Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

The grievor contested the employer’s decision that she had to reimburse a large sum of money involving the Canada Pension Plan and Supplementary Death Benefit Plan – the grievor took several leaves of absence without pay – all employees are given the option to make their benefits contributions during such leaves – the grievor chose not to take advantage of that option – as a result, her benefits had been in deficit since 2003 – in 2012, she was informed that the recovery of the Pension and Supplementary Death Benefit plans arrears would begin – the recovery had not begun after she returned to work full-time in 2008 due to an administrative error, which caused the deficit to increase – the grievor argued that the decision to recover the sums directly violated the collective agreement – the employer argued that the grievance was about recovering Pension and Supplementary Death Benefit Plan contribution deficits and that the Board did not have jurisdiction – this issue required interpreting and applying the Public Service Superannuation Actand its regulations and did not fall within the Board’s jurisdiction – pension plan matters are explicitly excluded from the adjudication process – the evidence clearly established that the grievor’s concerns were about her obligation to make additional payments to settle the Pension and Supplementary Death Benefit Plan contribution arrears – she did not submit any evidence that established a link between the collective agreement and the contributions – the Board found that it was without jurisdiction.Objection allowed; file closed.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161202
  • Dossier:  566-02-08098
  • Référence:  2016 CRTEFP 113

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

JOËLLE BARBOT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

employeur

Répertorié
Barbot c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Bertrand Myre, agent des relations de travail, Association canadienne des employés professionnels
Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario) le 8 février 2016 et représentations écrites
déposées le 29 janvier et le 5 février 2016.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1        Joëlle Barbot, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), occupe le poste de gestionnaire en évaluation, classifié au groupe et au niveau EC-06, au sein de la Direction générale des politiques stratégiques et du rendement pour le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, aussi connu sous le nom Affaires mondiales Canada. À la suite d’une erreur administrative de la part de l’employeur, elle conteste la décision de l’employeur de lui faire rembourser une somme de plus de 50 000 $ en lien avec ses prestations aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès du Canada depuis le 28 mai 2003. À l’audience, son représentant a retiré l’allégation que le recouvrement était discriminatoire.

2        Les faits qui ont mené au dépôt du grief ne sont pas contestés.                               Le 15 janvier 2016, lors d’une conférence préparatoire, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-36), ainsi que du Règlement sur la pension de la fonction publique (C.R.C., ch. 1358), et du Règlement sur les prestations supplémentaires de décès (C.R.C., ch. 1360) (la « LPFP et ses règlements »). Il soutient que la Commission n’a aucune compétence pour traiter des questions liées au régime de pensions. À l’appui de son objection, il a fait référence à la décision Dodd c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 08 (« Dodd »).

3        Les parties ont soumis des représentations écrites quant à l’objection préliminaire de l’employeur concernant la compétence de la Commission. Par la suite, une audience sur le fond a eu lieu.

4        Pour les raisons qui suivent, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour trancher des questions de recouvrement de contributions relatives aux régimes de pensions du Canada et de prestations supplémentaires de décès. À l’exception de certaines personnes prévues dans la LPFP et ses règlements, le paiement de ces prestations est une condition d’emploi pour tous les employés de la fonction publique. L’employeur avait une obligation statutaire de procéder au recouvrement des prestations déficitaires.

II. Contexte

5        Le 11 février 2013, l’Association canadienne des employés professionnels a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui porte sur l’interprétation ou l’application de toute disposition d’une convention collective ou d’une disposition arbitrale, et des clauses 16.01 et 47 de la convention collective applicable conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des employés professionnels, pour le groupe Économique et services de sciences sociales (tous les employés et toutes les employées), venant à échéance le 21 juin 2011 (la « convention collective »).

6        Le 26 février 2013, l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission d’entendre le grief au motif que celui-ci avait été déposé hors des délais prévus par la clause 40.12 de la convention collective. Le 8 avril 2014, dans Barbot c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2014 CRTFP 45, la Commission a rejeté l’objection de l’employeur au motif qu’il n’avait pas rempli les conditions énoncées à l’alinéa 95(2) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79. Elle a statué qu’il n’était « pas permissible ni raisonnable, compte tenu des faits dans cette affaire, d’attendre après que le grief de la fonctionnaire ait été renvoyé à l’arbitrage pour soulever son retard ».

