Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Aucun résumé n'a été écrit pour cette décision. Veuillez consulter le texte intégral.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20161202
  • Dossier:  566-02-9863 et 9864
  • Référence:  2016 CRTEFP 112

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

KALBANDAR DHALIWAL

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Dhaliwal c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN
Pour le défendeur:
Marc Séguin, avocat
Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 24 et 25 mai 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Kalbander Dhaliwal, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief contestant une sanction pécuniaire d’un jour qui lui a été imposée par Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») pour, entre autres allégations, avoir quitté le travail 30 minutes plus tôt. Il a également contesté une sanction pécuniaire de deux jours qui lui a été imposée en guise de mesure disciplinaire pour avoir formulé un commentaire qui, selon lui, a été mal compris par l’employeur et pris hors contexte.

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

A. Mark Bussey

3        Mark Bussey est le directeur adjoint des opérations à l’établissement Matsqui, à Abbotsford, en Colombie-Britannique (l’« établissement »). Le 20 novembre 2013, il a imposé au fonctionnaire une sanction pécuniaire d’un jour en raison d’une série d’allégations, notamment que le fonctionnaire a omis de protéger deux armes à feu chargées conformément à la politique, qu’il a quitté le travail  30 minutes plus tôt sans autorisation et qu’il a quitté l’établissement par l’entrée des véhicules plutôt que par l’entrée principale, tel qu’il est requis (voir la lettre disciplinaire, pièce 2, onglet 1). Le fonctionnaire n’a pas suivi la politique de l’employeur intitulée [traduction] « Ordre permanent – Contrôle des entrées et sorties de l’établissement Matsqui » qui exige que tous les employés balaient leur carte d’identité à l’entrée principale lorsqu’ils entrent et quittent l’établissement (pièce 2, onglet 5).

4        Le 16 juillet 2013, M. Bussey a reçu un appel téléphonique de Shelley Boyer, une gestionnaire correctionnelle à l’établissement, qui l’a informé qu’elle avait vu le fonctionnaire partir tôt, le 15 juillet 2013. Le même jour, elle aurait prononcé à l’endroit du fonctionnaire des commentaires raciaux en le traitant de [traduction] « Hindou » (le « commentaire Hindou »), lequel a offensé le fonctionnaire puisqu’il est sikh. M. Bussey a examiné l’affaire avec le directeur et le directeur adjoint, et ils ont décidé que Mme Boyer ne devait jouer aucun rôle dans le processus disciplinaire en raison du prétendu commentaire fondé sur la race.

5        Le lendemain, M. Bussey a examiné les séquences vidéo de deux caméras, dans lesquelles on peut apercevoir l’entrée des véhicules et le parc de stationnement à l’extérieur de l’entrée principale de l’établissement. À partir de ces images, il a confirmé que le fonctionnaire avait quitté l’établissement par l’entrée des véhicules avec ses effets personnels. Dans la séquence vidéo, le fonctionnaire laisse le véhicule de patrouille qui lui a été attribué, dans lequel il y avait deux armes à feu chargées, dans l’entrée des véhicules; il quitte l’établissement par l’entrée des véhicules et se rend à son véhicule personnel. Il passe ensuite à côté de Mme Boyer et une interaction verbale a lieu. M. Bussey a également vérifié le journal des cartes balayées pour la journée en question et a découvert qu’il n’y avait aucune indication que le fonctionnaire avait balayé sa carte, à son arrivée ou à sa sortie.

6        Les armes à feu ne doivent pas être laissées dans les véhicules de patrouille motorisés. Au début et à la fin de chaque quart, les agents doivent consigner l’entrée et la sortie des armes à feu, conformément à l’ordre permanent de l’établissement pour chaque poste (pièce 2, onglet 6). Selon le code horaire de la séquence vidéo de la sécurité, huit secondes se sont écoulées entre le moment où le fonctionnaire est entré par l’entrée des véhicules et le moment où il l’a quitté avec ses effets personnels, soit un délai insuffisant pour sécuriser les armes. En contre-interrogatoire, M. Bussey a reconnu qu’il y avait eu, dans le passé, des problèmes relatifs au code horaire et à la date figurant sur la vidéo de sécurité.

7        Le jour en question, le fonctionnaire devait terminer son quart à 19 h 15. La séquence vidéo indique qu’il est parti à environ 18 h 45, soit 30 minutes plus tôt. Une audience disciplinaire a eu lieu le 24 juillet 2013, à laquelle il a refusé d’assister. Lorsqu’il a été informé qu’il devait y assister, il l’a fait. Au début de l’audience, il a informé M. Bussey qu’il refusait de participer à l’audience disciplinaire en raison de la partialité de ce dernier à l’égard de Mme Boyer. Toutefois, l’audience s’est poursuivie sans aucune participation significative de la part du fonctionnaire.

8        Après l’audience, M. Bussey a conclu que le fonctionnaire avait contrevenu aux politiques de l’employeur sur la protection des armes à feu et la sortie de l’établissement, ainsi qu’à son « Code de conduite ». Après avoir consulté son conseiller en relations de travail et le directeur, M. Bussey a pris en compte les facteurs aggravants et atténuants, y compris le dossier disciplinaire du fonctionnaire.

