Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés contestent l’application par l’employeur de la disposition sur l’indemnité de rappel au travail lorsqu’il sont rappelés plus qu’une fois dans une période de 8 heures - l’arbitre de grief a rejeté l’argument des fonctionnaires s’estimant lésés voulant que l’interprétation de l’employeur produise un résultat absurde – bien que les fonctionnaires s’estimant lésés aient fait valoir que leur interprétation était plus compatible avec l’intention des parties consistant à rémunérer adéquatement les employés rappelés au travail, ils n’ont présenté aucune preuve concernant l’historique des négociations ou les pratiques passées – en interprétant la clause selon son sens ordinaire, l’arbitre de grief était d’avis que la phrase « jusqu’à concurrence de huit (8) heures » était claire, non ambiguë et qu’elle appliquait un maximum de 8 heures de rémunération au calcul prescrit par la phrase qui précède – bien que la phrase précédente applique le tarif des heures supplémentaires afin de calculer le montant en guise de rémunération, en vertu de la deuxième partie de la clause, ce montant est plafonné à 8 heures de rémunération au tarif simple – le plafond de 8 heures de rémunération ne peut renvoyer qu’au montant atteint une fois que l’employeur a fait le calcul nécessaire en vertu de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective – l’interprétation proposée par les fonctionnaires s’estimant lésés aurait pour effet d’y ajouter les termes « heures créditées », que ne s’y trouvent pas, violant ainsi l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – l’interprétation de l’employeur s’accorde plus avec le sens ordinaire de la clause et n’aboutit à aucune absurdité apparente – cependant, il y avait un débat entre les parties à savoir si l’employeur avait effectivement payé à deux des fonctionnaires s’estimant lésés les montants qu’il avait lui-même reconnu leur devoir et l’arbitre de grief a abordé cette question dans son ordonnance. Griefs 566-02-3432, 3433 et 3435 rejetés. Griefs 566-02- 3434, 3436 et 3437 accueillis en partie.

Contenu de la décision

  • Date: 2015-11-25
  • Dossier: 566-02-3432 à 3437
  • Référence: 2015 CRTEFP 90

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SYLVAIN DUBÉ, PIERRE DURETTE ET KEVIN PITON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Dubé et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Raphaëlle Laframboise﷓Carignan, avocate
Pour l'employeur:
Simon Cossette, stagiaire
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 12 novembre et les 3 et 10 décembre 2013, et les 11 et 21 septembre 2015.

1 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) dans sa version antérieure à cette date.

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

2 Les fonctionnaires s’estimant lésés, Sylvain Dubé, Pierre Durette et Kevin Piton (les « fonctionnaires ») sont tous des employés du ministère de la Défense nationale (l’« employeur »). Ils ont déposé des griefs concernant l’application par l’employeur de l’article 30 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services de l’exploitation, laquelle expirait le 4 août 2011 (la « convention collective »).

3 L’article 30 de la convention collective se lit comme suit :

ARTICLE 30 – INDEMNITÉ DE RAPPEL AU TRAVAIL

[…]

30.01 Si l'employé-e est rappelé au travail :

a) un jour férié désigné payé qui n'est pas un jour de travail prévu,

ou

b) un jour de repos,

ou

c) après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail, il ou elle touche le plus élevé des deux (2) montants suivants :

(i) une rémunération égale à trois (3) heures de travail calculées au tarif des heures supplémentaires pour chaque rappel jusqu'à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d'une période de huit (8) heures,

ou

(ii) une rémunération au tarif des heures supplémentaires pour les heures effectuées,

à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l'employé-e.

[…]

4 Il n’y a pas de litige entre les parties concernant le droit des fonctionnaires à l’indemnité de rappel au travail puisque dans les cas qui font l’objet des griefs, tous les fonctionnaires ont été rappelés au travail après avoir terminé leur journée de travail. De plus, il ne semble pas y avoir de litige concernant la méthode de calcul pour établir la période de 8 heures aux fins de ces griefs. Les parties ont affirmé être d’accord avec l’application de l’article 30 de la convention collective lorsqu’un seul rappel au travail a lieu dans une période de 8 heures.

