Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a soutenu que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en demandant aux fonctionnaires s’estimant lésés de fournir des certificats médicaux chaque fois qu’ils demandaient un congé de maladie – les certificats médicaux devraient être demandés uniquement si l’employeur a établi une tendance aux absences récurrentes – le fait d’avoir un solde négatif de crédits de congé de maladie n’est pas une tendance – l’employeur était d’avis qu’une tendance à l’utilisation des congés de maladie de chaque fonctionnaire s’estimant lésé avait été observée et que, par conséquent, il était justifié qu’il leur demande des certificats médicaux lorsqu’un tel congé était demandé – l’agent négociateur a allégué qu’il y avait eu des violations répétées de la convention collective, ce qui en fait un grief continu – l’employeur a affirmé que le grief avait été présenté tardivement – si le grief était accueilli en raison de sa nature continue, les dommages relatifs à un grief continu seraient limités à la période durant laquelle il pouvait être déposé – l’arbitre de grief a conclu qu’il s’agissait d’un grief continu, puisqu’il y a eu une allégation relative à une violation répétée de la convention collective – aucune preuve ne suggérait que l’employeur avait retardé la procédure de règlement des griefs afin de diminuer le montant d’éventuels dommages – cette affaire est limitée à une rémunération pour la période de 25 jours précédant le dépôt du grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs – le principal enjeu était de déterminer si une tendance avait été constatée pour justifier que l’employeur demande un certificat médical chaque fois qu’un fonctionnaire s’estimant lésé prenait un congé de maladie – l’arbitre de grief a déterminé que le simple fait d’avoir un solde négatif de crédits de congé de maladie n’équivaut pas à une tendance – l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver qu’avant de demander un certificat médical, il avait observé une tendance à l’utilisation des congés de maladie. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-05-17
  • Dossier:  566-02-5253, 5255, 5257, 5266, 5268, 5269, 5271 et 5273
  • Référence:  2016 CRTEFP 42

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBIN WALLACE CAMPBELL, STEVE DOBSON, BRIAN DUBOIS, TANYA HOPKINS, PAM MURCHISON, JAMIE PARIS, TERRY QUILTY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR (Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Campbell c. Conseil du trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
William H. Kydd, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Arianne Bouchard et André Legault, avocats,Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN), région de l’Atlantique
Pour l'employeur:
Christine Langill, avocate
Entendu à Moncton (Nouveau-Brunswick)
du24 au 26 juin 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») dans sa version antérieure à cette date.

2        Le présent arbitrage est le résultat du dépôt de plusieurs griefs, entre le 1er novembre 2010 et le 17 novembre 2010, par 15 agents correctionnels au service de l’Établissement Springhill, situé à Springhill, en Nouvelle-Écosse. Selon les griefs déposés, le Conseil du trésor (Service correctionnel du Canada) (l’« employeur ») a contrevenu à la convention collective en exigeant la production d’un certificat médical dès qu’une demande de congé de maladie était présentée.Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), dont les noms sont énumérés au paragraphe 5, allèguent que cette contraventionconstituait une violation de la clause 31.03 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agentnégociateur »), laquelle venait à échéance, le 31 mai 2010 (la « convention collective »).

3        La clause 31.03 de la convention collective doit être interprétée conjointement avec la clause 31.02 de la convention collective. Ces dispositions sont formulées comme suit :

31.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a. qu’il puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine,

et

b. qu’il ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

31.03 Une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise au [sic] l’Employeur comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 31.02a). Cependant, l’Employeur peut demander un certificat médical à l’employé-e pour qui il a été noté une tendance dans la prise de ses congés de maladie.

4        L’employeur a fait valoir qu’il avait remarqué une tendance relativement à la prise de congés de maladie de la part de chaque fonctionnaire visé et que, par conséquent, il était justifiéde demander à ces derniers qu’ils fournissent un certificat médical lorsqu’ils présentaient une telle demande.

5        L’ancienne Commission a attribué des numéros de dossier aux griefs visés par le présent litige. Les noms des agents correctionnels ayant présenté les griefs, ainsi que la date du dépôt et le numéro de dossier, sont présentés ci-dessous :

• Gregory Henwood, le 1er novembre 2010, dossier 566-02-5261

• Charmaine Chase, le 2 novembre 2010, dossier 566-02-5254

• Brian Dubois, le6 novembre 2010, dossier 566-02-5257

• Jamie McIsaac, le 6 novembre 2010, dossier 566-02-5264

• Pam Murchison, le 8 novembre 2010, dossier566-02-5266, le12novembre2010, dossier566-02-5273, et le13novembre2010, dossier566-02-5256 (avec Steve Dobson)

• Sean Harrison, le 10 novembre 2010, dossier 566-02-5272

• Steve Dobson, le12novembre2010,dossier566-02-5255,et le13novembre2010, dossier566-02-5256 (avec Pam Murchison)

• Marvin Murray, le 12 novembre 2010, dossier 566-02-5267

• Terry Quilty, le 12 novembre 2010, dossier 566-02-5268

• Jamie Paris, le 12 novembre 2010, dossier 566-02-5269

• Tanya Hopkins, le 12 novembre 2010, dossier 566-02-5271

• Robin Campbell, le 13 novembre 2010, dossier 566-02-5253

• Simon MacKey, le 13 novembre 2010, dossier 566-02-5263

• Robert Henderson, le 15 novembre 2010, dossier 566-02-5258

• Deborah Miller, le 17 novembre 2010, dossier 566-02-5265

6        Lors d’une téléconférence préparatoire à l’audience, le 13 juin 2014, l’employeur a demandé à l’agent négociateur de confirmer que les griefs déposés par Mme Hopkins et Mme Chase étaient théoriques puisque l’employeur les avait informées qu’elles n’étaient pas tenues de produire des certificats médicaux.L’agentnégociateur a répondu qu’un litige visant ces deux fonctionnaires était toujours en cours puisqu’elles avaient fait l’objet d’une retenue salariale après avoir pris un congé de maladie sans produire de certificats médicaux.L’agent négociateur a indiqué que les sommes revendiquées seraient précisées dans un exposé conjoint des faits.Il a expliqué que les fonctionnaires ne présenteraient aucun élément de preuve et qu’il s’appuierait sur l’exposé conjoint des faits.

