Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation relativement à sa déficience et qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a mis fin à son emploi – la Commission a constaté qu’elle avait contrefait 16 certificats médicaux pour tenter de justifier ses nombreuses absences du travail, ce qui constituait une inconduite grave – la Commission a estimé que son inconduite n’était pas liée à sa déficience et que, par conséquent, elle n’a pas démontré l’existence d’une preuve prima facie de discrimination – la Commission a également conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait adopté une tendance visant à cacher activement sa déficience et à nier résolument un quelconque besoin de mesures d’adaptation – la Commission a estimé que l’employeur ne pouvait pas prendre de mesures d’adaptation à l’égard d’une employée qui n’indique pas un besoin de mesures d’adaptation et qui contrarie les tentatives visant à prendre des mesures d’adaptation à son égard – la Commission a conclu que l’inconduite de la fonctionnaire s’estimant lésée était telle qu’elle justifiait son licenciement, en particulier en l’absence de circonstances atténuantes. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161019
  • Dossier:  566-34-10943 et 10944
  • Référence:  2016 CRTEFP 105

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MARY ANN MCNULTY

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
McNulty c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Doug Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 6 au 8 octobre 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Mary Ann McNulty, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), travaillait comme agente principale des programmes, classifiée au niveau 8 du Groupe Services et programmes (SP-08), à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur ») à Ottawa, en Ontario.

2        Le 3 juin 2014, la fonctionnaire a été licenciée de son emploi à l’ARC, avec entrée en vigueur immédiate. Le motif convenu du licenciement était une inconduite puisque le fonctionnaire a falsifié et présenté 16 certificats médicaux, ce qui a mené à une rupture irréparable du lien de confiance. Le 17 juin 2014, elle a contesté son licenciement et elle a demandé ce qui suit à titre de réparation :

  • qu’elle soit réintégrée à titre d’employée nommée pour une période indéterminée à son niveau de titularisation;
  • qu’elle reçoive toute sa rémunération et les avantages connexes à compter de la date du licenciement;
  • qu’elle ait l’occasion d’effectuer une réadaptation;
  • qu’elle bénéficie d’une indemnisation intégrale.

3        Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») le 24 mars 2015, en vertu des al. 209(1)a) et b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). La fonctionnaire a allégué que l’ARC avait contrevenu à la clause 19.01 de la convention collective conclue avec l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui a été signée le 29 octobre 2010, et qui est venue à échéance le 31 octobre 2012 (la « convention collective »).

4        La clause 19.01 de la convention collective prévoit ce qui suit :

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

5        Le même jour, la fonctionnaire a également déposé une formule 24, Avis à la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP »), faisant valoir que la décision de l’ARC de mettre fin à son emploi constituait de la discrimination fondée sur une déficience (dépendance à l’alcool), contrairement à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; la « LCDP »). La CCDP a informé la Commission qu’elle ne formulerait pas d’observations dans cette affaire.

II. Résumé de la preuve

6        La fonctionnaire a commencé sa carrière avec l’ARC en 1989, à titre de commis. Elle a franchi plusieurs niveaux avant de devenir agente principale des programmes, classifiée au groupe et au niveau SP-08, en décembre 2010.

7        La fonctionnaire a reçu un certain nombre de récompenses pendant son emploi à l’ARC, y compris le [traduction] « prix d’excellence de l’ARC » en 2010. Elle a également fait beaucoup de bénévolat au sein de l’ARC, tant dans le cadre de la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada (la « CCMTGC ») que de la Semaine nationale de la fonction publique.

8        Deux évaluations du rendement ont été déposées en preuve. La première évaluation visait l’exercice du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, dans laquelle la fonctionnaire a obtenu la cote de rendement [traduction] « satisfait aux attentes ». La deuxième évaluation visait l’exercice du 1er septembre 2010 au 31 août 2011, dans laquelle elle a obtenu la cote de rendement [traduction] « satisfait aux attentes et plus », ce qui signifie qu’elle a non seulement satisfait à toutes les attentes, mais que dans certains cas elle les a dépassées.

9         La fonctionnaire est divorcée et a une fille en garde partagée.

10        Pendant la période pertinente, Marlene Sylvest était gestionnaire à la section des politiques et recherches législatives de l’ARC, laquelle section faisait partie de la division des comptes en fiducie au sein de la direction de gestion de la conformité de la dette (la « DGCD »). Elle occupait ce poste depuis juin 2010. Elle était responsable d’environ 10 à 12 employés, y compris la fonctionnaire jusqu’à son licenciement. Pendant trois ans et demi à quatre ans, la fonctionnaire relevait de Mme Sylvest. Mme Sylvest relevait à son tour d’une directrice, Lyne Levac, qui elle-même relevait du directeur général (« DG ») de la DGCD, Kevin McKenzie. M. McKenzie était le DG depuis novembre 2012.

11        La section des politiques et recherches législatives fournit des directives et des conseils sur des questions complexes relatives aux programmes de conformité de l’employeur et d’autres programmes qui portent sur les fonds en fiducie en vertu de la partie 13 de la Loi de l’impôt sur le revenu, (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)). Mme Sylvest a déclaré que les employés qui travaillent dans ce secteur, y compris la fonctionnaire, ont des connaissances approfondies du travail, des politiques et des lois régissant la partie 13.

12        Mme Sylvest a décrit la relation qu’elle avait avec le fonctionnaire comme bonne et a indiqué que cette dernière travaillait bien.

13        Dans son témoignage, Mme Sylvest a indiqué qu’au début de 2013, elle était préoccupée par l’importante quantité de travail que la fonctionnaire n’avait pas accompli. En 2010 et au début de 2011, la fonctionnaire l’avait informée qu’elle était aux prises avec d’importants problèmes familiaux, soit qu’un membre de sa famille était malade et qu’un autre était décédé. Mme Sylvest a ajouté que lorsque la fonctionnaire est revenue au travail après ces événements, elle lui a demandé si elle se sentait assez bien pour reprendre le travail, ce à quoi la fonctionnaire lui a répondu qu’elle allait bien et qu’elle voulait revenir au travail. Mme Sylvest a déclaré que malgré les garanties de la fonctionnaire, cette dernière a continué de s’absenter du travail. À ce titre, Mme Sylvest a offert à la fonctionnaire un congé avec étalement du revenu.

14        Mme Sylvest a déclaré que lorsqu’elle abordait la fonctionnaire au sujet de ses absences, cette dernière affirmait que tout allait bien. Mme Sylvest a indiqué dans son témoignage que la fonctionnaire avait commencé à s’absenter sans appeler et sans la prévenir. Selon Mme Sylvest, environ dix absences n’étaient pas justifiées et, au 20 février 2013, la fonctionnaire avait manqué environ 50 jours de travail. Mme Sylvest souhaitait s’assurer que la fonctionnaire et elle étaient sur la même longueur d’onde et, à ce titre, elle a envoyé à cette dernière une [traduction] « lettre de conditions administratives » en date du 20 février 2013 (la « lettre du 20 février »).

15        La lettre du 20 février précisait ce qui suit :

[Traduction]

La présente a pour but de vous rappeler les divers mécanismes et conditions administratifs liés aux demandes et aux autorisations de congés, aux congés prolongés pendant les heures de travail, au comportement attendu au travail et aux diverses conditions administratives établies que vous devez respecter au travail.

[…]

Horaire de travail

1. Vos heures de travail sont de 7 h à 15 h, et vous avez droit à une pause d’une demi-heure pour le repas. Vous avez droit à deux (2) périodes de repos de quinze (15) minutes au cours de chaque journée complète de travail (une pendant l’avant-midi et une pendant l’après-midi), sauf si les exigences opérationnelles ne le permettent pas.

Absences

2. Si vous devez quitter le travail, vous devez en aviser votre supérieur immédiat le jour même, par téléphone, pendant les heures normales de travail de 8 h à 16 h. Vous pouvez joindre votre supérieur immédiat au 613-957-9463.

Si vous ne signalez pas votre absence comme il est indiqué ci-dessus, votre absence pourrait être considérée comme non autorisée et pourrait entraîner une mesure disciplinaire.

Congé annuel

3. Si vous souhaitez prendre un congé annuel, vous devez remplir le formulaire électronique approprié à l’avance et obtenir l’approbation de votre superviseur. Veuillez noter qu’un congé annuel ne sera pas approuvé rétroactivement.

Congé de maladie

4. Lorsque vous vous absentez du travail pour raison de maladie, vous devez, conformément aux dispositions de votre convention collective, suivre la procédure établie par votre employeur. Lorsque l’employeur est satisfait des raisons données, il peut approuver la demande. Dans votre situation et conformément à votre convention collective, une déclaration écrite de votre part ne suffira pas. Pour tout congé de maladie :

i. Si votre médecin détermine que vous devez vous absenter du travail pendant plus d’une journée, vous devez aviser votre superviseur immédiatement et lui fournir la date prévue de votre retour au travail précisée par votre médecin. Ce n’est que lorsque votre superviseur a été dûment informé de votre date de retour que vous n’êtes pas tenu de communiquer avec lui tous les jours.

ii. La date du certificat médical doit être à l’intérieur de la période pendant laquelle vous étiez absent du travail. Les certificats datés après l’absence ne seront pas acceptés.

iii. Veuillez noter que tout certificat médical peut être assujetti à la vérification par un médecin tiers indépendant choisi par l’employeur.

iv. Vous devez présenter le certificat médical original dans les 7 jours civils qui suivent le début de votre absence ou le premier jour de votre retour au travail si vous étiez absent pendant moins de 5 jours ouvrables.Si vous omettez de produire le certificat médical original pendant cette période, on considérera que vous êtes en congé non autorisé, ce qui peut entraîner une mesure disciplinaire.

Congé pour raisons familiales

5. Veuillez noter que vous êtes tenu de démontrer clairement à l’employeur que vous respectez toutes les conditions prévues par la convention collective pour être admissible à ce genre de congé.

Rendez-vous chez le médecin ou le dentiste

6. Si vous prenez un rendez-vous chez le médecin ou le dentiste, vous devez en informer votre superviseur au moins 24 heures à l’avance. Vous déploierez tous les efforts raisonnables en vue de prévoir ce rendez-vous en dehors de vos heures de travail. Si cela est impossible, vous devez prendre votre rendez-vous chez le médecin vers la fin de votre journée de travail. Il est tout aussi important de préciser que pour vous s’absenter sans perte de salaire, l’absence doit être liée à des rendez-vous de routine et/ou des examens. Si vous devez subir une série de traitements, vous devez obtenir l’autorisation pour un congé de maladie. Finalement, pour autoriser ce congé de maladie, votre gestionnaire peut demander de la documentation à l’appui de votre demande.

Comportement professionnel

7. Lorsque vous êtes au travail, vous devriez être en état d’accomplir toutes vos fonctions professionnelles. Je vous renvoie au Code de déontologie et de conduite et j’insiste sur le fait qu’[traduction] « on s’attend à un comportement qui ne vient pas discréditer l’ARC ». Entre autres choses, [traduction] « votre efficacité [ne devrait jamais être] affaiblie à un tel point que cela pourrait entraîner un embarras ou un danger pour vous, l’ARC ou d’autres personnes, ou pour des biens ».

Si, pour une raison quelconque, vous n’êtes pas en mesure d’accomplir votre travail, vous devez aviser immédiatement votre gestionnaire et établir avec ce dernier la façon la plus appropriée de gérer la situation. Si vous avez des problèmes physiques ou de santé qui pourraient être néfastes pour votre rendement au travail, vous devez informer votre gestionnaire en conséquence. Vous n’aurez pas à divulguer de détails précis relatifs à votre état; seules les mesures d’adaptation qui conviennent feront l’objet d’une discussion avec votre médecin traitant.

Il est important que vous respectiez les mesures administratives susmentionnées. L’omission de respecter ces mesures administratives pourrait entraîner la prise d’une mesure disciplinaire progressive pouvant aller jusqu’au licenciement.

Je tiens également à insister sur le fait que vous pouvez vous prévaloir des services du PAE lorsque vous avez des problèmes personnels.

[…]

Nous nous réunirons de nouveau tous les mois pour discuter de vos progrès relativement au respect de ces exigences.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

16        Mme Sylvest a déclaré que le 20 février 2013, elle a rencontré la fonctionnaire dans son bureau. Elles ont alors examiné les dispositions indiquées dans la lettre du 20 février. Elle a déclaré que la fonctionnaire utilisait beaucoup de congés de maladie et elle lui a demandé durant cette rencontre si elle-même ou l’ARC pouvait faire quelque chose pour l’aider. La fonctionnaire lui a dit qu’il n’y avait pas de problème et l’a assuré qu’elle serait au travail.

17        À la page 2 de la lettre du 20 février, au quatrième paragraphe, les conditions précises en ce qui concerne la prise d’un congé de maladie et la fourniture de certificats médicaux d’un médecin sont précisées. À la question de savoir si les certificats ont fait l’objet de discussions avec la fonctionnaire, Mme Sylvest a répondu que la fonctionnaire ne lui avait pas dit qu’il lui était impossible de fournir les certificats médicaux. La fonctionnaire a accusé réception de la lettre du 20 février à cette date.

18        En contre-interrogatoire, Mme Sylvest a été renvoyée au paragraphe 4 de la page 2 de la lettre du 20 février. À la question de savoir si elle avait consulté la convention collective au moment de rédiger cette partie, elle a répondu qu’elle se rappelait avoir examiné la convention collective au moment de rédiger la lettre. Cependant, elle se rappelait l’avoir examinée en ce qui concerne le congé de maladie.

19        En contre-interrogatoire, Mme Sylvest a plus précisément été renvoyée à la troisième page de la lettre du 20 février, qui indique ce qui suit : [traduction] « […] Si vous avez des problèmes physiques ou de santé qui pourraient être néfastes pour votre rendement au travail, vous devez informer votre gestionnaire en conséquence. Vous n’aurez pas à divulguer de détails précis relatifs à votre état; seules les mesures d’adaptation qui conviennent feront l’objet d’une discussion avec votre médecin traitant ». Le représentant de la fonctionnaire a demandé à Mme Sylvest quel était l’objet de cette clause, ce à quoi cette dernière a répondu que, selon sa compréhension, elle signifiait que si quelque chose, un problème physique ou de santé, empêchait la fonctionnaire d’accomplir ses fonctions, elle-même devait en être avisée et la question devait être abordée. Elle devait savoir quel était le facteur aggravant et si des mesures d’adaptation pouvaient être prises.

