Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était employé à titre d’agent des services frontaliers – il a prétendu que la suspension sans solde de 75 heures imposée à son encontre à la suite d’une contravention alléguée de son code de conduite et de son code de valeurs et d’éthique était excessive – le fonctionnaire s’estimant lésé a accepté des billets gratuits à un concert d’Elton John après avoir dédouané l’avion de la vedette à son arrivée au Canada – on avait dit deux fois avant l’événement au fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas accepter de cadeaux ni de billets si on lui en offrait – la preuve a montré que le fait d’accepter ces billets ne constituait pas un manque de jugement momentané puisqu’il a cherché à les obtenir activement et de façon répétée – le code de conduite de l’employeur est bien clair quant au type de don qu’un agent peut accepter dans le cadre de ses fonctions – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas reconnu l’ampleur de ses actions et de l’incidence qu’elles avaient eue sur la réputation de l’employeur – accepter les billets aurait pu engendrer un conflit d’intérêts et n’aurait pas résisté à l’examen minutieux du public – il n’était pas pertinent qu’il ait obtenu les billets après avoir achevé le dédouanement de l’avion et avoir quitté son lieu de travail – il existe un lien clair entre les billets et la façon dont il a exercé ses fonctions ce jour-là – l’employeur était justifié de prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé pouvant aller jusqu’au congédiement – en imposant une sanction beaucoup moins grave que ce qui aurait autrement pu être considéré comme une sanction raisonnable, l’employeur a clairement manifesté qu’il a évalué les facteurs aggravants et atténuants – il avait déterminé une sanction appropriée.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161024
  • Dossier:  566-02-9180
  • Référence:  2016 CRTEFP 106

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

CHARLES STEWART

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Stewart c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
James Craig, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Lethbridge (Alberta),
les 26 et 27 avril 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Charles Stewart, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a contesté la suspension sans solde de 75 heures imposée à son encontre par l’employeur, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »), le 28 septembre 2012, relativement à une contravention alléguée de son code de conduite et de son code de valeurs et d’éthique.

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire est employé à titre d’agent des services frontaliers (ASF) au port de Coutts, en Alberta, et il est allégué qu’il a sollicité et accepté des billets de concert gratuits au moment de procéder au dédouanement de l’avion du célèbre Elton John aux fins d’entrée au Canada à l’aéroport de Lethbridge, à Lethbridge, en Alberta.

4        En tant qu’ASF, le fonctionnaire a le statut d’agent de la paix. Il est allégué qu’il s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts lorsqu’il a accepté des billets gratuits à un concert d’Elton John à Lethbridge. Le fonctionnaire et un autre agent avaient été affectés au contrôle de M. John et de son équipe à l’immigration dès leur arrivée à l’aéroport de Lethbridge le jour du concert en question. Bien que l’autre agent ait refusé les billets, le fonctionnaire a pris des mesures afin de les obtenir. Il s’est rendu à l’emplacement du concert, le ENMAX Centre, qui appartient à la Ville de Lethbridge et qui est exploité pas celle-ci, et il s’est identifié en tant qu’un agent de l’ASFC qui se présentait pour ramasser des billets gratuits. Il les a ensuite utilisés pour assister au concert en compagnie de son épouse.

A. Preuve de Kevin Hewson

5        Kevin Hewson est le directeur du district de l’employeur pour le district du Sud de l’Alberta et du Sud de la Saskatchewan. Le 25 avril 2012, la surintendante Linda Rocz, du port de Coutts, a communiqué avec lui pour l’informer que le fonctionnaire avait dédouané l’avion d’Elton John le jour précédent et qu’il avait accepté des billets gratuits pour le concert prévu le même soir. M. Hewson a communiqué cette information à son directeur général régional, qui a demandé la tenue d’une enquête des normes professionnelles. On a donné pour directive au surintendant Steve Singer de parler avec le fonctionnaire et de déterminer sa version des événements du 24 avril 2012. M. Hewson a parlé avec Jill Henderson, la gestionnaire des événements au lieu du concert, pour déterminer ce qui s’était passé lorsque le fonctionnaire s’y est présenté le jour du concert. Tous les renseignements ont ensuite été communiqués à la Direction générale des normes professionnelles, qui a accepté d’entreprendre une enquête officielle sur la conduite du fonctionnaire.

6        Le code de conduite de l’employeur est clair quant au type de don qu’un agent peut accepter dans le cadre de ses fonctions; par exemple, un employé peut accepter quelque chose d’une valeur nominale, comme un stylo (pièce 2, section J). Les billets à un événement de grande visibilité, comme un concert d’Elton John, coûtent très cher et sont très difficiles à obtenir. Ceux que le fonctionnaire a obtenus étaient gratuits, mais la question de savoir s’ils étaient gratuits ou s’ils avaient une valeur nominale n’a pas d’importance; un employé de l’ASFC n’est pas autorisé à obtenir des billets découlant de l’exercice de ses fonctions.

7        Même si le fonctionnaire avait offert de payer pour les billets, il aurait tout de même commis un manquement à l’égard du code de conduite, car il aurait obtenu un avantage dans le cadre de son emploi qui n’est pas normalement offert aux membres du grand public. Un ASF ne peut pas être perçu comme tirant un avantage personnel découlant de l’exercice de ses fonctions. La seule raison pour laquelle le fonctionnaire a reçu les billets en question était qu’il avait été affecté au dédouanement de l’avion de l’artiste à l’aéroport de Lethbridge. L’avion est entré au Canada en provenance des États-Unis le jour du concert. Son contenu et ses passagers devaient subir un examen minutieux de l’ASFC avant que son entrée au Canada soit autorisée.

