Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée est revenue au travail à la suite d’un congé de maladie – bien que son horaire de travail ait été réduit et sa charge de travail allégée, elle n’a pas réussi à satisfaire les exigences de travail – elle a contesté la décision de l’employeur voulant qu’elle se soumette à une évaluation médicale et à une évaluation ergonomique – la convention collective prévoyait qu’« [i]l n’y aura [aucun] […] harcèlement […] à l’égard d’un employé-e [sic] du fait de […] son incapacité […] physique […] » – la Commission a conclu que les gestes de l’employeur n’avaient pas créé un climat hostile qui portait atteinte à la dignité de la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission a aussi conclu que l’employeur avait des motifs raisonnables et légitimes de demander une évaluation médicale de la fonctionnaire s’estimant lésée – de plus, la Commission a conclu que l’objectif légitime de l’employeur était de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée – finalement, la Commission n’a identifié aucun élément de preuve suggérant un comportement malséant ou blessant de la part de l’employeur envers la fonctionnaire s’estimant lésée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-03-22
  • Dossier:  566-02-8564
  • Référence:  2016 CRTEFP 25

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

CHANTAL PAQUETTE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Commission des libérations conditionnelles du Canada)

employeur

Répertorié
Paquette c. Conseil du Trésor (Commission des libérations conditionnelles du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Jean-Sébastien Schetagne, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
Le 9 mars 2015.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1        Le 1er août 2012, la fonctionnaire s’estimant lésée, Chantal Paquette (« la fonctionnaire »), a présenté un grief contre son employeur, la Commission nationale des libérations conditionnelles, qui est devenue la Commission des libérations conditionnelles du Canada le 28 février 2013 (L.C. 2012, ch. 1, sous-al. 160(1)(ii), TR/2013-13, l’« employeur »). Le grief allègue une violation de l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration le 20 juin 2014, la « convention collective »). Cet article prévoit ce qui suit :

ARTICLE 19

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01 Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un [sic] employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié [sic].

[…]

2        Le 21 mai 2013, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2).

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013.

4        À l’audience, la fonctionnaire a précisé que ses allégations visaient uniquement le harcèlement manifesté à son égard par son gestionnaire en raison de son incapacité physique. Elle a demandé, à titre de mesure corrective, que l’employeur cesse de la harceler.

5        Il est à noter que, bien que la fonctionnaire réclamait initialement plusieurs indemnités pécuniaires dans sa formule de grief, incluant le versement de deux paiements de 20 000,00 $ chacun, aucune preuve ni argument au soutien de ces réclamations ne m’ont été présentés durant l’audience.

II. Résumé de la preuve

6        La fonctionnaire a témoigné qu’elle travaillait pour l’employeur depuis août 1989 et qu’elle occupait, à l’époque pertinente, un poste d’agente de suspension du casier, classifié PM-03, au sein de la Division de la clémence et suspension du casier. Elle souffre de fibromyalgie depuis une vingtaine d’années, une condition médicale qui a eu un impact sur sa capacité à travailler depuis 2002.

7        En 2006, à la suite d’un long congé de maladie de près de trois ans lié à sa condition médicale, la fonctionnaire a entamé un retour progressif au travail. Une évaluation ergonomique a été effectuée à cette époque afin de fournir à la fonctionnaire des outils de travail appropriés. Depuis son retour, la fonctionnaire fournit, tous les trois mois, un certificat médical indiquant qu’elle ne peut travailler que quatre jours par semaine. En mars 2011, après avoir reçu une lettre du médecin de la fonctionnaire, l’employeur souhaitait qu’elle reprenne un horaire de travail complet, à raison de 5 jours par semaine. La fonctionnaire n’a jamais été en mesure de travailler plus de quatre jours par semaine (soit les lundi et mardi et les jeudi et vendredi).

8        En octobre 2009, Brian Bender s’est joint à l’employeur et est devenu le gestionnaire de la fonctionnaire. Il a rencontré la fonctionnaire pour la première fois en janvier 2010. C’est à ce moment qu’il a appris qu’elle souffrait d’une condition médicale qui l’empêchait de travailler plus de quatre jours par semaine.

