Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement alléguant que celui-ci était fondé sur la discrimination – son poste était classifié au groupe PE et elle travaillait à la Direction des ressources humaines de l’employeur – l’employeur a soutenu qu’elle était inapte à remplir les fonctions de son poste d’attache pour des raisons de santé et que tous les efforts déployés dans le but de prendre une mesure d’adaptation convenable à son égard avaient été vains, puisqu’elle refusait de participer au processus – la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé une plainte de harcèlement et elle a été transférée à une autre section durant l’enquête – la plainte s’étant avérée non fondée, l’employeur a demandé qu’elle retourne à son poste d’attache, mais la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté les conclusions de l’enquête ainsi que la demande qu’elle retourne à son poste d’attache; elle a présenté un certificat médical stipulant qu’elle ne pouvait retourner à cet endroit, et elle a été placée en congé de maladie – lorsqu’elle a refusé de se soumettre à une évaluation de Santé Canada, l’employeur a communiqué avec son médecin afin d’obtenir des précisions relativement à ses limitations d’ordre médical et il a été informé qu’elle ne devait pas travailler avec ses gestionnaires antérieurs ni à proximité de ces derniers et que cette limitation était permanente – puisque la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait travailler à la Direction des RH, l’employeur a inscrit son nom au registre des priorités du ministère afin de favoriser les occasions de présenter ou promouvoir sa candidature au sein du ministère, et il s’est servi de ses contacts personnels afin de trouver des postes appropriés – la restriction a compliqué le travail de l’employeur en vue de trouver un poste puisqu’il en découlait que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait travailler au sein de la Direction des RH et que les postes classifiés au groupe PE ne se trouvent qu’à cet endroit – de plus, la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas bilingue, et la recherche a eu lieu au cours d’une période d’importante de réduction des effectifs au sein de la fonction publique, plus particulièrement dans son ministère – l’employeur a identifié les groupes et niveaux de classification à l’extérieur du groupe PE qui correspondaient à l’ensemble de ses compétences, mais, dans chacun des cas, le salaire était inférieur à celui de son poste d’attache – la fonctionnaire s’estimant lésée a refusé d’accepter tout poste dont la rémunération était inférieure à son salaire de l’époque – grâce à ses contacts personnels, l’employeur a trouvé un poste potentiel dont le salaire était le même que celui de son poste d’attache, mais la fonctionnaire s’estimant lésée a mis un terme à l’affectation parce que l’un des gestionnaires de la direction des RH qui était en cause dans la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée participait au projet, bien que l’employeur l’ait assurée qu’il n’y aurait aucun contact entre elle et lui – l’employeur lui a dit qu’il était impossible d’étendre sa recherche d’emploi à l’extérieur du ministère, puisqu’elle n’était pas admissible à l’inscription de son nom sur la liste des placements prioritaires de la Commission de la fonction publique – l’employeur a identifié d’autres postes convenables, lesquels ont été rejetés par la fonctionnaire s’estimant lésée en raison du salaire et parce qu’elle aurait dû se soumettre à une évaluation visant à établir ses qualifications – elle a refusé de rencontrer l’employeur pour discuter de la recherche d’emploi – on a mis fin à son emploi – la fonctionnaire s’estimant lésée a dit qu’elle n’était pas tenue de collaborer au processus visant à lui trouver un autre emploi – bien qu’elle ait allégué avoir été victime de discrimination, elle n’a produit aucun éléments de preuve à l’appui de ses allégations, et la formation de la Commission a rejeté cet aspect du grief – la formation de la Commission a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée était tenue de participer au processus visant à mettre en place des mesures d’adaptation – l’employeur a déployé des efforts honnêtes pour que des mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité soient prises – il n’était pas tenu de maintenir son salaire aux niveaux antérieurs à la prise de mesures d’adaptation – on ne peut lui reprocher d’avoir omis d’étendre sa recherche d’emploi à l’extérieur du ministère relativement à une employée qui a refusé d’accepter le fait qu’elle était atteinte d’une incapacité, qui a refusé de collaborer et à l’égard de qui une mesure d’adaptation acceptable avait été trouvée à l’interne. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2015-11-25
  • Dossier: 566-02-8565
  • Référence: 2015 CRTEFP 91

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

SUGHRA SAIFUDDIN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
Saifuddin c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Elle-même
Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
du 8 au 11 décembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

Le 1er novembre 2014, la Loi sur la commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 La fonctionnaire s’estimant lésée, Sughra Saifuddin (la « fonctionnaire ») occupait un poste de conseillère en ressources humaines, classifié PE-03, à la Direction générale des ressources humaines (RH) de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC ou l’« employeur »). Comme elle était classifiée au groupe professionnel PE, elle était une employée exclue. Le 20 octobre 2011, elle a été licenciée en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11) (la « LGFP »), qui prévoit ce qui suit :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique […]

2 Le 3 novembre 2011, la fonctionnaire a déposé un grief contestant la cessation de son emploi. À titre de redressement, elle a demandé l’annulation du licenciement, des dommages punitifs et des dommages pour le stress émotionnel, la dégradation et la perte financière qu’elle a subie en conséquence du licenciement. Le 25 mars 2013, le grief a été entendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a été rejeté dans une décision rendue le 7 mai 2013.

3 Le 22 mai 2013, la fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »). Parallèlement, elle a déposé un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP »), au moyen d’un formulaire 24 pour signifier son intention de soulever une question concernant l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne(L.R.C., 1985, ch. H-6) (la « LCDP »). Plus précisément, la fonctionnaire a allégué que la cessation de son emploi découlait d’une discrimination fondée sur l’âge, l’ethnicité et la religion.

4 En plus des redressements demandés dans son grief, la fonctionnaire a précisé dans son avis à la CCDP qu’elle demanderait une indemnité spéciale au titre des alinéas 53(2)d) et e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP, ainsi que des redressements systémiques en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP.

5 Initialement, la CCDP avait l’intention de formuler des observationssur les questions liées aux droits de la personne soulevées par la fonctionnaire. Cependant, le 16 juillet 2013, après avoir reçu des renseignements supplémentaires des parties, la CCDP a avisé l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique qu’elle avait reconsidéré son intention de participer à l’audience et qu’elle ne formulerait pas d’observation.

6 À l’audience, la fonctionnaire se représentait elle-même. Elle a présenté des notes écrites à l’appui de son argumentation orale. L’employeur ne s’est pas opposé à la documentation écrite, qui comportait à la fois des arguments et des éléments de preuve. Je l’ai utilisée lorsqu’elle permettait d’expliquer ou de développer les points que la fonctionnaire avait fait valoir dans son argumentation orale. Comme le document n’a été présenté qu’après le témoignage de la fonctionnaire, j’ai gardé à l’esprit que cette dernière n’avait pas abordé bon nombre d’affirmations qui y étaient présentées et qu’elle n’avait pas été contre-interrogée relativement à ces affirmations.

II. Résumé de la preuve

7 L’employeur a convoqué Diane Lorenzato, anciennement sous-ministre adjointe de la Direction générale des ressources humaines (RH), à TPSGC; Louis Seguin, anciennement directeur général des RH, à TPSGC; Laura Milsom, anciennement conseillère principale en relations de travail, RH, à TPSGC; Jessie Larente, anciennement conseillère en RH, à TPSGC. Il a présenté 45 documents à titre de preuve. La fonctionnaire a témoigné et a présenté 8 documents.

8 La fonctionnaire a commencé à travailler pour l’employeur en 1990. À l’exception des deux années où elle était au service du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et de laCommission de la fonction publique (CFP), elle a travaillé comme conseillère statisticienne à la Direction générale des RH de l’employeur pendant toute la durée de son emploi.

9 La fonctionnaire a déclaré que, lorsqu’elle a eu 64 ans, elle a commencé à être victime de discrimination et de harcèlement et que, par conséquent, elle est tombée malade.

10 À un moment donné, en février 2009, la fonctionnaire a communiqué avec Charles Vezina, qui était coordonnateur national de la prévention du harcèlement de l’employeur. Le 9 février 2009, elle a aussi obtenu un certificat médical du Dr David Burt, son médecin, dans lequel des problèmes de santé découlant du stress lié au conflit sur le lieu de travail (pièce G-3) étaient mentionnés. Dans un courriel daté du 20 février 2009 adressé à M. Seguin, le gestionnaire de la fonctionnaire, M. Vezina, a décrit une rencontre de suivi avec cette dernière au cours de laquelle elle a mentionné le stress qu’elle avait éprouvé sur les lieux de travail et les problèmes de santé en découlant. M. Vezina a recommandé une modification des rapports hiérarchiques de la fonctionnaire (pièce G-8).

11 Pour des motifs qui n’ont pas été précisés à l’audience, l’employeur n’a pas immédiatement donné suite à la recommandation de M. Vezina visant à modifier les rapports hiérarchiques de la fonctionnaire avec sa directrice. Le 30 avril 2009, la fonctionnaire a écrit à Mme Lorenzato (pièce E-1). Dans sa lettre, la fonctionnaire s’est plainte des pratiques discriminatoires de sa directrice et elle a allégué que M. Seguin appuyait ses pratiques. Elle a joint une copie de la correspondance qui, selon elle, étayait sa plainte. Elle a déclaré que sa santé avait été affectée par le stress découlant de sa situation. Elle a demandé à Mme Lorenzato de mener une enquête et de modifier ses rapports hiérarchiques parce que, suivant les conseils de son médecin, elle ne pouvait plus travailler dans son milieu de travail actuel. Elle a déclaré qu’elle produirait un certificat médical au besoin.

12 Mme Lorenzato a déclaré qu’en qualité de sous-ministre adjointe de la Direction générale des RH de l’employeur, elle était notamment responsable de la procédure de règlement des plaintes de harcèlement et des demandes de mesures d’adaptation. Comme la lettre du 30 avril 2009 de la fonctionnaire faisait allusion à la fois à une éventuelle situation de harcèlement et à un problème de santé, il était possible que deux processus distincts soient déclenchés. Lorsqu’une plainte est clairement exposée, elle est transmise directement aux fins d’enquête, soit dans le cadre d’une procédure d’enquête interne, soit en faisant appel à un enquêteur externe, selon les circonstances. Cependant, comme la plainte de la fonctionnaire était générale et non détaillée, Mme Lorenzato lui a écrit pour obtenir des précisions supplémentaires. En ce qui a trait aux problèmes de santé évoqués par la fonctionnaire, Mme Lorenzato a aussi demandé un certificat médical concernant son aptitude au travail et les besoins en mesure d’adaptation, selon le cas (pièce E-2).

13 La fonctionnaire a fourni un certificat médical, mais celui-ci ne répondait pas de façon satisfaisante aux questions de Mme Lorenzato. Par conséquent, le 17 juin 2009, cette dernière a de nouveau écrit à la fonctionnaire, afin de lui demander des renseignements médicaux supplémentaires concernant son aptitude au travail et les mesures d’adaptation qui pourraient être nécessaires (pièce E-45).

14 Le 1er juin 2009, la fonctionnaire a déposé une plainte officielle de harcèlement et de discrimination de la part de ses gestionnaires, y compris M. Seguin. Mme Lorenzato a déclaré que puisque la fonctionnaire avait porté plainte contre ses gestionnaires, il était nécessaire de les séparer. Par conséquent, elle s’est assurée que la fonctionnaire soit mutée à une autre division pendant la durée de l’enquête, à savoir le groupe responsable des systèmes d’affaires et nouvelles initiatives (SANI), qui faisait partie de la Direction générale des RH. L’enquête a été menée par un enquêteur externe et a été achevée en février 2010.

15 Le rapport d’enquête n’a pas étayé la plainte de la fonctionnaire. Mme Lorenzato a déclaré avoir accepté les conclusions de l’enquêteur que les allégations étaient sans fondement. Compte tenu de ces conclusions, elle a jugé qu’il n’était plus nécessaire de maintenir l’affectation temporaire de la fonctionnaire aux SANI. Le 9 février 2010, elle a écrit à la fonctionnaire pour l’informer des conclusions de l’enquête et lui a demandé de réintégrer son poste d’attache en mars 2010, à la suite d’un congé annuel déjà prévu (pièce E-3).

