Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que l’employeur avait enfreint la clause de non discrimination et l’annexe portant sur le réaménagement des effectifs de la convention collective – l’employeur a soulevé son objection préliminaire selon laquelle la Commission n’avait pas compétence pour entendre le grief sur le fond, étant donné qu’il existait une entente exécutoire – l’arbitre de grief a appliqué les principes établis dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38 et a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief sur le fond – l’arbitre de grief a d’abord déterminé qu’une entente verbale existait et que, par conséquent, les parties avaient conclu une entente de règlement exécutoire – deuxièmement, en refusant de signer protocole d’entente et de retirer le grief, l’agent négociateur et la fonctionnaire s’estimant lésée ne respectaient pas l’entente – l’arbitre de grief était convaincue que les clauses de libération, « sous toutes réserves » et de confidentialité du protocole d’entente étaient des dispositions normales qui faisaient partie de chaque protocole d’entente conclu entre l’employeur et l’agent négociateur – l’arbitre de grief était également en désaccord avec l’argument de l’agent négociateur selon lequel la clause sur l’avis juridique indépendant figurant dans le protocole d’entente, constituait une véritable condition préalable – enfin, l’arbitre de grief devait décider quelle serait, dans les circonstances, l’ordonnance appropriée pour appliquer l’entente – l’arbitre de grief a ordonné que les parties complètent l’entente conformément au protocole d’entente et qu’elle reste saisie de l’affaire pendant 30 jours quant aux questions pouvant découler de l’ordonnance. Le dossier de grief sera fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2016-01-28
  • Dossier: 566-02-4853
  • Référence: 2016 CRTEFP 5

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MICHELINE GODBOUT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Bureau de la coordonnatrice de la condition féminine)

employeur

Répertorié
Godbout c. Conseil du Trésor (Bureau de la coordonnatrice de la condition féminine)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Chris Buchanan, avocat
Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 15 décembre 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 La fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), Micheline Godbout, a déposé un grief au motif que l’employeur, Condition féminine Canada, a violé l’article 19, « Élimination de la discrimination » et l’Appendice D, « Réaménagement des effectifs », de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») pour le groupe Services des programmes et de l’Administration (tous les employés), qui venait à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »), lorsqu’il l’a avisée que son poste classifié AS-01 à Vancouver, en Colombie-Britannique, était éliminé et qu’elle s’est vue offrir un poste à Edmonton, en Alberta, à une époque où elle était inapte à travailler pour des raisons médicales. Elle a également allégué que l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son invalidité et qu’il avait omis de le faire en ne lui offrant pas un poste dans la région de résidence de son choix.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi ») dans sa version antérieure à cette date.

3 En mai 2014, après trois jours d’audience, l’affaire a été ajournée jusqu’au 8 avril 2015. Le 6 avril 2015, les parties ont avisé la nouvelle Commission qu’un autre ajournement était nécessaire en attendant la mise en œuvre d’une entente qu’elles avaient conclue pour régler le grief, après quoi le grief serait retiré. Les parties se sont vues accorder un délai de 90 jours pour mettre en œuvre l’entente, après quoi une nouvelle date serait fixée pour entendre l’affaire si le grief n’avait pas été retiré. De nouvelles dates d’audience ont alors été fixées aux 15 et 16 décembre 2015.

4 L’employeur a soulevé une objection quant à la compétence de la nouvelle Commission d’entendre l’affaire sur le fond au motif que les parties avaient conclu une entente. Une audience a été tenue le 15 décembre 2015 et portait uniquement sur l’objection préliminaire. Au besoin, une autre date d’audience sera prévue pour entendre l’affaire sur le fond.

5 L’employeur a soutenu que la nouvelle Commission n’avait plus compétence pour entendre l’affaire sur le fond. Il a ajouté que la nouvelle Commission avait plutôt compétence pour décider si une entente avait été conclue et faire appliquer l’entente. Selon l’employeur, en date du 6 avril 2015, les parties avaient une entente verbale exécutoire sur trois questions. Ces trois questions devaient être prises en compte dans le protocole d’entente (le « PE ») rédigé par Joshua Alcock, alors avocat inscrit au dossier pour l’employeur pendant toute la période pertinente à l’objection quant à la compétence. Le problème est survenu lorsque l’agent négociateur, l’AFPC, a refusé de signer le PE proposé. L’employeur a de plus affirmé que la fonctionnaire avait apparemment changé d’idée et qu’elle ne souhaitait plus consentir à l’entente négociée entre l’employeur et l’AFPC.

6 Pour les raisons qui suivent, j’ai conclu qu’il y avait une entente exécutoire entre les parties en date du 6 avril 2015. J’ai également conclu que tant la fonctionnaire que l’agent négociateur ne se conformaient pas à l’entente. À ce titre, j’ai rendu une ordonnance que je juge appropriée dans les circonstances pour corriger la non-conformité à l’entente. Comme les parties avaient une entente exécutoire, je n’ai pas compétence pour entendre le grief sur le fond.

II. Résumé de la preuve

7 M. Alcock a indiqué dans son témoignage qu’à titre d’avocat de l’employeur depuis 2010, son domaine d’exercice était celui du droit du travail et de l’emploi. Dans 40 % à 50 % des cas dont il a été saisi, l’AFPC représentait les fonctionnaires s’estimant lésés. De ce nombre, 50 % n’ont pas été instruits; la majorité des cas non instruits ont été réglés par les parties et retirés. Dans tous les cas, les parties ont signé un PE une fois l’affaire réglée. Lorsque des affaires sont réglées, l’AFPC et l’employeur s’entendent habituellement sur les questions clés de l’entente. Ils communiquent avec la Commission et l’affaire est reportée en attendant la mise en œuvre de l’entente. Un PE est ensuite rédigé et signé par les parties. La présente affaire n’est pas différente des autres qu’il a réglées avec l’AFPC.