7        L’agent négociateur a également indiqué lors de la téléconférence qu’il retirait trois griefs.En réalité, avant l’audience, le grief de Mme Chase a été retiré, ainsi que les griefs communs de M. Dobson et Mme Murchison et ceux de M. Henwood, M. MacKey, M. McIsaac, Mme Miller, M. Murray, et M. Harrison.Par conséquent, au début de l’audience, les griefs toujoursvisés par l’arbitrage étaient ceux de M. Dobson, de Mme Murchison, de M. Dubois, de M. Quilty, de M. Paris, de Mme Hopkins, et de M. Campbell.

II. Questions préliminaires

8        Au début de l’audience, l’agent négociateur a indiqué que seul M. Campbell serait cité à témoigner.Aucun exposé conjoint des faits n’a été produit.Les deux parties s’entendaient pour dire que les éléments de preuve produits et les arguments entendus ne concernaient que le grief de M. Campbell.

9        L’employeur a indiqué qu’en 2012, il avait annulé l’obligation de produire des certificats médicaux imposée à M. Campbell. Il m’a demandé de trancher la question de savoir si, par conséquent, son grief était théorique.En réponse, l’agent négociateur a soutenu que le point toujours en litigeportait sur le paiement des sommes retenues du salaire de M. Campbell, après que ce dernier eut pris un congé de maladie sans produire de certificat médical.

10        L’employeur a également soulevé la question du respect des délais et a demandé qu’une décision soit rendue à ce sujet.Il a soutenu que la preuve établirait que le 1er décembre 2009, M. Campbell a été informé, par courriel,que toutes ses demandes de congé de maladie devaient dorénavant être attestées par un médecin. Il a également fait valoir qu’il démontrerait que, le 15 octobre 2010, M. Campbell a été informé que son congé de maladie du 19 septembre 2010, serait retenu de son salaire à titre d’[traduction] « absence non autorisée sans rémunération »; le grief à ce sujet n’a été déposé que le 13 novembre 2010.

11        La clause 20.10 de la convention collective prévoit ce qui suit :

Au premier (1er) palier de la procédure, l’employé-e peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 20.05, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de laction ou des circonstances donnant lieu au grief.

12        Selon l’employeur, M. Campbell aurait dû déposer son grief dans les 25 jours suivants le 1er décembre 2009.

13         J’ai conclu que les questions du caractère théorique et du respect des délais seraient abordées dans la décision, après avoir entendu l’ensemble de la preuve.

III. Résumé de la preuve

14        À l’audience, j’ai entendu les témoignages de M. Campbell, de Jeff Earle, le directeur de l’Établissement Springhill, et de Judy Amos, directrice adjointe des opérations de l’Établissement Springhill.

15        M. Campbell a fréquemment souffert de crises d’asthme.Il a commencé à travailler comme agent correctionnel en août 2001, en Colombie-Britannique. Durant cette période, il a eu une crise d’asthme qui lui a valu d’être hospitalisé.

16        En août 2008, il a été muté à l’Établissement Springhill, où il a été employé à titre d’agent correctionnel classifié CX-02.

17        En octobre 2008, M. Campbell a été hospitalisé à la suite d’une grave crise d’asthme et il a été absent de son travail durant un mois après avoir obtenu son congé de l’hôpital.

18        En février 2009, M. Campbell a glissé sur de la glace et s’est blessé à un genou; il a dû s’absenter du travail et recevoir une indemnisation des accidentés du travail pendant environ neuf mois.À son retour au travail, la commission d’indemnisation des accidentés du travail a évalué qu’il était atteint d’une déficience permanente au genougauche de l’ordre de 3 %.Depuis, il ressent presque toujours de la douleur, laquelles’intensifie par temps humide.Il s’est absenté du travail en septembre et en octobre, jusqu’au moment où la commission d’indemnisation des accidentés du travail lui a donné le feu vert pour retourner au travail, le 13 octobre 2009.

19        M. Campbell a également été atteint d’apnée du sommeil, qui a été traité au moyende chirurgie des sinus, dont la dernière remonte à 2009 ou 2010. Des complications liées à cette intervention ont probablement fait en sorte qu’il a dû s’absenter du travail pour un autre deux semaines. Il continue d’avoir des crises d’asthme qui, en plus despoussées de douleur au genou, font en sorte qu’il doit s’absenter du travail.

20        Les agents correctionnels de l’Établissement Springhill ont droit à 15 jours de congé de maladie par année.S’ils les épuisent, ils peuvent se voir accorder deux jours supplémentaires.Les congés de maladie sont cumulatifs.De plus, selon la convention collective, les employés peuvent [traduction] « emprunter » jusqu’à concurrence de 200 heures de congé de maladie.