16 La fonctionnaire n’a pas accepté les conclusions de l’enquêteur. Le 12 février 2010, elle a écrit à Mme Lorenzato afin de demander du temps pour examiner le rapport, ainsi qu’un délai pour regagner son poste d’attache (pièce E-4).

17 En mai 2010, la fonctionnaire a prié François Guimont, sous-ministre, d’examiner les conclusions de l’enquêteur concernant sa plainte. Elle a aussi demandé d’être placée dans un milieu de travail sécuritaire (pièce E-5). Mme Lorenzato a déclaré que son personnel avait rédigé la réponse du sous-ministre à la demande de la fonctionnaire (pièce E-6). Sa demande a été rejetée. En réponse aux préoccupations de la fonctionnaire quant à l’impact du lieu de travail sur sa santé, le sous-ministre a recommandé que la fonctionnaire participe à un renvoi auprès de Santé Canada qui avait été organisé pour elle.

18 Au début de mai 2010, la fonctionnaire a transmis un certificat médical du Dr Burt en date du 5 mai 2010. Selon le certificat, elle ne pouvait pas réintégrer son poste d’attache en raison du stress qu’elle éprouvait dans ce milieu de travail. Selon son médecin, elle était disposée à se soumettre à une évaluation par Santé Canada si l’employeur le jugeait nécessaire (pièce E-16).

19 M. Seguin a déclaré qu’en qualité de directeur général des RH, une fois qu’il était établi que la fonctionnaire ne pouvait pas regagner son poste d’attache, il lui incombait de surveiller le processus consistant à trouver une mesure d’adaptation appropriée. Il lui a écrit le 7 juin 2010 pour lui expliquer le processus; il a joint les formulaires qu’elle devait signer pour le renvoi à Santé Canada (pièce E-15). Il a expliqué que selon lui, il était nécessaire que Santé Canada procède à une évaluation afin que la fonctionnaire soit intégrée dans un milieu de travail approprié et dans un poste où elle pourrait être efficace. Il a ajouté que pour ce faire, il était nécessaire d’avoir autant de précisions et d’éclaircissements que possible au sujet de ses besoins en mesures d’adaptation. Le certificat médical fourni par la fonctionnaire en mai 2010 ne comprenait pas de renseignements que l’employeur aurait pu utiliser afin de déterminer le type de milieu de travail propice au succès de la fonctionnaire.

20 M. Seguin a aussi expliqué que la fonctionnaire n’était pas retournée au travail après son congé annuel de mars 2010. Son retour au travail a d’abord été retardé par des circonstances indépendantes de sa volonté, puis, comme l’a certifié son médecin, par la maladie. Par conséquent, elle a été en congé de maladie à compter de la date du certificat médical.

21 Le 16 juin 2010, la fonctionnaire a répondu par écrit à la lettre de M. Seguin (pièce E-17). Contrairement à ce qu’avait affirmé le Dr Burt dans le certificat médical du 5 mai 2010 (pièce E-16), à savoir que la fonctionnaire était disposée à être évaluée par Santé Canada, celle-ci a signifié clairement qu’elle ne jugeait pas cette demande de l’employeur raisonnable et que, par conséquent, elle refusait de s’y soumettre. Elle a déclaré, tant dans sa lettre à M. Seguin que dans son témoignage, que les notes du Dr Burt (pièces G-3 et E-16) étaient très claires et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire de donner plus de détails. Elle a cependant autorisé M. Seguin à communiquer avec son médecin s’il avait besoin de plus amples précisions ou d’éclaircissements au sujet de ses besoins en mesures d’adaptation.

22  Compte tenu du consentement de la fonctionnaire à autoriser l’employeur à communiquer directement avec son médecin, M. Seguin a demandé à la division des relations de travail de faire un suivi auprès du D. Burt. Mme Milsom a écrit au médecin et lui a demandé des précisions sur les restrictions relatives au travail de la fonctionnaire et sur ses besoins en mesures d’adaptation (pièce E-18). Le 9 juillet 2010, M. Seguin a transmis une copie de la lettre de Mme Milsom à la fonctionnaire et il y a ajouté sa propre explication des raisons pour lesquelles l’employeur demandait de plus amples renseignements au sujet des mesures d’adaptation (pièce E-18). Au dernier paragraphe de sa lettre, il a mentionné qu’il avait été informé qu’elle continuait de venir à son lieu de travail. Il lui a demandé de ne plus le faire à l’avenir. Il a déclaré avoir écrit cette directive parce qu’il craignait que sa présence sur le lieu de travail n’aille à l’encontre des directives de son médecin, et qu’il ne souhaitait pas perpétuer la situation qui était à l’origine de sa maladie.

23 Le 8 août 2010, le Dr Burt a répondu à la demande de précisions de Mme Milsom concernant les restrictions de la fonctionnaire relatives au travail (pièce G-4). Il a écrit que les difficultés au travail de la fonctionnaire découlaient notamment de son incapacité à travailler avec les personnes nommées dans sa plainte. Même si le Dr Burt a reconnu que la plainte n’avait pas été accueillie, il a déclaré que la décision n’avait pas [traduction] « […] éliminé ses sentiments ni la perception qu’elle avait de sa situation ». Il a ajouté que la fonctionnaire ne devait avoir aucun contact avec les personnes nommées dans sa plainte et que, par conséquent, elle ne devait pas travailler sur le même étage ou dans l’entourage de ces personnes. Il a ajouté que ces personnes ne devaient pas non plus superviser l’un ou l’autre aspect du travail de la fonctionnaire. Il a recommandé qu’elle travaille pour un nouveau gestionnaire, lequel ne devait avoir aucun lien avec ses gestionnaires précédents. Il a reconnu que la fonctionnaire ne pourrait peut-être pas continuer de travailler à la Direction générale des RH, compte tenu de ses recommandations. Il a affirmé que les restrictions soulevées étaient permanentes et qu’il ne croyait pas que les sentiments ou les opinions de la fonctionnaire changent éventuellement. Par conséquent, tout rapport avec les personnes en question serait préjudiciable à la santé de la fonctionnaire.

24 Comme les recommandations médicales fournies à l’employeur soulignaient que la fonctionnaire ne devait pas travailler au sein de la division de son poste d’attache ni même pour la Direction générale des RH, M. Seguin a jugé qu’elle devait être inscrite sur la liste des priorités ministérielles. Il a soulevé que l’inscription  de la fonctionnaire sur la liste permettrait à l’employeur de mieux la présenter ou de la mettre en valeur au sein de TPSGC, l’objectif étant de lui obtenir un emploi qui répond aux conditions prescrites par son médecin.

25 Dans un courriel à la fonctionnaire en date du 1er septembre 2010, M. Seguin a expliqué sa décision de l’inscrire sur la liste des priorités ministérielles. Il a ajouté que Mme Larente communiquerait avec elle afin d’entamer le processus. Il a recommandé à la fonctionnaire de commencer à mettre à jour son curriculum vitæ et il a laissé entendre que les Services d’orientation pouvaient l’aider à accomplir cette tâche (pièce E-19).

26 En guise de réponse, la fonctionnaire a notamment demandé l’autorisation d’aller à son bureau afin de ranger ses effets personnels, de travailler sur son curriculum vitæ et d’obtenir de l’orientation (pièce E-19). M. Seguin a déclaré avoir consenti à sa demande parce qu’il n’y avait vu que le désir de récupérer ses affaires et qu’il ne voulait pas lui refuser cette possibilité. Selon lui, la fonctionnaire devait être autorisée à obtenir les services d’orientation professionnelle offerts dans l’immeuble. Il a souligné que ses services n’étaient pas situés au même étage que son ancien bureau.

27 Cependant, il est devenu évident que la fonctionnaire occupait régulièrement son ancien bureau. Mme Larente, qui s’efforçait de trouver un autre emploi pour la fonctionnaire à la demande de M. Seguin depuis la fin d’août 2010, a souligné dans un courriel que la fonctionnaire avait demandé que toute sa correspondance lui soit acheminée à l’adresse de son ancien bureau, parce qu’elle y était située (pièce E-20). Mme Milsom a déclaré avoir été préoccupée lorsqu’elle a appris que la fonctionnaire allait à son ancien bureau pour travailler sur son curriculum vitæ, parce les directives médicales prescrivaient clairement que la fonctionnaire ne devait pas travailler dans le même voisinage ni sur le même étage que les personnes qu’elle avait nommées dans sa plainte.

28 Compte tenu des directives qu’ils avaient reçues du médecin de la fonctionnaire, M. Seguin et Mme Milsom croyaient tous deux que cette dernière ne devrait pas occuper son ancien bureau. Par conséquent, le 20 septembre 2010, Gerald Boucher, qui était devenu le gestionnaire de la division de la fonctionnaire pendant son absence, a été prié de se rendre à son bureau et de lui expliquer qu’elle ne devait pas s’y trouver. Comme la fonctionnaire ne connaissait pas M. Boucher, elle a été préoccupée par le fait qu’il lui demande de quitter le bureau. Elle a exprimé ses préoccupations dans un courriel adressé à M. Seguin, dans lequel elle a notamment affirmé qu’elle avait besoin d’utiliser son bureau pour s’acquitter des tâches essentielles exigées de son emploi. Elle a aussi souligné qu’elle ne se sentait plus malade et elle a demandé d’être relocalisée dès que possible afin de pouvoir se préparer à sa prochaine affectation (pièce E-21).

29 Au moment même où M. Seguin et Mme Milsom tentaient de composer avec le désir de la fonctionnaire de travailler dans son ancien bureau, une possibilité d’emploi s’est présentée à la division des SANI, où la fonctionnaire avait travaillé pendant l’enquête sur sa plainte. Mme Milsom a déclaré qu’elle croyait que la fonctionnaire avait aimé son travail à la division des SANI. Comme le poste était classifié au même groupe et niveau que le poste d’attache de la fonctionnaire, elle a cru qu’il répondrait aux nécessités médicales de son médecin moyennant quelques adaptations. Plus particulièrement, l’employeur a décidé que les rapports hiérarchiques du poste seraient modifiés afin d’exclure M. Seguin de tout rôle de supervision, conformément aux recommandations du Dr Burt.

30 Cependant, lorsque l’employeur a tenté de fixer une rencontre avec la fonctionnaire prévue le 27 septembre 2010, pour lui expliquer la nature de l’emploi et lui permettre de rencontrer le nouveau gestionnaire de la division des SANI, celle-ci a refusé d’y assister (pièce E-35). Le 27 septembre 2010, elle a envoyé un courriel dans lequel elle a notamment affirmé que son médecin avait conclu qu’elle ne pouvait pas travailler dans la même direction que M. Seguin (pièce E-35).

31 Le 23 septembre 2010, le Dr Burt a fait parvenir un nouveau certificat médical à l’employeur confirmant que la fonctionnaire pouvait retourner au travail immédiatement, à condition de ne pas travailler à la même direction générale que son ancien directeur général, M. Seguin (pièce G-5).

32 Mme Larente a déclaré que le certificat médical indiquant que la fonctionnaire ne pouvait pas travailler à la même direction générale que M. Seguin avait rendu la recherche d’un autre emploi plus difficile, parce que cela signifiait que la fonctionnaire ne pouvait pas travailler à la Direction générale des RH. Elle a ajouté que le poste de la fonctionnaire était classifié PE, et que les postes classifiés à ce groupe ne se trouvaient qu’à la Direction générale des RH.

33 Mme Larente a expliqué qu’en raison du fait que la recherche d’un autre emploi devait s’effectuer à l’extérieur de la direction générale de la fonctionnaire, il est devenu important de l’inscrire dans le système ministériel de placement prioritaire du Ministère, qui prévoit l’unique priorité à TPSGC en matière de dotation (pièce E-43). Il s’agit d’une priorité administrative qui vise à réintégrer les employés handicapés au sein de l’effectif du Ministère. Pour être admissibles, les employés doivent répondre aux deux critères suivants : ils doivent être aptes à retourner au travail, mais ne doivent pas être en mesure de regagner leur poste d’attache en raison de limitations permanentes, confirmées par une autorité médicale.

