséquent, leur incidence sur le rendement de l’ensemble du réseau était la plus importante. Le document ne mentionne nulle part la question de la langue.

13 Même s’il y a une poignée d’agents bilingues au centre d’appels de Toronto, celui-ci est classé comme étant un centre unilingue; les agents ne traitent que des appels en anglais. L’appelant a le choix d’être servi en français et en anglais, et doit sélectionner le service en choisissant le numéro téléphonique approprié. L’appel sera initialement acheminé à la région où l’appelant est situé, mais si cette région n’est pas en mesure de répondre à l’appel, il sera transféré à la région ayant le plus de disponibilité. Pour permettre au centre d’appels de Toronto de recevoir des appels en anglais pendant le projet d’ouverture les samedis, il n’y avait qu’à configurer le système téléphonique pour y acheminer les appels. Il était possible d’accéder à l’immeuble où le centre d’appels de Toronto était situé par la salle du courrier. Les employés auraient été tenus de s’inscrire auprès du commissionnaire en service au moment de leur entrée. Un chef d’équipe aurait été tenu de rencontrer les employés, de leur donner accès aux ascenseurs et de les accompagner jusqu’au centre d’appels.

14 M. Pellicori était le gestionnaire du centre d’appels de Toronto au moment où les griefs ont été présentés. En tant que gestionnaire, il était responsable du budget du centre d’appels, de son rendement et de la gestion de ses ressources. Environ 112 agents d’appels y travaillaient. Ses responsabilités budgétaires comprenaient les dépenses salariales et autres dépenses. Un spécialiste de gestion de l’effectif qui relevait de M. Pellicori était responsable de l’organisation des horaires et de veiller à ce que les postes d’appels soient couverts pendant les périodes de pointe relatives aux demandes. Le spécialiste de gestion de l’effectif réunit et maintient les données sur les heures supplémentaires; les gestionnaires approuvent les heures supplémentaires. Lorsque des heures supplémentaires sont disponibles, elles sont offertes sur une base volontaire à l’ensemble du personnel du bureau où les heures supplémentaires sont requises, selon les données maintenues par le spécialiste de la gestion de l’effectif.

15 Les centres d’appels de l’AE utilisent un logiciel générique de routage des appels intitulé [traduction] « Gestion intelligente des appels » (le « GIA »). Les appels entrent dans la file d’attente. Le GIA détermine ensuite le point d’origine de l’appel et l’achemine au centre d’appels en fonction du temps d’attente le plus court. Si plus d’un centre d’appels est en ligne, le GIA examine le temps d’attente de chaque centre d’appels et achemine l’appel à celui dont le temps d’attente est le plus court. Si un appelant a demandé le service en français, il entre dans la file d’attente de la même façon, et le GIA achemine l’appel à un centre d’appels unilingue français ou à un centre d’appels bilingue.

16 Le centre d’appels de Toronto est unilingue anglais. Aucun ensemble de compétences n’a été établi pour les appels en français à Toronto. L’employeur détermine le centre d’appels qui fournira le service et la langue dans laquelle il sera offert. Le centre d’appels de Toronto offrait des renseignements généraux et le système de déclaration des paiements lorsque les griefs ont été déposés. Le système de déclaration des paiements traite les appels où un demandeur qui a tenté de produire un rapport d’AE toutes les deux semaines doit parler à un agent des services de paiement ou à un agent de service à la clientèle.

17 Chaque centre d’appels de l’AE est distinct et est géré en fonction de son propre budget. La classification des postes d’agents de service à la clientèle est la même, peu importe l’emplacement. Les centres d’appels de Toronto, de Montréal et de Sudbury répondent chacun aux appels en anglais sur les lignes de demandes de renseignements généraux et de déclaration des paiements. Cependant, les centres de Sudbury et de Montréal répondent également aux appels en français.

18 Les heures d’ouverture de chaque centre d’appels peuvent varier. Les centres de Toronto et de Montréal sont habituellement ouverts de 8 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi, alors que le centre de Sudbury est habituellement ouvert de 8 h à 16 h, du lundi au vendredi.

19 En plus d’accepter des appels dans les deux langues officielles sur les lignes des demandes de renseignements généraux et de déclaration des paiements, le centre d’appels de Montréal répond également aux demandes de renseignements sur le Régime de pensions du Canada. Les employés de Montréal ne reçoivent pas une formation supplémentaire en matière de pensions; il y a deux équipes distinctes en colocation à cet endroit et chaque équipe dispose de son propre budget, et comprend ses propres chefs d’équipe et spécialistes de gestion du travail, ainsi qu’une équipe de direction distincte.