9        Une autre réunion a été fixée le 2 août 2013, dans le but d’imposer une mesure disciplinaire. À cette date, le fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement contre M. Bussey. La plainte a été rejetée par le sous-commissaire à la fin d’août; le processus disciplinaire a été repris en septembre 2013. Une réunion disciplinaire a été prévue le 25 septembre 2013, mais elle n’a pas eu lieu non plus. Cen n’est que le 19 novembre 2013, que M. Bussey a rencontré le fonctionnaire pour lui imposer une sanction pécuniaire d’un jour.

10        À cette réunion, le fonctionnaire souhaitait aborder les allégations figurant à l’avis d’enquête disciplinaire (pièce 2, onglet 1). Selon M. Bussey, le fonctionnaire a expliqué que, le 15 juillet 2013, il a été informé par téléphone cellulaire que son fils avait été blessé. Les téléphones cellulaires ne sont pas autorisés à l’intérieur de l’établissement. Le fonctionnaire devait quitter son périmètre pour aller chercher son téléphone dans son véhicule et l’utiliser.

11        Il a dit à M. Bussey qu’il devait quitter le travail, même s’il n’avait pas réussi à communiquer avec Mme Boyer. Selon M. Bussey, la nature de l’urgence survenue à cette date n’est pas pertinente. L’employeur exige que les employés balaient leur carte d’identité (cartes PROXIMA) à l’entrée et à la sortie de l’établissement aux fins de la sécurité des employés et de l’établissement.

12        Le fonctionnaire a admis à M. Bussey qu’il n’aurait pas dû quitter l’établissement par l’entrée des véhicules et qu’il aurait dû balayer sa carte d’identité à l’entrée principale, conformément à la politique. Il a reconnu qu’il avait commis tous les actes allégués par l’employeur, mais il a tenté de tout justifier au motif de son urgence familiale. Il a nié avoir vu Mme Boyer dans le parc de stationnement lorsqu’il quittait ce jour-là.

13        Dans le cadre des réunions disciplinaires, M. Bussey et le fonctionnaire ont discuté des répercussions que cette situation aurait sur les autres agents qui partiraient plus tôt. M. Bussey a informé le fonctionnaire qu’il enverrait un courriel en vue d’informer tous les agents à l’établissement de la politique sur les départs hâtifs du travail. Le jour où le courriel a été envoyé, le fonctionnaire était très contrarié et a appelé M. Bussey. Leur conversation était très animée et, à un moment donné, M. Bussey a dit au fonctionnaire d’arrêter avant qu’il ne dise quelque chose qui lui causerait plus de problèmes.

14        Selon tous les renseignements, y compris les facteurs atténuants et aggravants, et compte tenu de l’entente globale conclue entre l’employeur et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») (pièce 2, onglet 9), M. Bussey a conclu qu’une sanction pécuniaire d’un jour était convenable. Dans la lettre disciplinaire (pièce 2, onglet 1), il a fait un geste de bonne volonté lorsqu’il a proposé de remplacer la sanction pécuniaire par une réprimande écrite. Puisque ni le fonctionnaire ni le syndicat n’ont répondu, la sanction pécuniaire d’un jour a été imposée.

15        En contre-interrogatoire, M. Bussey a reconnu que le fonctionnaire avait un partenaire dans le véhicule de patrouille motorisé le jour pertinent. Cet agent a également quitté le véhicule sans sécuriser les armes à feu et il a quitté son poste plus tôt. Même si cet agent a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, il n’a eu qu’un avertissement verbal parce que les circonstances n’étaient pas les mêmes en ce qui le concerne. Le fait que cet autre agent ait assumé l’entière responsabilité de ses actes et qu’il ait présenté ses excuses est un facteur important dans la détermination de la sanction qui lui a été imposée.

16        Mme Boyer a informé M. Bussey qu’elle avait été accusée d’avoir traité le fonctionnaire d’« Hindou ». Le fonctionnaire a dit à M. Bussey qu’il n’avait pas vu Mme Boyer dans le parc de stationnement avant d’entendre le prétendu commentaire Hindou. Dans le passé, des problèmes sont survenus relativement au style de gestion direct et factuel de Mme Boyer et à sa rudesse. M. Bussey savait que Mme Boyer appelait les employés sud-asiatiques en tant que [traduction] « équipe brune ». Il avait collaboré avec M. Boileau, un ancien directeur, pour aborder ces types de commentaires et pour y mettre fin. Le commentaire Hindou a fait l’objet d’une enquête par Bobbi Sandhu, la directrice intérimaire de l’établissement lorsque ces incidents sont survenus; elle avait remplacé M. Boileau. M. Bussey relevait directement d’elle.

17        Toutefois, en l’absence d’une preuve que Mme Boyer a fait le commentaire Hindou, M. Bussey a conclu que le fonctionnaire l’avait monté de toutes pièces en vue d’éviter une enquête. À la question de savoir pourquoi il est parti comme il l’a fait, le fonctionnaire a informé M. Bussey qu’il n’avait pas eu conscience de ses actes, car il ne pensait qu’à aller voir son épouse et son enfant.

