Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée et demanderesse a allégué que son employeur a excessivement tardé à prendre des mesures disciplinaires à son égard lorsqu’il a conclu que les allégations de harcèlement présentées contre elle par des employés qu’elle supervisait étaient fondées – elle a affirmé que ce retard l’a forcée à prendre sa retraite – de plus, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé une prorogation de délai pour présenter un grief relatif à un congédiement déguisé – après avoir reçu les allégations de ses employés, l’employeur a organisé une réunion spéciale pour discuter des questions – la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas présenté d’explications significatives et avait simplement indiqué qu’elle était comme elle était, qu’elle ne changerait pas et que le groupe d’employés avait juste à l’endurer pour une autre période de 14 mois ‒ à la suite la réunion, elle est partie en congé de maladie et n’est jamais retournée au milieu de travail – à la suite de la réunion, les employés ont également présenté un grief de discrimination et l’employeur a entrepris une enquête qui a duré plus longtemps que prévu ‒ dans le rapport d’enquête, on indiquait que 19 des 37 allégations étaient fondées – la fonctionnaire s’estimant lésée a rencontré l’employeur afin de discuter du rapport et l’employeur l’a informée qu’il espérait rendre une décision d’ici quelques semaines, mais ça n’a pas été le cas – la recommandation de l’employeur était de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée, puisqu’elle avait précédemment été suspendue pour le même comportement, qu’elle avait été encadrée plusieurs fois, qu’elle n’avait démontré aucun remords ni exprimé de reconnaissance quant à la manière dont son comportement avait eu une incidence sur les personnes, et qu’elle n’avait assumé aucune responsabilité pour ses gestes – la fonctionnaire s’estimant lésée a annoncé son intention de prendre sa retraite avant que l’employeur ait rendu sa décision définitive – l’employeur a alors fermé le dossier et n’a pris aucune autre mesure – la formation de la Commission a rejeté l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée selon lequel elle avait été suspendue – puisqu’elle était en congé de maladie avec certificat médical, l’employeur ne s’est jamais attardé quant à savoir si elle devait être suspendue – cependant, la preuve indique que, si elle n’avait pas été en congé de maladie, l’employeur l’aurait suspendue ou aurait envisagé de l’affecter à un autre bureau en attendant les résultats de l’enquête – subsidiairement, si elle avait été suspendue, il s’agirait d’une suspension de nature administrative; par conséquent, la formation de la Commission n’aurait pas compétence sur cette suspension – l’employeur n’a pas excessivement tardé à imposer des mesures disciplinaires; il a agi de manière responsable et a assuré un suivi régulier avec l’enquêteur et la fonctionnaire s’estimant lésée – lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée a démissionné, la nécessité de prendre des mesures disciplinaires à son encontre était devenue théorique – elle n’a pas été forcée de prendre sa retraite et, selon son témoignage, il s’agissait d’une mesure délibérée qu’elle avait prise de sa propre volonté et dans son propre intérêt supérieur – la formation de la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour examiner sa démission – la formation de la Commission a refusé d’accorder à la fonctionnaire s’estimant lésée une prorogation de délai pour présenter un grief alléguant un congédiement déguisé puisqu’il y avait peu de chance d’avoir gain de cause et qu’elle était au courant des arguments concernant une prorogation de délai avant de prendre sa retraite – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fourni de motifs clairs, logiques et convaincants justifiant la prorogation le délai. Grief rejeté. Demande de prorogation de délai rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 2016-02-23
  • Dossier: 566-02-10152 et 568-02-325
  • Référence: 2016 CRTEFP 17

Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

NICOLE STEVENSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Emploi et du Développement social Canada)

employeur

Répertorié
Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une demande concernant une prorogation de délai mentionné à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jessica Bungay, avocate
Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate
Affaire entendue à Fredericton, Nouveau-Brunswick
du 21 au 24 juillet 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        La fonctionnaire s’estimant lésée et demanderesse (la « fonctionnaire »), Nicole Stevenson, a allégué que l’employeur et défendeur, le ministère de l’Emploi et du Développement social Canada, dans son rôle en tant que Service Canada, a tardé de façon excessive à prendre une mesure disciplinaire à son égard après avoir conclu que les allégations de harcèlement à son égard présentées par les employés qu’elle supervisait étaient justifiées. La fonctionnaire a allégué que, en raison de ce retard, elle a été obligée de prendre sa retraite, en date du 27 juin 2014. Finalement, elle a allégué avoir fait l’objet d’un licenciement implicite le 5 septembre 2014. Elle demande une prorogation du délai pour présenter un grief relatif à un licenciement implicite, car, selon ses allégations, elle n’a été informée des faits donnant lieu au licenciement implicite que le 5 septembre 2014.

2        En ce qui concerne le dossier de la CRTEFP 568-02-325, dans l’ensemble de la présente décision, la demanderesse sera appelée la fonctionnaire, et le défendeur sera appelé l’employeur.

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi ») avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 366 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

4        Jusqu’à son départ à la retraite, le 27 juin 2014, la fonctionnaire était la gestionnaire du bureau des passeports de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Passeport Canada exploitait initialement ce bureau, mais, en 2013, la responsabilité a été transférée à la direction de Service Canada de l’employeur. Pendant la période où la fonctionnaire a agi à titre de gestionnaire, l’employeur a reçu plusieurs plaintes concernant la façon dont elle gérait le bureau des passeports de Fredericton.

5        Helen Ettritch, la gestionnaire du fonctionnaire en novembre 2012, a dit avoir reçu une série de courriels, à la fin de 2012, en provenance des subordonnés de la fonctionnaire. Dans ces courriels, il était allégué que l’environnement de travail au bureau des passeports de Fredericton était toxique. Le 23 novembre 2012, l’employeur a convoqué une réunion spéciale des employés du bureau des passeports de Fredericton. Mme Ettritch y était accompagnée du vice-président régional de l’agent négociateur des employés. Au cours de cette réunion, de nombreuses allégations de harcèlement ont été soulevées par les employés supervisés par la fonctionnaire. Cette dernière était également présente à la réunion, ainsi que sa gestionnaire adjointe. Une série de situations a fait l’objet de discussions et les employés ont décrit en quoi ils n’aimaient pas la façon dont la fonctionnaire s’adressait à eux et ils ont remis en question les décisions de gestion de cette dernière. Les employés ont préparé et présenté une lettre à Mme Ettritch, dans laquelle ils ont exprimé leurs préoccupations et soulevé leurs plaintes et leurs problèmes. Il s’agissait d’une réunion très émotive, au cours de laquelle on a permis aux employés d’exprimer leurs préoccupations; en outre, une série d’engagements a été développée sur la façon dont le groupe travaillerait ensemble afin d’améliorer le milieu de travail.

6        La fonctionnaire n’a pas commenté ni répondu de façon significative aux situations soulevées. Lorsqu’elle a formulé des commentaires en réponse aux situations et aux engagements du groupe, elle a tout simplement affirmé qu’elle était comme ça et qu’elle ne changerait pas. Le groupe n’avait qu’à composer avec elle pendant 14 mois de plus, jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite. Il ne s’agissait pas de la première fois, dans le cadre d’une réunion, que Mme Ettrich devait composer avec des plaintes similaires des employés du bureau des passeports de Fredericton. La réponse de la fonctionnaire a toujours été celle qu’elle a fournie lors de la réunion du mois de novembre : qu’elle était comme ça, qu’elle n’allait pas changer et qu’ils n’avaient qu’à composer avec elle jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite dans 14 mois.

7        À la fin de cette rencontre très émotive, Mme Ettritch a suggéré à la fonctionnaire de travailler à partir de son domicile le lundi suivant (la réunion avait eu lieu un vendredi). La fonctionnaire a indiqué qu’elle y songerait et, le dimanche, elle a envoyé un courriel à Mme Ettritch l’informant qu’elle se sentait trop stressée pour retourner au milieu de travail et qu’elle allait consulter son médecin pour obtenir un congé de maladie. Elle est partie en congé de maladie ce lundi-là et elle n’est jamais retournée au milieu de travail. Chacune de ses demandes de congé de maladie, payé et non payé, était accompagnée d’un certificat médical. Finalement, elle a présenté une demande de prestations d’invalidité de longue durée, qui a été rejetée. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas effectué de retour au bureau des passeports de Fredericton, ou à n’importe quel autre emplacement de l’employeur (pièce 4). Elle a continué de demander des congés de maladie pendant toute la durée de la période en question.

8        Ces allégations de harcèlement constituent le fondement d’un grief de harcèlement présenté par les employés du bureau des passeports de Fredericton et le gestionnaire adjoint de la fonctionnaire (pièce 5). L’employeur a examiné le grief et, compte tenu de la gravité des allégations de harcèlement, il a mené une enquête sur ces dernières. Le 28 décembre 2012, à la demande de Steven Risseeuw, chef de l’exploitation à Passeport Canada, l’accès de la fonctionnaire au bureau des passeports de Fredericton et au réseau de TI de l’employeur a été suspendu, conformément au traitement accordé aux autres personnes en congé de maladie de longue durée.

9        Un enquêteur bilingue externe, M. Gagnon, a été trouvé dans la région de Fredericton pour mener l’enquête. Il a commencé son enquête un mois après son embauche, car il n’était pas disponible immédiatement au moment de son embauche. Une fois que l’enquête a commencé, il a rencontré 12 employés, la fonctionnaire et 3 membres de la direction. L’enquête visait 37 allégations. Toutes les personnes interviewées ont reçu un exemplaire de leur déclaration aux fins d’examen et de modification, le cas échéant. Par la suite, l’enquêteur a rédigé un rapport préliminaire, qui a été transmis à la fonctionnaire aux fins de commentaires.

10        Le rapport définitif était daté du 31 janvier 2014. Il n’a pas été communiqué dès le départ à la fonctionnaire, car le coordonnateur de l’accès à l’information de l’employeur devait d’abord le passer en revue. Pendant toute la durée du processus, qui a été plus long que prévu, Mme Ettritch a effectué un suivi auprès de sa personne-ressource des ressources humaines, pour s’informer de l’état de l’enquête (voir les courriels aux pièces 7 à 9). Mme Ettritch a reçu sa copie du rapport à la fin mars 2014. Elle devait ensuite l’examiner.

11        L’enquêteur a conclu que 19 des 37 allégations contre la fonctionnaire étaient fondées. Le conseiller en relations de travail de Mme Ettritch lui a recommandé de rencontrer la fonctionnaire afin de lui permettre d’ajouter tout élément qu’elle estimait pertinent. Le 1er avril 2014, la responsabilité du bureau des passeports de Fredericton a été transférée de la région du Québec, où était située Mm Ettrich, à la région de l’Atlantique. Après la transition, le sous-ministre adjoint, région de l’Atlantique, avait le pouvoir décisionnel relativement à toute mesure disciplinaire. Mme Ettritch a informé Vincent Nash, directeur régional, Services aux citoyens (région du Nouveau-Brunswick), et Jeff Tapley, directeur général principal (région du Nouveau-Brunswick), des progrès réalisés à ce jour.

