Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief contestant le calcul, de la part de l’employeur, de la rémunération au rendement des juristes promus au cours de l’exercice 2010-2011 – dans Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor, 2015 CRTEFP 18, l’arbitre de grief a rejeté le grief de principe – dans Association des juristes de Justice c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 56, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ordonnance de l’arbitre de grief ne tenait pas compte de l’admission de l’employeur à l’arbitrage et a ordonné à l’arbitre de grief de rendre une nouvelle ordonnance qui reflète précisément ses motifs de décision – l’arbitre de grief a modifié l’ordonnance de sa décision afin de signaler l’admission de l’employeur selon laquelle les juristes qui ont été promus d’un poste admissible à une rémunération au rendement à un autre poste admissible à une rémunération au rendement au cours de l’exercice en question doivent recevoir une rémunération au rendement pour la période qui précède la promotion en fonction de leur salaire antérieur à leur promotion, et qu’ils doivent recevoir une rémunération au rendement en fonction de leur salaire ultérieur à la date de leur promotion, et ce, de la date de leur promotion jusqu’à la fin de l’exercice. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161222
  • Dossier:  569-02-108
  • Référence:  2016 CRTEFP 119

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour l’agent négociateur:
Craig Stehr, avocat
Pour l'employeur:
Christine Langill, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 31 mars et le 6 avril 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Contexte

1        Le 27 octobre 2011, l’Association des juristes de justice (l’« Association ») a déposé un grief de principe à l’encontre du Conseil du Trésor (l’« employeur »), alléguant qu’il y avait eu violation de l’appendice « B » de la convention collective conclue entre l’Association et l’employeur, pour l’unité de négociation du groupe Droit, laquelle est venue à échéance le 9 mai 2011 (la « convention collective »). Le grief portait plus précisément sur le calcul de la rémunération au rendement pour les juristes promus au cours d’un exercice donné et visait à déterminer si, en vertu de la convention collective, l’employeur devait verser aux juristes une rémunération au rendement pour tous les mois où ils ont été titulaires d’un poste admissible à la rémunération au rendement.

2        L’employeur a rejeté le grief; le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 12 juin 2012. J’ai instruit le renvoi à l’arbitrage le 9 août 2013.

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (SI/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») dans sa version antérieure à cette date.

4        Dans Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor, 2015 CRTEFP 18, j’ai rejeté le grief de principe.

5        Aux paragraphes 93 et 94 des motifs de la décision 2015 CRTEFP 18, j’ai mentionné qu’au cours de l’audience d’arbitrage de griefs, l’employeur avait fait l’admission suivante en ce qui concerne les mois où les juristes étaient admissibles à une rémunération au rendement :

[93] L’AJJ a soutenu que, selon la convention collective, deux éléments étaient nécessaires pour justifier une rémunération au rendement : premièrement, que celle-ci soit payée pour tous les mois au cours desquels un LA est titulaire d’un poste le rendant admissible à une rémunération au rendement, y compris lorsque le LA est promu d’un poste le rendant admissible à une rémunération au rendement à un autre poste le rendant admissible à une rémunération au rendement et, deuxièmement, que le taux de rémunération appliqué à la formule du calcul de la rémunération au rendement soit celui auquel est admissible le LA au 31 mars.

[94] En ce qui concerne le premier élément, l’employeur a indiqué qu’en 2010-2011, il appliquait sa politique de sorte qu’un juriste promu recevrait la rémunération au rendement uniquement en fonction du temps passé dans le poste auquel il avait été promu. L’employeur a alors admis qu’un juriste dans cette situation devrait recevoir la rémunération au rendement relative aux douze mois complets de l’exercice. Par conséquent, l’unique question qui reste en litige entre les parties porte sur le taux de traitement à appliquer à la rémunération au rendement.

6        Dans l’ordonnance de la décision 2015 CRTEFP 18, j’ai rejeté le grief dans son ensemble, sans mentionner l’admission de l’employeur au paragraphe 94.

7        L’Association a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision 2015 CRTEFP 18, au motif que j’avais omis de reconnaître l’admission de l’employeur dans l’ordonnance.