9        M. Bender a expliqué que l’entrée en vigueur du Projet de loi C-23A, en juin 2010, qui apportait des changements importants à la loi régissant le travail de leur division, avait eu pour effet d’augmenter la charge de travail des agents de suspension du casier et de changer la façon de livrer les services associés à ce programme.

10        En octobre 2010, M. Bender a rencontré la fonctionnaire dans le cadre d’une évaluation du rendement et a soulevé la nécessité de demander à Santé Canada de procéder à une évaluation de son aptitude au travail. M. Bender a témoigné que les problèmes de santé de la fonctionnaire semblaient nuire au rendement de celle-ci. Elle ne semblait plus être en mesure d’assumer toutes les tâches et responsabilités requises par son poste et, par conséquent, sa charge de travail a été allégée à plus d’une reprise. De plus, il arrivait régulièrement qu’elle ne réussisse pas à respecter son horaire de travail de quatre jours par semaine. Elle manquait souvent jusqu’à deux jours de travail par semaine et elle omettait fréquemment de signaler ses absences, ce qui nuisait aux besoins opérationnels de la division. La fonctionnaire n’a pas nié ces faits et a concédé que M. Bender approuvait régulièrement ses demandes de congé de maladie.

11        Selon M. Bender, il était évident que les démarches de 2006 n’avaient pas produit les résultats escomptés et qu’il était impératif de réévaluer la condition médicale et l’aptitude au travail de la fonctionnaire afin de lui donner les outils nécessaires pour qu’elle puisse à nouveau remplir adéquatement les tâches de son travail et satisfaire les obligations organisationnelles de la division. En plus de demander une évaluation par Santé Canada, M. Bender a demandé qu’une nouvelle évaluation ergonomique soit effectuée, puisque la dernière datait d’il y a près de 5 ans.

12        La fonctionnaire a semblé offusquée par les deux demandes de M. Bender. Selon elle, rien ne justifiait de telles demandes. C’est pourquoi elle a refusé de se présenter au bureau de M. Bender, le 11 janvier 2011, alors que celui-ci l’avait convoqué afin de remplir des documents liés à ces demandes. M. Bender a expliqué que ses intentions étaient honnêtes et qu’il demandait ces évaluations afin d’être capable d’offrir à la fonctionnaire un environnement de travail adéquat, tout en respectant les obligations opérationnelles de sa division. Il a même renvoyé la fonctionnaire à une conseillère en ressources humaines afin de lui confirmer que ses demandes et inquiétudes étaient de bonne foi et légitimes. La fonctionnaire a refusé de remplir les documents en lien avec la demande d’évaluation. L’évaluation n’a pu être effectuée.

13        Le 15 mars 2011, M. Bender a convoqué la fonctionnaire à son bureau afin de faire un suivi et de lui remettre de nouveaux documents concernant sa demande d’évaluation de l’aptitude au travail pour qu’elle les remette à son médecin de famille. La demande d’évaluation en question contenait 12 questions précises ayant pour but de mieux comprendre les limitations et les mesures d’adaptation qui s’imposaient. Selon les prétentions de la fonctionnaire, son médecin de famille lui a dit qu’une telle demande s’apparentait à du harcèlement. Elle a ajouté qu’il avait refusé de répondre aux questions plus que pertinentes de M. Bender et qu’il avait plutôt proposé de remettre à ce dernier une courte lettre qui recommandait une fois de plus un horaire de travail à temps partiel de quatre jours par semaines, sans aucune autre information additionnelle. J’ose espérer que le témoignage de la fonctionnaire sur ce point est erroné et que son médecin de famille n’a pas vraiment agi de la sorte. Toutefois, je constate que la lettre du Dr Jimmy Paquet du 18 mars 2011 (pièce F-6), semble être la seule réponse de celui-ci à la demande d’évaluation détaillée de M. Bender. Encore une fois, aucune évaluation de l’aptitude au travail n’a pu être effectuée à cette époque.