18        Selon une analyse de la séquence vidéo, M. Bussey a conclu qu’il aurait été physiquement impossible de tout faire, y compris protéger les armes à feu tel qu’il est requis, dans le temps qu’il a fallu pour ouvrir et fermer la barrière de l’entrée des véhicules et le moment où le fonctionnaire est parti. Peu importe la pratique des agents correctionnels (CX) à l’établissement, les politiques sont claires et on s’attend à ce que les agents les respectent.

B. Mme Sandhu

19        Mme Sandhu était chargée d’envoyer la lettre disciplinaire au fonctionnaire pour avoir contrevenu à la [traduction] « Norme professionnelle no 3 » au sujet des relations avec des collègues (pièce 2, onglet 11). Le 2 janvier 2014, elle est allée à l’unité d’isolement, comme elle est tenue de le faire quotidiennement. Elle a rencontré le fonctionnaire, qui était parmi un groupe d’agents dans le bureau de l’unité, et elle a constaté un bandage fixé à son bras. À la question de savoir ce qui est arrivé, le fonctionnaire a répondu que [traduction] « Shelli [l’]avait mordu », ce qui était inapproprié, selon Mme Sandhu, puisqu’elle estimait que ce commentaire faisait référence à Mme Boyer et que le fonctionnaire laissait entendre qu’elle était une chienne.

20        Mme Sandhu a conclu qu’elle devait aborder la question du commentaire désobligeant formulé devant elle-même et les collègues du fonctionnaire. Elle a répondu immédiatement qu’elle ne pouvait pas croire que le fonctionnaire venait de faire ce commentaire et elle est partie. Plus tard, le fonctionnaire s’est présenté à son bureau et il lui a dit qu’il reconnaissait que son commentaire l’avait mise mal à l’aise. Il a nié que le commentaire visait Mme Boyer. Les excuses qu’il a tenté de présenter étaient exemptes de toute responsabilisation. Selon Mme Sandhu, il était évident que le fonctionnaire s’excusait uniquement pour éviter une mesure disciplinaire. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise à cette réunion, bien que l’affaire aurait été close si le fonctionnaire avait accepté la responsabilité de son omission. Dans l’éventualité où Mme Sandhu a dit que l’affaire était terminée, elle parlait alors de la conversation et non de la possibilité d’imposer une mesure disciplinaire. Toutefois, elle ne se souvenait pas d’avoir fait une telle déclaration.

21        Une audience disciplinaire a été convoquée le 20 janvier 2014, relativement à ce manquement au code de conduite professionnel de l’employeur. Mme Sandhu a reconnu que plusieurs problèmes étaient survenus à l’établissement concernant la conduite de Mme Boyer. En conséquence, la relation entre l’employeur et le syndicat à l’établissement a été fissurée. L’audience offrait au fonctionnaire l’occasion de discuter des événements qui ont donné lieu à la réunion disciplinaire et de les clarifier. Le syndicat a présenté une déclaration d’un membre de la famille du fonctionnaire indiquant qu’il était propriétaire d’une chienne nommée « Shelli » (pièce 2, onglet 13). En raison des problèmes à l’établissement concernant Mme Boyer, Mme Sandhu croyait que le commentaire avait été formulé aux dépens de Mme Boyer.

22        L’explication du fonctionnaire n’était pas crédible. Il a prétendu avoir été mordu par une chienne nommée « Shelli » qui appartenait à un membre de sa famille. Il a reconnu qu’il savait que le commentaire avait bouleversé Mme Sandhu et qu’il était contre-productif à l’égard de ses efforts visant à rétablir l’harmonie à l’établissement. Il a assumé la responsabilité d’avoir formulé le commentaire, mais pas en ce qui concerne la référence à Mme Boyer. Mme Sandhu a conclu qu’une mesure disciplinaire était justifiée.

23        Au moment de déterminer la nature de la mesure disciplinaire à imposer, Mme Sandhu a tenu compte de l’explication de la morsure de chien, du dossier disciplinaire du fonctionnaire et de l’incidence du commentaire sur ses efforts visant à régler le problème relatif à l’environnement interpersonnel à l’établissement et du fait que le commentaire était de mauvais goût et contre-productif. En conséquence, une sanction pécuniaire de deux jours a été imposée au fonctionnaire en vertu d’une lettre en date du 29 janvier 2014 (pièce 2, onglet 11).

C. Le fonctionnaire

24        Le fonctionnaire est employé en tant que CX-01 à l’établissement depuis juillet 1997. Dans le cadre de ses fonctions ordinaires, il est affecté au poste de patrouille motorisée. Lorsqu’il est remplacé, il conduit jusqu’à l’entrée des véhicules et change de poste avec son remplaçant. Pendant ce transfert, il enlève ses effets personnels et laisse les armes à feu dans le véhicule. En 2013, selon la pratique, les armes à feu étaient remises au prochain agent en les laissant sur le siège avant aux fins d’inspection et d’utilisation. L’agent de remplacement signe le registre des armes avant d’entrer dans l’entrée des véhicules pour remplacer les autres agents. Le registre de sortie des armes doit être signé toutes les quatre heures.

