Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un agent des services frontaliers de Vancouver qui a accepté une affectation d’un an à Ottawa – il a demandé le remboursement des dépenses engagées en raison de la fin prématurée de son affectation d’un an – le fonctionnaire s’estimant lésé a dû résilier son bail prématurément, ce qui a entraîné une pénalité de trois mois de loyer, en plus des frais de stationnement – l’employeur a rejeté la demande du fonctionnaire s’estimant lésé au motif que, pour que la Directive sur les voyages s’applique, le fonctionnaire s’estimant lésé devait être en déplacement – la formation de la Commission a déterminé que, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé se trouvait maintenant à sa résidence de Vancouver, il n’était pas admissible au remboursement de ses dépenses, puisqu’il n’était pas en déplacement – de plus, puisque l’offre d’affectation indiquait clairement que l’employeur pouvait y mettre fin à tout moment, sur présentation d’un préavis de deux semaines, le fonctionnaire s’estimant lésé prenait le risque de signer un bail d’un an qui l’obligeait à payer trois mois de loyer en plus des frais de stationnement, pour une résiliation qui est prématurée – même si le fonctionnaire s’estimant lésé affirmait qu’il n’avait jamais entendu parler d’une affectation se terminant prématurément, la formation de la Commission n’avait devant elle aucune preuve voulant que l’employeur ait établi une pratique antérieure. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-12-30
  • Dossier: 566-02-7236
  • Référence: 2015 CRTEFP 99

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MICHAEL BANGLOY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Bangloy c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Rebecca Thompson, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 28 septembre 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s'estimant lésé, Michael Bangloy (le « fonctionnaire »), demande un remboursement pour les dépenses engagées en raison du fait qu'il était en déplacement lorsque son affectation a pris fin prématurément. Lorsque son affectation d'un an à Ottawa, en Ontario, a pris fin prématurément, il a dû résilier le bail de son appartement plus tôt que prévu. Il a dû verser une pénalité équivalant à trois mois de loyer plus le stationnement pour la résiliation prématurée de son bail. Il cherche à recouvrer le montant de cette pénalité.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires contenues dans les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3 Le fonctionnaire est un agent des services frontaliers affectés aux Opérations maritimes de Vancouver, à Vancouver, en Colombie-Britannique. En 2009, il a accepté une affectation d'un an au Centre national d'évaluation des risques, à Ottawa. Il a choisi une affectation plutôt que de se réinstaller de façon permanente à Ottawa depuis Vancouver.

4 Lorsqu'il est arrivé à Ottawa, en 2009, l'Agence des services frontaliers du Canada (l'« employeur ») lui a offert un appui limité pour le déménagement et pour trouver un logement approprié. La plupart des renseignements qu'il a reçus provenaient de collègues qui avaient déjà été en affectation. Une semaine avant son départ de Vancouver, l'employeur l'a renvoyé à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM) (la « Directive sur les voyages »). On lui a dit qu'il pouvait vivre n'importe où, à condition que la limite relative au coût établie par la Directive sur les voyages soit respectée (voir le courriel à la pièce 1, onglet 8). L'employeur ne lui a pas donné de directives particulières, mais ses collègues lui en ont donné, ainsi que des conseils précis.

5 Au début, le fonctionnaire séjournait dans un hôtel appartement, près du marché By. Il a décidé de chercher un logement à long terme et a tenté de louer un appartement dans ce secteur. Il en a trouvé un qui respectait le budget établi par la Directive sur les voyages. Il a versé un dépôt au propriétaire à l'égard de l'appartement (un mois de loyer) et il a éventuellement signé un bail d'un an (pièce 1, onglet 10), soit du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2010. Il a emménagé à la fin de février 2009.

6 Après avoir versé le dépôt du loyer et avant de signer le bail, le fonctionnaire a rencontré sa gestionnaire, Louise Worth. Dans le cadre de cette discussion, cette dernière lui a recommandé de ne pas signer de bail. Ils ont également discuté du remboursement de son dépôt. Elle lui a indiqué qu'il était mal avisé de signer un bail et qu'elle n'autoriserait pas le remboursement du dépôt, car il correspondait au loyer du dernier mois et que le fonctionnaire pourrait présenter une demande de remboursement à ce moment-là. Selon le fonctionnaire, à la fin de la discussion, Mme Worth lui a de nouveau conseillé de ne pas signer le bail. À ce stade, il avait déjà remis son dépôt au propriétaire et, à moins de donner suite au bail, il risquait de perdre son dépôt.