20 Le projet pilote a été mis sur pied à la suite d’une conférence téléphonique hebdomadaire des gestionnaires des centres d’appels, au cours de laquelle la capacité de fournir des services aux clients les lundis a fait l’objet d’une discussion. Les données qui ne peuvent être traitées le vendredi ou qui nécessitent plus de renseignements produisent un [traduction] « déclenchement vers le bas », que la GIA réachemine vers un agent. Un déclenchement vers le bas exige que l’appelant s’adresse à un agent afin de produire son rapport. Il y a un problème si le déclenchement vers le bas a lieu après les heures normales de travail et que l’appelant est tenu de rappeler le lundi. En  effet, cela entraîne une demande de service importante à laquelle les centres d’appels ont de la difficulté à répondre, car le lundi est traditionnellement le jour le plus occupé de la semaine en ce qui concerne les demandes de renseignements.

21 La décision a été prise d’ouvrir les samedis à titre de projet pilote afin d’alléger cette demande. Étant donné que la majorité des appels donnant lieu à un déclenchement vers le bas venaient de citoyens de l’Ontario et du Québec qui demandaient un service un français, la décision opérationnelle a été prise d’ouvrir les centres d’appels de Sudbury et de Montréal, en raison de leur capacité bilingue. Initialement, le projet pilote devait durer quatre semaines et porter sur l’examen des répercussions du service offert le samedi sur la réduction de la demande les lundis.

22 Après deux semaines, il était évident qu’il s’agissait de la bonne décision; cependant, les répercussions sur la demande de service du lundi étaient insuffisantes.   L’intensité de la demande d’un océan à l’autre a donc été évaluée, ce qui a confirmé que tant la côte ouest que la côte est bénéficieraient de la disponibilité du service durant les fins de semaine. Par conséquent, la portée du projet a été élargie afin d’inclure les centres d’appels de St. John’s, de Shawinigan (Québec), d’Edmonton et de Vancouver. On a sélectionné le centre d’appels de Vancouver, car il comptait sur un petit complément d’agents de service à la clientèle bilingues. Le centre d’appels de St. John’s était unilingue anglais, alors que celui de Shawinigan était unilingue français. M. Pellicori était incertain quant au profil linguistique du centre d’Edmonton. Les heures d’ouverture du centre de Sudbury ont également été modifiées pour commencer à 7 h les samedis. En ce qui concerne les centres qui offraient des services pour le régime de pensions et l’AE, seul le personnel de la section de l’AE ont travaillé des heures supplémentaires. Éventuellement, il a été décidé d’acheminer les appels dans la file d’attente uniquement vers les centres de Montréal et de Sudbury, et d’ajouter le centre de Toronto pour traiter les appels en anglais. Le centre de Winnipeg, au Manitoba, a été exclu du projet pilote, car il éprouvait des problèmes de locaux.

23 Les fonctionnaires n’ont pas été sollicités pour déterminer s’ils souhaitaient travailler des heures supplémentaires au début du projet, car il n’y avait aucune heure supplémentaire à travailler à cet emplacement. Le personnel du centre d’appels de Toronto n’a pas été sollicité afin de connaître son intérêt en vue de travailler des heures supplémentaires avant la onzième semaine du projet pilote.

24 Le coût de 800 $ mentionné dans le procès-verbal de la réunion du comité de consultation syndical-patronal local (pièce 6) a fait l’objet d’une discussion, comme il est indiqué dans le procès-verbal. Cependant, la référence était inexacte et a été corrigée à l’occasion de la réunion suivante. Le coût s’élevait en réalité à 800 $ l’heure ou à 8 000 $ par quart travaillé en heures supplémentaires. Même si le procès-verbal ne tient pas compte du fait que l’exigence relative au service bilingue dans les postes en heures supplémentaires a fait l’objet d’une discussion à l’occasion de la réunion du comité de consultation syndical-patronal local, M. Pellicori a affirmé catégoriquement que tel était le cas, et que cette correction avait été incluse dans le procès-verbal de la réunion suivante. Lorsque le projet a fait l’objet d’une discussion, les représentants syndicaux ont également été informés que si le projet était une réussite à Sudbury et à Montréal, d’autres centres d’appels seraient ajoutés. Toutefois, le procès-verbal de la réunion suivante du comité de consultation syndical-patronal local ne mentionne pas le fait que la langue ait pu être un facteur dans le choix des centres d’appels de Sudbury et de Montréal.