5 Les parties sont en désaccord au sujet de l’interprétation de la partie suivante de la clause 30.01c)(i) de la convention collective : « […] jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d’une période de huit (8) heures […] » lorsqu’il y a deux rappels ou plus pendant une période de 8 heures. Selon l’employeur, cette clause fixe une limite de 8 heures de rémunération à taux simple si plusieurs rappels ont lieu pendant une période de 8 heures. Les fonctionnaires contestent cette interprétation. Ils sont en désaccord avec la méthode de calcul des heures afin d’établir la limite ainsi qu’avec l’argument de l’employeur voulant que les 8 heures soient payées à taux simple.

6 Les parties se sont entendues de procéder par voie de soumissions écrites.

II. Résumé de la preuve

7 Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits (ECF). Comme j’y ferai référence au cours du résumé de la preuve, il n’y a pas lieu de le reproduire au complet.

8 M. Dubé est classifié au groupe et au niveau GL-INM-10. Il effectue son travail selon un horaire de travail normal. Le 15 mai 2009, après avoir travaillé une journée complète de travail, il a été rappelé au travail à deux reprises, soit de 16 h 20 à 16 h 30 et de 22 h à 23 h, pour un total d’une heure et 10 minutes dans une période de 8 heures consécutives. Dans sa réponse au grief, l’employeur a expliqué avoir payé M. Dubé 8 heures à taux simple pour les deux rappels au travail puisque les deux rappels ont eu lieu dans une période de 8 heures. Selon l’employeur, le premier rappel devait être payé conformément à la clause 30.01(c)(i) de la convention collective, ce qui donnait à M. Dubé une rémunération égale à 4,5 heures (3 heures de travail à taux et demi). L’employeur a alors calculé la rémunération pour le deuxième rappel au travail à 4,5 heures, conformément à son interprétation de la clause 30.01(c)(i). Toutefois, vu que le total de 9 heures de rémunération pour les deux rappels excédait le plafond de 8 heures, l’employeur a appliqué le plafond et a payé M. Dubé pour 8 heures à taux simple, plutôt qu’au tarif des heures supplémentaires applicable.

9 M. Durette est classifié au groupe et au niveau GL-COI-10. Il effectue son travail selon un horaire de travail variable. Il a déposé quatre griefs, lesquels contestent tous l’application de l’article 30 de la convention collective par l’employeur pour plusieurs dates auxquelles il a été rappelé au travail.

10 Dans son premier grief (dossier de la CRTFP 566-02-3436), M. Durette conteste sa rémunération pour le travail accompli le 4 octobre 2008, alors qu’il a été rappelé au travail après avoir terminé une journée complète de travail. Selon l’ECF, il a travaillé la première fois de 15 h à 16 h, la deuxième fois de 20 h 30 à 21 h et la troisième fois de 22 h à 22 h 30, soit un total de 2 heures. L’employeur a d’abord calculé la rémunération de la même façon que pour M. Dubé, soit en appliquant le plafond et en rémunérant M. Durette 8 heures à taux simple pour le travail effectué pendant les trois rappels. Toutefois, selon l’ECF, après avoir déposé son grief, l’employeur a avisé M. Durette qu’il « corrigerait » la situation afin de lui accorder 13,25 heures à taux simple pour le travail accompli pendant les trois rappels. Selon la réponse de l’employeur au grief, M. Durette a été payé 8 heures au tarif simple pour les deux premiers rappels, et au tarif et trois quarts pour le troisième rappel, soit un total de 8,87 heures. Comme M. Durette effectuait son travail selon un horaire de travail variable, il aurait dû être payé au tarif et trois quarts (clause 28.06(d) de la convention collective). Les employés travaillant selon un horaire de travail normal sont payés au tarif et demi. Dans leurs arguments écrits, les fonctionnaires ont nié que la rémunération supplémentaire avait été accordée à M. Durette.

11 Le deuxième grief de M. Durette concerne le travail effectué le 10 janvier 2009 (dossier de la CRTFP 566-02-3435). Il a été rappelé au travail à trois reprises et a travaillé les heures suivantes : 10 h 30 à 11 h 30; 17 h 45 à 18 h et 19 h à 22 h, soit un total de 4 heures et 15 minutes. L’employeur a d’abord appliqué le plafond et lui a payé 8 heures à taux simple pour les trois rappels. Après le dépôt du grief, l’employeur a fait un nouveau calcul et a payé M. Durette 13,25 heures à taux simple. L’employeur a calculé ce chiffre en appliquant le plafond pour les deux premiers rappels, pour un total de 8 heures à taux simple. Pour le troisième rappel, l’employeur a payé 5,25 heures. Bien que les parties ne l’aient pas clairement énoncé dans leurs arguments écrits, je comprends que le troisième rappel a été calculé de cette façon puisqu’il a eu lieu en dehors de la plage de 8 heures pour les rappels, soit une demi-heure suivant cette plage. Les fonctionnaires n’ont pas fait valoir que M. Durette n’avait pas été payé selon les heures « corrigées ».

