Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contre ses suspensions disciplinaires de deux et de cinq jours – ces deux suspensions lui ont été imposées en raison de sa conduite, que l’employeur considérait comme de l’insubordination – la Commission a conclu que, pour qu’une conduite soit considérée comme de l’insubordination, elle doit équivaloir à une remise en question de l’autorité de l’employeur – elle a conclu que la majeure partie de la conduite alléguée n’atteignait pas ce seuil, alors elle a remplacé la suspension de deux jours par une lettre de réprimande – la Commission a aussi conclu que la preuve présentée par l’employeur qui a servi de fondement à la suspension de cinq jours constituait un ouï‑dire relativement aux faits cruciaux – la Commission a refusé de lui donner du poids – elle a conclu que l’employeur n’avait pas démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait commis une inconduite – la Commission a ordonné de rembourser à la fonctionnaire s’estimant lésée le salaire et les avantages sociaux applicables, conformément à la page d’ordonnance de la décision, qu’elle a perdus en raison des suspensions. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-11-04
  • Dossier:  566-02-11358
  • Référence:  2016 CRTEFP 108

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

LORRAINE LORTIE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Lortie c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la fonctionnaire s’estimant lésée:
Elle-même
Pour le défendeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
du 16 au 19 février 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Le 8 avril 2015, Lorraine Lortie, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a contesté une suspension sans rémunération de deux jours qui lui a été imposée en juin 2014, ainsi qu’une suspension sans rémunération de cinq jours qui lui a été imposée en février 2015. Elle a allégué que les deux suspensions étaient sans fondement et qu’elles s’inscrivaient dans le harcèlement continu et les représailles de la direction à son égard, par suite de ses tentatives d’obtenir une rémunération équitable et d’obtenir justice dans un environnement de travail contaminé dirigé par sa superviseure, Kathy Lusk, qui est également la directrice des ressources humaines pour la région de l’Atlantique de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC » ou l’« employeur »).

2        La fonctionnaire a affirmé que les deux suspensions faisaient partie d’une plainte de harcèlement et de représailles qu’elle a présentée à la Commission canadienne des droits de la personne. Elle a ajouté que les griefs avaient été déposés sur la base d’une recommandation voulant qu’elle épuise tous les recours internes avant de donner suite à des réparations externes. Elle a demandé le remboursement de la rémunération perdue.

3        Selon la réponse de l’employeur, signée par Mme Lusk au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 17 avril 2015, Mme Lortie a bénéficié de l’application régulière de la loi et a été visée par l’équité procédurale dans les deux décisions disciplinaires. Il était également mentionné que les deux griefs étaient hors délai.

4        Selon la réponse au deuxième palier, datée du 8 mai 2015, le grief a été présenté en dehors du délai prescrit par le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79; le « Règlement »). Malgré la question du délai, le bien-fondé du grief a été examiné. Dans la réponse, il était également mentionné que la fonctionnaire avait eu une possibilité adéquate de présenter la justification qui correspondait à ses actions et de fournir des renseignements supplémentaires conformément aux principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle. Le fait que tous les facteurs aggravants et atténuants pertinents ont été pris en considération avant de déterminer la sévérité de la mesure disciplinaire a aussi été mentionné. La consultation du grief au deuxième palier a également été envisagée. Le grief a été rejeté.

5        Selon la réponse au troisième palier, datée du 29 mai 2015, les lettres disciplinaires mentionnaient les délais prescrits en ce qui concerne la réponse de Mme Lortie et soulignaient que cette dernière avait eu suffisamment d’occasions de présenter ses préoccupations. Le grief a été rejeté.

6        Selon la réponse au quatrième palier, le grief a été présenté en dehors du délai prescrit et qu’il était hors délai et, par conséquent, il a été rejeté. Quoi qu’il en soit, le bien-fondé du grief a été examiné et il en ressort que les actions de Mme Lortie constituent une inconduite et que la décision de la direction de lui imposer une mesure disciplinaire était raisonnable et fondée sur le principe de la mesure disciplinaire progressive.

7        Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 7 juillet 2015.

8        Dans le cadre d’une téléconférence préalable à l’audience entre les parties le 9 février 2016, l’avocat de l’employeur a indiqué à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qu’il ne s’appuierait pas sur l’objection relative au délai pour l’audience des griefs, car il n’a pas soulevé l’objection dans les 30 jours suivant la réception d’une copie de l’avis de renvoi à l’arbitrage, conformément au paragraphe 95(1) du Règlement.

II. Contexte

9        L’employeur a cité deux témoins, Mme Lusk et Dominic Mallette, le directeur intérimaire du district de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve pour l’ASFC. La fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

1. L’organisation

10        Mme Lusk est directrice. Elle fait partie de l’équipe composée de quatre directeurs au sein des services ministériels de l’ASFC, lesquels se rapportent au directeur général des services ministériels de la région de l’Atlantique de l’ASFC.

11        Six employés relèvent de Mme Lusk. De ce nombre, trois sont classifiés au groupe et au niveau PE-04 et sont, respectivement, gestionnaires de la rémunération, de la dotation et des relations de travail. Deux autres employés également classifiés à ce groupe et à ce niveau relèvent de Mme Lusk; l’un d’eux est responsable du programme d’aide pour les employés, alors que l’autre est responsable de la résolution informelle des conflits et de la médiation.

12        La fonctionnaire rendait compte à Mme Lusk depuis le 12 décembre 2014. Avant cette date, elle rendait compte à Mme Titus, la gestionnaire des relations de travail et de la rémunération.

2. La fonctionnaire s’estimant lésée

13        La fonctionnaire est la coordonnatrice des dossiers de gestion de l’incapacité et des mesures d’adaptation pour la région de l’Atlantique de l’ASFC. Elle occupe ce poste depuis octobre 2008. Elle est responsable de la gestion et de la coordination de la gestion de l’incapacité, de la prise de mesures d’adaptation à l’égard des employés handicapés et des services de retour au travail, ainsi que de la gestion des demandes de rémunération pour l’ensemble des travailleurs de la région. Elle surveille également la conformité à la partie II du Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L-2), qui porte sur la santé et la sécurité au travail (SST).

14        La fonctionnaire est responsable de fournir une orientation et des conseils aux gestionnaires. En outre, elle fournit des conseils en matière d’interprétation et un soutien à tous les niveaux de la gestion régionale de l’employeur, ainsi qu’aux comités en milieu de travail et aux représentants de la SST en ce qui concerne les préoccupations et les plaintes relatives à la santé et la sécurité au travail, conformément au processus interne de résolution des plaintes qui porte, entre autres, sur les situations de refus de travailler.

15        Elle gère les évaluations médicales de [traduction] « catégorie trois » pour les agents des services frontaliers de l’employeur. Trimestriellement, elle fait rapport à l’administration centrale de l’employeur sur des dossiers liés aux mesures d’adaptation et à l’incapacité, ainsi que sur les questions liées à la SST. Elle communique avec les fournisseurs de service externe, Santé Canada, les quatre commissions des accidents du travail de la région de l’Atlantique, et Emploi et Développement des compétences Canada. Elle travaille régulièrement avec l’équipe de gestion et les membres des comités de SST.

III. Contexte des incidents donnant lieu aux griefs

A. Preuve de Mme Lusk

16        Dans son témoignage, Mme Lusk a fait valoir qu’elle avait pris des mesures disciplinaires contre Mme Lortie dans le passé. Elle l’a réprimandée verbalement en mars 2013 et, en août de la même année, elle lui a imposé une réprimande écrite pour avoir agi de façon non professionnelle à l’égard d’un gestionnaire, ainsi que pour des communications irrespectueuses et non professionnelles avec des clients.

17        Selon la lettre disciplinaire imposant la réprimande, Mme Lortie a nié avoir commis un acte d’inconduite quelconque. Mme Lusk a indiqué dans la lettre qu’au moment de remettre la réprimande écrite, elle a tenu compte de tous les facteurs atténuants, y compris le dossier disciplinaire vierge et les années de service de Mme Lortie.

18        Mme Lusk a indiqué qu’elle avait tenté d’entreprendre des discussions avec Mme Lortie concernant les styles de communication appropriés. Elle lui a offert de suivre une formation sur la négociation et le règlement des différends, ainsi que sur la façon de travailler, y compris la connaissance de soi-même et la façon de composer avec d’autres personnalités dans le milieu de travail. Elle a déclaré que Mme Lortie avait refusé la possibilité de suivre une formation sur les façons de travailler et qu’elle avait décidé de ne pas participer au cours sur la négociation.

B. Preuve de Mme Lortie

19        Dans son témoignage, Mme Lortie a fait valoir qu’elle avait terminé les deux cours que Mme Lusk avait jugé qu’elle devait obligatoirement suivre.

20        Mme Lortie a indiqué qu’elle souhaitait suivre le cours sur la négociation, conformément à son plan d’apprentissage personnel. Il était prévu qu’elle y participe; cependant, pour des raisons personnelles, elle n’a pas été en mesure de le faire. Une de ses collègues y est allée à sa place.

21        Elle a participé à une formation à Gatineau, au Québec, sur l’excellence de la fonction publique, ainsi qu’à une formation intitulée : [traduction] « Boîte à outils pour les compétences en communication », à l’université St. Mary’s, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

22        Mme Lortie a fait valoir qu’à la suite des réprimandes verbales et écrites de mars et août 2013, elle a commencé à perdre du poids. Elle a consulté son médecin, qui l’a informée qu’il serait préférable qu’elle travaille à partir de la maison plutôt qu’à son milieu de travail, et ce, en raison du stress dans son environnement de travail. À la date de l’audience, elle travaillait à son domicile depuis septembre 2013.

IV. Suspension de deux jours

A. Incidents des 22 et 28 mai 2014

23        Le 28 mai 2014, Mme Lusk a écrit à Mme Lortie, indiquant en partie ce qui suit : [traduction] « La présente vise à vous informer que vous avez fait l’objet de certaines plaintes en ce qui concerne votre service. J’aimerais vous inviter à une rencontre prédisciplinaire afin de discuter des allégations, le jeudi 29 mai 2014, à 14 h. » Mme Lortie a informé Mme Lusk qu’elle serait disponible au téléphone.

24        La réunion a eu lieu, vraisemblablement au téléphone. Mme Lusk a témoigné en disant qu’elles avaient discuté de certains courriels qui avaient été communiqués à Mme Lortie avant la discussion. Mme Lortie a souligné qu’elle était frustrée par les clients et que, selon elle, ce qui était indiqué dans les courriels n’était pas inapproprié.

25        Le 17 juin 2014, Mme Lusk a suspendu la fonctionnaire pendant deux jours, sans rémunération. La lettre disciplinaire indiquait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente lettre fait suite à l’audience disciplinaire initiale tenue le 29 mai 2014 et le 13 juin 2014. À ce moment, nous avons discuté de différentes situations d’inconduite éventuelle, plus particulièrement :

1) Le Code de conduite de l’ASFC, Article 11 – Rapports avec les collègues

En communiquant en tout temps avec les autres de manière respectueuse, y compris sur les médias sociaux et dans l’utilisation des communications électroniques;

En tenant compte de l’incidence de nos décisions et actions sur les autres.

Conformément aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale décrits dans la Politique disciplinaire de l’ASFC, on vous a donné l’occasion de parler de ces allégations et de présenter une justification et/ou des facteurs atténuants. J’ai examiné tous les renseignements présentés, y compris les déclarations faites pendant ces audiences.

Je suis arrivée à la conclusion que les inconduites du 22 mai 2014, du 28 mai 2014 et du 12 juin 2014 sont fondées. Le comportement de cette nature est inacceptable et ne sera pas toléré. Je me dois de vous rappeler que vous avez reçu une lettre de réprimande le 22 août 2013, qui visait des infractions de nature analogue. On vous a également informée que d’autres mesures disciplinaires seraient prises à votre égard pour toute autre infraction. Étant donné que vous n’avez pas corrigé votre comportement, j’ai décidé de prendre d’autres mesures […] D’autres occurrences d’un tel comportement inapproprié entraîneront des mesures disciplinaires plus graves, pouvant aller jusqu’à votre licenciement de la fonction publique.

[…]

26        Mme Lusk a témoigné en disant qu’à compter de mai 2014, quatre incidents ont eu lieu qui ont ultimement donné lieu à la suspension de deux jours.

B. Incident du 22 mai 2014

1. Preuve de Mme Lusk

27        Le 22 mai 2014, Mme Lusk a déclaré qu’elle avait reçu une plainte à propos de l’approche adoptée par Mme Lortie dans un dossier concernant le retour au travail d’un employé.

28        Mme Lusk faisait référence à une chaîne de courriels entre Mme Lortie et Mme Jardine, une gestionnaire des opérations, à propos du plan de retour au travail d’une employée occupant le poste d’agente des services frontaliers et qui s’était absentée du travail pour invalidité.