8 M. Alcock a rédigé un PE en se basant sur un modèle qu’il avait utilisé avec l’AFPC à plusieurs reprises. L’AFPC avait accepté et consenti à ce modèle. Il a ajouté les particularités de l’entente qui a été conclue et a inclus des dispositions standards qu’il insère toujours dans tous les PE négociés avec l’AFPC, soit les mêmes que celles auxquelles l’AFPC avait déjà consenti. Il a transmis cette ébauche de PE à Nicole O’Young, l’avocate inscrite au dossier de l’AFPC. M. Alcock a rédigé le PE le 7 avril 2015 et il l’a soumis à Mme O’Young pour approbation (pièce 4, onglet 3). Il n’a reçu aucun commentaire de sa part au sujet du contenu du PE en dehors du fait que la fonctionnaire demandait un avis juridique indépendant et que de petits changements au PE étaient inévitables (pièce 5, onglet 4). En aucun temps, Mme O’Young n’a informé M. Alcock au sujet des petits changements requis. Si l’AFPC avait demandé des changements au libellé du PE, l’employeur aurait accepté de le remanier. Les parties s’étaient entendues sur l’entente et cherchaient simplement à l’officialiser.

9 Le 5 mai 2015, M. Alcock a de nouveau fait un suivi auprès de Mme O’Young au sujet du PE (pièce 4, onglet 4). Elle l’a informé qu’elle attendait des nouvelles de la fonctionnaire, qui devait fournir une réponse au plus tard le 8 mai 2015. Le 26 mai 2015, M. Alcock a de nouveau fait un suivi au sujet de l’état du PE (pièce 5, onglet 5). En juin 2015, il a de nouveau effectué un suivi auprès de Mme O’Young.

10 Le 9 juillet 2015, après avoir tenté à plusieurs reprises de faire un suivi auprès de Mme O’Young sur l’état du PE, M. Alcock a été informé que les parties n’avaient pas d’entente et que le PE avait été rejeté malgré le fait que Mme O’Young lui ait dit que la fonctionnaire avait accepté l’offre le 3 avril 2015, et que l’AFPC avait fait de même le 6 avril 2015 (pièce 4, onglet 1). Il a été surpris de la réponse puisque le PE n’était pas une nouvelle offre et ne faisait qu’établir ce qui avait été convenu en avril 2015. L’employeur avait donné suite à la confirmation que l’offre avait été acceptée et avait demandé que la nouvelle Commission reporte l’affaire en attendant la mise en œuvre de l’entente, conformément à la pratique habituelle dans de tels cas. Ni l’AFPC ni la fonctionnaire n’ont indiqué qu’elles s’opposaient à un élément quelconque du PE ou que ce dernier ne reflétait pas exactement l’entente qui avait été conclue.

11 Le 14 juillet 2015, Mme O’Young a communiqué avec la nouvelle Commission afin d’obtenir un autre report pour permettre aux parties de poursuivre leurs tentatives de régler l’affaire.

12 Le 21 juillet 2015, les parties ont été avisées par le service des Opérations du greffe de la présente Commission que l’audience de l’affaire avait été fixée en décembre 2015 (pièce 4, onglet 5).

13 Le 5 août 2015, Mme O’Young a avisé M. Alcock qu’elle poursuivait ses discussions avec la fonctionnaire dans l’espoir de réussir à répondre à ses préoccupations. M. Alcock a fait un suivi avec Mme O’Young le 27 octobre 2015, et de nouveau le 4 novembre 2015.

14 Le 4 novembre 2015, Mme O’Young a informé M. Alcock que la fonctionnaire avait demandé un avis juridique indépendant et qu’elle refusait de signer le PE (pièce 4, onglet 6).

15 Selon M. Alcock, Mme O’Young était d’avis qu’elle ne représentait pas la fonctionnaire mais qu’elle agissait plutôt au nom de l’AFPC. Comme le PE comportait une disposition relative à un avis juridique indépendant, la fonctionnaire a retenu les services de son propre avocat. Par la suite, elle n’a pas voulu consentir à l’entente, même si elle l’avait fait le 3 avril 2015. M. Alcock a indiqué dans son témoignage que le paragraphe 10 du PE, faisant référence à un avis juridique indépendant, avait le même libellé que celui utilisé dans ses démarches auprès de l’AFPC, peu importe que le fonctionnaire soit représenté par un avocat externe ou un délégué syndical de l’agent négociateur. Le but du paragraphe était de confirmer qu’aucune des parties n’agissait en fonction des conseils de l’autre. En aucun moment, Mme O’Young n’a avisé M. Alcock que le paragraphe 10 ne traduisait pas sa relation actuelle avec la fonctionnaire. Dans le cadre de sa pratique avec l’AFPC, le paragraphe 10 n’a été modifié qu’une seule fois. Il s’agissait d’un cas impliquant un agent des services des griefs de l’AFPC qui ne souhaitait pas que le fait qu’il ait fourni un avis juridique soit indiqué.