12 Le troisième grief de M. Durette concerne deux rappels au travail, le 27 juin 2009, dans une période de 8 heures consécutives (dossier de la CRTFP 566-02-3434). Il a travaillé la première fois de 18 h 30 à 20 h 30 et la deuxième fois de 20 h 30 à 22 h 30. L’employeur a calculé la rémunération de M. Durette comme étant 3 heures pour chacun des rappels au tarif et trois quarts, pour un total de 10,50 heures (5,25 heures pour chaque rappel). Comme ce total dépassait la limite de 8 heures, l’employeur a payé M. Durette 8 heures à taux simple pour le travail effectué.

13 Le quatrième grief de M. Durette concerne trois rappels au travail le 19 juillet 2009 (dossier de la CRTFP 566-02-3433), de 8 h à 9 h, de 11 h 45 à 12 h 45 et de 13 h 45 à 15 h 45, pour un total de 4 heures. Selon l’ECF, M. Durette a été payé 8 heures à taux simple pour les deux premiers rappels, et 2 heures à tarif et trois quarts pour le troisième rappel. Selon la réponse de l’employeur au grief, pour les deux premiers rappels, M. Durette a été payé 8 heures conformément à la clause 30.01(c)(i) de la convention collective, soit 5,25 heures pour chaque rappel (3 heures au tarif et trois quarts); le plafond de 8 heures a été appliqué. La réponse au grief indique aussi que le troisième rappel a été payé conformément à la clause 30.01(c)(ii) de la convention collective. Cela a poussé M. Durette à déposer un grief contestant sa rémunération pour les deux premiers rappels.

14 M. Piton est classifié au groupe et au niveau GL-EIM-09. Il effectue son travail selon un horaire de travail variable. Il a déposé un seul grief contestant sa rémunération pour le travail qu’il a effectué sur deux jours différents (dossier de la CRTFP 566-02-3437). Le 24 août 2007, il a été rappelé au travail à deux reprises et a travaillé de 20 h à 21 h et de 21 h 30 à 23 h, pour un total de 2,5 heures. Selon le calcul de l’employeur, chacun de ces rappels serait payé pour 3 heures au tarif et trois quarts, soit 5,25 heures pour chaque rappel, pour un total de 10,50 heures. Comme la limite de 8 heures était dépassée, l’employeur a payé M. Piton 8 heures à taux simple. Le 25 août 2007, M. Piton a été rappelé au travail à deux reprises, soit de 12 h 30 à 13 h 30 et de 15 h à 17 h, pour un total de 3 heures. Encore une fois, l’employeur a appliqué la limite de 8 heures et, par conséquent, M. Piton a été payé 8 heures à taux simple.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

15 Les fonctionnaires ont fait valoir que le calcul de la limite de 8 heures de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective devrait être basé sur ce qu’ils appellent des heures « créditées », qui renvoient aux 3 heures accordées pour chaque rappel dans cette clause. Selon les fonctionnaires, un employé qui est rappelé au travail à deux reprises dans une période de 8 heures n’aurait atteint que 6 heures « créditées » (3 heures pour chacun des deux rappels) peu importe la durée de son travail et le total des heures à lui être payé à la suite de l’application de la clause 30.01(c)(i).

16 En revanche, la méthode de l’employeur visant à calculer le plafond de 8 heures consiste à totaliser le nombre d’heures à être payé une fois que les heures travaillées pendant un rappel ont été majorées par le tarif supplémentaire applicable. La méthode de calcul de l’employeur est clairement étayée au paragraphe 5 de cette décision.

