Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sommaire  Le plaignant était un candidat non retenu dans le cadre d’un processus  interne annoncé relativement à une nomination intérimaire. Il allègue que le défendeur a abusé de son pouvoir en ce qui concerne l’application du mérite, et prétend qu’une des personnes membres du comité d’évaluation a fait preuve de parti pris, que les documents utilisés pour effectuer l’évaluation des candidats étaient inadéquats et que le processus menant au choix de la personne nommée avait été entaché de favoritisme et de discrimination fondée sur l’origine ethnique. DécisionLa Commission a conclu que, bien que le plaignant ait eu un différend avec l’une des personnes membres du comité d’évaluation, cette dernière s’était retirée du processus d’évaluation du plaignant et n’y avait joué aucun rôle. Il n’existait aucune crainte raisonnable de partialité. La Commission était également convaincue que les candidats avaient été évalués correctement et que la note attribuée au plaignant n’était pas injuste. De plus, aucun élément de preuve à l’appui du favoritisme personnel n’a été présenté par le plaignant. Le fait d’élargir la zone de sélection à toute une région, permettant ainsi l’inclusion de la personne nommée, ne constitue pas un exemple de favoritisme personnel. La Commission a reconnu que la langue anglaise étant la langue seconde du plaignant, puisque ce dernier est originaire de l’Europe de l’Est. Ce fait pouvait constituer un motif de discrimination fondé sur l’origine ethnique. Néanmoins, la simple affirmation du plaignant qu’un motif de discrimination illicite avait eu une incidence sur le résultat de son évaluation ne suffit pas pour établir que la discrimination était un facteur. Le fait d’avoir échoué à la partie relative à la compétence en rédaction de son évaluation était justifié de façon objective. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-04-12
  • Dossier:  2014-9342
  • Référence:  2016 CRTEFP 33

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ANTHONY DROZDOWSKI

plaignant

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada)

défendeur

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)


Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour le défendeur:
Léa Bou Karam, avocate, groupe Droit du travail et de l’emploi, ministère de la Justice
Pour la Commission de la fonction publique :
Luc Savard (arguments écrits)
Entendue à Halifax, Nouvelle-Écosse
les 16 et 17 février 2016
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1        Le plaignant, Anthony Drozdowski, était un candidat qui n’a pas été retenu dans le cadre du processus interne annoncé 2014-SVC-ACIN-NS-15953 relativement à une nomination intérimaire au poste de gestionnaire régional, Opérations ministérielles, au groupe et niveau AS-06, au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (« TPSGC »). Selon ses allégations, le défendeur, l’administrateur général de TPSGC, a abusé de son pouvoir en ce qui concerne l’application du mérite. Plus particulièrement, le plaignant allègue un parti pris de la part d’un des membres du comité d’évaluation, le caractère inadéquat des documents pour effectuer une évaluation, du favoritisme dans la sélection de la personne nommée et, finalement, un acte discriminatoire fondé sur l’origine ethnique.

2        Le défendeur nie les allégations et maintient que le comité d’évaluation a agi de façon appropriée et que le candidat retenu répondait à toutes les qualifications essentielles.

3        La Commission de la fonction publique (la « CFP ») n’était pas présente à l’audience. Elle a présenté des arguments écrits sur les politiques de la CFP et la jurisprudence à l’égard des questions. Elle n’a adopté aucune position quant au bien-fondé de l’affaire.

4        La plainte a été déposée devant le Tribunal de la dotation dans la fonction publique (le « Tribunal ») le 30 septembre 2014. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2013, ch. 40, art. 365, est entrée en vigueur et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »). Cette nouvelle Commission a remplacé le Tribunal et la Commission des relations de travail dans la fonction publique et a la responsabilité de trancher les plaintes présentées en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la « LEFP »). Par conséquent, cette décision est rendue par une formation de la Commission.

5        Pour les motifs qui suivent, je conclus que la plainte n’est pas justifiée.

II. Contexte

6        Le plaignant a présenté sa candidature dans le cadre du processus de nomination AS-06 en mai 2014. Le processus était ouvert aux employés de TPSGC dans la région de l’Est (Canada Atlantique).