34 Le système de placement prioritaire de TPSGC diffère passablement du système d’administration des priorités géré par la CFP. Le système de TPSGC est d’ordre administratif, tandis que le système de la CFP est réglementaire et dicté par les dispositions du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334) (le « REFP »). Pour être admissible au statut d’invalidité prioritaire en vertu du REFP, un employé doit avoir présenté une demande pour une indemnité d’invalidité et y être admissible, ce qui n’est pas une exigence dans le cadre du système ministériel de placement prioritaire. Une fois qu’un employé s’est vu accorder la priorité en vertu du REFP, celle-ci s’applique à toutes les mesures de dotation de la fonction publique. Les ministères gouvernementaux ne peuvent pas inscrire des employés sur la liste des priorités de la CFP, ni les placer à des postes qui ne relèvent pas d’eux. Seule la CFP a accès aux mesures de dotation à l’échelle de l’administration fédérale aux fins des placements prioritaires.

35 Mme Larente a déclaré que la fonctionnaire avait été enregistrée dans le système de priorité du Ministère après consultation du groupe responsable de la dotation ministérielle. Comme elle ne pouvait plus travailler à la Direction générale des RH, il était nécessaire de trouver des groupes et des niveaux de classification appropriés à l’extérieur du groupe PE qui pouvaient correspondre à ses compétences.

36 Après avoir analysé les divers groupes au sein du Ministère, Mme Larente a conclu que les postes appartenant aux groupes Services administratifs (AS), Administration des Programmes (PM) et Économique et services de sciences sociales (EC) étaient les plus appropriés. Parmi ces trois groupes, Mme Larente était d’avis que les postes du groupe EC concordaient le plus étroitement avec les antécédents de la fonctionnaire en économie et en statistiques, parce qu’ils comprenaient des tâches liées à la planification et à la conduite de sondages et de projets, ainsi que des recherches en sciences sociales mettant l’accent sur l’analyse de données quantitatives.

37 Les niveaux de poste du groupe PE ne concordaient pas exactement avec ceux des trois groupes relevés par Mme Larente. Celle-ci a déclaré qu’en vertu des règles du système de placement prioritaire, elle devait trouver une équivalence rapprochée du poste d’attache de la fonctionnaire, sans qu’il s’agisse d’une promotion. Par conséquent, pour établir le niveau de classification approprié des postes convenables dans les trois groupes de classification ciblés, elle a effectué des calculs (pièce E-39). En dernier ressort, Mme Larente a conclu que le niveau 4 était le niveau approprié dans chacun des groupes de classification. Le niveau 4 représentait toutefois une baisse de salaire par rapport au poste d’attache de la fonctionnaire.

38 Mme Larente a expliqué que, une fois la fonctionnaire inscrite au système ministériel de placement prioritaire et son curriculum vitæ a été mis à jour, son nom aurait été saisi dans le système des RH, accompagné des groupes de classification et des niveaux qui étaient jugés les plus convenables pour elle.

39 Le 7 octobre 2010, Mme Larente a envoyé un courriel à la fonctionnaire en guise de suivi d’une conversation qu’elles avaient eue. Dans le cadre de cette conversation, Mme Larente a recommandé à la fonctionnaire de modifier son curriculum vitæ, de façon à préciser plus clairement ses compétences, ses aptitudes et son expérience professionnelle (pièce E-34), tout en soulignant le fait qu’elle pouvait communiquer avec les Services d’orientation pour obtenir de l’aide. Une semaine plus tard, Mme Larente a fait le suivi de sa demande concernant le curriculum vitae mis à jour et a mentionné qu’elle ne pouvait pas saisir le nom de la fonctionnaire à titre de priorité ministérielle tant qu’elle n’aurait pas reçu un curriculum vitæ à jour (pièce E-34).

40 Comme la fonctionnaire ne pouvait pas travailler dans son ancien bureau, elle voulait avoir accès à un espace de travail. Mme Larente a déclaré avoir cherché un poste de travail modulaire pour la fonctionnaire mais que la recherche avait été infructueuse parce qu’elle était limitée aux zones situées à l’extérieur de la Direction générale des RH, et qu’il n’y avait pas de poste de travail disponible. Dans son échange de courriels avec la fonctionnaire, en octobre 2010 (pièce E-34), il a de nouveau été question de l’espace de travail.

41 Le 13 octobre 2010, Dany Bisaillon, un conseiller supérieur en relations de travail, a communiqué avec la fonctionnaire afin de discuter des mesures à prendre pour vider son bureau et récupérer ses effets personnels.

42 Le 17 octobre 2010, la fonctionnaire a écrit à Mme Larente, afin d’être mis au courant de la date à laquelle elle pourrait aménager le nouveau poste de travail qu’elle croyait lui serait fourni. Elle a souligné qu’on lui avait refusé l’accès à son bureau, et qu’à défaut d’avoir accès à un poste de travail, il ne lui était pas possible de travailler ou de mettre à jour son curriculum vitæ (pièce E-34).

43 Le 22 octobre 2010, Mme Milsom est intervenue et a répondu au courriel du 17 octobre 2010 de la fonctionnaire (pièce E-33). Mme Milsom a déclaré qu’elle voulait expliquer à la fonctionnaire que l’employeur n’avait pas pris une mesure punitive lorsqu’il lui a refusé l’accès à son ancien bureau, mais qu’il s’efforçait plutôt de respecter les directives de son médecin. Cependant, l’explication de Mme Milsom n’a pas convaincu la fonctionnaire. Mme Milsom a ajouté que la communication entre elles était devenue difficile parce que, selon elle, la fonctionnaire avait adopté un ton accusatoire et critique.

44 La fonctionnaire a répondu à Mme Milsom le 24 octobre 2010 (pièce E-34). Elle a souligné, entre autres choses, le fait que son médecin lui avait conseillé de retourner au travail dans les plus brefs délais et que, par conséquent, elle devait avoir accès à des outils et à du matériel. Elle a affirmé qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas déménager dans un bureau situé sur un autre étage pendant qu’elle attendait d’être affectée dans une nouvelle direction générale. Elle a demandé à l’employeur de lui fournir un bureau temporaire afin qu’elle puisse retourner au travail pendant qu’elle attendait le nouveau poste recommandé par son médecin.

45 Dans un courriel daté du 29 octobre 2010, Mme Milsom a tenté d’expliquer à la fonctionnaire que, bien que son médecin ait recommandé qu’elle retourne au travail dans les plus brefs délais, en raison des restrictions imposées par ce même médecin à l’égard du lieu où elle pouvait travailler, l’employeur devait lui trouver un nouveau poste dans une autre direction générale. En pareilles circonstances, la pratique habituelle de l’employeur était de mettre l’employé en congé jusqu’à ce qu’il soit possible de trouver un nouveau poste. Mme Milsom a souligné le fait que la fonctionnaire pouvait avoir accès aux ordinateurs qui se trouvaient au centre d’autoapprentissage. Elle a aussi expliqué qu’en raison du fait que la fonctionnaire ne retournait pas à son poste d’attache, elle devait vider son ancien bureau,afin que son remplaçant ou sa remplaçante puisse l’utiliser.

46 Le 4 novembre 2010, Mme Milsom a répondu à d’autres questions de la fonctionnaire concernant la demande de l’employeur voulant qu’elle récupère ses objets personnels. Mme Milson a également précisé la position de l’employeur. En réponse, la fonctionnaire a accepté de venir chercher ses affaires au bureau. Elle a aussi demandé d’avoir accès à son ordinateur personnel afin de pouvoir nettoyer des fichiers inutiles et de conserver des données avant qu’elles ne soient effacées (pièce E-34).

47 Mme Larente a déclaré avoir reçu le curriculum vitæ de la fonctionnaire au début de novembre 2010. Le 15 novembre 2010, elle a avisé la fonctionnaire qu’elle avait été enregistrée à titre de priorité ministérielle. Elle lui a ensuite expliqué que parce qu’il n’était pas possible de la renvoyer à des postes de la Direction générale des RH, l’employeur devait chercher des postes à l’extérieur du groupe PE. Mme Larente a aussi expliqué qu’après avoir analysé les groupes et les niveaux qui étaient les plus rapprochés du poste d’attache de la fonctionnaire en ce qui concerne le salaire, les habiletés requises, les compétences et l’expérience, elle avait conclu que les postes classifiés AS-04, PM-04 et EC-04 étaient les plus appropriés et les plus concordants. Elle a reconnu que les taux de salaire de ces postes étaient inférieurs à celui du poste d’attache de la fonctionnaire et elle a ajouté qu’en pareilles circonstances, il n’existait aucun droit à la protection salariale ou à la réintégration (pièce E-38).

48 Le 17 novembre 2010, la fonctionnaire a répondu par courrier électronique     (pièce E-38). Tant dans son courriel qu’à l’audience, elle a affirmé qu’elle ne souffrait pas d’une incapacité et qu’elle était tout à fait en mesure de s’acquitter des fonctions de son poste d’attache si elle était mutée dans un milieu de travail différent. Elle a ajouté que la décision de l’inscrire sur la liste des priorités du Ministère était désavantageuse pour elle sur le plan financier, et qu’elle n’accepterait pas un poste dont le salaire est inférieur à son salaire de l’époque au niveau PE-03. Elle aurait pu envisager un poste au niveau EC-05 parce qu’il équivalait à un poste ES-04, qu’elle avait occupé antérieurement. Elle a aussi souligné le fait que le retard à la muter à un poste approprié était contraire à ses intérêts financiers et à son bien-être.

49 Mme Larente a déclaré s’être efforcée d’expliquer à la fonctionnaire les raisons pour lesquelles elle avait été inscrite à titre de priorité du Ministère. Dans un courriel daté du 25 novembre 2010, elle a renvoyé la fonctionnaire au certificat médical de son médecin en date du 8 août 2010, et a souligné le fait que ce dernier avait identifié des limitations permanentes et que, par conséquent, elle ne pouvait plus travailler à la Direction générale des RH, même si elle était prête à retourner au travail à un autre poste. Mme Larente a dit à la fonctionnaire que l’employeur s’efforçait de trouver un poste conforme aux recommandations de son médecin, mais que cela voulait dire qu’elle ne pouvait pas occuper un poste classifié PE-03. Elle a de nouveau expliqué les raisons pour lesquelles l’employeur cherchait des postes classifiés AS-04, PM-04 et EC-04. Elle a rappelé à la fonctionnaire qu’elle ne pouvait pas l’aiguiller vers un poste qui représenterait une promotion au moyen du système ministériel de placement prioritaire, mais qu’elle n’avait aucun problème à ce qu’elle présente sa candidature à des concours visant des postes à ce niveau. Elle a dit à la fonctionnaire que si elle avait besoin d’aide ou de directives sur la façon de présenter sa candidature à des postes qui l’intéressaient, elle pouvait communiquer avec les Services d’orientation (pièce E-38). Mme Larente a ajouté qu’elle ignorait si la fonctionnaire avait réussi à avoir accès aux Services d’orientation, mais elle présumait que dans le cas contraire, elle l’aurait dit.

50 À un certain point, au début de novembre 2010, la fonctionnaire avait apparemment épuisé ses congés de maladie. Le 12 novembre 2010, M. Seguin a répondu à la correspondance qu’elle lui a fait parvenir, ainsi qu’à Mme Lorenzato (pièce E-31). Il a avisé la fonctionnaire avoir autorisé une avance de congé de maladie afin de s’assurer que le versement de son salaire ne soit pas interrompu. Il a par ailleurs confirmé que l’employeur était à la recherche d’un autre emploi pour elle et qu’il avait recours à la fois à la liste de placement prioritaire du Ministère et aux relations personnelles. Il l’a cependant encouragée à demander des prestations d’invalidité de longue durée, au cas où la recherche d’un autre emploi prendrait plus de temps que prévu. Selon lui, il pensait que la fonctionnaire aurait dû bénéficier des prestations d’invalidité de longue durée plutôt que d’épuiser ses congés de maladie.