17 Au paragraphe 46 de leurs arguments écrits, les fonctionnaires ont donné l’exemple d’un employé rappelé à deux reprises dans une période de 8 heures et qui travaille 2 heures à chaque rappel. Selon les fonctionnaires, conformément à la clause 30.01(c)(i) de la convention collective, dans le cas d’un employé dont le tarif des heures supplémentaires est à tarif et demi, ce dernier devrait avoir droit à une rémunération de 3 heures au tarif et demie, pour un total de 4,5 heures. Le même calcul devrait être appliqué au deuxième rappel. Par conséquent, l’employé aurait droit à une rémunération de 9 heures au tarif simple. Selon les fonctionnaires, la limite de 8 heures ne serait pas applicable puisqu’il n’y avait que 6 heures « créditées » pour les deux rappels, donc en deçà du plafond de 8 heures. Les fonctionnaires ont fait valoir qu’en calculant la rémunération conformément à la clause 30.01(c)(i), la limite de 8 heures ne devrait s’appliquer que lorsque les heures « créditées » excèdent la limite. Ils ont ajouté que cette limite ne devrait pas être appliquée au total lorsque le tarif supplémentaire est calculé.

18 Le paragraphe 7 des arguments écrits des fonctionnaires contient un tableau illustrant leur interprétation des clauses applicables ainsi que celle de l’employeur, selon plusieurs scénarios. Le premier scénario indique que les parties s’accordent sur l’interprétation de l’article 30 lorsqu’il n’y a qu’un rappel au travail.

19 Le deuxième scénario est celui décrit au paragraphe 16 de cette décision, soit l’employé qui est rappelé à deux reprises dans une période de 8 heures. Le troisième scénario concerne le même employé, mais qui, cette fois-ci, est rappelé une troisième fois. Selon ce scénario, l’employé a travaillé deux heures au cours de chacun des deux premiers rappels et une heure au troisième rappel. Selon les fonctionnaires, pour les deux premiers rappels, l’employé devrait avoir droit à une rémunération au tarif supplémentaire pour 3 heures, soit un total de 6 heures « créditées » au tarif supplémentaire; par conséquent, un solde de 2 heures serait disponible par rapport à la limite de 8 heures pour les deux premiers rappels. Les fonctionnaires reconnaissent que l’employé atteindrait alors la limite de 8 heures lors du troisième rappel, mais ils ont fait valoir que les 8 heures devraient être payées au tarif des heures supplémentaires, plutôt qu’au tarif simple.

20 Selon le dernier scénario, le même employé est rappelé au travail une quatrième fois pour une période d’une heure. Selon les fonctionnaires, ce rappel devrait être rémunéré selon la clause 30.01(c)(ii) de la convention collective et l’heure réellement effectuée devrait être rémunérée au taux des heures supplémentaires.

21 Selon les fonctionnaires, un arbitre de grief doit appliquer les termes choisis par les parties à la convention collective; il doit donner aux mots leur sens ordinaire et éviter de chercher l’intention des parties au-delà de ce sens. Les droits ou les obligations des parties découlent du libellé de la convention collective, à moins que son sens ordinaire n’aboutisse à une incongruité ou à un résultat absurde. À l’appui de cet argument, les fonctionnaires ont cité Alliance de la Fonction publique du Canada c. Centre de la sécurité des télécommunications, 2009 CRTFP 121, au paragraphe 162, et Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, Canada Law Book, au paragraphe 4:2110.

22 Selon les fonctionnaires, l’article 30.01 de la convention collective énonce de façon claire l’intention des parties en ce qui a trait au paiement de l’indemnité de rappel au travail. L’intégration de cette clause avait pour but d’assurer que les employés soient indemnisés adéquatement lorsqu’ils sont rappelés au travail (Brown & Beatty, au paragraphe 8:3410). Les fonctionnaires ont fait valoir que les parties sont d’accord que l’indemnité de rappel a pour but d’indemniser l’employé pour les désagréments et les bouleversements occasionnés par le fait de devoir retourner au travail après la journée normale de travail. De plus, il s’agit un moyen de s’assurer que l’employé rentre au travail comme prévu. Les parties ont veillé à ce qu’il y ait un minimum de rémunération, soit 3 heures pour chaque rappel.

23 Les fonctionnaires ont soutenu que l’intention des parties appuie leur interprétation de l’article 30.01 de la convention collective.