16 Le PE tenait compte de l’entente que les parties avaient conclue au sujet des paiements pour des dommages-intérêts et des paiements tenant lieu de préavis de licenciement en échange du retrait du grief. M. Alcock ne se rappelait pas avoir précisément mentionné l’exigence d’une entente de confidentialité ou d’exonération. Il ne se rappelait pas non plus avoir mentionné que cette entente était sous toutes réserves à l’égard de toute position que les parties pouvaient adopter à l’avenir. Selon M. Alcock, il s’agissait de dispositions implicites standards dans les ententes entre l’employeur et l’AFPC. Le fait que la fonctionnaire soit visée par le paragraphe 10 du PE ne changeait pas la nature de l’entente. Il ne s’agissait pas d’une entente tripartite puisque le grief avait été déposé en vertu de la convention collective et que les parties au grief sont les même que pour la convention collective. L’AFPC aurait pu unilatéralement retirer son consentement aux dispositions, mais elle ne l’a jamais fait; seule la fonctionnaire l’a fait. En aucun moment durant la négociation de l’entente Mme O’Young n’a fait valoir qu’elle n’avait pas le pouvoir de négocier pour la fonctionnaire et que sa cliente n’était pas la fonctionnaire mais plutôt l’AFPC. Cette question a été soulevée pour la première fois le 4 novembre 2015.

17 M. Alcock a supposé que le retard était causé par la crainte de la fonctionnaire. Selon lui, sa supposition a été confirmée lorsque Mme O’Young a demandé un délai supplémentaire pour parler à la fonctionnaire. Si le PE ne reflétait pas de manière appropriée l’entente qui avait été conclue, il s’attendait à ce que Mme O’Young communique ses préoccupations bien avant juillet 2015. Après juillet, à mesure que le temps avançait, M. Alcock a continué de s’attendre à ce que Mme O’Young lui indique quels changements devaient être faits au PE, mais elle n’en a indiqué aucun. Le PE qu’il a rédigé tenait compte de ce qui avait été fait antérieurement avec l’AFPC et avec tous les agents négociateurs avec qui il avait déjà traité. Tous les PE comprennent une version quelconque du libellé standard figurant dans le PE qui a été fourni à Mme O’Young.

18 M. Alcock n’avait jamais négocié avec Mme O’Young et il ne savait pas si elle connaissait le contenu standard des PE conclus entre l’AFPC et l’employeur. Néanmoins, selon M. Alcock, en se basant sur son expérience, l’AFPC connaissait bien les attentes de l’employeur et le contenu standard d’un PE.

19 L’AFPC n’a déposé aucune preuve.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

20 Une entente a été conclue le 6 avril 2015 afin de régler un grief relatif à la convention collective que l’AFPC a déposé au nom de la fonctionnaire, ce qui a été confirmé par écrit par Mme O’Young au nom de l’AFPC à plus d’une occasion tant à l’avocat de l’employeur qu’à la nouvelle Commission. Dans son courriel du 3 avril 2015, Mme O’Young a déclaré que la fonctionnaire avait consenti à l’entente, mais qu’elle attendait toujours que l’AFPC y consente (pièce 4, onglet 1). Le 6 avril 2015, elle a confirmé que les parties en étaient venues à une entente (pièce 4, onglet 1). Plus tard le même jour, elle a confirmé à la nouvelle Commission que les parties avaient conclu une entente de principe (pièce 4, onglet 2).

21 Le 7 avril 2015, M. Alcock a soumis une ébauche de PE à Mme O’Young. Selon la preuve non contestée, ce PE était fondé sur d’autres PE que les parties avaient utilisés lors du règlement d’autres dossiers de grief. L’entente était simple – un règlement en espèces en échange du retrait du grief. Les autres dispositions comprennent le libellé pur et simple des ententes relatives au droit du travail. La seule preuve présentée est celle de M. Alcock selon laquelle ces dispositions ont toujours été incluses dans les PE des parties. L’agent négociateur n’a jamais précisément demandé à ce qu’elles soient changées. Les parties procèdent habituellement de cette façon.

22 Comme Mme O’Young n’a pas commenté le PE ou fourni un libellé de rechange, M. Alcock a effectué un suivi auprès d’elle à de nombreuses occasions par courriel (pièce 4, onglets 4, 5 et 6 et pièce 5, onglet 4) et par téléphone. L’agent négociateur n’a jamais indiqué qu’il n’approuvait pas quelque élément que ce soit du PE ou qu’il ne se sentait plus lié par l’entente qui avait été conclue. Le 16 avril 2015, Mme O’Young a indiqué que des changements mineurs seraient requis, sans toutefois fournir de détail.

23 Les parties ont une entente valide et exécutoire; par conséquent, la nouvelle Commission n’a plus compétence pour entendre l’affaire sur le fond. Par définition, une entente met fin à l’affaire, même en droit civil. L’essence même d’une entente est de mettre fin à un litige; il doit donc comprendre une exonération. Une entente de règlement est un contrat assujetti aux mêmes conditions de base du droit des contrats qui s’appliquent aux autres contrats; voir Ontario v. Ontario (Ministry of Children and Youth Services), [2013] O.G.S.B.A. No. 139 (QL).

24 En échange du retrait du grief, les parties se sont entendues sur une somme d’argent, sur le moment où elle serait versée et comment elle serait versée. D’autres détails, comme le libellé du PE, ne faisaient pas obstacle à l’entente. L’employeur a fait plus que ce qui était nécessaire. Seul l’accord de l’agent négociateur était nécessaire pour donner effet au contrat. Étant donné les déclarations par courriel de Mme O’Young que la fonctionnaire avait consenti à l’entente et, après consultation auprès de l’AFPC, que l’entente entre les parties était confirmée, le fait que l’agent négociateur avait reconnu qu’une entente avait été conclue est sans équivoque.

25 Il y a eu une offre et une acceptation, et il ne restait rien de concret à négocier. La question importante concernait l’argent à échanger contre le retrait du grief. Aucune condition expresse n’empêchait l’entente. Le témoignage non contredit de M. Alcock a établi que, selon la prépondérance des probabilités, le 6 avril 2015, les parties avaient une entente.

