Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Après avoir travaillé pendant trois ans au niveau PE-05, la fonctionnaire s’estimant lésée a été rétrogradée au niveau PE-04 à la suite d’ un examen de la classification – elle a renvoyé deux griefs à l’arbitrage, au sujet du processus d’examen de la classification et de l’omission alléguée de l’employeur d’enquêter sur une plainte subséquente qu’elle a déposée au sujet du processus, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – l’employeur a contesté le fait que la Commission n’avait pas compétence pour statuer sur les griefs, à moins que la fonctionnaire s’estimant lésée puisse démontrer que la rétrogradation était une mesure disciplinaire – la Commission a accueilli l’objection puisqu’aucune preuve n’indiquait que les mesures de l’employeur étaient de nature disciplinaire. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-12-22
  • Dossier: 566-02-8840 et 8841
  • Référence: 2015 CRTEFP 98

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

RUTH CAMERON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Bureau du Directeur des poursuites pénales)

employeur

Répertorié
Cameron c. Administrateur général (Bureau du Directeur des poursuites pénales)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Elle-même
Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate, Services juridiques du Secrétariat du Conseil du Trésor
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 19 au 22 octobre 2015.

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Ruth Cameron, la fonctionnaire s’estimant lésée, (la « fonctionnaire ») a renvoyé deux griefs à l’arbitrage le 3 juillet 2013. Les deux griefs portent sur les mêmes événements et ils ont été traités ensemble au dernier palier de la procédure de règlement des griefs par l’administrateur général du ministère de la fonctionnaire, soit le Service des poursuites pénales du Canada (les « SPPC » ou l’« employeur »).

2 Les deux griefs portent sur le processus d’un examen de la classification du SPPC. Un grief concerne le processus même tandis que l’autre concerne l’omission alléguée de l’employeur d’enquêter sur une plainte subséquente que la fonctionnaire a déposée au sujet du processus.

3 L’employeur a contesté la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») relativement à cette affaire, tant avant l’audience qu’au début de l’audience. J’ai décidé d’entendre la preuve sur le fond avant de trancher la question relative à la compétence.

4 Pour les motifs indiqués ci-dessous, j’ai conclu que la Commission n’avait pas compétence pour statuer sur les griefs. Pour que les griefs soient admissibles à l’arbitrage, je dois conclure que les actes de l’employeur étaient de nature disciplinaire et aucune preuve ne m’a été présentée à l’appui d’une telle conclusion.

5 Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en juillet 2013. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission », qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

6 La fonctionnaire a cité deux témoins : Noémie Boivin, qui était, pendant la période visée, une conseillère principale en relations de travail classifiée au groupe et niveau PE-04, et Rémy Nasreddine, qui était un conseiller principal en classification également classifié au groupe et niveau PE-04. La fonctionnaire a également témoigné.

7 L’employeur a cité un témoin : Sue Kelly, qui était, pendant la période visée, gestionnaire en classification. Elle est ensuite devenue la gestionnaire de la classification et des relations de travail.

8 J’ai résumé la preuve aux fins de cette décision, laquelle repose entièrement sur la question de la compétence de la Commission. J’ai conclu que tous les témoins étaient crédibles et qu’il n’existait aucun fait contradictoire. Il n’en est pas ainsi en ce qui concerne leur interprétation des événements, ce qui sera souligné, au besoin. Je renverrai également aux documents déposés par les parties et qui figurent au dossier de la Commission.

9 Les deux griefs dont je suis saisie ont été entendus au dernier palier en mai 2013 et la fonctionnaire a reçu la réponse définitive de l’employeur en juillet 2013. Je n’ai accepté aucun élément de preuve au-delà de cette date, sauf s’il se rapportait directement au processus de reclassification (et dont on peut dire qu’il est de nature disciplinaire), comme l’avis de la reclassification éventuelle en juin 2014.

A. Recrutement de la fonctionnaire et création d’un nouveau poste PE-05

10 La fonctionnaire est une conseillère en ressources humaines (« RH ») accréditée. Elle a commencé sa carrière à la fonction publique fédérale il y a 15 ans et elle a toujours travaillé à titre de conseillère en relations de travail. Elle a travaillé au ministère de la Justice et ensuite au Conseil national de recherches où elle a obtenu une promotion au groupe et niveau PE-05.

11 Le SPPC a été créé en tant qu’entité distincte en 2006; il faisait antérieurement partie du ministère de la Justice. Il a élaboré les différentes unités qui servent l’organisation et qui sont communes à tous les ministères du gouvernement, y compris les ressources humaines (les « RH »).

12 En 2009, Lyne Côté était la directrice générale des RH (la « DG des RH »), responsable de la Direction des ressources humaines (la « DRH » ou la « Direction »). La DRH a essayé de recruter un conseiller principal en relations de travail au niveau PE-04, mais le processus de nomination a échoué. Mme Côté a suggéré à Jason Buccino, le gestionnaire de la dotation et des relations de travail de l’époque, de communiquer avec la fonctionnaire pour déterminer si elle serait intéressée à occuper ce poste. Mme Côté et la fonctionnaire avaient déjà travaillé ensemble au ministère de la Justice.

13 La fonctionnaire a semblé s’intéresser au poste lorsque M. Buccino a communiqué avec elle en septembre 2009. Les RH au SPPC lui offraient un nouveau défi, grâce à la syndicalisation des avocats et une nouvelle structure en cours d’organisation qui permettraient éventuellement de rapatrier les services régionaux que le ministère de la Justice offrait encore. L’acceptation d’un poste au SPPC signifiait un trajet plus court, ce qui constituait un avantage pratique. En fin de compte, le SPPC était un milieu de travail familier puisqu’il a déjà fait partie du ministère de la Justice, où la fonctionnaire a travaillé pendant sept ans.

14 Il y avait toutefois un problème. Le SPPC offrait un poste PE-04. La fonctionnaire avait été promue au niveau PE-05 et elle n’était certainement pas disposée à accepter une rétrogradation.

15 Mme Côté voulait vraiment que la fonctionnaire travaille dans sa direction en raison de ses compétences en relations de travail. Les antécédents de M. Buccino étaient en dotation et il avait moins d’expérience en relations de travail; il y avait donc un manque de profondeur à la DRH. La fonctionnaire a été informée que le problème lié à la classification pourrait être réglé. Un nouveau poste en relations de travail a été créé dans la DRH et a été doté au groupe et niveau PE-05. La lettre d’offre (pièce E-1) portait sur une [traduction] « […] nomination à temps plein pour une période indéterminée à titre de conseillère principale en relations de travail, classifiée au groupe et niveau PE-05, », à compter du 9 novembre 2009.

16 Un numéro a été accordé au nouveau poste. Sous-jacents à sa création était une description de travail, un document de classification dont l’objectif est de consigner et de justifier le niveau attribué à un poste. En l’espèce, la description de travail ne faisait pas référence aux relations de travail, soit le domaine d’expertise de la fonctionnaire. Au contraire, il s’agissait d’un document général des RH qui vise les personnes travaillant dans les RH (la classification, les relations de travail, la dotation et la rémunération et les avantages sociaux).

17 Robert Desrosiers, un agent en classification, et Mme Côté, qui était accréditée en classification, ont tous les deux signé un document qui justifiait l’attribution du groupe et niveau PE-05 à ce poste. Selon le document, la description de travail utilisée pour créer le nouveau poste était identique à celle utilisée au ministère de la Justice pour le [traduction] « poste 00011882 (chef des politiques et de la planification des RH) » et qu’il utilisait les trois composantes de la description de travail pour établir la cote du nouveau poste, à savoir les connaissances, la prise de décision et la responsabilité de gestion.