29        Mme Jardine a transmis le courriel à son directeur de district, qui l’a transmis à son tour au directeur de Mme Lusk, qui l’a finalement transmis à cette dernière aux fins d’examen.

30        D’après la correspondance, il est manifeste que les gestionnaires hiérarchiques ne suivaient pas les recommandations de Mme Lortie. Elle avait recommandé que l’employée commence son retour au travail en tant qu’agente des services frontaliers, alors que le secteur des opérations de l’employeur l’avait placée dans un poste de programme non opérationnel.

31        Mme Jardine était nouvelle au dossier et a demandé des renseignements à Mme Lortie. Elle a informé Mme Lortie qu’elle souhaitait prendre part à toutes les réunions au sujet de l’employée. Elle n’était pas en mesure d’expliquer à Mme Lortie la raison pour laquelle l’employée avait été placée au bureau de district à la suite du traitement médical et elle proposait d’envoyer l’employée suivre une formation obligatoire. Elle a demandé à Mme Lortie de communiquer avec elle dans l’éventualité où elle aurait des préoccupations quant à cette approche.

32        Mme Lortie l’a informée qu’il ne serait pas prudent d’envoyer l’employée suivre une formation obligatoire. Elle l’a également informée que l’employée devait être réintégrée dans un environnement lié aux opérations des services frontaliers. Le courriel se poursuit comme suit :

[Traduction]

[…]

L’employée lutte avec moi sur tous les points. L’employée croit que je ne sais pas ce dont je parle. J’ai 20 années d’expérience dans ce domaine. Vous ne placez pas une infirmière dans une caserne de pompiers pour un retour au travail et c’est essentiellement ce qu’ils ont fait avec cette employée. Je ne comprends pas le raisonnement sous-jacent. Si elle doit retourner au poste d’ASF (opérations des services frontaliers), pourquoi ce retour au travail n’a-t-il pas lieu à son lieu de travail d’attache? Je n’ai pas compris et j’étais passablement frustrée. J’avais l’impression que l’équipe ne croyait pas qu’elle retournerait éventuellement au poste d’ASF. J’aimerais seulement qu’ils se la ferment et qu’ils m’écoutent, alors de telles situations ne se produiraient pas. Je vous tiendrai au courant. J’ai besoin de savoir si l’aéroport est toujours son lieu de travail d’attache et, le cas échéant, une mutation doit avoir lieu dès que possible.

33        Selon Mme Lusk, les commentaires de Mme Lortie contrevenaient au « Code de conduite » de l’ASFC, qui est un document exhaustif qui tente d’aborder les questions éthiques auxquelles les employés de l’ASFC peuvent être confrontés dans le cadre de leurs activités. Plus particulièrement, selon Mme Lusk, les commentaires de Mme Lortie contrevenaient à l’article 11, qui est intitulé, « Rapports avec les collègues », plus particulièrement les valeurs énumérées aux puces trois et six. L’article 11 est rédigé comme suit :

Nos valeurs liées au respect, à l’intégrité et au professionnalisme guident nos interactions avec nos collègues, les clients et les intervenants.

À titre d’employés de l’ASFC, nous démontrons ces valeurs de plusieurs façons, entre autres :

  • en respectant les contributions uniques des autres au sein d’une main-d’œuvre diversifiée;
  • en promouvant la collaboration, l’apprentissage professionnel et l’innovation tout en faisant preuve d’ouverture et d’honnêteté;
  • en communiquant en tout temps avec les autres de manière respectueuse y compris sur les médias sociaux et dans l’utilisation des communications électroniques;
  • en n’ayant jamais un comportement discriminatoire ou constituant du harcèlement;
  • en tenant compte de l’incidence de nos décisions et actions sur les autres;
  • en ne faisant jamais des déclarations ou en ne posant pas des gestes offensants, ironiques, menaçants, insultants, offensifs ou provocateurs à l’intention d’une personne ou à son sujet. Consultez l’article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

34        L’article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6), même s’il n’est pas cité expressément dans le Code de conduite, prévoit ce qui suit :

2 La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

35        Pendant le contre-interrogatoire, Mme Lusk a reconnu qu’elle ne savait pas que l’employée en question devait suivre une formation obligatoire pendant qu’elle occupait un poste faisant l’objet d’une mesure d’adaptation ni qu’elle recevait des traitements.

36        Mme Lusk ne comprenait pas que l’employée ne soit pas réintégrée à son poste et que, selon Mme Lortie, il existait un risque que la direction envoie l’employée dans une situation où elle pourrait se blesser à nouveau.

2. Preuve de Mme Lortie

37        Dans son témoignage, Mme Lortie a abordé l’incident. Elle a expliqué qu’elle était préoccupée par le fait que l’employée était sur le point de suivre une formation qui était obligatoire et exigeante physiquement.

38        À l’époque, l’employée n’avait pas subi une évaluation médicale de catégorie trois. Elle avait subi une chirurgie au dos et, d’après l’expérience de Mme Lortie, elle croyait qu’une fois que Santé Canada aura mené son évaluation, une communication avec un spécialiste aurait été nécessaire.

39        Avant d’envoyer l’employée suivre une formation obligatoire, sa réintégration progressive à son emploi d’agente des services frontaliers était prévue.

40        Mme Lortie a souligné qu’elle n’aurait pas dû écrire la phrase : [traduction] « J’aimerais seulement qu’ils se la ferment et m’écoutent […] ». Cependant, ce cas était en cours depuis plus de six ans. [Traduction] « Ils », dans ce contexte, fait référence à l’employée et au surintendant. Mme Jardine était la gestionnaire de programme et elle informait Mme Lortie de ce qui se passait avec cette agente, car elle en était responsable.

41        Selon le point de vue de Mme Lortie, lorsque des situations comme celle-ci se produisent, la dernière chose souhaitée est un placement qui n’est pas conforme aux limites de l’employée.

V. Incident du 26 au 28 mai 2014

A. Preuve de Mme Lusk

42        Mme Lusk a fait référence à une chaîne de courriel qui tient compte d’une discussion entre les employés à propos du système régional de placement (SRP), dans lequel les employés de différents bureaux des services frontaliers ayant besoin de mesures d’adaptation sont regroupés sur une même liste, et ce, dans le but de faciliter leur placement. Mme Lortie a lancé et élaboré ce programme, avec l’aide de conseillers en dotation. Ce programme exige que les ressources humaines et le personnel des opérations communiquent avec Mme Lortie avant de pourvoir un poste afin de déterminer si une personne sur la liste des mesures d’adaptation répond aux critères de sélection. Si personne ne répond aux critères, alors Mme Lortie autorisera la dotation du poste.

43        La chaîne de courriels en question commence par un courriel des ressources humaines daté du 26 mars 2014, dans lequel des mesures de dotation sont demandées pour deux postes classifiés CR-03, à pourvoir au moyen d’un processus de nomination externe annoncé une fois que Mme Lortie en aura donné l’autorisation. Les postes proposés aux fins de dotation étaient situés dans les districts du sud du Nouveau-Brunswick et de l’Î.-P.-É. Debra Thompson est la chef des opérations pour ce district. On a demandé à Mme Lortie d’autoriser les postes.

44        Le 28 mai 2014, elle a envoyé un courriel aux Ressources humaines et à Mme Thompson, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Bonjour, il m’est très difficile d’autoriser un poste, alors que nous avons autant de demandes de mesures d’adaptation. Debbie, l’employée qui accomplit ce travail, s’agit-il d’un cas de mesure d’adaptation? Les PE [points d’entrée] environnants épuisent ou ont épuisé les options de mesures d’adaptation.

45        Mme Thompson a répondu comme suit :

Lorraine, la personne que nous voulons retirer du bassin ne travaille pas à l’heure actuelle. Il s’agit d’un poste d’une durée déterminée, pas indéterminée. Qui tentons-nous d’accommoder? Tout mon personnel à cet endroit qui est assujetti à une obligation de prendre des mesures d’adaptation à court terme fait l’objet d’une mesure d’adaptation qui arrive à sa fin, comme le sont ceux de Ferry Pts (ceux de [MAT]).

46        Mme Lortie a répondu ce qui suit : [traduction] « Le PE [points d’entrée] de Saint John pourrait exiger une mesure d’adaptation au cours des prochains jours et ils paniquent un peu pour cette raison. »

47        Mme Thompson a répondu : [traduction] « C’est à une heure et demie de distance. »

48        Mme Lortie a répondu : [traduction] « C’est exact. »

49        Mme Thompson a ensuite écrit : [traduction] « Notre plan de dotation prévoyait, à l’origine, sept caissiers classifiés CR-03 nommés pour une période déterminée pour la période de pointe et nous avons déjà réduit ce nombre en raison des autres employés qui font actuellement l’objet d’une obligation de prendre des mesures d’adaptation à court terme? Est-ce que cela vous aide? »

50        Mme Lortie a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Autorisation-SRP-468-Je donne l’autorisation, mais ma discussion avec Saint John fait écho. Debbie, attendez-vous à recevoir un appel de Saint John. Je me rends compte qu’il ne fait aucun sens de demander à un FB-03 de Saint John en déplacement d’occuper un poste CR-03, mais il s’agit d’une démonstration de l’effort de la part de l’Agence, même toute une démonstration de notre effort en vue d’aider. Nous ne savons jamais quand un cas atterrira entre les mains d’un arbitre de grief. Merci, Lorraine.

51        Même si elle n’a pas reçu de copie conforme de ce courriel, Mme Lusk a soulevé une objection relativement à la déclaration de Mme Lortie à Mme Thompson, soit qu’elle devait [traduction] « [s’]attendre à recevoir un appel de Saint John ». Mme Lusk ne voyait aucune raison pour laquelle Mme Thompson devrait s’attendre à recevoir un appel de Saint John. Elle a interprété la déclaration de Mme Lortie comme laissant entendre que des personnes allaient être frustrées du fait que Mme Thompson ne prenne pas un des employés ayant besoin de mesures d’adaptation. Mme Lusk était d’avis que le langage utilisé était presque intimidant et plus dur que nécessaire.

52        En contre-interrogatoire, Mme Lusk a reconnu qu’elle ne savait pas que l’employé en question, qui avait travaillé au port de Saint John, ne travaillait pas. Elle n’était pas au courant que Mme Lortie avait travaillé avec l’employé et la gestionnaire de l’employeur dans le but de lui trouver une mesure d’adaptation.

53        Mme Lusk a reconnu que l’employeur avait éprouvé des problèmes à prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés pendant plus de dix ans et que, lorsqu’un employé a besoin d’une mesure d’adaptation et que le port où il travaille n’est pas en mesure de prendre une telle mesure à son égard, l’une des options consiste à communiquer avec les bureaux environnants. Elle a également reconnu que les frais de déplacement n’étaient pas considérés comme constituant une contrainte excessive.

54        On a demandé à Mme Lusk pourquoi elle avait dit à Mme Lortie de ne pas téléphoner à Mme Thompson pour s’excuser. Mme Lusk a répondu qu’il n’était pas approprié que Mme Lortie amorce une discussion avec la cliente.

55        Mme Lusk a ensuite reconnu que Mme Thompson ne s’était pas plainte au sujet du courriel de Mme Lortie; en réalité, c’est Mme Lusk qui a déterminé que la correspondance de Mme Lortie n’était pas appropriée. Mme Lusk a reconnu que, au moment de l’incident, elle n’a pas informé Mme Lortie que Mme Thompson n’avait pas déposé de plainte.

B. Preuve de Mme Lortie

56        Dans son témoignage, Mme Lortie a abordé cet incident. Lorsque cette question a été portée à son attention, elle n’a pas été informée que la plainte ne provenait pas de Mme Thompson. Elle a été informée de cette affaire dans le cadre d’une conversation téléphonique avec Mme Lusk et Mme Titus, la gestionnaire des relations de travail.

57        En réponse, elle a informé Mme Lusk et Mme Titus qu’elle n’avait pas eu l’intention d’offenser Mme Thompson et qu’elle voulait l’appeler pour s’excuser. On l’a informée qu’il serait inapproprié d’appeler Mme Thompson.

58        Mme Lortie a indiqué à la Commission que Mme Thompson et elle échangeaient des courriels relativement à un poste disponible à son port, à St. Stephen, au Nouveau-Brunswick. Mme Lortie était au courant que l’un des agents qui travaillait au port de Saint John et qui s’était absenté du travail en raison d’une incapacité était prêt à effectuer un retour au travail et avait besoin d’une mesure d’adaptation.

59        Dans son témoignage, Mme Lortie a fait valoir qu’elle tentait de donner un préavis à Mme Thompson lorsqu’elle l’a informé par courriel qu’elle recevrait un appel de Saint John. Elle a expliqué à Mme Thompson que lorsqu’un bureau ne sait pas à quel endroit placer un employé qui nécessite une mesure d’adaptation, Mme Lortie leur conseille de communiquer avec les ports environnants. Elle a déclaré qu’elle le faisait à la demande de la Financière Sun Life, l’assureur invalidité, ou des commissions des accidents du travail.