24 Selon les fonctionnaires, le libellé de l’article 30.01 de la convention collective ne cherche pas à restreindre la rémunération de l’employé, mais plutôt d’offrir le montant le plus élevé. Ils ont fait valoir que l’interprétation de l’employeur, selon lequel la limite de 8 heures est appliquée aux heures majorées, ne tient pas compte du libellé de l’article 30.01 et va à l’encontre de l’intention des parties en pénalisant les employés. Les fonctionnaires ont de plus plaidé que dans les quatre scénarios, l’employeur avait payé les employés au tarif simple lorsque le plafond de 8 heures était appliqué, ce qui contrevient la convention collective.

25 Les fonctionnaires ont de plus fait valoir que l’interprétation de l’employeur de l’article 30.01 de la convention collective aboutissait à une absurdité. Les fonctionnaires ont donné comme exemple un employé rappelé à deux reprises dans une période de 8 heures et qui travaillerait 2 heures pour chacun des rappels. Selon l’interprétation de l’employeur, l’employé ne serait payé que 8 heures au tarif simple, comme un employé qui a travaillé une journée normale de travail et qui n’a pas été dérangé deux fois pour retourner au travail.

B. Pour l’employeur

26 L’employeur a nié avoir enfreint la convention collective en l’espèce. Il a fait valoir qu’il incombait aux fonctionnaires de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait enfreint la convention collective. À l’appui de cet argument, il a cité : Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 100, aux paragraphes 19 et 21; Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 53, au paragraphe 20; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, aux paragraphes 46 et 49.

27 En interprétant une convention collective, un arbitre de grief doit chercher le sens ordinaire des mots utilisés par les parties et s’abstenir de modifier les dispositions de la convention collective qui sont claires. Le fait qu’une disposition puisse paraître injuste n’est pas un motif valable pour ignorer une disposition autrement claire. À cet égard, l’employeur a cité : Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, paragraphe 25; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51.

28 L’employeur a fait valoir que chaque mot devait être interprété de manière à recevoir un sens que lui est propre afin d’éviter toute redondance (voir Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34, au paragraphe 21; Tamborriello c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2006 CRTFP 48, au paragraphe 40). Des termes qui ne sont pas identiques doivent recevoir un sens différent (voir White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 40, au paragraphe 35, confirmé dans 2004 CF 1017; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 19). Inversement, à moins d’indication contraire, des termes identiques ont un sens identique (voir Kreway c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 172, au paragraphe 67).

29 L’employeur était d’accord avec les fonctionnaires concernant le but de l’article 30.01 de la convention collective. Selon l’employeur, cet article permet à un employé qui est rappelé au travail de recevoir une rémunération adéquate pour les désagréments occasionnés, limitée à un maximum de 8 heures de rémunération sur une période de 8 heures.

30 L’employeur a fait valoir qu’il n’était pas anodin que la première partie de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective utilise la formulation « une rémunération égale à trois (3) heures de travail calculées au tarif des heures supplémentaires » alors que la deuxième partie ne fait mention que d’une simple « rémunération de huit heures ». L’interprétation de ces phrases doit signifier quelque chose et toute redondance doit être évitée (voir Stevens, au paragraphe 21 et Tamborriello, au paragraphe 40). L’employeur a fait valoir que dans les circonstances, ces deux phrases doivent avoir un sens différent. Si les parties avaient voulu que le maximum de 8 heures soit déterminé en fonction des heures créditées, ils auraient utilisé la même terminologie pour décrire la rémunération maximale et minimale (voir White, au paragraphe 35 et Institut professionnel de la fonction publique du Canada, au paragraphe 19).

31 Lorsque des termes similaires sont utilisés à l’intérieur d’une même convention collective, ils doivent recevoir une définition identique. Le terme « rémunération » tel qu’utilisé dans la clause 30.01(c)(i) de la convention collective doit avoir le même sens que celui qu’il a toujours eu dans la convention collective, c’est-à-dire la somme des heures au tarif normal (voir Kreway, au paragraphe 67).

32 Le fait d’interpréter le plafond de 8 heures comme étant payable au tarif des heures supplémentaires équivaut à accorder un avantage comportant un coût financier pour l’employeur. L’employeur a fait valoir qu’un tel avantage n’a pas été clairement et expressément stipulé dans la convention collective (voir Wamboldt, au paragraphe 27).