18 De novembre 2009 au printemps ou à l’été 2012, la fonctionnaire a travaillé heureusement à titre de conseillère principale en relations de travail. Il y avait beaucoup de travail et de nombreux défis, mais ses évaluations faisaient toujours état d’un rendement élevé. Elle relevait de M. Buccino. Sa collègue, Mme Boivin, qui était également une conseillère principale en relations de travail, mais dont le poste était classifié PE-04, relevait également de M. Buccino.

B. Quelques mots à propos de la classification

19 Selon un des arguments présentés par l’employeur à l’encontre de la compétence de la Commission, ces griefs sont essentiellement des griefs de classification à l’égard desquels un recours précis est prévu et ils ne peuvent être renvoyés à l’arbitrage. La fonctionnaire n’était pas du tout de cet avis; elle a indiqué que son grief portait sur la façon dont l’employeur l’avait traité. Quoi qu’il en soit, la classification a joué un rôle important dans les événements et je crois qu’il est nécessaire d’expliquer brièvement ce que j’ai tiré du témoignage des deux spécialistes accrédités en classification qui ont comparu devant moi, soit Mme Nasreddine et Mme Kelly.

20 Tous les postes à la fonction publique fédérale sont classifiés selon un certain groupe et niveau. Le groupe est la catégorie professionnelle et le niveau tient compte de la progression au sein du poste. Plus le chiffre est élevé, plus les responsabilités sont importantes et, possiblement, plus le niveau de connaissances et de scolarité sera élevé; un chiffre plus élevé suppose également un salaire plus élevé.

21 Le processus de classification n’est pas facile et les agents et conseillers en classification sont formés et accrédités. Les conseillers en classification rédigent des descriptions de travail génériques, soit pour un groupe important, et des descriptions de travail uniques, pour un seul poste. En général, les descriptions de travail génériques sont privilégiées, afin d’assurer l’uniformité des classifications et ainsi garantir l’équité en ce qui concerne la rémunération.

22 Tous les postes existants à la fonction publique fédérale sont déjà classifiés. Au fur et à mesure que les tâches et les fonctions changent, il peut être nécessaire de réexaminer la description de travail d’une classification donnée. De plus, les gestionnaires et les employés pourraient demander que la section de la classification examine de nouveau la classification d’un poste. Les employés pourraient estimer que leur poste n’a pas été évalué correctement.

23 L’évaluation est faite sous forme de vérification de bureau ou d’une évaluation sur place. Le conseiller en classification interroge l’employé afin de noter toutes les fonctions qu’il ou elle exerce et leur fréquence, en plus de noter les aspects relatifs à la prise de décision et à la gestion du poste, le cas échéant. Une fois que le rapport est rédigé, l’employé et son gestionnaire l’examinent aux fins d’exactitude et le conseiller en classification le [traduction] « compare » à la description de travail, c’est-à-dire, essentiellement, qu’il détermine la correspondance entre les tâches actuelles et les activités, les responsabilités et les compétences, telles qu’elles sont décrites dans la description de travail.

24 Des exceptions peuvent parfois être faites relativement à ce processus minutieux. J’ai eu connaissance de deux de ces exceptions : les décisions [traduction] « ordonnées par l’administrateur général » et la situation du [traduction] « titulaire actuel seulement ».

25 Une décision ordonnée par l’administrateur général survient lorsque ce dernier infirme une recommandation en matière de classification, ce qui arrive rarement et rend les spécialistes en classification mécontents. Malgré une recommandation formulée par la Direction générale de la classification d’attribuer, par exemple, le niveau 3 à un poste AS donné, l’administrateur général, à qui le Conseil du Trésor a conféré le pouvoir délégué en matière de classification, peut ordonner un autre niveau de classification, par exemple 4 ou 5.

26 La situation du [traduction] « titulaire actuel seulement » survient lorsque la description de travail générique est reformulée, mais que certains postes sont exclus de cette reformulation; par exemple, s’il est prévu que le titulaire prendra sa retraite dans quelques semaines. Le poste sera reclassifié uniquement lorsque le titulaire prendra sa retraite.

27 Si le poste d’un employé donné est reclassifié à un niveau inférieur, la protection salariale automatique est ensuite déclenchée en vertu du Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition du Secrétariat du Conseil du Trésor (le « SCT »). La protection salariale relative à l’ancien niveau de classification de l’employé sera en vigueur tant que l’employé sera titulaire du poste reclassifié.

C. Examen du poste PE-04

28 Mme Kelly a commencé sa carrière au bureau d’Ottawa du SPPC en 2009 en tant que chef d’équipe en classification. Elle était classifiée au groupe et niveau PE-05. Elle avait été antérieurement chef d’équipe au bureau régional du Yukon, également au groupe et niveau PE-05. Elle est éventuellement devenue gestionnaire de la classification, au groupe et niveau PE-06.

29 En 2010, Mme Kelly a porté à l’attention de Mme Côté un élément qui lui semblait être une anomalie : la fonctionnaire et Mme Boivin avaient le même titre de poste et effectuaient essentiellement le même travail, mais la fonctionnaire était classifiée PE-05 alors que Mme Boivin était classifiée PE-04. Mme Côté a expliqué que la fonctionnaire avait été recrutée pendant une période de besoin et que le poste PE-05 avait été créé expressément pour elle et que, selon la vision initiale, des fonctions supplémentaires seraient ajoutées au poste pour justifier la classification PE-05. À l’époque, Mme Kelly a soulevé une objection voulant que le poste PE-05 occupé par la fonctionnaire ne comportait aucune fonction de gestion, laquelle fonction constituait, selon Mme Kelly, la marque distinctive d’un poste PE-05. Elle a ajouté qu’elle connaissait bien ce poste, puisqu’il s’agissait de son poste le plus récent. Mme Côté a répliqué en disant que, selon elle, l’expérience de la fonctionnaire justifiait la classification PE-05. Quoi qu’il en soit, elle déclarait qu’il s’agissait d’une situation du [traduction] « titulaire actuel seulement ». Mme Kelly n’avait pas le pouvoir de contester la décision de Mme Côté et a laissé les choses comme telles.

30 Au début de 2012, Mme Côté a pris sa retraite et Denis Desharnais l’a remplacée. En tant que nouveau DG des RH, M. Desharnais semblait résolu à faire progresser la Direction. Mme Kelly a parlé de sa [traduction] « vision » pour la Direction et l’employeur a fait une présentation PowerPoint décrivant les divers objectifs que M. Desharnais envisageait pour la Direction.

31 La DRH a fait l’objet de transformations au début de 2012. L’un des projets envisagés par la direction était d’examiner la classification PE-04. Plusieurs facteurs étaient en jeu. Le SCT avait annoncé un examen à l’échelle du gouvernement du système de classification, mais il pourrait nécessiter du temps et le SPPC n’était pas prêt à attendre. Une norme de classification satisfaisante existait pour le groupe et niveau PE-06, ainsi que pour les trois niveaux premiers niveaux. Toutefois, le niveau PE-04 semblait confus et ne pas correspondre à la réalité du travail exécuté par les PE-04. En ce qui concerne le niveau PE-05, il n’existait aucune description de travail générique et elle n’était pas nécessaire parce que, selon la DRH, il n’y avait que deux PE-05 dans l’organisation : la chef d’équipe à Whitehorse et la fonctionnaire.

32 Il y avait un autre motif, que la direction a caché de la fonctionnaire pendant plus d’un an en faisant valoir des préoccupations en matière de vie privée.