VI. Incident du 28 mai 2014

A. Preuve de Mme Lusk

60        Mme Lusk a affirmé que, le 28 mai 2014, Mme Lortie lui a envoyé un courriel, ainsi qu’aux autres gestionnaires des ressources humaines, dans lequel elle a exprimé sa frustration relativement à un dossier dans la région d’Halifax. La direction voulait obtenir l’autorisation de Mme Lortie afin d’offrir une possibilité d’affectation à un demandeur. Le courriel est rédigé comme suit :

[Traduction]

Bonjour, voici une autre occasion où des cas de mesures d’adaptation à la GRH devraient s’appliquer, mais ne le sont pas. On doit indiquer à la gestion des employés, [AB], plus particulièrement, que ce n’est pas acceptable. Il s’agit de notre possibilité d’offrir de la formation dans des emplois de rechange à des employés qui savent qu’ils ont besoin de mesures d’adaptation permanentes.

AB est sous le radar. Mon dossier en vue de tenter de l’accommoder est solide. Il n’a fait preuve d’aucun effort afin d’alléger sa situation. Mon point est que la direction doit jouer un rôle, car il fait l’objet d’une mesure d’adaptation d’une manière ou d’une autre?? Cette question devrait être abordée à [RSMT]. Merci.

61        Mme Lusk a affirmé qu’elle s’opposait à l’utilisation du libellé [traduction] « AB est sous le radar », car cela supposait que la direction faisait quelque chose d’inapproprié. Mme Lortie ne devrait pas exprimer sa frustration personnelle dans un courriel.

62        Elle a déclaré que, selon Mme Lortie, l’équipe de gestion ne s’arrangeait pas pour que la mesure d’adaptation à l’égard de l’employé se concrétise. À son avis, Mme Lortie aurait dû s’adresser à l’équipe de la haute direction pour obtenir une réponse à ses préoccupations. Elle a reconnu que le courriel avait été envoyé exclusivement à l’équipe des ressources humaines.

63        Mme Lusk a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle ne savait pas que l’employé « AB » figurait sur la liste du SRP et qu’on y indiquait qu’il avait besoin d’une mesure d’adaptation permanente, ni que Mme Lortie avait son curriculum vitæ.

64        Mme Lusk a toutefois reconnu que, lorsqu’une possibilité d’emploi devient disponible, Mme Lortie envoie à une note à tous les employés qui ont besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Mme Lusk n’était pas au fait que l’employé concerné n’avait jamais répondu qu’il était intéressé par une mesure d’adaptation permanente.

65        Mme Lusk a reconnu que les gestionnaires ont la responsabilité de discuter des possibilités d’emploi avec les employés qui ont besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Cependant, elle n’était pas d’accord que le courriel de Mme Lortie devait être interprété de cette façon.

66        En réponse à la question de savoir pourquoi elle avait conclu que Mme Lortie avait fait quelque chose de fautif, elle a répondu que Mme Lortie laissait entendre que la direction ne prenait aucune mesure d’adaptation à l’égard de l’employé dans la mesure où elle aurait voulu qu’il en fasse l’objet.

B. Preuve de Mme Lortie

67        Mme Lortie a indiqué que le courriel ne s’adressait pas à tous les clients, mais bien à Mme Lusk, à Mme Elms et à Mme Titus, la gestionnaire des relations de travail et de la rémunération. Elle a indiqué que le but du courriel était de demander à son équipe de l’aider à corriger la situation d’un employé qui avait besoin d’une mesure d’adaptation permanente.

68        Elle a fait référence au programme régional de placement (SRP), un outil qui l’aide à gérer les mesures d’adaptation à l’intérieur de la région de l’Atlantique de l’employeur et, plus particulièrement, qui l’aide à répondre aux besoins des employés qui nécessitent une mesure d’adaptation permanente. Ce programme a été conçu avec les agents des services frontaliers à l’esprit. Une fois qu’une demande de mesure d’adaptation a été étudiée et que les renseignements médicaux ont été fournis, Mme Lortie communique avec l’employé et demande une copie de son curriculum vitæ.

69        L’employé qui faisait l’objet de ce courriel avait besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Si la mesure d’accommodement d’un agent des services frontaliers doit être prise au moyen d’un poste administratif, Mme Lortie peut éprouver des difficultés à répondre à ce besoin compte tenu de l’environnement des agents.

70        Le gestionnaire régional lui avait envoyé un avis selon lequel un poste était disponible dans lequel on pouvait placer temporairement un employé ayant besoin d’une mesure d’adaptation. Elle tentait de le placer dans ce poste afin d’accroître son ensemble de compétences.

71        Mme Lortie a affirmé qu’elle ne recevait aucune aide du gestionnaire de l’employé. Même si l’employé avait besoin d’une mesure d’adaptation, il a continué à occuper son poste d’attache à titre d’agent. Lorsqu’il a été informé du poste constituant une mesure d’adaptation, il n’a exprimé aucun intérêt à y présenter sa candidature. Elle lui avait offert d’autres postes qui n’avaient pas été acceptés. Mme Lortie était d’avis que son gestionnaire ne l’aidait pas.

72        L’envoi du courriel avait pour but de donner à son équipe un préavis qu’elle éprouvait des difficultés avec cette situation. Le courriel n’a pas été envoyé au gestionnaire et ce dernier n’y était pas identifié.

VII. Incident du 12 juin 2014

73        En juin 2014, Mme Lusk a préparé un plan d’entreprise pour les Ressources humaines en prévision du prochain exercice. Le 6 juin 2014, elle a demandé à ses subalternes directs de le passer en revue et d’obtenir de la rétroaction de leurs employés.

74        Le 11 juin 2014, Mme Titus a demandé à son équipe, dont Mme Lortie, de lui faire parvenir leurs commentaires au plus tard le 12 juin 2014.

75        Le 12 juin 2014, Mme Lortie a répondu à sa gestionnaire et aux autres membres de son équipe comme suit : [traduction] « Bonjour, les seuls commentaires que j’ai à exprimer sont : cessez de perdre du temps; cessez de gaspiller l’argent des contribuables; cessez d’être des pseudo-experts. »

76        Dans son témoignage, Mme Lusk a fait valoir que la réponse de Mme Lortie était irrespectueuse du processus et qu’elle n’aurait pas dû communiquer de cette manière. Elle a demandé à Mme Titus de lancer une enquête de recherche des faits pour déterminer pourquoi Mme Lortie avait répondu de cette façon.

77        Mme Titus et Mme Lortie ont eu une rencontre le 13 juin 2014. On a demandé à Mme Lortie de présenter le contexte du courriel qu’elle avait envoyé à l’équipe, en réponse aux commentaires liés à l’ébauche du plan d’entreprise des Ressources humaines.

78        Les notes de la réunion préparées par Mme Titus indiquent que Mme Lortie a indiqué que son ton était ironique; c’est-à-dire drôle. Il s’agissait d’un courriel léger adressé à son équipe. Elle connaissait ces personnes; c’était une blague. Elle était surprise que Mme Titus ne croyait pas que c’était drôle. Elle était encore plus surprise de recevoir une invitation à une réunion disciplinaire pour un tel courriel.

79        Mme Titus a indiqué qu’elle avait expliqué à Mme Lortie que le courriel n’était pas drôle et que, étant donné qu’il concernait le plan d’entreprise régional des Ressources humaines, il aurait pu donner l’impression qu’il s’adressait à l’équipe ou à la direction. Elle a expliqué que la ligne est mince lorsqu’il est question de faire des blagues à propos de ce type de travail.

80        Mme Titus a reconnu que l’équipe avait exprimé des préoccupations et des frustrations à propos du fait de travailler pour le gouvernement fédéral, et que la plupart des membres de l’équipe avaient formulé des commentaires à propos de certaines initiatives et certains documents liés au travail. Cependant, la ligne est mince, et elle considérait que ce type de réponse dépassait les bornes.

81        Mme Lortie a répondu qu’elle n’était pas d’accord que ce courriel dépassait les bornes. Elle a répété qu’il était drôle et léger, que d’autres personnes l’avaient trouvé drôle et qu’il faisait l’objet d’un traitement distinct puisque c’était elle qui l’avait envoyé.

A. Preuve de Mme Lortie

82        Mme Lortie a témoigné en disant que toutes les personnes qui ont reçu ce courriel faisaient partie de son équipe. Ils la connaissaient et elle les connaissait. Les membres de l’équipe font beaucoup de blagues, et c’est tout ce qu’elle faisait dans ce courriel. Elle a expliqué à Mme Titus qu’elle avait été ironique et qu’elle n’avait aucune mauvaise intention.

B. Preuve de Mme Lusk

83        Après avoir mené l’enquête de recherche des faits en ce qui concerne les courriels des 22 et 28 mai 2014, et après avoir examiné le rapport que Mme Titus a préparé sur la réunion portant sur le courriel du 12 juin 2014, Mme Lusk est arrivée à la conclusion que l’inconduite alléguée était fondée.

84        Le 17 juin 2014, elle a écrit à Mme Lortie pour l’informer de ses conclusions que l’inconduite des 22 et 28 mai et du 12 juin 2014 était fondée et qu’un comportement de cette nature était inacceptable et ne serait pas toléré. On a rappelé à la fonctionnaire qu’on lui avait remis une lettre de réprimande le 22 août 2013 en ce qui concerne des infractions d’une nature analogue et que, puisqu’elle n’avait pas corrigé son comportement, Mme Lusk avait décidé de prendre d’autres mesures au moyen d’une suspension de deux jours sans rémunération.

VIII. La suspension de cinq jours

A. Preuve de Mme Lusk

85        Dans son témoignage, Mme Lusk a souligné que, annuellement, une conseillère en SST de l’Administration centrale de l’employeur visite la région pendant une semaine, au cours de laquelle une série de réunions ont lieu.

86        Il existe une relation purement fonctionnelle entre le conseiller en SST et le poste de Mme Lortie, car la conseillère en SST régionale est responsable de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Il n’existe aucun rapport hiérarchique.

87        Le 5 novembre 2014, une réunion a eu lieu à l’aéroport d’Halifax à laquelle ont participé la conseillère en SST, Mme Lortie et le personnel de direction. Mme Lusk n’était pas présente. La conseillère en SST est allée voir Mme Lusk et a exprimé une préoccupation relativement à la façon dont Mme Lortie l’avait traité pendant une rencontre avec l’équipe de gestion de la cliente. La conseillère a indiqué à Mme Lusk qu’elle ne souhaitait pas déposer une plainte.

88        Après son retour à l’Administration centrale nationale de l’employeur, la conseillère en SST a supposément parlé à son supérieur, le directeur général des relations de travail qui, à son tour, a téléphoné au directeur régional, qui a demandé à Mme Lusk de se pencher sur cette affaire.

89        Mme Lusk a mené une enquête de recherche des faits. Elle a rencontré Mme Lortie le 12 décembre 2014. Si Mme Lusk a remis à Mme Lortie un avis écrit établissant le moment et le sujet de la réunion, celui-ci n’a pas été présenté en preuve.

90        Plus tard en décembre 2014, Mme Lusk a rencontré deux témoins. Elle en a rencontré deux autres en janvier 2015.

91        Le 22 janvier 2015, elle a envoyé un courriel à Mme Lortie l’informant que, comme ils en avaient discuté pendant leur réunion de décembre, certaines préoccupations avaient été soulevées à propos de son service; qu’elle avait consigné les réflexions de Mme Lortie relativement à chaque question; et qu’elle avait informé la fonctionnaire qu’elle mènerait une enquête de recherche des faits.

92        Elle a déclaré qu’elle avait achevé son enquête de recherche des faits et qu’elle avait invité Mme Lortie à une réunion prédisciplinaire, le mardi 27 janvier 2015, à midi, afin de discuter des allégations. Elle a annexé un rapport sur la recherche des faits ayant fait l’objet d’une vérification, aux fins d’information pour la fonctionnaire.

93        Mme Lusk a pris des notes sur ce que les différents témoins lui avaient déclaré. Cependant, leurs noms ont été caviardés et, par conséquent, les commentaires ne peuvent pas être attribués à un témoin particulier. Le rapport sur la recherche des faits a été présenté en preuve. Il a été reconnu que, à moins que les témoins témoignent de vive voix, la preuve constituait du ouï-dire. Néanmoins, le rapport a été admis en preuve auprès de la Commission afin de déterminer ultimement le poids qui devait lui être accordé.

94        Mme Lortie a répondu par courriel à Mme Lusk, dans lequel elle conteste les allégations.

95        Le 5 février 2015, Mme Lusk a écrit à Mme Lortie, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

La présente fait suite à l’audience prédisciplinaire qui a eu lieu le 27 janvier 2015, afin de discuter des allégations d’inconduite formulées à votre encontre, plus particulièrement les allégations relatives à un comportement décrit comme agressif, conflictuel et d’un ton méprisant à l’égard d’une collègue du programme de SST, devant des clients.