33 L’interprétation des fonctionnaires aurait pour effet de modifier le libellé de la convention collective, contrairement à l’article 229 de la LRTFP. Selon l’employeur, l’interprétation des fonctionnaires substituerait les termes « huit heures de rémunération » par « huit heures de rémunération au tarif des heures supplémentaires ».

34 L’employeur n’est pas d’accord avec le fait que son interprétation aboutisse à un résultat absurde. Il n’est pas absurde d’accorder une rémunération de 8 heures à un employé qui a effectué moins de 8 heures de travail. Par exemple, un employé rappelé deux fois au travail, à raison de 2 heures par rappel, aurait droit à une rémunération de 8 heures, alors qu’il n’a réellement travaillé que 4 heures. L’employeur a fait valoir que ce qui constitue une absurdité a été défini par la jurisprudence. À l’appui de cet argument, il m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 46, au paragraphe 15, qui se lit comme suit :

15 Le critère qui s’applique aux fins de conclure que le libellé ordinaire choisi par les parties mène à un résultat absurde qui doit être écarté est rigoureux. Le sens ordinaire des mots doit donner lieu à un résultat qui ne permet d’atteindre aucun objectif lié aux relations de travail et qui n’est justifié par aucune raison cohérente à ce chapitre. Le résultat doit être par ailleurs impraticable : Mitchnik et al., Leading Cases on Labour Arbitration, vol. 3; Ontario Finnish Resthome Assn. v. Service Employees International Union, Local 268, 2004] O.L.A.A. No. 371 (QL); Canada Post Corporation v. Canadian Union of Postal Workers, (1993) 34 L.A.C. (4e) 139.

35 En terminant, l’employeur a fait valoir que son interprétation respectait l’intention des parties et qu’il garantissait à un employé une rémunération adéquate lors d’un rappel au travail.

C. Réplique des fonctionnaires

36 Dans leur réplique, les fonctionnaires ont nié que MM. Durette et Piton avaient reçu une rémunération additionnelle à la suite du dépôt de leurs griefs.

37 Les fonctionnaires ont fait valoir que l’expression « huit (8) heures de rémunération » est neutre et signifie tout simplement qu’un employé ne peut être rémunéré pour plus de 8 heures de travail au taux des heures supplémentaires dans une période de 8 heures. Pour les fonctionnaires, la phrase « huit (8) heures de rémunération » signifie réellement 8 heures de travail.

38 Les fonctionnaires ont fait valoir que l’interprétation de l’employeur était incohérente et allait à l’encontre de l’objectif de l’article.

IV. Arguments supplémentaires

39 Le 5 août 2015, j’ai demandé aux parties de clarifier certains points concernant ces griefs par voie de soumissions écrites supplémentaires. Les deux premiers points concernaient le calcul par l’employeur de la rémunération de M. Durette pour le 4 octobre 2008 et le 19 juillet 2009. Le troisième point concernait une précision, par les fonctionnaires, d’une question soulevée dans le tableau figurant dans leurs arguments initiaux.

40 En ce qui a trait au 19 juillet 2009, la clarification demandée visait la méthode de calcul de l’employeur pour le troisième rappel au travail. L’employeur a expliqué qu’après les deux premiers rappels, M. Durette avait atteint la rémunération maximale auquel il avait droit en vertu de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective. L’employeur a donc payé M. Durette selon la clause 30.01(c)(ii) de la convention collective puisque s’il avait calculé le montant conformément à la clause 30.01(c)(i), M. Durette n’aurait eu droit à aucune rémunération pour le troisième rappel. Dans leur argument supplémentaire, les fonctionnaires ont soumis que le troisième rappel aurait aussi dû être payé selon la clause 30.01(c)(i).

41 En ce qui concerne le calcul pour le 4 octobre 2008, l’employeur a reconnu avoir fait une erreur lors du premier calcul ainsi que lors du calcul effectué suivant le dépôt du grief. L’employeur a maintenu qu’il avait correctement calculé le troisième rappel de M. Durette lors de la réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Les fonctionnaires ont réitéré leurs arguments initiaux ayant trait au calcul du montant dû à M. Durette.