25 À la fin du projet pilote, une décision opérationnelle a été prise en vue de continuer à offrir un service bilingue les samedis pour les appels liés à l’AE. Un quart de travail a été ajouté le samedi et les employés ont été recrutés pour travailler les samedis à titre d’employé par quart en vertu de la convention collective. L’exigence relative aux heures supplémentaires a été éliminée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

26 La clause 28.05a) de la convention collective exige une attribution équitable des heures supplémentaires entre les employés qualifiés facilement disponibles. L’employeur doit tout mettre en œuvre pour offrir aux employés des heures supplémentaires de façon équitable, sous réserve des exigences du service. Aucune exigence du service n’aurait justifié l’exclusion du centre d’appels de Toronto en vue de participer aux heures supplémentaires attribuées les samedis dès le début du projet pilote. Afin que l’attribution soit équitable, il faut attribuer les heures supplémentaires dans tous les bureaux au sein de la même opération.

27 Les fonctionnaires auraient dû avoir la possibilité de travailler des heures supplémentaires et ils devraient être indemnisés pour leur perte. Dans Boujikian c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27738 (19980615), l’ancienne Commission s’est penchée sur le même libellé qui est en cause en l’espèce. Dans Boujikian, on a refusé au fonctionnaire la possibilité de travailler des heures supplémentaires à son retour d’une suspension pour motif disciplinaire. Au moment de déterminer si le fonctionnaire avait droit à une certaine forme de réparation pour les heures supplémentaires perdues, l’arbitre de grief lui a accordé un paiement au taux des heures supplémentaires fondé sur une moyenne des heures supplémentaires disponibles pendant la période en question.

28 Afin que l’attribution soit équitable, il faut attribuer les heures supplémentaires dans tous les bureaux au sein de la même opération. Le pouvoir lié aux droits opérationnels invoqué par l’employeur ne devrait pas être exercé de façon arbitraire ou de mauvaise foi (Zelisko et Audia c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 67, au paragr. 161). Contrairement à cette philosophie, l’employeur dans cette affaire a décidé de façon arbitraire de refuser aux employés du centre d’appels de Toronto des possibilités de travailler des heures supplémentaires; il n’y avait aucun motif pour ce faire, puisque d’autres centres unilingues avaient été inclus dans le projet pilote beaucoup plus tôt.

29 Les actions de l’employeur n’étaient pas discriminatoires ou n’ont pas été exécutées de mauvaise foi; cependant, elles étaient arbitraires. Les clauses relatives aux heures supplémentaires représentent une restriction volontaire des droits de gestion. L’employeur ne peut pas être autorisé à renoncer par une convention à son droit de gestion à la table de négociation uniquement pour opposer à l’arbitrage qu’il a le droit exclusif de gérer son milieu de travail (voir Bunyan et. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85, au paragr. 61, Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142, aux paragr. 29 et 37, et Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 132.

30 Les questions auxquelles il faut répondre dans la présente affaire sont celles établies comme suit dans Bunyan et al., au paragr. 81 :

                   […]

  1. Le travail supplémentaire a-t-il été offert de façon équitable aux employés qualifiés qui étaient facilement disponibles?
  2. Si la réponse à cette question est négative, l’employeur a-t-il déployé tous les efforts raisonnables pour ce faire?
  3. Si l’employeur n’a pas déployé tous ces efforts raisonnables, en a-t-il été empêché par une exigence du service?

31 En l’espèce, il n’est pas contesté que les heures supplémentaires n’ont pas été attribuées de façon équitable. Aucun effort n’a été déployé, encore moins un effort raisonnable, pour attribuer les heures supplémentaires de façon équitable. De plus, aucune exigence du service qui aurait empêché une attribution équitable n’a été identifiée. Tous les témoins ont affirmé que le centre d’appels de Toronto aurait pu recevoir des appels les samedis.