[…]

Conformément aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale décrits dans la Politique disciplinaire de l’ASFC, on vous a donné l’occasion de parler de ces allégations et de présenter une justification et/ou des facteurs atténuants. J’ai examiné tous les renseignements présentés, y compris les déclarations faites pendant ces audiences, et j’arrive à la conclusion que les allégations d’inconduite sont fondées et que votre comportement du 5 novembre 2014, va à l’encontre de l’article 11 du Code de conduite de l’ASFC. Au moment de déterminer la mesure disciplinaire appropriée, j’ai tenu compte de ce qui suit :

  • vous n’avez ni reconnu que votre comportement était inapproprié ni exprimé de remords relativement à votre comportement;
  • l’incident s’est déroulé en public, en présence de clients, pendant une prestation de service;
  • votre défaut de régler ces questions à l’avance et en l’absence des clients, malgré l’admission de possibilités en ce sens;
  • votre dossier disciplinaire inscrit à votre dossier, qui comprend une lettre de réprimande datée du 22 août 2013, et une suspension de deux (2) jours qui vous a été imposée les 18 et 19 juin 2014.

[…]

96        Mme Lusk a déterminé qu’une mesure disciplinaire était justifiée et elle a suspendu Mme Lortie pendant cinq jours, sans rémunération.

97        Mme Lusk a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas indiqué dans le rapport sur la recherche des faits que la conseillère en SST n’avait pas voulu déposer une plainte contre Mme Lortie. Elle a reconnu qu’aucune plainte écrite n’avait été formulée. Cependant, sa supérieure lui a demandé d’examiner la situation.

98        Mme Lusk a reconnu qu’elle n’avait pas envoyé la réponse écrite de Mme Lortie  aux allégations directement à M. Thibodeau, le directeur des relations de travail, mais qu’elle l'avait envoyé dans le cadre de la trousse définitive.

B. Preuve de M. Mallette

99        Au moment de l’audience, M. Mallette était le directeur intérimaire du district de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve de l’ASFC, un poste qu’il occupait depuis mai 2015. Mme Lortie est sa conseillère en ce qui concerne les questions liées à la SST et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

100        Il se souvenait d’avoir participé à une réunion le 5 novembre 2015, relativement à une plainte en matière de SST déposée au sujet de l’aéroport d’Halifax qui avait commencé par un refus de travailler. Le but de la réunion était de discuter d’une façon d’avancer et d’élaborer un processus approprié à suivre dans le traitement des dossiers de cette nature. Les autres personnes présentes à la réunion avec lui étaient Mme Lortie, une conseillère en SST de l’administration centrale de l’employeur et trois de ses superviseurs. Il a dirigé la réunion avec l’aide de Mme Lortie et de la conseillère en SST.

101        On lui a demandé comment s’était déroulée la réunion et ce qu’il avait observé en ce qui concerne Mme Lortie. Il a affirmé qu’elle était en retard pour la réunion. Apparemment, elle n’avait pas reçu l’avis de modification de l’heure du début de la réunion. Il a indiqué que ce n’était la faute de personne; cependant, Mme Lortie a insinué qu’une personne ne l’avait pas informé de cette modification.

102        M. Mallette a déclaré que, pendant la discussion, un conflit est survenu entre Mme Lortie et la conseillère en SST et qu’il y avait de la tension dans l’air. Mme Lortie a défié la conseillère en SST à plusieurs reprises; cette dernière ne connaissait pas aussi bien que Mme Lortie les cas dans la région. Il a vu Mme Lortie rouler des yeux lorsque la conseillère formulait des suggestions.

103        M. Mallette a indiqué que, même si la réunion ne s’est pas déroulée aussi rondement que souhaité, ils ont accompli ce qu’ils voulaient faire pendant la réunion.

104        Pendant le contre-interrogatoire, M. Mallette a été questionné à savoir si les rapports de situations dangereuses avaient fait l’objet de discussions. Il ne s’en souvenait pas.

105        M. Malette a également été questionné à savoir si les évacuations d’urgence et les exercices d’évacuation en cas d’incendie à l’aéroport d’Halifax avaient fait l’objet de discussions. Il a répondu que ces sujets avaient fait l’objet de discussions dans le passé, mais il n’était pas sûr que cela avait été le cas lors de cette réunion.

106        On a laissé entendre à M. Mallette que la conseillère en SST était présente à la réunion pour deux raisons : premièrement, en raison de la plainte en matière de SST à l’aéroport d’Halifax et, deuxièmement, en raison des exercices d’évacuation en cas d’incendie.

107        On lui a laissé entendre que la conseillère en SST avait conseillé aux personnes présentes de tenir les exercices d’évacuation tous les trois mois. À ce stade, Mme Lortie a demandé à la conseillère en SST de vérifier le Code canadien du travail, lequel exige la tenue d’exercices d’évacuation d’urgence une fois par année seulement.

108        M. Mallette s’est souvenu que Mme Lortie avait contesté la conseillère en SST, mais il ne se souvenait pas à quel sujet. À la question de savoir si elle avait défié la conseillère à plus d’une reprise, il n’a pas été en mesure de confirmer si tel avait été le cas.

109        À la question de savoir s’il était au courant que Mme Lortie et la conseillère en SST avaient participé à une réunion de la direction à un emplacement différent le jour précédent, en présence d’une équipe de gestion différente, M. Mallette a indiqué qu’il n’avait aucune connaissance directe d’une telle réunion; cependant, il n’était pas surpris d’apprendre qu’il y avait probablement eu une réunion précédente à un autre emplacement.

C. Preuve de Mme Lortie

110        Mme Lortie a témoigné en disant que, peu de temps avant l’incident à l’aéroport d’Halifax qui a donné lieu à la suspension de cinq jours, Mme Titus a communiqué avec elle. Pendant la discussion, Mme Titus a reconnu qu’il y avait beaucoup de tension dans le milieu de travail et l’a informée qu’elle comprenait la raison pour laquelle elle était stressée par l’environnement de travail et travaillait à domicile. Elle appuyait le fait qu’elle travaillait à domicile.

111        La gestionnaire des relations de travail a indiqué à la fonctionnaire qu’elle était une cible. Elle lui a également indiqué que Mme Lusk tentait de la ramener au bureau.

112        Deux jours avant la réunion à l’aéroport d’Halifax, la conseillère en SST et Mme Lortie se sont rencontrées dans les bureaux des Ressources humaines de l’employeur à Halifax, puis elles ont rencontré une équipe de gestionnaires. La conseillère en SST a présenté une séance d’information et a ensuite répondu aux questions. Pendant qu’elle expliquait un scénario portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’équipe de gestion, la conseillère a utilisé une vulgarité qui, d’après Mme Lortie, était gênante. Mme Lortie lui a demandé pourquoi elle avait agi ainsi.

113        La journée avant la réunion à l’aéroport, la conseillère en SST et Mme Lortie se sont rencontrées aux Opérations maritimes, en présence de l’équipe de gestion et des membres du comité de SST à cet emplacement.

114        La conseillère en SST a présenté une séance d’information. Par la suite, elle et Mme Lortie ont répondu aux questions. Une question a été posée relativement aux circonstances dans lesquelles des rapports de situations dangereuses doivent être remplis.

115        La question était liée à une situation hypothétique où un employé dans un milieu de travail fédéral glisse et tombe dans une flaque, mais est en mesure de se relever et de continuer à marcher. La conseillère en SST a indiqué au groupe que, tant que l’employé n’est pas blessé, il n’est pas nécessaire de remplir le formulaire.

116        Mme Lortie était d’avis que la partie II du Code canadien du travail exige qu’un formulaire soit rempli dans ces circonstances. Depuis plus de cinq ans, elle mentionnait cette exigence à l’équipe de gestion. Elle a témoigné n’avoir rien dit à ce moment. Ce soir-là, elle a envoyé un courriel à un conseiller principal en SST, à Ottawa, en Ontario, lequel a confirmé l’interprétation du Code canadien du travail de Mme Lortie.

1. La rencontre à l’aéroport

117        Mme Lortie a expliqué qu’elle n’était pas arrivée en retard à la réunion, puisqu’il avait été prévu qu’elle commence à 9 h. Elle a appris que M. Mallette avait devancé la réunion à 8 h 30, car il souhaitait accommoder un des surintendants.

118        Mme Lusk a déclaré que la fonctionnaire avait utilisé un langage grossier et qu’il y avait de la tension dans la pièce ce jour-là relativement à la fonctionnaire. Mme Lortie a nié avoir utilisé un langage grossier.

119        Mme Lortie a déclaré qu’elle était inquiète à propos d’une mauvaise information potentielle que la conseillère en SST pourrait communiquer à l’équipe de gestion régionale. À son avis, la conseillère en SST a fourni des renseignements inexacts en ce qui a trait aux rapports sur les situations dangereuses. Mme Lortie a demandé à la conseillère en SST de confirmer ce qu’elle disait. La conseillère en SST avait un exemplaire du Code canadien du travail devant elle, mais Mme Lortie ne lui a pas demandé de le lire, car elle savait que les renseignements que la conseillère en SST fournissait étaient inexacts. Mme Lortie voulait s’assurer que les gestionnaires ne soient pas mal informés.

120        Selon Mme Lortie, la conseillère en SST se trompait également en ce qui concerne la fréquence des exercices d’évacuation.

121        Mme Lortie a indiqué qu’elle était désolée que la conseillère en SST ait eu l’impression qu’elle était acculée au pied du mur.

122        Mme Lortie a déclaré que, dans son entrevue, elle a informé Mme Lusk de ce qui s’était produit. Elle a exprimé sa préoccupation à l’égard du fait que sa réponse aux allégations n’avait pas été envoyée à M. Thibodeau.

123        Mme Lortie n’a pas été contre-interrogée à l’égard de sa preuve.

IX. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

124        Il incombait à l’employeur de s’acquitter du fardeau d’établir qu’une inconduite avait eu lieu qui justifiait une mesure disciplinaire et de démontrer que la sévérité de la sanction était raisonnable. Il ne s’agit pas d’une science parfaite. Il n’existe aucune recette magique. Lorsqu’un arbitre de grief doit examiner la sévérité d’une mesure disciplinaire, il n’a pas à être convaincu que l’employeur a eu recours à la bonne intervention, toutefois, s’il est convaincu que la sévérité de la mesure disciplinaire est raisonnable dans les circonstances, il devrait éviter d’en modifier la durée.

125        L’article 11 du Code de conduite précise que les valeurs de respect, d’intégrité et de professionnalisme de l’ASFC doivent orienter les interactions des employés avec les personnes avec qui ils travaillent, dont les collègues, les clients et les intervenants. Les employés doivent démontrer ces valeurs d’un certain nombre de façons, y compris :

[…]

en communiquant en tout temps avec les autres de manière respectueuse […] dans l’utilisation des communications électroniques;

[…]

en ne faisant jamais des déclarations ou en ne posant pas des gestes offensants, ironiques, menaçants, insultants, offensifs ou provocateurs à l’intention d’une personne ou à son sujet. Consultez l’article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[…]

126        Les circonstances de chaque cas peuvent toujours faire l’objet d’un examen subjectif. Il s’agit d’une question de contexte et de nuance. C’est la raison pour laquelle la preuve doit être examinée dans son ensemble, pour déterminer les répercussions générales, car, à première vue, les incidents peuvent ne pas sembler avoir une grande importance.

127        Aux fins de mise en contexte, lorsque Mme Lusk a été nommée à son poste, le gestionnaire précédent l’a informée que Mme Lortie avait des problèmes de communication.

128        Mme Lusk a tenté de travailler avec la fonctionnaire. Elle a mentionné l’encadrement et la formation qui ont été offerts à la fonctionnaire. Elle n’avait pas l’intention de lui imposer une mesure disciplinaire. Elle a tenté de l’aider. À un certain stade, il ne restait rien d’autre à faire que de lancer le processus disciplinaire. Entre chacune des mesures disciplinaires, elle a tout de même tenté de travailler avec la fonctionnaire en vue d’améliorer ses compétences en communication.

129        La fonctionnaire a reçu une réprimande verbale en mars 2013, et une réprimande écrite en août 2013.

130        Pendant la période d’août 2013 jusqu’à mai et juin 2014, Mme Lortie a tenté de maintenir ses communications respectueuses et de ne pas offenser la direction.

1. La suspension de deux jours

131        En examinant le libellé des courriels de Mme Lortie, même s’ils peuvent parfois être lus de façon subjective, on ne peut comprendre en quoi dire [traduction] « la ferm[e] » à la direction témoigne de respect envers celle-ci. De même, le ton dans la correspondance de la fonctionnaire à l’attention de Mme Thompson, la gestionnaire, est inacceptable. Manifestement, elle ne tentait pas de travailler dans un esprit de collaboration.