20        Dans l’interrogatoire principal de la fonctionnaire, la lettre du 20 février a été soumise à son attention et on lui a demandé si elle lui avait été imposée, ce à quoi elle a répondu : [traduction] « Oui. Cela a du sens ».

21        Mme Sylvest a été interrogée au sujet de l’assiduité de la fonctionnaire après le 20 février 2013. Elle a déclaré que la fonctionnaire continuait de s’absenter du travail et qu’elle appelait souvent pour dire qu’elle était malade. Mme Sylvest a indiqué qu’en raison de la condition exigeant la présentation d’un certificat médical, elle a abordé la fonctionnaire à son retour de congé de maladie pour lui demander comment elle allait et pour demander un certificat médical. Elle a déclaré que lorsqu’elle demandait un certificat médical à la fonctionnaire, en général, cette dernière ne l’avait pas, n’était pas en mesure de le trouver dans son sac ou disait qu’elle l’avait laissé à la maison et qu’elle l’apporterait plus tard, ce qui arrivait parfois des semaines plus tard. Mme Sylvest a fait valoir que lorsque la fonctionnaire ne fournissait pas le certificat médical, elle lui rappelait qu’il était requis. Elle a souligné qu’elle ne souhaitait pas lui imposer une mesure disciplinaire si les certificats médicaux existaient réellement et si la fonctionnaire oubliait simplement de les apporter.

22        Mme Sylvest a déclaré que, malgré la lettre du 20 février, elle est demeurée préoccupée par le nombre d’absences de la fonctionnaire. Elle a dit qu’elle parlait avec elle pour lui demander si elle allait bien, si elle avait besoin de quelque chose ou si elle allait être présente le lendemain ou après la fin de semaine; elle a déclaré que la fonctionnaire lui garantissait qu’elle serait présente, alors qu’elle était absente.

23        Mme Sylvest a indiqué dans son témoignage qu’elle avait demandé à la fonctionnaire si elle-même ou l’ARC pouvait faire quelque chose; elle tentait de découvrir si quelque chose empêchait la fonctionnaire de se présenter au travail et si l’ARC pouvait faire quelque chose pour atténuer la situation. La seule suggestion de la fonctionnaire concernait une évaluation ergonomique, qui a été menée en juillet 2013.

24        En raison des absences continues au travail de la fonctionnaire, Mme Sylvest a décidé qu’une évaluation de l’aptitude au travail (l’« EAT ») devait être réalisée pour établir si un médecin pourrait voir la fonctionnaire et découvrir ce qui l’amenait à s’absenter aussi souvent et fournir certains conseils en matière d’adaptation, au besoin. Mme Sylvest a indiqué dans son témoignage qu’en juin 2013, la fonctionnaire a accepté de subir une EAT est qu’elle a participé activement à la rédaction de la lettre d’EAT.

25        Le 18 juillet 2013, une lettre (la « lettre du 18 juillet »), ainsi qu’un consentement signé, le formulaire d’EAT, et une description de travail ont été envoyés au médecin de famille de la fonctionnaire, Danielle DeBanne, pour demander une EAT. Mme Sylvest a dit que la fonctionnaire avait donné son consentement en ce qui concerne le contenu de la lettre du 18 juillet avant qu’elle soit envoyée et qu’elle avait reçu une copie de la lettre et de tous les documents envoyés à son médecin.

26        En contre-interrogatoire, une copie du formulaire de consentement de l’EAT, plus particulièrement le premier paragraphe, a été soumise à Mme Sylvest. Le premier paragraphe mentionne ce qui suit : [traduction] « Les raisons pour lesquelles on m’a demandé de subir une évaluation médicale m’ont été pleinement expliquées par un représentant de mon employeur, l’Agence du revenu du Canada (ARC) ». À la question de savoir si elle expliqué les raisons à la fonctionnaire, Mme Sylvest a répondu qu’elle l’avait fait. Mme Sylvest a été questionnée afin de connaître plus précisément en quoi consistaient les explications fournies. Elle a répondu que, selon ses souvenirs, elle a dit à la fonctionnaire qu’elle était préoccupée par ses absences et ses nombreux congés de maladie, ce à quoi la fonctionnaire a répondu qu’elle allait bien, mais qu’elle s’absentait de nouveau par la suite. Par conséquent, Mme Sylvest était préoccupée et elle se demandait si un médecin pouvait aider.

27        Les résultats de l’EAT de la fonctionnaire sont en date du 19 août 2013 (le « rapport d’EAT »). Mme Sylvest a déclaré qu’elle se rappelait l’avoir obtenu en août 2013, ou à la fin de ce mois. Selon le rapport d’EAT, la fonctionnaire était apte au travail à temps plein, à la condition qu’on lui permette de prendre des pauses et des repas quotidiennement, sans qu’elle ait à se sentir coupable. Le rapport d’EAT ne précisait pas de limitation, il précisait en fait [traduction] « Sans objet » à cet égard; toutefois, la Dre Debanne a ensuite indiqué que les recommandations formulées dans l’évaluation ergonomique devaient être mises en œuvre dès que possible. Elle a ensuite déclaré ceci : [traduction] « Un bureau électrique debout/assis serait très utile ». Cette dernière référence ne semble pas avoir d’incidence sur les questions dont je suis saisi et aucun témoignage n’a été fait sur cette note.

28        Mme Sylvest a déclaré qu’elle avait examiné le rapport d’EAT et qu’elle ne savait pas à quoi faisait allusion le commentaire sur la prise de pauses et de repas sans avoir à se sentir coupable; elle ne se rappelait pas non plus en avoir discuté avec la fonctionnaire.

29        Mme Sylvest a déclaré qu’après l’EAT, les absences de la fonctionnaire se sont poursuivies. Lorsque la fonctionnaire s’absentait, Mme Sylvest lui demandait un certificat médical, et la fonctionnaire lui répondait qu’elle n’en avait pas ou qu’elle n’arrivait pas à le trouver, qu’elle l’avait laissé à la maison et qu’elle l’apporterait à une date ultérieure.

30        Mme Sylvest a également indiqué qu’elle avait continué ses discussions avec la fonctionnaire au sujet de ses absences du travail après l’EAT. En septembre 2013, elles ont discuté de la mise à jour des feuilles de temps, étant donné que cette dernière s’absentait beaucoup, souvent pour des raisons floues. Mme Sylvest a dit qu’elle devait parfois lui apporter les feuilles de temps et les remplir avec elle.

31        En raison des absences continues de la fonctionnaire, Mme Sylvest a soulevé que la direction avait décidé qu’une autre EAT devait être effectuée; cependant, cette fois, la fonctionnaire a refusé de donner son consentement, affirmant qu’elle allait bien et qu’aucune EAT n’était nécessaire.

32        Les copies de 93 notes manuscrites prises par Mme Sylvest concernant des appels téléphoniques de la fonctionnaire ou de messages téléphoniques qu’elle a laissés, ou portant sur des occasions où la fonctionnaire était absente sans téléphoner pour le signaler, ont été déposées en preuve. Les notes ont été prises entre le 28 février 2013 et le 29 mai 2014, alors que les absences avaient lieu. Certaines des notes offrent très peu d’information et précisent uniquement que la fonctionnaire ne se présenterait pas au travail, ainsi que la date et l’heure de l’appel, alors que d’autres comprennent plus de détails, par exemple un rendez-vous de la fonctionnaire, pour elle-même ou un membre de la famille, et un numéro de téléphone. Certaines des notes portaient sur des absences d’une journée, alors que d’autres mentionnaient une absence de plus d’une journée.

33        Mme Sylvest a déclaré que lorsqu’elle écoutait les messages, elle avait l’impression qu’ils étaient clairs et exhaustifs et elle n’avait aucune difficulté à comprendre ce que la fonctionnaire déclarait. Elle n’a rien noté d’inhabituel ou d’inattendu. La fonctionnaire ne bafouillait pas et elle était cohérente.

34        Des copies de 16 certificats médicaux dactylographiés ou générés par ordinateur portant sur plusieurs périodes entre le 14 mai 2013 et le 21 mars 2014, qui indiquaient que la fonctionnaire était incapable de se présenter au travail (les « certificats médicaux contrefaits »), ont été déposées en preuve. Ces certificats indiquaient dix docteurs différents ainsi qu’une clinique de physiothérapie. Mme Sylvest a indiqué que les notes lui ont toutes été fournies par la fonctionnaire pour justifier ses absences du travail. Voici les principaux détails des certificats médicaux contrefaits :

  • certificat en date du 14 mai 2013, pour la période du 13 mai au 17 mai 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Saeed, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 27 mai 2013, pour la période du 23 au 31 mai 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr C. Renaud, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 4 juin 2013, pour la période du 3 au 7 juin 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Kane, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 19 juin 2013, pour la période du 17 au 21 juin 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Saeed, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 31 juillet 2013, pour la période du 29 juillet au 2 août 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Kane, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 26 août 2013, visant le 26 août 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Kane, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 2 octobre 2013, pour la période du 2 au 4 octobre 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr C. Doss, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 29 octobre 2013, pour la période du 28 octobre au 4 novembre 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr P. Varma, situé au 2430, rue Bank à Ottawa;
  • certificat en date du 13 novembre 2013, pour la période du 12 au 15 novembre 2013, indiquant que le médecin traitant est le Dr I. Mahdy, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 27 novembre 2013, pour la période du 25 au 29 novembre 2013, indiquant que le médecin traitant est la Dre D. DeBanne, situé au 110, rue Craig, à Russell, en Ontario;
  • certificat en date du 6 janvier 2014, pour la période du 30 décembre 2013 au 6 janvier 2014, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Chadha, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 21 janvier 2014, pour la période du 13 au 20 janvier 2014, indiquant que le médecin traitant est le Dr G. Shivani, situé au 110, rue Craig, à Russell, en Ontario;
  • certificat en date du 30 janvier 2014, pour la période du 29 au 31 janvier 2014, indiquant que le médecin traitant est le Dr A. Asgher, situé au 2430, rue Bank, à Ottawa;
  • certificat en date du 20 février 2014, pour la période du 17 au 20 février 2014, indiquant que le médecin traitant est le Dr G. Shivani, situé au 110, rue Craig, à Russell, en Ontario;
  • certificat non daté portant sur la période du 3 au 7 mars 2014, indiquant que le professionnel traitant est Marc Dignard, physiothérapeute, situé au 657, rue Notre-Dame, à Embrun, en Ontario;
  • certificat non daté portant sur la période du 18 au 21 mars 2014, indiquant que le professionnel traitant est L. Long, physiothérapeute, situé au 657, rue Notre-Dame, à Embrun, en Ontario.

35        Mme Sylvest a déclaré que lorsqu’elle a reçu les deux derniers certificats médicaux falsifiés, provenant de la clinique de physiothérapie, elle a commencé à avoir des doutes. Elle a déclaré avoir exprimé ses préoccupations à sa superviseure, Mme Levac, et qu’elle en a remis des copies aux Relations de travail (les « RT »). Elle a déclaré que les RT l’avaient informé qu’ils étaient falsifiés, qu’une enquête serait menée et que les enquêteurs de la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude (la « DAI ») de l’ARC communiqueraient avec la fonctionnaire pour l’interroger.

36        Selon le témoignage de M. McKenzie, ce n’est que le 20 mars 2014, à la suite d’une discussion qu’il a eue avec Mme Sylvest et Mme Levac, qu’il a eu connaissance pour la première fois de problèmes éventuels au sujet de la fonctionnaire et des certificats médicaux falsifiés. Il a compris que les RT avaient enquêté au sujet des auteurs présumés de certains certificats médicaux et conclu que les certificats n’étaient pas véritables. Il a déclaré que la DAI était également intervenue peu de temps après la découverte de ce problème.

37        Mme Sylvest a identifié les notes manuscrites d’une rencontre qu’elle a eue avec la fonctionnaire le 8 avril 2014. Elle a déclaré que ce jour-là, la fonctionnaire est venue la voir et lui a dit que sa maladie était l’alcoolisme et qu’elle avait falsifié des certificats médicaux parce qu’elle était trop ivre pour aller voir un docteur lorsqu’elle s’absentait pour maladie. Mme Sylvest a déclaré que durant la rencontre, la fonctionnaire a demandé à rencontrer M. McKenzie, et qu’elle-même et la fonctionnaire l’avaient rencontré cette journée-là.

38        M. McKenzie a identifié les notes manuscrites qu’il a prises lors de sa rencontre du 8 avril 2014 avec la fonctionnaire et Mme Sylvest, qui a eu lieu dans son bureau. Il a déclaré que les notes correspondaient à ce qui s’était dit à la rencontre. Il a indiqué que la fonctionnaire et Mme Sylvest étaient allées à son bureau pour lui parler d’une question importante et que la fonctionnaire venait d’informer Mme Sylvest de sa tendance relative à l’absentéisme, laquelle était liée à sa dépendance à l’alcool.

39        Les notes du 8 avril 2014 de M. McKenzie indiquaient en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Mary Ann a justifié la falsification des notes par le fait que lorsqu’elle s’absentait elle était trop ivre pour conduire jusqu’au bureau du médecin pour obtenir une note – selon ses mots, « vous ne voulez pas que je conduise en état d’ébriété […] ».

Mary Ann a révélé avoir été traitée dans le passé pour alcoolisme et qu’elle était sobre depuis un certain nombre d’années. Son abus d’alcool a repris (il y a environ deux ans) lorsque des membres de sa famille sont tombés malades.

Mary Ann a déclaré qu’elle souhaitait maintenant cesser de boire et qu’elle avait demandé de l’aide à l’Hôpital Royal Ottawa où elle avait déjà été traitée. Elle avait le nom d’une personne-ressource au Royal Ottawa et a offert d’appeler à l’hôpital en ma présence pour démontrer qu’elle cherchait activement de l’aide […]

[…]

Je l’ai interrogée sur la nature du programme auquel elle participerait – selon son explication, j’ai compris qu’il s’agirait d’une période de quelques heures par semaine, les soirs, et qu’il ne serait donc pas nécessaire pour l’employeur d’adapter son horaire de travail.