32 Certains éléments de preuve ont démontré qu’il y avait un coût accru lié à l’ouverture du centre d’appels de Toronto, mais aucune preuve n’a été présentée relativement aux coûts supplémentaires liés à l’ouverture des autres centres. Les coûts d’ouverture du centre d’appels de Toronto ne peuvent être considérés indépendamment des coûts liés à l’ouverture des autres centres. Peu importe, les questions relatives au coût ne l’emportent pas sur le libellé de la convention collective, qui exige une attribution équitable des heures supplémentaires.L’emplacement du bureau ne constitue pas non plus un facteur en ce qui a trait à l’attribution des heures supplémentaires lorsque tous les bureaux exercent la même fonction (voir Bunyan et al.). Le fait de prendre en considération des facteurs comme l’emplacement ou les objectifs de rendement contrevient au principe d’attribution équitable en important des restrictions qui ne sont pas incluses dans la convention collective. Lorsque des mesures d’économie de coûts mènent à une attribution inéquitable, le fait que les gestionnaires doivent être responsables sur le plan budgétaire ne l’emportera pas sur les dispositions particulières de la convention collective (voir Weeks, au paragr. 52).

33 Il incombe à l’employeur de présenter des motifs raisonnables et crédibles pour justifier l’attribution inéquitable des heures supplémentaires (McCallum c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 73, au paragr. 157). Au paragraphe 30 de la décision originale dans la présente affaire, l’arbitre de grief a conclu qu’aucune exigence du service ne faisait en sorte qu’il était nécessaire pour l’employeur que le travail soit exécuté à Sudbury et à Montréal, mais pas à Toronto. Même si cette décision était sensée sur le plan des affaires, l’arbitre de grief a déclaré que la préférence de l’employeur n’équivalait pas à une exigence du service. Cette conclusion a résisté au contrôle de la Cour fédérale de la décision initiale et ne représentait pas le motif du renvoi de l’affaire à l’ancienne Commission.

34 Aucune preuve n’a été démontrée selon laquelle une exigence du service empêchait l’attribution des heures supplémentaires au centre d’appels de Toronto. La volonté des fonctionnaires en vue de travailler des heures supplémentaires les samedis n’a pas été examinée. Ils étaient disponibles et souhaitaient travailler des heures supplémentaires, tel qu’il est démontré par les griefs qu’ils ont présentés à cet égard devant l’ancienne Commission (pièce 2). Même s’il y avait une exigence du service liée à l’ouverture des centres d’appels de Montréal et de Sudbury, le fait que ceux de St. John’s et Edmonton aient été inclus dans le projet pilote, tous deux des centres d’appels unilingues anglais, contredit cet argument. Pourquoi d’autres centres bilingues, comme celui de Bathurst, au Nouveau-Brunswick, n’ont pas été inclus si le besoin était lié à la prestation d’un service bilingue dans tous les fuseaux horaires?

35 Il convient de se méfier de l’argument lié au bilinguisme. Le témoin de l’employeur n’a pas été en mesure de présenter une ventilation du nombre d’appels en anglais reçus par rapport au nombre d’appels en français reçus pendant les heures supplémentaires, même s’il avait participé aux conférences téléphoniques au cours desquelles il en a été question. Selon la preuve de M. Flannigan, il n’y avait aucune indication que le bilinguisme a été facteur lorsqu’il a été question de déterminer quels centres d’appels seraient ouverts les samedis, jusqu’à la dernière audience. Cette preuve est préférable et conforme au communiqué envoyé aux employés (pièce 7).

36 Selon Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106, les fonctionnaires ont droit à une indemnité financière équivalente aux heures supplémentaires qu’ils ont manquées selon une moyenne des heures supplémentaires travaillées dans tous les emplacements pendant le projet pilote avant l’inclusion du centre d’appels de Toronto. Au moment de déterminer l’attribution équitable des heures supplémentaires, celle-ci doit être examinée sur une période de temps et non pas en une seule occasion. Le tableau présenté à titre de pièces 4 et 5 démontre un écart significatif dans le nombre d’heures supplémentaires attribuées au centre d’appels de Toronto.

B. Pour l’employeur

37 L’employeur n’a pas contrevenu à la clause 28.05a) de la convention collective, car il n’y avait aucune offre de service au centre d’appels de Toronto les samedis avant la fin du mois de mars 2007. Il n’y avait aucune obligation d’ouvrir le centre de Toronto dans le simple but d’offrir des heures supplémentaires aux fonctionnaires. Rien dans la convention collective n’exige l’employeur à ouvrir tous les centres d’appels dans le pays pour offrir des heures supplémentaires aux travailleurs.

38 Il incombait aux fonctionnaires de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait contrevenu à la convention collective. Il y a 35 fonctionnaires individuels, chacun d’eux ayant une situation de fait qui lui est propre. Pour conclure que chaque fonctionnaire avait le droit de travailler des heures supplémentaires, les situations de fait individuelles doivent faire l’objet d’un examen et d’une comparaison.