132        On peut faire valoir que tout est une question de contexte. Les gens pourraient faire valoir que personne n’a reconnu que cette expression n’était pas appropriée. Ils pourraient avoir entendu une justification; c’est-à-dire, de la frustration. Cependant, à un certain moment, la fonctionnaire a reconnu que son choix de mots n’était peut-être pas le meilleur. Toutefois, en indiquant qu’un employé était sous le radar, elle sous-entendait que la direction ne faisait pas son travail.

133        L’inconduite a atteint un point extrême lorsque, en réponse à une demande de rétroaction sur le plan d’entreprise, elle a répondu à sa gestionnaire de [traduction] « cesse[r] de perdre du temps », entre autres. Il est difficile de voir comment cette réponse peut être considérée comme respectueuse. Elle a expliqué à Mme Titus et à l’arbitre de grief qu’il s’agissait d’une blague. Le cas échéant, cette blague n’était certainement pas appropriée.

134        En ce qui concerne la sévérité de la suspension de deux jours, des facteurs atténuants seraient habituellement pris en considération. Cependant, dans la présente affaire, il y a une absence de remords; la fonctionnaire ne se rend pas compte que ses communications ne sont pas appropriées, et ce, même si elle a reçu de l’encadrement et de la formation.

2. La suspension de cinq jours

135        Dans son témoignage, Mme Lusk a fait valoir que la conseillère en SST de l’Administration centrale de l’employeur lui a signalé qu’on lui avait manqué de respect pendant la réunion du 5 novembre 2014, (voir le rapport sur la recherche des faits préparé par Mme Lusk).

136        Il serait préférable d’avoir la meilleure preuve possible. Même si une partie de la preuve dans le rapport peut constituer du ouï-dire, cette preuve demeure admissible, même si la Commission peut décider de lui accorder un certain poids uniquement.

137        La plupart du temps, ce ne sont pas toutes les personnes qui participent à une enquête qui témoignent à une audience.

138        Dans cette affaire, à l’appui de la mesure disciplinaire, la décideuse a rencontré ces personnes et a discuté avec elles au sujet de ces observations.

139        Dans son témoignage, M. Mallette a clairement fait valoir qu’une certaine tension était manifeste dans la salle, mais il ne partageait pas le point de vue de Mme Lortie quant au niveau de cette tension.

140        Le niveau de frustration de Mme Lortie pourrait expliquer pourquoi ces événements se sont produits. Quoi qu’il en soit, malgré la mesure disciplinaire progressive qui lui a été imposée, elle continue de communiquer de la mauvaise façon. En dépit de l’encadrement et de la formation, elle conteste toujours la façon de faire de la direction, et ce, d’une manière qui n’est pas constructive.

141        L’inconduite est établie. Le problème de communication a atteint un point où le comportement est devenu provocateur. La fonctionnaire considère que l’on conteste sa relation avec la cliente. Même si elle a à cœur l’intérêt supérieur de sa cliente, elle doit communiquer de façon respectueuse.

3. Sévérité de la mesure disciplinaire

142        Tel qu’il a été mentionné, il n’existe jamais une recette exacte permettant de déterminer la sévérité appropriée d’une mesure disciplinaire. Un examen complet de la preuve appuie le point de vue selon lequel les suspensions de deux et de cinq jours n’étaient pas déraisonnables. Dans Varzeliotis c. Conseil du Trésor (Environnement du Canada),dossiers de la CRTFP 166-02-9721 à 9723, 10273 et 10879 (19831011), [1983] C.R.TF.P.C. no 108 (QL), la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a déclaré ce qui suit, au paragraphe 164 :

[…]

Les arbitres ont toujours considéré les accusations d’insubordination comme étant une évaluation subjective du comportement d’un employé. Les genres de fautes de conduite qui peuvent être considérées comme des actes d’insubordination sont, par exemple, « la désobéissance aux ordres donnés par un superviseur et le fait d’avoir une attitude provocatrice ou irrespectueuse vis-à-vis d’un superviseur ». L’employé s’estimant lésé a été congédié à cause d’allégués actes d’insubordination de ce genre. Il incombe à l’employeur de prouver que les faits et les circonstances invoqués comme éléments de preuve montrent que sa décision était justifiée, soit que l’imposition d’une peine s’imposait et que la peine était adaptée à la faute commise. En l’espèce, je propose d’appliquer le critère suivant :

a) L’employeur a-t-il établi qu’il avait des motifs justes et raisonnables d’imposer des mesures disciplinaires?

b) L’employeur a-t-il établi que la peine imposée était juste et raisonnable ou la sanction était-elle excessive?

c) Si la sanction était excessive, quelle autre peine y aurait-il lieu d’y substituer?

[…]

143        L’arbitre de grief a ensuite abordé, dans les termes suivants, la pertinence des conséquences applicables à un incident qui ne fait pas l’objet d’une mesure disciplinaire officielle, comme une réprimande verbale ou écrite, au paragraphe 167 :

[…]

[…] Normalement, lorsqu’on veut savoir si une mesure disciplinaire imposée par l’employeur est justifiée, on ne doit pas tenir compte des incidents pour lesquels aucune mesure disciplinaire officielle n’a été infligée et qui ne peuvent faire l’objet d’un grief. Cependant, de tels incidents peuvent être admis en l’espèce pour prouver que l’employé s’estimant lésé savait que l’employeur désapprouvait un certain type de conduite et que des sanctions seraient infligées en cas de récidive […]

[…]

144        Lâm c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2007 CRTFP 69, porte sur une série de suspensions disciplinaires ainsi que sur une allégation de discrimination et de harcèlement formulée par la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a soulevé, au paragraphe 176, qu’« [i]l est toujours délicat d’évaluer un dossier disciplinaire, lorsqu’en parallèle, l’employé a entrepris des procédures relatives au harcèlement ».

145        Néanmoins, dans cette affaire, l’arbitre de grief est arrivé à la conclusion que l’employeur avait raison de considérer que l’utilisation du terme « agresseur » dans des courriels successifs que la fonctionnaire a envoyés à la direction était irrespectueuse. Au paragraphe 216, l’arbitre de grief a conclu que, bien qu’il aurait pu être acceptable que la fonctionnaire souhaite débattre avec son superviseur, le ton qu’elle a employé et son expression de gratitude empreinte de sarcasme étaient entièrement inappropriés. L’arbitre de grief est arrivé à la conclusion que ces facteurs justifiaient la mesure disciplinaire.

146        MacLean c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôts), dossier de la CRTFP 166-02-27968 (19990107), [1999] C.R.T.F.P.C. no 1 (QL), porte sur un grief contestant une suspension de 15 jours relativement à des commentaires écrits portant atteinte au respect de l’autorité et de la conduite en milieu de travail, l’arbitre de grief a formulé les commentaires suivants au paragraphe 83 :

À mon avis, la seule personne qui s’est conduite d’une façon indigne d’un professionnel en l’occurrence fut M. McLean […] Si M. McLean pense que ses commentaires sarcastiques et ses grossièretés sont la marque d’une personne ayant une conscience professionnelle, il se trompe souverainement. Ce n’est pas le cas. C’est lui qui doit changer sa conduite et commencer à se conduire comme un professionnel.

147        L’arbitre de grief a également affirmé ce qui suit au paragraphe 86 : « Bien qu’une certaine jovialité soit acceptable au travail, la présente affaire met en lumière le problème d’un employé qui ne sait pas quand s’arrêter. Pour paraphraser M. MacLean, il s’est en quelque sorte laissé emporter et les choses ont fait boule de neige. »

148        En l’espèce, les suspensions de deux et de cinq jours étaient raisonnables et nécessaires pour faire comprendre à Mme Lortie qu’elle devait changer d’attitude. La Commission ne devrait pas examiner la sévérité de ces suspensions.

149        Dans Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTEFP 11, le fonctionnaire, un agent du service à la clientèle à Service Canada, a contesté une suspension de deux jours pour avoir accédé personnellement à des renseignements sur l’assurance-emploi de membres de sa famille et pour leur avoir offert un service qui n’était pas offert aux autres citoyens canadiens.

150        Au paragraphe 55, l’arbitre de grief a déclaré qu’un arbitre de grief devrait mitiger une sanction disciplinaire uniquement lorsque celle-ci est manifestement déraisonnable ou erronée. Dans les circonstances de cette affaire, le fonctionnaire n’a démontré aucun remords pour ses actions et a tenté de façon répétée d’en détourner la responsabilité en blâmant l’employeur. L’arbitre de grief a déterminé que le fonctionnaire ne s’était pas acquitté de son fardeau de la convaincre qu’il était juste et raisonnable de substituer une sanction moindre.

151        Dans Albert c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 7, le fonctionnaire, qui était un superviseur, a fait l’objet d’une suspension de cinq jours pour harcèlement sexuel. À l’arbitrage, on a fait valoir en son nom qu’un certain nombre de facteurs atténuants aurait dû être pris en considération et que la sanction aurait dû être réduite. L’arbitre de grief a affirmé ce qui suit aux paragraphes 21 et 22 :

[21] M. Hill a fait valoir pour lui qu’il faudrait tenir compte de plusieurs circonstances atténuantes. Je suis d’accord, tout comme l’employeur : Mme St. George a déclaré que la jurisprudence dont elle avait pris connaissance considérait une sanction plus lourde qu’une suspension de cinq jours comme justifiée, mais qu’elle a tenu compte des circonstances atténuantes mêmes que M. Hill a citées. En définitive, elle a conclu qu’une suspension de cinq jours était justifiée compte tenu de toutes les circonstances.

[22] Il est vrai qu’on devrait tenir compte des circonstances atténuantes, mais comme on m’a démontré que l’employeur l’a fait, il ne serait pas correct que j’en tienne compte de nouveau pour réduire encore ce que je considère comme une sanction justifiée dans ces conditions.

152        Mme Lusk a effectivement tenu compte des facteurs atténuants au moment d’imposer la mesure disciplinaire.

153        L’inconduite ne concerne pas la qualité du travail de la fonctionnaire. L’employeur n’a pas affirmé pas que Mme Lortie n’était pas une bonne employée.

154        M. Mallette a fait valoir le fait qu’il est à l’aise avec la fonctionnaire dans son rôle de conseillère. Elle a beaucoup de connaissances utiles. La préoccupation concerne son approche. C’est ce que l’employeur tente d’aborder. Il n’a pas contesté qu’elle effectue son travail. Le problème est lié à la façon dont elle s’exprime.

B. Pour la fonctionnaire

155        L’environnement de travail, qui comprend le travail avec des gestionnaires qui ont des antécédents à titre d’agents des services frontaliers, peut être décrit comme un environnement où les communications irrespectueuses sont non seulement autorisées, elles sont la norme. La fonctionnaire a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

Contrairement à l’argument de l’avocat de l’employeur, je me suis effectivement excusée pour avoir utilisé l’expression [traduction] « qu’ils se la ferment » dans mon courriel. Je ne contestais pas l’autorité de la direction, je cherchais à obtenir l’appui de ma gestionnaire.

En ce qui concerne les commentaires formulés relativement au plan d’entreprise, je faisais de l’ironie avec les membres de mon équipe.

J’ai reçu beaucoup de commentaires positifs quant à la façon dont je m’acquitte de mes responsabilités au travail.

Mme Lusk a admis qu’elle n’était pas au courant de tous les faits relativement aux courriels adressés à Deborah Thompson et à Mme Jardine.

Pour ce qui est de l’incident à l’aéroport, je n’ai jamais affirmé que la réunion s’était déroulée sans accrocs. M. Mallette n’était pas au courant de ce qui s’était passé le jour précédent. Lors de la réunion, j’ai simplement demandé à la représentante en santé et sécurité au travail du national de corroborer ses renseignements.

On a laissé entendre que le ton de mon courriel était accusateur. Ce n’était pas le cas, je demandais l’aide de la direction.

Je demande à la Commission de se pencher sur la mesure disciplinaire imposée et de déterminer si celle-ci était appropriée.

Je crois que la mesure disciplinaire imposée était injuste et que je n’ai pas fait l’objet d’une gestion objective. Je crois que la qualité de mon travail devrait jouer un rôle dans cette détermination.

Examinez attentivement ma description de travail. La description de travail fait état d’une tension entre mon rôle de coordonnatrice régionale de la gestion de l’incapacité et des cas de mesures d’adaptation responsable de la coordination du placement d’employés handicapés en vertu de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, et les gestionnaires dans les différents ports qui ne se conforment pas à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Cela dépend du gestionnaire. Je suis prise au cœur de ces situations sans pouvoir compter sur l’appui de ma superviseure, Mme Lusk.

C. Réplique de l’employeur

156        Mme Lortie a présenté des arguments en ce qui concerne le recours à un langage inapproprié dans le milieu de travail. Elle n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard. Elle a reconnu qu’elle n’aurait pas dû avoir recours à l’expression [traduction] « qu’ils se la ferment » dans son courriel, ce qu’elle n’a pas reconnu pendant l’enquête de recherche des faits. Elle a peut-être les meilleures intentions au moment d’accomplir ses fonctions, mais ce n’est pas ce qui fait l’objet de cet examen, qui vise plutôt le langage qu’elle utilise dans ses communications.