51 Le 26 novembre 2010, la fonctionnaire a écrit à Mme Lorenzato, afin de se plaindre du défaut de l’employeur de l’affecter à un poste conforme aux recommandations de son médecin et, plus particulièrement, du fait que l’employeur considérait des postes classifiés à un niveau inférieur à son poste d’attache comme étant des affectations appropriées dans son cas. Elle s’est également plainte du fait qu’en raison du retard à trouver une affectation convenable, elle avait épuisé ses congés de maladie et elle ne recevait plus son salaire. Elle a demandé d’être affectée à un poste classifié EC-05 compatible avec ses compétences et son expérience, afin de bénéficier de la protection salariale s’il fallait la muter à un poste de niveau inférieur, ou encore d’être mutée latéralement à un autre ministère (pièce E-7).

52 Mme Lorenzato a déclaré qu’elle avait autorisé la poursuite du versement du salaire de la fonctionnaire lorsqu’il a été porté à son attention qu’il avait été interrompu. Elle a expliqué avoir pris cette décision parce que la recherche du Ministère en vue de trouver un autre emploi pour la fonctionnaire coïncidait avec des réductions importantes de la taille de la fonction publique, ce qui rendait la recherche d’emploi beaucoup plus difficile. Mme Lorenzato a déclaré que l’année 2010 avait été la dernière année de l’examen stratégique qui avait mené à une réduction de cinq pour cent de l’effectif. Cependant, le gouvernement avait annoncé un nouveau plan d’action pour la réduction du déficit et les ministères avaient été priés de prévoir une réduction supplémentaire de 10 p. 100, ce qui représentait une perte de 19 200 postes dans l’ensemble de la fonction publique. Mme Lorenzato a affirmé que TPSGC était au nombre des ministères les plus touchés. Elle a ajouté qu’à son avis, il n’aurait pas été équitable d’interrompre le versement du salaire de la fonctionnaire à un moment où il était plus difficile de lui trouver un nouvel emploi en raison de cette conjoncture.

53 M. Seguin a déclaré que, même si la fonctionnaire était inscrite sur la liste des priorités du Ministère, il a également eu recours à ses relations personnelles pour lui trouver un poste convenable. Le 15 novembre 2010, il a envoyé un courriel à Shirley Squires, la directrice des Services conseils du gouvernement (SCG), avec qui il avait travaillé dans le passé. Il lui a demandé si l’un ou l’autre de ses clients pouvait utiliser les services d’une personne possédant les compétences de la fonctionnaire, même temporairement. Afin de faciliter une éventuelle affectation, il a offert que la Direction générale des RH couvre le salaire de la fonctionnaire jusqu’à la fin de l’exercice (pièce E-22).

54 Mme Squires a accepté de faire circuler le curriculum vitæ de la fonctionnaire (pièce E-23), ce qui a donné des résultats. M. Seguin a expliqué que les SCG constituaient une société interne d’experts-conseils qui offrait des services aux autres ministères. À la fin décembre, Danl Loewen, directeur de l’efficacité organisationnelle et des services stratégiques des ressources humaines aux SCG, a avisé M. Seguin qu’à la suite de discussions entre la fonctionnaire et des cadres supérieurs de son personnel, il était disposé à offrir à cette dernière une affectation temporaire liée à son domaine d’expertise (pièce E-24). M. Seguin a déclaré qu’elle aurait été rémunérée au salaire de son poste d’attache classifié PE-03 et qu’elle aurait effectué des tâches d’analyse de données et de recherche sur la composition des effectifs.

55 La fonctionnaire a commencé à travailler à cette affectation le lundi 17 janvier 2011. Le lendemain matin, elle a avisé la superviseure du projet, Louise Vignault, directrice par intérim, Finances et analyse, qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler au projet, et ce, pour des raisons médicales. Selon une note de Mme Vigneault versée au dossier à la demande de M. Seguin et qui a été déposée en preuve sur consentement, la fonctionnaire a expliqué que le fait de travailler sur ce projet pouvait présenter un risque pour sa santé (pièce E-27).

56 Lors d’une rencontre entre la fonctionnaire, Mme Vignault et Mme Loewen, le 19 janvier 2011, les tentatives visant à trouver un autre emploi aux SCG ont échoué parce que la fonctionnaire avait le sentiment qu’il ne s’agissait pas d’un travail qui lui convenait. Elle a décidé de mettre fin à l’affectation. Elle a toutefois continué de travailler à l’analyse des données sur les effectifs pendant le reste de cette semaine-là. L’affectation a officiellement cessé le 26 janvier 2011. Il convient de souligner que dans son argumentation finale, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait travaillé à l’affectation aux SCG pendant quelques semaines.

57 Le 25 janvier 2011, la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Seguin pour lui expliquer la raison pour laquelle elle avait refusé l’affectation. Elle a affirmé avoir obtenu une copie de l’accord conclu entre TPSGC et les SCG et que, par conséquent, elle avait appris que le projet en question était dirigé par un gestionnaire de la Direction générale des RH qui était nommé dans sa plainte de harcèlement. Compte tenu de ses restrictions médicales, elle était d’avis qu’elle n’avait pas d’autre choix que de se retirer du projet (pièce E-28).

58 Tant dans les réponses qu’il a adressées à la fonctionnaire par courrier électronique (pièce E-28) que dans son témoignage à l’audience, M. Seguin a estimé que l’affectation répondait aux conditions établies par le médecin de celle-ci. Bien qu’il ait reconnu que la Direction générale des RH était le client pour lequel les SCG avaient entrepris le projet et que l’un des gestionnaires de la Direction générale des RH que la fonctionnaire avait nommés dans sa plainte de harcèlement supervisait le projet pour la Direction générale des RH, il était d’avis que les rapports entre les SCG et la Direction générale des RH n’avaient lieu qu’aux plus hauts niveaux, et que cela n’aurait eu aucune répercussion sur le travail de la fonctionnaire.

59 À l’audience, la fonctionnaire a présenté le contrat signé entre les SCG et la Direction générale des RH (pièce G-2). Elle a souligné que le gestionnaire en question y était nommé à titre de chef de projet chargé d’offrir de l’aide aux SCG relativement à la communication de données démographiques et d’autres renseignements. Elle a demandé à M. Seguin comment elle aurait pu travailler à ce projet sans avoir de contact avec ce gestionnaire. Il a affirmé de nouveau que le gestionnaire en question aurait interagi uniquement avec Mme Vignault.

60 M. Seguin a déclaré avoir envoyé un courriel à la fonctionnaire à la suite de l’affectation de cette dernière aux SCG et il lui a notamment expliqué que l’employeur continuerait à lui chercher un emploi au sein de TPSGC, mais qu’il n’était pas possible de chercher des affectations à l’extérieur du Ministère parce qu’elle n’était pas admissible à la liste de placement prioritaire de la CFP (pièce E-28). Il l’a avisée que si elle souhaitait chercher des débouchés dans d’autres ministères, elle devait présenter sa candidature aux postes qui l’intéressaient. Il lui a également suggéré de se soumettre à une évaluation linguistique parce qu’il croyait que l’établissement d’un profil linguistique précis pourrait lui être utile dans le cadre de sa recherche d’un nouveau poste.

61 Dans sa réponse au courriel de M. Seguin, la fonctionnaire a clairement soulevé le fait qu’elle devait éviter tout échange avec lui étant donné qu’il était l’une des personnes nommées dans sa plainte de harcèlement. Elle a ajouté qu’il entravait sa tentative de trouver une mesure d’adaptation convenable (pièce E-29). À la réception du courriel de la fonctionnaire, M. Seguin a avisé Mme Lorenzato qu’il croyait qu’il serait préférable pour tout le monde qu’elle traite avec la fonctionnaire.

62 Le 25 février 2011, Mme Lorenzato a envoyé un courriel à la fonctionnaire. Elle lui a alors répété que l’enquête indépendante sur sa plainte de harcèlement n’avait pas démontré qu’il y avait eu harcèlement ou discrimination à son égard ou dans son milieu de travail et que, par conséquent, toutes les personnes nommées dans la plainte avaient été lavées de toutes les allégations à leur endroit. Mme Lorenzato a insisté sur le fait qu’elle avait accepté les conclusions de l’enquêteur relativement à la plainte de harcèlement. Malgré le fait que l’employeur n’ait pas accepté le fait qu’il y avait eu harcèlement ou discrimination dans le cas de la fonctionnaire, Mme Lorenzato a reconnu que la perception de la fonctionnaire à cet égard avait donné lieu aux restrictions médicales que l’employeur s’était engagé à respecter. Mme Lorenzato a souligné le fait qu’en raison de ces restrictions, la fonctionnaire ne pouvait pas travailler à la Direction générale des RH, ce qui posait des difficultés pour la recherche d’un autre emploi (pièce E-8).

63 Dans son courriel et dans son témoignage, Mme Lorenzato a déclaré qu’au 25 février 2011, l’employeur avait évalué le curriculum vitæ de la fonctionnaire par rapport à 23 postes vacants au sein de TPSGC qui concordaient avec ses compétences et son expérience, mais qu’elle n’avait été retenue pour aucun d’entre eux, en grande partie au vu des exigences linguistiques. Mme Lorenzato a déclaré qu’en raison du fait que TPSGC est en grande partie un fournisseur de services, la plupart de ses postes sont bilingues, ce qui posait des difficultés pour la recherche d’emploi.

64 La réponse de la fonctionnaire à Mme Lorenzato, en date du 3 mars 2011, a confirmé qu’elle n’acceptait pas les conclusions de l’enquête sur le harcèlement, et que les conseils de son médecin avaient pour objet d’adresser cette question. Cependant, elle a aussi fait allusion à sa conviction selon laquelle ses [traduction] « […] compétences avaient été désignées excédentaires dans les activités de TPSGC » (pièce E-8). Elle a contesté le fait qu’elle était atteinte d’une incapacité et elle a allégué que puisque ses compétences et son expertise étaient excédentaires, elle devait être inscrite sur la liste interministérielle des priorités.

65 Mme Lorenzato a affirmé que la fonctionnaire n’avait jamais été désignée excédentaire. Elle a ajouté qu’aucune lettre n’avait été envoyée à la fonctionnaire l’avisant qu’elle était visée par la Directive sur le réaménagement des effectifs et que seul le sous-ministre pouvait émettre une telle lettre. Mme Lorenzato a déclaré en outre que les postes de la Direction générale des RH n’avaient pas été désignés excédentaires ou touchés. Par conséquent, afin de résoudre ces questions et d’expliquer de nouveau à la fonctionnaire les raisons pour lesquelles elle avait été inscrite sur la liste des priorités du Ministère, Mme Lorenzato lui a envoyé, le 15 mars 2011, un autre courriel soulignant les dispositions législatives (pièce E-9). Mme Lorenzato a spécifiquement souligné le fait que l’employeur avait communiqué avec la CFP et que cette dernière avait confirmé que la situation de la fonctionnaire n’était pas visée par les dispositions donnant lieu à une priorité en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »).

66 Au cours de la période où Mme Lorenzato correspondait avec la fonctionnaire, Mme Larente a aussi participé aux efforts visant à lui trouver un poste approprié. Le 21 février 2011, elle lui a écrit au sujet d’un poste d’analyste principale des systèmes de gestion et des services de la paye, classifié AS-04, à la Direction générale de la comptabilité, de la gestion bancaire et de la rémunération (la « Direction générale de la CBR ») (pièce E-40). Mme Larente a déclaré que cette possibilité d’emploi avait été trouvée au moyen du système de placement prioritaire et que, selon elle, la fonctionnaire pourrait profiter de l’occasion et adapter son curriculum vitæ à cette offre. Elle a ajouté qu’il était habituel d’offrir aux candidats la possibilité d’expliquer en quoi leur curriculum vitæ répondait aux critères de l’emploi.

67 La fonctionnaire a répondu à Mme Larente le 23 février 2011 (pièce E-40). Elle a déclaré que l’emploi qui lui était offert n’était pas compatible avec ses études, son expérience, son salaire et ses autres compétences. Elle a ajouté que la recommandation d’adapter son curriculum vitæ était dégradante et que cela constituait une forme de [traduction] « harcèlement accéléré ». Elle a signifié très clairement qu’elle n’envisagerait pas un poste qui n’était pas classifié au même niveau que son poste d’attache, soit PE-03, ou au niveau ES-04, comme celui qu’elle avait occupé dans le passé lorsqu’elle avait travaillé pour la CFP (pièce E-40).