26 Un arbitre de grief peut décider si une entente a été conclue (Amos c. Procureur général du Canada, 2011 CAF 38, et Chaudhary c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2013 CRTFP 160, au paragr. 30). Lorsqu’il est établi que les parties sont parvenues à une entente, celles-ci ont une obligation tacite de la mettre en œuvre (Amos, au paragr. 65). Une signature n’est pas nécessaire pour qu’une entente soit exécutoire; les parties peuvent être liées par une entente verbale. Les signatures ne sont que la preuve de la nature exécutoire de l’entente (Ontario, au paragr. 33). Les PE ne sont pas nécessaires pour régler un grief, dans la mesure où il y a un accord des volontés sur les questions principales (Air Canada v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada (CAW-Canada), Local 2213 (2002), 107 L.A.C. (4th) 250, aux paragr. 20 à 25, et Tulli c. Symcor Inc., 2005 CF 1440, au paragr. 40).

27 Mme O’Young n’a jamais précisément indiqué quels changements étaient nécessaires. Il ressort du contre-interrogatoire que l’exonération, la clause de confidentialité, la clause sur l’avis juridique indépendant et les clauses sous toute réserve n’ont pas fait l’objet de discussions précises. Il faut deviner quelles étaient les préoccupations de l’agent négociateur à l’égard du PE, puisqu’elles n’ont jamais été précisément exprimées. Selon le témoignage non contesté de M. Alcock, ces clauses vont de soi et sont incluses dans tous les PE. Toute personne raisonnable qui travaille avec des ententes s’attendrait à ce que ces dispositions de base soient incluses. Il est fréquent que ces dispositions ne soient pas précisées durant les négociations de l’entente. Il s’agit d’éléments implicites d’un contrat relatif à une entente.

28 Un contrat comprend également implicitement ce qui est considéré comme une pratique normale dans le domaine d’exercice en question. Selon la preuve non contestée, il est habituel pour les parties d’inclure ces éléments. Ils font implicitement partie de l’entente. Une condition contractuelle peut être implicite en fonction de l’intention présumée des parties si elle est nécessaire pour l’efficacité de l’entreprise ou si elle respecte le [traduction] « critère de l’observateur objectif »(Energy Fundamentals Group Inc. v. Veresen Inc., 2015 ONCA 514, aux paragr. 30 et 31).

29 Le critère de l’observateur objectif précise que, à première vue, ce qui se trouve dans un contrat est tacite et n’a pas à être abordé spécifiquement. La question est de savoir si une personne raisonnable, qui exerce dans le domaine pertinent, considérerait que la condition est implicite à l’entente. La présente affaire concerne des parties averties qui ont l’expérience de la négociation et du règlement de griefs. Aucune preuve n’a démontré que l’agent négociateur ne considérait pas ces dispositions comme étant implicites; cependant, il ressort clairement du témoignage de M. Alcock que l’employeur les croyait implicites. Étant donné le contexte des discussions relatives à l’entente, l’expertise des parties, la pratique dans le domaine et l’habitude des parties, il est évident que ces éléments n’étaient pas nouveaux et qu’ils étaient implicites dans l’entente.

30 Le 16 avril 2015, Mme O’Young n’a pas soulevé de questions par rapport au PE, à part que des changements mineurs seraient requis. Il n’a jamais été indiqué que Mme O’Young ou l’AFPC avaient été surprises par le PE ou qu’elles ne se pensaient plus liées par l’entente. À la question de savoir ce qui était nouveau dans le PE, Mme O’Young n’a rien identifié. Ni elle, ni l’AFPC n’ont demandé le retrait des éléments répréhensibles. Leur comportement ne correspondait pas à la position que l’agent négociateur a adoptée à l’audience.

31 Rien de ce que l’agent négociateur a indiqué à l’audience ne portait atteinte à l’essence de l’entente. Le 16 avril 2015, Mme O’Young n’a rien dit qui pouvait modifier sa déclaration du 6 avril 2015, selon laquelle les parties avaient conclu une entente. Le comportement des parties est important pour décider qui Mme O’Young représentait. Elle a amené l’employeur et la nouvelle Commission à croire, en raison de ses courriels, qu’elle représentait la fonctionnaire en ce qui concerne le présent grief. Elle avait besoin de temps pour répondre aux préoccupations de la fonctionnaire.

32 L’alinéa 209(1)a) de la Loi oblige un agent négociateur à représenter un fonctionnaire en ce qui concerne des griefs déposés en vertu de la convention collective pertinente. Mme O’Young a fourni l’avis juridique concernant le règlement de la fonctionnaire; cette dernière aurait pu obtenir un avis juridique indépendant avant d’accepter, mais elle ne l’a pas fait. Elle a demandé à Mme O’Young de communiquer à l’employeur son acceptation de la proposition de règlement. Il s’agissait d’une simple entente qui a été acceptée par tous. La question de savoir si la fonctionnaire a obtenu ou non un avis juridique indépendant n’est pas pertinente à cette situation puisqu’elle n’est pas partie à l’entente et que le fait de l’ajouter comme signataire du PE n’en fait pas une partie. La convention collective appartient à l’agent négociateur et à l’employeur, non à l’employé. Un agent négociateur peut régler un grief; ce règlement lie ensuite le fonctionnaire (Air Canada, au paragr. 23). Le consentement du fonctionnaire n’est pas requis (Ontario, aux paragr. 39 et 40).