X. Motifs de décision

157        Mme Lortie conteste ses suspensions de deux et de cinq jours. Elle allègue que les deux suspensions étaient sans fondement. Elle demande le remboursement de la rémunération perdue.

158        L’employeur fait valoir dans sa réplique que Mme Lortie a eu droit à une application régulière de la loi et à l’équité procédurale. En ce qui concerne le bien-fondé du grief, l’employeur affirme que les actions de Mme Lortie constituaient une inconduite et que la décision de lui imposer une mesure disciplinaire était raisonnable et fondée sur le principe de la mesure disciplinaire progressive.

159        Mme Lortie est une employée exclue. Elle n’est pas représentée par un agent négociateur et ses conditions d’emploi ne sont pas assujetties à une convention collective.

160        Les paragraphes 12(1) et (2) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11) confèrent aux administrateurs généraux le pouvoir d’établir des normes de discipline et d’établir des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement, la suspension, la rétrogradation à un poste situé à une échelle salariale comportant un plafond inférieur, et des sanctions pécuniaires. Le paragraphe 12(3) de cette loi prévoit que les mesures disciplinaires à l’égard d’une personne, son licenciement ou sa rétrogradation doivent être motivés.

161        L’ASFC dispose d’une politique disciplinaire qui s’applique à tous les employés représentés, exclus et non représentés, la Politique de l’ASFC en matière de discipline, dont l’énoncé de politique est rédigé en partie comme suit :

[Traduction]

[…] Selon la politique de l’ASFC, toutes les allégations ou preuves de l’inconduite d’un employé doivent faire l’objet d’une enquête, conformément aux principes de justice naturelle, afin de veiller à ce que la réputation professionnelle du personnel et l’intégrité des opérations de l’ASFC soient protégées et que des mesures appropriées soient prises.

162        La justice naturelle est définie comme suit dans la Politique de l’ASFC en matière de discipline :

[Traduction]

[…] l’exigence pour la direction d’être équitable et raisonnable dans l’application des mesures disciplinaires. Cela comprend les principes suivants : le droit d’être informé de toutes les allégations ou accusations formulées et de recevoir suffisamment de renseignements pour comprendre les allégations; le droit d’être entendu et la possibilité de présenter ses arguments pour qu’une défense adéquate puisse être mise de l’avant; le droit d’avoir une décision fondée sur une preuve pertinente et fiable, obtenue dans le cadre d’une enquête appropriée qui a été communiquée aux deux parties.

163        L’ASFC s’engage, dans sa Politique de l’ASFC en matière de discipline, à informer les employés de toutes les allégations ou accusations, et à leur communiquer suffisamment de renseignements pour les comprendre.

164        Brown et Beatty, dans Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au chapitre 7, paragraphe 7:2110, intitulé [traduction] « Avis », indique ce qui suit :

[Traduction]

De toutes les conditions que les employeurs doivent respecter en vertu des conventions collectives dans l’exercice de leurs pouvoirs disciplinaires, aucun pouvoir n’est aussi normalisé que celui de communiquer à l’employé et/ou à un représentant syndical un avis concernant la mesure qu’il se propose de prendre. Règle générale, les arbitres de grief insistent pour que l’on donne suffisamment de renseignements aux employés pour qu’ils sachent quelles sont les allégations formulées contre eux, pour qu’ils puissent y répondre de façon appropriée […] En outre, un employeur peut être empêché de justifier les mesures qu’il a prises à l’égard des motifs et des événements qui n’ont pas été communiqués à l’employé. Alors que la communication d’un avis est considérée comme obligatoire et essentielle, les communications qui sont tardives et/ou qui ne sont pas suffisamment précises peuvent même annuler la mesure disciplinaire.

165        Après avoir établi qu’une mesure disciplinaire à l’encontre d’un employé non représenté doit être motivée et que toutes les allégations ou preuves d’inconduite doivent faire l’objet d’une enquête conformément aux principes de justice naturelle, l’extrait précédent de Varzeliotis semble pertinent.

166        Il incombe à l’employeur d’établir que les faits et circonstances présentés en preuve appuient ses décisions, tant en ce qui concerne sa détermination que la conduite de la fonctionnaire méritait une mesure disciplinaire que la sanction sélectionnée. L’entrepreneur doit répondre aux deux questions suivantes :

  1. L’employeur a-t-il établi qu’il avait des motifs justes et raisonnables d’imposer des mesures disciplinaires?
  2. L’employeur a-t-il établi que la sanction était juste et raisonnable, ou la sanction était-elle excessive?

A. Aperçu du droit concernant les communications respectueuses

167        Brown et Beatty affirment ce qui suit en vertu de la section [traduction] « Comportement insolent et provocateur », au paragraphe 7:3660 :

[Traduction]

Le comportement qui est menaçant, insolent ou méprisant à l’endroit de la direction peut être considéré comme de l’insubordination, même s’il n’y a aucun refus explicite de respecter une directive, lorsqu’un tel comportement se manifeste par une opposition à l’autorité d’un employeur ou une provocation à son égard. Cependant, si un débordement obscène ou d’insultes découle d’une explosion de colère momentanée et qu’il ne représente pas une contestation de l’autorité de l’employeur, l’imposition d’une sanction disciplinaire ne serait pas justifiée. De même, il semble généralement reconnu qu’en soi, un langage blasphématoire dans le milieu de travail n’est pas un motif pour imposer des mesures disciplinaires. Afin de déterminer si les remarques du plaignant peuvent être qualifiées d’insolentes et de provocatrices, on peut devoir se pencher sur la nature de l’entreprise, ainsi que sur le langage commun et les modes d’expression utilisés et tolérés à l’établissement. En supposant que le comportement ou le langage en question n’est pas particulièrement perturbateur, injurieux ou méprisant à l’endroit de la direction, seules des sanctions disciplinaires mineures seraient justifiées. D’un autre côté, si le langage est accompagné d’un refus d’obéir à des instructions, de menaces ou de voies de fait simples à l’endroit d’un superviseur, des mesures disciplinaires plus sévères, y compris le licenciement, peuvent être justifiées.

168        Le chapitre 11 du texte de Palmer et de Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 5e éd., traite de l’insubordination. Le chapitre est intitulé [traduction] « Insubordination – Être irrespectueux envers l’employeur », et son auteure est Beth Bilson, du Québec. Sous le sous-titre [traduction] « Abus verbal, injures et comportement insolent », l’auteure indique ce qui suit au paragraphe 11.50 :

[Traduction]

11.50 L’utilisation d’un langage offensant à l’égard des supérieurs est souvent qualifiée de « comportement insolent ». Ce terme est suffisamment général pour y inclure également les signaux non verbaux de mépris ou d’irrespect envers l’autorité de la direction, par exemple le refus de participer à une réunion, le défaut de reconnaître un ordre, faire preuve d’irrespect ou avoir une attitude de défi, et le défaut d’exécuter un ordre qui n’a pas été exprimé explicitement. Un arbitre de différends a saisi le concept en ces termes :

« L’insubordination ne se limite pas aux remarques grossières ou menaçantes formulées à l’égard d’un superviseur. Une conduite qui démontre une attitude méprisante et/ou défiant l’autorité relève également de cette catégorie. »

Les expressions de mépris et de dérision à l’égard de superviseurs au moyen de publications Facebook constituent également un comportement fautif.

11.51 Des questions difficiles sont soulevées lorsqu’une mesure disciplinaire est imposée en raison de déclarations verbales ou de toute autre « insolence » non verbale. D’une part, les arbitres de différends ont reconnu que tous les milieux de travail ne sont pas caractérisés par des niveaux élevés de décorum et de raffinement. Comme l’a indiqué un arbitre de différends, « [u]n atelier, ce n’est pas une école du dimanche » et, dans certaines circonstances, il faut s’attendre à un « langage vulgaire » ou des « épithètes piquantes ». Lorsque cela fait partie de la coutume d’un milieu de travail, « parler avec franchise » peut être perçu comme étant normal plutôt qu’irrespectueux.

169        Dans Dominion Glass Co. v. United Glass & Ceramic Workers, Local 203 (1975), 11 L.A.C. (2d) 84, l’arbitre de différends a résumé la jurisprudence arbitrale de cette façon :

[Traduction]

[…] Ce qui est apparent de l’examen de ces cas est que l’utilisation de la grossièreté dans le milieu de travail ne constitue pas, en soi, un motif pour imposer une mesure disciplinaire. Un atelier, ce n’est pas une école du dimanche. La réalité du milieu de travail est qu’un langage vulgaire et des épithètes piquantes font souvent partie des conversations de tous les jours. Ce ne sont pas les mots eux-mêmes, mais le ton et l’intention de l’utilisateur qui déterminent si la grossièreté devrait être considérée comme étant abusive ou offensante. Qui plus est, il existe une différence entre une simple insulte, un emportement momentané et un comportement qui représente une contestation importante à l’égard du pouvoir de l’employeur et est incompatible avec la continuation d’une relation d’emploi viable. La gravité de la situation peut varier d’une façon importante, tout comme la mesure disciplinaire. Finalement, une évaluation des circonstances peut servir à atténuer, voire disculper, l’infraction du fonctionnaire. Il faut tenir compte de telles questions, par exemple : la relation des personnes concernées (c.-à-d. supérieur/subordonné ou deux employés ordinaires); s’il y a eu de la provocation; la présence ou l’absence d’un bon dossier disciplinaire antérieur; si l’incident semble faire partie d’un modèle de comportement intempestif; l’ancienneté du fonctionnaire; si des excuses ont été présentées; etc.

[…]

170        Mme Bilson a continué son résumé de la jurisprudence comme suit, au paragraphe 11.53 :

[Traduction]

11.53 Comme nous l’avons signalé plus tôt, dans l’élaboration de ce domaine de la jurisprudence arbitrale, la question ne concerne pas le langage en soi, mais plutôt la question de savoir si son utilisation est conforme à la relation d’emploi. Même si l’utilisation d’un langage obscène ou abusif est souvent perçue comme une preuve plutôt forte d’insubordination justifiant une mesure disciplinaire dans la plupart des circonstances, ce n’est pas le langage comme tel, mais plutôt l’irrespect envers l’autorité de l’employeur qui représente la question fondamentale. En conséquence, un langage qui n’est pas ouvertement obscène ou menaçant peut néanmoins être considéré comme justifiant l’autorité de l’employeur d’une manière inacceptable. Parallèlement, les affirmations fortement ironiques ou l’opposition muette combinée au respect des directives ne constituent pas de l’insubordination. Les arbitres de différends ont également évalué le langage utilisé à la lumière du caractère ou de la situation de l’employé concerné.

171        Mme Bilson affirme également ce qui suit sous le sous-titre [traduction] « Absence d’intention d’être insubordonné », dans son résumé, au paragraphe 11.69 :

[Traduction]

11.69 L’un des fondements liés à l’imposition d’une sanction pour insubordination est que cela mine l’autorité de la direction et compromet la capacité de l’employeur de diriger l’entreprise efficacement. Dans l’affaire bien connue Stancor Central Ltd. (Peppler Division), l’arbitre de différends a laissé entendre que l’absence d’une intention coupable de la part de l’employé peut invalider entièrement la mesure disciplinaire relative à une insubordination. Malgré une certaine controverse, il y a eu un certain nombre de cas où les arbitres de différends ont inclus cet élément dans l’évaluation de la sanction. L’absence d’intention d’offenser ou de miner l’autorité de la direction, une croyance honnête que l’orientation de l’employeur est erronée, une erreur factuelle et une conviction de bonne foi de la part de représentants syndicaux qu’ils ont protégé leurs membres ont été considérées par les arbitres de différends comme justifiant l’imposition d’une sanction moindre. Les arbitres de différends ont abordé cette détermination d’un point de vue objectif, plutôt que d’accepter simplement les protestations ou les dénégations des fonctionnaires.

172        En résumé, ce ne sont pas les mots en soit, mais le ton et l’intention de l’utilisateur, qu’ils découlent d’un emportement momentané ou d’une croyance honnête que l’orientation de l’employeur est erronée, en plus de la question de savoir s’il existe une contestation grave de l’autorité de l’employeur, qui justifierait une conclusion d’insubordination.