7        Le 26 juin 2013, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) a fusionné avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour former le nouveau ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

8        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation dans la fonction publique. La présente procédure se poursuit en vertu des lois habilitantes du Parlement et de leurs règlements afférents.

III. Résumé de la preuve

9        Les parties se sont entendues pour procéder par exposé conjoint des faits. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas témoigné. Aucun témoignage de vive voix n’a été livré au nom de la fonctionnaire autre que par l’intermédiaire du contre-interrogatoire du témoin de l’employeur.

10        Selon l’exposé conjoint des faits, la fonctionnaire travaillait pour le ministère depuis le 1er décembre 1992. Sur une période de 21 ans, elle a pris plusieurs congés non payés, parfois pour raison de maladie, suivis de nombreux retours au travail progressifs et de rechutes.

11        Du 28 mai 2003 au 1er mai 2005, elle était en congé de maladie non payé. Le 25 juin 2003, l’employeur lui a envoyé une lettre intitulée « Congé de maladie non payé – invalidité ». Dans cette lettre, l’employeur l’a informée de ses options en ce qui concerne le paiement de ses prestations d’invalidité, de son régime de pensions et d’autres avantages, ainsi que de ses autres prestations d’emploi et questions connexes.

12        Du 2 mai 2005 au 31 mai 2006, la fonctionnaire était visée par un programme de réadaptation approuvé et elle a fait un retour au travail progressif, à raison de trois jours par semaine. Du 1er juin 2006 au 1er janvier 2008, elle est retournée en congé de maladie non payé.

13        En conformité avec la politique de l’employeur et la LPFP, durant les congés non payés, les contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès ne sont pas activées pour éviter des déductions sur un salaire déjà réduit. L’option de contribuer à ses prestations pendant un congé non payé est offerte à tous les employés. La fonctionnaire a choisi de ne pas se prévaloir de cette option, telle qu’elle était décrite dans la lettre du 25 juin 2003.

14        Le 15 août 2006, la fonctionnaire a demandé à Marie Boudreau, conseillère à la Division des pensions à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, d’envoyer une lettre à  Guy Martel, GML Actuarial Services Inc., pour confirmer certaines informations au sujet de sa pension et de ses congés non payés. La lettre indique qu’il n’y a pas de détails en ce qui concerne le remboursement des prestations déficitaires.

15        Le 28 août 2006, M. Martel a communiqué avec  Susan Gauthier, conseillère en rémunération à l’ACDI, pour connaitre, entre autres, l’arriéré en ce qui concerne les régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès. Bien qu’il n’y ait pas de détails relativement à l’arriéré, le 28 août 2006, son actuaire, M. Martel, l’avait informé que ses prestations étaient déficitaires depuis 2003.

16        Le 4 avril 2007, la fonctionnaire a reçu une note manuscrite de Mme Gauthier, confirmant les déficits relativement aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès du Canada découlant des congés utilisés.

17        Du 7 janvier 2008 au 28 octobre 2008, la fonctionnaire était en retour progressif et travaillait trois jours semaines au sein d’un programme de réadaptation approuvé. Le 2 août 2008, après avoir vérifié les déductions à son chèque de paie, la fonctionnaire a communiqué avec Mme Gauthier pour lui demander d’arrêter les déductions de 250,00 $ par paie pour un bon d’épargne. Aucun suivi n’a été fait entre la fonctionnaire et l’employeur par rapport aux prestations déficitaires. Bien que la fonctionnaire et l’employeur fussent au courant des montants exacts des déficits depuis le 4 avril 2007, ni l’un ni l’autre n’ont fait un suivi.

18        La fonctionnaire a été informée de l’arriéré relatif à ses contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès du Canada remontant à 2003, le 15 mai 2012 seulement. Le courriel de Johanne Bélisle, conseillère en rémunération, confirme que l’erreur a été corrigée en date du 11 avril 2012.