14        Un an plus tard, la fonctionnaire a remis à M. Bender, en main propre, une lettre d’un autre médecin de famille, datée cette foi du 24 mai 2012. Cette lettre était encore plus courte que celle du Dr Paquet et répétait que la fonctionnaire devait continuer de travailler selon un horaire de quatre jours par semaine. M. Bender ne se souvient pas d’avoir reçu cette lettre. Je note que la lettre en question ne contient aucune adresse postale. Quoi qu’il en soit, vers la fin mai 2012, M. Bender a cru bon réitérer sa demande voulant qu’une évaluation de l’aptitude au travail soit effectuée par Santé Canada. Jusqu’à cette date, il n’avait reçu aucune information pertinente de la part des médecins de famille de la fonctionnaire, et cela, malgré ses demandes antérieures. M. Bender a ajouté qu’il avait fourni à la fonctionnaire les raisons qui motivaient ces demandes d’évaluation et qu’il lui avait dit que l’évaluation pouvait être effectuée par Santé Canada ou par son médecin de famille. M. Bender a demandé à la fonctionnaire de choisir qui procéderait à l’évaluation de l’aptitude au travail et de lui remettre le formulaire de consentement approprié le 8 juin 2012 au plus tard, ce que la fonctionnaire a refusé de faire. Aucune évaluation n’a été effectuée.

15        Selon la fonctionnaire, elle ne s’est pas présentée au travail après le 12 juin 2012; elle est en congé de maladie depuis. Elle reçoit des prestations d’assurance invalidité de la Financière SunLife et songe à prendre une retraite médicale d’ici peu. Il est à noter que l’unique condition médicale liée aux prestations d’assurance invalidité est la fibromyalgie. La fonctionnaire a confirmé qu’elle n’avait aucune preuve médicale pouvant établir que son congé de maladie avait été causé par la conduite ou les actes de M. Bender ou de tout autre employé de l’employeur. Elle a également confirmé n’avoir jamais déposé de plainte de harcèlement à l’encontre de M. Bender ou de tout autre employé de l’employeur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

16        Les arguments de la fonctionnaire ont été très succincts. Essentiellement, celle-ci a argumenté que l’employeur, plus particulièrement M. Bender, l’avait harcelée en raison de son incapacité physique. Selon elle, les comportements de M. Bender représentent clairement une manifestation de harcèlement et, de fait, constituent une violation de la convention collective.

17        Elle a également soutenu que M. Bender avait créé, de façon répétitive et persistante, un climat hostile qui portait atteinte à sa dignité personnelle.

18        Finalement, la fonctionnaire a maintenu que M. Bender n’avait pas de motif raisonnable pour demander une évaluation de son aptitude au travail et que de telles demandes ne devraient être envisagées que dans des circonstances exceptionnelles.

19        La fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35; Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15; Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41; LaBranche c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur), 2010 CRTFP 65; Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2005 CRTFP 150.

B. Pour l’employeur

20        L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait imputé des intentions malveillantes à l’égard de M. Bender sans motif valable ou légitime. Celui-ci m’a rappelé que la fonctionnaire n’avait pas, pendant près de trois ans, présenté de plainte de harcèlement à l’endroit de M. Bender, ni même soulevé cette question lors de correspondances ou de rencontres impliquant M. Bender.

21        Selon l’employeur, il était raisonnable, dans les circonstances, de demander une nouvelle évaluation de l’aptitude au travail de la fonctionnaire. Celui-ci m’a rappelé que la fonctionnaire était revenue d’un congé de maladie de près de trois ans en 2006, qu’elle avait entamé ce qui s’était avéré être un long retour progressif au travail et qu’elle n’était jamais retournée à un horaire de travail à temps plein depuis son retour en 2006. Il m’a également rappelé le témoignage de M. Bender, selon lequel la fonctionnaire ne semblait plus être en mesure d’assumer toutes les tâches et responsabilités requises par son poste. Il a ajouté qu’elle ne réussissait pas à respecter son horaire de travail de quatre jours par semaine sur une base régulière, manquant souvent jusqu’à deux jours de travail par semaine.