8        M. Singer a parlé au fonctionnaire, qui a présenté un résumé des événements du 24 avril 2012. Le fonctionnaire a admis que, pendant le dédouanement de l’avion d’Elton John, l’assistant de M. John lui a offert des biens pour le concert ce soir-là. Le fonctionnaire a pris en note les renseignements, pendant qu’un autre ASF, Brandon Merrill, qui travaillait avec le fonctionnaire ce jour-là, prenait en note le numéro de téléphone dans son téléphone cellulaire. Lorsqu’on s’est rendu compte que M. Merrill avait mal enregistré le numéro de téléphone, le fonctionnaire s’est rendu au hangar contenant l’avion pour trouver M. John ou son assistant. Personne n’était présent.

9        Le fonctionnaire a ensuite appelé le surintendant intérimaire, Darren Lynch, et lui a demandé s’il était autorisé à accepter les billets. M. Lynch a conseillé au fonctionnaire de ne pas accepter les billets, mais ils ont continué à discuter de la question de savoir si les billets avaient une valeur réelle et si le fonctionnaire pouvait les accepter s’il offrait de les payer. M. Lynch occupait le poste de surintendant intérimaire depuis très peu de temps à l’époque. Le fonctionnaire avait déjà demandé à un surintendant principal, le surintendant Doug Bakke, à propos de ce qu’il devait faire si on lui offrait des billets pendant qu’il dédouanait l’avion de l’artiste avant qu’il se rende à l’aéroport de Lethbridge. M. Bakke lui a dit qu’il ne devait pas accepter de billets si on lui en offrait.

10        Le fonctionnaire s’est quand même rendu ensuite au lieu du concert pour solliciter des billets pour l’événement, après quoi son épouse et lui ont assisté au concert ce soir-là, sachant que M. Bakke, le surintendant à qui il rendait compte, lui avait ordonné de ne pas accepter de billets si on lui en offrait. Lorsque le fonctionnaire est arrivé au lieu du concert pour obtenir les billets, les employés dans la billetterie ont appelé Mme Henderson. On lui a dit que le fonctionnaire était là pour récupérer les billets qu’on lui avait prétendument promis. Lorsqu’elle s’est rendue à la billetterie pour lui parler, elle a remarqué qu’il portait sa casquette de l’ASFC, qui fait partie de son uniforme.

11        M. Hewson a reçu le rapport d’enquête des normes professionnelles (pièce 4) le 12 septembre 2012. Ce rapport confirmait que le fonctionnaire avait clairement contrevenu au code de conduite. M. Hewson a ensuite discuté du rapport avec la conseillère régionale des relations de travail et la chef Karen Holzer, qui était responsable du port où le fonctionnaire était employé. Il lui a demandé si de nouveaux renseignements avaient été portés à son attention. Puisqu’il a été déterminé qu’une suspension sans solde de 75 heures était appropriée, la chef Holzer a été déléguée en vue de rencontrer le fonctionnaire et de lui imposer une mesure disciplinaire.

12        Avant de déterminer la durée de la mesure disciplinaire, M. Hewson a tenu compte des facteurs aggravants et atténuants. Une rencontre prédisciplinaire et une audience disciplinaire ont eu lieu. Le fonctionnaire a admis avoir pris les billets et il a présenté ses excuses. Le fait que M. Bakke a dit au fonctionnaire de ne pas prendre les billets, le fait que le fonctionnaire a activement entrepris des démarches pour les obtenir en prenant en note les détails et le numéro de téléphone de l’assistant, puis le fait qu’il se présente au hangar pour corriger le numéro de téléphone, puis au lieu du concert pour demander les billets alors qu’il portait sa casquette de l’ASFC, étaient tous des facteurs aggravants. Le fonctionnaire n’assumait pas la responsabilité de ses actions, même s’il a présenté ses excuses pour avoir pris les billets.

B. Preuve de M. Singer

13        M. Singer est un des surintendants au port de Coutts, où le fonctionnaire était affecté, et, en avril 2012, il y a été nommé chef intérimaire des opérations. À un certain moment menant au concert d’Elton John, il a été informé que la célébrité arriverait par les airs à l’aéroport de Lethbridge et que l’ASFC serait tenue de dédouaner l’aéronef et de contrôler les passagers aux fins d’entrée au Canada. Il était prévu que le fonctionnaire et M. Merril accueillent l’aéronef et procèdent aux dédouanements. On a donné pour directives au fonctionnaire de procéder au dédouanement de façon professionnelle et strictement en conformité avec la politique. Il s’agissait d’un événement de grande envergure et M. Singer voulait l’assurer que l’ASFC se montrait sous son meilleur jour.

14        La première fois que M. Singer a entendu qu’un problème était survenu en rapport avec le dédouanement était le 26 avril 2012, lorsque M. Hewson a communiqué avec lui et l’a informé que le fonctionnaire avait reçu des billets gratuits et qu’il avait assisté au concert. M. Singer était choqué par les nouvelles. Il a confirmé à M. Hewson qu’il ne détenait aucune information à ce propos, mais qu’il avait parlé au fonctionnaire et qu’il avait insisté sur le fait que le dédouanement devait être mené selon les règles. M. Hewson a demandé à M. Singer de communiquer avec le fonctionnaire.