25        En 2013, les personnes qui travaillaient le quart suivant remplaçaient les agents en fonction après la rencontre de quart de travail. Lorsqu’un agent de la patrouille motorisée devait prendre une pause, il appelait le poste principal de contrôle des communications (le « PPCC ») pour dire qu’il prenait une pause. Aucun remplaçant n’était fourni. À la fin de sa pause, l’agent informait le PPCC que la patrouille était de nouveau en fonction. Si les agents souhaitaient partir avant la fin de leur quart, ils devaient demander la permission de leurs superviseurs.

26        Le 15 juillet 2013, juste avant d’être remplacé, le fonctionnaire a vérifié sa boîte vocale alors qu’il effectuait la patrouille du périmètre de l’établissement et il a appris que sa fille, et non son fils, comme M. Bussey l’a décrit, s’était blessée. Durant sa patrouille, il est arrêté à son véhicule personnel pour récupérer son téléphone cellulaire et vérifier sa boîte vocale. À peu près au même moment, il a été appelé à l’entrée des véhicules pour être remplacé. Il s’y est présenté et, lorsque son remplaçant est sorti, le fonctionnaire a enlevé son arme à feu de son ceinturon de service et l’a laissée sur le siège du passager. Il est ensuite parti par l’entrée des véhicules. Selon lui, il n’y avait aucune différence entre quitter l’établissement par l’entrée des véhicules ou par l’entrée principale.

27        Pendant qu’il marchait jusqu’à son véhicule dans le parc adjacent au chemin du périmètre, le fonctionnaire a tenté en vain de communiquer par téléphone avec la gestionnaire correctionnelle de service. Une fois dans son véhicule, il a appelé le PPCC et l’a informé qu’il y avait une urgence chez lui, qu’il ne pouvait pas communiquer avec la gardienne (la gestionnaire correctionnelle de service) et qu’il souhaitait prendre un congé pour obligations familiales de 45 minutes, et non de 30 minutes comme l’a mentionné M. Bussey. Il a appelé le PPCC parce qu’il s’agissait de la pratique jusqu’en 2010, date de l’arrivée de M. Bussey. Le PPCC a informé le fonctionnaire qu’il tenterait de trouver la gestionnaire correctionnelle afin de l’informer qu’il était parti plus tôt. Même si le fonctionnaire avait eu l’intention d’utiliser un congé pour obligations familiales, il ne se rappelait pas l’avoir fait, et aucun élément de preuve n’a démontré qu’il avait rempli la paperasserie le lendemain afin de consigner ce congé.

28        Lorsque le fonctionnaire est passé en véhicule, il a entendu Mme Boyer dire [traduction] « Où vas-tu l’Hindou? » Il a songé à s’arrêter pour lui parler de ce commentaire, mais il ne l’a pas fait puisqu’il estimait ne pas être en fonction. Lorsqu’il était à mi-chemin de sa maison, il a reçu un appel de Mme Boyer, mais il n’a pas répondu. Il l’a rappelée de chez lui. Elle était très contrariée et, selon le fonctionnaire, l’a [traduction] « sermonné » parce qu’il était parti plus tôt. Il a tenté d’expliquer qu’il avait pris un congé par l’intermédiaire du PPCC.

29        Ce n’est qu’une fois chez lui qu’il a compris ce que Mme Boyer avait dit et il en a été très contrarié. Elle a nié avoir fait le commentaire Hindou pendant leur conversation téléphonique et il lui a dit qu’il aborderait cela avec elle le lendemain, après quoi elle a rompu la communication. Le lendemain matin, après la séance d’information, il a été informé qu’il y avait une lettre pour lui dans le bureau de la gestionnaire correctionnelle. Elle venait de Mme Boyer et elle l’informait qu’une audience disciplinaire aurait lieu au sujet de son départ hâtif sans autorisation.

30        À l’audience disciplinaire, le fonctionnaire a indiqué à M. Bussey que Mme Boyer l’avait traité d’« Hindou ». Il a expliqué les raisons de son départ et ses tentatives d’en informer Mme Boyer au préalable. Il avait l’impression que la direction se liguait contre lui. M. Bussey n’écoutait pas pendant qu’il parlait. Après la réunion, le fonctionnaire a discuté du dépôt d’une plainte contre M. Bussey et Mme Boyer avec son représentant syndical. À une deuxième réunion qui a eu lieu l’après-midi, le fonctionnaire a expliqué comment il s’était senti lorsque Mme Boyer a fait le commentaire Hindou. Il a également expliqué qu’il ne comprenait pas ce qu’il avait fait de mal. Il n’a jamais balayé sa carte PROXIMA pour entrer et sortir de l’établissement en 2013. Selon son souvenir, il ne l’a utilisée que 20 fois pendant toute sa carrière. Selon lui, la majorité des agents ne l’utilisent pas.