39 Le critère relatif au caractère équitable en ce qui concerne l’attribution des heures supplémentaires est établi dans Procureur général du Canada c. Bucholtz et al., 2011 CF 1259, au paragr. 52. Le caractère équitable de l’attribution des heures supplémentaires doit être mesuré sur une période de temps raisonnable. Celle-ci est évaluée en comparant les heures attribuées à un fonctionnaire aux heures attribuées aux employés dans des situations analogues au cours de cette période. Une fois que les heures supplémentaires du fonctionnaire et celles d’autres employés ont été comparées, l’arbitre de grief doit déterminer si des facteurs expliquent un écart quelconque, par exemple une disponibilité variable.

40 L’employeur a le privilège d’attribuer du travail et de contrôler son milieu de travail (voir Institut professionnel de la fonction publique c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 18, au paragr. 48). La décision d’ouvrir les centres d’appels de Montréal et de Sudbury était fondée sur une décision opérationnelle dans le cadre d’un projet pilote. Il n’y a rien dans la convention collective qui empêche l’employeur d’ouvrir certains de ses centres d’appels. Il n’y a jamais un moment où ils sont tous ouverts, car cela n’est pas requis. Les activités principales de l’employeur concernent le service offert aux Canadiens, et il attribue le travail à ses employés conformément aux besoins opérationnels (voir Chapman c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 73, au paragr. 42). Selon Bunyan et al., au paragr. 98, l’employeur a le pouvoir de déterminer à quel moment les employés doivent travailler des heures supplémentaires et de l’autoriser. La prestation d’un service uniforme tout en réduisant les heures supplémentaires fait partie de l’étendue de son pouvoir au fur et à mesure qu’il attribue le travail d’un bureau à un autre en vue de maximiser les ressources.

41 Les fonctionnaires ont allégué que la clause 28.05 de la convention collective représente une contrainte à l’égard des droits de gestion de l’employeur, l’étendue d’une telle contrainte est assujettie à une interprétation de la convention collective dans son ensemble. Les principes d’interprétation établis dans Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragr. 25 à 28, sont particulièrement importants à cet égard. Ils établissent qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective et que les parties à une convention collective sont généralement réputées avoir voulu en arriver à une entente qui est aisément applicable au quotidien.

42 Les heures supplémentaires, étant un avantage pécuniaire, sont définies à l’article 2 de la convention collective comme étant du travail autorisé qu’un employé exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire. Il n’est pas question de l’obligation de créer des heures supplémentaires (voir Doherty et Hawkes c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 77). De même, la clause 28.05 de la convention collective ne mentionne aucune obligation d’offrir des heures supplémentaires dans l’ensemble des centres d’appels comme l’ont fait valoir les fonctionnaires. La clause 28.05 ne porte pas sur la création du travail; pour qu’elle s’applique, le travail doit exister. Aucun travail autorisé n’était disponible les samedis pendant la période en question au centre d’appels de Toronto; en conséquence, aucune heure supplémentaire n’était disponible aux fins d’attribution.

43 La contrainte de la clause 28.05 de la convention collective qui fait en sorte que l’attribution des heures supplémentaires est assujettie aux nécessités du service s’applique à un lieu de travail ou à une unité de travail. Cette convention collective s’applique à de nombreuses classifications et à de nombreux ministères au sein de la fonction publique fédérale, pas uniquement à l’employeur. L’application de cette clause selon la compréhension des fonctionnaires ferait en sorte d’exiger que les heures supplémentaires soient attribuées à l’ensemble des membres de l’unité de négociation, peu importe leur emplacement dans la fonction publique, ce qui entraînerait le chaos.

44 Selon le témoignage de M. Pellicori, la charge de travail est attribuée à l’échelle locale, chaque centre d’appels dispose d’un budget, d’un lieu de travail et d’un effectif qui lui est propre, et les heures de travail peuvent varier d’un emplacement à l’autre. Les heures supplémentaires sont attribuées conformément à ces paramètres. Il est indiqué implicitement dans le libellé de la convention collective et l’organisation du lieu de travail que les exigences du service sont déterminées d’un milieu de travail à un autre.

45 Le tableau présenté à titre de pièces 4 et 5 comprend une ligne distincte pour chaque centre d’appels. Les nécessités du service du centre d’appels de Toronto diffèrent de celles des centres de Sudbury et de Montréal. La clientèle, les heures de travail et l’effectif sont différents et les budgets sont distincts. Les exigences du service sont déterminées pour chaque emplacement; en conséquence, la clause 28.05 de la convention collective s’applique uniquement à un emplacement. Rien dans celle-ci, explicitement ou implicitement, n’exige de l’employeur qu’il attribue les heures supplémentaires en fonction de l’ensemble des unités de travail.