22        L’employeur a maintenu qu’il était raisonnable de tenter d’obtenir l’avis de professionnels de la santé afin de déterminer si des mesures d’adaptation additionnelles s’imposaient dans les circonstances, et de quelle façon la direction pourrait satisfaire les besoins opérationnels de la division. Il était également raisonnable, selon lui, de s’attendre à ce que la fonctionnaire fasse preuve d’ouverture d’esprit et qu’elle collabore aux démarches entreprises par M. Bender, ce qu’elle n’a pas fait.

23        Selon l’employeur, les notes médicales fournies par la fonctionnaire n’offraient aucune information précise lui permettant de comprendre pourquoi elle n’était pas en mesure de reprendre un horaire de travail à temps plein, si elle arriverait à reprendre un tel horaire et quelles mesures d’adaptation pouvaient accélérer le processus.

24        L’employeur a fait valoir que les trois tentatives de M. Bender d’obtenir une évaluation de l’aptitude au travail de la fonctionnaire sur une période de trois ans ne peut, dans les circonstances, constituer du harcèlement.

25        Au soutien de ses arguments, l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 127; Sioui c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 44; Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90; Scheuneman c. Canada (Procureur général), 2000 CanLII 16701 (CAF); Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60.

IV. Motifs

26        La fonctionnaire allègue que l’employeur, plus particulièrement M. Bender, l’a harcelé en raison de son incapacité physique et qu’il a ainsi enfreint la convention collective.

27        La clause 19.01 de la convention collective porte sur l’élimination du harcèlement en milieu de travail et se lit comme suit :

ARTICLE 19

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01 Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e [sic] du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié [sic].

[…]

[Je souligne]

28        Il reste à déterminer si les gestes reprochés à l’employeur, plus particulièrement à M. Bender, s’apparentent à du harcèlement.

29        Contrairement à ce qu’a fait valoir la fonctionnaire, la preuve n’a pas démontré que M. Bender avait créé, de façon répétitive et persistante ou même à une seule occasion, un climat hostile qui portait atteinte à la dignité personnelle de la fonctionnaire. Même lorsqu’il existe des tensions ou de l’animosité au travail, ce qui n’a pas été démontré dans ce cas, il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour conclure au bien-fondé d’une allégation de harcèlement.

30        Ce qui ressort de la preuve se résume essentiellement en quatre évènements principaux sur une période de près de trois ans : 1) une discussion concernant la possibilité de procéder à une évaluation de l’aptitude au travail en octobre 2010, soit une année complète après l’arrivée de M. Bender; 2) une demande d’évaluation de l’aptitude au travail par Santé Canada, ainsi qu’une demande d’évaluation ergonomique, en janvier 2011; 3) un suivi de la demande d’évaluation de l’aptitude au travail, cette fois par le médecin de famille de la fonctionnaire, en mars 2011; 4) un dernier suivi relativement à la demande d’évaluation de l’aptitude au travail, par Santé Canada ou par le médecin de famille de la fonctionnaire, en juin 2012, soit plus d’un an après la dernière demande.

31        Contrairement à ce qu’a fait valoir la fonctionnaire, la preuve a démontré que M. Bender avait des motifs raisonnables et légitimes de demander une évaluation de l’aptitude au travail de celle-ci.

32        Dans les circonstances, l’objectif de M. Bender de tenter de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une employée ayant une incapacité physique était légitime. Il était également légitime de tenter d’obtenir de l’information additionnelle et précise quant aux aptitudes de travail de la fonctionnaire, afin de lui fournir un milieu de travail sécuritaire et approprié et afin de veiller au respect des obligations organisationnelles de la division. Un employeur a le droit d’organiser son lieu de travail.

33        J’ai du mal à comprendre pourquoi un médecin de famille refuserait de remplir des formulaires d’évaluation de l’aptitude au travail afin de pouvoir déterminer les limitations de son patient et les mesures d’adaptation nécessaires et pourquoi il se contenterait de fournir des notes médicales contenant peu de renseignements utiles. Ce genre d’approche ne peut que nuire à la personne qui le consulte en vue d’avoir de l’aide et du support.