31        Le fonctionnaire a soutenu que M. Bussey lui avait dit qu’il était dans de mauvais draps parce que d’autres s’étaient fait prendre à partir plus tôt. Afin de prévenir les réactions défavorables des collègues du fonctionnaire, M. Bussey a accepté de retarder de quelques semaines l’envoi prévu d’un courriel au sujet des départs hâtifs. Il l’a toutefois envoyé le lendemain. Le fonctionnaire l’a appelé au sujet du courriel et ils en ont discuté pendant environ 20 minutes. Des mots durs ont été échangés et M. Bussey a dit au fonctionnaire de [traduction] « fermer sa m--dite grande gueule. » Après cette conversation, le fonctionnaire a déposé des plaintes de harcèlement et de discrimination contre M. Bussey et Mme Boyer. Mme Sandhu a refusé de lui accorder sa demande visant à retirer M. Bussey du processus disciplinaire.

32        Le 2 janvier 2014, le fonctionnaire était dans le bureau de l’unité avec d’autres agents lorsque Mme Sandhu est entrée. Il était en train d’expliquer aux autres agents que son cousin songeait à changer le nom de sa chienne et de l’appeler Shelli. À la question de savoir pourquoi il avait un bandage sur son bras, le fonctionnaire a informé Mme Sandhu que Shelli l’avait mordu. Au début, tout le monde a ri, y compris Mme Sandhu. Lorsqu’il a constaté qu’il s’agissait d’un commentaire inapproprié, le fonctionnaire a dit à Mme Sandhu qu’il s’agissait d’un commentaire stupide. Une heure plus tard, la directrice lui a demandé de se présenter à son bureau.

33        Lorsqu’il est arrivé, Mme Sandhu a dit au fonctionnaire que son commentaire était inapproprié. Il a fait valoir qu’il avait présenté ses excuses et qu’il était parti en croyant que l’affaire était réglée. Le 8 janvier 2014, alors qu’il était chez lui, il a reçu un appel téléphonique de la directrice. Mme Sandhu l’a informé qu’elle amorçait une mesure disciplinaire contre lui relativement à son commentaire au sujet du chien. Le fonctionnaire lui a répété qu’il faisait référence à une chienne nommée Shelli. L’appel téléphonique a surpris le fonctionnaire puisqu’il croyait que l’affaire était réglée. Le 2 janvier 2014, lorsqu’il a quitté le bureau de la directrice, rien ne laissait présager que l’affaire n’était pas réglée.

34        À l’audience disciplinaire, le fonctionnaire a expliqué le commentaire au sujet de la chienne et a tenté d’expliquer que Mme Sandhu avait manqué une partie de la conversation. Il lui a demandé pourquoi elle poursuivait l’affaire après lui avoir dit, le 2 janvier, que la question était réglée. Le fonctionnaire était très bouleversé à cette audience.

D. Maston Sahota

35        Maston Sahota était le partenaire du fonctionnaire le 5 juillet 2013. Selon son témoignage, la pratique en 2013 en ce qui concerne le remplacement d’un agent de la patrouille motorisée consistait à se rencontrer à l’entrée des véhicules, où les armes à feu étaient échangées. En 2013, il était également de pratique courante, pour les agents en patrouille motorisée, de s’arrêter à leurs véhicules personnels pendant qu’ils effectuaient leurs rondes et d’informer le PPCC qu’ils partaient plus tôt s’il était impossible de communiquer avec la gestionnaire correctionnelle en service. M. Sahota a indiqué qu’il était courant pour les agents affectés à la patrouille motorisée de quitter par l’entrée des véhicules.

36        M. Sahota était présent le 2 janvier 2014, lorsque le fonctionnaire a fait le commentaire au sujet de la morsure de chien. Il ne se souvenait pas de la conversation avant l’arrivée de la directrice, ni d’une conversation au sujet d’une chienne nommée Shelli. Il se souvenait toutefois que tout le monde, y compris la directrice, avait ri lorsque le fonctionnaire lui avait dit que Shelli l’avait mordu.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

37        Il faut déterminer si la conduite du fonctionnaire justifiait une mesure disciplinaire et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire imposée était appropriée. Il incombait à l’employeur de s’acquitter du fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités (voir Paynter c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 74, au par. 143). Bien qu’il ait été reconnu que la preuve présentée par M. Bussey n’était pas idéale étant donné la présence d’incohérences, il ressort clairement que le fonctionnaire a rencontré des cadres supérieurs afin de discuter d’une insulte raciale de la part de Mme Boyer; Mme Boyer a par la suite été retirée du processus disciplinaire.

38        Le jour en question, le fonctionnaire n’avait ni l’autorisation ni la permission de quitter le travail avant la fin de son quart. Il a peut-être été remplacé, mais il était encore en service. Pour quitter le travail plus tôt, un CX doit avoir l’approbation de son gestionnaire correctionnel. Même si le PPCC était le commandant adjoint pendant une urgence à l’établissement, ce pouvoir ne s’étend pas aux urgences personnelles qui pourraient survenir pendant qu’un CX est en service. Le PPCC n’a pas le pouvoir d’accorder ou d’approuver un congé pour un CX.

39        Il est clair que le fonctionnaire a contrevenu de plusieurs façons aux politiques de l’employeur (pièce 2, onglets 5 et 6). Aucune pratique antérieure n’a été établie; le départ des CX sans autorisation ou par l’entrée des véhicules était peut-être une pratique courante, mais aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que l’employeur acceptait ces pratiques et qu’il y a eu confiance préjudiciable. En fait, dans son témoignage, le fonctionnaire a fait valoir qu’il craignait le courriel envoyé après l’incident de juillet 2013, dont il est question en l’espèce, parce qu’il ne voulait pas être blâmé. Si une pratique antérieure était en vigueur, pourquoi était-il préoccupé?