8        Dans Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 56, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ordonnance figurant dans la décision 2015 CRTEFP 18, ne tenait pas compte de l’admission de l’employeur. La Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par l’Association et m’a renvoyé l’affaire [traduction] « […] dans le seul but d’émettre une nouvelle ordonnance qui reflète avec exactitude ses [mes] motifs de décision […] ». La Cour a aussi ordonné que les parties aient l’occasion de présenter des arguments « […] en ce qui concerne le libellé de la nouvelle ordonnance ». Les deux parties ont présenté leurs arguments initiaux le 31 mars 2016, et leurs répliques le 6 avril 2016.

II. Résumé de l’argumentation

A. Arguments de l’Association

9        L’Association a souligné que le grief de principe qu’elle avait présenté soulevait deux questions distinctes. La première question visait à déterminer si la convention collective exigeait le versement de la rémunération au rendement pour tous les mois où un juriste occupe un poste admissible à une rémunération au rendement, y compris lorsqu’il est promu d’un poste admissible à une rémunération au rendement à un autre poste admissible à une rémunération au rendement. L’Association était d’avis que la rémunération au rendement devait être versée pour tous les mois où un juriste occupe un poste admissible à une rémunération au rendement. La deuxième question portait sur le taux de rémunération appliqué à la formule de calcul de la rémunération au rendement.

10        L’Association a affirmé que l’employeur avait admis au cours de l’audience d’arbitrage de griefs, sans réserve, qu’une rémunération au rendement doit être versée pour tous les mois où un juriste occupe un poste admissible à une rémunération au rendement. À l’appui de son argument, l’Association a joint à ses observations une déclaration sous serment de l’un de ses agents de relations de travail, Rick Swoffer. Dans cette déclaration, M. Swoffer a affirmé qu’il avait assisté à l’audience d’arbitrage de griefs et qu’il avait pris des notes manuscrites qui appuyaient la position de l’Association relativement à l’admission de l’employeur. Une copie de ses notes a été jointe à la déclaration en tant que pièce.

11        L’Association a fait valoir que s’il est permis à l’employeur de faire marche arrière relativement à l’admission qu’il a clairement faite à l’audience d’arbitrage de griefs, elle subirait un préjudice important, puisqu’elle aura été privée de toute possibilité de contester la question et de présenter ses observations.

12        L’Association a affirmé qu’une nouvelle ordonnance, qui maintient en partie le grief, devrait tenir compte de l’intégralité de l’admission de l’employeur, comme suit : [traduction] « J’ordonne à l’employeur de verser une rémunération au rendement pour tous les mois où un juriste occupe un poste admissible à une rémunération au rendement, y compris durant la période qui précède et qui suit la promotion. »

B. Arguments de l’employeur

13        Dans ses arguments, l’employeur a allégué que l’Association tentait d’élargir la portée de ce qu’il avait spécifiquement admis à l’audience d’arbitrage de griefs, et ce, de deux façons : premièrement, en faisant valoir que l’employeur avait admis que les juristes devraient recevoir une rémunération au rendement, peu importe qu’ils respectent ou non les modalités de la convention collective relatives au paiement de la rémunération au rendement et, deuxièmement, en faisant valoir que les juristes devraient recevoir une rémunération au rendement pour tous les mois d’un exercice où ils occupent leurs postes. L’employeur a affirmé que l’Association semble prendre l’expression « […] douze mois complets de l’exercice […] », figurant au paragraphe 94 de la décision rendue dans 2015 CRTEFP 18, hors contexte.

14        Aux paragraphes 13 et 14 de ses arguments, l’employeur établit son admission comme suit :

[Traduction]

13. Le grief conteste le fait qu’il n’existe aucune disposition de la convention collective autorisant le calcul de la rémunération au rendement au prorata des juristes à compter de la date d’effet de leur promotion. Par conséquent, l’AJJ a déposé un grief contestant l’appendice B de la convention collective qui s’appliquait à ce moment (celle venant à échéance en mai 2011) et la pratique de limiter la rémunération au rendement à la période de travail postérieure à la promotion, et de ne pas tenir compte de l’ensemble du travail effectué au cours de l’exercice qui précède la date de la promotion. Des mesures de réparation ont été exigées pour l’exercice 2010-2011.

14. Dans sa réponse, pendant l’audience, l’employeur a changé sa position, qui est passée de l’affirmation selon laquelle le juriste promu au cours de l’exercice 2010-2011 ne reçoit sa rémunération au rendement qu’à partir de la date de la promotion, et 0,00 $ pour toute rémunération au rendement antérieure à la promotion, à une reconnaissance que la rémunération au rendement ne devrait pas être nécessairement nulle pour la période antérieure à la promotion. Par conséquent, la rémunération au rendement ne devrait pas être nulle pour la période antérieure à la promotion de l’exercice 2010-2011, mais proportionnelle en fonction de la période antérieure à la promotion et de celle postérieure à la promotion. Voici ce à quoi correspondait la reconnaissance, ou l’«admission».