Il est devenu évident que la révélation de son abus d’alcool découlait d’une communication des Affaires internes lui demandant de la rencontrer au sujet des certificats médicaux falsifiés. J’ai compris que l’entrevue avec l’enquêteur aurait lieu le lendemain.

Mary Ann a posé des questions sur les conséquences de sa fraude (certificats médicaux falsifiés pour obtenir des congés payés et non payés) sur son travail. Je lui ai dit qu’il s’agissait d’un processus d’enquête qui devrait suivre son cours et que les conclusions de cette enquête nous renseigneraient sur les prochaines étapes. J’ai dit que la priorité immédiate était qu’elle traite son alcoolisme en consultation avec son médecin et/ou son thérapeute.

J’ai compris à la rencontre que Marlene lui avait déjà offert un congé pour faciliter le processus de traitement, mais que Mary Ann avait refusé l’offre à ce moment. Elle n’aurait besoin que de quelques heures ici et là pour des rendez-vous durant la journée.

[…]

40        M. McKenzie a été interrogé sur ses impressions au sujet de la fonctionnaire et de cette rencontre. Comme il l’avait mentionné dans ses notes de la rencontre, il a souligné qu’elle avait expliqué ce qui était arrivé, mais qu’elle n’avait démontré aucun remords et qu’elle semblait parfois rejeter le blâme sur d’autres personnes, par exemple sur sa gestionnaire qui exigeait qu’elle produise des certificats médicaux. Il a ajouté qu’elle n’assumait pas sa responsabilité en déclarant : [traduction] « vous ne voulez pas que je conduise en état d’ébriété ».

41        M. McKenzie a déclaré dans le dernier paragraphe de ses notes de la rencontre qu’il trouvait que le programme de traitement décrit par la fonctionnaire était [traduction] « léger ». Il a indiqué dans son témoignage qu’étant donné le comportement, l’étendue du problème et le fait qu’il s’agissait d’un second événement, il s’attendait à plus qu’un soir par semaine.

42        Une copie du rapport de la DAI sur les certificats médicaux falsifiés, en date du 22 avril 2014, rédigé par Josee Labelle, directrice à la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude de l’ARC (le « rapport de la DAI »), a été déposée en preuve à l’audience. Le rapport de la DAI précise en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le 7 avril 2014, Geoff Broadfoot, enquêteur interne, a communiqué avec Mary Ann McNulty, qui a accepté d’être interrogée le 9 avril 2014. Cependant, le 8 avril 2014, Mary Ann McNulty a demandé une rencontre avec sa gestionnaire, Marlene Sylvest, et son directeur général, Kevin McKenzie. À cette rencontre, Mme McNulty a déclaré qu’elle souffrait d’alcoolisme et elle a admis avoir créé et produit des notes médicales falsifiées afin d’attester ses absences et d’utiliser des congés de maladie. En outre, elle a exprimé son souhait de cesser de boire et elle a appelé à l’Hôpital Royal Ottawa alors qu’elle était en présence de la direction pour prendre rendez-vous avec le Dr Grymella [sic] du programme de dépendance à l’alcool pour le 10 avril 2014.

Lorsqu’elle a rencontré l’enquêteur interne le 9 avril 2014, Mary Ann McNulty a déclaré qu’elle était malade lorsqu’elle a pris le congé en raison de son alcoolisme et qu’elle avait contrefait les 16 certificats médicaux parce qu’elle n’était jamais suffisamment sobre pour se présenter au cabinet du médecin afin de les obtenir de façon légitime. Elle a indiqué qu’il y a environ dix ans, elle avait participé à un programme de traitement de 28 jours pour dépendance à l’alcool, à l’Hôpital Royal Ottawa, et qu’elle était restée sobre pendant environ huit ans jusqu’à ce que de nombreux décès et la maladie de plusieurs membres de la famille créent un niveau de stress qui a fait en sorte qu’elle a recommencé à boire. Mary Ann McNulty a exprimé des remords et son souhait de retrouver la confiance de ses gestionnaires et de ses collègues.

[…]

43        Le rapport de la DAI identifie par la suite les 16 certificats médicaux qui ont été falsifiés par la fonctionnaire et qui ont été utilisés afin de demander 216 heures de congé de maladie payé et 218,5 heures de congé de maladie non payé. Selon le calcul de M. McKenzie, les 216 heures de congé de maladie payé valaient, en fonction du taux de rémunération de la fonctionnaire à ce moment, environ 9 300 $ avant déductions.

44        M. McKenzie a déclaré qu’après l’examen du rapport de la DAI, il a convoqué la fonctionnaire à une audience disciplinaire, le 14 mai 2014, à 10 h. La convocation informait la fonctionnaire qu’elle pourrait se faire accompagner d’un représentant de l’agent négociateur si elle le souhaitait. La fonctionnaire a assisté à la rencontre, mais elle n’était pas accompagnée d’un représentant de l’agent négociateur. M. McKenzie était accompagné de Maxime Quesnel, un agent des RT. Des copies de la convocation par courriel de M. McKenzie envoyée à la fonctionnaire ainsi que des notes de l’audience disciplinaire (les « notes de l’audience disciplinaire ») ont été déposées à l’audience d’arbitrage. Dans le cadre de son témoignage, M. McKenzie a indiqué qu’à l’audience disciplinaire, il a présenté les résultats du rapport de la DAI et demandé à la fonctionnaire si elle avait quelque chose à ajouter, des renseignements qui pourraient être pertinents, ou si elle avait quelque chose à dire au sujet du rapport, ce qui n’était pas le cas. Il a déclaré qu’elle lui avait dit qu’au moment où elle a contrefait les notes médicales, elle n’a pas tenu compte de la gravité de ses actions ni du fait qu’il s’agissait d’une fraude. Il a déclaré dans ses notes de l’audience disciplinaire et dans son témoignage qu’elle lui a confirmé qu’elle connaissait le « Code de déontologie et de conduite » de l’ARC et qu’elle comprenait que la falsification de certificats médicaux n’était pas conforme aux lignes directrices établies dans le Code.

45        Les notes de l’audience disciplinaire indiquaient, et il a fait valoir que la fonctionnaire le lui avait dit, que cette dernière n’était pas en état d’ébriété lorsqu’elle a falsifié les certificats médicaux mais que, à certaines occasions, elle souffrait des effets secondaires de l’alcoolisme, c’est-à-dire qu’elle avait la gueule de bois. Les notes de l’audience disciplinaire et le témoignage de M. McKenzie indiquaient également que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle avait toujours été sobre lorsqu’elle remettait les notes à sa gestionnaire.

46        Après l’audience disciplinaire, le jour même, la fonctionnaire est retournée voir M. McKenzie pour lui fournir d’autres renseignements, qu’il a ensuite intégrés au courriel envoyé à M. Quesnel, également le même jour :

  • il n’est pas venu à l’esprit de la fonctionnaire que la falsification des certificats médicaux était un acte frauduleux;
  • elle a déclaré qu’il y avait des actes frauduleux tous les jours à l’ARC, puisque des employés prennent de longues pauses;
  • son frère est décédé;
  • sa sœur a souffert d’une maladie grave;
  • son oncle est décédé;
  • la santé de sa mère déclinait;
  • elle a toujours été une bonne employée;
  • elle a travaillé à la CCMTGC et a reçu le prix d’excellence;
  • les 16 ou 17 cas de fraude n’étaient pas révélateurs de sa carrière de fonctionnaire;
  • elle ne voulait pas perdre son emploi puisqu’elle en avait besoin pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant.

47        M. McKenzie a indiqué dans ce courriel et dans la preuve dont je suis saisi que la fonctionnaire n’avait pas présenté d’excuses et n’avait pas reconnu qu’elle était responsable de ses actions.

48        Dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré que lorsqu’elle falsifiait les 16 certificats médicaux, parfois elle était intoxiquée, parfois elle avait la gueule de bois et parfois elle était sobre. En contre-interrogatoire, elle a été renvoyée au témoignage de M. McKenzie et aux notes de l’audience disciplinaire dans lesquels il avait déclaré qu’elle lui avait dit qu’elle avait falsifié les certificats médicaux alors qu’elle était sobre ou qu’elle souffrait des effets secondaires de la consommation d’alcool (elle avait la gueule de bois). On lui a demandé si la déclaration de ce dernier était inexacte. Elle a répondu que les [traduction] « effets secondaires » signifiaient [traduction] « être intoxiqué ». Pressée par l’avocat d’élaborer à ce sujet, elle a déclaré avoir dit à M. Mackenzie que les effets secondaires étaient qu’elle [traduction] « avait la gueule de bois, qu’elle était intoxiquée ». Lorsque l’avocat lui a alors suggéré qu’elle n’avait pas précisé la différence à M. McKenzie, elle a répondu que son interprétation et la sienne pouvaient être différentes.

49        M. McKenzie a conclu que la conduite de la fonctionnaire consistant à falsifier des certificats médicaux était suffisamment grave pour justifier le licenciement et il a pris cette mesure le 3 juin 2014, lorsqu’il l’a rencontrée. En plus de la fonctionnaire et de M. McKenzie, M. Quesnel était également présent à cette rencontre. La fonctionnaire a été informée qu’elle avait le droit d’être représentée par un représentant de l’agent négociateur; toutefois, elle a refusé cette option. À la rencontre, elle a été informée de la décision de la licencier. Une copie des notes de la rencontre de M. Mackenzie (les « notes de la rencontre du 3 juin ») a été déposée en preuve à l’audience.  

50        Selon les notes de la rencontre du 3 juin, la fonctionnaire était d’avis que la direction était fautive et elle a rejeté le blâme sur sa gestionnaire immédiate. Selon la fonctionnaire, cette dernière était une gestionnaire médiocre qui, en de nombreuses occasions, n’avait pas répondu à ses courriels en ce qui concerne les questions de ses congés. La fonctionnaire a remis en question la façon dont le licenciement pouvait s’harmoniser avec la position de l’ARC sur l’aide aux employés aux prises avec une maladie mentale et une dépendance, et elle a déclaré qu’elle avait tenté de corriger la situation. Selon les notes de la rencontre du 3 juin, et le témoignage de M. McKenzie, la fonctionnaire était fâchée, mais elle avait gardé son calme.

51        Selon les notes de la rencontre du 3 juin et le témoignage de M. McKenzie, la fonctionnaire :

  • n’avait pas présenté d’excuses pour ses actions;
  • n’assumait pas la responsabilité de ce qu’elle avait fait;
  • n’éprouvait pas de remords;
  • avait attribué la responsabilité de ses actions à la direction de l’ARC et à sa situation personnelle.

52        Une copie de la lettre de licenciement rédigée par M. Mackenzie, en date du 3 juin 2014, qu’il a affirmé avoir remise à la fonctionnaire lors de la rencontre de cette journée-là, a également été déposée en preuve. La lettre indiquait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Une enquête factuelle a été menée entre le 24 mars et le 27 mars 2014, qui a confirmé que vous avez présenté 16 certificats médicaux falsifiés. En outre, vous avez été interrogée par un enquêteur de la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude, le 9 avril 2014, qui a conclu que vous aviez contrevenu au Code de déontologie et de conduite lorsque vous avez présenté des certificats médicaux falsifiés pour justifier l’obtention de congés de maladie payés et non payés.

Pour en arriver à ma décision, j’ai tenu compte de la gravité et de la nature répétitive de votre inconduite, de votre non-respect des conditions indiquées dans la lettre administrative, des renseignements médicaux qui précisent que vous êtes apte à travailler sans limitation ou restriction, et des valeurs de l’ARC qui comprennent l’intégrité, le professionnalisme et le respect. De plus, j’ai tenu compte de votre rendement, de vos années de service, de votre dossier disciplinaire et des observations formulées à l’intention de la direction à la rencontre du 14 mai 2014.

La confiance du public en notre intégrité est très importante pour nous. Il s’agit d’un élément que nous devons collectivement favoriser et protéger parce qu’il est absolument essentiel à notre capacité de réaliser nos activités. À la lumière du fait que vous avez irrémédiablement trahi la confiance que votre employeur vous avait accordée et qui est exigée d’un employé de l’ARC, je conclus qu’il est nécessaire de mettre immédiatement fin à votre emploi.

[…]

53        La fonctionnaire n’a pas été suspendue du travail après les réunions du 8 avril 2014, avec M. McKenzie et Mme Sylvest. M. McKenzie a été interrogé en contre-interrogatoire à savoir comment il a pu conclure que les actions de la fonctionnaire constituaient un grave abus de confiance tout en lui permettant de demeurer au travail en attendant l’enquête de la DAI et en déterminant la mesure disciplinaire à imposer. Il a déclaré qu’il avait envisagé une suspension administrative, mais que, après avoir tenu compte des risques, il a conclu que la présence de la fonctionnaire sur le lieu de travail pouvait être gérée.

54        Dans son témoignage, la fonctionnaire a souligné qu’en 2004, elle a été arrêtée pour conduite avec facultés affaiblies et qu’elle a perdu son permis de conduire. Elle a dit qu’à l’époque, elle buvait beaucoup et qu’elle était engagée dans une lutte contreson époux pour obtenir la garde de leur jeune fille. Elle a déclaré que son époux avait utilisé son alcoolisme contre elle pendant le litige. Elle a déclaré qu’elle était suivie par le Dr John Grymalla de l’Hôpital Royal Ottawa (le « HRO »), qui a diagnostiqué sa dépendance à l’alcool.

55        Une copie de ce qui aurait été le rapport d’évaluation initial du Dr Grymalla, en date du 13 décembre 2004, a été déposée en preuve à l’audience. Selon le rapport, la fonctionnaire lui a notamment dit ce qui suit :

  • elle avait un problème d’alcool depuis longtemps;
  • elle avait cessé de boire pendant qu’elle était enceinte;
  • elle a subi des pertes de mémoire et des hallucinations;
  • elle a vécu des sevrages, des tremblements et des diaphorèses;
  • elle avait cinq frères, cinq sœurs et une sœur décédée.

56        Selon ce rapport, le Dr Grymalla a renvoyé la fonctionnaire aux services de toxicomanie du programme de traitement Meadow Creek (le programme « Meadow Creek ») de la clinique de jour, ainsi qu’à Gail Mezger, l’infirmière à l’accueil de l’HRO.