33 M. Alcock a déclaré dans son témoignage que, selon lui, le délai dans la signature du PE a été causé par la crainte de la plaignante, ce qui ne change pas le fait que l’agent négociateur avait accepté l’entente le 6 avril 2015 et qu’elle était exécutoire. Des relations de travail productives et efficaces font en sorte que l’agent négociateur doit accepter ses responsabilités en vertu de l’entente qui a été conclue (Ontario, aux paragr. 29 et 30).

34 Par conséquent, une entente existe et la nouvelle Commission n’a plus compétence pour entendre le grief sur le fond.

B. Pour l’agent négociateur

35 Au moment de décider si une entente a été conclue, il faut examiner les communications afin d’établir si, dans toutes circonstances, les parties se sont entendues sur les modalités essentielles de l’entente. En l’espèce, il y a des indications objectives convaincantes que les parties ne sont pas parvenues à une entente définitive. Elles ont songé à mettre en œuvre un PE pour régler les modalités réelles de l’entente. L’employeur a communiqué ces modalités à la nouvelle Commission, qui a ensuite ajourné l’affaire en attendant le retrait du grief. Le document de l’employeur prévoyait clairement que la fonctionnaire obtiendrait un avis juridique indépendant sur l’entente proposée. En outre, le PE proposé de l’employeur comprenait des modalités dont il n’avait pas été question dans les communications entre les parties, comme la clause de confidentialité et l’exonération. Il s’agit d’indications claires qu’il n’y avait pas un accord des volontés entre les parties.

36 Même si les parties étaient près de conclure une entente, cela ne suffisait pas pour empêcher la poursuite de l’audience. Subsidiairement, s’il y avait en fait une entente, la question consiste à déterminer ce qu’elle était exactement. Au mieux, seules les trois questions communiquées dans les courriels échangés entre M. Alcock et Mme O’Young, avant le 6 avril 2015, y auraient été incluses. Il est manifeste que les parties ont négocié uniquement ces trois questions : le montant à verser à la fonctionnaire, la façon dont le paiement serait caractérisé et le retrait du grief. Il est également évident que les parties ont envisagé qu’un PE devait être mis en œuvre, ce qui aurait nécessité d’autres négociations quant aux modalités de cette entente. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.

37 Le fait de veiller à ce que les parties respectent les ententes conclues est un élément important des relations de travail. Les agents négociateurs et les employeurs qui ont des relations de longue date doivent être prêts à respecter les ententes qu’ils ont conclues. Toutefois, les ententes incomplètes ne lient pas les parties. Selon la loi, une telle transaction incomplète ne peut faire en sorte que les droits fondamentaux de la fonctionnaire, y compris les droits de la personne protégés par la constitution, ne soient pas entendus sur le fond.

38 Il peut être tentant pour la nouvelle Commission d’essayer de combler l’écart et d’imposer des modalités qui pourraient être raisonnables. Les tribunaux ne peuvent imposer les modalités qu’ils estiment justes et raisonnables pour régler un litige. Les ententes doivent être volontaires. S’il n’y a pas d’entente, il est aussi fondamentalement important qu’aucune entente ne soit imposée qu’il l’est de respecter une entente qui a été conclue. À l’occasion, lorsque les parties se sont entendues sur des modalités mais que ces dernières comportent des lacunes, un tribunal pourra corriger ces lacunes si l’entente des parties sur les modalités est claire. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Il n’y a eu aucune proposition qui contenait les modalités supplémentaires du PE.

39 Dans Allergan, Inc. c. Apotex Inc., 2015 CF 367, au paragr. 34, la Cour fédérale a précisé le critère pour établir si un contrat a été conclu, soit le caractère raisonnable des attentes des parties. Le promettant a-t-il pris un engagement ferme, ou s’est-il réservé le pouvoir de signer ou non l’entente formelle? S’il y a un pouvoir discrétionnaire, il n’y a alors pas d’entente. Pour créer un contrat, les parties doivent avoir l’intention mutuelle de créer une entente juridiquement contraignante et s’être entendues sur toutes ses modalités essentielles (Allergan, au paragr. 36). Le droit établit une distinction entre une affaire dans laquelle une entente définitive a été conclue et que les parties ont l’intention de consigner dans un document officiel, et une affaire où les parties sont parvenues à une entente provisoire seulement, qui ne sera pas exécutoire à l’égard de l’une ou l’autre des parties tant que les documents ne sont pas terminés.

40 Il n’y a pas eu d’accord des volontés entre les parties. Leurs communications devaient avoir pour but de créer une offre qui exprimait la volonté de l’offrant de conclure une entente selon certaines conditions, qui était par la suite jointe à une entente correspondante tenant compte de l’offre. L’acceptation devait correspondre précisément aux conditions de l’offre (Allergan, au paragr. 36).

41 L’employeur a présenté une proposition de PE qui comprenait des modalités multiples dont les parties n’avaient pas discuté. L’agent négociateur croyait qu’il s’agissait d’une entente simple concernant le paiement d’une somme précise à la fonctionnaire et le retrait du grief. Si l’on compare les deux versions de l’entente, il était évident qu’il n’y avait pas d’entente de contrepartie. Le fait que, selon la compréhension de l’employeur, l’entente comportait des éléments non contestés ou habituels importe peu; ces éléments n’étaient pas inclus dans son offre initiale. L’exonération, la clause de confidentialité et la clause sous toutes réserves comprises dans le PE de l’employeur étaient toutes à son avantage et il n’y avait aucun avantage pécuniaire réciproque ou autre pour la fonctionnaire.