15        L’employeur a affirmé que la question soulevée pendant l’audience d’arbitrage de griefs visait les juristes qui étaient déjà admissibles à la rémunération au rendement et le choix du moment du versement de cette rémunération. Il a affirmé qu’il convenait que le choix du moment ne correspond pas uniquement à la période postérieure à la promotion, hormis le travail effectué avant la promotion, et qu’il n’excluait pas le travail effectué avant la promotion. L’employeur a affirmé que si l’Association cherche à obtenir une interprétation selon laquelle, pour une année donnée, les juristes reçoivent une rémunération au rendement pour chaque mois, peu importe s’ils répondent ou pas aux critères établis dans la convention collective, alors il ne s’agit pas de la question à laquelle l’employeur répondait, ni à ce que l’Association contestait à l’audience d’arbitrage de griefs. L’employeur a indiqué que le fait d’accepter l’argument présenté par l’Association modifierait la convention collective, ce qui est interdit en vertu de l’article 229 de la LRTFP.

16        L’employeur a indiqué que, selon sa compréhension, au moment de faire son admission, il répondait à ce qui suit : les juristes touchés avaient obtenu une cote suffisante pour mériter une rémunération au rendement, conformément aux dispositions pertinentes de la convention collective, ce qui sous-entend que les juristes ont été observés et évalués.

17        L’employeur a affirmé que le paragraphe 94 de la décision 2015 CRTEFP 18 devrait être [traduction] « clarifié » afin de refléter ce qu’il a admis, même s’il n’indique pas comment, et qu’un paragraphe devrait être ajouté à l’ordonnance dans la décision 2015 CRTEFP 18 pour tenir compte de ce qui suit :

[Traduction]

En ce qui concerne la convention collective conclue entre l’AJJ, au nom de l’unité de négociation du groupe Droit (LA), et l’employeur (Conseil du Trésor), qui est venue à échéance le 9 mai 2011 (la convention collective), la rémunération au rendement pour les membres du groupe LA qui ont été promus d’un poste LA à un autre poste LA au cours de l’exercice 2010-2011 est proportionnelle comme suit :

  1. Du 1er avril 2010, jusqu’à la date de la promotion au cours de l’exercice 2010-2011 (la période antérieure à la promotion)

    La rémunération au rendement est calculée pour la période antérieure à la promotion, en fonction du salaire du LA pour la période antérieure à la promotion. La rémunération au rendement est versée si l’employé du groupe LA satisfait aux dispositions de la convention collective sur la rémunération au rendement, qui comprennent, sans toutefois s’y limiter, le fait d’avoir occupé le poste LA depuis suffisamment de temps pour permettre une évaluation valable du rendement, une évaluation du rendement complétée pour la période d’évaluation et l’établissement d’une prime au rendement pour l’employé.
  2. De la date de la promotion au cours de l’exercice 2010-2011 jusqu’au 31 mars 2011 (la période ultérieure à la promotion)

    La rémunération au rendement est calculée pour la période ultérieure à la promotion, en fonction du salaire du LA pour la période ultérieure à la promotion. La rémunération au rendement est versée si l’employé du groupe LA satisfait aux dispositions de la convention collective sur la rémunération au rendement, qui comprennent, sans toutefois s’y limiter, le fait d’avoir occupé le poste LA depuis suffisamment de temps pour permettre une évaluation valable du rendement, une évaluation écrite complétée pour la période d’évaluation et l’établissement d’une prime au rendement pour l’employé.
  3. En date du 12 mars 2013, les parties, soit le Conseil du Trésor et l’AJJ, ont signé une nouvelle convention collective.Cette convention collective n’était pas l’objet du grief et n’a pas été présentée à la Commission dans sa décision rendue dans AJJ c. Conseil du Trésor, 2015 CRTEFP 18.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

18        L’employeur a affirmé qu’au cours de l’audience de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale, l’Association a fait valoir que son interprétation ne se limitait pas à la convention collective en question dans la décision 2015 CRTEFP 18, qui venait à échéance le 9 mai 2011, mais aussi à la convention collective signée en mars 2013, en dépit du fait que cette nouvelle convention collective comprend un nouveau système de rémunération, soit des augmentations par échelons fixes plutôt qu’à l’intérieur de l’échelle. L’employeur a affirmé que la convention collective ultérieure n’a pas été présentée à l’arbitre de grief et qu’au paragraphe 4 de la section [traduction] « Contexte » de la décision 2016 CAF 56, la Cour a indiqué ce qui suit : [traduction] « L’Association a présenté un grief de principe à l’encontre de l’employeur en alléguant une violation de la convention collective en vigueur à ce moment ».