12        Le 6 mai 2014, Mme Ettritch et M. Nash ont rencontré brièvement la fonctionnaire pour discuter du rapport. Cette dernière a soulevé quelques points, que Mme Ettritch a pris en note. On a informé la fonctionnaire que l’employeur espérait rendre une décision d’ici quelques semaines, mais cette estimation s’est avérée très naïve. Pour permettre à l’employeur de formuler une recommandation, il fallait passer en revue le rapport et les faits, tout en tenant compte de ce qui avait été fait antérieurement pour corriger le comportement de la fonctionnaire. À la lumière de ces renseignements, des recommandations quant aux mesures disciplinaires à imposer devaient être préparées et transmises au Service des relations de travail de l’employeur aux fins d’approbation, puis envoyées au sous-ministre adjoint aux fins d’examen.

13        Selon la recommandation qui a été envoyée le 3 juin 2014, à Donna Cocchito, Relations de travail, il fallait licencier la fonctionnaire, car elle avait déjà fait l’objet d’une suspension pour ce même comportement, qu’elle avait déjà été rencontrée et qu’elle avait été encadrée à de nombreuses reprises, qu’elle n’avait pas reconnu en quoi son comportement avait une incidence sur les personnes, qu’elle n’affichait pas de remords et qu’elle n’assumait aucune responsabilité de ses actes.

14        Le 5 juin 2014, avant que les Relations de travail terminent leur examen et transmettent la recommandation au sous-ministre adjoint, la fonctionnaire a annoncé son intention de prendre sa retraite. Elle avait déjà mentionné à plusieurs reprises à Mme Ettritch son décompte pour son départ à la retraite ainsi que son intention de prendre sa retraite. À ce stade, aucune décision définitive n’avait été rendue relativement à une mesure disciplinaire. Mme Ettritch était déconcertée quant à la façon de répondre à l’avis de la fonctionnaire. Elle a transmis l’avis aux Relations de travail. Mme Cocchito l’a informée que, puisque la fonctionnaire prenait sa retraite, les Relations de travail fermeraient son dossier. Elle a ajouté qu’il n’y avait aucune autre mesure à prendre.

15        Au départ, Mme Ettritch participait à ce dossier en remplacement de Guy Genest, qui avait pris un congé prolongé en 2012. Lorsqu’il a effectué un bref retour au milieu de travail, elle l’a consulté à ce sujet. En mars 2014, alors qu’un examen de la mesure disciplinaire appropriée était en cours, elle a assumé la responsabilité du dossier. Mme Ettritch a reconnu que selon les lignes directrices du Conseil de Trésor relativement aux mesures disciplinaires (pièce 17), il fallait éviter les délais relativement à l’imposition d’une mesure disciplinaire. Elle a également reconnu que ses estimations des délais étaient naïves. Elle a fait de son mieux pour tenir la fonctionnaire informée des progrès en communiquant avec elle et son avocate, selon le cas.

16        Une partie du délai lié à la prise de décision a été causé par l’identification du client, après le 1er avril 2014. Initialement, M. Risseeuw était le client qui avait embauché l’expert-conseil afin d’enquêter sur les allégations de harcèlement. Il fallait toutefois confirmer si c’était toujours le cas après le 1er avril 2014, afin de déterminer qui avait le pouvoir de prendre une mesure disciplinaire à l’égard de la fonctionnaire.

17        L’avocate de la fonctionnaire a été avisée que cette pierre d’achoppement était la raison pour laquelle l’imposition de la mesure disciplinaire était retardée davantage (voir le courriel à la pièce 37). Elle a continué d’effectuer un suivi afin d’obtenir une réponse à sa demande d’être tenue informée de la mesure corrective qui serait prise, le cas échéant. La dernière correspondance de ce type a eu lieu le 5 juin 2014, à 16 h 43 (pièce 141). À 20 h 34, ce même jour, la fonctionnaire a envoyé sa lettre de démission à M. Nash. Dans cette lettre, elle a soulevé qu’elle prenait sa retraite en raison du défaut de l’employeur de l’informer du résultat de la plainte de harcèlement; pour des raisons financières, elle n’avait d’autre choix que de prendre sa retraite. Sa démission a été acceptée le 6 juin 2014 et son dossier disciplinaire a été fermé.

18        Entre 2012 et 2013, M. Genest était le directeur de l’exploitation des Services de passeport, région du Québec, qui comprenait les bureaux au Nouveau-Brunswick. Entre novembre 2012 et janvier 2013, il était en congé de maladie; Mme Ettrich le remplaçait. Il est retourné au milieu de travail en janvier 2013 et a assumé la responsabilité de l’enquête sur le harcèlement visant la fonctionnaire. Le 5 février 2013, il a téléphoné à la fonctionnaire pour l’informer que le grief présenté par les employés du bureau des passeports de Fredericton avait été accueilli et qu’une enquête s’ensuivrait.

19        Il a informé la fonctionnaire que, pendant l’enquête, elle ne devait pas parler à ses employés ou retourner au bureau des passeports de Fredericton. Compte tenu du nombre d’allégations visées par l’enquête et du nombre d’employés qui ont présenté le grief, il aurait été impossible de retirer les employés du milieu de travail. Comme la fonctionnaire était en congé de maladie à ce moment-là, il était plus facile de lui conseiller de ne pas retourner au milieu de travail. Il a été clairement établi qu’elle ne devait pas retourner au bureau des passeports de Fredericton spécifiquement, pas qu’elle ne pouvait pas retourner au travail là où elle était apte à le faire. Si elle était apte à effectuer un retour, l’employeur lui aurait trouvé un milieu de travail ailleurs au sein de son organisation; cependant, cette question n’a jamais été soulevée. Le but de M. Genest en indiquant à la fonctionnaire de ne pas retourner au bureau des passeports de Fredericton était d’éviter qu’elle parle aux employés qui s’y trouvaient. Ce n’était pas pour l’empêcher de communiquer avec l’employeur ou de retourner au travail.

20        La fonctionnaire n’a jamais demandé à effectuer un retour au travail; elle n’a pas non plus demandé de faire l’objet d’une mesure d’adaptation. Si elle l’avait fait, et si elle avait été en mesure de retourner au travail, l’employeur aurait eu à examiner l’endroit où elle aurait effectué un retour, ce qui n’a pas été nécessaire puisqu’elle a été en congé de congé de maladie pendant toute la durée du processus d’enquête. Finalement, elle a posé des questions à propos de ses prestations et de la possibilité de présenter une demande d’assurance-invalidité de longue durée.

21        La fonctionnaire a été informée du nom de l’enquêteur dans une lettre datée du 12 mars 2013. Des efforts considérables ont été nécessaires pour trouver un enquêteur bilingue et disponible à ce moment-là. M. Risseeuw et les Relations de travail étaient les clients et les principales personnes-ressources de l’enquêteur pendant toute la durée du processus d’enquête.

22        À l’occasion, M. Genest a effectué un suivi auprès de la fonctionnaire en ce qui concerne le processus d’enquête. Il lui a dit que l’enquêteur effectuerait son travail aussi rapidement que possible. Il lui a peut-être dit que l’enquête durerait quatre mois. Chaque fois, elle a affirmé qu’elle était [traduction] « comme ça » et que les employés du bureau des passeports avaient simplement à composer avec elle pendant un peu plus longtemps. Elle a fait valoir qu’elle avait présenté ses excuses chaque fois qu’un problème avait été soulevé et que, par conséquent, il ne devrait pas y avoir de problème. Elle répétait la même chose depuis décembre 2011, alors qu’elle avait été visée par une autre enquête interne. Elle avait également mentionné son départ à la retraite en mai 2012, à la suite d’une suspension d’un jour en raison de comportements inappropriés dans le milieu de travail.

23        L’enquêteur a commencé ses entrevues le 8 avril 2013. Les allégations ont été présentées à la fonctionnaire trois jours avant son entrevue (pièce 34). Le 14 mai 2013, un courriel lui a été envoyé confirmant la transition à venir au sein de Passeport Canada. Le 26 septembre 2013, elle a demandé des renseignements à propos de sa situation. Elle n’était pas heureuse que le processus prenne autant de temps, mais elle en comprenait la raison. M. Genest a tenté de tenir la fonctionnaire informée des progrès. Il lui fournissait une mise à jour tous les mois ou tous les deux mois.

24        Il n’a jamais été question d’un retour au travail de la fonctionnaire; elle a continué à remettre régulièrement des certificats médicaux à l’employeur. Finalement, on l’a mise en congé de maladie non payé. M. Genest n’était pas au courant du résultat de sa demande de prestations d’invalidité de longue durée.

25        En octobre 2013, M. Genest a pris un congé sabbatique. Mme Ettritch a une fois de plus assumé la responsabilité de ce dernier quant à la gestion de ce dossier et elle a communiqué avec la fonctionnaire. À la suite de la transition de Passeport Canada à Service Canada, M. Nash est devenu le gestionnaire de la fonctionnaire. Le nom de Mme Ettritch a été communiqué à l’avocate de la fonctionnaire à titre de personne-ressource de l’employeur. Le 15 avril 2014, l’avocate de la fonctionnaire a demandé des renseignements par courriel à propos de l’état de l’enquête. Environ neuf jours plus tard, Mme Ettritch a appelé l’avocate de la fonctionnaire pour lui communiquer une mise à jour. Elle a justifié son retard en faisant valoir que, au moment où l’avocate a envoyé son courriel, elle ne disposait pas des renseignements demandés et elle avait dû les obtenir des services ministériels de l’employeur.

26        Le 24 avril 2014, l’avocate de la fonctionnaire a de nouveau envoyé un courriel à Mme Ettritch (pièce 38), pour obtenir une autre mise à jour. Mme Ettritch a répondu par téléphone le jour suivant. Une rencontre a été prévue pour le 6 mai 2014, entre la fonctionnaire, son avocate et les représentants de l’employeur, soit Mme Ettrich et M. Nash. Il s’agissait de la dernière rencontre de recherche de faits avant que Mme Ettrich et M. Nash préparent leurs recommandations à l’intention de M. Risseeuw. Le processus de prise de décisions a été expliqué. Ils n’ont pas discuté des répercussions liées à l’absence d’une décision. Mme Ettritch a indiqué que M. Nash et elle-même espéraient pouvoir rédiger leurs recommandations dans un délai de deux semaines, mais 3,5 semaines ont été nécessaires pour la rédaction de la première ébauche de leurs recommandations. Le 20 mai 2014, l’avocate de la fonctionnaire a de nouveau communiqué avec Mme Ettritch pour savoir si une décision avait été rendue. M. Nash a répondu en indiquant qu’il leur faudrait encore une semaine ou deux.

27        Les recommandations ont finalement été prêtes le 3 juin 2014, et elles ont été transmises aux Relations de travail. Ni la fonctionnaire ni son avocate n’en ont été informées et, le 5 juin, à 17 h 34, l’avocate de la fonctionnaire a effectué un suivi auprès de l’employeur pour déterminer si une décision avait été rendue. On n’a pas informé la fonctionnaire qu’une recommandation avait été formulée. Plus tard le même jour, à 20 h 34, elle a envoyé sa démission, indiquant son intention de prendre sa retraite.

28        Mme Ettritch ne pouvait pas prédire ce que l’employeur aurait fait si la fonctionnaire n’avait pas indiqué son intention de prendre sa retraite. Le dossier de harcèlement a été fermé en date du 6 juin 2014, après l’acceptation de la démission de la fonctionnaire. Ce fait n’a pas été communiqué à la fonctionnaire, car l’employeur souhaitait attendre que tous les documents relatifs à son départ à la retraite soient remplis. Si la fonctionnaire n’avait pas donné suite à son intention de prendre sa retraite à la fin de juin 2014, une audience disciplinaire aurait été tenue.