46 Subsidiairement, si l’argument des fonctionnaires est accueilli et que les heures supplémentaires sont attribuées en fonction de l’ensemble des unités de travail, l’employeur a soutenu qu’il a attribué les heures supplémentaires de façon équitable. Pour déterminer si les heures supplémentaires ont été attribuées de façon équitable, une preuve convaincante est requise pour démontrer que les fonctionnaires ont fait l’objet d’un traitement inéquitable au cours d’une période donnée, après une analyse qui indique que le seul facteur restant est l’iniquité. Il incombait aux fonctionnaires de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait contrevenu aux principes permettant de mesurer le caractère équitable, conformément au paragraphe 52 de Bucholtz et al.. Aucune preuve ne m’a été présentée quant au nombre d’heures supplémentaires travaillées par chaque fonctionnaire. Le tableau aux pièces 4 et 5 n’indique pas une attribution à un niveau individuel. Aucune comparaison d’une personne à une autre n’a été présentée. Les griefs relatifs aux heures supplémentaires ne comparent pas les heures supplémentaires effectuées par les différents bureaux, mais plutôt par individus. Les fonctionnaires ont fait valoir que leurs griefs constituent une preuve de leur disponibilité. Cependant, un grief n’est pas une preuve (voir Edmunds et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 28, au paragr. 38). Une simple comparaison du nombre d’heures travaillées ne suffit pas. Une preuve du congé ainsi que de la disponibilité et des qualifications des fonctionnaires, entre autres choses, est requise (voir Canada (Procureur général) c. McManaman, 2013 CF 1064, au paragr. 19).

47 L’employeur a pris une décision liée au service, comme il en avait le droit, d’ouvrir deux centres d’appels bilingues dans le cadre d’un projet pilote. D’autres centres d’appels ont été inclus en réponse à la demande. La preuve de M. Pellicori n’a pas été contredite et on devrait lui accorder tout son poids. L’employeur n’a pas choisi de façon arbitraire les centres à ouvrir; on a tenu compte d’autres facteurs, dont le coût et le bilinguisme. Pour ces motifs, les griefs devraient être rejetés.

Réponse des fonctionnaires

48 La situation de fait dans Bucholtz et al. est distincte et devrait être écartée pour ce motif. En outre, la décision de l’ancienne Commission a été annulée lors du contrôle judiciaire en raison de la façon dont les calculs ont été effectués. La question soulevée dans ces griefs portait sur le défaut de l’employeur d’offrir des heures supplémentaires. Selon l’argument de l’employeur, ce type de grief ne devrait jamais être accueilli, car le centre d’appels de Toronto n’était jamais ouvert. Les fonctionnaires n’ont pas contesté le fait qu’il n’existait aucune obligation de créer des heures supplémentaires. Ils ont contesté la façon dont elles ont été attribuées une fois qu’elles ont été créées. La nouvelle Commission n’est saisie d’aucune preuve selon laquelle l’employeur a fait une tentative quelconque d’attribuer les heures supplémentaires de façon équitable.

49 Les fonctionnaires ont contesté la décision de l’employeur de ne pas ouvrir le centre d’appels de Toronto. La décision de ne pas le faire était arbitraire et a donné lieu à une attribution inéquitable des heures supplémentaires. La question relative au fuseau horaire soulevée par l’employeur aurait pu être traitée en ajustant les heures d’ouverture du centre d’appels de Toronto, comme on l’a fait pour Sudbury.

50 La question dont est saisie la nouvelle Commission ne porte pas sur la définition des heures supplémentaires. Dans cette affaire, les heures supplémentaires ont été autorisées, mais n’ont pas été attribuées conformément à la convention collective. L’article 28 de la convention collective ne concerne pas la création du travail, mais plutôt la façon de l’attribuer s’il est créé. L’argument relatif au chaos proposé par l’employeur est ridicule. En limitant l’attribution des heures supplémentaires aux employés qualifiés, la convention collective établit des limites claires en ce qui concerne les personnes qui peuvent effectuer les heures supplémentaires disponibles.

51 Le projet sur les heures supplémentaires a été budgété au niveau national. Le fait de limiter les exigences opérationnelles à un niveau local va à l’encontre de la jurisprudence de la nouvelle Commission. M. Pellicori a admis que les fonctionnaires étaient qualifiés pour effectuer le travail et qu’ils avaient le droit de participer aux heures supplémentaires créées par le projet pilote de façon équitable.

