Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte alléguant que la défenderesse s’est livrée à une pratique déloyale de travail – elle a prétendu que la défenderesse avait fait preuve d’intimidation et de harcèlement à l’égard d’un délégué syndical à un tel point qu’il avait été forcé de prendre un congé de maladie en raison du stress – la plaignante a fait valoir que cela a porté atteinte à sa capacité de représenter ses membres – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’affaire – la plainte a été déposée bien après le délai de 90 jours suivant l’événement qui l’a déclenchée (paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique) – ce délai est obligatoire et ne peut être prorogé – même si des discussions sont en cours pour régler un litige, la date à laquelle un plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances y ayant donné lieu ne change pas – si le représentant syndical ou la plaignante a fait l’objet de mesures pouvant être contestées par la suite, le recours approprié aurait été de déposer d’autres griefs ou plaintes.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161003
  • Dossier:  561-02-611
  • Référence:  2016 CRTEFP 102

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

défenderesse

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Abudi Awaysheh
Pour la défenderesse:
Joel Stelpstra, avocat
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 24 avril 2013 et les 24 et 26 août 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

Résumé

1        L’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l’Agence des services frontaliers du Canada (la « défenderesse »), invoquant une pratique de travail déloyale. La plainte allègue que la défenderesse a, de façon constante, fait preuve d’intimidation et de harcèlement à l’égard de Randy Leach, un délégué syndical, à un tel point qu’il a été forcé de prendre un congé de maladie. La plaignante fait valoir qu’il s’agit d’une pratique de travail déloyale et que cette pratique porte atteinte à sa capacité de représenter ses membres.

2        La défenderesse demande que je rejette la plainte au motif que je n’ai pas compétence. Elle fait valoir que la plainte a été déposée en dehors du délai de 90 jours prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

3        La décision que j’ai à rendre en l’espèce reposera sur ma conclusion quant à la question de savoir si un événement déclencheur sur lequel repose la plainte a eu lieu et quand, et s’il a eu lieu dans les 90 jours suivant le dépôt de la plainte.

4        Durant une conférence préparatoire à l’audience tenue en août 2016, la défenderesse a demandé qu’une décision soit rendue sur la requête qu’elle avait déposée visant le rejet de la plainte. J’ai demandé que le fonctionnaire s’estimant lésé réponde à la requête par écrit. Après un examen approfondi de tous les arguments, j’ai conclu que je n’ai pas compétence pour entendre cette affaire. La plainte a été déposée bien après le délai de 90 jours suivant l’événement qui l’a déclenchée. L’audience prévue du 7 au 9 septembre 2016, à Kingston, en Ontario, a donc été annulée, et la plainte a été rejetée pour les motifs qui suivent.

Contexte

5        La plaignante est accréditée pour représenter les membres de la section locale 70027 et elle a déposé cette plainte en leur nom à la suite des événements allégués concernant M. Leach, qui est un membre du groupe Services frontaliers (FB). M. Leach agit à titre de représentant syndical en chef et représente la plaignante sur son lieu de travail, soit le point d’entrée Lansdowne, près de Kingston.

6        La plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi qui est ainsi libellé :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

7        Au sens de l’article 185 de la Loi, une pratique déloyale s’entend de tout ce qui est interdit par les articles 186, 187 et 188, ou le paragraphe 189(1). La disposition de la Loi mentionnée à l’article 185 qui s’applique à cette plainte est le paragraphe 186(1), qui est ainsi libellé :

186 (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a)   de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

b)   de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

8        La requête de la défenderesse visant à faire rejeter la plainte se fonde sur le paragraphe 190(2) de la Loi, qui précise qu’une plainte déposée en vertu du paragraphe 190(1) doit être présentée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances y ayant donné lieu.

9        La plainte a été déposée devant l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») le 22 mars 2013. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »). Cette plainte a été entendue par la Commission en vertu des dispositions législatives de mise en œuvre connexes.

Faits allégués

10        La plaignante allègue qu’une série d’événements a poussé M. Leach à prendre un congé de maladie. Les allégations décrivent ses préoccupations croissantes quant aux horaires de travail par quart et une série de réunions tenues les 12 et 13 février 2012, au cours desquelles M. Leach a allégué que le représentant de la défenderesse cachait à la plaignante un horaire de travail par quart. Ce représentant aurait répondu en déclarant qu’il était allé trop loin puisque son intégrité avait été remise en question.

11        Une autre réunion a eu lieu le 25 septembre 2012. Durant cette réunion, M. Leach a encore une fois exprimé ses préoccupations quant à la façon que la direction gérait les changements à l’horaire par quart. Après cette réunion, soit le 1er octobre 2012, le représentant de la défenderesse aurait fait parvenir un courriel à M. Leach, l’accusant de diffamation en raison des préoccupations qu’il avait exprimées.