7        Le plaignant a été sélectionné dans le cadre du processus. Les qualifications essentielles comprenaient les suivantes :

· Connaissance des principales politiques, lignes directrices et/ou pratiques dans au moins un domaine des opérations ministérielles

· Aptitude à communiquer efficacement par écrit

· Réflexion stratégique

· Engagement

· Excellence en gestion

8        Le défendeur prévoyait faire passer un examen écrit afin d’évaluer les connaissances et l’aptitude à la rédaction. Après avoir fait passer un examen avec documentation, le défendeur a décidé de faire passer un examen sans documentation afin de mieux évaluer l’aptitude à la rédaction. Ce deuxième examen permettait également d’évaluer la réflexion stratégique. Après les deux examens, une entrevue avec des questions ouvertes a été menée afin d’évaluer, entre autres compétences, l’engagement et l’excellence en gestion. Le plaignant a réussi la partie portant sur les connaissances, mais a échoué aux parties sur la réflexion stratégique, l’engagement et l’excellence en gestion (gestion des mesures).

9        Une discussion informelle a eu lieu le 14 novembre 2014. Le défendeur a maintenu sa position selon laquelle l’attribution des notes avait été équitable.

10        La plainte est présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP; le plaignant allègue que le défendeur a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

III. Questions

11        Les questions à trancher sont les suivantes :

1. Y a-t-il eu un parti pris dans l’évaluation du plaignant en raison de la participation de Mme Bruce?

2. Les documents d’évaluation étaient-ils inadéquats et le plaignant a-t-il été évalué d’une manière inéquitable?

3. Y a-t-il eu du favoritisme?

4. Un acte discriminatoire a-t-il été commis dans le cadre du processus de nomination?

IV. Analyse

12        Les dispositions de la LEFP aux fins de la présente plainte sont les suivantes :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle na pas été nommée ou fait lobjet dune proposition de nomination pour lune ou lautre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

30 (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

 (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir; […]

13        Le plaignant allègue un abus de pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications. Comme il est indiqué dans Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8 au paragr. 71, un abus de pouvoir est essentiellement une mesure que le législateur n’aurait pu envisager dans le cadre du pouvoir discrétionnaire conféré à l’autorité déléguée. En d’autres termes, agir d’une façon « outrageuse, déraisonnable ou inacceptable ». Comme le Tribunal l’a souvent déclaré, un abus de pouvoir est une question de degré. Il ne peut pas s’agir d’une omission ou d’une erreur équivalant à un abus de pouvoir; le comportement doit plutôt être d’une nature si flagrante qu’il ne peut pas être envisagé par le gestionnaire délégué dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.

14        Il est important également d’indiquer que le fardeau de la preuve incombe au plaignant; ce dernier doit établir que le défendeur a commis une erreur de nature si grave qu’elle constitue un abus de pouvoir.

Question 1 – Y a-t-il eu un parti pris dans l’évaluation du plaignant en raison de la participation de Mme Bruce?

15        Une des trois membres du comité d’évaluation, Kelley Bruce, est la superviseure immédiate du plaignant. Le plaignant allègue qu’avant ce processus de nomination, un conflit s’était développé entre Mme Bruce et lui-même à l’égard de son rendement; selon le plaignant, ce conflit a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité dans son évaluation.

16        Le plaignant a cherché à présenter un protocole d’entente (PE) lié à un règlement conclu le 11 avril 2013, entre le plaignant et le défendeur concernant un conflit entre le plaignant et Mme Bruce. Le défendeur s’y est opposé, car les modalités du PE étaient confidentielles. J’ai accueilli l’objection du défendeur. De toute façon, j’ai tenu pour avérés les problèmes antérieurs qui étaient survenus entre le plaignant et Mme Bruce à l’égard de son rendement. J’ai également reçu une preuve selon laquelle Mme Bruce s’était récusée en tant que membre du comité d’évaluation de la candidature du plaignant. Selon une note manuscrite de Morgan Morrissey, un conseiller en ressources humaines : [traduction] « Kelley Bruce est la superviseure immédiate du poste d’attache d’A. Drozdowski et il y a eu des problèmes liés au rendement dans le passé. Pour assurer l’impartialité du processus, Kelley Bruce s’est récusée en tant que membre du comité pour l’évaluation d’A. Drozdowski. » Cette note figure dans un courriel daté du 28 mai 2014.

17        Le plaignant a déposé une évaluation du rendement que Mme Bruce a menée en tant que de superviseure immédiate. Cette évaluation démontre qu’elle avait indiqué que ses aptitudes à la rédaction étaient insuffisantes.