33 Il s’agit d’un exemple de l’écart entre le récit de l’employeur et celui de la fonctionnaire. Selon l’employeur, une employée avait soulevé des questions quant à sa description de travail à l’automne 2012, ce qui a fait en sorte que l’examen du groupe et niveau PE-04 devienne encore plus urgent.

34 Dans le cadre de l’audience au dernier palier en mai 2013, la fonctionnaire a pris connaissance pour la première fois que l’un des déclencheurs de l’examen de la classification PE-04 était une [traduction] « plainte » déposée par une autre employée PE-04. Après l’audience, la fonctionnaire a rapidement appelé cette employée qui a nié avoir déposé une [traduction] « plainte ». Elle avait simplement demandé que sa description de travail soit mise à jour puisqu’elle estimait qu’elle ne reflétait pas fidèlement ses fonctions. Elle avait utilisé la description de travail PE-05 de la fonctionnaire pour illustrer à l’employeur que son emploi était présenté plus fidèlement dans cette description.

35 La fonctionnaire n’a pas été informée de cette « plainte » pendant toute une année parce que l’employeur y voyait une question de confidentialité. L’employée concernée était probablement anxieuse et ne souhaitait pas augmenter les préoccupations de la plaignante; elle a donc nié avoir déposé une plainte. Ce flou n’a qu’aggravé la confusion et la colère de la fonctionnaire et elle a accusé Mme Kelly d’avoir fabriqué une plainte alors qu’il n’y en avait pas.

36 Je n’ai aucune difficulté à conclure que l’employée concernée a en fait manifesté son mécontentement auprès de l’employeur en ce qui concerne la classification de son emploi et qu’elle croyait que la classification PE-05 y correspondait mieux, ce qui peut être constaté par les courriels échangés entre cette employée et la direction.

37 Ses préoccupations quant à sa classification ont ajouté à l’urgence de normaliser la classification générique PE-04 au SPPC. Je conclus également que Mme Kelly songeait depuis longtemps à l’examen de la classification
PE-04 et que cet examen comprenait, entre autres, l’anomalie évidente selon laquelle deux emplois ayant le même titre étaient classifiés différemment.

38 Pendant que la direction songeait à l’examen de la classification PE-04, la fonctionnaire n’a obtenu aucun renseignement. En juillet 2012, la direction a envoyé un courriel à tous les employés PE-04 pour les informer de l’exercice d’examen et pour leur demander leurs commentaires (cela a été effectué plutôt qu’une vérification au bureau).

39 En octobre 2012, l’exercice était achevé. Un document intitulé [traduction] « Aménagement organisationnel et de la classification – Justification » a été présenté à un comité d’experts en classification composé de deux gestionnaires principaux de la classification d’autres ministères et présidé par Mme Kelly. Il s’agissait d’une proposition visant une description de travail générique qui s’appliquerait à tous les conseillers principaux en RH, classifiés PE-04, au SPPC. La date de mise en œuvre prévue était le 28 novembre 2012.

40 Depuis un certain temps, Mme Kelly et M. Desharnais exerçaient des pressions à l’égard de M. Buccino pour qu’il discute avec la fonctionnaire et qu’il lui explique que la DRH songeait à évaluer de nouveau son poste à la lumière de la nouvelle description de travail générique du groupe et niveau PE-04. M. Buccino était réticent à discuter ouvertement avec la fonctionnaire – Mme Kelly et la fonctionnaire se sont entendues à ce sujet. Le message qu’il a transmis à la fonctionnaire, au sujet d’une vérification au bureau, n’était pas clair. En novembre 2012, lorsqu’elle a été approchée par Mme Nasreddine, qui avait été chargée par Mme Kelly d’exécuter la vérification au bureau, la fonctionnaire s’est sentie contrariée et frustrée. Elle croyait que l’exercice était effectué en guise de camouflage dans le but de simplement rétrograder son poste. Elle croyait également qu’on ne lui avait pas fourni une explication complète. En fin de compte, elle a coopéré avec la vérification, mais elle était contrariée par cet exercice qu’elle estimait être entaché de partialité dès le départ.

Réunion du 3 décembre 2012

41 Une semaine avant la vérification au bureau avec Mme Nasreddine, la fonctionnaire a rencontré M. Buccino et Mme Kelly. La réunion avait pour but de finalement informer la fonctionnaire de ce qui se passait concernant l’examen de la classification PE-04 et de son emploi.

42 Le moins que l’on puisse dire est que la réunion ne s’est pas bien déroulée. Encore une fois, les récits diffèrent, mais les faits essentiels semblent être plutôt clairs.

43 Mme Kelly a expliqué que le poste de la fonctionnaire devait faire l’objet d’une nouvelle évaluation. La fonctionnaire a indiqué qu’il n’y avait aucun motif justifiant la nouvelle évaluation – ni elle ni son gestionnaire n’en avaient demandé une et l’exercice PE-04 n’avait rien à voir avec elle puisqu’elle était classifiée au groupe et niveau PE-05. Mme Kelly a répondu que l’emploi avait été amplifié et qu’il ne s’agissait pas véritablement d’un poste PE-05.

44 Ce n’était pas beau à voir. Des paroles blessantes ont été prononcées par les deux parties. La fonctionnaire a quitté la réunion; elle se sentait blessée par le fait que l’offre qui lui avait été faite à l’origine était soudainement présentée comme une fausseté. Il ne fait aucun doute que Mme Kelly était insultée que son expertise et son intégrité soient remises en question.

45 La fonctionnaire a présenté une plainte écrite à son gestionnaire au sujet de la réunion et a demandé des explications claires ainsi que le retrait de Mme Kelly de l’exercice de classification parce qu’elle était clairement partiale. Selon la fonctionnaire, de nombreux problèmes sont survenus du fait que la gestionnaire de la classification, de qui au moins un PE-04 relevait, soit chargée de l’examen du groupe et niveau PE-04. De plus, dans le passé, Mme Kelly et la fonctionnaire ont éprouvé des conflits au travail et la fonctionnaire se sentait visée par Mme Kelly dans le cadre d’un examen de son poste qui ne pouvait se terminer que par une rétrogradation, étant donné la position claire que Mme Kelly avait énoncée à la réunion.

E. La continuation de l’examen du groupe et niveau PE-04

46 Mme Nasreddine a terminé le rapport de vérification au bureau au début de 2013 et elle l’a envoyé à la fonctionnaire et à M. Buccino. Malheureusement, elle a envoyé sa première ébauche et non son rapport définitif. La première ébauche était l’entrevue textuelle avec la fonctionnaire; la version définitive aurait été organisée pour indiquer les différentes fonctions et activités de la fonctionnaire.

47 Lorsque la fonctionnaire a rencontré Mme Nasreddine, elle a discuté du fait qu’elle était ultimement responsable des relations de travail au bureau puisqu’il ne s’agissait pas du domaine d’expertise de son gestionnaire. Par conséquent, l’ébauche du rapport aurait pu avoir été perçue comme une critique et préjudiciable envers M. Buccino, ce qui était dévastateur pour la fonctionnaire – elle aimait et respectait son gestionnaire et la dernière chose qu’elle souhaitait était de lui causer un préjudice. Elle a été bouleversée et contrariée lorsqu’elle a rencontré Mme Nasreddine. Bref, l’envoi de l’ébauche du rapport était une catastrophe majeure.

48 La fonctionnaire l’a perçu comme une tentative visant à la discréditer. Je crois le témoignage de Mme Nasreddine, ainsi que son courriel du 31 janvier 2013, qu’il s’agissait d’une erreur honnête, quoique très malheureuse, de sa part. Le ton de Mme Nasreddine était sincère et elle n’a fait preuve d’aucune animosité dans le cadre de sa relation avec la fonctionnaire.