57        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que Meadow Creek avait un programme approfondi de 28 jours pour traiter l’alcoolisme. Une personne peut être admise en tant que patient de jour (de 8 h à 20 h), ou elle peut y séjourner à temps plein pendant les 28 jours. Elle a choisi d’être une patiente de jour. Une copie de la note d’admission en date du 25 janvier 2005, qui précise qu’elle a été admise en tant que patiente de jour, a été déposée en preuve. Elle a déclaré qu’elle avait complété le programme de 28 jours.

58        On ne m’a pas fourni d’autres détails sur Meadow Creek ou les titres de compétences ou l’expertise du Dr Grymalla ou de Mme Mezger.

59        Une copie du résumé de l’autorisation de sortie de la fonctionnaire, une fois le programme Meadow Creek terminé, le 22 février 2005, a été déposée en preuve et précise en partie ce qui suit au sujet de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

  • terminé la phase exhaustive de traitement le 22 février 2005;
  • participé modestement aux aspects thérapeutiques du programme;
  • le niveau de révélation de soi dans la thérapie de groupe était limité et elle ne semblait pas aussi sincère dans la thérapie individuelle qu’on aurait pu le souhaiter;
  • semblait très anxieuse pendant la clinique de jour et la thérapie de groupe;
  • était agréable, coopérative et agissait raisonnablement bien avec les pairs et le personnel;
  • ne suivait pas particulièrement les conseils pendant le processus thérapeutique et, pour cette raison, on croit qu’elle a développé une introspection limitée par rapport à la relation entre sa consommation et ses problèmes d’adaptation;
  • à la sortie, elle était d’humeur euthymique sans médicaments; elle mangeait et dormait bien; son affect était positif et stable et elle pensait à l’avenir et avait un bon plan;
  • a admis l’avant-dernier jour du traitement qu’elle n’avait pas été sincère parce qu’elle s’inquiétait des rapports médicaux dont la production était exigée pour une audience imminente devant un tribunal de la famille;
  • semble avoir un trait de personnalité fuyant;
  • a demandé que le résumé de son autorisation de sortie ne soit pas envoyé à son médecin de famille ou à Santé Canada.

[…]

60        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle était restée sobre pendant environ huit ans. Elle a déclaré que, pendant ce temps, elle a travaillé de façon régulière, qu’elle s’absentait rarement et qu’elle avait accumulé plus de 500 heures de congé de maladie.

61        La fonctionnaire a dit qu’en 2011, l’un de ses frères et l’une de ses sœurs ont reçu un diagnostic de maladie grave et qu’en 2012, un de ses frères ainsi qu’un oncle étaient décédés, une de ses sœurs avait été admise à l’hôpital pour une maladie grave et sa mère avait reçu un diagnostic de problème médical. Elle a indiqué qu’en conséquence, vers Noël 2011, elle a rechuté et a recommencé à boire.

62        La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait dactylographié les 16 certificats médicaux falsifiés sur son ordinateur à la maison et qu’elle les avait imprimés ou parfois envoyés par courriel à son ordinateur du travail, et qu’elle les imprimait et les signait au travail. Elle a dit que son alcoolisme était à l’origine de la falsification des certificats et des demandes des congés.

63        Lorsque son représentant lui a demandé pourquoi elle n’avait pas consulté un médecin les jours où elle était en congé en raison de sa consommation et pour lesquels elle avait contrefait les certificats médicaux, la fonctionnaire a déclaré qu’elle était trop intoxiquée pour conduire et que même si elle n’avait pas nécessairement bu une journée donnée, elle était tout de même incapable de conduire en raison de son intoxication.

64        La fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire que l’une de ses sœurs vivait près de chez elle et qu’elle pouvait conduire.

65        La fonctionnaire a déclaré qu’elle ne buvait pas lorsqu’elle avait la garde de sa fille. En contre-interrogatoire, elle a confirmé que même si elle avait une tendance relativement à sa consommation, elle pouvait s’abstenir de boire lorsqu’elle avait sa fille et qu’elle le faisait. Elle a déclaré que lorsqu’elle buvait, elle le faisait à partir du moment où elle se levait jusqu’à la nuit (pendant environ 14 h), du lundi au vendredi, puis elle arrêtait, et prenait la fin de semaine pour se remettre.  

66        Une copie d’un document de l’HRO en date du 22 avril 2014, et intitulé [traduction] « Réévaluation du Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants » a été déposée en preuve. Le Dr Grymalla l’a remplie. Elle précise en partie ce qui suit au sujet de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

  • a un problème d’alcool depuis longtemps;
  • a suivi le programme Meadow Creek en 2005 et a cessé toute consommation d’alcool jusqu’à il y a environ deux ans;
  • lorsqu’elle a rechuté, ses facteurs de stress à ce moment comprenaient le décès d’un frère et le fait qu’une sœur avait des problèmes médicaux;
  • a déclaré qu’elle faisait des excès, buvant pendant trois à quatre jours à la fois;
  • a déclaré qu’elle avait complètement cessé de boire le 2 ou le 3 avril 2014;
  • a déclaré qu’elle continuait de participer à des groupes d’entraide et qu’elle avait un certain nombre d’amis qu’elle avait rencontrés en réadaptation et qui l’appuyaient;
  • a déclaré qu’elle a vécu des pertes de mémoire, des tremblements dus au sevrage et des diaphorèses;
  • au moment de l’entrevue, son affect et son comportement étaient appropriés au contenu de l’entrevue; sa structure de parole était normale, elle était orientée quant au temps, au lieu et aux personnes; et son processus de réflexion était organisé et orienté vers un but;
  • a reconnu que le fait de participer à un programme pour établir de nouveau certaines bases pourrait être utile.

67        Selon ce document, le Dr Grymalla a renvoyé la fonctionnaire au programme éducatif de services de toxicomanie pour subir une évaluation. Le programme durait 16 semaines, à raison de deux heures, une fois par semaine. On ne m’a fourni aucun détail au sujet de ce programme.

68        Une copie d’un document de l’HRO, en date du 12 août 2014, et intitulé [traduction] « Note d’admission au Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants » (le « Programme ») a été déposée en preuve. Le Dr Ted Schnare l’a remplie et précise en partie ce qui suit au sujet de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

  • a été admise à Meadow Creek à la consultation externe dans le cadre du Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants de l’HRO;
  • a été auparavant sobre pendant huit ans et demi après un traitement dans le cadre du programme Meadow Creek;
  • a rechuté en 2012 et a eu des excès de boisson depuis; ses excès durent de trois à quatre jours, arrêtent pendant une semaine et demie et ils recommencent;
  • sa dernière consommation d’alcool remonte au 24 juillet 2014;
  • a eu des pertes de mémoire, mais nie avoir eu des délires alcooliques et des crises pendant le sevrage, mais elle a des tremblements matinaux et des gueules de bois terribles. […]

69        On ne m’a fourni aucun détail sur le Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants ou sur les titres de compétences ou l’expertise du Dr Schnare.

70        Une copie d’un document de l’HRO, en date du 4 septembre 2014, et intitulé [traduction] « Résumé de l’autorisation de sortie » (le « rapport du 4 septembre ») a été déposée en preuve. La Dre Melanie Willows l’a remplie et précise en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  • la fonctionnaire avait déclaré qu’elle était capable d’arrêter de boire et qu’elle était appuyée par la clinique de consultation externe où elle s’est présentée tous les jours du 2 juillet au 11 août 2014;
  • la fonctionnaire semblait avoir participé au programme de traitement de façon appropriée, tant aux séances individuelles que de groupe;
  • le 25 août 2014, la fonctionnaire a appelé pour dire qu’elle avait une migraine et qu’elle n’arriverait que tard le soir ce lundi-là;
  • la fonctionnaire, après la fin de semaine longue de la Fête du Travail, n’a pas repris le programme;
  • la fonctionnaire semble avoir appelé au programme plusieurs fois, mais lorsqu’on décrochait, elle raccrochait;
  • de nombreuses tentatives ont été faites pour communiquer avec elle; la fonctionnaire avait laissé plus d’un numéro de téléphone et lorsqu’un représentant du programme a appelé à l’un des numéros, on lui a dit à deux occasions qu’il s’agissait d’un faux numéro;
  • au 4 septembre 2014, la fonctionnaire n’était pas en contact avec le programme et personne au programme n’a pu la joindre, ce qui fait qu’elle a été libérée alors qu’elle était en congé non autorisé du programme;
  • tout au long du programme, l’humeur de la fonctionnaire était bonne, son affect était approprié, son discours était normal, elle n’avait aucun trouble de la pensée et son introspection et son jugement semblaient être raisonnablement bons;
  • il est très probable que la fonctionnaire ait recommencé à consommer de l’alcool.

71        On ne m’a pas fourni de détails sur les titres de compétences ou l’expertise de la Dre Willows.

72        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle avait quitté Meadow Creek à la fin d’août ou au début de septembre 2014, parce que sa mère avait été admise à l’hôpital et que sa santé déclinait. Elle a dit que la dernière semaine du programme portait uniquement sur la nutrition et que, selon elle, elle n’avait donc pas manqué [traduction] « l’essentiel ». Elle a dit qu’elle devait prendre soin de sa mère à ce moment.

73        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a été interrogée au sujet des occasions où elle avait interrompu la communication lors d’appels téléphoniques mentionnés dans le rapport du 4 septembre. À ce sujet, la fonctionnaire a nié avoir interrompu la communication et a affirmé que le rapport était inexact à cet égard. Elle a dit que le programme avait son numéro de téléphone à la maison et son numéro de téléphone cellulaire, et ce, depuis des années. Elle a également déclaré qu’elle avait avisé le programme de la raison de son départ et que personne ne l’avait noté dans le rapport du 4 septembre.

74        La fonctionnaire a fait valoir ce qui suit :

  • la dernière fois qu’elle avait bu avant l’audience était en janvier 2015;
  • au moment de l’audience, elle consultait toujours le Dr Grymalla;
  • elle consultait Mme Mezger;
  • elle participait à des rencontres des Alcooliques anonymes (les « AA ») deux fois par semaine.

75        La fonctionnaire a déclaré que lors de la rencontre avec les enquêteurs de l’ARC, elle avait admis ce qu’elle avait fait, exprimé des remords et collaboré à l’enquête.

76        La fonctionnaire a déclaré qu’elle était désolée de ses actions et qu’elle ne recommencerait plus. Elle a dit qu’elle avait été une bonne employée pendant 25 ans et qu’elle n’avait rien fait de mal jusqu’à ce qu’elle commence à faire des abus d’alcool. Elle a déclaré qu’en dehors de son inconduite en ce qui concerne les certificats médicaux, elle a respecté les politiques de l’ARC.

77        En contre-interrogatoire, on a mentionné à la fonctionnaire qu’elle avait été traitée en 2004 et que, à ce moment, elle semblait boire beaucoup, ce qu’elle a nié. Toutefois, à la question de savoir si, à l’époque où elle était traitée pour son alcoolisme et qu’un certain nombre de facteurs de stress étaient présents dans sa vie (un divorce, une lutte concernant la garde de sa fille et une accusation de conduite avec les facultés affaiblies), elle avait falsifié des certificats médicaux, elle a déclaré qu’elle ne l’avait pas fait.

78        En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui fait valoir que malgré sa rechute de 2011, elle n’a pas cherché de traitement avant 2014, elle a dit qu’en 2012, elle avait consulté le Dr Grymalla et Mme Mezger. Elle a déclaré qu’entre 2005, moment où elle a eu sa première autorisation de sortie de Meadow Creek, et 2012, elle avait consulté le Dr Grymalla tous les trois mois et Mme Mezger une fois par mois. Elle a déclaré qu’en 2012, elle avait consulté Mme Mezger quelques fois, mais qu’en septembre, alors qu’elle avait un rendez-vous avec cette dernière, son oncle est décédé et, par conséquent, elle a appelé Mme Mezger et elle n’est jamais retournée la voir.  

79        La fonctionnaire a admis qu’entre cet événement en 2012 et avril 2014, lorsque la falsification des certificats médicaux a été mise au jour, elle n’a pas cherché à obtenir de traitement, mais qu’elle était au courant qu’un traitement était disponible.

80        En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle [traduction] « voyait le Dr Grymalla maintenant ». Elle a répondu [traduction] « oui ». À la question de savoir quand son prochain rendez-vous avec lui était prévu, elle a répondu en décembre 2015. À la question de savoir quand avait été son dernier rendez-vous avec lui, elle a répondu en 2014.

81        La fonctionnaire n’a jamais remboursé la somme d’environ 9 300 $ qu’elle a reçue en raison des 216 heures de congé de maladie attesté qu’elle a prises en fonction des certificats médicaux falsifiés. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas offert de la rembourser.

82        Des copies des dossiers médicaux du médecin de famille de la fonctionnaire, la Dre Debanne, ont été déposées en preuve. L’un visait la semaine du 15 au 19 août 2013 (le « dossier d’août 2013 »), et l’autre concernait le 21 janvier 2014 (le « dossier de janvier 2014 »). Le dossier d’août 2013 a révélé ce qui suit :

[Traduction]

  • le 9 août 2013, la fonctionnaire a communiqué avec le cabinet du médecin pour obtenir un rendez-vous, qui a eu lieu le 15 août 2013;
  • la fonctionnaire a déclaré qu’elle s’était beaucoup absentée du travail;
  • elle s’est plainte d’une douleur à l’épaule qui perturbait son sommeil;
  • elle a dit qu’elle était malade toutes les deux semaines, qu’elle avait des maux de tête et des douleurs à l’épaule;
  • elle a dit que son frère et son oncle étaient décédés et qu’une de ses sœurs avait reçu un diagnostic de maladie grave;
  • elle a déclaré que son travail était réellement stressant et que sa gestionnaire l’a stressait énormément;
  • elle a déclaré qu’elle buvait depuis un moment et qu’elle buvait encore un peu;
  • on lui a dit qu’elle était sur une pente dangereuse;
  • reprise de la consommation d’alcool; elle comprend que ce n’est pas la meilleure chose pour elle.

83        Le dossier de janvier 2014 n’a divulgué aucune information quant à sa consommation d’alcool ni au fait qu’elle était trop malade pour travailler, bien que la date de l’un des certificats médicaux falsifiés s’inscrivait dans la semaine du 21 janvier. Selon ce certificat, elle avait vu un médecin cette journée-là et il l’avait placée en arrêt de travail pour la semaine précédente.