12        La plaignante fait également valoir qu’après avoir reçu ce courriel, M. Leach a demandé un transfert immédiat à un autre lieu de travail. La demande de transfert a été refusée et, le 2 octobre 2012, M. Leach a choisi de prendre un congé de maladie, supposément en raison du stress causé par l’accusation de diffamation.

13        Le 18 octobre 2012, M. Leach a présenté un grief au sujet du courriel. Même si la défenderesse a accepté de lui permettre de travailler à un autre endroit à compter du 19 novembre 2012, il a quand même contesté le refus initial de cette dernière de le transférer à un autre lieu de travail. Le deuxième grief a été présenté le 19 novembre 2012. La plaignante a déposé cette plainte le 22 mars 2013, alléguant que la défenderesse s’était livrée à une pratique de travail déloyale et qu’elle continuait de le faire dans le cadre du traitement qu’elle réservait à M. Leach. Dans sa plainte, la plaignante renvoie à l’allégation de diffamation contre M. Leach et au refus de la défenderesse de le relocaliser, ainsi qu’à l’omission de cette dernière de régler la demande de congé de maladie y afférente, laquelle constitue du harcèlement continu à l’égard de M. Leach qui porte atteinte à la capacité de la plaignante de représenter ses membres, puisque M. Leach est délégué syndical en chef.

Questions

14        En l’espèce, il faut déterminer si j’ai compétence pour entendre la présente plainte étant donné qu’elle a été déposée en dehors du délai de 90 jours établi par la Loi, et si des actions continues de la part de la défenderesse représentent une pratique de travail déloyale constante, faisant ainsi en sorte que le délai de 90 jours n’ait pas été dépassé.

15        La défenderesse soutient que la plainte a été déclenchée par des événements qui sont survenus le 1er octobre 2012, au moment où son représentant aurait accusé M. Leach de diffamation. La défenderesse soutient également que son refus de le réaffecter à un autre lieu de travail ne constituait pas du harcèlement continu. Le refus a été signifié le 2 octobre 2012, et la réaffectation est entrée en vigueur le 19 novembre 2012, ce qui correspond à plus de 90 jours avant le dépôt de la plainte. La plaignante soutient que l’omission de la défenderesse de rembourser à M. Leach les congés de maladie qu’il a utilisés jusqu’à sa réaffectation constitue du harcèlement continu.

Motifs

16        Je n’ai pas compétence pour entendre la présente plainte, étant donné qu’elle a été déposée bien après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. La Commission et ses prédécesseurs ont, de façon continue, conclu que ce délai est obligatoire et ne peut être prorogé (voir Gibbins c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 36, au paragraphe 96).

17        Les circonstances ayant donné lieu à la présente plainte, selon les faits allégués dont je suis saisi, sont sans contredit les incidents relatifs au harcèlement allégué, lesquels ont amené M. Leach à prendre un congé de maladie le lendemain. Les 1er et 2 octobre 2012, M. Leach était clairement au courant de ces incidents qui, selon les allégations de la plaignante, portaient atteinte à sa capacité de représenter ses membres. Le dépôt subséquent de cette plainte, le 22 mars 2013, a eu lieu bien au-delà du délai de 90 jours, et aucun fait ou argument n’a été présenté faisant valoir que la plaignante n’était pas au courant de ces événements lorsqu’ils se sont produits les 1er et 2 octobre 2012.

18        La plaignante a fait valoir que la défenderesse contrevient continuellement au paragraphe 186(1) de la Loi, puisque des discussions continues ont porté sur le règlement des griefs en attente de M. Leach et que, par conséquent, la plainte n’est pas hors délai. Je ne suis pas convaincu par cet argument. Je ne crois pas que les questions concernant des griefs non réglés, comme l’indiquent les allégations de la plaignante, peuvent être qualifiées de harcèlement continu. En outre, je ne peux accepter l’argument selon lequel, puisque les griefs ne sont pas réglés, le délai de 90 jours est en suspens. L’ancienne Commission a rejeté un tel argument dans Lampron c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 29, aux paragr. 46 et 47, faisant remarquer que, même si des discussions sont en cours pour régler un litige, la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances y ayant donné lieu ne change pas.

19        Si M. Leach ou la plaignante ont fait l’objet d’autres mesures pouvant être contestées après le 1er ou le 2 octobre 2012, le recours approprié aurait été de déposer d’autres griefs ou plaintes.

20        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

21        La plainte est rejetée.

Le 3 octobre 2016.

Traduction de la CRTEFP

Bryan R. Gray,
Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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