Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte contre la défenderesse en invoquant le fait qu’elle avait contrevenu à son devoir de représentation équitable en refusant de la représenter relativement à deux griefs – cinq jours précédant la date d’audience prévue, la plaignante a demandé qu’il y ait un changement d’endroit pour que l’audience ait lieu dans une autre ville, même si elle était déjà informée, depuis 18 mois, de l’emplacement de l’audience prévue – la Commission a rejeté sa demande – le jour précédant l’audience, la plaignante a envoyé un courriel à la Commission dans lequel elle indiquait qu’elle ne se présenterait pas à l’audience pour des motifs financiers, mais elle n’avait pas présenté de demande de remise d’audience – la Commission a décidé, dans les circonstances, de tenir l’audience en son absence – en se fondant uniquement sur les faits allégués dans la plainte, la Commission n’était pas en mesure de conclure que la preuve présentée constituait un fondement pour établir qu’il y avait eu contravention à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, en raison d’une conduite arbitraire, d’un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part de la défenderesse – compte tenu du défaut de la plaignante de présenter quelconques éléments de preuve décrivant les détails de sa plainte, la Commission a conclu qu’elle avait abandonné sa plainte. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date: 2016-02-08
  • Dossier: 561-02-594
  • Référence: 2016 CRTEFP 12

Devant une formation de la fonction publique et de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

THERESA NAVIKEVICIUS

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Navikevicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Personne
Pour la défenderesse:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 20 janvier 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

Plainte devant la Commission

1        Le 23 octobre 2012, Theresa Navikevicius (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »).Elle a allégué que l’Alliance avait manqué à son devoirde représentation équitable en refusant de la représenter dans le cadre de deux griefs;le premier concernant le recouvrement par son employeur d’un paiement en trop et le deuxième portant sur un prétendu refus par l’employeur de lui donner un relevé détaillé du paiement en trop.

2        Sa plainte a été déposée en vertu de l’article 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Cette disposition est libellée comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

3        Au sens de l’article 185 de la Loi, une pratique déloyale s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) ou (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1). La disposition de la Loi citée à l’article 185 qui s’applique aux fins de la présente plainte est l’article 187, qui prévoit ce qui suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

4        Essentiellement, l’article 187 a été adopté afin d’obliger les organisations syndicales et leurs représentants à respecter leur devoir de représentation équitable, un devoir qui, selon la plaignante, n’a pas été respecté par la défenderesse lorsque cette dernière a refusé de la représenter par rapport à ses griefs.

5        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no2 sur le Plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013. De plus, en vertu de l’article 395 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013, le commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu’une formation de la Commission.

L’audience

6        Le 8 décembre 2015, les parties ont été avisées que l’audience de cette affaire aurait lieu à Toronto, en Ontario, du 19 au 21 janvier 2016. Le lieu de travail de la plaignante était, à tout moment pertinent, situé à Toronto, en Ontario. Le 8 janvier 2016, les parties ont été avisées que l’audience débuterait le 20 janvier 2016, à 9 h 30, plutôt que le 19 janvier 2016.

7        Le 15 janvier 2016, la plaignante a demandé que le lieu de l’audience soit transféré à Hamilton, en Ontario. Elle a indiqué que le trajet pour aller à Toronto lui occasionnerait des difficultés financières, sans donner de détails à l’appui de cette déclaration. J’ai constaté que la plaignante avait été avisée dès juillet 2014 que cette audience aurait lieu à Toronto, en Ontario, et qu’elle n’avait jamais soulevé cette question dans les nombreuses correspondances échangées subséquemment avec la Commission. Sa demande a été rejetée.

8        Le 19 janvier 2016, la plaignante a informé la Commission, par courriel, qu’elle ne serait pas présente à l’audience, pour des raisons financières. Elle n’a pas donné de détails et elle n’a pas présenté de demande de remise d’audience. Ce courriel a été porté à mon attention que peu de temps avant le début de l’audience, le 20 janvier 2016.

9        Étant donné que la plaignante a déclaré qu’elle ne serait pas présente à l’audience, qu’elle n’a pas présenté de demande de remise d’audience, que les frais liés à la tenue de l’audience auraient été versés inutilement, et que le représentant et le témoin de la défenderesse se sont déplacés jusqu’à Toronto et qu’ils étaient prêts à poursuivre, j’ai décidé de procéder à l’audience en l’absence de la plaignante.