84        Les dossiers d’août 2013 et du 21 janvier ont été soumis à la fonctionnaire en contre-interrogatoire et il a été question du fait qu’elle n’avait pas été honnête avec son médecin de famille, ce à quoi elle a répondu : [traduction] « les médecins de famille n’ont pas la connaissance des médecins de l’HRO; j’ai pratiquement cessé de me confier à mon médecin de famille ». Lorsqu’elle a été confrontée au fait qu’elle n’avait pas été honnête avec son médecin de famille, elle l’a reconnu.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

85        L’inconduite a été établie puisque la fonctionnaire a admis avoir falsifié 16 certificats médicaux et qu’elle s’est vu accorder en conséquence 216 heures de congé payé et 218,5 heures de congé non payé. La valeur du congé payé est d’environ 9 300 $.

86        L’inconduite de la fonctionnaire n’était pas un événement unique et n’a pas été faite sur un coup de tête; elle comprenait 16 documents falsifiés distincts qui nécessitaient une planification puisqu’elle a créé, imprimé et présenté au travail 16 documents distincts falsifiés. Selon la jurisprudence, la mesure disciplinaire imposée, soit le licenciement, était justifiée.

87        Dans Sauvageau c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14870 (19850129), [1985] C.R.T.F.P.C. no 55 (QL); Forrester c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), [1981] C.R.T.F.P.C. no 16 (QL); McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26; Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43, les fonctionnaires s’estimant lésés ont tous falsifié des certificats médicaux et obtenu des congés de maladie de façon frauduleuse. Ils ont tous été licenciés et chaque fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief. Chaque grief a été renvoyé à la CRTFP ou à son prédécesseur, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne CRTFP ») et tous les licenciements ont été accueillis dans le cadre de la procédure d’arbitrage. L’employeur m’a également renvoyé à Plank v. Federal Express Canada Ltd., [2006] C.L.A.D. No. 510 (QL).

88        Dans Canada Post Corporation v. Assn. of Postal Officials of Canada, [1990] C.L.A.D. No. 3 (QL), et dans Kohler Ltd. v. Hytec Employees Association, [2007] B.C.C.A.A.A. No. 246 (QL), les fonctionnaires s’estimant lésés, bien qu’ils n’aient pas soumis de certificats médicaux falsifiés, avaient néanmoins obtenu des congés de maladie payés de manière frauduleuse et avaient été licenciés; les deux griefs ont été renvoyés à l’arbitrage et les deux licenciements ont été confirmés.

89        Un élément de l’argumentation de la fonctionnaire est qu’il existe d’importants facteurs atténuants. Selon la preuve, elle invoque le remords, la collaboration et le rendement au travail.  

90        En ce qui concerne le facteur atténuant des remords, la preuve est, au mieux, limitée. Une ligne du rapport de la DAI précisait que la fonctionnaire avait exprimé des remords. À l’audience, à la question de savoir si elle était désolée, elle a répondu : [traduction] « Oui ». À la question de savoir si elle avait exprimé des remords, elle a de nouveau répondu : [traduction] « Oui ». Ces deux éléments ne sont pas une indication claire de remords et, d’après le témoignage de M. Mackenzie, selon lequel elle n’a exprimé aucun remords, aucun ne devrait se voir accorder de valeur. Il convient de noter que le témoignage de M. McKenzie sur ce point n’a pas été contredit. On s’attendrait à ce qu’une personne qui est véritablement désolée de ses actions exprime plus de remords que ce qu’elle a présenté.

91        En ce qui concerne le facteur atténuant de la collaboration à l’enquête, elle l’a fait.

92        Pour ce qui est du facteur atténuant du rendement au travail, son travail était satisfaisant; cependant, l’ARC a fait valoir que son rendement allégué au travail allait dans les deux sens. Lorsqu’elle était au travail, son rendement était élevé. Étant donné que durant la période pertinente elle était en mesure de travailler à un niveau élevé de compétence, comment a-t-elle été incapable de reconnaître que la présentation de 16 certificats médicaux falsifiés était répréhensible?

          Le moyen de défense d’ordre médical

93        La fonctionnaire a fait allusion à une violation de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de sa déficience. Le droit dans ce domaine est en cours d’élaboration et plusieurs tentatives ont été faites pour formuler une approche commune. La question fondamentale à poser est celle de savoir si la fonctionnaire est coupable de l’inconduite; une personne ne tire pas profit d’une sanction pour des actions dont elle n’est pas responsable; de même, une personne ne tire pas profit d’un pardon relatif à une action dont elle est responsable.

94        Selon l’ARC, l’argumentation de la fonctionnaire ne peut être retenue étant donné la preuve.

95        Historiquement, ce type d’affaires nécessite d’examiner la conduite de la personne invoquant la déficience et, par la suite, l’un des événements suivants a lieu :

  • la déficience est considérée comme un facteur atténuant;
  • la déficience exonère la conduite.

96        Toutefois, à ce jour, l’approche privilégiée est plus de type hybride, c’est-à-dire le critère en quatre parties établi dans Canada Safeway Ltd. v. Retail, Wholesale and Department Store Union (1999), 82 L.A.C. (4th) 1 (« Canada Safeway »), qui a été appliqué dans Durham (Regional Municipality) v. Canadian Union of Public Employees, Local 132, [2011] O.L.A.A., No. 410 (QL), et dans Brampton (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 1573, [2014] O.L.A.A., No. 97 (QL). Le critère est le suivant :

  1. Y a-t-il une maladie, une condition ou une situation vécue par la fonctionnaire?
  2. Y a-t-il un lien entre la maladie, la condition ou la situation et l’inconduite?
  3. S’il y a un lien entre la maladie, la condition ou la situation et l’inconduite, y a-t-il eu déplacement suffisant de la responsabilité de la fonctionnaire pour rendre sa conduite moins coupable?
  4. Si les trois premiers éléments sont établis, le tribunal doit également être convaincu que la fonctionnaire peut se réadapter.

97        Les arbitres de différends et de griefs ont abordé la question de la conduite fautive et de la déficience d’une autre façon, soit en effectuant deux analyses distinctes. Tout d’abord, il y a l’approche standard en trois étapes pour établir l’inconduite : y a-t-il inconduite? Donne-t-elle lieu à une mesure disciplinaire? La mesure disciplinaire est-elle appropriée? En deuxième lieu, l’arbitre de différends ou de griefs aborde l’analyse classique des droits de la personne : y a-t-il à première vue un cas de déficience? La fonctionnaire fait-elle partie d’un groupe protégé (une personne ayant une déficience)? Y a-t-il eu un effet négatif? Y a-t-il un lien entre l’effet négatif et la déficience?

98        L’ARC fait valoir qu’il importe peu de savoir comment la question est abordée; les tribunaux se concentrent fondamentalement sur le même élément, soit le lien entre la conduite et la déficience.

99        Selon l’ARC, lorsqu’un motif d’ordre médical est présenté, il incombe au fonctionnaire de s’acquitter du fardeau de la preuve. On m’a renvoyé à Kelly c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2002 CRTFP 74.

100        Comme il est indiqué dans Canada Safeway et dans Brampton (City), la simple existence de la dépendance n’explique pas une conduite aberrante. Pour établir le moyen de défense, il doit y avoir un lien entre la déficience et la conduite (voir Canada Safeway, Fleming v. The Corporation of the City of North Bay, 2010 HRTO 355, et Health Employers Association of British Columbia v. British Columbia Nurses’ Union, [2006] B.C.J. No. 262 (QL) (« Health Employers Association of BC »)).  

101        L’ARC fait valoir qu’un simple lien ou une simple cause ne suffit pas (voir Wright v. College and Association of Registered Nurses of Alberta, 2012 ABCA 267, Bish v. Elk Valley Coal Corporation, 2013 ABQB 756, et British Columbia (Public Service Agency) v. British Columbia Government and Service Employees Union, 2008 BCCA 357 (« BC v. BC »)).

102        Dans BC v. BC, un employé alcoolique a été licencié pour avoir volé de l’alcool. Au paragraphe 11 de la décision, le tribunal a déclaré que rien ne suggérait que la dépendance à l’alcool avait joué un rôle dans le licenciement; l’employé a été licencié comme l’aurait été tout autre employé dans la même situation. Le fait qu’un employé ayant une dépendance à l’alcool puisse démontrer une [traduction] « détérioration dans le comportement éthique ou moral » et puisse être davantage tenté de voler de l’alcool ne permet pas de conclure que le licenciement de l’employé par l’employeur était fondé sur cette dépendance à l’alcool ou a été influencé par ce facteur.

103        Rien ne laisse entendre que la fonctionnaire a été licenciée en raison de sa dépendance à l’alcool; elle a été licenciée en raison des certificats médicaux falsifiés qu’elle a utilisés pour obtenir les congés de maladie payés et non payés.

104        Il y a également une question de discrimination indirecte où une personne est tenue responsable d’une chose à l’égard de laquelle elle n’a aucun contrôle. Cette question a été abordée dans BC v. BC, au par. 15, où le tribunal a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[15] Rien dans la preuve ne laisse entendre que le licenciement de M. Gooding était arbitraire et fondé sur des idées préconçues concernant sa dépendance à l’alcool. Il était fondé sur l’inconduite qui a atteint un niveau de criminalité. Le fait que sa conduite puisse avoir été influencée par sa dépendance à l’alcool n’est pas pertinent si cette dépendance admise n’a joué aucun rôle dans la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi et s’il ne subit aucune incidence de son inconduite supérieure à celle qu’aurait subie un autre employé pour la même inconduite.  

105        L’ARC m’a renvoyé à Wright, aux par. 57 et 61, et en particulier au par. 64, au moment d’aborder la question de la discrimination indirecte et du comportement de toxicomanes qui agissent de façon non appropriée. La Cour d’appel de l’Alberta a conclu ce qui suit :

[Traduction]

[64] […] Cet argument repose sur une hypothèse, qui n’a pas été bien démontrée dans le présent dossier, que les toxicomanes ont plus tendance que le grand public à voler et à falsifier des documents. Il y a de nombreux toxicomanes qui souffrent d’une déficience, mais qui n’ont pas de comportement criminel. En tout état de cause, une distinction de ce type ne correspond pas toujours à une discrimination. […]

106        En l’espèce, la fonctionnaire a directement volé son employeur. Il serait absurde, dans le contexte de l’emploi, qu’elle bénéficie d’une plus grande latitude que devant les tribunaux pénaux, où la liberté d’une personne est en jeu. La falsification est définie à l’art. 366 du Code criminel du Canada (L.R.C. (1985), ch. C-46), et les actions de la fonctionnaire sont visées par cette définition de faux et l’emploi ou le trafic d’un document falsifié.

107        L’ARC m’a également renvoyé à Bellehumeur v. Windsor Factory Supply Ltd., 2015 ONCA 473, à Menard c. Banque Royale du Canada, 2013 CAF 273, et à Walton Enterprises v. Lombardi, 2013 ONSC 4218.

108        L’ARC reconnaît que la fonctionnaire souffre d’une dépendance ou d’une déficience. Le grief doit échouer au deuxième élément et au troisième élément du critère de Canada Safeway, qui sont les éléments du lien d’une preuve prima facie. Il n’y a pas de lien entre la déficience de la fonctionnaire et son inconduite. Il n’y a qu’une simple affirmation voulant que ces deux éléments soient liés. La fonctionnaire a déclaré qu’elle était restée la maison parce qu’elle était intoxiquée et qu’elle n’avait pas obtenu un certificat médical légitime parce qu’elle ne pouvait pas conduire.  

109        Dans une telle situation factuelle, une personne rationnelle ne déclare pas que la prochaine étape consiste à falsifier un certificat médical. De nombreuses autres mesures doivent être prises avant que la conduite dont il est question en l’espèce soit adoptée. Si une personne a la grippe, qu’elle ne peut voir un médecin et qu’un certificat médical est requis, l’étape suivante dans le processus ne consiste pas à en falsifier un. Si une personne est vue par un médecin et que ce dernier refuse d’émettre un certificat médical, encore une fois l’étape suivante ne consiste pas à falsifier le certificat médical. À première vue, ces actions ne démontrent pas qu’il y a eu discrimination, elles ne respectent pas le critère du seuil.

110        En l’espèce, la fonctionnaire ne pouvait pas travailler, elle ne pouvait pas non plus obtenir un certificat médical, ce qui l’a placée dans une situation difficile. Toutefois, la falsification d’un certificat médical n’était pas l’étape logique suivante. La fonctionnaire aurait plutôt pu faire ce qui suit :

  • parler à sa gestionnaire – Mme Sylvest a témoigné et parlé de toutes les étapes qu’elle a suivies pour tenter d’aider la fonctionnaire; s’il y avait déficience, une mesure d’adaptation aurait pu être mise en place et l’obligation de l’employeur aurait été engagée;
  • parler à cette dernière ou à un médecin et expliquer la situation;
  • ne pas se conformer; même si elle avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire, la discussion aurait été différente et aurait porté sur la non-transmission de certificats médicaux.

111        Toutes ces options sont préférables à celle de falsifier des certificats médicaux pour obtenir un congé.

112        L’alcool n’a pas amené la fonctionnaire à falsifier des certificats médicaux et à les présenter. Elle n’a jamais laissé entendre. En 2004, elle vivait une période stressante. Elle buvait beaucoup alors qu’elle était en période de divorce et qu’elle luttait pour obtenir la garde de son enfant. À la question de savoir si à ce moment elle avait falsifié des certificats médicaux, elle a répondu énergiquement qu’elle ne l’avait pas fait, démontrant ainsi que l’alcoolisme n’amène pas une personne à falsifier des documents. Il a également été démontré que malgré la gravité de son alcoolisme, si l’on se fie aux propos de la fonctionnaire, lorsque son enfant habitait avec elle, elle ne buvait pas et choisissait de régler ses problèmes.

113        L’ARC m’a renvoyé au dossier de janvier 2014 de la fonctionnaire et à l’un des certificats médicaux falsifiés. Le 21 janvier 2014, elle a réellement rencontré son médecin de famille pour le renouvellement d’une prescription; pourtant, elle a été en congé du 13 au 20 janvier 2014, et a falsifié un certificat médical pour cette période.