42 En outre, il n’y avait aucune modalité expresse voulant que l’entente contienne les modalités standards décrites par l’employeur. Il ressort clairement de l’échange de courriels qu’à aucun moment la question des modalités habituelles n’a été incluse. Il n’est même pas possible de déterminer quelles étaient ces modalités, puisque M. Alcock a indiqué avoir utilisé différentes formes des modalités habituelles pour différents agents négociateurs. La question de savoir si l’employeur conclut habituellement des modalités qui comprennent ces dispositions importe peu. Chaque règlement est négocié individuellement et l’inclusion des conditions que les parties pourraient avoir incluses dans d’autres ententes ne repose sur aucun fondement légal, en particulier puisque ces ententes étaient sous toutes réserves.

43 Il y a un problème fondamental quant à la position de l’employeur qui ne peut être corrigé. Le PE proposé prévoyait expressément que les parties obtiendraient un avis juridique indépendant avant de le signer. L’inclusion de cette clause dans le PE démontre clairement que l’employeur a compris que toute entente conclue était assujettie à une approbation supplémentaire. Les parties n’avaient pas encore négocié les modalités proposées de l’entente avant de l’avoir conclue. Au contraire, l’entente originale n’était pas un contrat parce que les modalités essentielles qui avaient pour but de régir les relations contractuelles n’avaient pas fait l’objet d’un règlement ou d’un consentement. Il s’agissait d’un contrat en vue de conclure un contrat, rien de plus. La mise en œuvre du PE n’avait pas uniquement pour but de constituer un document solennel relativement à un contrat déjà terminé et exécutoire, elle était également essentielle à la formation du contrat en tant que tel.

44 Le fait que le PE rédigé par l’employeur puisse constituer une entente exécutoire alors qu’il contient une clause qui exige des parties qu’elles obtiennent un avis juridique indépendant avant sa signature dépasse l’entendement. Il n’était pas possible que les parties aient été liées par les modalités prescrites par le PE, le 6 avril 2015, avant qu’elles aient même pu voir les modalités qui auraient pu les lier si elles l’avaient mis en œuvre.

45 L’avis juridique indépendant est une véritable condition préalable. La fonctionnaire n’aurait pas pu être liée par les modalités du PE avant d’avoir attesté qu’elle avait obtenu un avis juridique indépendant. Même si les parties espéraient qu’une entente finale soit conclue, elles ont toutes les deux indiqué qu’il s’agissait d’une entente de principe. Si un autre document était envisagé au moment où les parties sont parvenues à l’entente de principe, les modalités n’avaient pas été mises au point. Des commentaires supplémentaires supposent des négociations supplémentaires. Le contrat ne peut s’être cristallisé. Les parties ne s’étaient pas entendues sur toutes les modalités essentielles de l’entente.

46 La demande à la nouvelle Commission de reporter l’audience en attendant le retrait du grief dénotait une incertitude quant à l’éventualité de la signature du PE. Une disposition était prévue à cet égard, à savoir que si les parties ne signaient pas le PE et si l’agent négociateur ne retirait pas le grief dans un délai de 90 jours, l’audience serait reportée encore une fois, ce qui est exactement ce qui s’est produit.

47 Dans le cadre de l’examen des communications entre les parties jusqu’au 6 avril 2015 inclusivement, il est évident qu’il n’y a jamais eu d’accord des volontés et qu’aucune entente exécutoire n’existait. Subsidiairement, si une telle entente avait existé, l’agent négociateur a reconnu que la nouvelle Commission avait compétence sur sa mise en œuvre, conformément à Amos. La tâche d’un arbitre de grief consiste à établir la nature de l’entente. L’agent négociateur a fait valoir que la preuve démontre uniquement que les parties avaient envisagé trois questions : le paiement à la fonctionnaire, la façon dont le paiement serait caractérisé et le retrait du grief portant le numéro de dossier de la CRTEFP 566-02-4853. La conclusion de l’arbitre de grief voulant qu’une entente ait été conclue ne peut être tirée qu’en fonction de l’offre qui a été faite et acceptée le 6 avril 2015, et non en fonction du PE qui a été rejeté par la suite.

IV. Motifs

48 D’entrée de jeu, je dois préciser qu’il s’agit d’une affaire très inhabituelle et j’ai pris ma décision en fonction des faits précis qui y sont présentés. La Cour d’appel fédérale, dans Amos, a confirmé qu’un arbitre de grief a compétence pour décider si les parties ont conclu une entente exécutoire, si une partie a respecté l’entente et, dans la négative, quelle serait l’ordonnance appropriée dans les circonstances. (Voir également Chaudhary, au paragr. 30)

49 La première question que je dois régler est celle de savoir si les parties ont conclu une entente exécutoire. Pour qu’un contrat existe, il doit y avoir une offre, une acceptation et une contrepartie. La Cour fédérale, dans Allergan, se fondant sur l’ouvrage de Waddams, The Law of Contracts, 6e édition, a désigné ainsi les questions qui se posent en vue d’établir si un contrat a ou non été conclu :

[…]

On peut procéder à une analyse semblable lorsqu’aux fins d’une entente, l’existence d’un document additionnel tel qu’un contrat formel est prévue. La signature du contrat formel est-elle une étape dans l’accomplissement d’une entente déjà exécutoire, comme le transfert dans le cadre d’un engagement d’achat d’un bien-fonds, ou s’agit-il plutôt d’une condition préalable à l’existence même d’une entente exécutoire? Encore une fois, le critère doit être le caractère raisonnable des attentes des parties. Le promettant a-t-il pris un engagement ferme, ou s’est-il réservé le pouvoir de signer ou non l’entente formelle? Dans le premier cas, il y a une entente exécutoire. Dans le second, il n’y en a pas. Si les attentes du destinataire de la promesse quant à l’existence d’un engagement ferme sont raisonnables, elles seront protégées même si le document formel n’est en fait jamais signé. Encore une fois, les cours semblent particulièrement disposées à protéger de telles attentes lorsqu’elles se traduisent par des actes posés en se fiant sur l’existence de l’entente.