19        Le 27 juin 2012, Mme Bélisle a informé la fonctionnaire que le recouvrement de l’arriéré relatif aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès débuterait le 4 juillet 2012. Les montants à recouvrer s’élevaient à 108.85 $ et 2.02 $ par paye, pour les prestations relatives au régime de pensions, et ce, jusqu’au 23 janvier 2030. En ce qui concerne les prestations supplémentaires de décès, le montant à recouvrer était de 13.50 $ par paye, et ce, jusqu’au 30 novembre 2029.

20        Le recouvrement de la dette a débuté le 4 juillet 2012. La valeur originale de la dette, telle que calculée par le bureau de la paie, était de 50 887.49 $ pour l’arriéré des prestations aux régimes de pensions, et de 2 821.25 $ pour l’arriéré des prestations supplémentaires de décès. Malgré les déficiences, l’employeur confirme et l’agent négociateur est d’accord que le service ouvrant droit à la pension figure au compte de la fonctionnaire.

21        Dans un courriel daté du 4 juillet 2012, le bureau de la paie a indiqué, sans fournir d’explication, que le recouvrement n’avait pas été effectué après le retour au travail à temps plein de la fonctionnaire, le 28 octobre 2008. La fonctionnaire a dit qu’elle n’était pas au courant de cette situation.

22        Le 13 mars 2013,  Darren Schemmer, Vice-président, Direction générale des partenariats avec les Canadiens, a répondu au grief au troisième palier de la procédure de règlement de griefs et a confirmé les sommes de 51 233.83 $ pour l’arriéré du régime de pensions, et de 2 821.25 $ pour l’arriéré du régime de prestations supplémentaires de décès, à remettre jusqu’au 11 décembre 2030. Il a confirmé qu’il s’agissait d’une erreur administrative occasionnée par un oubli de réactiver le code de retenue de pensions au système de la paye au moment du retour au travail à temps plein de la fonctionnaire, le 28 octobre 2008.

23         Mario Sabourin était gestionnaire en relations de travail, rémunération et avantages sociaux, santé et sécurité au travail, à l’ACDI, entre le mois de septembre 2005 et le 14 janvier 2013. Lors de son témoignage, il a souligné qu’il avait eu connaissance du dossier pour la première fois au printemps 2012, et que Mme Bélisle, conseillère en rémunération, avait porté le dossier à son attention. Il a expliqué que l’obligation de contribuer aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès était une obligation statutaire qui devait être faite à la source. L’employeur n’a aucune autorité d’établir les taux de contribution au régime de pensions ou de permettre aux employés de payer moins que ce qu’il est requis ou de ne pas payer. Les contributions et les taux de contribution sont régis par la LPFP et ses règlements.

24        Il a indiqué que la LPFP prévoit que l’employeur doit effectuer le prélèvement pour tous les employés qui travaillent plus de 30 heures par semaines ou pendant plus de six mois. Lors d’un congé non payé pour raisons de maladie, les employés reçoivent une lettre standard au sujet de leurs options quant aux contributions aux régimes de pensions, et prestations supplémentaires de décès, de soins de santé, ainsi que de l’impact de leurs choix sur ceux-ci. Les employés sont informés des démarches qu’ils doivent prendre. L’option par défaut est de repayer l’arriéré dès que l’employé revient au travail, à raison de plus de 30 heures de travail par semaine.

25        Lorsqu’un employé participe à un programme de réadaptation ou effectue un retour progressif au travail, la compagnie d’assurance Sun Life ou autre, appuie l’employé dans le but d’assurer un retour à temps plein. Un employé peut recevoir jusqu’à 100 % de son salaire, il n’est pas limité au 70 % de son salaire. Pendant un congé non payé, il n’y a aucune déduction à la source. Il s’agit d’une période de transition dans le but de rééquilibrer l’état de santé de l’employé. Durant cette période, on tente d’éviter les déductions sur un salaire déjà réduit. L’employé a le choix de continuer le paiement de ses prestations pendant son congé non payé, et c’est à lui de faire les démarches nécessaires pour exercer l’option choisie.