114        La fonctionnaire n’a pas soumis d’éléments de preuve établissant la défense de nature médicale. De telles affaires nécessitent une preuve spéciale, qui n’existe pas en l’espèce. Elle aurait pu s’acquitter du fardeau de la preuve en présentant une preuve d’un médecin, mais dans la plupart des cas, un témoignage d’expert est requis. La conclusion que la fonctionnaire souhaite de la part de la Commission, et ce, sans l’aide d’un médecin, n’est habituellement tirée par les tribunaux que dans les cas les plus clairs. L’ARC m’a renvoyé à Canada Safeway, à Fleming, Brampton (City), à Thunder Bay (City) v. Canadian Auto Workers, Local 229, [2005] O.L.A.A. No. 472 (QL), à Procureur général du Canada c. Demers, 2008 CF 873, et à Unifor Local 199 v. Complex Services Inc., 2015 CanLII 39662.

115        Selon l’ARC, les arguments de la fonctionnaire comportent une autre faiblesse importante, soit qu’elle n’a pas demandé de traitement. Les employés toxicomanes qui ont conscience de leur toxicomanie ont l’obligation de faciliter leur réadaptation et d’obtenir un traitement ainsi que des mesures d’adaptation. À cet égard, on m’a renvoyé à Canada Safeway, à Health Employers Association of BC et à Kemess Mines Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Local 115, 2006 BCCA 58.

116        La fonctionnaire a déclaré dans son témoignage qu’elle avait une dépendance à l’alcool, qu’elle avait déjà été traitée, qu’elle était au courant des ressources en matière de traitement pour sa dépendance et qu’elle savait que ce qu’elle faisait était répréhensible (falsification des certificats médicaux). Elle n’a pas cherché à obtenir un traitement; en fait, si son témoignage au sujet de sa rencontre du 15 août 2013 avec son médecin de famille est accepté, elle est allée jusqu’à tromper son médecin au sujet de ses absences plutôt que de lui demander de l’aide. Même si elle n’avait pas nécessairement besoin de voir son médecin de famille au sujet de ce problème, elle avait quelque chose à faire autre que de falsifier des certificats médicaux.

117        Même si la fonctionnaire a suivi un traitement, elle l’a également abandonné. Des faits différents de ceux fournis par la fonctionnaire figurent sur le résumé de l’autorisation de sortie de l’HRO; elle n’a pu expliquer la divergence.

118        L’ARC m’a également renvoyé à Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46.

119        L’ARC demande que les griefs soient rejetés.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

120        Selon la fonctionnaire, deux questions doivent être abordées, ainsi :

  1. Le licenciement devrait-il être accueilli ou y a-t-il des facteurs atténuants qui devraient être pris en compte?
  2. L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination à son égard en omettant de tenir compte de sa maladie et de prendre des mesures d’adaptation à son endroit?

121        La lettre du 20 février précise ce qui suit au deuxième paragraphe de la troisième page :

[Traduction]

Si vous avez des problèmes physiques ou de santé qui pourraient être néfastes pour votre rendement au travail, vous devez informer votre gestionnaire en conséquence. Vous n’aurez pas à divulguer de détails précis relatifs à votre état; seules les mesures d’adaptation qui conviennent feront l’objet d’une discussion avec votre médecin traitant.

122        Mme Sylvest a déclaré que l’objectif de l’ARC n’était pas d’obtenir un diagnostic, mais de trouver une façon d’aider la fonctionnaire ou de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

123        La lettre du 18 juillet, envoyée au médecin de la fonctionnaire, semble être sur la bonne voie en demandant des renseignements médicaux en vue de prendre une mesure d’adaptation. Ce n’est que le 8 avril 2014 que l’employeur a eu connaissance de la dépendance à l’alcool de la fonctionnaire, et qu’il a demandé des renseignements et offert de prendre une mesure d’adaptation. La fonctionnaire a tout d’abord divulgué son alcoolisme à sa superviseure, Mme Sylvest, en présence de qui elle a téléphoné à l’HRO. Elle l’a ensuite avoué au DG, qui lui a dit qu’elle n’avait pas à appeler à l’hôpital devant lui. À ce moment, plutôt que d’approcher son médecin de famille ou l’HRO, l’employeur a abandonné la fonctionnaire. L’ARC a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard; elle a plutôt fait preuve de discrimination à son égard, laquelle était fondée sur un motif illicite, soit la déficience.

124        Lorsque la fonctionnaire a divulgué sa déficience, elle a établi une preuve prima facie et l’ARC n’a fourni aucune raison de bonne foi pour ne pas prendre de mesures d’adaptation.

125        Selon la fonctionnaire, le rapport de la DAI est vicié. Dans le cadre d’une enquête objective, des renseignements devraient être recueillis pour exonérer des individus, pas pour les incriminer. L’enquêteur n’a jamais communiqué avec l’HRO, alors que la fonctionnaire y aurait sûrement consenti, ce qui démontre que l’ARC n’a pas dûment tenu compte de tous les faits lorsqu’elle a licencié la fonctionnaire et qu’elle n’a pas examiné les renseignements médicaux de l’HRO.

126        L’ARC a obtenu les renseignements, et la fonctionnaire a admis ce qu’elle avait fait. L’ARC a confirmé ce qu’elle avait fait et ne l’a pas suspendue.

127        Qu’il s’agisse d’une discrimination directe ou indirecte, la fonctionnaire croit que, selon la prépondérance des probabilités, l’ARC aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard, que plus de temps aurait dû lui être accordé.

128        En ce qui concerne la question de l’atténuation, il est évident qu’une certaine forme de mesure disciplinaire est appropriée dans les circonstances.

129        La fonctionnaire a collaboré avec l’enquêteur, qui a dû être impressionné, parce qu’il a clairement indiqué dans son rapport qu’elle avait exprimé des remords. M. McKenzie a choisi de ne pas en tenir compte dans sa lettre de licenciement; il a choisi les aspects du rapport de la DAI sur lesquels s’appuyer. Si la fonctionnaire a exprimé des remords, pourquoi ne pas le mentionner? Bien que l’ARC ait fait valoir que peu d’importance devrait être accordée à cette question, la fonctionnaire soutient plutôt qu’on devrait lui accorder beaucoup d’importance puisqu’elle figure dans le rapport de la DAI.

130        En plus des remords exprimés dans le rapport de la DAI, la fonctionnaire a admis ses torts. Elle a reconnu avoir falsifié des documents, parfois alors qu’elle était intoxiquée, parfois alors qu’elle avait la gueule de bois et parfois alors qu’elle était sobre. Elle a admis ses torts à la barre des témoins, elle a présenté ses excuses et a déclaré que cela ne se reproduirait plus.

131        La fonctionnaire est une employée de longue date comptant 25 années de service.

132        Les rapports médicaux indiquent que la fonctionnaire a pris l’initiative d’obtenir des soins médicaux supplémentaires.

133        Selon la fonctionnaire, je dois examiner minutieusement le rapport d’admission du 12 août 2014, ainsi que le résumé de l’autorisation de sortie de l’HRO du 4 septembre 2014. Les documents contiennent des commentaires positifs, comme la sobriété, l’enthousiasme et l’abstinence de consommer de l’alcool. Tous ces éléments contribuent au potentiel de réadaptation, tout comme le fait qu’elle a pris l’initiative d’obtenir des soins médicaux.

134        La fonctionnaire m’a renvoyé à McNamara c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-18291 (19890320),[1989] C.R.T.F.P.C. no 62 (QL). Dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a produit 15 certificats médicaux falsifiés sur une période de 20 mois, obtenant ainsi 109 heures de congé payé, d’une valeur d’environ 1 200 $. Selon le cas, M. McNamara a falsifié la signature de son médecin personnel ou a signé avec le nom de médecins fictifs. Il a été réintégré dans son poste sans dédommagement.

135        Dans McNamara, l’employé était considéré comme un atout pour l’employeur, mais il avait une maladie que l’employeur a omis de prendre en considération avec sérieux. M. McNamara était un commis à l’inventaire et, à ce titre, un grave problème de confiance a été invoqué.

136        McNamara est semblable à la présente affaire; on m’a renvoyé à la page 4 de la décision, qui indique ce qui suit : « La nécessité de présenter des certificats signés, cependant, était due à des absences découlant de son alcoolisme ». La même chose s’applique à la fonctionnaire. Également à la page 4 de la décision, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

Le crime dont M. McNamara s’est rendu coupable en réclamant frauduleusement ces congés représente une perte de l’ordre de 1 200 $ pour l’employeur. Il est ironique de penser que s’il s’était simplement présenté chez un médecin en expliquant que l’alcool l’avait rendu malade, M. McNamara aurait probablement obtenu la signature d’un vrai médecin attestant de son état. Car il était effectivement malade et il n’était pas capable de travailler. En réalité, il cherchait à cacher son état à l’employeur, à son médecin et, surtout, à lui-même.

137        Dans McNamara, le fonctionnaire a été réintégré avec condition; les faits de la présente affaire sont très semblables. En effet, la fonctionnaire en l’espèce est une employée de longue date sans mesures disciplinaires antérieures, alors que M. McNamara n’était pas un employé de longue date et il avait un dossier disciplinaire.

138        Rollins c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-22248 et 23749 (19930630), [1993] C.R.T.F.P.C. no 115 (QL), concernait un employé qui s’était vu imposer une mesure disciplinaire liée au travail en raison de sa consommation d’alcool, y compris une suspension de 25 jours et son licenciement. La suspension de 25 jours concernait le fait qu’il avait présenté des demandes falsifiées de congé de maladie payé. Il s’était absenté pour maladie pendant sept jours alors que, en réalité, il avait été ivre et incapable d’exercer ses fonctions. L’arbitre de grief a confirmé la suspension de 25 jours, puisqu’aucune circonstance atténuante ne justifiait son intervention; cependant, il n’était pas convaincu que le licenciement était approprié et que M. Rollins ne pouvait pas se rétablir, il l’a donc réintégré avec conditions.

139        La fonctionnaire était sobre depuis huit ans avant sa rechute. Sa dépendance à l’alcool a été utilisée contre elle pour lui prendre son enfant; sa garde complète a été modifiée en une garde partagée. Si sa condamnation pour conduite avec facultés affaiblies et sa demande de pardon ont été examinées, il devient évident qu’elle sait qu’elle ne doit pas prendre le volant alors qu’elle est intoxiquée et que la même erreur ne se reproduira pas. L’ARC devrait lui donner une deuxième chance puisqu’elle a été sobre pendant huit ans.

140        Heyser c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 70, portait sur un unique certificat médical falsifié. Mme Heyser a été licenciée. L’employeur dans cette affaire a révoqué sa cote de fiabilité plutôt que de lui imposer un licenciement disciplinaire. Mme Heyser a été réintégrée dans le lieu de travail pendant six mois avant que sa cote de fiabilité ne soit révoquée. La fonctionnaire m’a renvoyé aux paragraphes 130 à 141, 155 et 165 à 167 de cette affaire. 

141        La fonctionnaire soutient que les griefs devraient être accueillis et qu’une sanction moindre devrait être substituée au licenciement; elle demande une sanction correspondant au temps qu’elle a pris à l’employeur.

142        Elle fait valoir qu’elle doit être réintégrée avec conditions pendant un an, qu’elle soit obligée d’assister à des réunions des AA et qu’elle se présente à l’HRO pour y suivre un traitement.

C. Réponse de l’employeur

143        La fonctionnaire a établi une fausse équivalence en ce qui concerne les conditions administratives qui lui ont été imposées en raison de sa déficience, sans toutefois informer l’employeur de la déficience, ce qui est très différent d’une personne qui prend les devants et qui reconnait qu’elle a commis une fraude et qu’il y a une obligation de prendre des mesures d’adaptation. Les deux ne sont pas logiquement liés.

144        Aucune obligation procédurale de prendre des mesures d’adaptation ne se distingue de l’obligation réelle de prendre des mesures d’obligation. L’ARC m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Cruden, 2014 CAF 131.

145        La fonctionnaire n’a pas établi de lien entre l’inconduite et l’alcool. Elle n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de son absence, mais plutôt pour avoir falsifié les certificats médicaux et pour avoir obtenu frauduleusement des congés de maladie.

146        M. McKenzie n’a pas déclaré que les actions de la fonctionnaire n’étaient pas graves; il a dit que pour une brève période, le risque qu’elle représentait pour le lieu de travail pouvait être géré ou accepté.

147        Il n’est pas acceptable de laisser entendre que la fonctionnaire ne pouvait pas consulter un médecin parce qu’elle ne pouvait pas conduire. Elle aurait pu appeler un proche ou prendre un taxi. On sait que le 14 janvier 2014, elle se trouvait au cabinet de son médecin et qu’elle ne buvait pas tout le temps. La conduite en état d’ébriété n’était pas sa seule solution de rechange.

148        Heyser n’est pas utile. L’affaire était fondée sur la révocation d’une côte de fiabilité. Il s’agit d’une affaire de compétence. Les commentaires dans Heyser ne s’appliquent pas à la présente affaire et les commentaires concernant la mesure disciplinaire sont clairement des remarques incidentes. De plus, il n’y avait aucun avantage pécuniaire pour la fonctionnaire dans cette affaire.

149        En ce qui concerne la période durant laquelle l’employé demeure sur le lieu de travail même si sa présence est considérée comme un risque, dans Heyser, la fonctionnaire y est demeurée six mois, malgré la conclusion alléguée qu’elle représentait un risque. La présente affaire est différente, car la fonctionnaire a été dans le lieu de travail pendant une brève période et il a été conclu que le risque qu’elle posait pouvait être géré.

150        Rollins n’est pas utile puisque les faits sont très différents. Dans cette affaire, la mesure disciplinaire imposée pour la fabrication de certificats falsifiés était une suspension de 25 jours, laquelle a été accueillie. Le licenciement concernait des absences du travail liées à l’alcool.

151        McNamara est une ancienne affaire. Les affaires soumises par l’ARC sont non seulement plus récentes, mais elles établissent également l’approche actuelle quant à l’évaluation d’une affaire de cette nature, qui comprend le rapprochement de la relation entre la déficience et l’inconduite. McNamara est en décalage par rapport à la jurisprudence actuelle.

IV. Motifs

152        Les audiences d’arbitrage en ce qui concerne une mesure disciplinaire en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi sont des audiences de novo et il incombe à l’employeur de s’acquitter du fardeau de la preuve.