18        Le plaignant a déposé un organigramme officieux pour démontrer que le poste à pouvoir était au même niveau que celui de Mme Bruce; par conséquent, elle aurait évalué une personne faisant partie de la même équipe de gestion.

19        Même si Mme Bruce n’était pas censée évaluer la candidature du plaignant, elle était effectivement présente à la réunion du 14 novembre 2014 afin d’échanger des renseignements, après le dépôt de la plainte. La gestionnaire déléguée, Mme Wade, y a participé par téléphone. Mme Cainey, une représentante de l’agent négociateur qui a participé à la réunion, a témoigné en disant que Mme Bruce était celle ayant signalé plusieurs lacunes dans l’examen du plaignant. Mme Wade a affirmé que Mme Bruce était présente à la réunion, non pas en tant que membre du comité d’évaluation, mais en tant que gestionnaire régionale en ressourcement.

20        Selon le plaignant, il était clair que Mme Bruce avait continué de s’impliquer dans l’évaluation du plaignant, comme le démontre sa participation à la réunion d’échange de renseignements du 14 novembre 2014. Elle avait un esprit fermé à l’égard des aptitudes à la rédaction du plaignant, comme le démontrait l’évaluation du rendement.

21        Selon la preuve du défendeur, tel que démontré dans le courriel joint à la « déclaration d’impartialité », Mme Bruce n’a pas participé à l’évaluation du plaignant, ce que Mme Wade a confirmé soigneusement. Mme Wade a également affirmé que l’autre membre du comité d’évaluation, Glen Hynes, et elle-même étaient les seuls à évaluer les examens écrits et à mener l’entrevue avec le plaignant.

22        Comme l’a conclu le Tribunal dans Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, un parti pris de la part du comité d’évaluation constituerait un abus de pouvoir.

23        La question liée à la partialité dans le contexte des tribunaux administratifs a été tranchée par la Cour suprême du Canada dans Newfoundland Telephone Company c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities) [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] S.C.J. no 21 (QL). Dans cette décision, la Cour suprême déclare que l’obligation d’agir équitablement, l’obligation de tout arbitre de grief, interdit une approche partiale :

Bien que tous les corps administratifs soient soumis à l’obligation d’agir équitablement, l’étendue de cette obligation tient à la nature et à la fonction du tribunal en question. Voir Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui [1980] 1 R.C.S. 602. L’obligation d’agir équitablement comprend celle d’assurer aux parties l’équité procédurale, qui ne peut tout simplement pas exister s’il y a partialité de la part d’un décideur. Il est évidemment impossible de déterminer exactement l’état d’esprit d’une personne qui a rendu une décision d’une commission administrative. C’est pourquoi les cours de justice ont adopté le point de vue que l’apparence d’impartialité constitue en soi un élément essentiel de l’équité procédurale. Pour assurer l’équité, la conduite des membres des tribunaux administratifs est appréciée par rapport au critère de la crainte raisonnable de partialité. Ce critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur. [paragr. 22 (QL)]

24        Ce critère a été reformulé dans le contexte des décisions de dotation dans Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, où le Tribunal a déclaré ce qui suit :

 [126] Dans une décision plus récente, Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities) [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] A.C.S no 21 (QL), au paragraphe 22 (QL), la Cour suprême définit ce même critère en ces termes : « Ce critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur. » Le critère objectif énoncé par la Cour suprême dans les décisions Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie et Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve s’applique également en l’espèce : les membres du comité d’évaluation ont le devoir d’agir de manière juste, ce qui implique de pratiquer une évaluation impartiale. Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’un ou de plusieurs membres du comité d’évaluation, le devoir d’agir de manière juste n’a pas été observé. Il est également important de souligner qu’une des valeurs clés énoncées dans le préambule de la LEFP est l’équité.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

25        Dans Gignac, ce critère a une fois de plus été reformulé lorsque le Tribunal est arrivé à la conclusion que la partialité, ou une perception raisonnable de partialité constituerait un abus de pouvoir. Dans Gignac, le « reasonably informed bystander » (observateur relativement bien renseigné) devient le « relatively informed bystander » (observateur relativement bien renseigné) dans la version anglaise, un cas malheureux de retraduction. Dans Newfoundland Telephone, le « reasonably informed bystander » en anglais devient « un observateur relativement bien renseigné » dans la version française. Lorsque Denny, publiée originalement en anglais, a été traduite en français, le traducteur a eu recours à la terminologie de la Cour suprême du Canada. Gignac a été publiée en français et, une fois de plus, le Tribunal a eu recours à la terminologie française de la décision de la Cour suprême dans Newfoundland Telephoneobservateur relativement bien renseigné »). Lorsque la décision a été traduite en anglais, plutôt que de revenir au terme original (« reasonably informed bystander »), le traducteur a traduit l’expression « relativement bien renseigné » par « relatively informed ». En anglais, le critère de la partialité en tant qu’abus de pouvoir est ainsi devenu dans Gignac :