26        En conformité avec la pratique de l’employeur, M. Sabourin a expliqué que si l’employé ne fait pas un choix, c’est l’option b) indiqué dans la lettre standard qui sera choisie par défaut. L’option b) prévoit qu’au moment du retour au travail, des retenues sont effectuées sur le salaire pendant une période équivalant au double de la période de congé non payé ouvrant droit à pension. Seule la contribution de l’employé est recouvrée au taux simple.

27        En contre-interrogatoire, il a témoigné qu’il incombe à l’employeur de modifier le codage pour faire le recouvrement de l’arriéré au taux simple avec l’autorité légale de l’employé. Toutefois, il incombe à l’employé de le demander.

28        La preuve a démontré que le 29 octobre 2008, au moment de son retour à temps plein, aucun suivi n’a été fait entre la fonctionnaire et l’employeur relativement aux prestations déficitaires. Ni l’employeur ni la fonctionnaire n’ont tenté de se contacter dans le but de faire un suivi en ce qui concerne les arriérés.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

29        La fonctionnaire allègue que la décision de l’employeur visant à recouvrer les montants en cause constitue une violation directe de l’article 27, Administration de la paye, de la convention collective. Elle demande que l’employeur exerce son pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C. (1985), ch. F-11) (la « LGFP ») et radie la dette.

30        Les circonstances ainsi que la nature même du grief diffèrent considérablement de celles dans Dodd. Le caractère véritable du grief n’est pas lié aux régimes de pensions et prestations supplémentaires de décès. La fonctionnaire est pleinement au courant que la LPFP et ses règlements imposent à toute personne cotisante l’obligation de verser les contributions pour toute période ouvrant droit à pension. Elle est également au courant que cette obligation s’étend aux prestations supplémentaires de décès.

31        Elle était au courant des déficits. Lors d’une absence pour congé de maladie non payé de plus de trois mois, et tel qu’il a été précisé dans la lettre du 25 juin 2003, la période de congé non payé est comptabilisée comme ouvrant droit à la pension lorsqu’aucune option n’est choisie.

32        Le grief ne vise pas à modifier une condition d’emploi prévue par la LPFP, mais à contester la décision unilatérale et volontaire de la conseillère en rémunération de suspendre le recouvrement des arriérés et, surtout, de modifier les codes de paye visant à suspendre les prestations aux régimes de pensions et prestations supplémentaires de décès pendant la période durant laquelle la fonctionnaire effectuait un retour progressif au travail, et qui a duré jusqu’au 4 juillet 2012, date du début du recouvrement de la dette. Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement de griefs, l’employeur a avoué et reconnu que le grief découlait d’une erreur d’administration de la paye. Cette décision a eu pour conséquence d’augmenter exponentiellement le déficit encouru.

33        L’administration de la paye ne touche pas uniquement des questions de salaire versé en trop. Elle peut inclure toute question touchant l’administration des avantages sociaux, comme en fait foi la jurisprudence. Il peut être question d’avantages sociaux accordés en trop par suite d’une erreur ou d’une décision de la part de l’employeur, comme c’est le cas dans les circonstances de cette affaire.

34        Selon la LPFP et ses règlements, un employé n’a pas à payer les contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès pendant un congé non payé. L’employeur s’acquitte de verser les contributions pendant cette période et l’employé doit le rembourser à son retour au travail. En guise de mode de paiement, l’employé peut choisir les retenues salariales pour une période équivalant au double de la période du congé non payé. En réalité, il n’y avait aucun déficit en ce qui concerne le fonds de pension.

35        Ce dossier porte uniquement sur la décision de l’employeur de recouvrer les montants qu’il a volontairement et en toute bonne conscience assumé au nom de la fonctionnaire pendant neuf ans. En réalité, les montants en souffrance que l’employeur veut recouvrer ne résultent pas d’une suspension des contributions comme il le prétend, mais plutôt du fait qu’il n’a jamais assumé ses responsabilités de retenir les cotisations statutaires directement à la source ou à même le salaire de la fonctionnaire.