153        Le fondement habituel pour trancher les questions disciplinaires est l’examen des trois questions suivantes (voir Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 CLRBR 1 (« Wm. Scott »)) : y a-t-il eu inconduite de la part de la fonctionnaire? Si oui, la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était-elle une sanction appropriée dans les circonstances? Sinon, quelle sanction de rechange est juste et équitable dans les circonstances?

154        La première question consiste à déterminer si les actions de la fonctionnaire représentent une inconduite.

155        La fonctionnaire a admis avoir falsifié 16 certificats médicaux, qu’elle a remis à l’ARC afin de justifier ses absences du travail. Elle l’a fait pour respecter l’exigence de l’ARC figurant dans la lettre du 20 février 2013, qui a été imposée relativement à des préoccupations sur ce qui était considéré comme un problème d’assiduité. En fonction des 16 certificats médicaux falsifiés, la fonctionnaire a obtenu 216 heures de congé de maladie payé, évaluées à environ 9 300 $ de salaire (avant déductions) et 218,5 heures de congé de maladie non payé. Il ne fait aucun doute que ses actions représentaient non seulement une inconduite, mais également une inconduite grave.

156        Une fois l’inconduite démontrée, la deuxième partie du critère de Wm. Scott consiste à déterminer si la sanction imposée était appropriée. Selon la fonctionnaire, elle n’aurait pas dû être licenciée et, même si son comportement justifiait une certaine forme de mesure disciplinaire, la sanction devrait être moindre, puisque l’employeur n’a pas tenu compte des facteurs suivants :

  • ses remords;
  • son rendement au travail;
  • sa collaboration à l’enquête;
  • ses années de service;
  • sa déficience, qui aurait dû faire l’objet de mesures d’adaptation et qui devrait continuer d’en faire l’objet.

157        Comme c’est le cas avec la majorité de la preuve, les arguments et la jurisprudence avancés par les parties portaient principalement sur la déficience de la fonctionnaire et sur la question de savoir si l’employeur a satisfait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de sa déficience. En conséquence, j’aborderai l’allégation de discrimination d’abord, en entreprenant l’analyse obligatoire des droits de la personne.

A. Y a-t-il à première vue un cas de discrimination?

158        En vertu de l’article 7 de la LCDP, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite.

159        La déficience est l’un des motifs de distinction illicite (art. 3 de la LCDP). La déficience est définie à l’article 25 de la LCDP et elle comprend « la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ».

160        Pour établir qu’un employeur a eu une pratique discriminatoire, un fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion en faveur de la fonctionnaire, en l’absence de réplique du défendeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »), au par. 28).

161        Il n’est pas nécessaire que les considérations discriminatoires soient le seul motif des actions en cause pour que l’allégation de discrimination soit justifiée. La fonctionnaire doit uniquement démontrer que la discrimination était l’un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden v. Canadian Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.), au par. 7). La norme de preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (ministère de la Défense nationale), [1996] 3 C.F. 789 (C.A.)).

162        Pour établir une preuve prima facie de discrimination, la fonctionnaire doit démontrer ce qui suit : qu’elle a une déficience, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi, et que sa déficience constituait un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, CanLII, au par. 33).

163        Si l’existence d’une preuve prima facie de discrimination a été établie, l’employeur peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve démontrant que ses agissements n’étaient pas discriminatoires ou en invoquant un moyen de défense fondé sur l’article 15 de la LCDP qui justifie son acte discriminatoire (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au par. 13). À l’inverse, si la fonctionnaire n’est pas en mesure d’établir une preuve prima facie de discrimination, alors il n’est pas nécessaire de décider si l’employeur a démontré qu’il a pris des mesures d’adaptation en ce qui concerne la dépendance à l’alcool de la fonctionnaire, au point de la contrainte excessive (voir, p. ex., Fleming, au par. 81).

164        L’ARC a admis que la fonctionnaire avait une déficience. Dans son exposé introductif et ses conclusions finales, elle a admis que la fonctionnaire avait reçu un diagnostic de dépendance à l’alcool. Ainsi, dans l’affaire dont je suis saisi, il n’est pas contesté que la fonctionnaire a une déficience.  

165        Il n’est pas non plus contesté que la fonctionnaire a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi; elle a été licenciée.

166        Il me reste à décider si la fonctionnaire a démontré que sa déficience était un facteur dans la décision de l’employeur de la licencier. C’est au sujet de cet élément clé que les parties ont des positions diamétralement opposées.

167        La fonctionnaire doit établir que sa déficience était un facteur causal dans son inconduite.

168        Dans Bish, la Cour du banc de la Reine de l’Alberta a abordé ce point ainsi :

[Traduction]

[…]

[36] Comme l’indique Elk Valley, l’argument de l’appelant repose sur la proposition que tout lien entre la déficience et le traitement préjudiciable suffit pour qu’il y ait conclusion de discrimination à première vue. Cette proposition a été rejetée à juste titre par le Tribunal.

[…]

[39] Dans Wright, la Cour a accepté le fait que « […] la conduite des appelants a été dans une certaine mesure causée ou motivée par leur déficience, soit leur dépendance. Cependant, la question est celle de savoir si la conduite du [défendeur] […] est légalement liée à la déficience des appelants ». […]

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

169        Dans Thunder Bay (City), le conseil d’arbitrage a examiné la preuve qui est nécessaire dans de tels cas. Il a indiqué ce qui suit au paragraphe 39 :

[Traduction]

[…] Même si nous devions supposer que le fonctionnaire était dépendant au Percocet, nous ne pouvons supposer qu’une telle dépendance donne une réponse précise ou sert de facteur atténuant pour ses actions relatives à l’utilisation d’un faux document et d’autres actions relatives à l’obtention de médicaments d’ordonnance de façon frauduleuse. Il n’y a simplement pas eu de témoignages d’experts indiquant que cette dépendance au Percocet supprimait toute inhibition ou tout contrôle que le fonctionnaire aurait par ailleurs eu en ce qui concerne les actions qu’il a posées pour acquérir les médicaments de façon frauduleuse. Même avec l’absence d’un témoignage d’expert sur ce point, le propre témoignage du fonctionnaire tend à réfuter une telle conclusion. Selon son propre témoignage, pendant la période où il était « dépendant », il occupait l’emploi stressant et technique d’ambulancier paramédical. Comme il est déjà indiqué, rien dans la preuve de l’une des parties n’indiquait qu’une personne soupçonnait que le fonctionnaire avait déjà travaillé « avec les facultés affaiblies ».

170        Health Employers Association of BC porte sur l’appel d’une décision d’arbitrage visant la réintégration d’un employé congédié pour une conduite qui découle d’un problème de toxicomanie. Dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, en accueillant l’appel et en confirmant le congédiement, a déclaré ce qui suit, au paragraphe 41, en ce qui concerne la preuve liant la déficience à la conduite : [traduction] « il est important de ne pas supposer qu’une dépendance est toujours un facteur causal dans la conduite d’un employé toxicomane. […] Pour conclure qu’il y a discrimination à première vue, il doit y avoir une preuve que l’inconduite de l’employé a été [traduction] “causée par des symptômes liés à” la déficience […] ».

171        Enfin, dans Fleming, l’arbitre de grief du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[68] Dans un cas comme celui-ci qui concerne une dépendance à l’alcool, une mesure disciplinaire et le licenciement, les principales questions que je dois trancher sont celles de savoir si le demandeur a établi que le défendeur l’a suspendu puis licencié en raison de l’inconduite qui était liée à sa dépendance à l’alcool et, le cas échéant, si le défendeur a établi qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’égard des besoins du demandeur en ce qui concerne sa dépendance au point de la contrainte excessive. […]

172        La fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait divulgué son alcoolisme le 8 avril 2014, et que plutôt que de prendre des mesures d’adaptation à son égard, l’ARC l’avait abandonnée. Elle a soutenu que le fait qu’elle ait divulgué son alcoolisme a démontré sa déficience, respectant ainsi le critère prima facie. Elle a également souligné que l’employeur n’avait présenté aucune raison de bonne foi pour ne pas prendre de mesures d’adaptation à son égard.

173        Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle était bien au fait de sa déficience depuis 2004 ou le début de 2005, lorsqu’elle a été admise à un programme de traitement pour la dépendance à l’alcool. Selon la preuve, lorsqu’elle a eu son autorisation de sortie du programme en 2005, elle est restée sobre jusque vers Noël 2011, moment où elle a recommencé à consommer de l’alcool. Même si je n’ai aucun doute que la fonctionnaire connaissait sa déficience depuis une longue période, dès 2005, et qu’elle a gardé ce fait pour elle-même, dans la mesure où cette déficience ne lui nuisait pas dans son environnement de travail, il n’était pas nécessaire de prendre une mesure d’adaptation.

174        Aucun élément de preuve n’a démontré que la fonctionnaire avait déjà divulgué sa dépendance à l’alcool ou mentionné une mesure d’adaptation quelconque à son employeur après 2005, et avant ses rencontres avec Mme Sylvest et M. McKenzie, le 8 avril 2014. Cependant, à la fin de 2011, les effets de sa déficience ont commencé à nuire son emploi, puisqu’elle a manqué des jours de travail. La preuve a révélé une tendance de la fonctionnaire à dissimuler activement la déficience et à nier constamment tout besoin d’une mesure d’adaptation.

175         Parallèlement à la reprise de la consommation d’alcool de la fonctionnaire, sa superviseure, Mme Sylvest, a commencé à s’inquiéter de son absentéisme croissant. Mme Sylvest a indiqué dans son témoignage qu’au cours de 2012, elle avait été préoccupée par l’assiduité de la fonctionnaire et de son utilisation de quantités importantes de congés de maladie, au point où elle s’est renseignée pour savoir si l’ARC pouvait faire quelque chose à ce sujet. Selon le témoignage de Mme Sylvest, la fonctionnaire lui répondait qu’elle allait bien et qu’elle travaillerait le lendemain, ce qui n’était pas le cas en réalité.

176        La fonctionnaire n’a pas été franche et sincère avec sa superviseure ou son employeur puisque, selon la preuve, tout n’allait pas bien et elle ne se présentait pas nécessairement au travail. Mme Sylvest a tenté de cerner le problème qui a mené la fonctionnaire à s’absenter du travail et de savoir si elle avait besoin d’une certaine forme de mesures d’adaptation.

177        L’absentéisme de la fonctionnaire a atteint un point tel que, à l’été 2013, l’ARC a conclu qu’une EAT devrait être effectuée, ce qui a été fait. Les documents de l’EAT figuraient dans la lettre du 18 juillet envoyée au médecin de famille de la fonctionnaire, la Dre Debanne. Mme Sylvest a demandé une EAT pour tenter de voir si le médecin de famille de la fonctionnaire pouvait aider avec le problème apparent d’assiduité de la fonctionnaire et savoir si l’ARC pouvait prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une maladie ou d’une déficience.

178        Le rapport d’EAT était négatif. La fonctionnaire a reconnu avoir dissimulé son alcoolisme à la Dre Debanne.

179        Le dossier d’août 2013, qui consignait la visite de la fonctionnaire au cabinet de la Dre Debanne, le 15 août 2013, semblait aborder un certain nombre de malaises et de problèmes physiques, ainsi que la consommation d’alcool de la fonctionnaire comme suit :

[Traduction]

« Elle buvait un peu et elle boit encore un peu. Je lui ai dit qu’elle était sur une pente dangereuse.

[…]

Reprise de la consommation d’alcool. Elle comprend que ce n’est pas la meilleure chose pour elle […]. »

180        Selon moi, il ressort clairement des commentaires de la Dre Debanne que cette dernière avait connaissance, du moins partiellement, d’un problème qu’éprouvait ou qu’avait éprouvé la fonctionnaire avec l’alcool, quoique la preuve ne permette pas de démontrer quelle était l’étendue du problème et ce que la Dre Debanne en savait. Il y a également lieu de constater que la fonctionnaire avait fourni à la Dre Debanne certains renseignements sur ses antécédents familiaux en ce qui concerne sa consommation d’alcool, ce que le médecin a noté comme étant une préoccupation.

181        Il est également manifeste qu’entre le 13 mai et le 26 août 2013, il y a eu les certificats médicaux falsifiés, qui couvraient environ 26 jours, y compris la période du 31 juillet au 2 août 2013, périodes pour lesquelles la fonctionnaire a admis qu’elle buvait trop ou qu’elle avait trop la gueule de bois pour aller travailler.

182        La preuve a révélé que malgré l’EAT et les garanties de la fonctionnaire que tout allait bien, cette dernière a continué de s’absenter beaucoup du travail. Par conséquent, l’ARC a souhaité qu’une deuxième EAT soit réalisée. Même si on ne m’a pas informé du moment exact, la deuxième EAT doit avoir été recommandé entre la publication du rapport d’EAT, le 19 août 2013, et le 8 avril 2014, date où la fonctionnaire a reconnu avoir falsifié les certificats médicaux. La preuve a également révélé qu’elle n’était pas prête à subir une deuxième EAT; selon Mme Sylvest, la fonctionnaire a refusé la deuxième évaluation parce qu’elle avait dit qu’elle allait bien et qu’aucune autre EAT n’était nécessaire.

183        La fonctionnaire a admis qu’elle savait qu’elle avait un problème de dépendance à l’alcool qui remontait à ses expériences en 2004 et 2005. Elle me les a décrites d’une façon telle que je ne peux que conclure qu’elles l’ont marquée d’une façon indélébile, tellement qu’elle était consciente des risques et des écueils d’une reprise de la consommation d’alcool. En effet, elle a admis qu’elle connaissait les options de traitement, les services sociaux et les stratégies qui étaient à sa disposition. Toutefois, elle a également reconnu qu’entre le moment où elle a recommencé à boire à la fin de 2011, et le 8 avril 2014, lorsqu’elle a admis avoir falsifié des certificats médicaux, elle n’a pas tenté d’obtenir de l’aide des programmes auxquels elle avait déjà participé et des services qu’elle connaissait.

184        Il est à la fois difficile d’imaginer et de comprendre l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle l’ARC aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard, alors qu’il ressort de la preuve dont je suis saisie qu’elle était déterminée à dissimuler sa déficience et à s’opposer à toute tentative de prise de mesures d’adaptation par l’ARC. Cette dernière ne pouvait prendre de mesures d’adaptation à l’égard d’une personne qui n’avait pas démontré un besoin et qui a constamment fait obstacle à ses tentatives de l’aider.