68 Mme Larente a déclaré avoir répondu à la fonctionnaire par courrier électronique, le 2 mars 2011, et qu’elle s’était efforcée d’expliquer à la fois le processus de dotation et les raisons pour lesquelles elle estimait que la fonctionnaire pourrait juger intéressante la possibilité d’emploi de la direction de la CBR.

69 Le 25 mars 2011, Mme Larente a de nouveau écrit afin de savoir si la fonctionnaire était intéressée par la possibilité d’emploi. Elle a souligné que si tel était le cas, quelqu’un communiquerait avec elle afin qu’elle passe un examen écrit qui faisait partie du processus de dotation (pièce E-40). Mme Larente a déclaré que l’examen écrit avait pour but de s’assurer que les candidats satisfaisaient les qualifications essentielles du poste. Elle a ajouté qu’il s’agissait de la façon habituelle d’évaluer les qualifications. La fonctionnaire a refusé la possibilité d’emploi et a dit à Mme Larente de ne communiquer avec elle que si elle avait des occasions sérieuses à lui offrir (pièce E-40).

70 Mme Lorenzato a déclaré qu’elle avait commencé à s’inquiéter du fait que l’employeur aiguillait la fonctionnaire vers des postes, mais que celle-ci n’en prenait aucun en considération. Le 19 mai 2011, elle a envoyé un courriel à la fonctionnaire afin de lui demander de confirmer qu’elle n’était pas en mesure de travailler à son poste d’attache, mais qu’elle pouvait retourner au travail sous réserve des restrictions établies par son médecin (pièce E-10). Mme Lorenzato l’a avisée que l’employeur continuerait à approuver son congé jusqu’à ce qu’on trouve un poste approprié, mais qu’à partir du 30 mai 2011, ce congé serait converti en congé non payé. Mme Lorenzato a déclaré qu’il était difficile de justifier le versement d’une rémunération à la fonctionnaire alors qu’elle refusait de participer à un processus qui avait pour but de l’aider à trouver un autre emploi.

71 La fonctionnaire a répondu à Mme Lorenzato le 27 mai et le 14 juin 2011 (pièce E-10). Elle a continué de rejeter les conclusions du rapport d’enquête sur la plainte de harcèlement au motif qu’il était biaisé, et elle a soutenu que la réponse de l’employeur aux recommandations de son médecin était inappropriée et constituait une forme de [traduction] « harcèlement continu ». Elle a affirmé que les offres d’emploi qu’elle avait reçues étaient dégradantes, qu’elles ne correspondaient ni à ses compétences ni à son expérience, et qu’elles entraîneraient une perte financière importante pour elle. Elle les a qualifiés de discriminatoires. Elle s’est plainte également de s’être vu refuser l’accès à son bureau, en plus de souligner le fait qu’elle n’était ni malade ni handicapée. Au lieu de se voir offrir des postes qui constituaient une rétrogradation, elle s’attendait à une promotion, puis elle a ajouté qu’elle ne prendrait pas en considération un poste moins bien rémunéré, à moins de bénéficier de la protection salariale (pièce E-10).

72 En raison de la longueur des réponses de la fonctionnaire, Mme Lorenzato a décidé de prolonger le congé payé jusqu’au moment où elle aurait la possibilité de les examiner à fond. Elle a souligné qu’ultimement, la fonctionnaire a continué de toucher son plein salaire jusqu’à ce qu’il soit mis fin à son emploi.

73 Mme Milsom a déclaré qu’en raison du fait que des possibilités d’emploi ont été portées à l’attention de la fonctionnaire et que celle-ci les a refusées, l’employeur a jugé nécessaire de s’assurer de bien comprendre les restrictions médicales établies par le médecin de la fonctionnaire. Ainsi, le 30 mai 2011, lorsqu’un poste d’analyste des politiques, classifié EC-04, est devenu disponible à la Direction générale des approvisionnements, Mme Milsom a envoyé une copie de la description de travail au Dr Burt afin qu’il l’examine et lui dise si cet emploi répondait aux restrictions qu’ils avaient établies (pièce E-36).

74 Le Dr Burt a répondu le 2 juin 2011 (pièce G-6). Il a convenu que l’emploi, tel qu’il était présenté dans la description qui lui a été envoyée, pouvait satisfaire aux restrictions médicales recommandées, mais il a souligné que la fonctionnaire le considérerait comme une rétrogradation, parce qu’il était classifié à un niveau salarial inférieur à celui de son poste d’attache.

75 Mme Larente a déclaré que le poste d’analyste des politiques disponible à la Direction générale des approvisionnements était approprié pour la fonctionnaire. Le poste était au sein du bureau responsable des petites et moyennes entreprises. Parmi les fonctions de ce poste, il fallait mener des enquêtes statistiques, des recherches et des analyses environnementales, ainsi que des activités de planification. Le 2 juin 2011, après avoir reçu la réponse du Dr Burt, Mme Larente a demandé à la fonctionnaire de consentir à être la candidate retenue pour le poste (pièce E-41). Celle-ci a répondu le jour même qu’elle ne tiendrait pas compte de ce poste, parce qu’il était classifié à un niveau salarial inférieur à celui de son poste d’attache. Elle a ajouté que l’employeur devait protéger son salaire (pièce E-41).

76 Le 3 juin 2011, Mme Lorenzato a écrit à la fonctionnaire. Elle a résumé les mesures prises par l’employeur à ce jour, d’abord en traitant sa plainte, puis en s’efforçant de respecter les restrictions médicales établies par son médecin. Mme Lorenzato a demandé à la fonctionnaire de se raviser et de prendre en considération le poste à la Direction générale des approvisionnements que Mme Larente lui avait trouvé, puis elle lui a rappelé que le refus d’une offre d’emploi appropriée risquait d’entraîner son retrait du système de placement prioritaire et la cessation de son emploi pour des motifs d’incapacité. La fonctionnaire a été priée de répondre à l’offre disponible à la Direction générale des approvisionnements avant le 7 juin 2011 (pièce E-11). La fonctionnaire a répondu le 7 juin 2011 et elle a demandé plus de temps à Mme Lorenzato, compte tenu de l’importance de la question, de la nécessité d’examiner toutes les possibilités qui s’offraient à elle, et afin d’établir la meilleure ligne de conduite pour protéger ses intérêts (pièce E-11).

77 Le 24 août 2011, Mme Milsom a invité la fonctionnaire à assister à une réunion avec elle, Mme Larente et Carolyne Juneau, une conseillère principale en relations de travail, afin de discuter des prochaines étapes de la recherche d’un emploi de rechange (pièce E-12). La fonctionnaire a refusé d’y assister. Dans un courriel qu’elle a envoyé le 31 août 2011, elle a mentionné que Mme Larente ne l’avait orientée que vers des postes qui auraient entraîné une rétrogradation et une perte de salaire, et elle a accusé le personnel responsable des relations de travail de l’avoir traitée de façon discriminatoire, de l’avoir intimidée et de l’avoir menacée. Compte tenu de ce comportement, son médecin lui a recommandé de s’en éloigner. Elle a ajouté que si Mme Milsom précisait les options disponibles, elle y répondrait par courrier électronique (pièce E-12).

78 Le 8 septembre 2011, après avoir appris que la fonctionnaire avait refusé de rencontrer Mme Milsom et les autres agents des relations de travail, Mme Lorenzato lui a envoyé un courriel lui offrant de la rencontrer personnellement pour discuter d’une offre de mutation (pièce E-12). La fonctionnaire a refusé (pièce E-12).

79 Le 29 septembre 2011, Mme Lorenzato a écrit à la fonctionnaire et a joint des copies des énoncés des critères de mérite des trois postes dont elle voulait discuter lors de la rencontre proposée pour le 8 septembre. Mme Lorenzato a déclaré que l’employeur avait besoin du consentement de la fonctionnaire pour faire parvenir son curriculum vitæ aux gestionnaires responsables. Dans sa lettre à la fonctionnaire, elle s’est efforcée d’expliquer pourquoi ces postes constituaient des arrangements appropriés dans son cas, puis elle a exposé le processus qui devait être suivi si la fonctionnaire consentait à l’envoi de son curriculum vitæ. Elle a aussi averti la fonctionnaire que son refus de participer au processus visant à trouver un poste approprié entraînerait son licenciement pour des motifs non disciplinaires liés à une incapacité.

80 Mme Larente a déclaré que les trois postes dont il était question dans la lettre du 29 septembre 2011 de Mme Lorenzato (pièce E-13) avaient été retenus parce qu’ils exigeaient des compétences et des habiletés similaires à celles du poste d’attache de la fonctionnaire. Le premier était un poste d’analyste des marchandises contrôlées à la direction de la surveillance ministérielle, classifié PM-04, qui comportait des tâches de recherche et d’analyse. Le deuxième était un poste d’analyste de l’évaluation, classifié EC-04, qui se trouvait dans cette même direction. Mme Larente a déclaré que le poste consistait à mener des recherches et des analyses statistiques. Le troisième était un poste d’analyste des politiques à la Direction générale des approvisionnements, classifié EC-04; il était similaire à celui qui avait été offert à la fonctionnaire en juin 2011. Les descriptions de travail de ces trois postes ont été déposées en tant que pièce E-42.

81 Pendant le contre-interrogatoire, Mme Larente a été priée d’expliquer pourquoi elle avait sélectionné des emplois qui exigeaient des niveaux d’instruction inférieurs à celui que possédait la fonctionnaire, et pour lesquels cette dernière ne possédait pas l’expérience voulue. Mme Larente a expliqué qu’elle avait retenu des possibilités d’emploi qui concordaient aussi étroitement que possible avec les compétences de la fonctionnaire, mais que puisqu’elle ne pouvait pas chercher des possibilités d’emploi à l’intérieur de la Direction générale des RH, les correspondances étaient approximatives, et non identiques. Les niveaux d’instruction requis étaient simplement les exigences minimales nécessaires pour s’acquitter des fonctions. Elle était également d’avis que la fonctionnaire pouvait apprendre de nouvelles tâches, parce que ses compétences répondaient aux exigences de ces postes.

82 La fonctionnaire a répondu à Mme Lorenzato par courrier électronique, le 7 octobre 2011 (pièce E-30). Elle l’a accusée de se livrer à de l’intimidation envers elle et, essentiellement, de manipuler les événements afin qu’il soit mis fin à son emploi. Elle a allégué que Mme Lorenzato avait ignoré toutes les recommandations de son médecin, ainsi que l’ensemble des demandes de mesures d’adaptation et d’aide qu’elle avait présentées tant avant qu’après le dépôt de sa plainte de harcèlement, en 2009. Plus précisément, elle a allégué qu’elle avait demandé une mutation aux SANI au début de 2009, mais qu’elle n’avait été autorisée à y rester que pendant la durée de l’enquête sur le harcèlement.

83 La fonctionnaire a laissé entendre que l’employeur organisait régulièrement des mutations et des affectations à l’extérieur du Ministère aux fins de perfectionnement professionnel, mais qu’en raison du fait qu’il l’avait étiquetée comme ayant une incapacité, elle était privée de ces possibilités. Elle a écrit qu’on ne lui avait pas permis d’utiliser un poste de travail, même temporairement, ce qui voulait dire qu’elle ne pouvait plus poursuivre ses travaux de recherche, ni postuler à des offres d’emploi interministérielles. Elle a allégué qu’on lui avait dit que, si elle se présentait au travail, elle serait escortée à l’extérieur des locaux.

84 Enfin, la fonctionnaire a déclaré que les postes qui lui étaient offerts étaient dégradants et inappropriés. Selon elle, la lettre de Mme Lorenzato était [traduction] « […] un manifeste discriminatoire à mon égard, indéniablement fondé sur l’âge ». Elle n’était pas disposée à accepter un poste qui n’aurait pas protégé son niveau de salaire en vigueur à ce moment-là et qui n’aurait pas été obtenu par les voies appropriées, par exemple un détachement ou un programme ministériel. Selon la fonctionnaire, la cessation de son emploi serait injustifiée et, le cas échéant, elle se prévaudrait d’un recours.