21        Le 14 septembre 2009, M. Earle, en sa qualité de directeur, a envoyé la note de service reproduite ci-dessous à tous les membres du personnel de l’Établissement Springhill:

[Traduction]

Objet : Gestion des présences

1. La gestion des présences au travail est un élément important de la supervision en milieu de travail.Tous les gestionnaires sont responsables de la supervision continue et détaillée ainsi que de l’analyse de la présence de leurs employés respectifs.

2. Des efforts efficaces de supervision continus pour gérer les présences auront pour effet de réduire nos coûts directs et indirects, et permettront également d’améliorer l’efficience opérationnelle et les programmes, d’améliorer le moral des employés en milieu de travail et de créer un milieu de travail sain et sécuritaire où les employés se présenteront comme prévu.Le Programme de sensibilisation aux présences est également conçu de manière à encourager l’uniformité et léquité dans l’ensemble de létablissementgrâce à une gestion efficace des présences des employés.D’autres précisions relatives aux responsabilités objectives liées au Programme de sensibilisation aux présences à l’Établissement Springhill sont soulignées dans l’Ordre permanent 066.[…]

3. Les employés sont également responsables de la gestion du solde de leurs demandes de congés.Si vous ne le faites pas déjà, je vous recommande d’examiner et de surveiller régulièrement votre rapport sur les congés dans le SGRH.Ces renseignements vous indiqueront ce à quoi vous avez mensuellement et annuellement droit, feront en sorte de veiller à l’exactitude continue des données et vous permettront de planifier en conséquence.

4. Les employés dont le solde restant de congés annuels est problématique (p. ex. solde actuel négatif), votre superviseur ou gestionnaire organisera une rencontre avec vous dans les prochaines semaines afin d’en discuter avec vous.

5. Veuillez prendre le temps d’examiner la situation relative à vos congés et de vous préparer en vue de cette réunion.

6. Nous vous remercions de la collaborationet de l’attention que vous y porterez.

22        En s’appuyant sur la preuve, selon la prépondérance des probabilités, M. Campbell a reçu la note de service en question.Cependant, à l’époque, il n’avait pas la moindre idée du solde de ses congés de maladie.Il a tenté une recherche en ce sens, mais, avant 2012, il n’avait pas accès à ces renseignements. Il ne se souvenait pas d’avoir rencontré son superviseur ni son gestionnaire au sujet du solde de ses congés de maladie à l’époque.

23        L’« Ordre permanent 066 » était attaché à la note de service du 14 septembre 2009.Il semble qu’aucune modification textuelle n’ait été apportée au « Programme de sensibilisation aux présences » depuis juillet 2008. Cette partie contient la disposition suivante :

[Traduction]

Tous les gestionnaires sont responsables de la supervision continue et détaillée ainsi que de l’analyse de la présence de leurs employés respectifs.

Les gestionnaires doivent régulièrement examiner les registres des congés, tout en prenant bien soin den noter toute quantité cumulative, durée inhabituelle et apparence de fréquence excessive, ainsi que tout antécédent important d’une tendance en ce qui concerne l’usage des congés, qu’ils jugeraient inhabituel.

Lorsque l’usage des congés donne lieu à des préoccupations, le gestionnaire doit intervenir le plus rapidement possible.

Les conséquences possibles de l’absentéisme comprennent notamment, sans toutefois sy limiter :

une discussion avec la direction quant à la cause de l’absentéisme;

documentation dans le dossier des congés de l’employé;

intégration des lacunes de rendement dans les rapports dévaluation ou lors des vérifications des références;

l’exigence de fournir des certificats médicaux en cas d’absences futures :

programme de suivi par le superviseur ou gestionnaire;

limites imposées par les gestionnaires à l’égard de la participation à des activités nécessitant la fidélité;

limites imposées par les gestionnaires à légard des échanges de quarts ou des heures supplémentaires;

refus d’accorder le privilège de se voir avancer descrédits de congé;

unequantité peu élevée de crédits de congé de maladie lorsqu’un employé se blesse ou est malade et qu’il n’a pas suffisamment de crédits de congé de maladie pour avoir une protection salariale pour l’ensemble de son absence;

renvoi à Santé Canada pour une évaluation de la capacité de s’acquitter de ses fonctions;

imposition de mesures correctives axées sur le rendement en raison d’absences excessives;

congédiement lié à l’incapacité à exécuter les tâches du poste.

Les gestionnaires doivent s’assurer d’avoir bien communiqué leurs attentes à leur personnel et que suffisamment de temps a été prévu pour adéquatement évaluer si les employés répondent à ces attentes.

24        L’Ordre permanent 66 donne une description du Programme de sensibilisation aux présences.M. Earle a dirigé la mise en œuvre d’un comité de gestion sur la sensibilisation aux présences dont l’objectif était d’assurer la surveillance du Programme. Le comité était composé de cadres supérieurs, qui relevaient directement de M. Earle, et d’autres gestionnaires qui avaient des cas à présenter.Le comité devait veiller à ce que le Programme soit mis en œuvre de manière cohérente.Le comité devait se rencontrer aux deux semaines, ce qui n’a pas été le cas puisque l’automne 2009 a été plus occupé que d’habitude, en raison notamment de trois alertes à la bombe et quelques cas liés au virus H1N1.Les deux situations ont donné lieu à des activités syndicales.

25        M. Earle ne pouvait aborder les cas individuels, mais, généralement, le comité tentait d’identifier des tendances, par exemple des agents qui utilisent divers types de congés de manière à prolonger la durée du congé annuel.Le comité avait notamment remarqué que lors des journées ensoleillées,ainsi que les vendredi, samedi, et dimanche, il y avait augmentation des heures supplémentaires.