34        Rien dans la preuve présentée par les parties ne me porte à croire que M. Bender, ou tout autre employé de l’employeur, ait harcelé la fonctionnaire. Aucun comportement malséant ou blessant envers la fonctionnaire n’a été démontré. De même, aucun propos, action ou exhibition répréhensible destiné à humilier, rabaisser ou embarrasser la fonctionnaire n’a été soulevé. Il incombait à la fonctionnaire de présenter une preuve prima facie du harcèlement allégué. Elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

35        Je suis d’avis que M. Bender a agi de bonne foi et que sa conduite est loin de s’apparenter à du harcèlement. La preuve ne me permet tout simplement pas d’établir qu’il a outrepassé les pouvoirs qui lui sont dévolus à titre de gestionnaire, ni qu’il a ciblé la fonctionnaire ou cherché à la rabaisser ou à l’humilier. Il s’agit, selon moi, d’allégations frivoles qui ne méritaient pas l’attention que je leur ai apportée.

36        Je ne peux faire abstraction du fait que la fonctionnaire a quitté son travail le 12 juin 2012, qu’elle est en congé de maladie depuis, qu’elle reçoit des prestations d’assurance invalidité de la Financière SunLife, qu’elle songe à prendre une retraite médicale d’ici peu et que l’unique condition médicale invoquée par la fonctionnaire afin d’obtenir ces prestations d’assurance invalidité est la fibromyalgie. Compte tenu de ces faits, il est difficile de porter un jugement négatif à l’égard de M. Bender, qui tentait d’obtenir des informations sur l’état de santé et les aptitudes au travail de la fonctionnaire. Ses inquiétudes étaient évidemment fondées si l’on considère la suite des choses. Une appréciation minutieuse de la preuve m’a convaincu que M. Bender avait des raisons sérieuses et légitimes de croire que l’état de santé de la fonctionnaire était tel que celle-ci ne pouvait pas s’acquitter convenablement des fonctions de son poste ou respecter son horaire de travail de quatre jours par semaine.

37        Compte tenu de l’état de santé de la fonctionnaire, de son absentéisme, de ses problèmes de rendement, des inquiétudes de M. Bender quant aux besoins organisationnels de sa division et des congés de maladie prolongés de la fonctionnaire tant avant l’époque pertinente (de 2002 à 2006) qu’après (de 2012 à ce jour), il est difficile de conclure que M. Bender a agi de façon déraisonnable, et encore moins qu’il a harcelé la fonctionnaire.

38        J’ai noté que les décisions invoquées par la fonctionnaire ne traitaient pas de harcèlement, mais plutôt de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation, une question qui n’est pas en litige dans cette affaire. La fonctionnaire m’a renvoyé à plusieurs passages qui ne me sont aucunement utiles dans la décision que je dois prendre, ainsi qu’à des décisions qui ne s’appliquent pas aux faits de cette affaire. Par exemple, dans Grover, l’employeur a exigé d’un employé, lequel s’était toujours acquitté de ses fonctions de façon satisfaisante, qu’il se soumette à un examen médical par un autre médecin que le sien et il lui a interdit de se présenter au travail tant qu’il ne s’était pas conformé à cette exigence. Il va de soi que nous sommes loin d’être en présence de tels faits dans l’affaire qui nous concerne.

39        Il ne s’agit pas ici d’une situation où l’employeur a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation raisonnables afin d’accommoder les limitations fonctionnelles de la fonctionnaire. Ce n’est pas ce qui est allégué dans ce grief. Bien au contraire, les gestes de M. Bender semblaient plutôt motivés par cette obligation de prendre des mesures d’adaptation.

40        Tel que je l’ai indiqué d’emblée, aucune preuve ou argument au soutien d’un préjudice moral ou autre, qu’aurait subi la fonctionnaire ne m’a été présenté durant l’audience.

41        Finalement, je tiens à préciser qu’aucune des observations que j’ai formulées dans la présente décision ne doit être interprétée comme une tentative de banaliser la condition médicale de la fonctionnaire. Il n’en reste pas moins que, pour les motifs que j’ai exposés, je ne puis faire droit aux allégations de harcèlement contenues dans son grief, celles-ci étant selon moi frivoles et sans fondement.

42        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

43        Le grief est rejeté.

Le 22 mars 2016.

Stephan J. Bertrand,
une formation de
la Commission des relations de travail
et de l'emploi dans la fonction publique

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