85 Selon Mme Lorenzato, l’employeur s’est efforcé de prendre des mesures d’adaptation pour la fonctionnaire pendant une longue période. Celle-ci a refusé de le rencontrer et de participer au processus. Elle est demeurée en congé payé et a demandé une promotion à un poste classifié EC-05. Selon Mme Lorenzato, il n’est pas possible de prendre des mesures d’adaptation pour une personne qui ne veut pas faire l’objet de mesures d’adaptation.

86 Mme Lorenzato a déclaré avoir fait rédiger une lettre à l’intention de la fonctionnaire pour lui signifier qu’elle était licenciée. Elle a expliqué que la lettre avait été rédigée selon ses directives, mais que M. Seguin l’avait signée parce qu’elle-même se trouvait à l’étranger au moment où la lettre avait été prête à être envoyée. La lettre a été envoyée à la fonctionnaire le 20 octobre 2011 (pièce E-14).

87 La fonctionnaire a déclaré que lorsque Mme Milsom a envoyé une copie de la description de travail du poste d’analyste des politiques à la Direction générale des approvisionnements (pièce E-36) à son médecin, elle n’a pas mentionné les conditions préalables à l’emploi. Elle a plutôt demandé au médecin de fournir des renseignements relativement à des questions particulières, ce que le médecin a fait. Les conditions préalables à l’emploi, comme l’exigence que la fonctionnaire se qualifie en passant un examen écrit ou une entrevue, ou les deux, et en se soumettant à une vérification des références, étaient énoncées dans la lettre de Mme Lorenzato en date du 29 septembre 2011 (pièce E-13), ainsi que dans le courriel de Mme Larente daté du 25 mars 2011 (pièce E-40), mais n’ont pas été communiquées au Dr Burt. La fonctionnaire a déclaré que, lorsque le Dr Burt a dit que sa mutation à une autre direction générale serait acceptable d’un point de vue médical, il ne connaissait par les postes ou les conditions préalables. Cependant, elle a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle connaissait les conditions préalables en mars 2011, soit bien avant que Mme Milsom n’écrive au Dr Burt, mais qu’elle ne les avait pas portées à son attention. Elle a ajouté que le Dr Burt n’était préoccupé que par sa santé et que, même si elle était d’avis que les conditions préalables concernaient sa santé, elle ne le lui avait pas mentionné.

88 La fonctionnaire a déclaré que l’employeur ne lui avait jamais offert de postes appropriés, qui correspondaient à ses compétences, à ses capacités et à son expérience. Les offres de Mme Lorenzato étaient dégradantes, et le fait qu’elles lui avaient été présentées sous la menace qu’il soit mis fin à son emploi était troublant. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas assisté à la réunion proposée par Mmes Milsom et Lorenzato parce qu’elle avait peur de les rencontrer après avoir été expulsée de son bureau.

89 La fonctionnaire a expliqué qu’après avoir lu la lettre du 29 septembre 2011 de Mme Lorenzato (pièce E-13), elle a réalisé que l’employeur avait l’intention de la licencier. Elle a déclaré avoir rédigé sa réponse datée du 7 octobre 2011 (pièce E-30), en sa [traduction] « capacité protégée ». Elle a ajouté que la collaboration au processus visant à lui trouver un autre emploi n’était pas une exigence de son poste.

90 Mme Larente a mentionné un document qu’elle avait créé faisant état de toutes les mesures de dotation qui avaient été prises au cours de la période pendant laquelle l’employeur avait tenté de trouver une mesure d’adaptation convenable pour la fonctionnaire. Elle a expliqué que ce document mentionnait tous les placements offerts à la fonctionnaire, ainsi que tous les postes qui ne lui avaient pas été proposés, accompagnés des raisons pour lesquelles on ne les lui avait pas proposés (pièce E-44). Mme Larente a ajouté que, dans le cadre de ses rapports avec la fonctionnaire, elle s’était également efforcée de lui trouver un poste de travail qu’elle aurait pu utiliser. Ces recherches avaient été infructueuses parce qu’elles étaient limitées aux zones situées à l’extérieur de la Direction générale des RH, et qu’il n’y avait pas de postes de travail disponibles.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

91 L’employeur m’a renvoyé à Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 et Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, et a reconnu que, en vertu de la loi, il était obligé de prendre des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’incapacité de la fonctionnaire. Cependant, il est également établi dans la jurisprudence que la fonctionnaire a l’obligation concomitante d’aider l’employeur à trouver une mesure d’adaptation raisonnable à son égard et de participer à ses recherches. L’employeur a soutenu que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée de cette obligation et qu’elle avait conclu son interrogatoire principal en affirmant qu’elle n’était pas tenue de participer au processus.

92 Les faits en l’espèce permettent d’établir que la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de son obligation de faciliter les recherches visant à trouver une mesure d’adaptation raisonnable. À maintes reprises, la fonctionnaire a fixé des conditions auxquelles l’employeur devrait se plier avant qu’elle ne tienne compte de quelque mesure d’adaptation que ce soit. Elle a refusé de participer à des processus conçus pour déterminer son aptitude à occuper des postes en particulier, et elle a dressé des obstacles qui ont empêché l’employeur d’obtenir les renseignements détaillés dont il avait besoin concernant les limitations fonctionnelles à l’égard desquelles elle avait besoin qu’il prenne des mesures d’adaptation.

93 Selon la preuve, il a été démontré que l’employeur a maintes fois demandé des renseignements médicaux détaillés concernant les limitations fonctionnelles de la fonctionnaire, et ce, afin de pouvoir mieux identifier les mesures d’adaptation requises. Au-delà du fait qu’ils mentionnaient que la fonctionnaire avait besoin d’un [traduction] « nouveau milieu de travail », les certificats médicaux fournis par le médecin de la fonctionnaire en février 2009 et en mai 2010 (pièces G-3 et E-16) donnaient peu de précisions. Celle-ci a refusé de se soumettre à une évaluation par Santé Canada, ce qui était surprenant vu la déclaration de son médecin selon laquelle elle s’y soumettrait.

94 Ce n’est qu’en août 2010 que le médecin de la fonctionnaire a avisé l’employeur qu’elle ne pouvait pas avoir le moindre rapport avec les personnes nommées dans sa plainte, et ce, en raison de sa perception de harcèlement et de discrimination. Par conséquent, ses superviseurs ne pouvaient encadrer aucun aspect de son travail. De plus, la fonctionnaire ne pouvait travailler sur le même étage qu’eux ni dans leur entourage. Le médecin de la fonctionnaire a indiqué qu’il était possible qu’elle ne soit plus en mesure de travailler à la Direction générale des RH et que ces restrictions soient permanentes (pièce G-4).

95 L’employeur a souligné qu’une occasion aux SANI s’était présentée peu de temps après avoir reçu ce certificat médical. La fonctionnaire avait travaillé dans cette division pendant l’enquête sur le harcèlement, et elle a reconnu que cette affectation lui avait plu. Des modifications ont été apportées aux rapports hiérarchiques relatifs à ce poste afin de veiller à ce que la fonctionnaire n’ait aucun rapport avec M. Seguin. Cependant, quelques jours après que cette possibilité lui eut été offerte, la fonctionnaire a fourni un nouveau certificat médical précisant qu’elle ne pouvait travailler nulle part à la Direction générale des RH. L’employeur a affirmé qu’il s’agissait du début d’une tendance dans le cadre de laquelle l’employeur tentait de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire,et où cette dernière rejetait les efforts de l’employeur.

96 L’employeur a déclaré que, lorsqu’il est devenu évident que la fonctionnaire ne pouvait plus travailler à la Direction générale des RH, il a pris deux mesures sérieuses pour tenter de lui trouver un autre emploi. Tout d’abord, il a fait circuler son curriculum vitæ aux gestionnaires de la Direction générale et à ses relations personnelles, puis il a ajouté son nom à la liste de placement prioritaire du Ministère. Tous les postes vacants du Ministère ont été scrutés afin de déterminer s’ils pouvaient constituer une mesure d’adaptation convenable pour la fonctionnaire. En raison de ce processus, toutes les mesures d’embauche ont été retardées d’au moins un mois, afin de donner à la fonctionnaire le temps de décider si elle consentait à ce que sa candidature soit prise en compte pour l’un des postes jugés convenables.

97 L’employeur a souligné le fait que ses recherches visant à trouver un autre emploi pour la fonctionnaire s’étaient déroulées au cours d’une période de repli importante à la fonction publique, en ce sens que très peu de postes étaient offerts. De plus, plusieurs des postes disponibles étaient désignés bilingues, une exigence à laquelle la fonctionnaire ne satisfaisait pas. Malgré ces difficultés, des occasions ont été trouvées.

98 En dépit des efforts de l’employeur, la fonctionnaire a pris en défaut chacune des occasions trouvées. Bien qu’elle ait accepté l’affectation aux SCG, qui était classifiée au même groupe et niveau que son poste d’attache, elle y a mis fin peu de temps après l’avoir entamée, ne le jugeant pas convenable. À ce moment-là, tous ses crédits de congé payé étaient épuisés. Même si l’employeur n’était pas d’accord avec son évaluation de cette affectation, il a continué de lui verser son salaire et a accepté de continuer à chercher un autre emploi.

99 L’employeur a trouvé cinq autres postes qu’il a jugés convenables. La fonctionnaire a refusé de les prendre en considération et de rencontrer l’employeur afin de discuter des possibilités d’emploi. En réalité, elle a dit à l’employeur qu’il ne devait pas communiquer avec elle à moins d’avoir un poste répondant à ses exigences.

100 Si la fonctionnaire s’est opposée aux possibilités offertes par l’employeur, c’est en grande partie parce que ces postes étaient classifiés à des niveaux inférieurs à celui de son poste d’attache et, par conséquent, moins bien rémunérés. La fonctionnaire a aussi contesté le fait qu’elle devait participer au processus d’embauche et être jugée qualifiée. Elle désirait obtenir la protection salariale, voire une promotion.

101 L’employeur m’a renvoyé à Renaud, Fontaine c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2012 CRTFP 91; Boyce v. Toronto Community Housing Corp.,2012 HRTO 853; Rush v. Richmond (City), 2011 BCHRT 244; Callan v. Suncor Inc.,2006 ABCA 15; Sioui c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 44; Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60; Yeats v. Commissionaires (Great Lakes),2010 HRTO 906 et Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (2011), 210 L.A.C. (4e) 350. L’employeur a fait valoir qu’un employé a l’obligation d’accepter une mesure d’adaptation raisonnable et qu’il ne pouvait s’attendre à une solution parfaite. Il a ajouté que les employés ne peuvent pas non plus dicter à l’employeur ce qu’ils sont prêts à accepter.

102 L’employeur a aussi souligné qu’il n’était pas obligé d’envisager des emplois qui pourraient représenter une promotion dans le cadre de sa recherche de mesure d’adaptation. À l’appui de cet argument, il m’a renvoyé à Ellis v. General Motors of Canada Ltd.,2011 HRTO 1453, Hamilton Health Sciences v. Ontario Nurses’ Association,2013 CanLII 36061 (ON LA) et Baum v. Calgary (City), 2008 ABQB 791.

103 L’employeur a aussi maintenu qu’un employé qui demande une mesure d’adaptation n’a pas droit à la protection salariale. L’obligation de prendre des mesures d’adaptationprotège la sécurité de l’emploi plutôt que celle du revenu. Les employés ont droit à une mutation à un nouveau poste et à la rémunération qui s’y rattache parce qu’ils sont rémunérés pour les services rendus pendant qu’ils occupent un poste.

104 Dans les circonstances en l’espèce, aucun élément de preuve n’a démontré qu’il y avait d’autres postes pour lesquels la fonctionnaire aurait pu être qualifiée. Du fait qu’elle n’était pas bilingue, le nombre de postes pour lesquels elle était qualifiée était restreint. De plus, elle a refusé de collaborer à la recherche d’emploi. Par conséquent, l’employeur n’a eu d’autre choix que de mettre fin à son emploi. Il est donc demandé que le grief soit rejeté.

B. Pour la fonctionnaire

105 La fonctionnaire a présenté une plaidoirie et y a joint des notes écrites. L’employeur ne s’est pas opposé à la documentation écrite, qui comprend à la fois des arguments et des éléments de preuve. J’ai utilisé la documentation écrite lorsqu’elle permettait d’expliquer ou de préciser les points que la fonctionnaire a fait valoir dans sa plaidoirie.