19        L’employeur a affirmé que le ministère de la Justice avait mis en œuvre ce qui a été admis par l’employeur lors de l’audience d’arbitrage de griefs.

C. Réplique de l’Association

20        Dans sa réplique, l’Association a indiqué qu’aucun élément de preuve contredisant la déclaration de M. Swoffer ou les paragraphes 12, 24, 25 et 94 de la décision 2015 CRTEFP 18, n’avait été présenté par l’employeur relativement à la portée de son admission pendant l’audience d’arbitrage de griefs.

21        L’Association a affirmé que l’admission faite pendant l’audience d’arbitrage de griefs, selon laquelle un juriste est admissible à recevoir une rémunération au rendement pour tous les mois où il occupe un poste admissible à la rémunération au rendement, ne va pas à l’encontre de l’application appropriée de la convention collective.

22        Selon les observations de l’Association, l’employeur, à l’audience d’arbitrage de griefs, n’a pas limité son admission de la façon dont il le fait maintenant.

23        L’Association a affirmé que ce qu’elle a qualifié de nouvelle proposition de l’employeur mènerait à un résultat absurde, comme le démontre l’exemple qui suit : un juriste faisant partie de l’effectif le 1er avril et promu peu de temps avant la fin de l’exercice serait possiblement privé de la rémunération au rendement du poste visé par la promotion, étant donné que le temps passé dans le poste ultérieurement à la promotion ne constituerait sans doute pas une période significative pour l’évaluation du rendement à titre de titulaire de ce poste. L’employeur n’a pas mentionné de libellé quelconque de la convention collective qui exigerait de mener des évaluations distinctes dans des postes précis tout au long de l’exercice. Selon l’admission de l’employeur, un juriste qui fait partie de l’effectif dans un poste admissible à une rémunération au rendement pour l’exercice complet est admissible à recevoir une rémunération au rendement pour l’exercice complet, peu importe le moment où il a été promu.

24        En ce qui concerne l’argument de l’employeur selon lequel le ministère de la Justice a mis en œuvre ce que l’employeur avait admis pendant l’audience d’arbitrage de griefs, l’Association a fait valoir qu’il n’y a aucune preuve de ce qui a été mis en œuvre, de la date à laquelle l’employeur l’a mis en œuvre et de la question de savoir si la mise en œuvre était rétroactive à la date de l’admission ou du grief. Qui plus est, comme cette preuve n’a pas été présentée à l’arbitre de grief, elle ne devrait pas être admise.

D. Réplique de l’employeur

25        Selon l’employeur, la déclaration de M. Swoffer devrait être rejetée, puisque la Cour d’appel fédérale a ordonné que des observations soient soumises à l’arbitre de griefs et non que des éléments de preuve soient présentés. Si l’arbitre de griefs accepte la déclaration, à l’égard de laquelle l’employeur n’a pas eu l’occasion de contre-interroger M. Swoffer, l’employeur demande à ce qu’une audience ait lieu afin d’y présenter sa propre preuve.

26        En ce qui concerne l’observation de l’Association voulant que l’employeur cherche à nuancer la décision 2015 CRTEFP 18, l’employeur a souligné qu’au cours de l’audience d’arbitrage de griefs, aucune nuance n’était nécessaire puisqu’il répondait à une préoccupation précise, à savoir que les juristes promus au cours de l’exercice 2010-2011 ne recevaient aucune rémunération au rendement avant leur promotion, même s’ils avaient autrement répondu aux critères de la convention collective en ce qui concerne la rémunération au rendement.