If a relatively informed bystander can reasonably perceive bias on the part of one or more persons responsible for assessment, the Tribunal can conclude that abuse of authority exists. (Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir). [paragr. 74]

26        Compte tenu de l’historique de la terminologie, je crois que le critère peut être reformulé comme suit : si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir.

27        En l’espèce, l’analyse fondée sur la crainte raisonnable de partialité ne peut pas s’appliquer à Mme Bruce, car elle n’a pas participé à l’évaluation du plaignant. Sa participation à l’échange de renseignements était malheureuse, mais cela s’est produit longtemps après l’évaluation. La preuve verbale et écrite de Mme Wade et les notes de M. Hynes, l’autre membre du comité d’évaluation, à l’égard des formulaires d’entrevue et des notes aux examens, justifient amplement les notes obtenues par le plaignant et par la personne nommée. Mme Wade et M. Hynes ont corrigé les examens écrits, et ils ont mené l’entrevue avec le plaignant. Mme Bruce n’a pas participé à l’évaluation du plaignant.

28        Je conclus qu’un observateur relativement bien renseigné ne pourrait pas percevoir de partialité, car Mme Bruce n’avait aucun pouvoir sur les décisions rendues pendant le processus de sélection, et Mme Wade et M. Hynes sont arrivés à leurs propres conclusions de façon indépendante.

Question 2 – Les documents d’évaluation étaient-ils inadéquats et le plaignant a-t-il évalué d’une manière inéquitable?

29        L’évaluation a été menée au moyen d’examens écrits et d’une entrevue. On a fait passer le premier examen par Internet. Le plaignant a copié une bonne partie de sa réponse directement à partir du site Web du défendeur. Le candidat retenu a également copié les renseignements du site Web, mais à un moindre degré.

30        Le défendeur s’est rendu compte qu’il serait difficile d’évaluer les aptitudes à la rédaction si le document était essentiellement copié. En conséquence, on a fait passer aux candidats un deuxième examen surveillé dans le cadre duquel ils n’avaient accès à aucun document.

31        Le plaignant a échoué aux deux examens concernant l’aptitude à la rédaction. Dans le premier, il a commis des erreurs grammaticales. Dans le deuxième, on a jugé que la présentation et le contenu étaient insatisfaisants.

32        Le plaignant a indiqué que les directives et les critères d’évaluation concernant l’examen écrit étaient vagues et ambigus. Dans le premier examen, il n’y avait aucune directive relativement à la copie. Dans le deuxième examen, on ne demandait qu’une page d’information sur un sujet donné. Aucune mise en forme particulière n’était requise.

33        Dans son témoignage, on a demandé à Mme Wade de comparer les deuxièmes examens du plaignant et de la personne nommée. Elle a signalé plusieurs différences évidentes. Alors que le plaignant a essentiellement rédigé un bloc de texte sans interruption, à l’exception de la ponctuation, le texte de la personne nommée démontrait un meilleur usage de l’espace, plusieurs paragraphes et une liste en style télégraphique. Elle a ajouté que le texte de la personne nommée était plus facile à suivre et plus intelligible.

34        Les documents utilisés pour évaluer les candidats étaient exhaustifs et détaillés,

et je n’ai été saisie d’aucune preuve selon laquelle le plaignant avait fait l’objet d’une évaluation inéquitable. Visiblement, le plaignant n’est pas d’accord avec les exigences du défendeur en matière de rédaction. Mme Wade a parlé de flux, de lisibilité et de facilité de compréhension. Le plaignant soutient qu’un plus grand nombre de directives auraient dû être données et que le défendeur aurait dû indiquer qu’il voulait un plus grand nombre de paragraphes et une liste en style télégraphique si c’est ce qui était demandé. Malheureusement, le plaignant a mal compris – ce sont les aptitudes à communiquer que l’on cherchait à évaluer, parmi lesquelles il y avait la lisibilité.