15        Le fonctionnaire a admis à M. Singer qu’il avait accepté les billets et qu’il avait assisté au concert. Il a expliqué que, lorsqu’il avait procédé au dédouanement de l’avion, il avait eu une conversation banale au cours de laquelle il a indiqué qu’il n’allait pas au concert ce soir-là. Quelqu’un lui a alors offert des billets et lui a donné un numéro de téléphone, qui ne fonctionnait pas lorsqu’il l’a essayé. Il a alors indiqué qu’il s’était rendu au lieu du concert et avait demandé les billets. Il a soutenu qu’il n’était pas en service lorsqu’il s’y est présenté.

C. Preuve de M. Bakke

16        Pendant la période pertinente, M. Bakke était le superviseur du fonctionnaire au port de Coutts. Il a eu une discussion avec le fonctionnaire concernant le dédouanement de l’avion d’Elton John à l’aéroport de Lethbridge, y compris ce qu’il devait faire si on lui offrait des billets. M. Bakke a témoigné qu’il a dit au fonctionnaire de ne pas accepter une telle offre, ce à quoi celui-ci a dit qu’il comprenait la directive et qu’il partageait le même avis.

17        Les billets de concert en question avaient une grande valeur. Même si un ASF peut accepter un article d’une valeur nominale ou faible, l’agent ne doit pas accepter des articles comme les billets concernés dans le présent cas, en raison de la perception du public. Des billets de concert de ce genre ne sont habituellement pas offerts aux membres du public et pourraient être perçus comme un pot-de-vin.

D. Preuve de M. Merrill

18        Le 24 avril 2012, M. Merrill a été affecté à l’aéroport en compagnie du fonctionnaire afin de procéder au dédouanement de l’avion d’Elton John. Le fonctionnaire s’est rendu au bureau de l’ASFC à l’aéroport en compagnie de son épouse. Lorsque l’avion est arrivé, M. Merrill et le fonctionnaire y sont entrés et ont rencontré M. John et environ six autres passagers. Le fonctionnaire a procédé à l’examen primaire, alors que M. Merrill contrôlait les passeports. Il n’y avait aucune indication selon l’examen primaire qu’il était nécessaire de procéder à une fouille de l’avion, M. Merrill est donc parti. Le fonctionnaire est demeuré à bord de l’avion et a continué de parler à l’assistant de M. John.

19        M. Merrill a attendu le fonctionnaire au bas des escaliers, à l’extérieur de l’avion. Éventuellement, le fonctionnaire et l’assistant d’Elton John l’ont rejoint. Lorsque M. Merrill s’est approché, l’adjoint lui a demandé s’il aimerait avoir des billets pour le concert également. M. Merrill a répondu qu’il les accepterait, mais seulement s’il y était autorisé. L’assistant lui a ensuite donné son numéro de téléphone et a dit au fonctionnaire ainsi qu’à M. Merrill de l’appeler s’ils voulaient des billets. M. Merrill a entré le numéro dans son téléphone cellulaire.

20        M. Merrill s’est rendu au bureau de l’ASFC en compagnie du fonctionnaire, où les deux ont discuté quant à savoir s’ils pouvaient accepter les billets. Le fonctionnaire a appelé M. Lynch et lui a demandé s’il était convenable de les accepter. Il a transmis la réponse de M. Lynch à M. Merrill, qui n’a pas considéré que la réponse de M. Lynch l’autorisait à accepter les billets, il ne les a donc pas acceptés. Il a donné le numéro de téléphone au fonctionnaire, puis il a quitté l’aéroport.

E. Preuve de Mme Henderson

21        Le 24 avril 2012, elle a reçu un appel du gestionnaire de la billetterie au moyen d’une radio bidirectionnelle, qui lui a dit qu’un agent de l’ASFC était présent et qu’il demandait deux billets pour le concert. Elle s’est rendue à la billetterie et a parlé au gestionnaire en réponse à l’appel radio, puis s’est rendue au bureau pour parler avec l’agent de l’ASFC.

22        Elle a rencontré le fonctionnaire dans le hall d’entrée; il était vêtu en civil, mais il portait une casquette de l’ASFC. Il lui a expliqué qu’il avait rencontré Elton John à l’aéroport de Lethbridge plus tôt ce jour-là et qu’on lui avait offert des billets gratuits. Puisque le numéro de téléphone de l’assistant personnel n’avait pas été bien enregistré, il avait décidé de se présenter au lieu du concert pour les ramasser. Mme Henderson a parlé au gestionnaire de production de l’événement, qui ne savait rien à propos de billets gratuits pour quiconque. Le gestionnaire de production a parlé à l’un des assistants de M. John, qui lui a répondu qu’il avait offert les billets au fonctionnaire. L’assistant a ensuite remis à Mme Henderson deux billets, qu’elle a remis au fonctionnaire.