26        M. Earle a déclaré que, bien que ce ne soit pas une politique, il était recommandé aux gestionnaires, à titre de pratique exemplaire, d’interroger les employés avant d’exiger qu’ils présentent un certificat médical pour toute demande de congé de maladie.Il ne pouvait pas parler des cas individuels, et il ne pouvait pas non plus affirmer que, dans tous les cas, un gestionnaire rencontraitun employé avant de le soumettre auProgramme de sensibilisation aux présences.

27        Un bulletin du Service correctionnel du Canada, daté de novembre 2006, comprenait une directive similaire, laquelle se lisait comme suit :

[Traduction]

Les gestionnaires peuvent demander un certificat médical

Avant daccorder un congé de maladie, payé ou non payé, le gestionnaire doit être convaincu que l’employé nétait pas en mesure de travailler en raison d’une blessure ou d’une maladie (31.02a)).Conformément à la clause 31.03, un gestionnaire peut demander aux employés de soumettre un certificat médical produit par un médecin lorsque l’employeur a noté à l’égard de ces derniers une tendance dans la prise de ses congés de maladie.Dans tous les casun employé aura une tendance établie en matière de maladie, l’employeur a le droit de demander un certificat médical.

Une tendance peut être définie à la suite d’un examen des registres des congés de maladie, tout en prenant bien soin d’en noter toute quantité cumulative, durée inhabituelle et apparence de fréquence excessive, ainsi que tout lien entre la prise de congés et le comportement au fil du temps, pouvant sembler inhabituel.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

28        Lorsque M. Earle a envoyé la note de service, le 14 septembre 2009, le solde des demandes de congés d’environ 17 agents correctionnels était négatif.L’utilisation excessive des congés de maladie donnait régulièrement lieu à une situation où les agents correctionnels ne disposaient plus d’aucun crédit de congé de maladie lorsque survenaient de malheureux problèmes médicaux.À titre d’exemple, à peine deux semaines avant l’audience, un membre du personnel a été l’objet d’un incident traumatisant, à la suite duquel il a dû s’absenter du travail. Toutefois, l’agent en question avait épuisé ses congés de maladie en les utilisant régulièrement, en petites quantités à la fois.Par conséquent, l’agent négociateur a demandé à M. Earle ce que l’employeur pourrait faire pour aider.

29        Le 1er décembre 2009, Kathy Paul, la gestionnaire de M. Campbell àl’époque pertinente, lui a fait parvenir la note de service suivante, (la « note de service du 1er décembre 2009 ») :

[Traduction]

Objet : Congé de maladie avec certificat médical

1. Le solde actuel de votre compte de congés de maladie est actuellement négatif.Il a été établi dans le cadre des discussions de sensibilisation aux présences,que vous avez eues avec la direction, qu’à l’avenir, tous vos congés de maladie devront être attestés par un médecin.Cette exigence demeurera en vigueur d’ici à ce que le solde de vos crédits de congés de maladie redevienne positif.

2. Durant cette période vous devez présenter un certificat médical original produit par un médecin lors de chacune de vos absences pour cause de maladie.Ce certificat médical, lequel peut être produit sur un « feuillet bleu » (HC/SC500) ou une note médicale signée, doit être présenté dans les 5 jours ouvrables suivant votre retour au travail.

3. Ce feuillet médical doit être accompagné d’une demande de congé et d’un rapport d’absence.Nous vous remercions à lavance pour votre collaboration à cet égard.

30        M. Earle a reconnu que le seul motif présenté à M. Campbell pour exiger des certificats médicaux, à compter du 1er décembre 2009, était lié au solde négatif actuel de ses crédits de congé de maladie.

31        Le bureau de M. Earle était situé dans un lieu central et il était accessible.Il était plutôt convaincu que M. Campbell ne s’était jamais adressé à lui relativement à l’obligation de présenter un certificat médical en cas de congé de maladie.

32        Avant de recevoir la note de service, le 1er décembre 2009, M. Campbell ne se souvenait pas d’avoir eu une discussion avec Mme Paul, ni avec d’autres gestionnaires, quant à la question de savoir si une tendance avait été observée à l’égard de ses absencesou pourquoison solde de crédits de congés de maladie était négatif.Il ne se souvenait pas s’il avait entrepris une démarche dans le but de discuter de la note de service avec la direction.Il a tenté de respecter la note de service du 1er décembre 2009, mais il a constaté que, parfois, cinq jours n’étaient pas suffisants pour obtenir la note du médecin.

33         On a renvoyé M. Earle à un courriel en date du 18 février 2010, envoyé par Amos Margeson, indiquant que [traduction] « […] le comité de gestion sur les présences a adopté la position qu’un solde constamment négatif constitue en fait une tendance ».M. Earle a confirmé qu’à l’époque, M. Margeson était un membre du comité de gestion sur la sensibilisation aux présences, mais il a précisé que cette affirmation [traduction] « était une simplification exagérée ».

34        Vers le 19 septembre 2010, M. Campbell s’est absenté du travail pendant une journée, parce qu’il avait dû être hospitalisé en raison d’une crise d’asthme.

35        L’employeur a présenté en preuve un document imprimé indiquant les absences du travail de M. Campbell entre le 30 juin 2006 et la date de l’audience.Ces absences comprenaient notamment les congés annuels, les congés pour obligations familiales, et les congés de maladie sans certificat médical.Le relevé imprimé indique plusieurs congés de maladie sans certificat médical ou d’absences non autorisées après le 9 décembre 2009, et avant le 10 octobre 2010, y compris le 19 septembre 2010.