36        Si l’employeur jouit d’une flexibilité ou d’un pouvoir discrétionnaire pour suspendre un recouvrement pendant neuf ans, il doit nécessairement jouir de cette même flexibilité ou pouvoir quant à son recouvrement. L’employeur possède un pouvoir discrétionnaire quant au recouvrement d’une dette et, selon la disposition pertinente de la LGFP, il n’est pas tenu de recouvrer la dette compte tenu de l’impact du préjudice causé à la fonctionnaire.

37        Les principes de justice et d’équité doivent être la doctrine fondamentale privilégiée dans chacune des décisions prises par l’employeur dans l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires. Il doit exercer ses pouvoirs de façon raisonnable. Ce sont ces mêmes principes qui sont contestés dans le grief.

B. Pour l’employeur

38        À la suite d’une erreur administrative, le code de retenue de pension n’a pas été réactivé dans le système de paye. Le grief traite du recouvrement d’un déficit relativement à des contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès exigées par la LPFP et ses règlements, à l’égard desquels la Commission n’a pas compétence. Il ne s’agit pas d’une question relative à un salaire versé en trop. La LPFP et ses règlements sont clairs. En raison de son statut d’emploi, la fonctionnaire a l’obligation de contribuer aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès du Canada.

39        L’article 113 de la Loi interdit expressément à une convention collective de modifier directement ou indirectement une condition d’emploi établie en vertu de la LPFP. Alors, les questions liées au régime de pensions ont été expressément exclues du processus d’arbitrage puisqu’elles n’ont pu être comprises dans la convention collective.

40        Le caractère véritable du grief porte sur des questions issues de la LPFP et de ses règlements. Il ne s’agit pas d’un grief lié à l’application ou à l’interprétation de la convention collective en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi. Conséquemment, la Commission n’a pas compétence pour entendre le grief.

41        Il soutient qu’il n’existe aucune ambiguïté dans l’intention du Parlement selon laquelle la pension en vertu de la LPFP ne sont pas assujetties à la convention collective et, donc, sont hors de la compétence de la Commission.

42        Enfin, la LGFP ne prévoit aucun pouvoir permettant d’exonérer le fonctionnaire du paiement de ses cotisations de pension et de prestations supplémentaires de décès requis en vertu de la LPFP. Si le déficit en ce qui concerne les contributions de la fonctionnaire n’avait pas été découvert en 2012, il aurait été découvert au moment de sa retraite et les contributions auraient été déduites de toute somme d’argent qui lui aurait été due à ce moment.

43        L’employeur s’est également fondé sur les décisions de la Commission dans Pelletier et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 117 et Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2008 CRTFP 47, pour faire un parallèle avec le régime de dotation de la fonction publique qui est également exempté de la convention collective et hors de la compétence de la Commission en vertu de la Loi.

44        Pour toutes ces raisons, l’employeur demande que le grief soit rejeté.

V. Motifs

45        Je vais d’abord traiter l’objection préliminaire soulevée par l’employeur. Je dois donc décider si la Commission a compétence pour entendre le grief de la fonctionnaire concernant des questions de recouvrement de contributions relatives aux régimes de pensions du Canada et de prestations supplémentaires de décès.

46        L’employeur m’a renvoyé à Dodd, dans laquelle la Commission a abordé la même question, c’est-à-dire l’autorité de l’employeur de recouvrer des arriérés de contributions au régime de pensions découlant d’une erreur administrative de la part de l’employeur. En l’espèce, la fonctionnaire soutient que les faits, les circonstances ainsi que la nature même de son grief diffèrent de ceux dans Dodd.

47        Bien que les faits qui ont mené au dépôt du grief dans Dodd diffèrent du grief de la fonctionnaire, il n’en reste pas moins que le cœur du grief porte sur le recouvrement des contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès. Dans Dodd, le salaire du fonctionnaire avait été augmenté à des fins de reclassification, conformément à la convention collective. Malgré son augmentation de salaire, par suite d’une erreur administrative de l’employeur, le montant de ses contributions au cours de la période en question n’avait pas changé.