27        Selon l’employeur, l’Association tentait d’accorder à la signification de la décision 2015 CRTEFP 18, une portée beaucoup plus large que, selon sa compréhension, ce qui faisait l’objet du grief ou ce à quoi il croyait répondre. Par exemple, l’employeur a indiqué que le grief portait sur un bulletin du ministère de la Justice, mais l’Association aurait voulu que la décision 2015 CRTEFP 18 s’applique au Service des poursuites pénales, une entité distincte en vertu des annexes de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11), qui n’a pas été nommée dans le grief.

28        L’employeur a affirmé que le grief ne mentionnait pas que les juristes devraient recevoir une rémunération au rendement pour chacun des mois, peu importe que leur rendement ait été observé et évalué. Les dispositions de la convention collective qui exigent une évaluation valable pour être admissible à une rémunération au rendement ne sont pas indiquées dans le grief. L’ordonnance que l’Association demande répondrait de manière efficace à un enjeu et porterait sur des dispositions de la convention collective qui n’ont pas fait l’objet d’un grief. L’employeur est en désaccord avec la notion qu’un juriste qui n’a pas répondu aux critères de la convention collective relativement à la rémunération au rendement devrait automatiquement recevoir une rémunération au rendement tous les mois. Cette question n’a pas été visée par un grief et n’a pas été soulevée par l’Association pendant l’audience.

29        Selon le libellé que l’Association tente d’obtenir, une ordonnance donnerait lieu à une exécution trop vaste à l’encontre de l’employeur sur des questions qui n’ont pas fait l’objet d’un grief et des dispositions de la convention collective qui n’ont pas été contestées et auxquelles l’employeur n’a pas répondu.

III. Motifs

30        Dans 2016 CAF 56, la Cour d’appel fédérale a indiqué que puisque j’ai accepté l’admission de l’employeur lors de l’audience d’arbitrage de griefs, j’avais manifestement l’intention d’accueillir le grief en partie. La Cour m’a ordonné d’émettre une nouvelle ordonnance, qui reflète avec exactitude les motifs de la décision que j’ai rendue dans 2015 CRTEFP 18. En résumé, la Cour m’a ordonné de corriger l’ordonnance que j’ai rendue dans 2015 CRTEFP 18, et non d’en modifier les motifs.

31        Par suite de sa proposition visant à clarifier le paragraphe 94 de la décision 2015 CRTEFP 18, et d’ajouter le libellé proposé au paragraphe 17 de la présente décision à la décision 2015 CRTEFP 18, l’employeur a outrepassé les limites de l’ordonnance de la Cour.

32        La déclaration de M. Swoffer constitue un nouvel élément de preuve, que je n’accepterai pas et dont je ne tiendrai pas compte.

33        Il convient de contextualiser ce que j’ai compris et ce que je voulais dire lorsque j’ai fait référence à l’admission de l’employeur, aux paragraphes 24, 25 et 94 de la décision 2015 CRTEFP 18, en tenant compte de l’ensemble des motifs de ma décision. Ces paragraphes sont libellés comme suit :

[24] Pour sa part, l’employeur a présenté le litige comme suit. Lorsqu’un LA-1 est promu à un poste LA-2A ou qu’un LA-2A est promu à un poste LA-2B, est-ce que la rémunération au rendement doit être calculée en fonction du salaire le plus élevé du poste dans lequel l’employé a été promu? L’employeur a indiqué que cette question avait été soulevée en raison de la publication du Bulletin 545. Il a mentionné les dispositions soulevées dans le Bulletin 545 : la clause 4.6, laquelle précise les situations non exhaustives où la rémunération serait calculée au prorata, notamment les cas d’une nouvelle recrue, d’un congé non payé, d’une rémunération d’intérim, d’une promotion et d’une retraite; la clause 6.2, laquelle prévoit, notamment, que les augmentations à l’intérieur de l’échelle seront calculées à partir du salaire en vigueur au 31 mars 2011; la clause 6.3, laquelle porte sur des situations exceptionnelles.

[25] L’employeur a soutenu que, bien qu’il soit stipulé à la clause 4.4 de la partie 2 de l’appendice «B» de la convention collective que les LA qui font partie de l’effectif le 31 mars et le 1er avril sont admissibles à la rémunération au rendement, cela ne signifie pas pour autant que le salaire remonte 12 mois en arrière. Faisant allusion au premier exemple présenté à la pièce 2, où un LA-1 faisant partie de l’effectif le 1er avril est promu dans un poste LA-2A prenant effet le 1er décembre, l’employeur a indiqué qu’en 2010-2011, il avait appliqué sa politique de façon à ce que la personne promue reçoive la rémunération au rendement uniquement en fonction de la durée de l’affectation au poste LA-2A. L’employeur a alors admis qu’une personne dans cette situation devrait recevoir la rémunération au rendement relative aux douze mois de l’exercice. Selon l’employeur, la question qui est toujours en litige, entre l’AJJ et lui, porte sur le taux applicable de la rémunération au rendement.