29        Mme Ettritch n’a pas eu d’autre contact avec la fonctionnaire ou son avocate. Tout comme M. Genest, Mme Ettritch ignorait que la fonctionnaire était en congé de maladie non payé avant que la société d’assurance-invalidité de longue durée communique avec elle pour confirmer le versement des certificats médicaux au dossier de congé de la fonctionnaire. Les personnes concernées avaient supposé qu’elle recevait déjà des prestations d’assurance-invalidité de longue durée.

30        Le 1er avril 2014, M. Nash a assumé la responsabilité du bureau des passeports de Fredericton. En juin 2014, il a pris la relève de Mme Ettrich en ce qui concerne ce dossier de grief. Il n’avait jamais rencontré la fonctionnaire avant la réunion du 6 mai 2014. Lors de cette réunion, on a demandé à la fonctionnaire, en présence de son avocate, de fournir à M. Nash et à Mme Ettritch tous les renseignements qu’elle souhaitait leur communiquer et qu’elle n’avait pas déjà présentés, et qui pourraient influencés la décision de l’employeur relativement à l’enquête.

31        À l’occasion de la réunion du 6 mai, M. Nash et Mme Ettritch espéraient que la fonctionnaire reçoive une décision dans les deux semaines. Malgré tous leurs efforts, ils n’ont pas été en mesure de présenter leurs recommandations dans ce délai. Alors qu’ils passaient en revue le rapport, il est devenu manifeste que, compte tenu de l’ampleur et de l’étendue des renseignements qu’il contenait, il leur faudrait plus de temps pour l’évaluer. Ils avaient l’obligation d’examiner attentivement son contenu. Un autre délai était dans l’intérêt supérieur de toutes les personnes. La recommandation provisoire de licencier la fonctionnaire a été formulée le 3 juin 2014. Cette recommandation a été transmise aux Relations de travail aux fins d’examen avant d’être acheminée à M. Risseeuw aux fins d’approbation.

32        Après avoir reçu la démission de la fonctionnaire, le 6 juin 2014, M. Nash a consulté les Relations de travail quant à l’incidence de cette démission sur l’enquête. On l’a informé qu’une fois que la démission de la fonctionnaire était acceptée, les Relations de travail procédaient à la fermeture de son dossier et que, par conséquent, l’affaire serait terminée. Il a confirmé avoir accepté la démission de la fonctionnaire le 13 juin 2014 (pièce 46). La demande de départ à la retraite de la fonctionnaire était volontaire et il n’avait pas le droit de la refuser. Il ne l’a pas informé que, du point de vue de l’employeur, son cas était fermé. L’employeur ne pouvait pas lui imposer une mesure disciplinaire alors qu’elle n’était plus une employée. M. Nash n’était pas autorisé à l’informer de la recommandation.  

33        M. Nash a transféré le courriel confirmant l’acceptation de la démission au service de la rémunération, qui exigeait une date fixe de départ à la retraite. M. Nash a donc communiqué avec la fonctionnaire pour connaître la date à laquelle elle avait l’intention de prendre sa retraite. Quelques heures plus tard, l’avocate de la fonctionnaire a communiqué avec M. Nash pour demander une mise à jour. Il n’a pas répondu, parce qu’aucune décision n’avait été rendue et que le processus de départ à la retraite était commencé. Le 19 juin, il a parlé avec l’avocate de la fonctionnaire au téléphone. Elle lui a demandé si une décision avait été rendue et il l’a informée que ce n’était pas le cas. Elle a alors demandé à quel moment elle serait informée de la décision et il lui a répondu qu’il faudrait encore au moins une autre semaine. M. Nash a accepté de la tenir au courant à savoir si une décision serait rendue ou si le dossier serait tout simplement fermé.

34        Le 24 juin, la fonctionnaire a informé M. Nash qu’elle prendrait sa retraite le 27 juin 2014, comme il lui avait demandé. M. Nash a été préoccupé par cette information, car il ne lui avait jamais demandé de prendre sa retraite. Il lui a simplement demandé de confirmer la date à laquelle elle prendrait sa retraite. La fonctionnaire a également indiqué à l’employeur qu’elle serait en congé de maladie jusqu’au 31 juillet 2014 (pièce 49), soit au-delà de la date à laquelle elle prévoyait prendre sa retraite. Un formulaire de congé a été préparé et signé en vue d’autoriser le congé jusqu’à la date de son départ à la retraite. Après la confirmation de la date de son départ à la retraite, M. Nash a rencontré la fonctionnaire pour échanger des biens. Au cours de cet échange, il n’y a eu aucune discussion quant au résultat de l’enquête.

35        Malgré le départ à la retraite de la fonctionnaire, M. Nash a continué de recevoir des demandes de renseignements de la part de l’avocate de la fonctionnaire afin de savoir quand une décision serait rendue relativement à l’enquête de harcèlement contre la fonctionnaire. Le 23 juillet 2014, M. Nash a reçu un message vocal de l’avocate de la fonctionnaire à propos de l’état de l’enquête. Dans un courriel (pièce 48), il a répondu à l’avocat qui remplaçait l’avocate habituelle de la fonctionnaire que les Relations de travail communiqueraient avec lui afin de répondre à ses demandes de renseignements. Il l’a également invité à effectuer de nouveau un suivi auprès de lui s’il ne recevait aucune réponse dans les 14 jours. M. Nash ne pouvait répondre aux demandes de renseignements de cet avocat, car l’affaire avait été attribuée à l’avocate du ministère.

36        Le 5 septembre 2014, l’avocate de l’employeur a répondu à l’avocat de la fonctionnaire et lui a confirmé que le dossier était fermé et qu’aucune autre mesure n’était en suspens. La fonctionnaire n’était plus une employée et l’employeur n’avait pas le pouvoir de lui imposer une mesure disciplinaire.

37        M. Nash a admis que, dans des circonstances idéales, un processus d’enquête sur le harcèlement devrait être achevé dans un délai de 12 mois, comme il est établi dans la politique de l’employeur. Cependant, ces échéanciers ne sont que des lignes directrices. Dans la présente affaire, compte tenu du nombre d’allégations et de témoins à interviewer, il a fallu beaucoup plus de temps pour achever l’enquête. L’employeur était optimiste à l’égard du fait que les questions pouvaient être réglées plus tôt; cependant, il était important de prendre le temps nécessaire pour rendre la décision appropriée. On n’a pas expliqué le processus de prise de décisions à la fonctionnaire ou à son avocate.

38        Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle est devenue gestionnaire en 1987, alors qu’elle était employée à l’Agence de promotion économique du Canada atlantique. Elle a également assumé les responsabilités de gestion du bureau des passeports de Fredericton, en mars 2005. Elle y supervisait entre 10 et 14 employés. Au moment de son départ à la retraite, elle comptait 31 années de service au sein de la fonction publique fédérale. À l’automne 2012, elle relevait de M. Genest, qui travaillait à partir du bureau de Passeport Canada, à Montréal, et qui visitait le bureau de Fredericton une fois ou deux par année. Elle avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire à deux reprises : la première fois, elle a reçu une suspension d’un jour et, la deuxième fois, elle a reçu une suspension sans traitement de deux jours relativement à des incidents similaires à ceux soulevés dans le grief de harcèlement.

39        À l’automne 2012, la culture au bureau des passeports de Fredericton était toxique. Les employés ont fait part de leur mécontentement à Mme Ettritch, qui avait remplacé M. Genest. Mme Ettritch et l’agente des ressources humaines, Mme Cocchito, ont préparé un sondage que les membres du personnel du bureau des passeports de Fredericton ont été tenus de remplir. Le 20 novembre 2012, la fonctionnaire a reçu un appel téléphonique de Mme Ettritch, qui l’a informée que les résultats du sondage étaient différents de ceux de l’année précédente. Une réunion de tous les employés était prévue le 23 novembre 2012, et la fonctionnaire devait rencontrer Mme Ettritch le 22 novembre.

40        La fonctionnaire était mécontente que Mme Ettritch ait invité l’ensemble des employés du bureau des passeports de Fredericton à participer à cette réunion. On l’a informée que le bureau devait demeurer ouvert et que Mme Ettritch demanderait à des employés d’autres bureaux des passeports à remplacer ceux participant à la réunion.

41        Au début de la réunion, Angela McLaughlin, gestionnaire adjointe du bureau des passeports de Fredericton, a expliqué que le but était de discuter des résultats du sondage et d’élaborer des engagements en vue d’améliorer le milieu de travail. La fonctionnaire croyait que Mme Ettritch et Mme Cocchito l’appuieraient pendant la réunion, mais elles ne l’ont pas fait. Elle a eu l’impression que tous les commentaires la visaient. Ses employés voulaient qu’elle se trouve dans son bureau et qu’elle y reste toute la journée. La réunion s’est déroulée de 10 h 30 jusqu’à 16 h 45.

42        Lorsqu’elle est partie de la réunion, la fonctionnaire était bouleversée. Constatant cela, Mme Ettritch l’a suivie jusqu’à son bureau et lui a conseillé de travailler à partir de son domicile le lundi suivant afin de permettre le passage d’un certain délai entre la tenue de la réunion et la reprise de ses fonctions de supervision. La fonctionnaire a refusé cette offre et, à ce moment, Mme Ettrich lui a suggéré de prendre un congé.

43        La fonctionnaire est rentrée à la maison et a réfléchi à la réunion pendant toute la fin de semaine. Le dimanche, elle a décidé de prendre un congé. Elle s’est rendue à son bureau et a laissé ses clés sur son bureau de travail. Elle a envoyé un courriel à Mme Ettritch pour l’informer qu’elle prenait un congé de maladie et qu’elle lui fournirait un billet de médecin. Elle a également demandé à son ex-époux de prendre son fils pendant quelques semaines, pendant qu’elle composait avec le bouleversement ressenti à la suite de la réunion. Elle était également stressée et anxieuse.

44        La fonctionnaire a vu son médecin le 26 ou le 27 novembre 2012. D’après la fonctionnaire, le médecin s’est aperçu qu’elle était très bouleversée. Le médecin lui a demandé ce qui était arrivé, et la fonctionnaire lui a décrit la réunion et lui a affirmé qu’elle n’était pas en mesure de retourner dans cet environnement. Le médecin l’a mise en congé de maladie pour une période de deux mois, après quoi la situation serait réévaluée. Le médecin lui a remis un certificat médical, qu’elle a ensuite remis à son employeur.

45        Le 20 décembre 2012, la fonctionnaire a reçu un appel téléphonique de M. Genest l’informant que tous ses employés avaient présenté un grief de harcèlement contre elle. Il l’a informé qu’il lui fournirait de plus amples renseignements sous peu, mais que, entre-temps, elle ne devait parler à qui que ce soit, ce qu’elle a interprété comme voulant dire qu’elle ne devait parler à personne, non pas qu’elle devait éviter de parler à ses employés seulement. M. Genest a précisé ce qu’il voulait dire dans un courriel (pièce 29).