40        Le fonctionnaire a reconnu qu’il était parti plus tôt par l’entrée des véhicules le jour en question, contrevenant ainsi aux politiques de l’employeur et justifiant une mesure disciplinaire.

41        En ce qui concerne la question du commentaire au sujet de la morsure de chien, la preuve est claire. Mme Sandhu était un témoin crédible. Le fonctionnaire avait l’intention, à l’aide d’une insinuation, de faire référence à Mme Boyer lorsqu’il a indiqué qu’il s’était fait mordre par Shelli la chienne, ce qui constitue un manquement aux normes de conduite professionnelle et justifiait une mesure disciplinaire.

42        Un arbitre de grief devrait intervenir uniquement si la mesure est manifestement déraisonnable ou erronée (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada) 2013 CRTFP 119, au par. 13, et McEwan c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié) 2015 CRTEFP 53, au paragr. 117). En ce qui concerne la sanction pécuniaire d’un jour, elle n’était ni erronée ni déraisonnable, étant donné le nombre d’infractions commises par le fonctionnaire. Au moment d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire pour la deuxième infraction, l’employeur a appliqué le principe de la mesure disciplinaire progressive. Par conséquent, les deux griefs devraient être rejetés.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

43        Il incombe à l’employeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités et à l’aide d’éléments de preuve clairs, logiques et convaincants, que le fonctionnaire a commis les infractions. Les éléments de preuve présentés par M. Bussey ne répondent à aucune de ces exigences. En outre, le processus qu’il a suivi dans le cadre de son enquête relative à l’infraction de juillet 2013 contrevenait à toutes les règles d’équité, à la convention collective pertinente et au bon sens. Il a établi une série d’hypothèses et de suppositions quant à ce qui s’est produit le jour en litige. En l’absence de la séquence vidéo qu’il a utilisée pour tirer ses conclusions, son analyse est douteuse.

44        Le processus disciplinaire suivi par M. Bussey remet en question son impartialité. Pourquoi n’a-t-il pas interrogé ceux qui travaillaient au PPCC afin de déterminer s’ils avaient reçu un appel? M. Bussey n’a aucune connaissance des pratiques opérationnelles à son propre établissement. Il s’est fié aux renseignements de Mme Boyer, même s’il savait qu’elle faisait l’objet d’une enquête. Le fonctionnaire a pris toutes les mesures requises pour partir plus tôt et toutes les mesures raisonnables pour communiquer avec la gestionnaire correctionnelle en service. Lorsqu’il n’a pas été en mesure de communiquer avec elle, il a communiqué avec le PPCC, conformément à la pratique en cas d’urgence. Il ne s’agissait pas d’une situation idéale, mais le fonctionnaire a fait son possible dans des circonstances exceptionnelles.

45        Selon le témoignage non contesté du fonctionnaire, les agents remettent les armes à feu aux agents à l’entrée des véhicules et ils quittent ensuite par ce dernier endroit, sans balayer leur carte PROXIMA à la sortie. Plutôt que d’examiner la politique avec le fonctionnaire, l’employeur a immédiatement eu recours à une mesure disciplinaire, bien que la lettre disciplinaire n’indique pas quelle politique a été violée. Selon M. Sahota, durant la période pertinente, une pratique était en place selon laquelle les agents de la patrouille motorisée pouvaient accéder à leur véhicule personnel lorsqu’ils étaient sur le périmètre de la réserve de l’établissement.

46        Le courriel de M. Bussey à l’intention de tous les agents (pièce 3) établissait clairement la pratique continue en ce qui concerne les départs hâtifs et que le fonctionnaire avait été ciblé aux fins d’une mesure disciplinaire excessive alors que d’autre ne se sont vus imposer qu’une lettre de réprimande. M. Bussey n’a pas indiqué les attentes et les conséquences de l’omission de se conformer aux politiques de l’employeur. Il est troublant de constater que, dans la lettre disciplinaire, il a offert de substituer la lettre de réprimande à la sanction pécuniaire.

47        Un arbitre de grief doit se préoccuper de l’équité procédurale. M. Bussey a prétendu que le fonctionnaire était coupable d’inconduite et d’un manquement grave à la politique; parallèlement, en tout temps, il a caché son inconduite, ainsi que celle de Mme Boyer. Une période excessive s’est écoulée entre l’infraction et l’imposition de la mesure disciplinaire. Ce n’est pas approprié lorsque les éléments de preuve ne sont pas clairs, logiques et convaincants. Le délai pour mener à terme le processus disciplinaire était également déraisonnable. Les événements sont survenus le 15 juillet 2013, mais la mesure disciplinaire l’égard du fonctionnaire n’a été prise que le 20 novembre 2013.