36        Le 10 octobre 2010, Mme Amos, la directrice adjointe des opérations, a envoyé à M. Campbell la note de service suivante :

[Traduction]

Objet : Recouvrement des sommes absence non autorisée sans solde

1.  Vos congés de maladie n’ont pas été attestés comme vous êtes tenu de le faire.Par conséquent, le congé de maladie que vous avez pris le 19 septembre (8,5 heures) est transmis aux services de la rémunération à des fins de recouvrement à partir de votre paie à titre d’absence non autorisée sans solde, laquelle ne donne pas droit à une pension.

2.  Si vous souhaitezdiscuter de la question avant sa mise en œuvre, veuillez communiquer avec votre GC – Greg MacLeod et s’il n’est pas du quart de travail en question, veuillez communiquer immédiatement avec votre DAO.Soyez avisé que la demande de congé non payé sera transmise aux services de la rémunération une semaine (7 jours civils) suivant la date du présent avis afin que ces derniers puissent recouvrer le montant dû des premières sommes disponibles.

3.  Les services de la rémunération vous informeront par courriel, une fois que cette note de service sera traitée, de la date du chèque de paie visé.

37         M. Campbell ne se souvenait pas d’avoir communiqué avec le gestionnaire correctionnel, Greg MacLeod, ou avec n’importe quel autre gestionnaire, dans les sept jours civils.Selon lui, il s’agissait de la première fois que l’employeur prenait des mesures dans le but de recouvrer des sommes qui lui avaient été payées en ce qui concerne des absences non autorisées pour maladie.

38        Les employés avaient le droit d’emprunter des heures de congé de maladie en vertu des dispositions de la clause 31.04 de la convention collective, laquelle est reproduite ci-dessous :

31.04 Lorsque l’employé-e n’a pas de crédits ou que leur nombre est insuffisant pour couvrir l’attribution d’un congé de maladie payé en vertu des dispositions du paragraphe 31.02, un congé de maladie payé lui est accordé pour une période maximale de deux cents (200) heures, sous réserve de la déduction de ce congé anticipé de tout crédit de congé de maladie acquis par la suite.

39        Le 13 novembre 2010, M. Campbell a déposé un grief alléguant que l’employeur avait violé la clause 31.03 de la convention collective en exigeant un certificat médical lorsqu’une demande de congé de maladie lui était présentée.À titre de mesure corrective, il a demandé dans son grief qu’on leretire du Programme de sensibilisation aux présences, que toute intervention relative à la paye soit arrêtée, et qu’on lui rembourse toutes les pertes financières subies, plus les intérêts.

40        En août 2012, M. Campbell a rencontré Mme Paul. Ils ont alors discuté des raisons pour lesquelles il avait pris un nombre excessif de congés de maladie.Mme Paul lui a dit qu’elle allait recommander que son nom soit retiré du Programme de sensibilisation aux présences, et qu’on réexaminerait l’évolution des choses dans trois à quatre mois.À compter d’octobre 2012, M. Campbell n’était plus tenu d’obtenir une attestation du médecin pour justifier ses demandes de congé de maladie.

IV. Résumé del’argumentation

A. Pour M. Campbell

41        L’agent négociateur a fait valoir que bien que la clause 20.10 de la convention collective prévoit un délai de 25 jours à l’intérieur duquel le grief doit être déposé, celle-ci ne s’applique pas au grief de M. Campbell puisqu’il s’agit d’un grief continu.De tels griefs allèguent des violations répétées de la convention collective et, par conséquent, ne sont pas limités par le moment où la première violation a eu lieu.Chaque fois qu’un congé de maladie sans certificat médical était refusé, il s’agissait d’une nouvelle violation de la convention collective.

42        En ce qui concernela question principale, l’agent négociateur a fait valoir que l’employeur avait le droit d’exiger des certificats médicaux seulement s’il établissait une tendance voulant qu’il y ait des absences répétées.Le droit de l’employeur d’exiger un certificat médical est régi par les clauses 31.02 et 31.03 de la convention collective. Selon le libellé de la clause 31.03, avant d’exiger des certificats médicaux, il incombe à l’employeur de s’acquitter du fardeau de démontrer qu’il a remarqué une tendance quant à l’usage des congés de maladie qui faisait en sorte de justifier l’exigence de présenter des certificats médicaux.

43        Selon les éléments de preuve présentés, la décision de l’employeur de demander un certificat médical était fondée uniquement sur le fait que le solde des crédits de congé de maladie de M. Campbell était négatif.Un tel solde ne constitue pas une tendance.Fonder sa décision sur un seul fait équivaut à appliquer une politique générale dans le but de permettre à l’employeur d’ignorer des renseignements pertinents et d’éviter d’analyser quand et comment un employé utilise ses congés de maladie afin de déterminer s’il y a une tendance qui pourrait révéler de l’abus.

44        L’agentnégociateur m’a renvoyé àBaker c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 34; Watson c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 105; City of Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (1984), 16 L.A.C. (3d) 384; Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 92; McMurrich Sprouts Daycare v. Canadian Union of Public Employees, Local 4400, 2013 CanLII 87403 (ON LA); Newfoundland and Labrador Hospital and Nursing Home Association v. N.L.N.U., (2005), 82 C.L.A.S. 284; Canada (Procureur général) c. Timson, 2012 CF 719; Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192; Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.F.)(QL).

B. Pour l’employeur

45        Selon la position de l’employeur, le grief devrait être rejeté parce qu’il n’a pas été déposé dans les 25 jours prescrits par la clause 20.10 de la convention collective. Dans la note de service du 1er décembre 2009, M. Campbell a été avisé qu’il devait présenter un certificat médical pour toute demande de congé de maladie.Il n’a pas déposé son grief avant le 13 novembre 2010.