7 Pendant la réunion, ils n'ont pas discuté de la résiliation prématurée de l'affectation. Rien à cet égard n'a été soulevé avant août 2009. Lorsqu'il a été informé de la résiliation prématurée de son affectation, le fonctionnaire a discuté de la situation relative au bail avec Mme Worth, qui lui a rappelé la discussion précédente au cours de laquelle elle lui avait conseillé de ne pas signer de bail.

8 Après avoir été informé que son affectation serait résiliée de façon prématurée, le fonctionnaire a parlé au gestionnaire de son immeuble, qui lui a dit qu'il était impossible de rompre le bail, ce que le vice-président de la société du propriétaire a confirmé lorsque la demande de rupture du bail lui a été acheminée. Le fonctionnaire a ensuite tenté de trouver quelqu'un à qui sous-louer l'appartement ou transférer le bail. Ses annonces publiées dans Kijiji, Craigslist et d'autres sites Web ne l'ont pas aidé à trouver une personne intéressée à sous-louer l'appartement ou à prendre le bail en charge. En conséquence, il a demandé à l'employeur de régler le solde de son bail, ce qui a été refusé (voir le courriel à la pièce 1, onglet 13).

9 Le fonctionnaire a témoigné qu'il avait conclu le bail conformément à l'article 3.3.1 de la Directive sur les voyages. Il ne se souvenait pas qu'il était mentionné dans la lettre d'offre relative à l'affectation qu'il ne devrait pas signer de bail. Il savait que son affectation était d'un an, et il n'était pas au courant d'une disposition selon laquelle l'affectation pouvait prendre fin prématurément, même s'il a admis en contre-interrogatoire qu'il était au courant, à tout le moins superficiellement, que l'affectation pouvait être résiliée avec un préavis de deux semaines. Il n'a pas envisagé la possibilité que son affectation puisse prendre fin prématurément lorsqu'il a signé le bail. Autant qu'il sache et selon son expérience, l'employeur ne résilie habituellement pas une affectation prématurément. Son affectation a pris fin le 31 octobre 2009.

10 Le fonctionnaire a admis avoir lu la Directive sur les voyages; cependant, ses collègues constituaient sa principale source d'information à propos du logement. Avant de verser le dépôt pour son appartement, il n'a jamais questionné quiconque de la direction au sujet de la signature d'un bail. Même si l'employeur lui a fourni une liste d'hôtels appartement recommandés, il leur a préféré l'appartement pour lequel il avait signé le bail. Il s'agissait de l'un des plus beaux appartements qu'il avait vus et il était situé dans un immeuble et un emplacement recherchés.

11 Le fonctionnaire était au courant qu'il signait un bail d'un an et il comprenait les conséquences. Après avoir parlé à Mme Worth, le fonctionnaire a décidé de demander à son propriétaire s'il était possible de raccourcir la durée de son bail plutôt que de renoncer à son dépôt d'un mois de loyer. Après avoir appris que ce n'était pas possible, il a estimé qu'il valait la peine de courir le risque que son affectation ne soit pas résiliée prématurément plutôt que de perdre son dépôt. Le fonctionnaire n'a jamais été informé que l'employeur prendrait le bail à sa charge si son affectation était résiliée prématurément mais, selon sa compréhension de la Directive sur les voyages, il était raisonnable de supposer qu'il le ferait. Cependant, cela n'a jamais été validé auprès de l'employeur avant la signature du bail.

12 La demande de remboursement du fonctionnaire a été refusée. Le fonctionnaire a déposé son grief, qui a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement de griefs.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le fonctionnaire

13 Ce grief découle de la résiliation prématurée et sans précédent d'une affectation. Le fonctionnaire n'avait jamais entendu parler de la résiliation prématurée d'une affectation auparavant et, lorsqu'il a accepté son affectation, il a signé un bail d'un an, conformément aux principes de la Directive sur les voyages. Le but et la portée de la Directive sur les voyages consistent à s'assurer que les dépenses obligatoires raisonnables soient remboursées et qu'un employé ne paie pas lui-même les dépenses liées à un voyage.