35        Le plaignant a déclaré que différentes clés de correction ont été utilisées — la correction de son deuxième examen ne comprenait aucun commentaire, alors que des commentaires figuraient dans l’examen de la personne nommée, ce qui, selon lui, démontre qu’une décision avait été rendue à l’égard des aptitudes à la rédaction sans que l’on tienne compte de l’examen écrit. Aucun commentaire n’apparaissait sur son deuxième examen, par ailleurs les notes attribuées à l’examen étaient présentes. Comme il a été indiqué ci-dessus, à l’audience, Mme Wade a clairement expliqué le raisonnement justifiant l’évaluation du deuxième examen. Je ne considère pas cette évaluation comme étant arbitraire.

36        En ce qui concerne les réponses données pendant l’entrevue, aucun motif ne me laisse croire que le plaignant avait été évalué de manière inéquitable à leur égard. Les feuilles de pointage pour les deux candidats comprennent des rapports détaillés concernant leurs réponses. Le comité d’évaluation doit jouir d’une certaine liberté pour déterminer ce qui constitue des réponses satisfaisantes et la mesure selon laquelle les réponses tiennent compte des qualités recherchées, comme l’engagement ou l’excellence en gestion. La Commission n’a pas pour tâche de réévaluer les candidats; je suis convaincue que les candidats ont été adéquatement évalués, le plaignant n’a soulevé aucune preuve de correction injuste. Les points ont été attribués selon l’échelle présentée dans les formulaires d’entrevue; ces points peuvent être justifiés par les réponses consignées.

Question 3 – Y a-t-il du favoritisme?

37        En vertu du paragraphe 2(4) de la LEFP,on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. Par conséquent, le critère ne consiste pas à déterminer s’il y a eu du favoritisme, mais s’il y a eu du favoritisme personnel. On entend par favoritisme personnel une personne nommée qui a été choisie, non pas en fonction de ses qualifications, mais en raison d’une relation personnelle existant entre elle et le décideur. Comme il est indiqué dans Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, une preuve de relation personnelle favorisant un candidat peut être directe ou indirecte. Dans Turner c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2009 TDFP 22, aux paragraphes 93 et 94, le Tribunal, en s’inspirant de Glasgow et de Beyak c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7, donne différents exemples de mesures qui peuvent être perçues comme étant motivées par le favoritisme personnel : la sélection d’une personne en raison d’une relation personnelle, à titre de faveur personnelle ou pour obtenir une faveur personnelle, la préparation d’une description de travail qui ne correspond pas aux fonctions réelles d’un poste pour assurer une classification supérieure et une rémunération plus élevée, l’établissement des qualifications essentielles dans le but d’assurer la nomination d’une personne en particulier, sans égard pour les exigences réelles du poste à pourvoir, la nomination d’une personne qui ne possède pas les qualifications essentielles du poste.

38        Le plaignant a déclaré que la personne nommée a été favorisée injustement. Cela a été démontré par le fait que le poste, traditionnellement situé à Halifax, en Nouvelle-Écosse, a été transféré à St. John’s, à Terre-Neuve, pour convenir à la personne nommée. Mme Wade a expliqué que, pour offrir une plus grande possibilité dans l’ensemble de la région de l’Est du défendeur (le Canada Atlantique), le poste avait été annoncé pour cette région, et non pas seulement pour Halifax. Pendant la période intérimaire de six mois, les fonctions du poste pouvaient être exercées à partir de n’importe lequel des emplacements de l’Est du défendeur.

39        Le plaignant n’a présenté aucune preuve de favoritisme personnel. L’ouverture du processus de sélection à l’ensemble de la région de l’Est impliquait l’apport d’une mesure d’adaptation quant à l’emplacement dans l’éventualité où une personne de l’extérieur d’Halifax serait le candidat retenu. Je ne peux pas considérer cela comme un exemple de favoritisme personnel.

40        Le plaignant a également fait mention de la mère de la personne nommée qui, apparemment, travaille dans la [traduction] « Cité parlementaire ». Aucune preuve n’a été présentée à l’égard de ce point et sa pertinence n’a pas non plus été expliquée. Je conclus qu’il n’y avait aucune preuve d’abus de pouvoir au motif d’un favoritisme personnel.

Question 4 – Un acte discriminatoire a-t-il été commis dans le cadre du processus de nomination?