D. Nouvelles questions

52 Suivant la décision de la Cour d’appel fédérale annulant McManaman (2015 CAF 136), on a demandé aux parties de présenter des observations écrites sur les répercussions de cette décision en ce qui concerne leurs arguments en l’espèce. L’avocate de l’employeur a fait valoir que la Cour d’appel fédérale n’avait pas infirmé le critère établi dans Bucholtz et al., mais qu’elle l’avait endossé. En conséquence, un arbitre de grief doit définir qui sont les employés dans une situation analogue afin d’appliquer adéquatement le critère établi dans Bucholtz et al. Étant donné que les fonctionnaires n’ont fourni aucun renseignement concernant l’identité des employés dans une situation analogue, ils ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait.

53 Le représentant des fonctionnaires a fait valoir que le défaut du syndicat de présenter des éléments de preuve relativement à la question de savoir quels employés étaient dans une situation analogue et disponible était abordé dans la détermination préliminaire de la question et qu’on ne devait en tirer aucune conclusion négative. La question qui a donné lieu aux griefs portait sur l’exclusion des employés du centre d’appels de Toronto en ce qui concerne les possibilités de travailler des heures supplémentaires les samedis, malgré le fait qu’il était possible sur le plan technologique de faire en sorte qu’ils y participent. La clause 28.05 de la convention collective exige que l’employeur s’efforce autant que possible d’offrir les heures supplémentaires de façon équitable. La preuve a établi que l’employeur n’a pas déployé un tel effort et, par conséquent, le centre d’appels de Toronto a été exclu de l’attribution équitable des heures supplémentaires.

IV. Motifs

54 Lors de l’interprétation d’une convention collective, un arbitre de grief doit l’examiner dans son ensemble. On doit accorder à chaque mot son sens ordinaire, et l’interprétation doit favoriser l’application facile de la convention collective. Tout avantage qui entraîne un coût doit être établi expressément dans la convention collective (voir Wamboldt). Les fonctionnaires se sont appuyés sur la clause 28.05 de la convention collective afin de se conférer le droit à une attribution équitable des heures supplémentaires à l’échelle nationale, plutôt que par centre d’appels. La clause est libellée comme suit :

28.05 Attribution du travail supplémentaire

a) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

b) Lorsqu’il est nécessaire d’effectuer des heures supplémentaires, l’Employeur doit, dans la mesure du possible, donner un préavis d’au moins quatre (4) heures à l’employé-e visé, sauf dans les cas d’urgence, de rappel au travail ou d’accord mutuel.

55 Les fonctionnaires ont fait valoir qu’une attribution équitable exige que les heures supplémentaires soient attribuées dans tous les bureaux au sein de la même opération. Il n’y avait aucune raison de refuser les possibilités de travailler des heures supplémentaires au centre d’appels de Toronto alors que d’autres centres unilingues ont été intégrés au projet beaucoup plus tôt et que la technologie aurait permis d’acheminer les appels au centre d’appels de Toronto tout aussi facilement qu’à n’importe quel autre centre. En outre, les fonctionnaires ont fait valoir que la nouvelle Commission et l’ancienne Commission, en interprétant le même libellé, avaient tranché en disant que les heures supplémentaires devaient être attribuées à l’échelle d’une opération et non simplement à une partie de celle-ci (voir Bunyan et al.). Cependant, Bunyan et al. se distingue clairement de l’affaire dont je suis saisie, car elle portait principalement sur la mise en œuvre unilatérale d’une condition d’admissibilité aux heures supplémentaires, qui correspondait à une exigence de productivité pour être admissible à l’attribution des heures supplémentaires au bureau en question, ce qui contrevenait manifestement à la convention collective. À mon avis, cela n’appuie pas le principe selon lequel les heures supplémentaires doivent être attribuées de façon équitable à l’échelle d’une opération.

56 J’estime que, pour que l’interprétation des fonctionnaires soit accueillie, la convention collective doit exiger directement ou par son interprétation que les heures supplémentaires soient attribuées autrement que localement. La convention collective assujettit effectivement l’attribution des heures supplémentaires aux exigences du service, mais je ne trouve nulle part une disposition qui se prête à l’interprétation selon laquelle les heures supplémentaires auraient dû être attribuées à l’échelle nationale plutôt que dans des bureaux ciblés où il y avait des exigences du service.