23        Cette conversation radio a été entendue par un bénévole à l’événement, Kyle Reindl, qui était aussi un employé de l’ASFC. Il a indiqué à Mme Henderson qu’il serait tenu de signaler l’incident à son employeur, car cela allait à l’encontre de la politique qu’un ASF accepte des gratifications dans le cadre de son emploi. Plusieurs semaines plus tard, M. Hewson a communiqué avec Mme Henderson et lui a posé des questions à propos de la situation.

F. Preuve de M. Reindl

24        M. Reindl est également un ASF au port de Coutts. Le 24 avril 2012, il a agi à titre d’agent de sécurité bénévole pour l’événement en cause. Il était présent à une réunion de sécurité avant le spectacle lorsqu’il a entendu sur sa radio que le gestionnaire de la billetterie avait besoin [traduction] « […] de laissez-passer pour le type de l’ASFC qui avait dédouané l’avion ce jour-là ». Les personnes présentes à la réunion ont réagi lorsqu’ils ont entendu qu’une personne de l’ASFC cherchait à obtenir des billets gratuits.

25        Puisque M. Reindl savait que d’accepter des cadeaux de cette nature contrevenait au code de conduite des employés de l’ASFC, il a informé le dirigeant de la société de sécurité qu’il devait signaler cet incident, mais qu’il attendrait jusqu’à après le début du concert. Une fois le concert commencé, il s’est rendu pour voir à qui on avait remis les billets; il s’agissait du fonctionnaire. M. Reindl a signalé l’incident à son superviseur au port de Coutts.

G. Preuve de Mme Holzer

26        Mme Holzer était la chef des opérations au port de Coutts au moment où la mesure disciplinaire contre le fonctionnaire a été prise. Lorsqu’elle y est arrivée en juin 2012, on l’a informé de la situation. Sa première intervention dans cette affaire remontait à septembre 2012, lorsque l’employeur a reçu le rapport d’enquête des normes professionnelles. Elle l’a examiné avec M. Hewson. On en a remis une copie au fonctionnaire, à qui on a donné l’occasion de présenter des renseignements supplémentaires dont l’employeur aurait dû être informé.

27        Elle a examiné le rapport, les entrevues, la chronologie ainsi que les renseignements présentés par le fonctionnaire. Une réunion disciplinaire a eu lieu le 28 septembre 2012. Mme Holzer a souligné que le fonctionnaire éprouvait des remords et qu’il avait reconnu s’être mal comporté. Elle a également souligné qu’on l’avait informé avant le début du dédouanement de l’avion qu’il ne devait pas accepter de billets à l’événement si on lui en offrait. Il l’a reconnu et il a indiqué qu’il savait qu’il n’était pas en mesure d’accepter la gratification, cependant il a cherché la possibilité et il a obtenu les billets. Il a appelé l’assistant et, lorsqu’il n’a pas été en mesure de communiquer avec lui, il s’est rendu au hangar de l’avion. Lorsqu’il n’a pas réussi à trouver l’assistant personnel qui lui avait offert les billets, il s’est rendu au lieu du concert pour demander les billets.

28        Compte tenu de l’incidence éventuelle sur la relation contractuelle entre la ville de Lethbridge et l’ASFC en ce qui concerne les services de l’ASFC à l’aéroport de Lethbridge et la perception publique des personnes au ENMAX Centre lorsque le fonctionnaire s’est présenté pour obtenir les billets, Mme Holzer est arrivée à la conclusion que ses actions avaient le potentiel de porter atteinte à la réputation de l’ASFC, ce qui constituait un facteur aggravant pris en considération au moment de déterminer la sanction appropriée. Les facteurs atténuants souffraient à la lumière des autres considérations, y compris le fait qu’on avait indiqué à deux reprises au fonctionnaire avant le jour du concert de ne pas accepter de billets si on lui en offrait.

29        Même si le fonctionnaire a prétendu éprouver des remords, d’après l’estimation de Mme Holzer, il ne reconnaissait pas l’ampleur de ses actions et de l’incidence qu’elles avaient eue sur la réputation de l’ASFC dans la collectivité. La seule façon dont le fonctionnaire était en mesure d’obtenir les billets était dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Compte tenu des répercussions éventuelles sur l’employeur et du fait que la question concernait une célébrité de grande envergure et la perception d’un agent de l’ASFC cherchant à obtenir une gratification, une sanction importante était justifiée.

H. Preuve du fonctionnaire s’estimant lésé

30        Le fonctionnaire a décrit son rôle principal en tant qu’ASF comme étant responsable de s’assurer que les personnes et les marchandises qui entrent au Canada sont admissibles, et que l’ensemble des droits et des taxes sont perçus. Les agents du port de Coutts, où il était affecté, offrent des services de dédouanement aux aéroports à Coutts et à Lethbridge. Il figure sur une liste d’ASF qui se sont portés volontaires en vue de contrôler le trafic dans les aéroports. Il possède le statut d’agent de la paix.

31        Il a déjà occupé le poste d’agent de renvoi du Programme d’aide aux employés et est membre du comité local de santé et de sécurité au travail. Il est aussi un bénévole actif dans sa collectivité. Il a reçu une formation de facilitateur aux fins du programme de formation intitulé Impact des premières impressions et présente à l’occasion des séances de sensibilisation publiques pour le compte de l’ASFC. Il a déclaré que ce qu’il a fait le 24 avril 2012 contredisait entièrement ce qui est enseigné dans le cadre de la formation Impact des premières impressions.