Résumé de l’argumentation

10        La défenderesse a fait valoir qu’il n’y avait tout simplement aucun fondement factuel à l’appui de la plainte déposée en vertu de l’article 190 et que la plaignante ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir les motifs relatifs à une pratique déloyale de travail.

11        La défenderesse a ajouté que la plaignante n’a pas réussi à établir, par l’entremise de ses documents présentés, une preuve prima facie démontrant que la défenderesse avait agi de mauvaise foi ou d’une façon arbitraire ou discriminatoire dans sa façon de représenter la plaignante, ni dans ses rapports avec elle.

12        La défenderesse a soutenu qu’il n’y a aucun droit absolu à la représentation syndicale et que les agents négociateurs bénéficient d’une grande latitude dans la sélection des affaires qu’ils traitent. La défenderesse a reconnu que, bien qu’elle avait l’obligation d’agir de façon équitable, sincère et avec intégrité et compétence dans le cadre d’une telle détermination, la plaignante n’a pas démontré, dans les documents qu’elle avait présentés, le non-respect des obligations dans le présent cas. Le défaut de se présenter à l’audience a fait en sorte qu’il était impossible pour la plaignante de s’acquitter du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y avait eu un tel manquement.

Motifs

13        Comme je l’ai mentionné, la plaignante a été avisée de la date et de l’heure de l’audience et a choisi de ne pas y assister. Elle n’a pas présenté de demande de remise d’audience. Le représentant et le témoin de la défenderesse se sont tous les deux déplacés à Toronto, aux frais de la défenderesse, et ils étaient prêts à poursuivre. De plus, des coûts importants ont été engagés par la Commission afin d’assurer un lieu approprié pour l’audience.

14        Comme l’a affirmé l’ancienne Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 187 de la Loi, le fardeau de la preuve incombe à la plaignante. Ce fardeau exige que la plaignante présente des éléments de preuve pour

établir, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse avait contrevenu à son devoir de représentation équitable.

15        La Commission et ses prédécesseurs ont souvent formulé des commentaires à l’égard du droit de représentation des employés syndiqués. Dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragr. 17, l’ancienne Commission a rejeté l’idée qu’il s’agissait d’un droit absolu, comme suit :

[17] La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision. […]

16        Le rôle de la Commission consiste à déterminer si la défenderesse avait agi de mauvaise foi ou d’une façon arbitraire ou discriminatoire dans sa façon de représenter la plaignante ou dans ses rapports avec elle.

17        Comme l’a affirmé l’ancienne Commission dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, au paragr. 38 : « La barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire – ou discriminatoire ou de mauvaise foi – est placée très haut à dessein ». Cette barre exigeait que la plaignante, dans cette affaire, démontre qu’il y avait eu contravention de l’article 187 de la Loi, qui à son tour l’obligeait à présenter un fondement factuel à l’appui de l’allégation voulant que la défenderesse ait agi d’une façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. J’estime que la plaignante n’a pas présenté un tel fondement.

18        En me fondant uniquement sur les faits allégués dans la plainte, je ne suis pas en mesure de conclure que la preuve présentée constitue un fondement suffisant pour établir qu’il y a eu contravention de l’article 187 de la Loi en raison d’une conduite arbitraire, d’un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part de la défenderesse. Pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait, la plaignante était tenue de produire suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la défenderesse avait manqué, en quelque sorte, à son devoir de représentation équitable. La plaignante n’a certainement pas aidé sa cause en omettant de se présenter à l’audience et en acceptant que l’affaire soit entendue in absentia (dans son absence).

19        Je conclus que la plaignante n’a pas présenté d’éléments de preuve expliquant en détail les motifs de sa plainte, dans la mesure nécessaire pour établir en quoi les actes ou les omissions de la défenderesse contrevenaient à l’article 187 de la Loi. Je ne peux qu’en conclure qu’elle n’avait pas l’intention de poursuivre sa plainte et que, à toutes fins, elle l’avait abandonnée.

20        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

21        La plainte est rejetée.

Le 8 février 2016.

Traduction de la CRTEFP

Stephan J. Bertrand,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

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