48        Au moment d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire pour le commentaire lié au chien, l’employeur a imposé une double sanction; il a imposé deux mesures disciplinaires au fonctionnaire pour la même inconduite, contrairement aux règles de justice naturelle (voir Babineau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 145, au par. 20, et Procureur général du Canada c. Babineau, 2005 CF 1288, aux par. 11 et 13). Le fonctionnaire a été réprimandé oralement dans le bureau de Mme Sandhu, le 2 janvier 2014. Elle a souligné en quoi il y avait eu une inconduite et l’a informé de ce qui devrait être fait à l’avenir. Il s’agissait d’une réprimande verbale et une sanction plus sévère ne pouvait pas être imposée à une date ultérieure (voir Saskatchewan v. Saskatchewan Government and General Employees’ Union, 2012 SKQB 35, au par. 33, et Calgary Co-operative Association Ltd. v. Calco Club, 23 L.A.C. (4th) 142, aux par. 32, 33, 35, et 36).

49        Après y avoir réfléchi de nouveau, Mme Sandhu a décidé de tenir une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 2 janvier 2014, elle n’a rien mentionné qui pouvait laisser entendre que l’affaire n’était pas réglée. Elle n’a pas non plus laissé entendre qu’elle mettait sa décision en délibéré. Une personne raisonnable aurait conclu que l’affaire était réglée.

50        Dans l’éventualité où les actes du fonctionnaire justifiaient une mesure disciplinaire, la sanction pécuniaire de deux jours était excessive en fonction de son dossier disciplinaire.

IV. Motifs

A. Grief concernant la sanction pécuniaire d’un jour

51        Selon les allégations, le fonctionnaire a quitté le travail sans autorisation le 15 juillet 2013. Par conséquent, il a contrevenu à la politique de l’employeur sur la protection des armes à feu au cours d’un changement de poste ou de quart et à la politique sur le contrôle des entrées et sorties de l’établissement. Il a également contrevenu à la politique de l’employeur sur l’utilisation des téléphones cellulaires dans l’établissement. Même s’il est vrai que la preuve présentée par M. Bussey ne peut être qualifiée de claire, logique et convaincante, il ressort clairement que ni lui ni le fonctionnaire ne contestent les événements survenus le jour pertinent.

52        Le fonctionnaire a profité de l’occasion de vérifier sa boîte vocale lorsqu’il est passé devant son véhicule personnel pendant sa patrouille motorisée; son véhicule personnel était stationné dans le parc adjacent à l’établissement. À peu près au même moment, le PPCC les a appelés, lui et son partenaire, pour retourner à l’entrée des véhicules où ils devaient être remplacés. Lorsqu’ils ont franchi l’entrée des véhicules, le fonctionnaire est sorti du véhicule en laissant son arme sur le siège du passager et il est parti immédiatement par l’entrée des véhicules; dans tous les cas, ces actes allaient à l’encontre des politiques de l’employeur. En marchant jusqu’à son véhicule, le fonctionnaire a tenté de communiquer avec la gardienne pour demander un congé. Comme il n’a pas réussi à la joindre, il a appelé le PPCC pour les informer qu’il partait et qu’il prendrait un congé pour obligations familiales pour couvrir les 45 dernières minutes de son quart, ce qu’il n’a jamais fait, selon son témoignage.

53        Pendant qu’il sortait du parc de stationnement de l’établissement en conduisant, le fonctionnaire est passé à côté de Mme Boyer. Au lieu de s’arrêter pour lui dire ce qui se passait et lui expliquer pourquoi il partait avant la fin de son quart et pourquoi il allait demander un congé pour obligations familiales, il a continué son trajet. La question de savoir si elle a proféré une épithète raciale à son endroit n’est pas pertinente à ma décision, de même que les événements qui sont survenus pendant les jours suivants, conformément aux nombreuses plaintes qu’il a déposées. Le fonctionnaire a reconnu avoir violé la politique, et ce, avant toute prétendue insulte de la part de Mme Boyer. Peu importe, toute omission dans le cadre du processus d’enquête disciplinaire a été corrigée par l’audience de ces griefs (voir Maas c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123, au par. 118, Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70, et Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), au par. 2). Tout retard dans l’imposition d’une mesure disciplinaire est survenu en raison des plaintes que le fonctionnaire a déposées contre les autres personnes participant au processus disciplinaire et devait être prévu dans les circonstances. L’employeur n’a, à aucun moment, laissé le fonctionnaire croire qu’il n’y aurait aucune conséquence disciplinaire pour ses actes.

B. Grief concernant la sanction pécuniaire de deux jours

54         Mme Sandhu et le fonctionnaire m’ont présenté deux versions différentes relativement à cet incident. Je dois donc établir laquelle de ces deux versions est la plus crédible. Dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.), le critère à appliquer lorsque la crédibilité est en litige est bien établi (voir la p. 357) :

[Traduction]

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout dans les cas de preuve contradictoire, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En somme, le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnables dans telle situation et telles circonstances.