42 Pour ce qui est du tableau inclus par les fonctionnaires dans leurs arguments écrits initiaux pour illustrer leur interprétation des clauses applicables, la clarification demandée portait sur la façon de rémunérer un quatrième rappel au travail dans une période de huit heures. Les fonctionnaires ont soumis que le quatrième rappel serait rémunéré selon la clause 30.01(c)(ii) de la convention collective. L’employeur a souligné qu’il était d’accord avec l’interprétation des fonctionnaires concernant la clause applicable au quatrième rappel. Toutefois, l’employeur est en désaccord avec le montant total calculé par les fonctionnaires pour le troisième rappel.

V. Motifs

43 Le litige entre les parties concerne l’application de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective lorsqu’un employé est rappelé au travail à plusieurs occasions dans une période de 8 heures. Comme l’a souligné l’employeur, il incombe aux fonctionnaires de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a mal appliqué les dispositions de la convention collective. Pour les motifs qui suivent, j’estime que les fonctionnaires n’ont pas réussi à s’acquitter du fardeau qui leur incombait.

44 Dans leurs arguments, les fonctionnaires ont fait valoir leur interprétation de la clause en litige. Ils ont présenté plusieurs scénarios, au moyen d’un tableau, afin de souligner la différence des résultats découlant de leur interprétation de la clause en question et de celle de l’employeur. Tout comme l’employeur, les fonctionnaires ont fait valoir que je devais appliquer les termes utilisés par les parties dans la convention collective selon leurs sens ordinaire, à moins que cela produise une incongruité ou un résultat absurde. Selon les fonctionnaires, l’intention des parties était de rémunérer adéquatement les employés rappelés au travail et que cette intention était clairement stipulée à la clause 30.01(c)(i) de la convention collective. Pour les fonctionnaires, l’interprétation de l’employeur allait à l’encontre de l’intention des parties et a produit un résultat absurde. Ils ont donné l’exemple suivant : un employé qui serait rappelé à deux reprises dans une période de 8 heures, à raison de 2 heures de travail par rappel, ne serait payé que 8 heures au tarif simple, tout comme un employé qui a travaillé une journée normale de travail. Je constate que cet exemple est basé sur les faits du grief de M. Durette concernant la journée du 27 juin 2009.

45 Je ne vois pas d’absurdité dans l’exemple des fonctionnaires. L’employé dont le tarif des heures supplémentaires est à temps et demi aurait été payé l’équivalent de temps double pour le travail effectué et il est donc difficile de conclure qu’un tel résultat constitue une absurdité. Bien que les fonctionnaires puissent avoir l’impression que l’employé en question n’a pas été indemnisé adéquatement, je ne puis conclure qu’il s’agit en l’occurrence d’un résultat absurde.

46 J’ai examiné les autres griefs et les arguments devant moi afin de déterminer si les situations contestées par les griefs aboutissaient à une absurdité. J’en conclus que non. Je note qu’à l’exception d’un des griefs de M. Durette, les fonctionnaires n’ont pas allégué directement qu’aucune autre situation ayant fait l’objet des griefs n’avait abouti à une absurdité.

47 À titre d’exemple, M. Dubé a été rappelé au travail à deux reprises le 15 mai 2009, il a travaillé un total d’une heure et 10 minutes et il a été payé 8 heures au tarif simple. Je ne puis conclure que cette situation a produit un résultat absurde.

48 En ce qui a trait aux trois autres griefs présentés par M. Durette, je ne puis conclure que l’application par l’employeur de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective a abouti à une absurdité. Le 4 octobre 2008, M. Dubé a été rappelé au travail à trois reprises, il a travaillé un total de 2 heures et il a d’abord été payé un montant équivalent à 8 heures de travail. Même en mettant de côté les prétentions de l’employeur voulant qu’il ait corrigé et augmenté la rémunération accordée à M. Dubé (ce que nient les fonctionnaires), je n’y vois aucune absurdité.

49 En ce qui a trait au deuxième grief de M. Durette, la preuve a démontré que, le 10 janvier 2009, ce dernier a été rappelé au travail trois fois, qu’il a travaillé un total de 4 heures et 15 minutes et qu’il a été payé pour 8 heures de travail avant de déposer son grief. L’employeur a de nouveau prétendu que, à la suite du dépôt du grief, il a modifié la rémunération accordée à M. Durette en l’augmentant à 13,25 heures à temps simple. Dans un cas comme dans l’autre, je ne vois aucune absurdité dans un tel résultat.