46        La Cour d’appel fédérale, dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.) (QL), a statué qu’un délai de prescription comme celui prévu à la clause 20.10 de la convention collective commence dès que le fonctionnaire est informé ou prend connaissance del’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

47        Quoi qu’il en soit, s’il était conclu que le grief devait être accueilli en raison de sa nature continue, ilest bien établi qu’au regard d’un délai obligatoire, les dommagesliés à un grief continu se limitent à la période au cours de laquelle le grief aurait pu être déposé.

48        La deuxième question préliminaire, qui a été soulevée par l’employeur,concerne son allégation selon laquelle le grief déposé par M. Campbell était théorique puisque l’employeur l’avait informé, en octobre 2012, qu’il n’était plus tenu de présenter un certificat médical pour ses congés de maladie.

49        En ce qui concernela question principale, l’employeur a le droit de gérer ses effectifs dans la mesure où la convention collective ne l’empêche pas de le faire.Bien que la convention collective utilise le terme « tendance », le libellé ne limite aucunement le droit inhérent de l’employeur, dans sa capacité de gestionnaire, de décider en quoi consiste une tendance.Il peut simplement s’agir d’une utilisation excessive des congés de maladie, comme il a été décidé dans Bencharski c.Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 75.

50        Quoi qu’il en soit, la décision de l’employeur n’était pas uniquement fondée sur le solde négatif de congés de maladie de M. Campbell.Selon la preuve présentée, dans tous les cas, la pratique de l’employeur consistait à examiner les registres des congés, tout en prenant bien soin de remarquer toute quantité cumulative, durée inhabituelle et fréquence excessive apparente, ainsi que toute corrélation entre l’utilisation des congés de maladie et le comportement au fil du tempsqui pourrait sembler inhabituel.

51        L’employeur m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada,2013 CRTFP 88; Alcan Smelters and Chemicals Ltd. v. Canadian Auto Workers, Local 2301(1997), 62 L.A.C. (4th) 371; Dashwood Industries Ltd. v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 3054 (1998), 73 L.A.C. (4th) 395; Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39; Kirby; City of Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 43 (1987), 29 L.A.C. (3d) 97; Salvation Army Grace Hospital v. U.N.A., Local 47 (1995), 47 L.A.C. (4th) 114; Sault Area Hospital v. Ontario Nurses’ Assn., [2014] O.L.A.A. No. 176 (QL); Baker; Mark c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 34.

V. Motifs

52        Comme il a été précisé au départ, le présent arbitrage découle du dépôt de plusieurs griefs. Même si plusieurs de ces griefs ont été retirés, il y en avait toujours sept en suspens au début de l’audience.Néanmoins, exception faite du grief de M. Campbell, aucun élément de preuve ou exposé conjoint des faits n’a été produitrelativement aux six autres griefs, lesquels sont par conséquent rejetés.

53        Selon la clause 20.10 de la convention collective,un grief doit être présenté au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle les employés sont notifiés, oralement ou par écrit, ou prennent connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

54        Le mardi 1er décembre 2009, Mme Paul a envoyé une note de service à M. Campbell, l’informant qu’à l’avenir, toutes ses demandes de congé de maladie devaient être attestées par un médecin.M. Campbell a déposé son grief le 13 novembre 2010.

55        La première question à trancher concerne la position de l’employeur selon laquelle le grief de M. Campbell devrait être rejeté parce qu’il était hors délai.

56        La note de service du 1er décembre 2009, ne constituait pas une réponse à une demande de M. Campbell relativement à un congé de maladie à une date précise ou pour une période en particulier. La note de service devait plutôt s’appliquer à toute autre demande qu’il pourrait présenter à l’avenir.Néanmoins, entre le 1er décembre 2009 et le 19 septembre 2010, il a maintes fois pris des congés de maladie sans certificat médical et ces congés lui ont été payés par l’employeur, sans opposition.

57        À mon avis, il s’agit d’un grief continu déposé en raison d’une allégation relative à une violation répétée de la clause 31.03 de la convention collective; aucune date précise n’y est mentionnée.La preuve fait état de plusieurs congés de maladie sans certificat médical ou d’absences non autorisées, après le 9 décembre 2009, et avant le 10 octobre 2010. Au paragraphe 15 de Baker, l’ancienne Commission s’est exprimée comme suit :

[15] On reconnaît généralement, dans la jurisprudence arbitrale, que les griefs continus sont ceux qui allèguent des manquements répétitifs à la convention collective plutôt que d’une violation unique ou isolée. Le critère appliqué par les arbitres consiste à déterminer s’il y a eu manquement périodique à une obligation et non seulement des dommages répétitifs. L’importance de qualifier un grief de continu se rapporte au recours possible. Le défaut de déposer un grief continu dans les délais prescrits (comme ceux qui sont fixés dans une convention collective) ne rendra pas pour autant le grief inarbitrable. Toutefois, le redressement disponible dans le cadre d’un grief de nature continue peut se limiter à la période précisée dans la convention collective (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition (février 2008), au paragraphe 2:3128)

58        Ce raisonnement a subséquemment été confirmé dans Watson.

59        Au paragraphe 27 de la décision Mark, l’arbitre de grief a fait le commentaire suivant :

[27] Le principe du grief continu, c’est-à-dire lorsqu’il y a une violation récurrente de la convention collective, est parfois appliqué pour déterminer si un grief est présenté à temps. Cela arrive, par exemple, quand la décision de l’employeur a des conséquences continues, comme le refus d’une augmentation de salaire ou du paiement d’heures supplémentaires à chaque période de paye. […]

60        Bien que j’aie établi que le grief dont je suis saisi est un grief continu, l’employeur soutient que les dommages accordés dans le cas d’un grief continu sont limités à la période au cours de laquelle le grief aurait pu être déposé.