32        Avant l’incident en cause, le fonctionnaire n’avait jamais été suspendu, même s’il a admis avoir reçu trois avertissements écrits découlant de plaintes du public et avoir reçu une réprimande écrite deux semaines avant l’audience, en raison d’un retard. Il n’avait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire auparavant relativement à un manquement au code d’éthique ou au code de conduite. En règle générale, ses évaluations de rendement ont été satisfaisantes. Dans le mois qui a suivi le concert d’Elton John, il a reçu une médaille pour services distingués des agents de la paix, qu’il a offert de remettre. Mme Holzer et M. Hewson ont tous deux refusé de la reprendre.

33        On a informé le fonctionnaire quelques jours avant l’arrivée d’Elton John qu’il était affecté au dédouanement de l’avion de celui-ci à l’aéroport de Lethbridge. Le surintendant Doug Smith lui a dit d’adopter un comportement sans reproches, mais il ne se souvient pas que le chef Singer lui en ait parlé. La sélection du fonctionnaire était fondée exclusivement sur la liste de rappel pour le service à l’aéroport. Il était très excité à l’idée de dédouaner le vol et savait qu’il devait faire preuve de professionnalisme dans l’exercice de ses fonctions.

34        Après avoir été informé à propos de l’affectation, le fonctionnaire a demandé à M. Bakke s’il pouvait accepter des billets si on lui en offrait. Le fonctionnaire a admis qu’on lui avait dit de ne pas accepter de cadeaux, y compris des billets. Il a témoigné que le Code de conduite de l’ASFC est sans équivoque quant à l’interdiction d’accepter des cadeaux autres que des petits cadeaux d’une valeur nominale. Selon lui, l’ASFC est très consciente de son image publique et de la façon dont sa conduite a une incidence sur l’opinion du public à l’égard des ASF.

35        Le fonctionnaire savait, lorsqu’il s’est fait offert les billets, qu’il n’était pas autorisé à les prendre, mais il les a pris tout de même. Lorsque l’offre lui a été faite, il a vu une possibilité d’amener sa femme, qui était une fanatique d’Elton John, à un concert auquel elle ne serait autrement pas allée. Malgré cela, le fonctionnaire a d’abord informé l’assistant de M. John qu’il ne pouvait pas accepter de cadeaux. L’assistant a insisté et a donné son numéro de téléphone, que M. Merrill a mal enregistré. L’assistant a dit au fonctionnaire et à M. Merrill de communiquer avec lui plus tard pour avoir des billets.

36        Lorsque le fonctionnaire a essayé le numéro de téléphone, il ne fonctionnait pas; il s’est donc rendu dans l’aire du hangar avant de quitter l’avion; personne ne s’y trouvait. Avant de partir, il a téléphoné au port pour signaler que les tâches étaient achevées et que l’avion avait été dédouané. Il a parlé à M. Lynch, lui a parlé de l’offre de billets et il lui a demandé s’il pouvait les accepter, même s’il les avait refusés au départ. M. Lynch a indiqué que, si le fonctionnaire payait la valeur nominale des billets, cela serait différent d’accepter des billets gratuits. Il n’a jamais tenté de payer pour les billets et n’a jamais demandé combien ils coûtaient. De toute façon, les billets étaient marqués comme étant gratuits et n’avaient aucune valeur nominale.

37        Le fonctionnaire a admis que, à ce stade, il savait que toute autre tentative de se procurer des billets serait fautive, mais il y a tout de même donné suite en raison de la possibilité d’amener sa femme à l’événement. Il a affirmé dans son témoignage qu’il aurait dû suivre les directives de M. Bakke plutôt que de se fier à l’interprétation des règles par un surintendant intérimaire. Néanmoins, il connaissait la bonne réponse. Il a décrit que sa recherche de billets était motivée par la cupidité.

38        Après avoir appelé au port, le fonctionnaire et son épouse ont fait quelques courses personnelles, après quoi ils se sont rendus au lieu du concert pour obtenir les billets. Il s’est rendu à la billetterie alors qu’il portait sa casquette de l’ASFC. Il ne s’est pas présenté initialement comme un employé de l’ASFC, mais il a fini par informer le personnel qu’il était l’ASF qui avait procédé au dédouanement de l’avion d’Elton John ce jour-là. Il a expliqué aux membres du personnel du lieu du concert qu’on lui avait promis des billets pour le concert ce soir-là et qu’il était présent pour les ramasser. Il a ensuite expliqué la même chose à Mme Henderson. Lorsqu’elle lui a demandé une pièce d’identité, il a montré son permis de conduire dans une tentative de se distancier de l’ASFC.

39        Le fonctionnaire et son épouse ont assisté au spectacle et étaient assis dans la deuxième rangée devant la scène. En sortant du lieu du concert, il a parlé à des gens qu’il connaissait qui avaient également assisté au concert. Ils lui ont dit qu’ils l’avaient vu sur le jumbotron (un écran vidéo de la taille d’un tableau indicateur qui diffusait des images des personnes présentes au concert). Le fonctionnaire a témoigné qu’il [traduction] « éprouvai[t] un certain regret d’avoir apparu sur le jumbotron », car si l’enregistrement apparaissait dans les médias, cela pouvait avoir des répercussions et cela pouvait mettre l’ASFC dans l’embarras.