49 Mme Nasreddine a comparé la vérification au bureau à la classification PE-04, confirmant que la description de travail du groupe et niveau PE-04 était plus convenable. La fonctionnaire a estimé que cette conclusion manquait de crédibilité et elle a fait part de son opinion à son gestionnaire, M. Buccino.

50 Lorsque la procédure de règlement des griefs s’est terminée en mai 2013, la direction a rédigé une lettre à l’intention de la fonctionnaire pour l’informer de la reclassification de son poste au groupe et niveau PE-04. La direction a hésité et l’administrateur général a finalement décidé que son poste correspondrait à la norme du SCT, dont l’arrivée était prévue quelque temps après, ce qui signifiait que jusqu’au 16 juin 2014, le poste de la fonctionnaire demeurerait classifié au niveau PE-05. À cette date, elle a reçu un avis selon lequel son poste avait été reclassifié au groupe et niveau PE-04, conformément à la norme du SCT, et que son salaire serait protégé au niveau PE-05. Cela signifiait également que lorsque les griefs ont été entendus au dernier palier, la fonctionnaire occupait toujours son poste PE-05.

51 Toutefois, à compter de la date d’entrée en vigueur de la norme de classification PE-04 du SPPC, des affichages de postes contradictoires sont apparus sur le site Web du SPPC, ce qui a contribué, en grande partie, à l’anxiété et au stress de la fonctionnaire.

52 Un rapport intitulé [traduction] « PE – Gestion du personnel, du 1er avril 2013 au 30 juin 2013 » a été affiché sur le site Web de l’employeur le 14 juillet 2013. Le numéro du poste de la fonctionnaire y figurait, ainsi qu’une mesure de reclassification, passant de PE-05 à PE-04. La date d’entrée en vigueur indiquée était le 28 novembre 2012.

53 Mme Kelly a expliqué que la description de travail générique du groupe et niveau PE-04 a été mise en œuvre à cette date. Selon Mme Kelly, ces renseignements ont été saisis dans le système d’information sur les ressources humaines PeopleSoft. Une fois saisi, il est presque impossible de les modifier. Mme Kelly a ajouté que, quoi qu’il en soit, la reclassification n’avait pas été effectuée à ce moment-là.

54 En ce qui concerne la fonctionnaire, il s’agissait d’une preuve que l’employeur avait déjà pris sa décision avant la vérification au bureau et avant que toute explication ne lui soit donnée. À première vue, c’est exactement ce que le document indique. Aucune interprétation n’est nécessaire pour le [traduction] « numéro du poste » ou [traduction] « date de mise en œuvre ».

55 Je suis d’avis que l’employeur avait commencé à corriger l’erreur initiale qu’il avait commise lorsqu’il a embauché une personne classifiée PE-05 pour doter un poste PE-04. Toutefois, l’employeur n’était pas conséquent et, en fin de compte, il a attendu la norme du SCT pour reclassifier le poste. La preuve indique que les employés de la DRH se posaient des questions quant à la classification de la fonctionnaire. De plus, des organigrammes contradictoires ont été publiés sur le site Web du SPPC. Un organigramme, en date du 8 juillet 2013, indique que son poste (ainsi que son numéro de poste et son nom) est classifié au groupe et niveau PE-04. Un autre, en date du 28 août 2013, l’indique comme étant classifiée au groupe et niveau PE-05.

56 Dans une lettre adressée à la fonctionnaire en date du 2 octobre 2013, George Dolhai, directeur adjoint, SPPC, en répondant à un grief dont je ne suis pas saisie, a confirmé que la fonctionnaire [traduction] « […] demeurerait employée dans un poste classifié au groupe et niveau PE-05 à titre de conseillère principale, Relations de travail. »

57 La fonctionnaire a pris un congé de maladie lié au stress au début de 2013. Elle a appris en mars 2013 que Mme Kelly dirigerait non seulement la Classification, mais également les Relations de travail; en d’autres termes, elle deviendrait la superviseure directe de la fonctionnaire. Cela a ajouté à la détresse, à la colère et à la conviction de la fonctionnaire que l’objectif de l’employeur était de rendre sa vie si difficile que ses seules options seraient de quitter le SPPC ou de prendre sa retraite.

F. Les griefs

58 Dans son grief, Mme Cameron s’est plainte du processus dans le cadre duquel son poste a été examiné, comme suit :

[Traduction]

Je dépose un grief parce que l’employeur n’a pas offert un examen transparent de mon poste actuel et qu’il n’a pas mené cet examen conformément à ses politiques et aux procédures établies, de sorte que cet examen m’a causé un préjudice.

Mon grief porte également sur le fait que l’employeur a fait preuve de partialité dans le cadre de la tenue de cet exercice, de sorte que l’examen n’a pas été entrepris objectivement et qu’il m’a causé un préjudice.

59 Son grief portait également sur l’omission de l’employeur d’enquêter sur une plainte qu’elle avait déposée immédiatement après la réunion du 3 décembre 2012, à savoir :

[Traduction]

Je dépose un grief parce que l’employeur a omis d’enquêter (de manière appropriée et en temps opportun) ma plainte officielle en date du 3 décembre 2012 dans laquelle j’allègue la partialité et le manque de transparence dans le cadre du processus d’examen actuel lié à mon poste.

60 À titre de mesures correctives, la fonctionnaire a demandé que l’examen soit effectué de manière indépendante sans la participation de Mme Kelly. Elle a demandé une [traduction] « divulgation complète » de la véritable intention de l’exercice et d’être informée des procédures détaillées qui seraient suivies aux fins de l’examen, et ce, avant qu’il ne soit effectué. En dernier lieu, elle a demandé le rétablissement de son congé de maladie puisqu’il avait été utilisé en raison de [traduction] « […] l’omission de la direction d’offrir un processus équitable, objectif et transparent », ce qui lui a causé un stress excessif. Elle a également demandé une explication à savoir pourquoi sa plainte du 3 décembre n’avait pas fait l’objet d’une enquête.

61 L’administrateur général du SPPC a fourni la réponse au dernier palier. Il a tenu une audience avec la fonctionnaire en mai 2013 et a émis une réponse de cinq pages le 27 juin 2013.

62 La réponse de l’administrateur général présente le récit de l’employeur – un examen de la classification PE-04 était nécessaire et même s’il a tenté de l’expliquer à la fonctionnaire, elle n’était pas disposée à écouter. L’insulte qu’elle pourrait avoir ressentie le 3 décembre 2012 a été écartée. Il était prévu que le poste PE-05 [traduction] « évolue »; ce qui, apparemment, ne s’est pas produit et cela n’avait rien à voir avec la fonctionnaire ou ses compétences.