[…]

[Je souligne]

50 Selon mon analyse, le destinataire de la promesse est l’employeur, qui s’attendait à ce qu’en échange du paiement d’une somme, l’agent négociateur retire le grief portant le numéro de dossier de la CRTEFP 566-02-4853.

51 Je suis convaincue que les parties avaient conclu une entente exécutoire le 6 avril 2015. Selon le témoignage verbal de l’employeur ainsi que la preuve documentaire déposée par ce dernier, il ne fait aucun doute que les parties ont conclu une entente exécutoire. Les deux principaux documents sont les courriels de Mme O’Young à M. Alcock (pièce 4, onglet 1), comportant tous les deux l’objet suivant : [traduction] « La fonctionnaire a accepté, en attente d’instructions finales du syndicat ». Le premier courriel portait la date du 3 avril 2015 et était rédigé ainsi : [traduction] « Je vous écris pour vous aviser que la fonctionnaire a accepté l’offre finale de l’employeur de […]. J’attends toujours les instructions finales de mon client et je vous les communiquerai dès que je les connaîtrai ». Le courriel suivant était en date du 6 avril 2015 et était rédigé ainsi : [traduction] « Nous avons une entente. Merci de bien vouloir aviser la Commission que nous avons conclu une entente ». Il est important de mettre en évidence le fait que non seulement la fonctionnaire n’a pas témoigné sur l’objection préliminaire, l’agent négociateur n’a pas non plus déposé d’éléments de preuve pour réfuter la position de l’employeur selon laquelle les parties étaient parvenues à un règlement du grief.

52 Une entente verbale avait été conclue. Les ententes verbales sont exécutoires. Une signature n’est pas nécessaire pour qu’une entente soit exécutoire. Les parties peuvent être liées par une entente verbale. Les signatures ne sont que la preuve de la nature exécutoire de l’entente (Ontario, au paragr. 33). Les PE ne sont pas nécessaires pour régler un grief, dans la mesure où il y a un accord des volontés sur les questions principales (Air Canada, aux paragr. 20 à 25, et Tulli, au paragr. 40). Selon la preuve non contredite, les principales conditions de l’entente étaient que l’employeur verserait un montant en espèces, caractérisé d’une façon précise à la demande de la fonctionnaire, en échange du retrait du grief portant le numéro de dossier de la CRTEFP 566-02-4853.

53 Il est évident que les deux avocats qui ont participé aux négociations de l’entente étaient pressés de régler ce grief afin d’empêcher une audience imminente de l’affaire sur le fond et qu’ils auraient pu être plus clairs et succincts dans leurs communications. Toutefois, Mme O’Young a succinctement communiqué une chose à M. Alcock, soit ses déclarations [traduction] « Nous avons une entente » et [traduction] « Je vous écris pour vous aviser que la fonctionnaire a accepté l’offre finale de l’employeur […] » (pièce 4, onglet 1). Il est également clair que M. Alcock rédigerait le PE. Leur hâte ne devrait pas priver l’employeur des avantages de l’entente qu’il a conclue avec l’agent négociateur.

54 En conséquence, j’en suis arrivée à la conclusion que les parties ont conclu une entente exécutoire en date du 6 avril 2015.

55 La fonctionnaire a tout d’abord accepté cette entente et l’a fait savoir à l’employeur par l’entremise de la représentante de l’agent négociateur, qui a plus tard informé l’employeur que ce dernier avait accepté l’offre et qu’il y avait une entente. Par conséquent, M. Alcock a avisé la nouvelle Commission et a demandé un délai pour mettre en œuvre les modalités de l’entente. Il était tout à fait raisonnable que l’employeur s’attende à ce que l’engagement ferme de l’agent négociateur soit respecté. Le fait que la nouvelle Commission ait simplement reporté l’affaire pour une période de 90 jours n’a pas diminué l’importance de l’entente, comme l’a soutenu l’avocate de l’agent négociateur. Le délai que la nouvelle Commission a imposé aux parties pour terminer l’entente et retirer le grief importe peu à la question des modalités de l’entente conclue par les parties. Il ne s’agit pas d’une modalité ou d’une condition supplémentaire de l’entente. En fait, les dispositions de l’ébauche du PE prévoyaient un délai de 90 jours pour le paiement de la part de l’employeur.

56 Malheureusement, ni la fonctionnaire ni l’agent négociateur n’ont respecté l’entente. Ils ont tous les deux refusé de signer le PE. Tel qu’il est mentionné dans le résumé de la preuve, après une série de communications entre les avocats Mme O’Young a finalement confirmé que ni la fonctionnaire ni l’agent négociateur ne retireraient le grief.  

57 En vertu du paragraphe 228(2) de la Loi, je dois maintenant déterminer l’ordonnance que je juge appropriée dans les circonstances pour rendre l’entente exécutoire.

58 Il ressort clairement du témoignage de l’employeur et des pièces déposées par les deux parties qu’un PE allait être rédigé pour officialiser l’entente. M. Alcock s’est porté volontaire pour le rédiger en fonction d’un modèle d’entente utilisé à de nombreuses occasions pour mettre au point des ententes avec cet agent négociateur. La question consiste à déterminer si le PE n’était rien de plus qu’un document visant à officialiser l’entente entre l’employeur et l’agent négociateur.