40        Quelques jours plus tard, il a reçu un appel de M. Singer, qui lui demandait s’il avait assisté au concert et s’il avait accepté les billets gratuits. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait admis dans les deux cas et qu’il s’était rendu compte qu’une enquête et une mesure disciplinaire s’en venaient. Il a admis ce qu’il avait fait à M. Singer; il savait qu’il le devait et qu’il devait accepter les conséquences qui s’ensuivraient. Il a admis avoir contrevenu au code de conduite et au code d’éthique. Il a reconnu que l’image de l’ASFC était essentielle à l’exécution efficace de son mandat et que, par sa conduite, il avait menacé cette image. Lorsqu’il a rencontré l’enquêteur des normes professionnelles, il a admis ses actions sans hésitation, même s’il savait qu’il pouvait être licencié en conséquence. À son avis, il avait fait preuve d’ouverture, d’honnêteté, de franchise et de sincérité. Il a indiqué à l’enquêteur qu’il se rappelait que M. Bakke lui avait dit de ne pas accepter de billets.

41        Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait accepté les billets dans un moment de faiblesse et sur un coup de tête. Il voyait une possibilité de donner à son épouse l’occasion de voir Elton John. Il s’agissait d’une possibilité de faire quelque chose pour elle et il savait également qu’il aimerait le concert. Il croyait que ses fonctions avaient pris fin en quittant l’avion, il n’y avait donc pas de conflit d’intérêts avec ses fonctions, car il n’était pas en service lorsqu’il a obtenu les billets.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

42        Le fonctionnaire voudrait que l’arbitre de grief croie qu’il a assumé l’entière responsabilité de ses actions. Un arbitre de grief doit prêter attention aux détails des événements pour déterminer si l’expression des remords était sincère et conforme aux faits. La reconnaissance de l’inconduite, les expressions des remords et les excuses sont des facteurs atténuants, mais ceux-ci sont diminués lorsqu’un employé tente d’expliquer ses actions comme l’a fait le fonctionnaire.

43        Le fonctionnaire avait prévu être affecté au dédouanement de l’avion d’Elton John ce jour-là; il a demandé à M. Bakke ce qu’il devait faire si on lui offrait des billets. Le témoignage du fonctionnaire a établi qu’on lui avait dit de ne pas accepter une telle offre. Il a également tenté d’établir que rien dans son comportement n’était prémédité ce jour-là. Cependant, sa recherche des billets, sachant que cela contrevenait au code de conduite, contredisait l’idée voulant que ses actions n’étaient pas préméditées. Il a eu le temps de s’arrêter, mais il a continué à tenter d’obtenir les billets. Il a admis qu’il savait que ce qu’il faisait à la billetterie était mal, mais il a continué à tenter d’obtenir les billets. Même s’il savait qu’il n’aurait pas dû accepter les billets, il s’est tout de même rendu au concert.

44        Il aurait pu atténuer ses actions et ne pas assister au concert, mais il a placé ses intérêts devant ceux de son employeur et il y est allé tout de même. Même s’il a prétendu éprouver des remords, le fonctionnaire n’a pas signalé cet incident à son employeur; c’est M. Reindl qui l’a fait. Si la direction n’avait pas appelé le fonctionnaire pour le questionner à propos des billets, il n’aurait rien dit. Manifestement, il n’éprouvait pas de remords. Tous les facteurs atténuants ont été neutralisés par sa conduite. Le fait de présenter des excuses n’exige pas nécessairement d’un employeur qu’il réduise la sanction disciplinaire.

45        Malgré les nombreux feux rouges qui clignotaient devant lui ce jour-là, le fonctionnaire a cherché à obtenir les billets, et il ne l’a pas fait sur un coup de tête. Il a démontré un comportement continu et non pas un manque de jugement momentané. Toutes ses actions pendant qu’il tentait d’obtenir des billets indiquaient une intention déterminée de contrevenir au code de conduite de l’employeur.

46        Le fonctionnaire s’est placé en situation de conflits d’intérêts, ce qui contrevenait au code de conduite de l’employeur. Les fonctionnaires sont assujettis à une plus grande exigence d’agir avec intégrité que ne l’est le public, mais, en sa qualité d’agent de la paix, le fonctionnaire doit être tenu de se conformer à une norme encore plus élevée (voir Stokaluk c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 24 aux paragraphes 155 à 166). En tant que fonctionnaire, le fonctionnaire, dans sa conduite, doit résister à l’examen minutieux du public qu’il sert (voir Duske c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 94).

47        La sanction imposée doit tenir compte de la gravité de la contravention (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119; Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 89; Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTEFP 11). Le fait que le fonctionnaire soit une bonne personne ne signifie pas qu’il devrait être traité moins sévèrement que d’autres le seraient. On ne peut pas l’autoriser à se placer au-dessus des intérêts de l’employeur et du public canadien (voir Bracebridge (Town) v. Ontario Public Service Employees Union, Local 305, [2012] O.L.A.A. no 643 (QL)). Il a le fardeau de la preuve d’établir que la sanction imposée était déraisonnable (voir Mercer), ce qu’il n’a pas fait.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

48        La position de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’agent négociateur) est que la sanction imposée était disproportionnée, compte tenu des facteurs atténuants. Une sanction adéquate aurait été une suspension sans solde de trois jours (voir Easton c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 95; Bastie c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22285 (19930909), [1993] C.R.T.F.P.C. no 153 (QL)). Le fonctionnaire ne conteste pas qu’un grave incident s’est produit et que cela justifiait une mesure disciplinaire. Il faut tenir compte de la totalité des facteurs atténuants, ce que l’employeur n’a pas fait.