63 Après cette réponse, l’administrateur général a continué de songer à la situation. Il semble évident, d’après un échange de courriels avec l’ancienne DG des RH, Mme Côté, que la situation de la fonctionnaire a continué de poser des problèmes pour l’employeur. Dans un courriel en date du 24 juin 2013, Mme Côté a offert plusieurs options pour régler la situation. Dans son explication du contexte, elle a indiqué qu’elle estimait que la fonctionnaire était l’« experte en la matière » [« EM »] en ce qui concerne les relations de travail et elle a ajouté que : [traduction] « Le modèle d’une EM au groupe et niveau PE-05 existe aux Relations de travail du ministère de la Justice. »

64 Voici les options qu’elle a offertes :

  • Situation du [traduction] « titulaire actuel seulement ». Une mesure exceptionnelle qui n’est pas privilégiée par la Classification qui peut susciter des questions morales chez les autres PE-04, mais qui pourrait satisfaire la fonctionnaire.
  • Rétrogradation du poste à PE-04. Le salaire serait protégé et la fonctionnaire deviendrait une « priorité » aux fins de réaffectation à un autre poste PE-05. Mme Côté a exprimé un doute considérable quant à la réussite de la réaffectation prioritaire puisqu’elle était d’avis que cela constituait une rare occasion dans la fonction publique.
  • Création d’un rôle [traduction] « ministériel (le passage en évidence l’est dans l’original) » (plutôt qu’un rôle « opérationnel ») en relation de travail au SPPC, dont le titulaire du poste relève directement du DG des RH. Mme Côté a déclaré [traduction] « Créer le rôle pour lequel Ruth a été embauchée à l’origine » et elle a ajouté ce qui suit :

  • [Traduction]

    De plus, le fait que l’unité [de Mme Kelly] était chargée de toutes les décisions relatives à la classification au SPPC, la création d’un rôle indépendant pour répondre au contenu connexe des griefs au troisième palier pourrait constituer une meilleure option plutôt que [Mme Kelly] défende ses propres décisions en matière de classification.

65 L’une des objections de la fonctionnaire contre la nouvelle organisation de la Direction, où Mme Kelly est responsable de la classification et des relations de travail, concernait le conflit d’intérêts possible concernant Mme Kelly. Lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet à l’audience, Mme Kelly a nié l’existence de tout conflit d’intérêts. Les dossiers de classification et de relations de travail étaient traités par différents agents et ils étaient exempts d’interférence.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant

66 La fonctionnaire a soutenu que l’acte de la direction équivalait à une mesure disciplinaire déguisée qui lui a causé un préjudice. La direction avait comme objectif de lui imposer une mesure disciplinaire en raison d’une conduite qu’elle estimant fautive, notamment :

  • contrecarrer un exercice d’examen de la classification en s’opposant à un contrôle prévu et en refusant de signer le rapport de vérification;
  • quitter une réunion avec deux gestionnaires le 3 décembre 2012;
  • déposer une plainte contre la gestionnaire de la classification après cette réunion;
  • exiger de sa superviseure qu’elle fournisse des explications claires;
  • déposer de multiples demandes d’accès à l’information et protection des renseignements personnels (« AIPRP ») et communiquer les résultats à une autre employée;
  • communiquer ses préoccupations directement à l’AG;
  • exposer à l’administrateur général la manipulation des dossiers des RH dont a fait preuve la direction des RH.

67 La fonctionnaire a été perçue comme étant peu coopérative et problématique. Le stress occasionné par un lieu de travail abusif a mené à une maladie liée au lieu de travail que la direction n’a pas signalée, contrairement à ses propres politiques et procédures en matière de santé et sécurité au travail.

68 L’employeur est responsable de plusieurs pertes financières qu’elle a subies en raison de cette situation, ce qui constitue une sanction pécuniaire. La fonctionnaire a épuisé ses crédits de congé de maladie, a engagé des frais médicaux qui n’étaient pas remboursés par ses avantages sociaux, a engagé des frais en matière d’AIPRP et a assumé les coûts de préparation à l’audience. Des dommages liés à la souffrance et à la perte de jouissance ont également été soulevés. Même si le salaire de la fonctionnaire est protégé, elle a subi la perte d’une augmentation économique.

69 Les actes de l’employeur équivalaient à une mesure disciplinaire déguisée – il souhaitait sanctionner la fonctionnaire et ses actes revêtaient un effet punitif.

70 La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’avait pas enquêté la plainte du 3 décembre 2012 d’une manière appropriée et en temps opportun. La haute direction n’a jamais cherché à lui expliquer si sa plainte avait fait l’objet d’une enquête ou comment.

71 L’employeur a également omis de fournir un examen transparent du poste de la fonctionnaire. Il n’a pas tenu compte de ses politiques en matière de conflits d’intérêts; il n’a jamais répondu à ses questions et il n’a fourni aucun renseignement. Il a demandé à un PE-04 de traiter l’examen de la classification des PE-04 au sein du ministère, ce qui constituait un conflit d’intérêts manifeste.

72 La fonctionnaire a invoqué Shelanu Inc. v. PrintThree Franchising Corp., 2003 CanLII 52151 (ON CA), et Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71, à l’appui de son argument quant à l’exigence de bonne foi.

73 La fonctionnaire a également invoqué Galarneau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 1, à l’appui de son allégation selon laquelle il s’agissait de griefs continus.

74 En dernier lieu, elle a invoqué Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2005 CRTFP 150, à l’appui de l’allégation selon laquelle un acte peut être de nature disciplinaire même si l’employeur indique qu’il est de nature administrative.

75 La fonctionnaire a fait allusion à un licenciement implicite. En modifiant ses conditions de travail et en rendant son poste aussi instable, l’employeur modifiait ses conditions de travail, rendant ainsi sa situation insoutenable et l’obligeant essentiellement de quitter son emploi. Cela pourrait être interprété comme un licenciement implicite.

B. Pour l’employeur

76 Essentiellement, l’employeur a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence relativement à ces griefs. Les griefs portent sur des questions de classification à l’égard desquelles la Commission n’a pas compétence et, en outre, ils ont été renvoyés en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, mais ils ne comportent aucun élément disciplinaire.

77 L’avocate de l’employeur a présenté un certain nombre de décisions arbitrales et judiciaires à l’appui de ses arguments. Je ne les citerai pas toutes, mais je ferai référence à celles qui semblent être déterminantes pour trancher la question de la compétence.

78 Au début de son argumentation, l’avocate de l’employeur a invoqué Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.F.), pour étayer l’argument selon lequel le grief et les redressements demandés ne peuvent pas être modifiés lors de l’audience.

79 L’employeur a soutenu que la mesure disciplinaire n’avait pas été soulevée dans les griefs et que, par conséquent, le concept de mesures disciplinaires aux fins d’arbitrage est également inadmissible aux termes de Burchill. La fonctionnaire demandait des redressements qui n’avaient pas été demandés dans les premiers griefs.

80 L’employeur a soutenu qu’il s’agissait de griefs de classification et que, par conséquent, ils ne pouvaient faire l’objet d’un arbitrage en vertu de la LRTFP. La Cour fédérale a compétence pour entendre les contrôles judiciaires des décisions rendues par les comités des griefs de classification, ce qui est la procédure établie par le SCT pour trancher les griefs de classification. La Commission ne peut pas tenir compte de toutes les préoccupations exprimées par la fonctionnaire quant à la façon dont l’examen de la classification a été mené puisqu’elle n’a pas compétence en ce qui concerne les questions de classification.

81 L’employeur a également soutenu que ses actes ne comportaient aucun élément disciplinaire. Il a mené l’examen de la classification qu’il était autorisé à mener et ne souhaitait sanctionner aucune conduite de nature fautive de la fonctionnaire. Afin de démontrer une mesure disciplinaire, la fonctionnaire doit démontrer l’intention de l’employeur de sanctionner une conduite; la fonctionnaire n’a pas été en mesure de démontrer quoi que ce soit relativement aux actes de l’employeur établissant une intention d’imposer une mesure disciplinaire.

82 Plusieurs décisions peuvent être citées en ce qui concerne la distinction entre une mesure administrative et une mesure disciplinaire. Cette dernière est caractérisée par une intention disciplinaire de la part de l’employeur. (Voir Chamberlain c. Procureur général du Canada, 2012 CF 1027, Procureur général du Canada c. Frazee, 2007 CF 1176 et Lindsay c. Procureur général du Canada, 2010 CF 389).