59 Même si l’avocate qui représentait la fonctionnaire au nom de l’agent négociateur ne connaissait pas bien ce type d’entente, je suis convaincue que ce n’était pas le cas de l’agent négociateur et que ce dernier n’aurait pas dû être surpris de son contenu. J’accepte qu’il n’y avait rien de nouveau dans l’entente et que les parties avaient utilisé la même à de nombreuses occasions, à l’exception des détails concernant la compensation pécuniaire.

60 Comme l’a fait valoir l’avocat de l’employeur, si les parties ont une entente valide et exécutoire, la nouvelle Commission n’a plus compétence pour entendre l’affaire sur le fond. Par définition, une entente met fin à l’affaire. L’essence même d’un règlement est de mettre fin à un litige; il doit donc comprendre une exonération, sans quoi il n’y a rien pour empêcher une partie de tenter de faire revivre le litige. Les parties à ce règlement sont les mêmes parties que celles à la convention collective; la fonctionnaire n’est partie à aucun des deux. Un fonctionnaire est lié par une entente conclue entre l’agent négociateur pertinent et l’employeur afin de régler un grief (Air Canada, au paragr. 23, et Ontario, aux paragr. 40 et 41). L’agent négociateur avait le droit de régler un grief déposé en vertu de la convention collective et un tel règlement lie la fonctionnaire.

61 L’avocate de l’agent négociateur a fait longuement valoir que l’ajout dans le PE des clauses sous toutes réserves, d’exonération et de confidentialité équivalait à y inclure de nouvelles modalités. Je ne suis pas d’accord. Il s’agissait de modalités qui, selon la pratique entre les parties, devaient être anticipées et prévues par les deux parties. Même si je conclus, selon la preuve, que les parties n’avaient pas discuté de ces clauses précises avant le 6 avril 2015, l’agent négociateur n’a fourni aucune preuve indiquant que les clauses sous toutes réserves, d’exonération et de confidentialité étaient autre chose que des dispositions normales incluses dans chaque entente de règlement conclu par l’employeur et cet agent négociateur. Par conséquent, dans les circonstances, je suis convaincue que les clauses d’exonération, sous toutes réserves et de confidentialité faisaient partie de l’entente conclue par les parties.  

62 Un document rédigé afin d’officialiser les modalités essentielles d’une entente est souvent propice à des expressions passe-partout, ce qui ne devrait pas surprendre les parties, puisqu’elles sont toutes deux spécialisées et chevronnées en ce qui concerne la nature de ce type d’entente. La présence ou l’absence de la signature de la fonctionnaire, qui n’est pas partie à la convention collective, ne porte pas un coup fatal à la mise en œuvre de l’entente entre l’agent négociateur et l’employeur.

63 L’avocate de l’agent négociateur a fait valoir que la clause relative à l’avis juridique indépendant est une véritable condition préalable. Je ne peux être d’accord. La clause sur l’avis juridique indépendant n’était pas une condition préalable à l’entrée en vigueur de l’entente. (Voir Turney v. Zhilka, [1959] S.C.R. 578, à la page 583, et Health Employers Assn. of British Columbia v. British Columbia Nurses Union (Lebel Grievance) (1999), 80 L.A.C. (4th) 75, au paragr. 9). J’ai déjà conclu qu’il existait une entente exécutoire entre les parties en date du 6 avril 2015. Si la fonctionnaire avait des préoccupations au sujet de l’entente, elle n’aurait pas dû dire à Mme O’Young qu’elle consentait à l’offre finale de l’employeur. La disposition figurant à l’ébauche du PE concernant l’avis juridique indépendant ne change pas ce fait.

64 Un grief déposé en vertu de la convention collective ne peut être renvoyé à l’arbitrage devant la nouvelle Commission sans l’autorisation de l’agent négociateur, comme l’indique la formule 20 que ce dernier a utilisée pour renvoyer l’affaire devant la nouvelle Commission. Le grief appartient à l’agent négociateur et non à la fonctionnaire, sauf s’il vise un grief pour lequel le soutien de l’agent négociateur n’est pas requis. Ce grief porte sur l’interprétation de l’article 19 de la convention collective et son annexe portant sur le réaménagement des effectifs et il ne peut être entendu sans l’autorisation de l’agent négociateur en vertu de l’article 209 de la Loi :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

[…]

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

[65] Je ne suis saisie d’aucune plainte indépendante pour atteinte aux droits de la personne ni d’aucun grief ne nécessitant pas le soutien de l’agent négociateur et qui pourrait être autonome sans le soutien de l’agent négociateur. Comme il existe une entente pour régler le grief dont je suis saisie, je n’ai pas compétence pour entendre l’affaire sur le fond.

66 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

67 La nouvelle Commission n’a pas compétence pour entendre sur le fond le grief portant le numéro de dossier de la CRTEFP 566-02-4853.

68 J’ordonne aux parties de terminer l’entente qu’elles ont conclue le 6 avril 2015, comme l’indiquent les paragraphes 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8 et 9 du PE rédigé afin de finaliser cette entente (pièce 4, onglet 3). Étant donné les délais déjà longs pour mettre en œuvre l’entente, plutôt que la période de 90 jours mentionnée aux paragraphes 1 et 2, l’employeur devra verser les paiements à la fonctionnaire dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.

69 Le dossier de la CRTEFP 566-02-4853 demeurera ouvert pour une période de 30 jours pour permettre aux parties de mettre en œuvre les modalités de l’entente ainsi que je l’ai ordonné, après quoi le dossier sera fermé.

70 Je demeurerai saisie des questions découlant de l’ordonnance pour une période de 30 jours suivant la publication de cette décision.

Le 28 janvier 2016

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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