49        Le fonctionnaire a admis sa faute une fois que l’employeur l’a confronté. Il s’agit d’une anomalie dans son dossier d’emploi. Il ne conteste pas qu’il a été averti à plusieurs reprises qu’il ne devait pas accepter de billets si on lui en offrait. Il n’a pas appuyé sa défense sur une preuve de caractère; celle-ci a été présentée à la Commission afin de montrer le type de personne qu’il est. Il a réagi avec une réponse humaine en présence d’un grand événement, d’une célébrité et d’une possibilité. Il était subjugué.

50        Il a démontré un certain niveau de connaissance de soi-même. Il avait un ange sur chaque épaule et il a cédé devant le mauvais ange. Pendant son témoignage, il a été en mesure d’identifier plusieurs points où il avait commis des erreurs. Sa connaissance de soi-même est essentielle et signale l’accomplissement de l’objectif de l’employeur au moyen d’une sanction moindre. Il a reconnu avoir offensé l’employeur.

51        Le fait de demander à M. Bakke à l’avance en ce qui a trait à l’acceptation des billets n’équivaut pas à de la préméditation. Pour déterminer la préméditation, il faut examiner les événements dans leur intégralité (voir United Steelworkers of America, Local 3257 v. Steel Equipment Co., [1964] O.L.A.A. no 5 (QL)). Il ne s’agit pas d’une série de contraventions individuelles, mais plutôt d’un seul événement d’une journée pour lequel le fonctionnaire a présenté ses excuses. Il n’a pas cherché à obtenir les billets; ils lui ont été offerts.

52        L’excitation du fonctionnaire relativement à l’événement d’Elton John a fait en sorte qu’il a eu un manque de jugement momentané. Sa capacité de citer le code de conduite et d’indiquer les points auxquels il avait contrevenu indique qu’il ne répétera pas son comportement. Son offre de rendre sa Médaille pour services distingués indique qu’il a honte de ses actions. L’offre était une tentative de se racheter auprès de l’employeur. Les facteurs atténuants devraient neutraliser son défaut de signaler sa contravention au code de conduite. Il n’existe aucune preuve que l’employeur a souffert de conséquences négatives découlant de sa contravention.  

53        Il faut établir un équilibre adéquat entre les facteurs aggravants et les facteurs atténuants, ce qui n’a pas été fait. Même si le fonctionnaire a ignoré les feux rouges, ce qui doit être équilibré par sa conscience, sa collaboration, ses années de service et l’excitation à l’idée de rencontrer Elton John. L’employeur a cherché d’une manière trop agressive à imposer une mesure disciplinaire.

IV. Motifs

54        Il n’existe aucun doute que le fonctionnaire a accepté un cadeau qui, si ce n’était du fait qu’il avait été affecté au dédouanement de l’avion de M. John dans le cadre de son emploi à titre d’ASF, ne lui aurait par ailleurs pas été offert. Cela constituait une contravention au code de conduite de l’employeur (pièce 2, section J) et au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (pièce 3, section 2). Le fonctionnaire l’a admis. On ne peut pas considérer des sièges dans la deuxième rangée d’un concert d’Elton John comme un cadeau d’une nature nominale, peu importe s’ils étaient gratuits ou non. Le fonctionnaire a admis que M. Bakke lui avait dit avant d’accepter les billets qu’il ne devait pas les accepter. Il a également admis qu’il savait que le code de conduite de l’ASFC interdit expressément aux ASF d’accepter des cadeaux du public qu’ils servent dans le cadre de leurs fonctions.

55        Le fonctionnaire a fait valoir qu’il était repentant à l’égard de son inconduite et il l’a décrite comme une aberration commise sur un coup de tête motivé, à un certain moment au cours de son témoignage, par la cupidité et, à un autre moment, par la chance d’offrir à son épouse une possibilité qu’autrement elle n’aurait pas eue. Il a tenté d’excuser son inconduite au motif que celle-ci s’est produite alors qu’il n’était pas en service. Ce n’était pas le cas; celle-ci était directement liée à l’exercice de ses fonctions d’ASF. Il n’est pas pertinent qu’il ait obtenu les billets après avoir achevé le dédouanement de l’avion et avoir quitté son lieu de travail. S’il n’avait pas été affecté au dédouanement de l’avion ce jour-là, on ne lui aurait par ailleurs pas offert les billets. Il existe un lien clair entre les billets et la façon dont il a exercé ses fonctions ce jour-là.

56        La conduite du fonctionnaire dans la recherche des billets n’appuie pas sa déclaration voulant qu’il s’agisse d’un incident s’étant déroulé sur un coup de tête. Il a activement cherché à les obtenir, et ce, de façon répétée, en sachant pleinement qu’il contrevenait au code de conduite et au code d’éthique de l’ASFC. Il a fait pas moins de trois tentatives délibérées d’obtenir les billets : il a appelé l’assistant et a cherché les passagers de l’avion dans le hangar à l’aéroport de Lethbridge et, après l’échec de ces deux tentatives, il s’est rendu au ENMAX Centre après une période de repos afin d’obtenir les billets. Pendant qu’il s’y trouvait, il portait une partie de son uniforme d’ASF et il a expliqué au personnel du lieu du concert qu’on lui avait promis les billets cet après-midi-là pendant qu’il dédouanait l’avion d’Elton John à l’aéroport de Lethbridge. Il a admis au personnel du lieu du concert qu’il travaillait pour l’ASFC.