83 L’employeur a contesté le fait qu’une quelconque sanction pécuniaire ait été imposée. Il a invoqué Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, pour étayer l’argument voulant que pour conclure qu’il y a eu une sanction pécuniaire, une perte financière doit avoir été subie et une mesure disciplinaire doit avoir été prise.

84 L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucun fondement à l’allégation de licenciement implicite dans le contexte de la fonction publique fédérale.

IV. Motifs

85 La Commission n’a pas compétence pour entendre les renvois à l’arbitrage de tous les griefs de la fonction publique fédérale, peu importe leur bien-fondé. La compétence doit être prévue par la loi habilitante. En l’espèce, elle n’y est pas prévue.

86 Les griefs individuels sont renvoyés à la Commission en vertu de l’article 209 de la LRTFP, qui prévoit ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

[…]

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

87 La fonctionnaire n’est pas représentée par un agent négociateur. L’employeur n’a ni licencié ni rétrogradé la fonctionnaire, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11; LGFP). Par conséquent, pour que la Commission ait compétence pour trancher la question, il faut démontrer que les actes de l’employeur sont de nature disciplinaire (alinéa 209(1)b)).

88 Je suis d’accord avec l’employeur pour dire qu’un grief et les redressements ne peuvent pas être modifiés lors de l’arbitrage, conformément à ce qui est indiqué dans Burchill. Si j’avais compétence et que je faisais droit aux griefs, je n’envisagerais d’accorder que les redressements demandés dans les griefs. En ce qui concerne les griefs en soi, leur porté est limitée aux allégations selon lesquelles l’employeur a omis de fournir un examen approprié et sans partialité du poste de la fonctionnaire et qu’il a omis d’enquêter sa plainte officielle déposée au sujet de la partialité alléguée et le manque de transparence dans le cadre du processus d’examen. Je ne trancherai pas l’argument de la fonctionnaire qu’elle a soulevé à l’audience relativement à l’omission de l’employeur de signaler une maladie survenue dans le cadre du travail découlant du stress en milieu de travail puisqu’il ne faisait pas partie des griefs dont je suis saisie.

89 Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’employeur tiré de Burchill selon lequel la fonctionnaire n’a présenté le concept de mesures disciplinaires que lorsqu’elle a renvoyé ses griefs à l’arbitrage. Dans ses arguments présentés au dernier palier, elle renvoie aux étapes du processus de reclassification qu’elle estime être de nature disciplinaire et constituer un harcèlement. L’employeur ne peut pas affirmer qu’il n’était pas au courant de ces allégations.

90 La marque distinctive des mesures disciplinaires est l’intention de l’employeur de sanctionner une conduite fautive ou de la corriger. Il ne suffit pas pour l’employeur d’affirmer qu’une mesure est administrative; l’arbitre de grief est autorisé à tenir compte des faits qui permettent de déterminer si une intention disciplinaire existe en dépit du prétexte d’une mesure administrative. Tel qu’il est indiqué dans Clark v. New Brunswick (Department of Natural Resources and Energy), [1995] N.B.L.A.A. No. 15 (QL), [traduction] « […] la question déterminante est celle de savoir si l’employeur avait l’intention de punir l’employé. »

91 De même, la Cour fédérale a indiqué ce qui suit au paragr. 56 de Chamberlain :

[56] Pour déterminer si une mesure est disciplinaire, il y a lieu de procéder à une analyse axée sur les faits qui peut impliquer l’examen de questions comme la nature des agissements de l’employé qui ont donné lieu à la mesure en question, la nature de la mesure prise par l’employeur, l’intention déclarée de l’employeur et les répercussions de cette mesure sur l’employé. Lorsque la conduite de l’employé est blâmable ou lorsque l’employeur avait l’intention de corriger la mauvaise conduite de l’employé ou de le punir, la mesure prise sera en règle générale considérée comme disciplinaire. En revanche, lorsque la conduite de l’employé n’est pas blâmable et que l’objectif de l’employeur n’était pas de punir ou de corriger l’employé, la mesure sera généralement qualifiée de non disciplinaire […]

[Je souligne]

92 La citation suivante tirée de Frazee, aux paragr. 20 à 23, est également pertinente en l’espèce :

[20] La jurisprudence confirme que toute mesure prise par l’employeur qui a un effet préjudiciable sur l’employé n’est pas nécessairement une mesure disciplinaire. Même si un employé se sent lésé par des décisions qui ont une incidence négative sur ses conditions d’emploi, la grande majorité des adaptations faites en milieu de travail sont de nature purement administrative et ne se veulent pas une forme de sanction. Ce principe est énoncé dans la décision William Porter c. Conseil du Trésor (Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources) (1973) 166-2-752 (CRTFP), dans l’extrait suivant de la page 13 :

La notion de « mesure disciplinaire » n’est pas suffisamment étendue pour inclure toute mesure prise par l’employeur qui peut être nuisible ou préjudiciable aux intérêts de l’employé. Il est sûr que chaque évaluation défavorable du rendement ou de l’efficacité nuit aux intérêts directs de l’employé et à ses perspectives d’avancement. Dans de tels cas, on ne peut tenir pour acquis que l’employé fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Pour comprendre ce qu’on entend par discipline dans la Fonction publique, il faut se reporter aux dispositions statutaires pertinentes.

[21] La jurisprudence indique que la question n’est pas de savoir si la mesure prise par l’employeur est mal fondée ou mal exécutée mais plutôt si elle constitue une mesure disciplinaire visant la suspension. De la même façon, les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire : voir la décision Fermin Garcia Marin c. Conseil du Trésor (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2006 CRTFP 16, paragraphe 85.

 [22] Il ne faut pas s’étonner que l’un des principaux facteurs permettant de déterminer si un employé a fait l’objet d’une mesure disciplinaire concerne l’intention de l’employeur. Il convient de se demander si l’employeur avait l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et si la contestation de sa décision pouvait servir de fondement à une mesure disciplinaire ultérieure : voir les décisions St. Clair Catholic District SchoolBoard et Ontario English CatholicTeachers Association (1999), 86 L.A.C. (4th) 251 (Re St. Clair), page 255, et Re Civil Service Commission et Nova ScotiaGovernmentEmployees Union (1989) 6 L.A.C. (4th) 391 (Re Civil Service Commission), page 400.

 Néanmoins, il est admis que la façon dont l’employeur choisit de qualifier sa décision ne peut pas être en soi un facteur déterminant. Le concept de mesure disciplinaire déguisée est un facteur déterminant bien connu et nécessaire qui permet à un arbitre de grief d’examiner les éléments sous-jacents au motif énoncé par lemployeur afin de déterminer quelle était sa véritable intention. Par conséquent, dans la décision Gaw c. Conseil du Trésor (Service national de libération conditionnelle) (1978), 166-2-3292 (CRTFP), la tentative de l’employeur de justifier la suspension de l’employé comme étant nécessaire pour permettre la tenue d’une enquête a été rejetée à la lumière de la preuve convaincante qui établissait que la véritable motivation de l’employeur était de nature disciplinaire : voir aussi la décision Re Canada Post Corp. et Canadian Union of Postal Workers (1992), 28 L.A.C. (4th) 366.