61        Une interprétation de la clause 20.10 de la convention collective et une analyse de la jurisprudence qui s’y rapporte sont présentées dans Baker, à partir du paragraphe 17,comme suit :

17. De façon générale, la jurisprudence relative à la stipulation 20.10 reprend la thèse décrite par Brown et Beatty. Dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.) (QL), la Cour d’appel fédérale a annulé la décision d’un arbitre de grief au motif suivant (au moment de Coallier, le délai prescrit dans la convention collective était de 20 jours) :

[…]

Nous sommes d’opinion que ce délai de 20 jours a commencé à courir au moment où l’intimé a pris connaissance des faits ayant donné naissance à son grief; contrairement à ce qu’a décidé l’arbitre et soutenu l’avocat de l’intimé, il n’a pas commencé à courir seulement le jour où l’intimé a été informé de l’illégalité des agissements de l’employeur.

[…]

Par ce raisonnement, la Cour a statué, dans Coallier, que l’employé n’avait droit à un redressement que pendant les 20 jours (aujourd’hui 25) ayant précédé le grief.

18. Bien que le jugement rendu dans Coallier ne qualifie pas expressément le grief de continu, je note que, dans des décisions ultérieures, on a appliqué cette règle générale à des griefs continus (p. ex., dans Black c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2007 CRTFP 72). Je note aussi que, dans la décision Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15319 (19871016) (confirmée par Canada (Conseil du Trésor) c. Macri,[1988] A.C.F. no 581 (C.A.F.) (QL), on n’a pas suivi la règle générale énoncée dans Coallier, et ce, au motif qu’une limitation stricte de 20 jours pour obtenir un redressement inciterait un employeur à retarder la procédure de règlement du grief. Je conviens qu’il y avait là des préoccupations en matière de politique, mais rien n’indique que cela soit le cas dans l’affaire qui nous occupe.

19. En résumé, lorsqu’il y a grief continu en vertu de la convention collective, il ne peut pas y avoir de problème de respect des délais par suite du dépôt tardif du grief. Toutefois, tout redressement sollicité eu égard à ce grief se limite à la période de 25 jours précédant la présentation du grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs individuels.[…]

[…]

62        En l’espèce, aucun élément de preuve ne donne à penser que l’employeur a retardé la procédure de règlement des griefs afin de diminuer le montant d’éventuels dommages.

63        Par conséquent, on ne peut conclure que le grief ne pouvait faire l’objet d’un arbitrage. Toutefois, en l’espèce, toute ordonnance de réparation ne doit viser que la période de 25 jours précédant le dépôt du grief au premier palier de la procédure de règlement de griefs.

64        La deuxième question préliminaire à trancher porte sur l’allégation de l’employeur selon laquelle le grief était théorique parce que, dès octobre 2012, M. Campbell a été avisé qu’il n’était plus tenu de faire attester ses congés de maladie par un médecin.L’agent négociateur a soutenu que la question des dommages était toujours en vigueur puisque, le 10 octobre 2010, l’employeur a commencé à déduire du salaire de M. Campbell les 8,5 heures qui lui avaient été payées lors de son congé de maladie du19 septembre 2010. Si ce montant a été recouvré durant la période de 25 jours visée par la clause 20.10 de la convention collective, alors cette somme constitue des dommages recouvrables si le grief est accueilli.De plus, puisqu’il s’agit d’un grief continu, une déclaration constitue une réparation appropriée.Pour les motifs évoqués par l’agent négociateur, j’estime également que le litigen’est pas théorique.

65        La principale question en litige consiste à déterminer si une tendance a été établie pouvant justifier que l’employeur exige un certificat médical chaque fois que M. Campbell prenait un congé de maladie,une fois que la note de service du 1er décembre 2009 a été envoyée.

66        La convention collective ne fournit aucune définition de « tendance ».DansKirby, il était question de la même convention collective et du même établissement correctionnel, c’est-à-dire, l’Établissement Springfield.Dans cette affaire, l’arbitre de grief, se fondant sur un constat des faits selon lequel l’employeur avait uniquement tenu compte du solde négatif de congés de maladie du fonctionnaire, a conclu qu’il n’y avait aucune tendance justifiant l’exigence de l’employeur voulant qu’un certificat médical soit présenté pour tout congé de maladie éventuel.Les extraits présentés ci-dessous sont pertinents :

40. […] En vertu de la clause 31.03 de la convention collective, le fardeau incombant à l’employé d’établir qu’il ou elle a une raison valable pour s’absenter du travail est satisfait dès lors que l’employé fournit à l’employeur une attestation signée qu’il ou elle ne pouvait exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure. L’observation par l’employeur d’une tendance dans l’utilisation des congés de maladie de l’employé est une condition préalable pour exiger un certificat médical de la part de l’employé lorsque celui-ci demande un congé de maladie en vertu de cette clause. Cela nécessite que l’employeur fasse valoir, à tout le moins, l’existence d’une tendance qu’il aurait observée, avant d’imposer l’exigence de produire un certificat médical. […]

[…]