46        La communication suivante qu’elle a reçue à propos du grief était datée du 5 février 2012, lorsque M. Genest l’a informée que M. Risseeuw avait accueilli le grief et qu’une enquête sur le harcèlement allait être menée. Elle devait collaborer à l’enquête et ne pas retourner au bureau avant que celle-ci soit achevée. Il prévoyait que cela prendrait quatre mois. La fonctionnaire avait l’impression qu’elle était suspendue. Elle a consulté son avocate, qui lui a indiqué qu’il semblait qu’elle avait été suspendue avec salaire, mais qu’elle devait le confirmer auprès de l’employeur. Lorsqu’elle a communiqué avec l’employeur, on lui a dit que si la fonctionnaire voulait être payée pendant la période de l’enquête, elle devait utiliser ses crédits de congé de maladie.

47        La fonctionnaire s’attendait à ce que l’enquête soit traitée rapidement, dans un délai de quatre mois. À l’époque, elle avait accumulé sept mois de crédits de congé de maladie. Le 13 mars 2013, M. Genest l’a informée qu’un enquêteur avait été embauché et que les entrevues commenceraient en avril, ce qui a été confirmé au moyen d’une lettre (pièce 27). La communication suivante entre la fonctionnaire et l’employeur a eu lieu le 6 avril, lorsque M. Genest l’a appelée pour l’informer qu’elle devait rencontrer l’enquêteur le 11 avril 2013. L’enquêteur sur le harcèlement, M. Gagnon, lui a ensuite téléphoné le 8 avril 2013, pour confirmer sa disponibilité.

48        Avant la réunion, M. Gagnon a envoyé une copie des allégations par courriel à la fonctionnaire. Elle a reçu une lettre détaillée décrivant les allégations (pièce 34) le 11 avril 2013, après l’entrevue. Elle a répondu de mémoire à chacune des allégations, car elle ne s’était pas présentée au bureau pour obtenir les documents nécessaires. En juin 2013, à la demande de l’enquêteur, on lui a donné accès au bureau pendant trois heures, après les heures normales de travail, pour retracer les documents pertinents. On lui a donné accès à son compte de courriel, dans lequel elle a choisi des pièces à imprimer. Chaque pièce a été examinée par un représentant de l’employeur avant que laisser la fonctionnaire quitter le milieu de travail.

49        L’enquêteur devait fournir à la fonctionnaire un résumé de son entrevue aux fins d’examen. La fonctionnaire n’a pas eu d’autres nouvelles de M. Gagnon jusqu’à la fin d’août 2013, lorsqu’il l’a appelée pour discuter de deux allégations de plus qui avaient été soulevées. Après cela, elle n’a pas eu d’autre rencontre avec M. Gagnon. En octobre 2013, la fonctionnaire a reçu une copie du rapport préliminaire aux fins de commentaires. Elle avait jusqu’au 17 octobre 2013 pour soumettre ses commentaires.

50        La fonctionnaire a rédigé ses observations et ses commentaires sur le résumé, elle a demandé à son avocat de les examiner, puis elle les a acheminés à M. Gagnon pour la date limite. Elle n’a pas eu d’autres nouvelles par la suite, même si elle a continué à en demander à son employeur. En février 2014, elle a reçu le rapport final (pièce 63) par courrier express, qui était daté du 31 janvier et qui a été reçu un mois plus tard, à la fin du mois de février. La fonctionnaire prévoyait que, dans un délai d’un mois, elle entendrait parler de la mesure corrective qui serait prise. Selon elle, il s’agirait d’une formation obligatoire. Elle a rédigé sa réponse et ses observations relativement au rapport, comme on lui a demandé de le faire, pour que celles-ci puissent être acheminées à M. Risseeuw aux fins de considération dans le cadre de sa prise de décision.

51        La fonctionnaire tenait l’employeur à jour en ce qui concerne ses progrès et elle a continué de lui faire parvenir ses certificats médicaux ainsi que ses coordonnées actuelles. Elle a continué de fournir à l’employeur des certificats de congé de maladie parce qu’elle voulait s’assurer qu’elle pourrait avoir accès à ses crédits de congé de maladie et, éventuellement, demander des prestations de maladie de l’assurance-emploi et des prestations d’invalidité de longue durée. Si elle se trouvait en congé de maladie, elle aurait le droit de racheter son droit à pension pour la période pendant laquelle elle était en congé non payé. Finalement, sa demande d’assurance-invalidité de longue durée a été refusée, car elle n’était pas inapte à exercer ses fonctions de gestion. Elle est néanmoins demeurée en congé de maladie non payé. Pendant toute la durée du congé de maladie, la fonctionnaire consultait un médecin, un psychiatre, ainsi qu’un psychologue qui affirmait qu’elle ne pouvait pas travailler dans l’environnement du bureau des passeports de Fredericton (voir la demande d’assurance-invalidité de longue durée à la pièce 32). Cependant, la fonctionnaire n’a jamais demandé à l’employeur de la placer dans un nouvel environnement de travail, et elle n’a jamais demandé une mesure d’adaptation quelconque.

52        La fonctionnaire a envoyé un courriel M. Genest, dans lequel elle l’a informé qu’elle avait changé d’adresse courriel, mais, lorsqu’elle a reçu un avis indiquant qu’il était absent du bureau, elle a fait suivre le message à Mme Ettritch (pièce 22). Pendant la période au cours de laquelle elle était absente du travail, la fonctionnaire a commencé à faire du bénévolat à raison d’environ 17 heures par semaine. Elle en a informé Mme Ettritch et, lorsque a demandé à lui parler, l’appel a été prévu en prenant compte des heures de bénévolat de la fonctionnaire.

53        L’appel a eu lieu une semaine après le 55e anniversaire de naissance de la fonctionnaire, en mars 2014. Le but de l’appel était de déterminer si la fonctionnaire avait l’intention de prendre sa retraite. Elle est devenue admissible à la retraite en 2014. Elle a indiqué à Mme Ettritch qu’elle ignorait à quel moment elle prendrait sa retraite. Elle avait déjà dit à des personnes au bureau qu’elle souhaitait demeurer au travail jusqu’à ce que son fils obtienne son diplôme, en 2016. À l’âge de 55 ans, elle pouvait prendre sa retraite sans pénalité. La fonctionnaire a également dit à Mme Ettritch qu’elle devrait peut-être prendre sa retraite pour continuer à gagner un revenu.

54        Mme Ettritch a également informé la fonctionnaire de la transition vers Service Canada, le 1er avril 2014. Cependant, elle n’a pas dit à la fonctionnaire qu’elle pouvait effectuer un retour au travail. Lorsque la fonctionnaire a demandé à Mme Ettritch en quoi le passage à Service Canada aurait une incidence sur sa situation d’emploi, on lui a indiqué qu’elle se joindrait à Service Canada à son retour.

55        La communication suivante entre la fonctionnaire et l’employeur a eu lieu lors de la réunion du 6 mai 2014. Elle ne savait pas qui était M. Nash jusqu’à ce que, pendant la réunion, on l’informe qu’il s’agissait de son nouveau superviseur. Mme Ettritch et M. Nash ont demandé à la fonctionnaire s’il y avait quoi que ce soit d’autre qu’ils avaient besoin de savoir à propos du rapport et de la situation au bureau des passeports de Fredericton. Elle a parlé à Mme Ettritch et à M. Nash des plaintes contre un employé, et elle a demandé à ce que la lettre qu’elle avait envoyée et qui comprenait ses commentaires soit portée à l’attention de M. Risseeuw. À la conclusion de la réunion, la fonctionnaire a été informée qu’elle recevrait la décision de l’employeur dans les deux semaines. À la fin de ces deux semaines, l’employeur n’avait toujours pas rendu une décision. Elle a été informée que l’employeur s’attendait à rendre une décision au cours des semaines suivantes.

56        En juin 2014, la fonctionnaire avait besoin d’argent, car ses économies s’épuisaient et sa demande d’invalidité de longue durée avait été refusée. Elle n’allait pas emprunter de l’argent à sa famille pour subvenir à ses besoins jusqu’à son retour au travail, elle a donc fait la chose logique et elle a présenté son avis de retraite en juin 2014. D’après son témoignage, elle avait besoin d’un revenu et elle voulait simplement mettre fin à la situation qu’elle vivait depuis décembre 2012. Elle était fatiguée et n’arrivait plus à composer avec le stress que cette situation lui causait. Elle voulait, dans ses mots, [traduction] « mettre cela derrière [elle] et poursuivre [sa] vie ». Pour elle, il s’agissait de la chose logique à faire.

57         Elle a déclaré dans son avis d’intention de prendre sa retraite, envoyé à M. Nash, que la date pourrait devoir être reportée si elle était suspendue en guise de mesure disciplinaire. Elle ne voulait pas que la mesure disciplinaire la pénalise relativement à sa pension. Elle ne pouvait plus attendre la décision. Elle avait obtenu tout ce qu’elle allait obtenir de l’employeur et elle en avait assez des retards. Elle était fatiguée de se sentir comme elle se sentait. Elle n’avait jamais envisagé la possibilité que l’employeur songe à la licencier.

58        La fonctionnaire ne considérait pas son courriel à M. Nash comme une lettre de démission. Il s’agissait simplement d’une déclaration de son intention. Cependant, lorsque M. Nash a indiqué dans son courriel de réponse qu’il avait accepté sa démission (pièce 46), elle n’a pas précisé cette distinction. À aucun moment, elle n’a exprimé le souhait de retirer son départ à la retraite.

59        Au cours des mois de juillet, d’août et de septembre, la fonctionnaire s’attendait à recevoir une réponse de l’employeur concernant une décision disciplinaire. Son avocate a continué d’effectuer un suivi auprès de l’employeur; aucune réponse n’a été reçue avant le début septembre 2014, lorsque l’avocate de l’employeur a informé l’avocate de la fonctionnaire que le dossier et l’affaire avaient été fermés.

60        La fonctionnaire a communiqué avec Matthew Hiltz alors qu’il était employé au cabinet d’avocats Cox & Palmer. Il a témoigné qu’il avait eu une conversation avec une Yolande Viau relativement à un congé administratif payé pour la fonctionnaire si elle n’était pas la bienvenue à effectuer un retour au milieu de travail. Il ne savait pas avec certitude qui était Mme Viau ou si elle était une représentante de l’employeur ou une employée du ministère de la Justice. Il a également examiné avec Mme Viau la possibilité de prestations de retraite pour la fonctionnaire. Lorsque les réponses à ces deux demandes se sont avérées négatives, il a conseillé à la fonctionnaire de demeurer en congé de maladie et de fournir un certificat médical à l’employeur. Il était dans l’intérêt supérieur de la fonctionnaire de demeurer en congé de maladie si elle voulait gagner un revenu, car il était possible que, si elle n’était pas en congé de maladie, l’employeur la suspende sans salaire.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

61        La nouvelle Commission n’a pas compétence pour entendre cette affaire, car l’employeur n’a ni suspendu la fonctionnaire ni pris de mesure disciplinaire à son égard, ce qui est requis en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. La fonctionnaire a mis fin à son emploi en application de l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (S.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »). La fonctionnaire n’a pas présenté d’allégation de mesure disciplinaire déguisée, ce qui relèverait du pouvoir d’examen de la nouvelle Commission. Elle est partie volontairement en congé de maladie. À aucun moment, elle n’a informé l’employeur qu’elle était apte à effectuer un retour au travail. L’employeur n’avait aucune raison de remettre en question les certificats médicaux, que la fonctionnaire présentait de façon régulière. Son témoignage confirmait qu’elle n’était pas apte à effectuer un retour au travail pendant toute la durée de l’enquête. Elle n’a pas été suspendue.