106 La fonctionnaire a cité les articles 5, 7, 9, 10 et 14.1 de la LCDP, qui prévoient ce qui suit :

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

a) d’en priver un individu;

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

[…]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

[…]

9. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour une organisation syndicale :

a) d’empêcher l’adhésion pleine et entière d’un individu;

b) d’expulser ou de suspendre un adhérent;

c) d’établir, à l’endroit d’un adhérent ou d’un individu à l’égard de qui elle a des obligations aux termes d’une convention collective, que celui-ci fasse ou non partie de l’organisation, des restrictions, des différences ou des catégories ou de prendre toutes autres mesures susceptibles soit de le priver de ses chances d’emploi ou d’avancement, soit de limiter ses chances d’emploi ou d’avancement, ou, d’une façon générale, de nuire à sa situation.

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

[…]

14.1 Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

107 La fonctionnaire a déclaré avoir été mise à part et avoir fait l’objet de discriminationparce qu’elle s’était vu refuser l’accès à son bureau ainsi que ses droits liés à l’emploi. Le fait qu’elle ait été autorisée à utiliser le centre de Services d’orientation démontre qu’elle faisait l’objet de discrimination et qu’elle était mise à part.

108 La fonctionnaire a fait valoir qu’en vertu des dispositions du REFP et des lignes directrices connexes, il y a incapacité lorsqu’une personne n’est pas en mesure de s’acquitter des fonctions de son poste. Dans son cas, elle n’était pas en mesure de travailler dans un milieu où elle était harcelée, mais elle était pleinement compétente pour s’acquitter des fonctions de son poste. Par conséquent, elle n’était pas atteinte d’une incapacité. Une personne qui est en mesure de s’acquitter des fonctions d’un poste, mais qui ne peut le faire à partir de l’endroit où le poste est situé n’est pas admissible à une nomination par priorité en vertu de la LEFP. La fonctionnaire a déclaré qu’en vertu de la loi, si les restrictions d’un employé sont telles qu’il ne peut travailler nulle part au sein de l’organisation, il peut y avoir un droit de priorité. Le droit de priorité est une mesure favorable qui exige l’attestation d’un médecin et le consentement de l’employé.

109 La fonctionnaire a déclaré qu’en raison du fait qu’elle n’était pas atteinte d’une incapacité, elle n’était pas prioritaire en vertu de la LEFP. Cependant, l’employeur lui a accordé une telle priorité et, ce faisant, il a enfreint la loi. Comme l’employeur l’a étiquetée comme étant atteinte d’une incapacité, elle s’est vu refuser l’accès à des possibilités d’emploi à la fonction publique. Elle a affirmé que cette mesure avait été prise en guise de représailles à la suite des certificats médicaux fournis par son médecin. Elle a ajouté que dans le cadre dusystème d’administrationdes priorités, un employé qui se rétablit au cours de la période quinquennale prévue peut être réintégré dans ses fonctions. On lui a refusé ce droit.

110 La fonctionnaire a déclaré que, dans le certificat médical remis par son médecin le 9 février 2009 (pièce G-3), il était recommandé qu’elle soit mutée. Elle a ajouté que son médecin avait fait une telle recommandation à au moins à six reprises. L’employeur n’en a pas tenu compte et, par conséquent, n’a pas pris les mesures favorables exigées selon la loi. Elle n’a pas accepté de se soumettre à l’évaluation effectuée par le médecin de Santé Canada parce qu’elle ne croyait pas que Santé Canada pouvait mieux évaluer son état que son propre médecin.

111 La fonctionnaire a déclaré qu’il était faux d’alléguer qu’elle n’avait travaillé que quelques jours à son affectation aux SCG. Elle avait accepté le détachement, qui devait durer trois mois. Il a débuté le 17 janvier 2011 et elle y a travaillé deux semaines. Au milieu de la deuxième semaine, on lui a montré une note de service qui établissait le lien avec M. Seguin. En raison de cette information, elle a mis fin à l’affectation.

112 La fonctionnaire a prétendu n’avoir jamais reçu d’offres d’emploi appropriées, qui correspondaient à ses compétences, à son expertise ou à son niveau salarial. Elle a ajouté que les placements qui lui avaient été proposés comportaient des conditions préalables dégradantes. Son refus de participer au processus était légitime et protégé en vertu de la partie III du Code canadien du travail (L.R.C. 1985, ch. L-2) (le « Code »).

113 La fonctionnaire a déclaré que, selon la partie III du Code, un employé est congédié implicitement si l’employeur ne respecte pas le contrat d’emploi, modifie unilatéralement et substantiellement les conditions d’emploi, ou exprime l’intention de le faire. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas accepté les nouvelles conditions d’emploi que Mme Lorenzato lui avait offertes, et qu’elle lui avait signifié clairement que ces conditions n’étaient pas acceptables pour elle. Elle a aussi déclaré que, de son côté, il n’y avait pas eu violation de la loi, mais que l’employeur avait contrevenu aux conditions d’emploi. Le système d’administrationdes priorités a été appliqué à son égard au mépris des dispositions législatives pertinentes. Elle a fait l’objet d’intimidation et de harcèlement pendant une longue période. Son emploi a été terminé sans préavis.

114 La fonctionnaire m’a renvoyé à Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158, Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701, Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39 et Disotell v. Kraft Canada Inc., 2010 ONSC 3793. Elle a déclaré que son grief devrait être accueilli et qu’elle devrait recevoir le plein salaire rétroactif, l’indemnisation maximale admissible en vertu de la LCDP et qu’elle devrait être réintégrée. De plus, elle a demandé une indemnisation s’élevant à 300 000 $ en raison du manquement de l’employeur de s’acquitter de ses obligations de bonne foi et de la protéger, du fait qu’il a limité sa participation aux effectifs et qu’il a provoqué une situation stressante pendant un bon nombre d’années.

IV. Motifs

115 Le 20 octobre 2011, l’employeur a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP,au motif qu’elle n’était pas en mesure d’exercer les fonctions de son poste d’attache pour des raisons médicales, et que tous les efforts qu’il avait déployés pour lui trouver un arrangement convenable avaient échoué parce qu’elle avait refusé de participer ou de collaborer au processus.

116 La fonctionnaire a allégué que son licenciement reposait sur des motifs fallacieux et constituait une discrimination fondée sur l’âge, l’ethnicité et la religion. À l’audience, elle a prétendu qu’elle n’était pas atteinte d’une incapacité et que, par conséquent, l’employeur l’avait inscrite dans le système ministériel de placement prioritaire de manière inappropriée et à son désavantage, parce que cela l’avait empêchée d’être inscrite dans le système de priorité de la CFP et d’avoir accès à des postes dans d’autres ministères. Elle a en outre maintenu que l’employeur ne lui avait jamais offert de prendre des mesures d’adaptation raisonnables à son égard, parce que les postes qu’il avait désignés se situaient à un niveau salarial inférieur à celui de son poste d’attache et comportaient des conditions préalables qui ne lui étaient pas acceptables.

117 Bien que la fonctionnaire ait soutenu que le licenciement constituait une forme de discrimination fondée sur l’âge, l’ethnicité et la religion, elle n’a produit aucune preuve à l’appui de ses affirmations. Il devrait aller de soi que les affirmations ne constituent pas une preuve. Par conséquent, en l’absence de preuve relative à la discrimination fondée sur l’âge, l’ethnicité ou la religion, je dois rejeter cet aspect du grief dont je suis saisie.

118 La fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement le 1er juin 2009. Cette plainte a fait l’objet d’une enquête menée par un enquêteur externe nommé par l’employeur. La plainte a été rejetée au motif qu’elle n’était pas fondée. Ni la plainte ni le rapport d’enquête ne m’ont été présentés en preuve. Je ne disposais pas non plus de preuve démontrant que la fonctionnaire aurait pris des mesures légales pour contester ou faire annuler le rapport d’enquête. Malgré cela, elle a maintenu avoir droit à une mesure d’adaptation raisonnable à la suite du harcèlement et de la discrimination dont elle a été victime et qui ont donné lieu au dépôt de sa plainte de harcèlement. Ce n’était pas le cas. En l’absence de constatation de harcèlement ou de discrimination, l’employeur était en droit de conclure que la fonctionnaire n’avait pas été victime de harcèlement ou de discrimination. J’ajouterais que, hormis la perception d’avoir été victime de harcèlement et de discrimination qu’elle a fait valoir, la fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation.

119 Pendant l’enquête sur sa plainte de harcèlement, la fonctionnaire a été affectée à la division des SANI. En février 2010, après la publication du rapport d’enquête, elle a été priée de regagner son poste d’attache à la suite d’un congé annuel prévu. Elle n’a jamais réintégré son poste. Le 5 mai 2010, elle a présenté un certificat médical de son médecin, le Dr Burt, qui faisait état d’un certain nombre de problèmes médicaux qu’il attribuait au stress en milieu de travail. Il affirmait que la fonctionnaire ne pouvait pas [traduction] « réintégrer son ancien milieu de travail ». Le Dr Burt a ajouté qu’elle était disposée à se soumettre à une évaluation par Santé Canada (pièce E-16). Celle-ci a été mise en congé de maladie payé à ce moment-là, puis elle a continué à toucher son plein salaire jusqu’à la cessation de son emploi.

120 Malgré l’affirmation du Dr Burt, la fonctionnaire n’était pas disposée à se soumettre à une évaluation par Santé Canada. Elle a déclaré qu’à son avis, les directives du Dr Burt étaient claires et que, par conséquent, l’évaluation par Santé Canada était inutile. Ainsi, les seuls renseignements médicaux dont disposait l’employeur étaient ceux qu’avaient fournis la fonctionnaire et son médecin.

121 Le 8 août 2010, en réponse à une demande de l’employeur visant à obtenir de plus amples renseignements, le Dr Burt a fourni un autre certificat médical, dans lequel il a souligné le fait que la fonctionnaire avait de la difficulté à travailler avec les gestionnaires nommés dans sa plainte. Il a affirmé que le rapport d’enquête sur le harcèlement n’avait pas eu pour effet de [traduction] « dissiper les sentiments de la personne concernée, ni la perception qu’elle avait de sa situation » (pièce G-4). Il a recommandé ce qui suit :

[Traduction]

[…] à mon avis, Mme Saifuddin ne devrait avoir aucun rapport avec les personnes nommées dans sa plainte. Par conséquent, elle ne devrait pas travailler sur le même étage ni dans le même entourage que l’une ou l’autre de ces personnes. Celles-ci ne devraient pas non plus superviser un aspect ou l’autre de son travail, y compris le directeur général. Elle devrait travailler pour un nouveau gestionnaire, mais un gestionnaire qui n’a aucun rapport avec son ancienne directrice ou le directeur général. Par conséquent, il se peut qu’elle ne soit pas en mesure de continuer à travailler à la Direction générale des ressources humaines de Travaux publics. Ces restrictions seront sans doute permanentes, car je ne constate aucun changement dans ses sentiments ou ses opinions, et je suis d’avis que tout rapport avec ces personnes risque d’être préjudiciable à sa santé. Mme Saifuddin n’a besoin d’aucune autre restriction ou limitation. Comme je l’ai déjà dit, son seul problème semble être ses rapports avec les personnes nommées dans sa plainte.

122 L’employeur a reconnu que le certificat médical du Dr Burt faisait état d’une incapacité permanente qui empêchait la fonctionnaire d’occuper son poste d’attache. À l’audience, la fonctionnaire a contesté la conclusion de l’employeur selon laquelle elle était atteinte d’une incapacité. Elle a maintenu qu’elle était tout à fait en mesure de s’acquitter de toutes les fonctions de son poste et que, par conséquent, on ne pouvait pas dire qu’elle était atteinte d’une incapacité. Dans ces circonstances, il s’agissait d’un curieux point de vue à adopter. Si elle était en mesure d’occuper son poste, son absence du travail était sans fondement légitime.