43. Je suis d’avis que le fait d’avoir un solde négatif dans son compte de crédits de congé de maladie ne saurait constituer, en soi, une tendance. Si cela avait été le cas, l’employeur aurait inclus une mention à ce sujet dans le libellé de la clause 31.04 de la convention collective, mais il ne l’a pas fait. D’ailleurs, il est souligné à la clause 31.04 que l’employeur accordera un crédit à concurrence de 200 heures de congés de maladie lorsque l’employé ne dispose d’aucun crédit dans son compte, sans exiger la présentation d’un certificat médical. De toute évidence, le fait d’accorder un crédit de 200 heures de congé de maladie à un employé ne disposant d’aucun crédit dans son compte de crédits de congé de maladie entraînera un solde négatif dans son compte; or, aucun certificat médical n’est exigé en vertu de la clause 31.04. Cela laisse entendre que la présence d’un solde négatif résultant systématiquement de la présentation d’une demande de crédits de congé de maladie et de l’approbation d’une telle demande en vertu de la clause 31.04 ne devrait pas être considérée comme une tendance. Le fait d’avoir un solde négatif dans son compte de crédits de congé de maladie ne saurait, en soi, constituer un portrait fiable des traits, des comportements, des tendances, ou d’autres caractéristiques de l’individu en cause, pas plus que cela n’est une indication d’un comportement, d’une durée ou d’une fréquence inusités.

[…]

67        Les conclusions de l’arbitre de grief sont convaincantes et elles s’appliquent en l’espèce; le simple fait d’avoir un solde de congés de maladie négatif n’équivaut pas à une tendance dans le contexte de la clause 31.03 de la convention collective. Le bulletin de l’employeur du mois de novembre 2006, dont il a déjà été questiondans la présente décision, laisse entendre qu’il faut tenir compte de nombreux éléments afin de déterminer s’il y a tendance et, par conséquent, un abus ou un mauvais usage.À mon avis, l’existence d’une tendance dans le contexte de la clause 31.03 signifie l’existence de multiples demandes de congés de maladie qui, prises ensemble, laissent présager la possibilité que des congés de maladie soientdemandés de manière inappropriée.Le simple fait d’avoir un solde négatif de congés de maladie ne constitue pas une tendance et il s’agit de toute évidence d’une violation de la clause 31.03 de la convention collective.

68        L’employeur m’a renvoyé àBencharski, dans laquelle il a été conclu que l’« utilisation excessive des congés » suffisait pour que l’employeur ait droit à un certificat médical en vertu de la clause 31.03 de la convention collective. Cependant, cette décision ne fournit aucune précision quant aux faits sur lesquels elle s’est appuyée pour établir que l’usage avait été excessif.Au paragraphe 52, l’arbitre de grief a énoncé ce qui suit :

[52] […] Même si la clause 31.03 de la convention collective contient le mot « tendance », je ne crois pas que cela limite les droits inhérents de la direction autant que la fonctionnaire le dit. Je conclus qu’en cas d’« utilisation excessive des congés », l’employeur doit être capable d’examiner les raisons de chaque absence. […]

69        Néanmoins, je suis d’accord avec la conclusion dans Kirby, au paragraphe 43, selon laquelle le fait d’avoir un solde négatif dans son compte de crédits de congé de maladie ne saurait constituer, en soi, une tendance.

70        L’employeur a soutenu qu’il fallait établir une distinction entre les faits dans Kirby et ceux en l’espèce. Selon la constatation factuelle dans Kirby, la décision de l’employeur était uniquement fondée sur le fait que le fonctionnaire avait un solde négatif dans son compte de crédits de congé de maladie.L’employeur a fait valoir qu’en l’espèce, M. Earle avait déclaré que les gestionnaires avaient reçu la directive de tenir compte de toutes les considérations énumérées dans les bulletins et notes de service internes, comme la note mentionnéeantérieurement dans la présente décision.Néanmoins, M. Earle ne pouvait aborder la question des cas individuels.

71        Dans le courriel de M. Margeson du 18 février 2010, il est indiqué que le comité s’en tenait à vérifier si le solde était négatif.Dans la note de service du 1er décembre 2009, envoyée par Mme Paul à M. Campbell,il n’est pas question d’une tendance. La note de service mentionne que M. Campbell avait un solde négatif de crédits de congé de maladie et que c’était la raison pour laquelle un certificat médical serait dorénavant exigé pour les demandes de congés de maladie.Mme Paul n’a pas été citée à témoigner dans le but de contredire ou de modifier ce qui est clairement exprimé dans sa note de service.Selon le libellé de la clause 31.03 de la convention collective, avant d’exiger la production d’un certificat médical,il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a remarquéune tendance dans la prise des congés de maladie.J’estime que l’employeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

72        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante.)

VI. Ordonnance

73        Le grief est accueilli.

74        Je déclare que la directive de l’employeur du 1er décembre 2009, selon laquelle M. Campbell devait présenter un certificat médical pour toute demande de congé de maladie à l’avenir, et ce, jusqu’à ce que le solde de ses crédits de congés de maladie de M. Campbell redevienne positif,contrevient à la clause 31.03 de la convention collective.

75        J’ordonne à l’employeur de cesser et d’abandonner cette exigence,qui n’est en place queparce que le solde des crédits de congés de maladie du fonctionnaire était négatif.

76        J’ordonne à l’employeur de verser à M. Campbell, avec intérêts, toutes les sommes déduites de sa paye durant la période de 25 jours entre le 19 octobre 2010 et le 13 novembre 2010, en raison du congé de maladie qu’il a pris le 19 septembre 2010.

77        Je demeure saisi du grief pour une période de 60 jours suivant la date de la présente ordonnance, relativement à la question de la rémunération à laquelle a droit le fonctionnaire dans les circonstances.

Le 17 mai 2016.

Traduction de la CRTEFP

William H. Kydd arbitre de grief
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