57 La preuve non contredite de M. Pellicori est que le financement pour les postes dans les centres d’appels de l’employeur, y compris pour le paiement des heures supplémentaires, est attribué à l’échelle régionale et que les centres dans les différentes régions ont été ajoutés au projet au fur et à mesure que l’employeur a déterminé les exigences continues relativement au service de fin de semaine. La nature du financement, décrite par M. Pellicori, appuie la conclusion selon laquelle chaque centre fonctionne de façon autonome à l’intérieur du réseau des centres d’appels et non, comme l’ont soutenu les fonctionnaires, comme un grand centre d’appels national. L’approche telle qu’elle a été décrite par M. Pellicori était rationnelle et non arbitraire en ce qui concerne la meilleure façon de répondre aux besoins du public canadien et la détermination de l’emplacement où les heures supplémentaires seraient attribuées.

58 Même si ma détermination est erronée, je suis tenue d’interpréter la convention collective de façon à faciliter son application. Les parties à une convention collective sont généralement réputées avoir tenté de conclure une entente qui est aisément applicable au quotidien (voir Wamboldt). L’employeur a fait valoir que la contrainte visée à la clause 28.05 selon laquelle l’attribution des heures supplémentaires est assujettie aux nécessités du service vise à s’appliquer à un milieu de travail ou à une unité de travail, et je suis d’accord. Cette convention collective s’applique à de nombreuses classifications et à de nombreux ministères au sein de la fonction publique fédérale, pas uniquement à l’employeur en question. Le fait d’appliquer cette clause comme l’entendent les fonctionnaires entraînerait une exigence selon laquelle les heures supplémentaires devraient être attribuées à l’échelle des membres de l’unité de négociation, peu importe leur situation dans la fonction publique, à condition qu’ils soient disponibles et qualifiés. Cela entraînerait le chaos.

59 Même s’il était possible d’attribuer les heures supplémentaires de la façon préconisée par les fonctionnaires, une telle interprétation de la convention collective exigerait que l’on modifie la convention collective telle qu’elle est rédigée à l’heure actuelle pour refléter que les heures supplémentaires doivent être attribuées à l’échelle du groupe de négociation, peu importe le ministère employeur. L’article 229 de la LRTFP m’interdit de rendre toute décision qui exigerait une telle modification :

Décision entraînant une modification

229. La décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

60  Comme j’ai conclu qu’il n’existe aucune obligation pour l’employeur d’attribuer des heures supplémentaires à des bureaux autres que ceux où il a identifié des exigences du service, il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation de la question de savoir si les fonctionnaires ont fait l’objet d’une attribution équitable des heures supplémentaires avant la fin mars 2009, lorsque l’employeur a décidé que le centre d’appels de Toronto serait ouvert les samedis, créant ainsi l’occasion de travailler des heures supplémentaires à cet emplacement.

61 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

62 Les griefs sont rejetés.

Le 22 décembre 2015

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

ANNEXE A

Liste des fonctionnaires s’estimant lésés

Dossier de la CRTEFP

566-02-2013
566-02-2014
566-02-2015
566-02-2016
566-02-2017
566-02-2019
566-02-2020
566-02-2021
566-02-2022
566-02-2023
566-02-2024
566-02-2025
566-02-2026
566-02-2027
566-02-2028
566-02-2029
566-02-2030
566-02-2031
566-02-2032
566-02-2033
566-02-2034
566-02-2035
566-02-2036
566-02-2037
566-02-2038
566-02-2039
566-02-2040
566-02-2041
566-02-2042
566-02-2043
566-02-2044
566-02-2045
566-02-2046
566-02-2047

Fonctionnaire s’estimant lésé

Travis Lahnalampi
Gilda Marinucci
Bev J. McCarthy
Amber L. Morden
Jocelyn T. Myint-Swe
Jay Raikundalia
Elizabeth Ray
Cleopatra Reid
Craig Russel
Harminder Sahota
Antonella Sciacca
Brian Shin
Scott Stanley
Beata Syropiatko
Mary Visco
Suzanne Walters
Tracey Watters
Sharon Ali
Enid Awuku
Latricia Beeston
Barbara Budgell
Gennaro Canale-Parola
Kathy Cooper
Amabel Court
Roger Descotes
Omar Fairclough
Bruce Flannigan
Megan Gagnon-Fitzgerald
Robert Graham
Simone Hercules
Julian Jeganathan
Diane Johnson
David Jones
Clint James

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