14 La réalité de la location d'un appartement est qu'un bail est requis. Les baux sont une pratique courante et sont conformes à l'esprit de la Directive sur les voyages, qui ne stipule pas qu'il ne faut pas signer de bail. La Directive sur les voyages stipule simplement que les dépenses engagées doivent être raisonnables et que les séjours de plus de 30 jours dans un hôtel ne sont pas recommandés. Le coût de l'hôtel appartement où le fonctionnaire a d'abord séjourné dépassait l'indemnité mensuelle qui lui était offerte. Il est vrai qu'il aurait pu éviter de signer un bail, mais il aurait ensuite engagé des dépenses qui auraient dépassé l'indemnité mensuelle. La trousse de bienvenue qu'il a reçue de l'employeur (pièce 1, onglet 7) recommandait simplement de ne pas signer de bail; il n'était pas question de l'obligation de l'employé à l'égard du coût associé à la résiliation prématurée du bail.

15 S'il existait une liste de propriétaires approuvés auprès de qui le fonctionnaire devait louer un logement, il aurait fallu la communiquer au fonctionnaire. La seule directive réelle qu'il a reçue à l'égard du logement était qu'il pouvait demeurer n'importe où, dans la mesure où cela respectait l'indemnité mensuelle établie par la Directive sur les voyages.

16 Selon la pratique antérieure, il n'était pas possible de prévoir que l'affectation du fonctionnaire se terminerait prématurément. Il a fait le pari de signer un bail correspondant à la durée de son affectation, et ce, conformément à la Directive sur les voyages, qui encourage un employé en déplacement à un seul endroit pendant plus de 30 jours à utiliser des appartements ou des résidences d'affaires. Dans le cas des affectations à plus long terme, la location d'un appartement est la méthode privilégiée.

17 Le fonctionnaire a pris des mesures raisonnables afin d'atténuer ses pertes. Il n'aurait pas dû être pénalisé pour la décision unilatérale de l'employeur de mettre fin prématurément à l'affectation. La Directive sur les voyages exige qu'un préavis de 30 jours soit remis à l'employé lorsqu'il y a résiliation d'une affectation et l'entente signée par le fonctionnaire prévoyait un préavis de deux semaines (pièce 1, onglet 4, paragraphe 1.9.2).

18 À la fin de son affectation, lorsque le fonctionnaire n'a pas été en mesure de céder le bail ou de trouver quelqu'un pour sous-louer l'appartement, il a été tenu de payer les trois mois de loyer supplémentaires ainsi que le stationnement. L'employeur devrait le rembourser. Il est injuste que l'employeur s'attende à ce que le fonctionnaire assume ces coûts.

B. Pour l'employeur

19 Il s'agit d'un cas d'interprétation et le rôle de l'arbitre de grief consiste à déterminer l'intention réelle de la Directive sur les voyages, fondée sur un libellé ordinaire. L'interprétation doit se limiter aux modalités expresses de la convention et ne peut pas créer de nouvelles modalités ou modifier celles qui sont claires (Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51, Cooper et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 160 aux paragraphes 32 à 34, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 25 à 28).

20 Le simple fait qu'il semble y avoir une injustice dans un document ne constitue pas une raison de l'ignorer si cette chose est par ailleurs claire. Au moment d'interpréter un document, un arbitre de grief doit tenir compte de son ensemble, car celui-ci établit le contexte aux fins de l'interprétation. Un avantage qui a un coût monétaire pour l'employeur doit être expressément énoncé dans la convention collective (Wamboldt au paragraphe 27).

21 Pour que la Directive sur les voyages s'applique, le fonctionnaire devait être en déplacement en date du 1er novembre 2009. Il ne l'était pas, car il était retourné à sa résidence, à Vancouver. En conséquence, il n'avait pas droit aux dépenses engagées à compter de cette date (Hawkins c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2013 CRTFP 146, aux paragraphes 23 et 24).