[Je souligne]

93 Dans Grover, l’arbitre de grief a conclu que malgré l’affirmation de l’employeur que ses actes étaient de nature administrative, son intention était réellement disciplinaire. La décision a été confirmée dans le cadre d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale (Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28) et par la Cour d’appel fédérale (Canada (Procureur général) c. Grover, 2008 CAF 97). Le juge de la Cour fédérale énonce expressément, aux paragraphes 52 et 53, ce qui constitue un acte disciplinaire, comme suit :

[52] Le CNRC a explicitement, et par deux fois, imposé une mesure disciplinaire à l’auteur du grief – une suspension de trois jours et une suspension de cinq jours – parce qu’il ne s’était pas présenté devant un médecin choisi par le CNRC, qualifiant d’« insubordination » son attitude. Ce n’est qu’à la date de la deuxième suspension que le CNRC a alors prétendu prendre des mesures administratives en supprimant indéfiniment le traitement de M. Grover.

[53] L’arbitre a aussi relevé que le CNRC n’avait pas donné à M. Grover l’occasion d’épuiser ses congés de maladie et qu’il avait refusé sa demande d’indemnité de congés annuels. Il n’y avait aucune raison d’opposer un tel refus à M. Grover autre que la volonté de le sanctionner ou de le contraindre d’une autre manière à modifier son comportement. C’est là la marque même d’une mesure disciplinaire.[…]

[Je souligne]

94 La fonctionnaire devait s’acquitter du fardeau de la preuve initial de démontrer que la Commission avait compétence pour statuer sur ses griefs – elle devait établir, au moyen de la preuve, que les mesures qui ont été prises à son égard étaient de nature disciplinaire et qu’elles visaient à la [traduction] « […] la sanctionner ou à la contraindre à adopter un comportement différent […] ».

95 La fonctionnaire a énuméré un certain nombre de comportements que l’employeur aurait pu sanctionner qui étaient liés à sa réaction négative relativement à l’exercice de reclassification. Toutefois, il s’agissait de réactions aux actes de l’employeur et ne précédaient pas ces actes.

96 La fonctionnaire n’a pas démontré, dans l’ensemble de sa preuve, que l’employeur avait l’intention de la sanctionner. Je n’ai aucun doute que les actes de l’employeur lui ont causé un préjudice et un bouleversement, mais ils ont découlé de plusieurs décisions qui ne visaient pas à lui causer préjudice, même si tel a été le cas. Je renvoie à l’examen de la classification PE-04 et à la restructuration de la DRH. Il y avait longtemps que les deux étaient en cours d’élaboration et ne visaient pas à la sanctionner, malgré leurs conséquences négatives.

97 Le manque d’intention disciplinaire est évident dans l’hésitation manifeste en ce qui concerne l’approche de l’employeur. La fonctionnaire a été assujettie à une période d’incertitude qui était à la fois troublante et injustifiée. Toutefois, le manque de transparence de l’employeur, peu importe s’il semblait punitif, découlait précisément du fait qu’il ne souhaitait pas l’assujettir à des conséquences négatives et il a donc continué de prendre des décisions contradictoires. L’administrateur général a mis fin au processus de reclassification de Mme Kelly. En fin de compte, le poste n’a été reclassifié que lorsque la norme du SCT a été mise en œuvre. La fonctionnaire n’a jamais remis en question cette décision.

98 Mme Kelly a témoigné qu’elle avait constaté, dès le début, un problème relatif à la classification de la fonctionnaire. Elle en a informé la DG des RH, qui était Mme Côté à ce moment-là. Mme Côté a réagi en indiquant que l’emploi représentait une situation du [traduction] « titulaire actuel seulement » et cela a mis fin à la discussion.

99 Ce n’est pas une coïncidence si l’examen de la classification PE-04 a été amorcé en 2012. Mme Côté était partie; Mme Kelly était devenue la gestionnaire de la classification et il semble que le nouveau DG était plus disposé à écouter son raisonnement. Mme Cameron se sentait visée. Cette perception n’était pas sans fondement – son poste constituait une anomalie que Mme Kelly souhaitait corriger.

100 Encore une fois, je ne vois aucune intention disciplinaire. Je constate que différents gestionnaires ont appliqué différentes interprétations des règles, et ce, au détriment de la fonctionnaire. L’employeur aurait pu dire à Mme Kelly de ne pas modifier le poste PE-05. Il ne l’a pas fait. Mme Kelly aurait pu avoir choisi de tolérer l’anomalie du poste PE-05, mais elle ne l’a pas fait. L’employeur a raison en ce que je ne peux traiter ces décisions ni offrir un redressement.

101 De la même façon, la restructuration de la DRH, même si elle n’était pas idéale selon la fonctionnaire, constituait une prérogative de la direction et elle était logique dans le contexte de la vision de M. Desharnais en ce qui concerne la DRH.

102 La LGFP confère au Conseil du Trésor le pouvoir d’organiser l’administration de la fonction publique fédérale et de gérer les RH, y compris les conditions de travail. La classification relève de son pouvoir qui, à son tour, a été délégué à l’administrateur général. Ce pouvoir est particulièrement exclu de la compétence de la Commission à l’article 7 de la LRTFP comme suit :

7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

103 Tout fonctionnaire peut comprendre le bouleversement lié au fait de se faire offrir un emploi pour une durée indéterminée au même niveau dans un autre ministère pour ensuite, soit trois ans plus tard, voir sa classification remise en question. L’employeur le comprenait également, surtout le superviseur direct de la fonctionnaire, M. Buccino. Il a recruté la fonctionnaire, lui a offert le poste et a été témoin de la classification à la hausse de PE-04 à PE-05 en vue de la convaincre. Naturellement, il a évité un affrontement; naturellement, il a évité de lui parler. Ce n’est pas étonnant que le processus semblait aussi mystérieux.

104 La réunion du 3 décembre 2012 a été déterminante. Malgré les différents récits, je ne suis pas d’avis que la fonctionnaire et Mme Kelly se sont contredites. J’estime que les simples faits de cette affaire ont été soulevés lors de cette réunion, dont le fait que Mme Côté avait recruté la fonctionnaire au niveau PE-05 afin de s’assurer qu’elle travaille dans sa Direction. Mme Kelly n’a jamais souscrit à la classification, mais Mme Côté l’a écarté tant qu’elle a été la DG. En raison du changement de DG, la classification PE-05 a été remise en question.

105 Il ne s’agit pas d’une mesure punitive, mais bien de gestion. Je n’ai pas compétence.

106 Puisque je n’estime pas que les actes de l’employeur soient de nature disciplinaire, les pertes financières subies ne peuvent être considérées comme une sanction pécuniaire. À cet effet, l’employeur m’a renvoyée à Chafe. En fait, cette décision confirme simplement le libellé évident de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP : « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] » [je souligne].

107 L’employeur a également contesté la compétence de la Commission parce qu’il s’agit de griefs de classification et que, par conséquent, ils ne sont pas arbitrables.

108 Selon la fonctionnaire, l’essence de son cas n’est pas la classification, mais bien la façon dont l’employeur l’a traitée pendant l’examen de la classification. Si j’avais conclu que les mesures étaient disciplinaires, j’aurais eu à trancher la question de savoir si, en fait, l’essence des griefs était la classification. D’une part, la fonctionnaire a remis en question le caractère impartial du processus; d’autre part, elle n’a jamais contesté la norme de classification du Conseil du Trésor qui a été appliquée à son poste. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas à trancher davantage cette question puisque j’ai conclu que les mesures de l’employeur n’étaient pas disciplinaires.

109 À l’audience, la fonctionnaire a invoqué les principes contractuels de fausses déclarations et de bonne foi. Il s’agit de notions valides, mais elles ne s’appliquent pas vraiment dans les limites étroites des griefs dont je suis saisie.