41        Le plaignant a déclaré avoir fait l’objet de discrimination en raison de son origine ethnique. L’anglais est sa langue seconde; pour cette raison, fait-il valoir, ses examens ont fait l’objet d’un examen plus minutieux que ceux de la personne nommée. Selon le plaignant, il y avait une discrimination évidente dans le traitement qu’il a reçu. Le premier examen avait fait l’objet d’un examen plus attentif, car on remettait en question ses aptitudes à la rédaction; pour ce même motif, des critères plus stricts ont été appliqués dans le deuxième examen écrit.

42        On peut considérer la discrimination comme un abus de pouvoir. L’article 80 de la LEFP prévoit que « [l]orsqu’elle décide si la plainte est fondée, la Commission des relations de travail et de l’emploi peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne » [L.R.C., 1985, ch. H-6, « LCDP »]. L’origine nationale ou ethnique est l’un des motifs de discrimination illicites indiqués au paragraphe 3(1) de la LCDP.

43        Pour établir la discrimination, le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination. Il faut faire la démonstration d’un traitement négatif, lié à un motif de discrimination illicite (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39).

44        Le défendeur a fait valoir que le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination. L’anglais langue seconde n’est pas un motif de discrimination en vertu de la LCDP.

45        Je crois que l’allégation du plaignant peut être interprétée un peu plus largement. Je crois comprendre que son allégation de discrimination est fondée sur son origine ethnique, c’est-à-dire est européen. D’après son raisonnement, en raison de son origine ethnique, l’anglais est sa langue seconde; et parce que l’anglais est sa langue seconde, il a été traité injustement.

46        Je peux accepter que, dans certains cas, il soit possible de démontrer un acte discriminatoire fondé sur le fait qu’une personne appartienne à un groupe dont l’anglais n’est pas la langue maternelle et que cela pourrait, à juste titre, être considéré comme un acte discriminatoire fondé sur l’origine nationale ou ethnique. Il faudrait alors présenter une preuve selon laquelle le fait que l’anglais ne soit pas la langue maternelle a joué un rôle dans l’évaluation, ce qui n’est pas la même chose qu’une évaluation objective des compétences linguistiques.

47        Le défendeur a fait valoir que rien dans son comportement n’a démontré un préjudice à l’égard du plaignant. Il a eu les mêmes possibilités et il a été évalué de la même façon que tous les autres candidats.

48        Dans la présente affaire, je n’ai relevé aucune preuve de traitement négatif fondé sur l’origine ethnique. Selon le plaignant, son premier examen a été mis à l’écart au motif de la copie, car le défendeur cherchait précisément à déceler des erreurs. Je le vois autrement. D’après les échanges de courriel, il me semble que le défendeur a cherché à être aussi équitable que possible lorsqu’il s’est aperçu que les directives dans le premier examen n’interdisaient pas expressément de copier.

49        Le plaignant a reçu une note parfaite pour les connaissances dans le premier examen, mais des notes d’échec pour les erreurs commises dans les quelques phrases qu’il a rédigées. Il est vrai que la personne nommée a également copié une partie du matériel et commis des erreurs. Cependant, il a copié moins de renseignements et, par conséquent, a pu faire l’objet d’une évaluation plus complète de ses aptitudes à la rédaction. Le défendeur a soigneusement pondéré les notes du premier et du deuxième examen afin d’assurer une évaluation exhaustive.

50        Aucune preuve n’a été présentée quant au type d’acte discriminatoire commis par le comité d’évaluation, autre que le fait que le plaignant estime avoir été évalué injustement. Comme il est indiqué dans Nash c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 10 au paragr. 54, une simple affirmation qu’un motif de discrimination illicite a joué un rôle dans l’évaluation ne suffit pas; il doit y avoir une preuve quelconque pour appuyer l’affirmation. Le Tribunal canadien des droits de la personne a ainsi déclaré dans Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32 au paragr. 41 : « […] le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant ». (Décision confirmée, 2006 CF 785).

51        Le plaignant s’est vu accorder la note de passage pour ses compétences verbales. Le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination, car il n’y avait aucune preuve de traitement négatif lié à son origine ethnique. Le fait qu’il a échoué à la partie de l’évaluation portant sur les aptitudes à la rédaction peut être justifié de façon objective. Comme je l’ai indiqué, je crois que l’évaluation était équitable.

52        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

53        La plainte est rejetée.

Le 12 avril 2016.

(Traduction de la CRTEFP)

Marie-Claire Perrault,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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