62        Il n’y a aucun grief affirmant que la fonctionnaire avait été suspendue; son grief portait sur le délai lié à la prise d’une décision. Selon Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), à l’audience, la fonctionnaire ne pouvait s’appuyer sur des motifs qui n’avaient pas été soulevés aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs. Subsidiairement, la nouvelle Commission n’a pas compétence, car la suspension était de nature administrative. Si l’on tient compte de l’intention de l’employeur, l’exclusion de la fonctionnaire du milieu de travail n’était clairement pas une mesure disciplinaire. L’employeur lui avait communiqué qu’elle ne devait pas retourner au milieu de travail pendant l’enquête, car, compte tenu de la culture de peur dont, selon les allégations, elle avait fait la promotion au bureau des passeports de Fredericton, il était préférable de séparer les parties pendant l’enquête. En règle générale, un congé de maladie non payé n’est pas considéré comme une mesure disciplinaire et il incombait à la fonctionnaire de démontrer le contraire (voir Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTEFP 63, aux paragr. 135, 137 et 140), Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, aux paragr. 20 à 22, et King c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 45, au paragr. 62).

63        Qui plus est, un retard dans un processus d’enquête ne constitue pas une mesure disciplinaire (voir Stead et Weda c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 87, aux paragr. 57 à 59 et 63). M. Genest a indiqué que la fonctionnaire ne pouvait pas retourner au milieu de travail, c’est-à-dire le bureau des passeports de Fredericton. Il a également témoigné que, si l’employeur avait été informé que la fonctionnaire était apte à effectuer un retour au travail, il aurait réévalué la situation. Un autre milieu de travail était une option; cependant, il n’était pas nécessaire de la relocaliser, étant donné que son médecin avait attesté qu’elle n’était pas apte à retourner au travail. M. Nash a témoigné qu’encore plus d’options permettant à la fonctionnaire de retourner au travail étaient disponibles en raison de la fusion avec Service Canada, le 1er avril 2014. Cependant, elle n’a jamais demandé une mesure d’adaptation en milieu de travail ou fourni de renseignements médicaux selon lesquels elle était apte à retourner au travail. L’employeur s’est fié aux certificats médicaux fournis par la fonctionnaire à titre d’indicateur de sa capacité de travailler. Elle était en congé de maladie avant la présentation du grief de harcèlement. Elle n’est jamais retournée au travail après la réunion de tous les employés de novembre 2012.

64        La durée d’une enquête peut devenir disciplinaire (Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24), selon les circonstances. Pour déterminer si une enquête constitue une mesure disciplinaire, il faut examiner l’intention de l’employeur ainsi que tous les faits pertinents (voir Braun, aux paragr. 135, 137 et 140; King, au paragr. 62; et Stead, aux paragr. 57 à 59 et 63). Il n’y avait aucune mauvaise foi ou aucun camouflage dans le cadre de l’enquête de l’employeur sur les allégations de harcèlement. Il a fallu un certain temps pour trouver un enquêteur bilingue disponible en vue de mener l’enquête. Lorsqu’on a trouvé un enquêteur, il s’est écoulé 11 mois avant que l’employeur reçoive le rapport d’enquête. Il a fallu moins d’un an pour mener l’enquête intégrale, ce qui n’est pas déraisonnable compte tenu du nombre d’allégations, d’employés qui ont présenté un grief et de personnes interviewées.

65        L’employeur a agi de bonne foi pendant toute la durée du processus et a effectué un suivi auprès de l’enquêteur à de nombreuses reprises pour découvrir autant de temps s’était écoulé. Il n’était pas en mesure de contrôler l’échéancier d’une tierce partie et, au milieu de tout cela, il effectuait une transition de Passeport Canada à Service Canada. L’employeur voulait procéder à une évaluation exhaustive du rapport et ne voulait pas précipiter son processus de prise de décision. Une autre réunion de recherche de faits a eu lieu le 5 mai 2014, et, en date du 3 juin 2014, M. Nash et Mme Ettritch avaient préparé leur recommandation, qui devait ensuite obtenir l’approbation des spécialistes des Ressources humaines et l’accord de l’administrateur général.

66        Le 5 juin 2014, la fonctionnaire a présenté son avis de retraite. M. Nash ne voyait aucune raison de ne pas l’accepter; il s’agissait du choix de la fonctionnaire et il ne pouvait pas refuser. Cependant, l’avis d’intention de prendre sa retraite a effectivement surpris l’employeur. Il ignorait s’il était tenu ou s’il avait le pouvoir de mener le processus de harcèlement jusqu’à sa conclusion. D’après son représentant des Relations de travail, le dossier était fermé. M. Nash ne parvenait pas à comprendre la raison pour laquelle l’avocate de la fonctionnaire continuait à effectuer un suivi à propos de l’état du dossier. La fonctionnaire a confirmé la date de son départ à la retraite du 27 juin 2014, et, à cette date, elle a cessé d’être une employée de la fonction publique.

67        La fonctionnaire avait le droit de présenter un grief contre des événements qui s’étaient produits alors qu’elle était une employée, mais elle ne pouvait pas renvoyer le retard lié à l’achèvement de l’enquête à l’arbitrage. Cette question ne relève pas de la compétence de la nouvelle Commission; il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire et cette question ne fait pas partie de la convention collective pertinente. Toute allégation de licenciement implicite le 5 septembre 2014, n’appartient pas à la période au cours de laquelle la fonctionnaire était une employée. Le délai lié à la prise d’une décision n’était pas disciplinaire. L’employeur ne la faisait pas attendre et n’espérait pas qu’elle prenne sa retraite. Il n’y a aucun élément de preuve selon lequel l’employeur l’a encouragée à prendre sa retraite ou le lui ait demandé. C’est elle qui a soulevé la possibilité du départ à la retraite, pas l’employeur (voir Canada (Conseil du Trésor) c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778; Cawley c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2013 CRTFP 135, au paragr. 44; Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28, au paragr. 161).

68        Pour déterminer si un départ à la retraite est volontaire, il faut examiner l’intention de l’employé selon une perspective objective et subjective (Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragr. 7:7100). Il faut à la fois un acte objectif et une intention subjective; l’employé pensait-il réellement ce qui a été dit? Le fait qu’une personne présente par écrit son intention de prendre sa retraite démontre une intention objective de prendre sa retraite. Il n’y avait aucune contrainte, aucune coercition et aucun élément de preuve voulant que la fonctionnaire ait été incapable, sur le plan médical, de prendre la décision, ce qui aurait nié son intention déclarée (voir Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, aux paragr. 163 et 164). Elle avait retenu les services d’une avocate qui a été très impliquée pendant toute la durée du processus. La fonctionnaire a témoigné qu’elle en avait assez de cette situation et qu’elle voulait y mettre fin. Le déroulement relevait de son choix. Elle n’a jamais retiré sa décision de prendre sa retraite. Elle a témoigné qu’il s’agissait d’une décision logique pour elle et qu’elle ne voulait pas récupérer son emploi. Si sa démission est inopérante, le seul recours qui s’offre à elle est la réintégration (voir Motorways Direct v. Teamsters Union, Local 880 (1988), 35 L.A.C. (3d) 11). La fonctionnaire a eu le temps de réfléchir à sa décision; elle a fait son choix et a pris des mesures pour le mettre en œuvre.

69        L’employeur n’est pas responsable de la situation financière de la fonctionnaire; il n’en est pas la cause. L’employeur n’a pas causé la situation qui a donné lieu au grief de harcèlement; il n’est pas non plus l’auteur du rapport. La fonctionnaire s’est placée elle-même dans cette situation, qu’elle a réglée en prenant sa retraite (voir Charron c. Chambre des communes, 2002 CRTFP 90, aux paragr. 63 et 64; McNab c. Conseil du Trésor (Transport Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14343 (19840224); [1984] C.R.TF.P.C. no 24 (QL), au paragr. 39; Arsenault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23957 (19930722); [1993] C.R.T.F.P.C. no 135).

70        Le contact continu avec l’avocate de la fonctionnaire, malgré le fait qu’elle avait déjà indiqué son intention de prendre sa retraite donnait l’impression à M. Nash qu’on préparait l’employeur en vue d’une action en justice à son encontre (voir Rinke c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 143, au paragr. 146). L’employeur recevait des messages contradictoires de la fonctionnaire et de son avocate. Pour M. Nash, il était évident que la fonctionnaire voulait prendre sa retraite, et la communication continue avec l’avocate prenait des allures de préparation en vue d’une affaire de licenciement implicite. Si la fonctionnaire ne voulait pas prendre sa retraite, elle aurait pu attendre le dénouement et, en définitive, présenter un grief contre son licenciement et retirer sa démission.

71        Des pressions pécuniaires ne constituent pas une contrainte et la décision de prendre sa retraite, par conséquent, n’est pas un geste involontaire (voir Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2014 CRTFP 90, aux paragr. 87, 91 et 103; Mutart c. Canada (Procureur général), 2014 CF 540 et Canadian Museum of Civilization v. Public Service Alliance of Canada, [2000] C.L.A.D. No. 343 (QL), aux paragr. 21 et 26). La fonctionnaire a créé son absence de salaire. Elle est partie en congé de maladie et est demeurée absente du travail, même après le refus de sa demande d’invalidité de longue durée en raison du fait qu’elle n’était pas totalement handicapée. Elle n’a jamais demandé une mesure d’adaptation ou d’effectuer un retour au travail.

72        La fonctionnaire n’a pas fait l’objet d’un licenciement implicite. Elle a choisi la date de son départ à la retraite, qui était antérieure à la date de son licenciement implicite allégué. Le concept de licenciement implicite n’a aucune pertinence dans la fonction publique (Hassard, aux paragr. 176 à 178); le licenciement implicite existe en common law, et, à ce titre, les employés n’ont pas accès à une procédure de règlement des griefs. Les employés syndiqués ont des droits de recours par l’intermédiaire de leurs droits de grief prévus dans leur convention collective. Ils peuvent présenter des griefs et les renvoyer à l’arbitrage.

73        L’emploi dans la fonction publique fédérale est également régi par la LEFP, laquelle vise les démissions et les renvois administratifs. Elle détermine le moment où une personne devient un employé de la fonction publique fédérale et celui où elle cesse d’être un employé. Dans ce régime, il n’y a pas de place pour une autre forme de licenciement (voir Gaskin c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 96, au paragr. 69). L’employeur n’a pas contrevenu aux conditions d’emploi de la fonctionnaire ou pris une mesure quelconque à son encontre. Elle a fait le choix de prendre sa retraite. Il n’y avait rien de déraisonnable ou d’arbitraire dans le traitement de l’employeur.

74        Pour qu’une demande de prorogation du délai soit accueillie, un fonctionnaire doit établir au moyen d’une preuve claire, logique et convaincante les motifs du retard. La nouvelle Commission doit tenir compte de la durée du délai et de la diligence raisonnable de la fonctionnaire. La nouvelle Commission doit pondérer l’injustice subie par la fonctionnaire par rapport au préjudice pour l’employeur en accordant une prorogation. Le dernier facteur à prendre en considération est la possibilité de réussite de la fonctionnaire (voir Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, au paragr. 75).