48        Par conséquent, les contributions au régime de pensions déduites de sa paye ne correspondaient pas au montant des contributions qu’il devait dans le cadre de son nouveau niveau salarial. Tout comme dans les circonstances donnant lieu au grief de la fonctionnaire, la convention collective ne mentionnait aucunement les taux du régime de pensions ou les déductions statutaires.

49        La Commission a statué que bien que les déductions soient effectuées au moyen du système de la rémunération, il s’agissait d’un recouvrement des arriérés au régime de pensions du fonctionnaire. Il n’y avait aucun lien entre l’article portant sur l’administration de la paye et le recouvrement de l’arriéré des contributions au régime de pensions.

50        La Commission a déterminé que lorsque le caractère véritable d’un grief traite des questions provenant de la LPFP, il ne peut s'agir d'un grief lié à l'application ou à l'interprétation de la convention collective en vertu de l'alinéa 209(1)a) de la Loi. Cette question exige l’interprétation et l’application de la LPFP et de ses règlements et ne relève pas de la compétence de la Commission. L’article 113 de la Loi interdit expressément à une convention collective de modifier directement ou indirectement une condition d’emploi établie en vertu de la LPFP et ses règlements.

51        La  fonctionnaire a fait valoir que le grief ne portait pas sur le recouvrement d’un montant découlant d’une simple erreur de calcul liée à la pension, comme c’était le cas dans Dodd. Selon elle, le grief porte sur le recouvrement d’un montant découlant d’une décision usurpatoire de l’employeur de suspendre les contributions aux avantages sociaux pendant une période complètement déraisonnable de neuf ans.

52        La preuve présentée par les parties contredit  cette position. Le 25 juin 2003, pendant le premier congé de maladie non payé de la fonctionnaire, l’employeur l’a informée de ses options quant au paiement de ses prestations, tel qu’il est prévu dans la LPFP et ses règlements. Selon la LPFP, un employé n’a pas à payer les cotisations de pensions et les cotisations relatives aux prestations supplémentaires de décès pendant un congé non payé. La fonctionnaire pouvait choisir de ne pas compter son congé de maladie comme service ouvrant droit à pension. Aucune preuve n’a été présentée à savoir pourquoi elle n’a pas fait de choix.

53        La fonctionnaire savait que si elle n’effectuait pas un choix, l’option b) allait s’appliquer par défaut. L’option b) prévoit qu’au moment de son retour au travail, il y aurait des retenues salariales pendant une période équivalant au double de la période de congé non payé ouvrant droit à pension. Même si l’employeur s’acquitte de verser les contributions pendant cette période, l’employé doit le rembourser à son retour au travail.

54        En guise de mode de paiement, l’employé peut choisir les retenues salariales pour une période équivalant au double de la période du congé non payé. Même si, en principe, il n’y a aucun déficit dans le fonds de pension, elle doit repayer son employeur, qui a versé les contributions en son nom. Tel qu’il a été mentionné, aux termes de la LPFP et de ses règlements, toute personne cotisante doit rembourser ces sommes lors de son retour au travail. De plus, le 4 avril 2007, la fonctionnaire savait à combien s’élevaient ses prestations déficitaires relatives aux congés utilisés, puisqu’elle avait reçu une note manuscrite de Mme Gauthier. Aucune preuve n’a été présentée à savoir pourquoi elle n’a pas communiqué avec la conseillère en rémunération à ce moment-là.

55        La fonctionnaire a fait valoir que puisque les déductions ont été effectuées au moyen du système de rémunération, la légitimité de ces déductions était visée par l'article 27 de la convention collective portant sur l’administration de la paye. Je ne suis pas d’accord. Elle n'a fourni aucune preuve permettant d'établir un tel lien. Le renvoi à une clause de la convention collective pour démontrer qu'il s'agit d'une question de rémunération n’est pas suffisant, particulièrement lorsque la clause ne contient aucun renseignement sur la pension ou les prestations supplémentaires de décès.

56        L’événement qui a donné lieu au présent grief était la découverte, par la conseillère en rémunération, d’un arriéré remontant à 2003 quant aux prestations de la fonctionnaire. Si l’ACDI n'avait pas mené un examen des données du régime de pensions, de la LPFP et de ses règlements, le présent grief n'aurait pas été soumis. C'est l'avis de la fonctionnaire, selon lequel elle n'aurait pas dû être obligé de verser ces paiements plusieurs années après qu'ils auraient dû être déduits qui a donné lieu au présent grief.