55        La description des événements du 2 janvier 2014 de Mme Sandhu est crédible, alors que j’estime que la version du fonctionnaire constitue un montage complet. L’histoire d’un membre de la famille ayant une chienne nommée Shelli ne revêt aucune apparence de vérité, surtout étant donné les autres témoignages et le dédain manifeste que le fonctionnaire éprouve à l’égard de Mme Boyer. En outre, le témoignage de son propre témoin n’appuie pas la version des événements du fonctionnaire. Je n’accorde aucun poids à la déclaration écrite que le fonctionnaire a présentée pendant le processus de grief, à titre de preuve de l’existence d’une chienne nommée Shelli. Il ne s’agissait pas d’une déclaration assermentée, la personne qui l’a signée n’a pas témoigné et aucune preuve de son authenticité n’a été présentée. Étant donné l’environnement à l’établissement et le nombre de plaintes de harcèlement et de plaintes en matière de droits de la personne que le fonctionnaire a déposées concernant Mme Boyer, une personne sensée et informée conclurait que, en disant que la chienne Shelli l’avait mordu, il faisait effectivement référence à Mme Boyer et qu’il la traitait indirectement de chienne.

56        Toutefois, si Mme Boyer a dit au fonctionnaire que l’affaire était réglée après avoir discuté du commentaire avec lui, la sanction imposée constituait-elle une double sanction?

57        Le principe des sanctions multiples est énoncé dans la publication de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition à 7:4240 :

[Traduction]

Selon une règle de base du droit d’arbitrage, un employeur ne peut imposer plus d’une sanction pour la même infraction. Les arbitres de grief ont adopté la position selon laquelle, lorsqu’un membre de la direction détenteur du pouvoir requis choisit une sanction précise pour une inconduite donnée et qu’il communique cette décision à l’employé, il n’est pas approprié pour les cadres de niveau supérieur, lorsqu’ils sont informés des événements, de remplacer la sanction par une sanction plus grave.

58        Puisque je ne dispose que des témoignages de Mme Sandhu et du fonctionnaire quant à ce qui a réellement été dit à la réunion qui a eu lieu dans son bureau le 2 janvier 2014, et puisque j’ai déjà déterminé que la version du fonctionnaire des événements de ce jour-là n’était pas crédible pour les motifs indiqués ci-dessus, j’accepte le témoignage de Mme Sandhu qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise, que l’affaire n’était pas réglée et que c’est la conversation entre les deux qui était terminée. Selon les faits et les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que les deux mesures disciplinaires étaient justifiées. Je dois donc trancher la question de savoir si la mesure disciplinaire était déraisonnable, excessive ou inappropriée. J’estime que le motif du départ abrupt du fonctionnaire du lieu de travail le 15 juillet 2013 constitue un facteur atténuant; toutefois, il ne justifie ni son omission de se conformer aux politiques de l’employeur sur la protection des armes au moment du changement de poste ou de quart, ni son omission de suivre les procédures appropriées pour sortir de l’établissement. Les cartes PROXIMA ont pour but d’assurer la protection de tout le monde dans l’établissement et elles donnent à l’employeur les moyens de savoir qui est dans l’établissement à un moment donné. Il est raisonnable de s’attendre à ce que le fonctionnaire suive cette procédure lorsqu’il quitte l’établissement, peu importe la raison de son départ.

59        La preuve du fonctionnaire au sujet de son utilisation de la carte PROXIMA n’est pas suffisante pour établir une pratique antérieure. Lorsqu’une partie n’est pas au courant de la pratique, celle-ci ne peut être invoquée à titre de preuve d’un consensus. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui indique que l’employeur savait que les CX à l’établissement avaient une pratique en place pour entrer et sortir des lieux, autre que celle précisée par la politique écrite qui exige que chaque agent balaye sa carte PROXIMA lorsqu’ils entrent et sortent de l’établissement. Le fonctionnaire ne pouvait établir une telle pratique en faisant valoir ses violations récurrentes de la politique à titre d’unique preuve d’une telle pratique.

60        Je comprends que, dans de nombreux cas, les années de service sont habituellement considérées comme un facteur atténuant; toutefois, en l’espèce, je considère que les années de service du fonctionnaire constituent un facteur aggravant parce qu’il aurait dû connaître les politiques de l’employeur. (Voir Pagé c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1299.) De plus, son refus d’assumer une véritable responsabilité de ses actes, ainsi que le nombre de violations de la politique de l’employeur constituent également des facteurs aggravants en l’espèce.

61        Le fonctionnaire a non seulement fait preuve d’un mépris flagrant pour les politiques de l’employeur, mais il a également démontré un niveau de mépris à l’égard des gestionnaires de l’établissement, qui a été démontré dans ses commentaires au sujet de sa morsure de chien. Je souscris à l’évaluation de Mme Sandhu selon laquelle ses commentaires étaient contre-productifs à l’égard de ses efforts visant à améliorer l’environnement de travail à l’établissement.

62        Selon ce qui précède, la mesure disciplinaire imposée dans les deux circonstances était raisonnable. À mon avis, étant donné la conduite du fonctionnaire, ses années de services, qui peuvent constituer un facteur aggravant étant donné sa longue expérience dans le service correctionnel et ses connaissances des politiques de l’employeur, la situation d’urgence découlant de l’accident de son enfant, son refus d’assumer toute responsabilité de ses actes et le nombre de violations des politiques de l’employeur, je ne vois aucune raison de faire obstacle aux sanctions.

63        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

64        Les griefs sont rejetés.

Le 2 décembre 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.