75        La fonctionnaire n’a présenté aucune explication ou aucun motif convaincant pour ne pas avoir présenté un grief alléguant un licenciement implicite avant le 8 septembre 2014, alors que sa dernière journée à titre d’employée remontait au 27 juin 2014. Dans les lettres envoyées à l’employeur après son départ à la retraite, son avocate a menacé d’intenter une action en justice en raison de son licenciement implicite. Le 14 août 2014, dans une lettre de son avocate (pièce 59), on a donné à l’employeur jusqu’au 22 août 2014 pour présenter à la fonctionnaire une décision relative au résultat de l’enquête sur le harcèlement. Le 29 août 2014, son avocate a envoyé un grief en application du paragraphe 208(1) de la Loi à M. Nash alléguant qu’elle avait fait l’objet d’un licenciement implicite le 22 août 2014. La fonctionnaire et son avocate ont désigné de façon arbitraire le 5 septembre 2014 comme date limite à laquelle l’employeur devait répondre à son grief.

76        Quant à l’allégation relative à un retard dans le processus de prise de décision, la fonctionnaire aurait pu présenter un grief à tout moment avant son départ à la retraite. Un fonctionnaire ne peut pas s’asseoir sur ses droits. On n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. En outre, la possibilité de réussite de la fonctionnaire est faible, notamment à la lumière des allégations de licenciement implicite. Elle ne peut pas obliger l’employeur à poursuivre une relation d’emploi après avoir pris sa retraite. Le fait de permettre cela serait hautement préjudiciable à l’employeur. D’après Featherston c. Administrateur général (École de la fonction publique du Canada), 2010 CRTFP 72, au paragr. 81, Crête c. Ouellet et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 96, aux paragr. 27, 28 et 32, Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, et White c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 88, au paragr. 67, la demande de prorogation de délai devrait être rejetée. Étant donné que la nouvelle Commission n’a pas compétence, le présent grief devrait être rejeté.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

77        Le défaut de l’employeur de déterminer la mesure disciplinaire à l’encontre de la fonctionnaire a davantage porté atteinte à cette dernière que la décision elle-même. Elle s’est retrouvée coincée au purgatoire pour une durée déraisonnable. M. Nash savait qu’au moment où elle prenait sa retraite, il restait toujours des questions non réglées, ce qu’illustre de façon manifeste l’interaction continue entre l’employeur et les représentants juridiques de la fonctionnaire. Elle se fiait aux communications de l’employeur selon lesquelles une réponse lui serait communiquée prochainement au moment de sa retraite. Compte tenu des observations de l’employeur, il était raisonnable qu’elle se fie à ces communications.

78        Selon Cawley,au paragr. 43, dans le cas d’une démission involontaire, le fonctionnaire est toujours un employé et, par conséquent, il a le droit de présenter un grief. Ce n’est que le 5 septembre 2014, que la fonctionnaire a été informée qu’aucune décision ne serait rendue. Il n’y a eu aucun retard indu relativement à la présentation du grief; il a été déposé cinq jours après cet événement. La demande de prorogation du délai a été faite à l’égard de la démission, puisque celle-ci était manifestement liée au résultat de la décision de l’employeur. On a satisfait à cette qualification le 5 septembre 2014, lorsqu’on a indiqué à l’avocate de la fonctionnaire qu’aucune détermination ne serait rendue et qu’on avait fermé le dossier. Si l’employeur ignorait les répercussions de la démission sur la décision disciplinaire, il est déraisonnable de s’attendre à ce que la fonctionnaire les comprenne. L’employeur aurait dû lui indiquer clairement, le 27 juin 2014, qu’il avait fermé son dossier. Le fait qu’il ait retenu cette information ne devrait pas être utilisé à l’encontre de la fonctionnaire. Les griefs liés au défaut de rendre une décision ainsi que le retard à informer la fonctionnaire au sujet de la mesure disciplinaire qui serait imposée respectaient manifestement les délais prescrits. Il est tout simplement juste de proroger les délais relatifs au grief de licenciement implicite.

79        Dans Richard c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 180, la fonctionnaire a été suspendue pour une période indéfinie, puis licenciée. L’ancienne Commission lui a accordé une prorogation de huit mois après sa suspension et de six mois après son licenciement. L’ancienne Commission a tranché en disant que la directive claire de l’employeur à l’intention de la fonctionnaire de ne pas retourner au milieu de travail était une suspension (voir les paragraphes 62 à 64). L’employeur dans cette affaire a fait valoir que la fonctionnaire était absente dans le cadre d’un congé de maladie avec certificat médical pendant toute la durée de la période au cours de laquelle elle était absente du bureau. La preuve a démontré qu’elle n’avait pas présenté un autre certificat médical après le 31 mars 2014. Par conséquent, elle doit avoir été suspendue.

80        Il existe des raisons claires, logiques et convaincantes de proroger les délais pour permettre à la fonctionnaire de présenter un grief. L’employeur l’a informée à de nombreuses reprises qu’une décision était imminente. M. Nash a présenté une communication claire le 19 juin 2014. Une fois de plus, le 2 juillet 2014, l’avocate de l’employeur a informé l’avocate de la fonctionnaire qu’une réponse serait reçue en temps voulu. Le 23 juillet 2014, on a communiqué de nouveau avec M. Nash en vue d’obtenir une réponse, son avocate a répondu le 24 juillet 2014. Il était manifestement plus facile pour l’employeur de la laisser prendre sa retraite que de rendre une décision dans une affaire compliquée. Le 5 septembre 2014, l’avocate de l’employeur a annexé une copie du formulaire de grief à sa réponse. La fonctionnaire a fait preuve de diligence raisonnable en donnant suite à cette affaire.

81        Il n’y a aucune preuve d’un quelconque préjudice à l’égard de l’employeur. La fonctionnaire a toutefois démontré le préjudice important qu’elle subirait si on ne l’autorisait pas à donner suite à son grief. Elle a une possibilité raisonnable de réussite si on l’autorise à poursuivre. Après avoir retardé la procédure pendant plus de 20 mois, il est ironique que l’employeur ait cherché à empêcher la fonctionnaire de donner suite à son grief, au motif qu’elle n’a pas respecté le délai de 35 jours pour le présenter. Ses droits sont réglementaires, alors que l’employeur a cherché à mettre en application une politique. Il convient de se souvenir que la fonctionnaire a tenté de présenter son grief le 29 août 2014, toujours au-delà de la date limite du 27 juin 2014.

82        Les affaires citées par l’employeur se distinguent nettement de celle en l’espèce. Le fonctionnaire dans White avait trois ans et cinq mois de retard. Dans Featherstone, le retard était de neuf mois. Dans Callegaro, le retard était de 14 mois et, dans Crête, il était d’environ 12 mois. Ces retards sont considérablement plus importants que le retard d’un mois dans l’affaire de la fonctionnaire, au cours de laquelle son avocate et l’employeur ont entretenu des communications continues. Il était manifeste que le processus de prise de décision était en cours.

83        L’argument de l’employeur en ce qui concerne le délai soulève une question de préclusion. La fonctionnaire s’est fiée à des observations formulées par l’employeur sur lesquelles elle devait pouvoir s’appuyer et sur lesquelles elle s’est effectivement appuyée. Il est dans l’intérêt de la justice et de l’équité de tirer une conclusion selon laquelle l’employeur était préclus de soulever une objection fondée sur le respect des délais.

84        L’employeur a indiqué qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prise à l’encontre de la fonctionnaire malgré le fait qu’on lui avait dit de ne pas retourner au bureau des passeports de Fredericton. À toutes fins utiles, elle a été suspendue. L’employeur a soutenu que ce point est théorique, puisqu’elle était en congé de maladie. Il incombait à l’employeur de démontrer que la fonctionnaire n’était pas apte au travail. Dans Potter c. Commission des services d’aide juridique du Nouveau-Brunswick, 2015 CSC 10, la Cour suprême du Canada a tranché que si un employeur ordonne à un employé de ne pas se présenter au milieu de travail, l’employé est alors suspendu.

85        Selon les griefs présentés devant la nouvelle Commission, l’employeur a tardé à rendre une décision, la démission de la fonctionnaire était involontaire et cette dernière a fait l’objet d’un licenciement implicite. Par conséquent, les fondements pour accorder compétence à la nouvelle Commission sont en place. Quant à l’argument relatif à Burchill soulevé par l’employeur, le grief contenait des renseignements suffisants pour l’informer des allégations qu’il devait traiter. La fonctionnaire ne doit pas être astreinte à une norme de perfection relativement à la présentation des détails de chaque événement. Conformément à la Loi, le grief doit être interprété conformément aux objectifs de la législation, qui vise à donner accès aux employés à des mécanismes de recours relativement à des litiges en milieu de travail relevant de la compétence d’un arbitre de grief. Si les renseignements sont insuffisants, la nouvelle Commission peut ordonner à la fonctionnaire de présenter un exposé plus détaillé.

86        La situation de fait dans Potter est étonnamment similaire au cas de la fonctionnaire. M. Potter était en congé de maladie lorsqu’il a été avisé de ne pas retourner au travail jusqu’à ce qu’il reçoive de nouvelles directives. Il s’agissait du début d’une suspension administrative pour une période indéfinie (voir Potter, aux paragr. 10 et 12). Une suspension administrative ne fait pas obstacle à la compétence de la Commission si les bons facteurs sont présents (voir Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 9). Dans Larson, l’arbitre de grief a conclu que le défaut de l’employeur de se conformer à ses politiques ou de respecter les délais équivalait à une intention de ne pas être lié par le contrat d’emploi. Une personne raisonnable arriverait à la conclusion qu’elle n’était plus liée par le contrat d’emploi.

87        En appliquant le critère de la personne raisonnable à la fonctionnaire, il était évident qu’elle n’avait pas suffisamment de renseignements pour prendre une décision éclairée concernant son choix de prendre sa retraite. La recommandation aurait pu lui être communiquée, mais l’employeur a choisi de ne pas le faire. La suspension pour une période indéfinie créait de l’incertitude pour la fonctionnaire et l’employeur avait l’obligation de démontrer qu’elle était raisonnable ou justifiée. Aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que l’employeur a réévalué la suspension. Il a soutenu qu’il n’était pas nécessaire de le faire, car la question du retour au travail de la fonctionnaire au milieu de travail n’a jamais été soulevée, étant donné qu’elle était en congé de maladie. L’employeur a l’obligation d’établir qu’elle était inapte au travail. Le fait que d’autres possibilités s’offraient à la fonctionnaire ne lui a jamais été communiqué. Il est manifeste que l’employeur n’a jamais eu l’intention d’être lié par le contrat d’emploi (voir Larson, aux paragr. 161 et 162; Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 70, au paragr. 102; Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, 2004 CSC 55, aux paragr. 60, 62 et 71).

88        Après le 25 février 2014, l’employeur ne s’est jamais attardé à la question de savoir si la suspension de la fonctionnaire était toujours requise, ce à quoi s’ajoutaient des retards et un défaut de lui fournir des renseignements sur les progrès de l’enquête. L’employeur a fait preuve de négligence en omettant de respecter ses délais. Sa politique sur le harcèlement exige qu’une plainte soit réglée en causant le moins de perturbation possible pour les personnes touchées et qu’elle soit traitée rapidement, et le processus d’enquête sur la plainte doit être mené rapidement. Une plainte doit faire l’objet d’une enquête complète dans les 12 mois qui suivent son dépôt. Toute pénalité imposée doit être mise en œuvre dans ce délai. Les lignes directrices en matière de mesures disciplinaires de l’employeur intègrent les critères dans Larson et recommandent fortement de ne pas retarder l’imposition d’une mesure disciplinaire.