22 Le fonctionnaire a fait valoir que l'équité et l'interprétation de l'employeur sont incohérentes. Dès le 3 décembre 2008, le fonctionnaire savait que la signature d'un bail n'était pas recommandée (pièce 1, onglet 7, page 4). Lorsqu'il a signé l'offre d'affectation temporaire, il a été clairement avisé que celle-ci pouvait être résiliée au moyen d'un préavis de deux semaines. Le fait qu'il n'ait jamais entendu parler de la résiliation prématurée d'une affectation n'établissait pas une pratique antérieure.

23 L'employeur a indiqué clairement dans sa trousse d'accueil du 3 décembre 2008 et dans l'entente d'affectation que les baux n'étaient pas recommandés et qu'une affectation pouvait être résiliée prématurément, ce qui aurait dû inciter le fonctionnaire à conclure qu'il n'était pas sage de signer un bail qu'il ne pouvait pas résilier avant échéance. Il n'en a pas tenu compte et a signé le bail, et ce, malgré les avertissements clairs. Il n'a pas non plus discuté avec la direction avant de verser le dépôt. Il a agi ainsi car il préférait l'emplacement du marché By.

24 D'autres immeubles étaient disponibles, mais ils ne correspondaient pas à l'emplacement privilégié par le fonctionnaire. Il n'y a aucune preuve selon laquelle aucun hôtel appartement n'était disponible dont le coût respectait l'indemnité mensuelle. Le fonctionnaire a conclu une entente contractuelle avec le propriétaire de son immeuble sans consulter l'employeur quant au caractère opportun de cette entente. Lorsqu'il a été informé que cela n'était pas recommandé, il a couru le risque de signer le bail plutôt que de perdre son dépôt.

25 Le fonctionnaire n'a pas demandé le remboursement de dépenses raisonnables qui ont nécessairement été engagées. Il n'était ni raisonnable ni nécessaire de signer un bail contre lequel on l'avait expressément mis en garde. Il s'agissait d'une mauvaise idée simplement pour éviter de perdre un dépôt.

26 Le présent grief a été acheminé au comité des griefs du CNM et a été examiné par des représentants de l'employeur et des agents négociateurs. Le grief a été rejeté parce que la demande du fonctionnaire portait sur le remboursement de dépenses inadmissibles (pièce 1, onglet 3). Il n'a mentionné aucune partie de la Directive sur les voyages à l'appui de son affirmation que l'interprétation de l'employeur était inexacte. Il n'existe aucun conflit dans le libellé de l'entente d'affectation. La Directive sur les voyages, conformément à la clause citée par le fonctionnaire, s'applique uniquement aux changements de milieu de travail à l'intérieur de la région de l'Administration centrale et non pas à la résiliation d'une affectation temporaire.

27 Il est incontestable que le fonctionnaire a reçu un avis adéquat concernant la résiliation de son affectation. Il a été traité d'une façon juste et équitable conformément à l'intention de la Directive sur les voyages, et ce, jusqu'à ce qu'il ne soit plus en déplacement. Aucune preuve n'a été présentée quant à la portée d'une perte ou d'une atténuation quelconque.

28 Comme dans Craig et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 113, la question en l'espèce consiste à déterminer si la Directive sur les voyages s'applique. La Directive sur les voyages ne s'applique pas, car le fonctionnaire n'était pas en déplacement. Dans Outingdyke c. Conseil du Trésor (procureur général du Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 51, aux paragraphes 45 à 52, l'arbitre de grief a déterminé qu'il ne lui appartenait pas d'élargir les catégories de dépenses remboursables. Dans la présente affaire, c'était le choix du fonctionnaire de ne pas suivre le conseil de l'employeur et d'engager volontairement ces dépenses; il est le seul responsable de cette affaire, laquelle ne créée pas un droit à un remboursement (Warwick c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28334 (19980602), aux paragraphes 3 et 4).

IV. Motifs

29 Il n'existe aucun doute que la Directive sur les voyages établit expressément ce qui sera remboursé et ce qui ne le sera pas lorsqu'un employé est en déplacement. L'article 3.3.1 de la Directive sur les voyages stipule ce qui suit :

[…]

Pour les déplacements de plus de 30 jours civils consécutifs au même endroit, il convient d'encourager l'utilisation de résidences d'affaires, d'appartements, de logements particuliers non commerciaux et de locaux d'hébergement du gouvernement ou d'une institution. Les voyageurs qui optent de séjourner dans un hôtel après le 30e jour lorsque des résidences d'affaires ou des appartements sont libres à proximité du lieu de travail ne touchent que le remboursement prévu pour les frais de résidences d'affaires ou d'appartements disponibles.