50 Le dernier grief de M. Durette a trait au travail qu’il a effectué le 19 juillet 2009 et indique que pour trois rappels au travail, il a travaillé un total de 4 heures. Pour les deux premiers rappels, lesquels totalisent 2 heures de travail, il a été payé 8 heures à taux simple. Pour le troisième rappel, totalisant 2 heures de travail, il a été payé au taux des heures supplémentaires. Je ne conçois aucune absurdité dans le fait que M. Dubé ait été payé pour plus de 11 heures pour 4 heures de travail effectuées.

51 En ce qui a trait au grief de M. Piton concernant le travail effectué les 24 et 25 août 2007, la preuve a démontré que le 24 août, il a travaillé 2,5 heures et a été payé 8 heures à taux simple. Le 25 août, il a été rappelé au travail à deux reprises et a travaillé un total de 3 heures, pour lequel il a été payé 8 heures à taux simple. De nouveau, je ne vois rien d’absurde dans ces résultats.

52 Bien que les fonctionnaires aient plaidé que leur interprétation était la plus compatible avec l’intention des parties lors de la négociation de la convention collective, ils n’ont présenté aucune preuve concernant l’historique des négociations ou les pratiques passées. Bien que j’accepte la proposition des fonctionnaires voulant que l’intention de la clause en question soit de rémunérer adéquatement les employés qui sont rappelés au travail, une telle rémunération doit se trouver dans la clause applicable de la convention collective.

53 En interprétant la clause en question selon son sens ordinaire, je suis d’avis que la phrase « jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d’une période de (8) heures » modifie la phrase précédente, « une rémunération égale à trois (3) heures de travail au tarif des heures supplémentaires ».

54 J’estime qu’à titre de modification, la phrase « jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d’une période de (8) heures » est claire, non ambiguë et applique un maximum de 8 heures de rémunération au calcul prescrit par la phrase qui précède. Bien que la phrase précédente applique le tarif des heures supplémentaires afin de calculer le montant en guise de rémunération, en vertu de la deuxième partie de la clause ce montant est plafonné à 8 heures de rémunération au tarif simple. J’accepte l’argument de l’employeur qu’il y a une raison pour laquelle la première partie de la clause précise que le tarif des heures supplémentaires est utilisé tandis que la deuxième partie de la clause n’en fait pas mention. Je conclus que le plafond de 8 heures de rémunération ne peut renvoyer qu’au montant atteint une fois que l’employeur a fait le calcul nécessaire en vertu de la clause 30.01(c)(i) de la convention collective, c’est-à-dire lorsqu’il aurait multiplié les 3 heures par le tarif des heures supplémentaires applicable à l’employé afin d’arriver à un montant en guise de rémunération. C’est ce montant qui est plafonné à 8 heures aux fins de la clause 30.01(c)(i).

55 Je suis aussi d’accord avec l’argument de l’employeur que l’interprétation de la clause proposée par les fonctionnaires aurait pour effet d’y ajouter des mots qui ne s’y trouvent pas, violant ainsi l’article 229 de la LRTFP. En effet, les fonctionnaires ont à plusieurs reprises fait valoir que le plafond de 8 heures devrait être basé sur des heures « créditées », un terme dont il n’est pas question dans l’article en question. Je suis d’avis que l’interprétation de l’employeur s’accorde plus avec le sens ordinaire de la clause et qu’elle n’aboutit pas à des absurdités apparentes. Si l’intention des parties était celle proposée par les fonctionnaires, ils auraient dû rédiger le texte de façon à veiller à ce qu’un tel résultat soit clairement exprimé.

56 Tel qu’il est mentionné plus tôt dans cette décision, il y avait un débat entre les parties à savoir si l’employeur avait effectivement payé à MM. Dubé et Piton les montants que l’employeur avait lui-même reconnu qu’il leur devait. J’ai traité cette question dans l’ordonnance.

57 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VI. Ordonnance

58 Les griefs 566-02-3432, 566-02-3433 et 566-02-3435 sont rejetés.

59 Les griefs 566-02-3434, 566-02-3436 et 566-02-3437 sont accueillis en partie. J’ordonne à l’employeur de recalculer les montants payés pour les rappels au travail dans ces griefs selon la teneur de cette décision.

60 Je demeure saisi de ces griefs pour une période de 60 jours de la date de cette décision pour résoudre toute question découlant de l’exécution de la présente décision.

Le 25 novembre 2015.

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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