89        Dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, le traitement d’une plainte de harcèlement par l’employeur a été examiné. L’arbitre de grief dans cette affaire a conclu qu’une plainte de harcèlement stigmatise le défendeur. L’arbitre de grief a conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation en matière de diligence, de prudence et d’impartialité, et qu’il cherchait à provoquer le fonctionnaire pour qu’il quitte son emploi. La fonctionnaire dans la présente affaire a été traitée de façon similaire. La durée du processus est devenue le fondement de la conclusion selon laquelle elle en aurait assez et qu’elle prendrait sa retraite. De même, dans Singaravelu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 178, l’employeur a commis une erreur en imposant une mesure disciplinaire plus de trois ans après l’inconduite alléguée. Le principe selon lequel un employeur doit respecter les politiques pouvant donner lieu à une mesure disciplinaire a été appliqué. On attend d’un employeur qu’il respecte ses politiques. Autrement, lorsqu’examiné dans son ensemble, il devient manifeste que l’employeur dans la présente affaire n’avait plus l’intention d’être lié par le contrat d’emploi.

90        Par sa conduite, l’employeur a commis un subterfuge et un camouflage, et a agi de mauvaise foi et, par conséquent, la fonctionnaire a choisi de prendre sa retraite. M. Hiltz a témoigné à propos des prestations de retraite. M. Genest a témoigné qu’il ne souhaitait pas son retour. Une semaine après le 55e anniversaire de naissance de la fonctionnaire, Mme Ettritch lui a téléphoné dans le seul but de discuter de son départ à la retraite et du bénévolat. La conclusion sous-jacente à tirer du retard important lié au fait de rendre une décision en matière de mesure disciplinaire était que l’employeur faisait attendre la fonctionnaire.

91        Après le 3 juin 2014, les communications de l’employeur sont devenues trompeuses; M. Nash et Mme Ettritch savaient en quoi consistait leur recommandation et ils savaient que leur décision aurait une incidence sur la date de départ à la retraite de la fonctionnaire. L’employeur n’avait aucune intention de respecter ses délais. La fonctionnaire était acculée au coin du mur et n’avait aucune intention sérieuse ou absolue de prendre sa retraite.

92        L’affirmation selon laquelle la fonctionnaire a rompu la relation d’emploi de façon volontaire n’est pas appuyée par la preuve. Sa démission a été précipitée par le défaut de l’employeur de rendre une décision. La fonctionnaire a été trompée par l’employeur. M. Nash savait que le dossier des relations de travail avait été fermé une fois qu’il avait accepté la démission de la fonctionnaire, il a cependant informé son avocate qu’une décision serait rendue aux environs du 26 juin 2014. Selon Brown et Beatty, au paragr. 7-261, lorsqu’un employeur accepte un avis de retraite d’un employé, l’employeur ne devrait pas agir de mauvaise foi. Les employés sont vulnérables et devraient être protégés (voir McKinley c. BCTel, 2001 CSC 38). On ne devrait pas refuser à la fonctionnaire de présenter un grief parce que l’employeur a tardé à rendre une décision (voir Cawley).

C. Réponse de l’employeur

93        L’employeur n’a pas dissimulé de renseignements à la fonctionnaire. Il ne pouvait pas communiquer des renseignements qui n’existaient pas. Le processus de prise de décision a été prolongé, mais M. Nash n’a jamais déclaré qu’une décision serait rendue de façon imminente ou aux environs du 26 juin 2014. Il ne pouvait pas savoir quand elle serait prise. Il a effectivement indiqué qu’une recommandation serait envoyée au plus tard le 19 juin 2014. La fonctionnaire a choisi de prendre sa retraite avant que l’administrateur général prenne sa décision. L’employeur n’a pas le pouvoir de prendre une mesure disciplinaire à l’égard d’une personne qui n’est pas un employé. Le 29 août 2014, la fonctionnaire a tenté de présenter un grief, mais a utilisé le mauvais formulaire. Le grief officiel a été présenté le 10 septembre 2014 et était ancré sur la lettre du 5 septembre 2014 provenant de l’avocate de l’employeur. Le contenu des griefs était différent.

94        La décision dans Potter ne s’applique pas. La nouvelle Commission a compétence pour trancher une suspension disciplinaire, que l’employé visé peut ensuite contester. Elle n’a pas compétence en ce qui concerne une suspension administrative. Pour déterminer le type de suspension en litige dans la présente affaire, la nouvelle Commission doit se pencher sur l’intention de l’employeur. S’il n’y avait aucune intention disciplinaire et que l’employeur a agi de façon raisonnable et sans mauvaise foi, la suspension est de nature administrative.Le paragraphe 62 de Cabiakman stipule que, si une suspension administrative est justifiée pour les intérêts légitimes de l’entreprise, compte tenu du contexte dans son ensemble, l’employeur n’a pas procédé à un licenciement implicite de l’employée.

95        Burchill établit que, pour que la nouvelle Commission ait compétence, la question doit avoir été tranchée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. La nouvelle Commission n’a pas compétence pour modifier un grief et se pencher sur des allégations supplémentaires. La fonctionnaire a présenté un grief contre le délai lié à la prise d’une décision portant sur les constatations de l’enquête de harcèlement. Le bien-fondé de cette enquête n’a pas été soulevé dans le grief; elle n’a pas non plus présenté un grief contre la suspension alléguée. Il était trop tard à l’audience pour soulever ces allégations.

96        Les lignes directrices de l’employeur ne sont pas obligatoires, car elles n’ont aucune racine législative. La nouvelle Commission est arrivée à la conclusion que les politiques et les lignes directrices ne peuvent pas être mises en application dans le cadre de l’arbitrage et qu’il n’existe aucun mécanisme de recours pour une contravention par l’employeur d’une politique ou de ses lignes directrices. La nouvelle Commission a utilisé de telles contraventions pour évaluer le comportement des employeurs. La preuve a démontré que l’employeur a agi de façon diligente et de bonne foi à l’égard de l’enquête de harcèlement, qui a été achevée en moins d’un an et, en conséquence, diffère considérablement des situations de fait dans Robitaille et Singaravelu.

97        Il n’y a aucune preuve que l’employeur tentait de faire attendre la fonctionnaire. On ne peut pas conclure de l’appel de Mme Ettritch, en mars 2014, qu’elle tentait d’inciter la fonctionnaire à prendre sa retraite. Elle lui a téléphoné en raison d’un courriel de la fonctionnaire indiquant qu’elle était perturbée, car elle avait été informée de l’absence prolongée de M. Genest du bureau (pièce 22). Le fait que la gestionnaire de la fonctionnaire lui demande des renseignements à propos de ses plans ne constitue pas un acte de mauvaise foi. À la réunion de novembre 2012, la fonctionnaire a indiqué de façon répétée aux personnes présentes qu’elles n’auraient qu’à composer avec elle pendant 14 mois, car elle prévoyait prendre sa retraite.

98        Si la fonctionnaire estimait qu’elle avait été suspendue le 5 février 2013, elle aurait dû présenter un grief dans les 35 jours. Elle ne l’a pas fait. Elle a continué à fournir à l’employeur une preuve de son incapacité de travailler en raison de sa santé et à demander à l’employeur de continuer à lui accorder un congé de maladie. Lorsqu’elle a épuisé ses crédits de congé de maladie, elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi et a demandé une assurance-invalidité de longue durée. L’employeur n’a entrepris aucune mesure afin de la suspendre officiellement. Son état de congé pendant toute la période de novembre 2012 à juin 2014 indiquait qu’elle était en congé de maladie certifié sans rémunération.

99        La preuve a démontré que toutes les exigences dans Larson ont été respectées. Il n’y avait aucune nécessité de réévaluer la raison pour laquelle elle était absente du milieu de travail. Les certificats du médecin et les demandes de congé ont continué à être présentés régulièrement. Si elle avait indiqué qu’elle était apte à retourner au travail, l’employeur aurait évalué la possibilité de la réinstaller dans un autre milieu de travail. Dans la négative, l’employeur aurait eu à déterminer si une suspension était requise. Tous les renseignements du médecin de la fonctionnaire et de son témoignage indiquent qu’elle était inapte au travail. L’employeur n’avait aucune obligation de démontrer que la fonctionnaire était inapte au travail ou d’entreprendre un processus de mesure d’adaptation, comme l’a laissé entendre son avocate. La fonctionnaire avait l’obligation de lancer ce processus. Elle n’a ni demandé une mesure d’adaptation ni demandé de retourner au travail au bureau des passeports de Fredericton ou dans un autre bureau.

100        Il n’a pas été démontré que l’employeur avait l’intention de rompre la relation d’emploi ou de refuser de respecter les conditions d’emplois de la fonctionnaire. Pour quelle raison l’employeur poursuivrait-il l’enquête et formulerait-il une recommandation disciplinaire s’il n’avait aucune intention de respecter les conditions d’emploi de la fonctionnaire? Pour quelle raison Mme Ettritch et M. Nash continuaient-ils à effectuer un suivi auprès de la fonctionnaire et de son avocate si l’employeur n’avait aucune intention de respecter les conditions d’emploi de la fonctionnaire? Une personne raisonnable verrait que l’employeur faisait preuve de diligence raisonnable.

101        L’employeur a agi rapidement et il n’y a aucune preuve de mauvaise foi ou aucune intention de prolonger de façon déraisonnable le processus de son côté.

102        En ce qui concerne la demande de prorogation de délai de la fonctionnaire pour présenter un grief alléguant qu’elle avait fait l’objet d’un licenciement implicite le 5 septembre 2014, la lettre de l’employeur daté du 5 septembre était incluse dans le formulaire de grief. La preuve a démontré que la lettre a été présentée à l’avocate de la fonctionnaire en réponse à une demande précise. Elle ne pouvait constituer le fondement pour présenter un grief. L’employeur n’a pas renoncé et ne renonce pas aux délais pour présenter un grief de licenciement.

IV. Motifs

103        Il y a quatre questions à trancher dans la présente affaire :

(1) La fonctionnaire a-t-elle été suspendue du milieu de travail de février 2013 à juin 2014?

(2) L’employeur a-t-il retardé excessivement l’imposition d’une mesure disciplinaire à l’encontre de la fonctionnaire en raison d’une conclusion selon laquelle des allégations de harcèlement formulées à son encontre par les employés qu’elle supervisait étaient justifiées?

(3) La fonctionnaire a-t-elle été forcée de prendre sa retraite à compter du 27 juin 2014?

(4) La nouvelle Commission devrait-elle accorder une prorogation du délai pour présenter un grief de licenciement implicite étant donné que la fonctionnaire n’a prétendument pas été informée des faits donnant lieu au licenciement implicite avant le 5 septembre 2014?

A. La fonctionnaire a-t-elle été suspendue du milieu de travail de février 2013 à juin 2014?                                                                                                                

104        Avant que les employés du bureau des passeports de Fredericton présentent leur grief de harcèlement, la fonctionnaire était en congé de maladie avec certificat médical. Elle a continué de fournir à l’employeur des certificats de congé de maladie et à demander un congé de maladie payé et non payé à l’employeur, ce qui lui a été accordé pendant toute la durée de la période en litige. De plus, en fonction de sa situation médicale, elle a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Lorsque ces prestations ont été épuisées, elle a demandé des prestations d’invalidité de longue durée. Selon sa conduite et les renseignements médicaux qu’elle a communiqués à l’employeur, il était raisonnable que l’employeur se fie à la légitimité de ces renseignements et de croire qu’elle était inapte au travail.