30 Selon la Directive sur les voyages, un employé est considéré en déplacement quand « […] un fonctionnaire ou un voyageur effectue un voyage en service commandé autorisé ». Manifestement, étant donné que le fonctionnaire se trouve actuellement dans sa résidence, à Vancouver, il est inadmissible à recevoir un remboursement pour des dépenses, parce qu'il n'est pas en déplacement.

31 En outre, on ne peut contester que, dans sa lettre d'accueil datée du 3 décembre 2008 (pièce 1, onglet 7, page 4), l'employeur a indiqué que [traduction] « [i]l n'est pas recommandé de signé des baux. On vous recommande fortement de vous assurer que vous avez la capacité de présenter un préavis de 30 jours (ou moins) de votre déménagement ».

32 Le fonctionnaire a cherché à vivre dans un immeuble très recherché situé dans un emplacement très indiqué, à Ottawa. Il n'y était pas obligé; il voulait le faire et il s'est créé une obligation juridique personnelle de le faire. Il n'a présenté aucune preuve selon laquelle d'autres propriétés, à la fois des biens locatifs et des hôtels appartements d'affaires dans le même voisinage, n'étaient pas disponibles, ce qui lui aurait permis de déménager en présentant un préavis de 30 jours, comme l'avait recommandé l'employeur dans sa lettre d'accueil. Cependant, selon son témoignage, ceux-ci ne convenaient pas à ses goûts. Qui plus est, il a choisi de [traduction] « faire le pari » que son affectation ne serait pas résiliée prématurément et qu'il ne serait pas tenu de résilier son bail prématurément. Il a agi ainsi plutôt que de perdre son dépôt. Il aurait pu éviter de louer l'appartement en ne perdant qu'un seul mois de loyer après avoir discuté avec Mme Worth, mais, au lieu de cela, il a donné suite à l'exécution du bail et s'est lui-même imposé l'obligation de payer trois mois de loyer plus le coût du stationnement pour se libérer de l'entente prématurément.

33 Il a assumé ce risque en étant pleinement au courant de la possibilité que l'employeur pouvait résilier son affectation en tout temps, avec un préavis de deux semaines, tel qu'il est clairement énoncé dans l'offre de l'affectation (pièce 1, onglet 5, page 2) : [traduction] « l'affectation ou le détachement peut être résilié en tout temps avec le consentement mutuel de l'organisation hôte et de l'organisation d'attache ou au moyen d'un préavis de deux semaines ».

34 Le fait que le fonctionnaire n'ait jamais entendu parler d'une affectation ayant été résiliée prématurément n'est pas pertinent. Il a accepté les conditions établies dans l'entente d'affectation, comme en témoigne sa signature. Le simple fait qu'il n'ait pas été informé que d'autres affectations avaient été résiliées prématurément n'établissait pas une pratique antérieure. Comme il est expliqué dans Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, à la section 3:4430, une pratique antérieure exige qu'il y ait une conduite de la part d'une partie qui comprend explicitement l'interprétation d'une entente conformément à un sens et que cette conduite soit reconnue par l'autre partie. Une pratique antérieure exige habituellement qu'elle se soit produite sur un certain nombre d'années et non pas à une ou deux reprises seulement.

35 Je ne suis saisie d'aucune preuve qui établit une pratique antérieure. Aucune preuve ne m'a été présentée voulant que l'employeur ait traité le fonctionnaire de façon inéquitable ou qu'il ait mal interprété une des conditions de l'affectation. La Directive sur les voyages stipule clairement ce qui sera remboursé lorsqu'un fonctionnaire est en déplacement. Le fonctionnaire n'était pas en déplacement à compter du 1er novembre 2009. Il n'est indiqué nulle part que l'employeur doit rembourser à l'employé les coûts associés à la résiliation prématurée d'une affectation, et il ne m'incombe pas d'ajouter cette disposition à la Directive sur les voyages.

36 L'employeur n'a pas la responsabilité d'indemniser le fonctionnaire parce que ce dernier a perdu son pari.

37 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

38 Le grief est rejeté.

Le 30 décembre 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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