173        J’ai examiné attentivement la jurisprudence présentée par l’employeur.

174        Dans Varzeliotis,le fonctionnaire travaillait dans le cadre d’un programme de prévention des inondations sur le fleuve Fraser ayant pour responsabilité précise la protection des rives. Il a refusé de collaborer avec les agents provinciaux relativement à des questions liées à la protection conjointe des rives. En une autre occasion, on lui a donné la directive de prendre des mesures de protection d’urgence à l’égard des rives en ayant recours à des entrepreneurs. Il a refusé la responsabilité en faisant valoir qu’il n’avait pas suffisamment de personnel, même si le projet n’exigeait pas qu’il fasse appel à son personnel. Il a refusé de mener une inspection du site dans le cadre de mesures de protection d’urgence des rives, car il n’avait pas la tête à cela. De manière répétée, il a omis de se conformer à des directives en bonne et due forme qui lui ont été transmises par ses superviseurs, mais s’est également adonné à une conduite insolente, provocatrice et irrespectueuse à leurs égards. L’arbitre de grief a affirmé ce qui suit au paragraphe 170 :

Il ne fait aucun doute que les normes de conduite acceptables varient d’un lieu de travail à un autre, et que des paroles et des actes ne peuvent être pris hors contexte pour appuyer une accusation d’insubordination. En l’occurrence, le lieu de travail était le bureau d’un employé professionnel qui savait, ou aurait dû savoir, comment il devait se conduire. En général, un acte d’insubordination trouble l’ordre et constitue un manquement à la discipline. C’est un délit très grave. Ce n’est pas seulement un refus d’obéir à un ordre ou le fait de contester directement l’autorité. Dans le monde du travail, les employés rient et plaisantent souvent avec leurs superviseurs. Cependant, je refuse d’admettre que les critiques que l’employé s’estimant lésé adressait sans cesse à ses superviseurs dans les diverses notes qu’il leur a envoyées étaient « monnaie courante ». Selon moi, la seule conclusion que l’on peut tirer est que l’employé s’estimant lésé n’avait aucun respect envers ses superviseurs, qu’il n’était pas conscient qu’il ne pouvait pas défier leur autorité et qu’il était insolent, irrespectueux et rebelle. Le comportement de l’employé s’estimant lésé ébranlait directement la crédibilité de ses superviseurs et montre qu’il croyait qu’il pouvait agir comme bon lui semblait. L’employé en cause a déclaré que la qualité de la supervision dans sa Direction était inacceptable et il a été furieux et offensé lorsqu’aucune mesure n’a été prise pour arranger les choses à sa satisfaction. Une telle attitude de la part d’un employé ayant une personnalité aussi forte trouble l’ordre sur le lieu de travail et met en doute le droit qu’a la direction de superviser le travail.

175        Dans MacLean, l’inconduite comprenait l’envoi par le fonctionnaire s’estimant lésé de notes de service à ses employés et à ses supérieurs. Dans une de ces notes, il utilise le terme [traduction] « peureux » pour désigner un employé, et il déclare que si cet employé participe à un dossier, il va [traduction] « très certainement le faire foirer ». Pour badiner, il a envoyé à un vérificateur principal une lettre sarcastique qui portait sur les pratiques quant aux délais des vérifications dans des cas de grossesse. Dans une autre correspondance, il a dit du responsable des ressources humaines qu’il [traduction] « n’avait pas de cerveau ». Dans d’autres, il reprend cette expression et suggère qu’ils fassent ce que font les hôpitaux font aux personnes qui [traduction] « n’ont pas de cerveau », c’est-à-dire [traduction] « débrancher leur système de maintien des fonctions vitales ».

176        Dans une autre pièce de correspondance, il dit de son supérieur qu’il est un [traduction] « connard » et affirme qu’il ne veut plus lui rendre compte. Il indique que si sa relation hiérarchique avec son supérieur ne change pas, alors ce dernier devra partir en invalidité de longue durée. Il a également envoyé des caricatures à son bureau qui illustrait d’anciens employés et des employés actuels d’une manière peu flatteuse et menaçante.

177        Je m’efforcerai d’appliquer les principes qui découlent de ce qui précède aux incidents qui, selon les allégations de l’employeur, constituent l’inconduite.

A. Le courriel du 22 mai 2014

178        Mme Lortie a envoyé ce courriel à Mme Jardine, une gestionnaire nouvelle au dossier. Mme Lortie avait recommandé que l’employée concernée, une agente des services frontaliers, commence son retour au travail, alors que le secteur des opérations de l’employeur l’avait placée dans un poste d’un programme non opérationnel à la suite d’une chirurgie au dos. Mme Lortie lui a expliqué qu’elle était préoccupée par le fait que l’employée était sur le point d’être envoyée à une formation obligatoire qui était exigeante physiquement. Elle a ajouté qu’elle était également préoccupée par le fait que le placement n’était pas conforme aux limites de l’employée pour des raisons médicales.

179        Dans le courriel, elle renvoie à sa frustration par rapport à la gestion du dossier sur une période de six ans. Elle reconnaît qu’elle n’aurait pas dû écrire la phrase : [traduction] « J’aimerais seulement qu’ils se la ferment et m’écoutent […] ». [Traduction] « Ils », dans ce contexte, étant l’employée et le surintendant. Le courriel n’était pas adressé à l’un d’eux. Cependant, il a été envoyé à une gestionnaire des opérations qui cherchait à obtenir des renseignements. Aucune plainte officielle n’a été formulée.

180        Ce ne sont pas les mots eux-mêmes, mais le ton et l’intention de l’utilisateur qui sont pertinents au moment de déterminer s’il y a insubordination. La question de savoir s’il s’agissait d’un emportement momentané ou d’une croyance honnête que l’orientation de l’employeur était erronée est également pertinente. Dans le cadre de cette analyse, il est fondamental de se demander s’il existe une contestation de l’autorité de l’employeur.

181        D’après la preuve, le courriel et la preuve de Mme Lortie qui n’a pas été contredite en contre-interrogatoire, je conclus que l’objet principal de ce courriel était d’informer les Opérations de sa préoccupation à l’égard du fait que l’employée était sur le point d’être envoyée suivre une formation obligatoire, ce qui exposait l’employée à une nouvelle blessure. Elle a également exprimé sa frustration à l’égard du processus. Les mots qu’elle a choisis étaient malheureux, comme elle l’a reconnu. Cependant, dans l’ensemble, je ne suis pas convaincu que l’employeur a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le courriel avait pour but de contester son autorité et que, par conséquent, il constituait de l’insubordination.

B. Incident du 26 au 28 mai 2014

182        Cette chaîne de courriel commence par une demande des Ressources humaines à l’intention de Mme Lortie en vue d’obtenir son autorisation en ce qui concerne les mesures de dotation proposées, au motif que personne sur la liste des mesures d’adaptation ne répond aux critères de sélection pour les postes. Selon la chaîne de courriels, Mme Lortie a informé Mme Thompson, la chef des opérations pour le district demandant l’autorisation, que le point d’entrée de Saint John pouvait exiger une mesure d’adaptation au cours des prochains jours et que le bureau était paniqué à cet égard.

183        Après une discussion par courriel, Mme Lortie a accepté d’autoriser la dotation du poste et a affirmé que Mme Thompson devrait [traduction] « [s’]attendre à recevoir un appel de Saint John ». Elle a ensuite reconnu qu’il était illogique de demander à un FB-03 de Saint John en déplacement d’occuper un poste CR-03, mais a souligné qu’il s’agissait d’une [traduction] « […] démonstration de l’effort de la part de l’Agence […] en vue d’aider ».

184        Même si elle n’a reçu aucune copie conforme de ce courriel, Mme Lusk ne voyait aucune raison pour laquelle Mme Thompson devrait s’attendre à recevoir un appel de Saint John. Elle était d’avis que le langage utilisé était presque intimidant et plus dur que nécessaire.

185        Mme Thompson n’a déposé aucune plainte. Mme Lusk a reconnu qu’elle ne s’était pas aperçue, à ce moment, que l’employé qui travaillait à partir du port de Saint John ne travaillait pas et que Mme Lortie avait travaillé avec celui-ci et son gestionnaire pour tenter de lui trouver une mesure d’adaptation.

186        Le 28 mai 2014, Mme Lusk a informé Mme Lortie qu’elle avait reçu des plaintes liées à son service. Pendant l’enquête qui a suivi, Mme Lortie a eu l’impression que Mme Thompson s’était plainte du courriel. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas eu l’intention de l’offenser et qu’elle avait voulu l’appeler pour lui faire ses excuses. Mme Lusk l’a informé qu’il serait inapproprié qu’elle appelle Mme Thompson.

187        Dans son témoignage, Mme Lortie a souligné qu’au moment d’informer Mme Thompson qu’elle devrait s’attendre à recevoir un appel de Saint John, son intention était de lui donner préavis, étant donné que l’un des agents qui travaillait au port de Saint John et qui était absent du travail en raison d’une incapacité était prêt à effectuer un retour au travail et avait besoin d’une mesure d’adaptation.

188        J’accepte la preuve de Mme Lortie selon laquelle son intention en mentionnant dans le courriel que Mme Thompson devrait s’attendre à recevoir un appel de Saint John était de donner un préavis à Mme Thompson. J’ai examiné attentivement le texte et la preuve et je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les mots utilisés, ou l’intention de Mme Lortie, étaient de contester l’autorité de la direction. En conséquence, les commentaires formulés dans le courriel du 22 mai 2014 ne constituent pas une inconduite.

189        Qui plus est, dans la lettre du 28 mai 2014, Mme Lusk informe expressément Mme Lortie qu’elle a fait l’objet de plaintes relativement à son service, ce qui constitue un motif de mesure disciplinaire. Manifestement, à l’égard de cet incident, aucune plainte n’a été formulée à propos de ses services et Mme Lortie a été induite en erreur sur ce fait. À mon avis, il s’agissait d’un défaut de se conformer à la Politique de l’ASFC en matière de discipline voulant que les règles de justice naturelle soient suivies au moment d’enquêter sur l’inconduite alléguée.

C. Incident du 28 mai 2014

190        Le 28 mai 2014, Mme Lortie a envoyé un courriel à Mme Lusk et à d’autres gestionnaires des ressources humaines à propos d’un dossier dans la région d’Halifax. Le courriel avait pour objet d’informer son équipe qu’elle éprouvait des difficultés. Le courriel concernait un employé inscrit dans le SRP à titre d’employé ayant besoin d’une mesure d’adaptation permanente. L’employé ne faisait apparemment aucun effort pour poser sa candidature à un poste faisant l’objet d’une mesure d’adaptation; cependant, selon Mme Lortie, la direction devait avoir pris une mesure d’adaptation quelconque à son égard, vraisemblablement à son poste d’attache.

191        Mme Lusk considérait que l’expression [traduction] « AB est sous le radar » était inadmissible, car elle supposait que la direction faisait quelque chose d’inapproprié. Elle a indiqué que Mme Lortie ne devrait pas exprimer sa frustration personnelle par courriel.

192        Mme Lusk a reconnu qu’elle ignorait que l’employé était inscrit dans le SRP à titre d’employé ayant besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Elle a reconnu que, lorsqu’une possibilité d’emploi devient disponible, Mme Lortie envoie une note à tous les employés qui ont besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Elle ignorait que l’employé concerné n’avait jamais répondu. Elle a également reconnu que les gestionnaires ont une responsabilité de discuter des possibilités d’emploi avec les employés qui ont besoin d’une mesure d’adaptation permanente.

193        Mme Lortie a indiqué que le courriel ne s’adressait à aucun client; il s’adressait à Mme Lusk et à l’équipe des ressources humaines afin de demander de l’aide en vue de corriger la situation de l’employé qui avait besoin d’une mesure d’adaptation permanente. Mme Lortie a affirmé qu’elle ne recevait aucune aide du gestionnaire de l’employé, qui n’a pas reçu le courriel ou qui n’y était pas identifié.

194        J’accepte la preuve de Mme Lortie selon laquelle l’intention de ce courriel était d’informer son équipe des difficultés que le dossier présentait. Le courriel n’identifiait pas, ni ne s’adressait, au gestionnaire qui n’aidait pas à la prise d’une mesure d’adaptation. Mme Lortie se trouve dans une position peu enviable, comme en témoigne sa description de travail, dans laquelle il y a une tension entre son rôle de coordonnatrice responsable du placement d’employés handicapés en vertu de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et les gestionnaires aux différents ports qui ne veulent pas s’y conformer. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu’elle demandait l’aide de son équipe et que les mots employés dans le courriel n’indiquent pas une contestation de l’autorité de la direction et qu’ils ne constituent pas une inconduite donnant droit à une section.

195        Une fois de plus, la lettre de Mme Lusk datée du 28 mai 2014 informait Mme Lortie qu’elle avait reçu des plaintes à propos du service de la fonctionnaire. En ce qui concerne cet incident, aucune preuve voulant qu’une plainte ait été déposée à l’égard du service de Mme Lortie n’a été présentée.

D. Incident du 12 juin 2014

196        Mme Lusk avait préparé un plan d’entreprise pour les Ressources humaines en prévision du prochain exercice. Elle a demandé à ses gestionnaires de l’examiner et d’obtenir de la rétroaction de leurs employés. Mme Titus a demandé des commentaires de son équipe, dont Mme Lortie, qui a répondu que les seuls commentaires qu’elle avait à exprimer étaient [traduction] « […] cessez de perdre du temps; cessez de gaspiller l’argent des contribuables; cessez d’être des pseudo-experts ».