57        Le fonctionnaire était un ASF chevronné ayant de l’expérience dans l’exercice de ses fonctions au port de Coutts et au dédouanement d’avions. Il connaissait ses obligations ce jour-là et son comportement ne peut pas être excusé en raison de son excitation à l’idée de rencontrer une célébrité. Ses obligations en vertu du code de conduite et du code d’éthique ont été mises de côté en faveur de sa cupidité et de son excitation à l’idée de voir une célébrité en spectacle.

58        L’employeur était justifié de prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire pouvant aller jusqu’au congédiement. Ce dernier a reconnu qu’il aurait pu être licencié en raison de sa conduite. Quels sont donc les facteurs atténuants qui pourraient justifier une autre réduction de sa sanction, notamment compte tenu de l’intérêt légitime de l’employeur à l’égard du respect des valeurs et de l’éthique dans la fonction publique? Il était un employé comptant de nombreuses années de service, dont les évaluations de rendement étaient, selon son propre témoignage, [traduction] « généralement satisfaisantes », qui était pleinement conscient du fait que ses actions contrevenaient aux politiques de l’employeur. Il a admis avoir reconnu que son comportement avait le potentiel de porter atteinte à la réputation de l’employeur dans la collectivité.

59        Même si ses longues années de service et ses remords peuvent constituer des facteurs atténuants dans le présent cas, je les considère également comme des facteurs aggravants. Le fonctionnaire comprenait très bien que son comportement était inacceptable en fonction de ses années de service et de son expérience à l’ASFC et d’une directive de son surintendant. Il a exprimé des remords qui sonnaient creux, par exemple lorsqu’il a décrit sa réaction relativement à la diffusion de son image sur le jumbotron comme le fait de ressentir [traduction] « certains regrets ». Un employé motivé par la cupidité qui profite de son poste afin d’obtenir un avantage pour son épouse et pour lui-même mérite de faire l’objet d’une mesure disciplinaire, y compris une mesure pouvant éventuellement mener jusqu’au licenciement. Étant donné que l’employeur a jugé convenable d’imposer une sanction beaucoup moins grave que ce qui aurait autrement pu être considéré comme une sanction raisonnable, il s’agit d’une indication manifeste que l’ASFC a évalué les facteurs aggravants et atténuants et qu’elle a déterminé la sanction appropriée relativement à la contravention.

60        De sa propre admission, le comportement du fonctionnaire avait le potentiel de mettre l’employeur dans l’embarras. Ce comportement n’aurait pas résisté à l’examen minutieux du public, dont les préoccupations de Mme Henderson liées au fait que le fonctionnaire demande des billets au lieu du concert en sont un exemple. Il s’est fié au fait que le public n’était pas informé de ses actions, mais comment peut-il raisonnablement le croire, alors qu’il a interagi non seulement avec le public, mais aussi avec les passagers de l’avion qu’il avait dédouané ce jour-là? Ses actions avaient manifestement le potentiel d’avoir une incidence sur la [traduction] « […] confiance en l’intégrité, l’objectivité et l’impartialité […] » éprouvée par le public à l’égard de ceux qui protègent les frontières canadiennes (voir Duske, au par. 102).

61        L’argument du fonctionnaire selon lequel une sanction moindre aurait accompli le but de l’employeur ignore le fait qu’une partie de l’objectif d’un employeur lié à l’imposition d’une mesure disciplinaire consiste à envoyer un message à l’employé et au milieu de travail qu’un comportement répréhensible n’est pas acceptable. Une contravention au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique est une infraction grave méritant une sanction grave.

62        Contrairement à l’argument du représentant du fonctionnaire, le fonctionnaire n’a montré aucune compréhension de la vraie nature de son infraction. Il a parlé longuement de sa participation dans la collectivité et de la honte qu’il éprouvait relativement à cet incident, et il a demandé que l’on excuse son comportement, car il avait admis ce qu’il avait fait lorsqu’on l’a confronté à cet égard. Je n’ai aucun doute qu’il n’aurait jamais reparlé de cette affaire si M. Singer ne lui avait pas demandé directement s’il avait accepté les billets alors qu’on lui avait dit de ne pas les accepter. Le fait qu’il a répondu honnêtement lorsqu’il a été confronté n’excuse pas son comportement. En tant qu’ASF chargé d’assurer la sécurité des frontières canadiennes et en tant qu’agent de la paix, on attend du fonctionnaire qu’il respecte les ordres, qu’il agisse dans les intérêts supérieurs des Canadiens et Canadiennes et qu’il agisse en tout temps en faisant preuve d’intégrité et d’honnêteté. Il n’a fait aucune de ces choses et une sanction moindre banaliserait sa contravention à l’égard du code de valeurs et d’éthique et du code de conduite.

63        Je n’ai rien entendu qui me porterait à conclure que la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire était déraisonnable ou erronée.

64        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

65        Le grief est rejeté.

Le 24 octobre 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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