110 La fonctionnaire m’a renvoyée à Shelanu et à Bhasin, des cas de jurisprudence qui ne s’appliquent pas dans les circonstances. Shelanu porte sur la relation entre un franchiseur et un franchisé, ce qui est difficile à appliquer dans le contexte d’un emploi, surtout dans un contexte aussi réglementé par la loi que celui de la fonction publique fédérale. Bhasin est une décision importante rendue par la Cour suprême du Canada sur l’importance de la bonne foi dans les contrats, un principe appliqué depuis longtemps en droit civil au Québec, mais qui n’est que maintenant accepté officiellement en commonlaw canadienne. J’estime que la bonne foi constitue un principe sous-jacent des relations de travail dans la fonction publique fédérale, sur la base du libellé suivant, figurant au préambule de la LRTFP :

Attendu :

[…]

que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

[…]

que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi;

111 Toutefois, le fait que les parties sont présumées agir de bonne foi ne suffit pas pour conférer compétence à la Commission.

112 De même, je ne peux conclure que le cas en l’espèce constitue un licenciement implicite, comme l’a fait valoir la fonctionnaire. Tel qu’il a été énoncé dans Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, le licenciement implicite constitue un principe d’emploi du secteur privé. Essentiellement, il s’agit de la situation dans laquelle l’employé ou l’employée se trouve lorsque l’employeur modifie ses fonctions ou sa rémunération de manière si importante qu’elle peut être considérée comme une rupture fondamentale du contrat et comme la résiliation du contrat tel qu’il existait. L’employé peut ensuite intenter une poursuite pour licenciement abusif. Dans Hassard, une rétrogradation a eu lieu pour des motifs disciplinaires et ne constituait pas un licenciement implicite, tel que l’avait affirmé Mme Hassard; il n’y avait aucun doute que l’employeur avait le pouvoir légal d’imposer la mesure disciplinaire.

113 En l’espèce, l’examen de la classification PE-04 et ses conséquences sur l’unique poste PE-05 sont en litige. Cet exercice relevait entièrement du pouvoir conféré à l’employeur par la loi, soit la LGFP. Puisque le contrat de travail dans la fonction publique fédérale est déterminé par la loi et la négociation collective, les principes de droit privé, comme le licenciement implicite, ne s’appliquent pas. Les employés de la fonction publique fédérale ne peuvent être licenciés, sauf pour un motif suffisant, ce qui n’est pas le cas en commonlaw. D’un autre côté, l’employeur peut établir les conditions de travail et il peut les modifier. Au moyen de ses règlements, le Conseil du Trésor offre une protection salariale lorsqu’il y a classification à la baisse, ce qui constitue, encore une fois, une particularité du régime de la fonction publique, et non un élément du droit du travail privé.

114 Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de question de fausses déclarations et de licenciement implicite en l’espèce, mais ils ne suffisent pas à présenter un argument légal quant à la compétence.

115 En ce qui concerne l’argument selon lequel ces griefs sont des griefs continus, conformément à ce qui est décrit dans Galarneau, je n’ai aucun doute qu’il y a des préoccupations sensibles continues dans le cadre de la relation de la fonctionnaire avec l’employeur. Toutefois, il ne s’agit pas de la définition d’un grief continu et je ne peux appliquer le concept. En somme, un grief continu est fondé sur une violation répétée de la convention collective qui fait, à un moment donné, l’objet d’un grief. L’examen de la classification est achevé. La plainte n’a jamais été réglée, mais elle portait sur un événement particulier, soit la réunion de décembre 2012.

V. Conclusion

116 Les faits en l’espèce sont troublants. Le SPPC a embauché Mme Cameron parce qu’il avait besoin de ses services. Il lui a offert un poste PE-05. Elle n’avait aucune raison de douter de l’authenticité de l’offre. Elle a été profondément humiliée, trois ans plus tard, lorsqu’elle a été informée, en termes non équivoques, que son poste devrait être classifié PE-04. Mme Kelly était définitivement la mauvaise personne pour l’informer de la situation, ce qu’elle a fait le 3 décembre 2012. Les cadres supérieurs du SPPC auraient dû l’informer et assumer la responsabilité de l’erreur initiale. Mme Cameron avait raison d’avoir estimé que Mme Kelly avait une idée préconçue quant à la valeur de son emploi. Mme Kelly ne l’a pas nié.

117 La classification, telle que la preuve l’a démontré, est à la fois une science et un art. Elle est également une exigence pour une organisation importante et complexe comme la fonction publique fédérale. Il s’agit d’un moyen par lequel différents niveaux d’emploi peuvent être rémunérés aussi équitablement que possible. La classification pourrait sembler quelque peu irréelle. Souvent, ce qui est connu officiellement comme une « description de travail » ne constitue pas réellement une description du travail effectué par un employé. La description n’indique pas à l’employé ce qu’elle accomplira lorsqu’elle se présentera au travail le matin. Au contraire, elle sert à établir les niveaux de rémunération relative qui permettront aux personnes de comprendre les échelles salariales figurant à la fin de chaque convention collective. Il faut un expert pour comprendre la description de travail; les fonctionnaires ordinaires ont naturellement confiance que leur description de travail reflète adéquatement la classification de leur poste.

118 Par sa nature même, la classification doit être impersonnelle. Un professionnel en classification, comme Mme Kelly, voit des cases, et non des personnes, comme elle l’a elle-même indiqué.

119 Mme Cameron n’est pas une case; elle est une personne. Je n’ai aucun doute que lorsqu’elle a été promue au niveau PE-05, dans son ancien ministère, elle était fière. Il s’agissait d’une réussite.

120 La fonctionnaire a été démoralisée par le fait que le SPPC, soit le ministère qui l’a recrutée et qui a profité de son expertise considérable en relations de travail, lui signale après trois ans, de plusieurs façons, qu’il remettait en doute cette réussite. L’humiliation a été aggravée par la relation discordante qu’elle avait avec Mme Kelly et par les nombreuses hésitations de l’employeur à corriger une situation qui était erronée dès le début : soit l’offre d’un poste PE-05 pour doter un poste PE-04.

121 À l’audience, Mme Cameron a exprimé ses sentiments à l’aide d’une analogie. Je souhaite conclure sur ces paroles.

122 Imaginez, a-t-elle indiqué, qu’un magasin vend des grille-pain. Il annonce partout des grille-pain modernes à quatre tranches, en chrome et tout. Vous voyez l’annonce, vous marchez devant le magasin et vous y entrez; vous cherchez un grille-pain et celui-ci semble très intéressant. Toutefois, curieusement, vous ne trouvez pas ce merveilleux grille-pain sur les tablettes. Vous posez des questions à ce sujet au vendeur. « Bien sûr », il répond. « En fait, il ne m’en reste qu’un et il est dans la salle arrière, laissez-moi aller le chercher pour vous ». Il vous l’apporte; vous êtes si content de l’avoir trouvé et vous vous sentez si chanceux d’avoir le dernier que vous l’achetez immédiatement.

123 Vous vous rendez ensuite chez vous avec votre nouveau grille-pain. En fait, vous vous rendez compte, à votre grand désarroi, qu’il ne grille pas très bien le pain. Il ne peut pas griller quatre tranches de pain. De plus, le chrome s’écaille sous peu, car il s’agit d’une peinture.

124 Mme Cameron a indiqué qu’il s’agirait d’un leurre.

125 Je n’ai pas compétence pour statuer sur les griefs de Mme Cameron, mais je comprends certainement la déception.

126 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

127 L’objection relative à la compétence est accueillie. Les griefs sont rejetés pour défaut de compétence.

Le 22 décembre 2015.

Traduction de la CRTEFP

Marie-Claire Perrault,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

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