[…]

[94] En ce qui concerne le premier élément, l’employeur a indiqué qu’en 2010-2011, il appliquait sa politique de sorte qu’un juriste promu recevrait la rémunération au rendement uniquement en fonction du temps passé dans le poste auquel il avait été promu. L’employeur a alors convenu qu’un juriste dans cette situation devrait recevoir la rémunération au rendement relative aux douze mois complets de l’exercice. Par conséquent, l’unique question qui reste en litige entre les parties porte sur le taux de traitement à appliquer à la rémunération au rendement.

34        Dans les arguments qu’il a présentés pendant l’audience d’arbitrage de griefs, l’employeur n’était pas d’accord avec la position de l’Association voulant que la rémunération au rendement soit fondée sur le salaire du juriste au dernier jour de l’exercice, le 31 mars, puisque cela signifierait que, dans le cas d’un juriste promu le 30 mars, toute rémunération au rendement pour le travail effectué avant la promotion, au cours de l’exercice, serait calculée en fonction du salaire ultérieur à la promotion, en date du 31 mars. L’employeur a aussi affirmé de façon continue que la rémunération au rendement doit être fondée sur les tâches attribuées au juriste et effectuées par ce dernier, à condition qu’il réponde aux critères applicables de la convention collective.

35        Au paragraphe 95 de la décision 2015 CRTEFP 18, j’ai fait référence à la définition de « rémunération au rendement » figurant dans la convention collective applicable. J’ai conclu que, selon le libellé de la convention collective, pour être admissible à une rémunération au rendement, un juriste doit avoir réellement exécuté les fonctions qui lui ont été confiées relativement à sa classification et il doit avoir répondu aux critères établis dans la convention collective relativement à la rémunération au rendement.

36        Compte tenu de ce contexte, voici ce que j’ai compris de l’admission de l’employeur pendant l’audience d’arbitrage de griefs : les juristes qui ont été promus d’un poste admissible à une rémunération au rendement à un autre poste admissible à une rémunération au rendement au cours de l’exercice 2010-2011, doivent recevoir une rémunération au rendement pour la période qui précède la promotion en fonction de leur salaire antérieur à leur promotion; à partir de la date de leur promotion jusqu’à la fin de l’exercice, la rémunération au rendement doit être calculée en fonction de leur salaire ultérieur à la date de leur promotion. Dans les deux cas, selon ma compréhension, les juristes doivent avoir répondu aux critères établis dans la convention collective pour la rémunération au rendement.

37        Par conséquent, l’ordonnance qui suit corrige celle établie dans la décision 2015 CRTEFP 18, afin de refléter ma compréhension et mon intention à ce moment.

38        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

39        Le paragraphe 137 de la décision 2015 CRTEFP 18, est remplacé par ce qui suit :

[137] Je déclare que l’employeur a admis que, pour l’exercice 2010-2011, il versera une rémunération au rendement de la manière qui suit à tous les juristes de l’unité de négociation du groupe Droit qui ont été promus au cours de cette année :

  1. un juriste qui a été promu au cours de cette année et qui répond aux critères établis dans la convention collective pour le versement de la rémunération au rendement pendant qu’il occupait un poste admissible à une rémunération au rendement avant d’être promu, se verra verser une rémunération au rendement du 1er avril 2010 jusqu’à la date précédant immédiatement la date de promotion, calculée en fonction de son salaire à la date précédant immédiatement la date de promotion;
  2. un juriste qui a été promu au cours de cette année et qui répond aux critères établis dans la convention collective pour le versement de la rémunération au rendement pendant qu’il occupait un poste admissible à une rémunération au rendement après avoir été promu, recevra une rémunération au rendement à partir de la date de la promotion jusqu’au 31 mars 2011, calculée en fonction de son salaire au 31 mars 2011.

[138] Le grief est accueilli dans la mesure de l’admission de l’employeur rapportée au paragraphe 137.

Le 22 décembre 2016.

Traduction de la CRTEFP

Steven B. Katkin
arbitre de grief

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