197        Mme Lortie a expliqué à Mme Titus pendant l’enquête que son ton était ironique et drôle, qu’il s’agissait d’un courriel léger à l’intention de son équipe; qu’elle connaissait les personnes, et qu’il s’agissait d’une blague.

198        Mme Titus lui a indiqué le courriel n’était pas drôle et que, compte tenu du fait qu’il concernait le plan d’entreprise régional des Ressources humaines, il pouvait sembler qu’il s’adressait à l’équipe ou à la direction. Mme Lusk est arrivée à la conclusion que le courriel constituait une inconduite.

199        Dans son témoignage, Mme Lortie a répété l’explication qu’elle avait donnée à Mme Titus pendant l’enquête.

200        La demande de Mme Lusk en vue d’obtenir de la rétroaction de la part de ses gestionnaires et employés à propos du plan d’entreprise des Ressources humaines était sérieuse. Elle avait droit à une réponse professionnelle réfléchie. Je suis d’accord avec les commentaires de Mme Titus selon lesquels ce courriel a dépassé les bornes. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que l’employeur a démontré que Mme Lortie a fait preuve d’inconduite.

201        La lettre du 17 juin 2014, imposant une suspension de deux jours à la fonctionnaire s’appuyait sur quatre incidents séparés et distincts d’inconduite alléguée : l’incident du 22 mai 2014; l’incident des 26 au 28 mai 2014; l’incident du 28 mai 2014; et l’incident du 12 juin 2014. J’ai conclu que l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que les trois premiers incidents constituaient une inconduite. Le seul incident qui, à mon avis, constitue une inconduite est celui concernant le courriel du 12 juin 2014. Dans les circonstances, je conclus que la suspension de deux jours n’est pas justifiée et qu’elle est excessive et j’y substitue une lettre de réprimande liée à l’incident du 12 juin 2014 au dossier de la fonctionnaire.

E. Suspension de cinq jours

202        Le 5 février 2015, la fonctionnaire a été suspendue relativement à des allégations d’inconduite formulées à son égard dans lesquelles son comportement a été décrit comme [traduction] « […] agressif, conflictuel et d’un ton méprisant à l’égard d’une collègue du programme de SST, devant des clients ». En guise de conclusion, la lettre indiquait que les allégations d’inconduite étaient fondées et que la fonctionnaire n’avait pas reconnu que son comportement était inapproprié et qu’elle n’avait pas exprimé de remords. La sévérité de la sanction était également fondée sur son dossier disciplinaire antérieur, qui comprenait la lettre de réprimande du 22 août 2013, et la suspension de deux jours des 18 et 19 juin 2014.

203        Comme il a été mentionné dans le résumé de la preuve, le 5 novembre 2014, une réunion a eu lieu à l’aéroport d’Halifax, à laquelle ont participé la représentante en SST de l’administration centrale de l’employeur, la direction et la fonctionnaire. Il n’existait aucun rapport hiérarchique entre la représentante et Mme Lortie.

204        La représentante en SST a exprimé à Mme Lusk ses préoccupations à propos de la façon dont Mme Lortie l’avait traitée. Mme Lusk n’était pas présente à la réunion. Elle lui a également indiqué qu’elle ne souhaitait pas déposer une plainte.

205        Quoi qu’il en soit, Mme Lusk a reçu la directive de se pencher sur la question. Elle a mené une enquête de recherche des faits, interviewant quatre personnes et la fonctionnaire. Elle a rempli un rapport dans lequel elle a pris des notes à propos de ce que les différentes personnes présentes à la réunion lui ont dit. Les noms des personnes qui ont été interviewées ont été caviardés et, par conséquent, les commentaires ne peuvent être attribués à quiconque. J’ai permis la présentation du rapport à titre de preuve; comme il s’agit de ouï-dire, son poids, le cas échéant, est à déterminer, à moins que les témoins soient appelés à témoigner.

206        L’employeur a appelé un témoin, M. Mallette. Au moment de l’audience, M. Malette était le directeur intérimaire du district de l’ASFC pour la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Dans son témoignage, il a souligné que, le 5 novembre 2014, une réunion avait été tenue relativement à une plainte en matière de SST à l’aéroport d’Halifax, qui découlait initialement d’un refus de travailler. Le but de la réunion était d’élaborer un processus pour traiter ces types de dossiers à l’avenir.

207        Comme il est indiqué dans le résumé des faits, M. Mallette a affirmé que, pendant la discussion, il y avait un conflit entre Mme Lortie et la conseillère en SST et qu’il y avait de la tension. Il a indiqué que Mme Lortie défiait parfois la conseillère en SST, qui ne connaissait pas aussi bien que Mme Lortie les cas de la région. Il ne se souvenait pas à quoi étaient liés le ou les problèmes et n’a pas été en mesure de dire si la fonctionnaire l’avait défiée plus d’une fois. Il ne se souvenait pas si les questions soulevées portaient sur le moment où les rapports sur les situations dangereuses devaient être préparés ou sur la fréquence des exercices d’évacuation d’urgence, tel qu’il a été proposé. Il a vu Mme Lortie rouler des yeux lorsque la conseillère formulait des suggestions.

208        Il a indiqué qu’ils avaient accompli ce qu’ils voulaient faire pendant la réunion, même si celle-ci aurait pu mieux se dérouler.

209        Dans son témoignage, Mme Lortie a abordé les circonstances qui ont mené à la réunion du 5 novembre 2014,  mentionnées dans les faits.

210        Elle a indiqué que Mme Lusk avait affirmé que la fonctionnaire avait utilisé un langage grossier pendant la réunion. Elle a nié l’avoir fait.

211        Elle a déclaré qu’à son avis, la conseillère en SST a transmis des renseignements inexacts à l’équipe en ce qui concerne les rapports sur les situations dangereuses, et elle lui a demandé de confirmer les renseignements qu’elle avait fournis.

212        De l’avis de Mme Lortie, la conseillère en SST commettait également une erreur en ce qui concerne la fréquence des exercices d’évacuation. Elle s’inquiétait du fait que des renseignements potentiellement erronés pourraient être communiqués à l’équipe de direction régionale.

213        Aucune plainte n’a été présentée. La conseillère en SST n’a pas témoigné. Mme Lortie n’a pas été contre-interrogée à l’égard de ses souvenirs quant aux faits.

214        Il n’existe aucune contradiction réelle dans les faits tels qu’ils ont été racontés par M. Mallette et Mme Lortie. Les deux conviennent qu’elle a soulevé une ou deux questions auprès de la conseillère en SST. M. Mallette ne se souvenait pas de ce dont il s’agissait. En l’absence d’une preuve du contraire, je n‘ai aucune raison de douter de la preuve de Mme Lortie, selon laquelle elle était inquiète du fait que des renseignements potentiellement erronés pourraient être communiqués à l’équipe de direction régionale.

215        D’après la preuve de M. Mallette, il ressort clairement que la réunion était tendue. Mme Lortie a reconnu que la réunion ne s’était pas déroulée sans heurt à chaque instant.

216        Aucune preuve de vive voixn’a été présentée quant aux mots réels utilisés par la fonctionnaire, le ton de ces mots, le comportement de la fonctionnaire ou l’utilisation d’un langage grossier par cette dernière.

217        La seule preuve directe qui pourrait possiblement mener à une conclusion que la fonctionnaire a fait preuve d’irrespect envers la conseillère en SST était que M. Mallette l’avait vu rouler des yeux lorsque la conseillère formulait des suggestions.

218        Le rapport sur la recherche des faits constitue manifestement du ouï-dire, même s’il a été admis en preuve. Les noms des personnes interviewées sont caviardés et, clairement, les renseignements cités ne sont pas attribuables à quiconque. Quatre personnes ont été interviewées, en plus de la fonctionnaire.

219        Dans le rapport, la description des aspects du comportement de la fonctionnaire à la réunion est beaucoup plus sérieuse que ce qui a été décrit dans la preuve orale. Le comportement attribué à Mme Lortie à l’égard de la conseillère nationale en SST est décrit au moyen des termes suivants : agressif, conflictuel, sarcastique, parfois vulgaire, combatif, abusif et accompagné de pointage du doigt.

220        Il incombait à l’employeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire avait fait preuve d’inconduite et, plus particulièrement, qu’elle s’était livrée à un comportement agressif, conflictuel et d’un ton méprisant à l’égard de la conseillère en SST. Aucune preuve ou observation n’a été présentée laissant entendre que la conseillère en SST et les personnes interviewées par Mme Lusk n’étaient pas disponibles pour témoigner dans le cadre de ces procédures.

221        Brown et Beatty, au chapitre 3, p. 3-78, indiquent ce qui suit en ce qui a trait à la preuve par ouï-dire :

[Traduction]

La règle contre l’admissibilité de la preuve par ouï-dire a été énoncée comme suit :

Les déclarations écrites ou verbales ou la conduite communicative faites par des personnes qui ne témoignent pas sont inadmissibles si de telles déclarations ou une telle conduite sont présentées à titre de preuve de leur vérité ou des assertions implicites qu’elles contiennent.

En vertu de l’alinéa 48(12)f) de la Loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario, par exemple, les arbitres de griefs ne sont pas obligés d’exclure une preuve par ouï-dire. Au lieu de cela, ils conservent un pouvoir discrétionnaire de recevoir une telle preuve et, si celle-ci est admise, d’y accorder le poids qu’ils jugent approprié, sous réserve de l’avertissement qu’elle ne peut constituer le seul motif d’une conclusion de fait.

[…]

Même si elle est admissible, à la lumière de l’acceptation générale par les arbitres de griefs des objectifs de la règle sur le ouï-dire, ils refusent habituellement de fonder une constatation de faits essentiels sur une preuve par ouï-dire, plus particulièrement lorsque ces faits auraient pu être établis en appelant un employé ou en obtenant une admission du fonctionnaire s’estimant lésé. Effectivement, même lorsque la preuve par ouï-dire est admise, les arbitres de grief sont généralement réticents à lui accorder beaucoup de poids, compte tenu de l’iniquité inhérente découlant du fait de ne pas être en mesure de la mettre à l’épreuve au moyen d’un contre-interrogatoire et de la tendance des arbitres de griefs à agir en fonction de la « règle de la meilleure preuve ».

222        À l’instar de la disposition de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, l’article 20 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), confère à la Commission le pouvoir d’accepter tout élément de preuve, qu’il soit admissible ou non en justice.

223        Dans les circonstances, j’ai conclu que je ne peux accorder de poids à la preuve par ouï-dire, car elle concerne la preuve sur des faits essentiels qui n’ont pas été établis autrement.

224        Qui plus est, comme il est indiqué dans Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Canada,3e éd., au paragraphe 6.449, une conclusion défavorable peut être tirée dans les affaires civiles :

[Traduction]

[…] en l’absence d’explication, une partie à un litige ne témoigne pas ou omet de fournir une preuve par affidavit dans le cadre d’une demande ou omet de convoquer un témoin qui aurait connaissance des faits en litige et devrait être disposé à aider cette partie. De la même façon, il est possible de tirer une conclusion défavorable à l’égard d’une partie lorsque celle-ci ne convoque pas un témoin important sur lequel elle exerce un contrôle exclusif et ne fournit aucune explication à ce sujet. Une telle omission constitue une admission implicite du fait que le témoignage du témoin absent serait contraire au dossier de la partie en cause, ou du moins ne la favoriserait pas.

225        La seule preuve dont je suis saisi qui pourrait constituer une inconduite est celle voulant que la fonctionnaire ait roulé des yeux lorsque la conseillère en SST a formulé des commentaires.

226        Même si le fait de rouler des yeux peut constituer une certaine preuve d’irrespect en l’absence d’une preuve directe que les remarques de Mme Lortie étaient agressives, conflictuelles et d’un ton méprisant, je ne suis pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur s’est acquitté de son fardeau de démontrer que la fonctionnaire a fait preuve d’inconduite à l’égard des événements en lien avec la réunion du 5 novembre 2014.

227        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

XI. Ordonnance

228        Le grief portant sur la suspension de deux jours est accueilli en partie. La suspension est annulée et une réprimande écrite y est substituée. La fonctionnaire doit être remboursée pour le salaire perdu en conséquence de la suspension de deux jours, de même que pour toutes les prestations applicables.

229        Le grief portant sur la suspension de cinq jours est accueilli. La fonctionnaire doit être remboursée pour le salaire perdu en conséquence de la suspension de cinq jours, de même que pour toutes les prestations applicables.

230        Les paiements et les prestations doivent être remboursés à Mme Lortie dans les 30 jours suivant la réception de la décision.

231        Je demeurerai saisi de l’affaire pour une période de 60 jours de la date de la présente décision pour traiter toutes les questions liées à la mise en œuvre de la présente décision.

Le 4 novembre 2016.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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