185        En tout état de cause, comme il est expliqué ci-dessous, je n’ai pas à établir si la fonctionnaire a fait l’objet de mesures d’adaptation au point de la contrainte excessive, puisqu’elle n’a pas établi à première vue l’existence de discrimination fondée sur sa dépendance à l’alcool.

186        L’ARC a fait valoir qu’il n’y a absolument aucune preuve indiquant que la fonctionnaire a été licenciée en raison de sa déficience. Je suis d’accord. On ne m’a présenté aucun élément de preuve qui laisse entendre que l’ARC l’a fait. La preuve dont je suis saisie démontre de façon claire, logique et convaincante que M. McKenzie a conclu que le comportement sur lequel était fondée sa décision qu’une mesure disciplinaire était justifiée était la fabrication des certificats médicaux falsifiés.

187        Le 8 avril 2014, l’ARC a eu connaissance que la fonctionnaire avait un problème d’alcool puisqu’elle a admis que c’était la raison de son absentéisme prolongé. Elle a admis avoir été en état d’ébriété ou avoir eu la gueule de bois pendant toutes les journées pour lesquelles elle a falsifié des certificats médicaux et pour lesquelles elle a obtenu des congés de maladie payés ou non payés entre le 13 mai 2013 et le 21 mai 2014.

188        La déficience de la fonctionnaire a été décrite dans les documents de l’HRO comme une dépendance à l’alcool; parfois, les parties mentionnaient de l’alcoolisme, d’autres fois, elle la décrivait comme étant un excès de boisson. Je ne suis saisi d’aucune preuve médicale indiquant que, comme la Cour d’appel de la Colombie-Britannique l’a déclaré dans Health Employers Association of BC, [traduction] « […] l’inconduite de l’employé a été “causée par des symptômes liés à” la déficience […] ». Pour paraphraser les conclusions indiquées dans Thunder Bay (City), je ne suis saisi d’aucun témoignage d’expert indiquant que la dépendance à l’alcool supprimerait toute inhibition ou tout contrôle que la fonctionnaire aurait par ailleurs eu en ce qui concerne les actions qu’elle a posées pour obtenir les congés de façon frauduleuse. En effet, même si la fonctionnaire a laissé entendre qu’elle était parfois intoxiquée ou qu’elle avait la gueule de bois au moment de dactylographier les certificats médicaux falsifiés, elle était sobre lorsque les a remis à sa superviseure.

189        Par conséquent, la fonctionnaire n’a pas démontré que son inconduite, à savoir la falsification et la présentation de 16 certificats médicaux, avait un rapport causal avec sa dépendance à l’alcool. À ce titre, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi à première vue l’existence de discrimination fondée sur le motif illicite de la déficience. Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine la question de savoir si l’employeur a présenté un moyen de défense fondé sur l’article 15 de la LCDP.

190        L’ARC a démontré que l’inconduite avait eu lieu. Elle a conclu que la mesure disciplinaire appropriée était le licenciement. Comme j’ai conclu qu’il y avait absence de preuve médicale à l’appui de l’argument de la fonctionnaire selon lequel sa déficience aurait dû atténuer la sanction, j’aborde maintenant les autres facteurs atténuants que le représentant de la fonctionnaire m’a pressé d’examiner pour conclure que le licenciement est la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances.

B. Remords

191        La fonctionnaire fait valoir qu’elle éprouvait et qu’elle éprouve toujours des remords pour ses actions. Son représentant renvoie à la ligne du rapport de la DAI qui précisait qu’elle éprouvait des remords. La ligne est ainsi rédigée : [traduction] « Mary Ann McNulty a exprimé des remords, ainsi que son souhait de retrouver la confiance de ses gestionnaires et de ses collègues ». Les résultats du rapport de la DAI ont été déposés pendant l’audience disciplinaire et mentionnés dans la lettre de licenciement du 3 juin 2014, rédigée par M. Mackenzie. Le rapport de la DAI a été déposé en preuve par l’employeur. Dans son témoignage à l’audience, on lui a demandé si elle éprouvait des remords et si elle était désolée pour ce qu’elle avait fait, et elle a répondu en disant que c’était le cas.

192        Les questions liées à la crédibilité sont tranchées au moyen du critère énoncé dans Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si la conclusion au sujet de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entre en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […]. Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas somme toute assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout dans le cas de preuve contradictoire, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En somme, le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances. […]

[…]

193        Je n’ai aucun doute que la fonctionnaire et la vérité n’ont pas toujours été synonymes. La fonctionnaire a fait ce qui suit :

  • Elle a menti en disant qu’elle était malade les jours visés par les 16 certificats médicaux falsifiés; elle n’était pas malade, mais elle avait bu, elle était intoxiquée ou elle souffrait des effets secondaires de l’alcoolisme;
  • Elle a menti en disant qu’elle consultait un médecin ou un physiothérapeute relativement aux 16 cas visés par les certificats médicaux falsifiés;
  • Elle a menti au sujet de l’obtention des certificats médicaux;
  • Elle a trompé son médecin de famille sur son problème de consommation d’alcool;
  • Elle a menti à sa superviseure en disant que tout allait bien et qu’elle serait au travail.

194        Dans les notes du 8 avril, M. McKenzie a indiqué ses impressions après que la fonctionnaire l’eut informé de ses actions. Plus important, ses notes du 14 mai 2014, suivant l’audience disciplinaire, portent à conséquence. Selon ses notes, même si elle a finalement compris que ses actions constituaient de la fraude, la fonctionnaire lui a dit que des actions frauduleuses avaient lieu quotidiennement à l’ARC, comme le démontrent les longues pauses que les gens prennent dans la salle à manger. M. McKenzie a également noté qu’elle n’avait pas présenté d’excuses et n’avait pas reconnu qu’elle était responsable de ses actions. M. McKenzie a réitéré ses impressions à l’audience, soit que la fonctionnaire semblait blâmer les autres et n’assumait pas sa responsabilité, qu’elle avait falsifié les certificats médicaux parce qu’elle devait les produire (ce qui était la faute de sa superviseure, selon elle) et qu’elle n’avait pas été en mesure de se rendre chez le docteur (comme elle l’a dit, [traduction] « vous ne voulez pas que je conduise en état d’ébriété »).

195         Cette caractéristique ressort également du contre-interrogatoire de la fonctionnaire lorsqu’elle a été interrogée sur l’écart entre le rapport du 4 septembre (l’autorisation de sortie de l’HRO), et son témoignage. Même si rien d’essentiel n’a été révélé au sujet de l’écart, elle a reproché à l’administration de Meadow Creek de ne pas avoir ses bons numéros de téléphone et elle a allégué qu’ils n’avaient pas dit la vérité en affirmant qu’elle avait téléphoné deux fois et qu’elle avait interrompu la communication.

196        À mon avis, l’excuse fournie par la fonctionnaire pour justifier son omission d’obtenir des certificats médicaux légitimes, soit qu’elle était trop intoxiquée ou qu’elle avait trop la gueule de bois pour conduire, est particulièrement troublante. À première vue, on peut penser qu’il s’agit d’une action louable, dans une situation par ailleurs terrible; cependant, lors d’un examen plus minutieux, on réalise qu’elle est vide de sens et intéressée et qu’il s’agit d’une façon de ne pas assumer la responsabilité de ses actions. Si elle n’avait pas été intoxiquée ou n’avait pas eu la gueule de bois, elle n’aurait pas manqué de travail et, par conséquent, elle n’aurait pas eu besoin d’un certificat médical ou de consulter un médecin. Je n’ai jamais vu ou entendu parler d’une situation où un employé s’est présenté au cabinet d’un médecin pour demander un certificat médical justifiant une absence pour cause d’intoxication ou de gueule de bois. Ce qui est particulièrement inquiétant au sujet de la situation de la fonctionnaire est que si elle avait réellement eu besoin de voir son médecin de famille, elle aurait pu communiquer avec sa sœur qui vivait près de chez elle et qui pouvait conduire; plus troublant encore, le cabinet du médecin de famille de la fonctionnaire était à distance de marche de chez elle.

197        Ainsi, même si la fonctionnaire a dit qu’elle était désolée et qu’elle éprouvait des remords pour sa conduite, son comportement antérieur laisse entendre qu’elle ne dit pas toujours la vérité et qu’elle a tendance à blâmer les autres et à ne pas assumer la responsabilité de ses actions. Étant donné son témoignage et celui de M. McKenzie à ce sujet, je préfère accepter celui de M. McKenzie.

C. Rendement au travail

198        Selon Mme Sylvest, et comme le révèlent les deux évaluations du rendement déposées à l’audience, lorsqu’elle était au travail, la fonctionnaire travaillait selon son niveau ou à un niveau supérieur. De plus, elle a participé à des activités bénévoles auprès de son employeur, ce qui est louable. La fonctionnaire travaille également à l’ARC depuis 25 ans. Toutefois, pris contextuellement et par rapport à son inconduite, son rendement au travail et sa durée de service ne suffisent pas pour me convaincre de modifier la sanction de licenciement.

D. Collaboration à l’enquête de la DAI

199        La fonctionnaire a collaboré; toutefois, je ne suis pas prêt à accorder à ce facteur beaucoup de poids, étant donné les circonstances. À la veille de l’enquête, la fonctionnaire a admis ses torts. Je soupçonne qu’elle l’a fait étant donné la probabilité qu’ils soient découverts. Il n’aurait pas fallu beaucoup d’efforts aux enquêteurs pour établir que les certificats médicaux avaient été falsifiés. Les appels aux cabinets des médecins auraient probablement permis d’obtenir ces renseignements. Ainsi, même si la fonctionnaire a collaboré à une enquête sur les torts qu’elle avait déjà reconnus, ce facteur ne suffit pas non plus pour me convaincre de modifier la sanction de licenciement.

E. Réadaptation

200        Le témoignage de la fonctionnaire en ce qui concerne la réadaptation n’est pas un élément que je considérerais en sa faveur. Même si, initialement, au moment de reconnaître ses torts, elle a communiqué avec des professionnels médicaux pour obtenir de l’aide, la preuve a révélé que même si elle a dit qu’elle avait cessé de boire, ce n’était pas le cas. Même si, en soi, cela n’établit pas son potentiel de réadaptation, il est plutôt troublant de constater que malgré son effort initial à se réadapter, elle ne l’a pas poursuivi d’une façon significative.

En août 2014, elle s’était inscrite à un programme de traitement qu’elle n’a pas terminé. Dans le cadre de son témoignage devant moi, elle a déclaré qu’elle devait consulter le Dr Grymalla en décembre 2015, et que son rendez-vous précédent était en 2014, ce qui ne démontre certainement pas qu’une personne envisage sa réadaptation sérieusement.

201        Enfin, la fonctionnaire a fait valoir que je devrais suivre la décision de l’ancienne CRTFP dans McNamara, une affaire dont les faits sont très semblables à ceux en l’espèce. M. McNamara avait un problème de dépendance à l’alcool et avait fabriqué de faux certificats médicaux pour couvrir les jours de travail manqués en raison de sa consommation d’alcool, ce qui lui a permis d’obtenir des congés de maladie payés, représentant environ 1 200 $. De son côté, l’avocat de l’ARC m’a renvoyé à plusieurs affaires dans lesquelles les employés avaient agi de façon semblable à la fonctionnaire et avaient été licenciés, et où les licenciements ont été confirmés.

202        Je ne suis pas disposé à suivre McNamara. Il semble que, en se fondant sur les faits de cette décision, l’arbitre de grief a conclu que M. McNamara avait activement participé au processus de réadaptation et qu’il avait non seulement admis ses torts mais qu’il éprouvait de véritables remords. Il est évident que M. McNamara a convaincu l’arbitre de grief qu’il méritait d’être réintégré. Je ne crois pas que ce point de vue s’applique à la fonctionnaire. Selon les faits et la preuve, je ne crois pas qu’elle est réellement désolée et qu’elle éprouve des remords véritables ou qu’elle est sérieuse au sujet de sa réadaptation.

203        En ce qui concerne Heyser, les faits de cette affaire se distinguent de ceux en l’espèce. Dans le cas présent, même si la fonctionnaire n’a pas été suspendue, elle est demeurée dans l’environnement de travail pendant une brève période seulement (du 8 avril au 3 juin 2014) et, selon le témoignage de M. McKenzie, le risque que pouvait présenter sa présence sur le lieu de travail a été géré. Dans Heyser, qui se distingue également, le fonctionnaire est retourné sur le lieu de travail sans restriction pendant six mois. Heyser portait également sur la compétence de la Commission. Comme il est indiqué dans les paragraphes 158 à 161, la Commission a conclu que l’employeur était lié par les motifs sur lesquels il s’était fondé au moment du licenciement, soit la révocation de la côte de fiabilité de Mme Heyser; l’employeur a soutenu que la mesure n’était pas disciplinaire, mais administrative.

204        Je remarque également que Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43, a été examiné dans Heyser. Dans Morrow, la fonctionnaire avait été licenciée pour avoir présenté 14 certificats médicaux falsifiés concernant 14 absences différentes sur une période de quatre ans. Comme dans l’affaire dont je suis saisi, étant donné la tentative de la fonctionnaire de rejeter la faute sur l’employeur et les explications fabriquées en ce qui a trait aux certificats médicaux, entre autres, l’arbitre de grief a conclu qu’il ne pouvait pas atténuer la sanction sur la base que son potentiel de réadaptation était bon.

205        En ce qui concerne Rollins, je ne crois pas que cette décision soit utile. Dans cette affaire, l’ancienne CRTFP n’a pas annulé la mesure disciplinaire visant des congés de maladie payés obtenus de manière inappropriée. Même si la mesure disciplinaire n’était qu’une suspension de 25 jours, la décision relative aux 25 jours a été prise par l’employeur dans cette affaire, et l’ancienne CRTFP ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la période de 25 jours était une sanction appropriée, elle a simplement conclu qu’il n’y avait pas de circonstances atténuantes pour l’annuler.

206        L’inconduite de la fonctionnaire justifiait la sanction imposée, et je conclus qu’il n’y a pas de raison de modifier la décision de l’employeur.

207        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

208        Les griefs sont rejetés.

Le 19 octobre 2016.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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