57        Il s'agit clairement d'un grief concernant les obligations liées au paiement de prestations en vertu de la LPFP et de ses règlements. Le libellé du grief conteste la décision de l’employeur d’établir un arriéré en ce qui concerne les régimes de pension et de prestations supplémentaires de décès depuis le mois de mai 2003. La fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de récupérer les sommes dues directement sur sa paye et d’exiger le remboursement de cette somme jusqu’en 2030.

58        Il est évident que le caractère véritable de son grief n'attaque pas le droit de l'employeur d’effectuer des déductions salariales, mais le droit de l'employeur de recouvrer des arriérés des contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès.

59        En l'espèce, la preuve établit clairement que les préoccupations de la fonctionnaire étaient liées à son obligation de verser des paiements supplémentaires en vue de régler l’arriéré en ce qui concerne ses contributions aux régimes de pensions et de prestations supplémentaires de décès. Elle n'a présenté aucune preuve établissant l'existence d'un lien entre la convention collective et les contributions qui ne vont pas à l’encontre de l'article 113 de la Loi.

60        Dans Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20, la Commission a statué que les questions liées au régime de pensions ont été expressément exclues du processus d’arbitrage puisque c’est une condition d’emploi qui a été ou pourrait être établie en vertu de la LPFP. C’est pourquoi elles n’ont pu être comprises dans la convention collective.

61        L’article 113 de la Loi prévoit qu’une convention collective ne peut modifier de façon directe ou indirecte  une condition d’emploi établie par la LPFP :

Réserves

113 La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir :

a) une condition d’emploi de manière que cela nécessiterait l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) une condition d’emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État.

62        La Commission n'a aucune compétence, inhérente ou explicite, de rendre une décision  qui exigeraient une modification à la convention collective (voir l’article 229 de la Loi). En fait, aucune convention collective ne peut modifier la LPFP et ses règlements ou n’importe quelle autre loi.

63        Par conséquent, la jurisprudence mentionnée par la fonctionnaire, soit : Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences); Conlon, Hoffer, et Patrick c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada); et Lapointe c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), qui portesur les questions de salaire perçu en trop n’est pas pertinente à la détermination de la présente question.

64        En l’espèce, il ne s’agit pas d’une question de salaire ou d’autres avantages sociaux perçus en trop par suite d’une erreur ou d’une décision unilatérale de l’employeur. Il s’agit d’une question directement liée au régime de pensions du Canada. Ce n’est donc pas une question qui relève de l’interprétation ou de l’application de la convention collective en vertu de l’article 209(1)(a) de la Loi.

65        Bien que j’aie de l’empathie pour la plaignante, la preuve démontre clairement qu’elle était au courant des montants déficitaires dès son premier retour au travail progressif. À l’audience, elle a reconnu que lorsque l’on doit 54 000 $, on ne court pas après. Elle n’a présenté aucune preuve à savoir pourquoi elle n’a pas fait, ou ne pouvait faire, de choix en ce qui concerne ses contributions lors de son congé de maladie.

66        Malgré le manque de diligence de la fonctionnaire dans cette affaire, il aurait été souhaitable et prudent que l’employeur communique à nouveau avec elle au début de chaque période de congé de maladie non payé pour l’informer des conséquences du non-paiement de ses prestations.

67        En fonction des faits en l’espèce et du régime législatif actuel, et tel qu’il a été statué dans Dodd, la Commission ne peut exiger une modification à la convention collective afin d'assujettir le régime de pensions et prestations supplémentaires de décès établi en vertu de la LPFP et de ses règlements à l'article 27 de la convention collective. Ayant déterminé que la Commission n’a pas compétence, je ne peux  statuer sur le fond du grief de la fonctionnaire.

68        Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

69        J’accueille l’objection de l’employeur concernant la compétence de la Commission.

70        J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 2 décembre 2016.

Chantal Homier-Nehmé,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique

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