123 La position de la fonctionnaire, à savoir qu’elle n’était pas atteinte d’une incapacité, semble découler de sa perception selon laquelle les fonctions qu’elle exerçait pouvaient être séparées du poste auquel elles se rattachaient. Mais son emploi n’existait pas en vase clos. Il faisait partie de la structure organisationnelle générale. Les tâches qu’elle effectuait relevaient de celles de la Direction générale des RH. La responsabilité ultime de ces tâches incombait aux gestionnaires de la Direction générale et, selon les restrictions médicales visant la fonctionnaire, celle-ci ne pouvait pas travailler avec ces personnes. Par conséquent, elle ne pouvait pas occuper son poste pour des raisons médicales. L’employeur a reconnu, en se fondant entièrement sur les renseignements médicaux qu’elle lui avait fournis, que l’inaptitude de la fonctionnaire à travailler avec ses gestionnaires constituait une incapacité.

124 Après avoir accepté l’avis du Dr Burt, l’employeur a entamé ses recherches visant à trouver une mesure d’adaptation appropriée. En septembre 2010, une possibilité s’est présentée à la division des SANI, où la fonctionnaire avait travaillé pendant l’enquête sur le harcèlement. L’affectation était classifiée au même groupe et niveau, et l’employeur croyait qu’en apportant certaines modifications aux rapports hiérarchiques de cet emploi celui-ci répondrait aux recommandations du Dr Burt. Il ne fait aucun doute qu’il s’agissait d’une tentative raisonnable et de bonne foi de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire.

125 Cependant, la fonctionnaire a refusé de rencontrer l’employeur pour discuter de l’affectation. Le 23 septembre 2010, le Dr Burt a fourni un nouveau certificat médical (pièce G-5), qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Mme Sughra Saifuddin a été examinée à mon bureau aujourd’hui. Elle est apte à retourner au travail dans les plus brefs délais, à condition de ne pas travailler à la même direction générale que son ancien directeur général. Elle demeure anxieuse et préoccupée par suite de l’attitude qu’il a eue à son égard.

126 Le poste de la fonctionnaire était classifié PE. Selon les preuves non contredites dont je dispose, les postes du groupe PE n’existent qu’aux ressources humaines de la fonction publique fédérale. Si la fonctionnaire n’était pas en mesure de travailler à la Direction générale des RH, l’employeur devait nécessairement chercher un poste approprié dans une classification différente. Il a désigné des postes classifiés AS-04, PM-4 et EC-04 comme étant les correspondances les plus rapprochées de son poste. Je ne disposais d’aucune preuve indiquant qu’un autre groupe ou niveau de classification aurait été plus approprié. Cependant, les postes classifiés AS-04, PM-04 et EC-04 sont moins bien rémunérés que celui de la fonctionnaire, et cette dernière a clairement signifié à l’employeur qu’elle ne prendrait en considération aucun poste dont le niveau salarial serait inférieur à celui de son poste d’attache.

127 Afin de trouver un poste qui tient compte de l’incapacité de la fonctionnaire, l’employeur a enregistré celle-ci dans son système ministériel de placement prioritaire et, par suite de cette mesure, elle a été prise en considération pour tous les postes vacants pertinents au Ministère. M. Seguin a déclaré qu’il avait aussi utilisé ses relations personnelles au sein du Ministère pour trouver un poste convenable pour la fonctionnaire. Les efforts de l’employeur visant à trouver une mesure d’adaptation convenable se sont déroulés dans le contexte des réductions importantes des niveaux de dotation de la fonction publique fédérale.

128 Outre la possibilité d’emploi à la division des SANI que la fonctionnaire a rejetée parce qu’elle se trouvait à la Direction générale des RH, l’employeur a aussi repéré une affectation temporaire aux SCG, qui aurait permis de maintenir la classification et le niveau de salaire du poste d’attache de la fonctionnaire. Elle a rejeté cette possibilité à la suite d’une courte période à l’essai, parce qu’elle croyait qu’elle devrait également travailler avec ses anciens gestionnaires, contrairement à ses restrictions médicales. En dernier ressort, elle a aussi rejeté toutes les autres offres présentées par l’employeur entre septembre 2010 et la cessation de son emploi en octobre 2011, parce que leur niveau salarial était inférieur à celui de son poste d’attache et qu’elle aurait dû se soumettre à une évaluation visant à établir ses qualifications.

129 La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’était pas obligée de participer au processus, mais tel n’est pas le cas. Comme l’a souligné l’employeur, il a régulièrement été établi dans la jurisprudence, au moins à partir des décisions que la Cour suprême du Canada a rendues dans Simpsons Sears Ltd. et Renaud, qu’un employé qui demande une mesure d’adaptation doit faciliter les recherches et y participer.

130 Dans le contexte de l’emploi, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation constitue comme un moyen de respecter et de protéger le droit d’une personne d’être à l’abri de la discrimination fondée sur les motifs de distinction illicite, comme l’incapacité. Mais l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas sans limites. Dans Simpsons Sears Ltd., où l’obligation de prendre des mesures d’adaptation faisait l’objet d’un examen dans le contexte d’un arrangement religieux, la Cour suprême a statué en disant que l’obligation de l’employeur consiste à prendre les mesures d’adaptation nécessaires pour l’employé sans « […]que cela n’entrave indûment l’exploitation de l’entreprise de l’employeur et ne lui impose des frais excessifs ». La Cour a ajouté ce qui suit au paragraphe 23 :

[…]Cependant, lorsque ces mesures ne permettent pas d’atteindre complètement le but souhaité, le plaignant, en l’absence de concessions de sa propre part, comme l’acceptation en l’espèce d’un emploi à temps partiel, doit sacrifier soit ses principes religieux, soit son emploi.

131 Dans Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, 2008 CSC 43, la Cour suprême a de nouveau affirmé que le but d’une mesure d’adaptation est de s’assurer que les personnes qui sont en mesure de travailler ne sont pas injustement empêchées de le faire s’il est possible d’adapter les conditions de travail sans contrainte excessive. Mais la Cour a aussi affirmé ce qui suit au paragraphe 15 : « L’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail. »

132 Comme dans Simpsons Sears Ltd. et Renaud, Koroll v. Automodular, 2011 HRTO 774, concernait un arrangement religieux. Dans cette affaire, le plaignant demandait un congé payé pour pratique religieuse. Le tribunal a conclu que même si l’obligation de prendre des mesures d’adaptation vise fondamentalement à permettre aux employés de prendre part aux effectifs, elle ne va pas jusqu’à exiger des employeurs qu’ils protègent les salaires des employés qui demandent un congé payé pour pratique religieuse. Le tribunal a renvoyé à la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Ontario Nurses’ Association v. Orillia Soldiers Memorial Hospital, 1999 CanLII 3687, et il a écrit ce qui suit au paragraphe 57 :

[Traduction]

[…]

La Cour d’appel de l’Ontario est parvenue à une conclusion semblable dans Orillia Soldiers. La question à trancher dans cette affaire est celle de savoir si l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des infirmiers et infirmières en congé d’invalidité oblige l’employeur à les rémunérer au même titre que ceux qui étaient employés activement. La cour a conclu que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’imposait pas aux employeurs « le fardeau de verser tout simplement un complément de salaire aux employés handicapés », une suggestion qu’elle a tenue pour « contraire aux principes fondamentaux du Code » (au paragraphe 54). La cour a confirmé que le but de la mesure d’adaptation est de faire en sorte que l’employé puisse être en mesure de s’acquitter des tâches disponibles, et non de le rémunérer selon une norme différente de celle qui s’applique à ses pairs (aux paragraphes 55 et 56).

[…]

133 Dans le même ordre d’idées, dans Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Public Safety and Security), 2003 CanLII 52861 (ON GSB), qui concerne l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une incapacité, il a été statué que l’employeur n’était pas tenu de rémunérer un employé au taux de sa classification d’attache s’il n’était pas en mesure de s’acquitter des fonctions essentielles du poste et que, par conséquent, il se voyait attribuer un travail plus léger ou était placé à un niveau de classification inférieur en guise de mesure d’adaptation.

134 Dans les circonstances de l’affaire dont je suis saisie, l’employeur s’est sincèrement efforcé de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’incapacité de la fonctionnaire, d’après sa compréhension de son état. Il a d’abord tenté de l’affecter à des postes de même classification et de même niveau que son poste d’attache, en allant jusqu’à modifier les rapports hiérarchiques de l’emploi à la division des SANI, afin de lui permettre d’occuper ce poste conformément aux recommandations de son médecin. Lorsqu’il est devenu évident qu’elle ne pouvait travailler nulle part à la Direction générale des RH et que, par conséquent, il ne serait pas possible de maintenir sa classification au groupe PE, l’employeur a désigné des postes dans les classifications et aux niveaux de salaire les plus rapprochés du groupe et du niveau de classification PE de la fonctionnaire. Elle a refusé de participer à ce processus et de tenir compte des postes qui ne garantissaient pas un salaire équivalent à celui de son poste d’attache. Elle a soutenu avoir droit à la protection salariale ou à une mutation à un poste au même niveau que son poste d’attache dans un autre ministère, en se fondant uniquement sur sa conviction non corroborée selon laquelle elle faisait l’objet de harcèlement à son poste d’attache.

135 Je souscris aux décisions établissant qu’un employeur qui prend des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé en lui offrant un emploi à un niveau inférieur ou moins bien rémunéré n’est pas tenu de maintenir le salaire que l’employé touchait avant de faire l’objet de mesures d’adaptation. À mon avis, une pareille exigence entraverait indûment les opérations de l’employeur et lui imposerait des frais excessifs, (Simpsons Sears Ltd). Par conséquent, je ne crois pas que l’employeur était tenu de protéger le salaire de la fonctionnaire lorsqu’il lui a offert des postes à des niveaux de classification différents et qui étaient rémunérés à un niveau inférieur à celui de son poste d’attache.

136 Je ne crois pas non plus que, dans les circonstances en l’espèce, l’employeur était tenu, voire en mesure, de muter la fonctionnaire à un poste de même niveau que son poste d’attache dans un autre ministère. Selon la preuve dont je disposais, il était évident que les recherches visant à trouver un autre poste pour la fonctionnaire s’étaient déroulées au cours d’une période de réduction des effectifs à l’échelle de l’administration fédérale, ce qui devait poser des difficultés pour la recherche d’emploi à l’extérieur du Ministère.

137 Mais surtout, la fonctionnaire n’était pas admissible aux priorités d’ordre légal gérées par la CFP. À défaut de l’assistance et de l’autorité de la CFP, l’employeur ne disposait d’aucun mécanisme lui permettant d’avoir accès aux emplois dans les autres ministères à titre prioritaire. Ce fait a été rappelé à la fonctionnaire à maintes reprises, et M. Seguin lui a conseillé expressément de demander des prestations d’invalidité, ce qui aurait protégé son revenu et lui aurait donné accès au statut d’invalidité prioritaire de la CFP. Comme la fonctionnaire n’acceptait pas le fait qu’elle était atteinte d’une incapacité, elle a refusé de le faire.

138 À mon avis, on ne peut reprocher à l’employeur de ne pas avoir cherché un arrangement raisonnable à l’extérieur de TPSGC pour une employée qui refusait d’accepter qu’elle était atteinte d’une incapacité et qui, par conséquent, a refusé de collaborer.Il convient aussi de souligner que l’employeur a jugé acceptables, même s’ils n’étaient pas nécessairement parfaits, les arrangements proposés au sein du Ministère et que la fonctionnaire a refusé de prendre en considération. Dans ces circonstances, l’employeur n’était pas obligé de poursuivre les recherches à l’extérieur de TPSGC.

139 Vu le certificat médical indiquant que la fonctionnaire était atteinte d’une incapacité qui la rendait incapable d’occuper son poste d’attache de façon permanente, et vu son refus injustifié de participer à un processus qui avait pour but de trouver un autre poste, l’employeur a licencié la fonctionnaire. Je crois qu’il était en droit de conclure qu’il ne pouvait pas prendre des mesures d’adaptation à son égard sans contrainte excessive et que, dans ces circonstances, il n’y avait aucune possibilité raisonnable que la fonctionnaire puisse retourner au travail dans un avenir prévisible.

140 Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante.)

V. Ordonnance

141 Le grief est rejeté.

Le 25 novembre 2015

Traduction de la CRTEFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

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