105        Étant donné que la fonctionnaire était absente du milieu de travail, la preuve a démontré que l’employeur ne s’est jamais demandé si elle devait être suspendue. M. Genest lui a demandé de ne pas retourner au bureau des passeports de Fredericton. Selon la preuve non contredite de l’employeur, n’eût été du fait qu’elle était trop malade pour être présente dans le milieu de travail d’après sa preuve et les certificats médicaux qu’elle avait fournis à l’employeur, l’employeur avait d’autres lieux de travail où il aurait pu affecter la fonctionnaire. La chaîne de courriel dans la pièce 29 établit clairement que l’interdiction imposée ne visait que le bureau des passeports de Fredericton et que, autrement, la fonctionnaire pouvait communiquer avec qui elle voulait.

106        Dans Cabiakman, la Cour suprême a déclaré qu’au moment de déterminer si une suspension est raisonnable, un arbitre de grief doit se concentrer sur la situation qui existait au moment où la décision de suspendre a été prise, car la question à trancher consiste à déterminer si la décision de l’employeur était justifiée au moment où elle a été prise. Une suspension exige qu’un employeur prenne une certaine mesure affirmative afin d’interdire à l’employé de se présenter au milieu de travail, que ce soit pendant la tenue d’une enquête ou pour des motifs disciplinaires. L’employé doit être informé qu’il ou elle est suspendu et de la raison de la suspension.

107        Selon la preuve non contredite de M. Genest, il avait informé la fonctionnaire en février 2013 par téléphone que les employés du bureau des passeports de Fredericton avaient présenté un grief de harcèlement à son encontre, que le grief avait été accueilli et qu’une enquête sur les allégations s’ensuivrait. En outre, il n’a pas été contredit qu’il a informé la fonctionnaire que, pendant l’enquête, elle ne devait pas parler à ses employés ou retourner au bureau des passeports de Fredericton. Étant donné que la fonctionnaire était en congé de maladie à ce moment, il n’était pas nécessaire de la suspendre en attendant l’achèvement de l’enquête. Il était manifeste qu’elle ne devait pas retourner précisément au bureau des passeports de Fredericton, mais rien ne mentionnait qu’elle ne pouvait pas retourner au travail si elle était apte à le faire.

108        Contrairement aux affaires citées par l’avocate de la fonctionnaire, il ne s’agissait pas d’une situation où un employeur a retiré une employée du milieu de travail dans l’attente de l’achèvement d’une enquête disciplinaire. Dans la présente affaire, la fonctionnaire était absente du milieu de travail pour des raisons médicales, et des certificats médicaux ont été présentés à cet égard. Elle est à l’origine de l’absence, non pas l’employeur. Il était fallacieux de sa part de soutenir à l’audience qu’on ne devait pas s’appuyer sur les renseignements qu’elle avait fournis à l’employeur pour s’assurer un revenu et avoir accès à ses prestations de maladie pour soutenir son allégation selon laquelle elle avait été suspendue. N’eût été ses actions, elle aurait pu être nommée dans un autre milieu de travail.

109        La preuve non contredite des témoins de l’employeur était que l’employeur aurait évalué la question de savoir s’il était possible d’affecter la fonctionnaire à un autre de ses bureaux ou de la suspendre en attendant l’achèvement du processus d’enquête, mais cela n’était pas nécessaire tant que la fonctionnaire continuait de s’absenter du milieu de travail pour des raisons médicales.

110        Si j’ai tort quant à l’application de Potter,et que la fonctionnaire a été suspendue, j’arrive à la conclusion qu’il s’agissait d’une suspension administrative, à l’égard de laquelle je n’ai pas compétence. Le processus d’enquête entrepris par l’employeur n’était pas disciplinaire, mais constituait plutôt une enquête de recherche de faits. Il était raisonnable, compte tenu des circonstances du grief de harcèlement, de séparer les parties et, comme la fonctionnaire était absente du milieu de travail en congé de maladie autorisé, je ne vois rien qui modifierait la nature de l’absence au profit d’une suspension disciplinaire. L’interaction continue avec la fonctionnaire, ses demandes de congé de maladie et d’autres prestations de maladie, et la fourniture de certificats médicaux répondaient à la nécessité établie dans Larson de réévaluer la suspension de façon régulière.

B. L’employeur a-t-il retardé excessivement l’imposition d’une mesure disciplinaire?

111        La fonctionnaire n’a soulevé aucun argument selon lequel l’enquête était vexatoire ou frivole. L’employeur a agi promptement et raisonnablement en réponse au grief de harcèlement présenté par les employés du bureau des passeports de Fredericton. Comme l’a signalé l’avocate de l’employeur, compte tenu du nombre d’allégations, le nombre de fonctionnaires s’estimant lésés, les exigences linguistiques des parties et la nécessité relative à un enquêteur externe dont l’horaire ne relevait pas de son contrôle, il n’était pas déraisonnable d’achever le processus d’enquête en moins d’un an. Ce n’était pas le cas dans Basra et Larson, dans lesquelles les enquêtes se sont étirées sur de longues périodes. L’employeur a agi de façon responsable et a effectué régulièrement un suivi auprès de l’enquêteur et de la fonctionnaire. Le passage de Passeport Canada à Service Canada et la reconnaissance des régions étaient accessoires au processus.

112        La détermination d’une mesure disciplinaire exige d’abord que l’employé soit en mesure de répondre aux allégations et de présenter à l’employeur les raisons qui appuieraient l’atténuation de la mesure disciplinaire. L’employeur a offert cette possibilité à la fonctionnaire en mai 2014. Un examen adéquat des facteurs atténuants est une marque distinctive du processus disciplinaire; en outre, la preuve a clairement démontré que l’employeur devait tenir compte des commentaires de la fonctionnaire lors de la réunion de mai 2014 ainsi que des facteurs aggravants, par exemple l’historique des plaintes formulées à son encontre. Le fait que son avocate et elle croyaient qu’une mesure disciplinaire, sous la forme d’une brève suspension, était imminente n’est pas pertinent. Pendant toute la durée du processus disciplinaire, le licenciement était considéré comme une option.

113        Mme Ettritch et M. Nash n’avaient pas le pouvoir, en vertu de la délégation des pouvoirs des ressources humaines, de licencier un employé (pièce 26). Ce pouvoir appartient à l’administrateur général. Toute recommandation qu’ils ont formulée concernant la mesure disciplinaire à imposer devait être approuvée par le Service des relations de travail pour s’assurer qu’elle était raisonnable, justifiée et qu’elle relevait du domaine des autres mesures disciplinaires imposées pour des infractions semblables. Ensuite seulement la recommandation pouvait être faite à l’administrateur général. Ce processus s’est étiré sur environ huit semaines et la décision de la fonctionnaire de prendre sa retraite y a mis fin. Contrairement à Singaravelu, l’employeur n’a pas retardé de façon déraisonnable l’imposition d’une mesure disciplinaire.

114        L’article 63 de la LEFP établit clairement que la conséquence d’une démission, y compris d’un départ à la retraite, est que l’employé cesse d’être un employé à la date à laquelle l’administrateur général ou son délégué acceptent la démission par écrit. Ainsi, les conséquences d’un départ à la retraite accepté par l’administrateur général sont les mêmes que pour tout autre licenciement en vertu de la LEFP une fois que la personne cesse d’être un employé. Le pouvoir de prendre une mesure disciplinaire à l’égard d’un employé pour un acte répréhensible dans le milieu de travail découle de la relation d’emploi et vise à corriger le comportement de l’employé dans le milieu de travail. Étant donné que l’employée a mis fin elle-même à son emploi, la nécessité d’imposer une mesure disciplinaire est devenue théorique dans cette affaire.

C. La fonctionnaire a-t-elle été forcée de prendre sa retraite à compter du 27 juin 2014?                                                                                                  

115        L’employeur a fait valoir que je n’ai pas compétence pour entendre la présente affaire en raison du fait que le départ à la retraite constitue une forme de démission de la fonction publique qui relève de l’article 63 de la LEFP. Essentiellement, la fonctionnaire a cherché à annuler son avis de retraite, car il n’avait pas été présenté volontairement. La fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait tenté de remplacer cet avis par un grief alléguant qu’elle avait fait l’objet d’un licenciement implicite. Sa lettre de démission n’était pas dans l’intention de rompre la relation d’emploi, mais était devenue nécessaire pour lui permettre d’avoir accès aux fonds liés à sa pension.

116        Le grief dont je suis saisie a été renvoyé à l’ancienne Commission en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, car il alléguait une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. En l’espèce, les allégations dans le grief sont liées au départ à la retraite de la fonctionnaire. Elle a fait valoir que l’essence de son grief est liée à un licenciement forcé en raison du défaut de l’employeur de prendre une mesure disciplinaire à son égard en temps opportun et de sa suspension prolongée dans l’attente du résultat de l’enquête sur le harcèlement. La fonctionnaire a allégué qu’elle n’avait eu d’autre choix que de prendre sa retraite pour s’assurer un revenu.

117        Dans son formulaire de grief, qui a lancé les présentes procédures, il est évident qu’elle cherchait à obtenir un paiement tenant lieu de préavis et non à être réintégrée dans son poste auprès de l’employeur. Elle n’a pas cherché à annuler son départ à la retraite. Le caractère véritable du grief porte sur la fin de son emploi, ce pour quoi elle a demandé des dommages.

118        Un avis de retraite est en fait une cessation d’emploi volontaire. La fonctionnaire a quitté son emploi auprès de l’employeur de son propre gré pour s’assurer de gagner un revenu. C’était sa décision. D’après son témoignage, elle avait pris tout ce qu’elle pouvait prendre du processus disciplinaire en cours, malgré le fait qu’on l’avait assuré qu’il prendrait fin prochainement. Selon son témoignage, il s’agissait d’une action délibérée qu’elle a prise de son propre gré et dans son intérêt supérieur. Une autre preuve du caractère délibéré de son action était la demande de prestations de pension. Elle avait l’intention subjective de prendre sa retraite et a pris toutes les mesures nécessaires pour donner suite à cette intention.

119        Il ne s’agissait pas de son unique option. Elle aurait pu attendre la décision de l’employeur ou, subsidiairement, elle aurait pu informer l’employeur en tout temps pendant le processus d’enquête et de prise de décision qu’elle était apte à retourner au travail, après quoi l’employeur aurait eu à évaluer si on pouvait lui trouver du travail utile dans un emplacement autre que le bureau des passeports de Fredericton. Elle n’a fait ni l’un ni l’autre. Elle a pris les choses en mains et a décidé de prendre sa retraite. L’employeur aurait très bien pu lui poser des questions sur ses projets en vue de la retraite, mais, selon la preuve présentée, dont celle de la fonctionnaire, il était connu qu’elle parlait ouvertement de ses plans de retraite dans le milieu de travail et qu’elle avait informé toutes les personnes rassemblées, en novembre 2012, qu’il ne lui restait que 14 mois avant de prendre sa retraite.

120        Même si la fonctionnaire pouvait montrer de la souplesse quant à la date d’entrée en vigueur de sa retraite, comme elle l’a indiqué dans son avis de retraite à l’intention de M. Nash (la date pouvait être modifiée en raison d’une suspension), le contenu de ses courriels est sans équivoque (pièces 3 et 16). Elle avait l’intention de mettre fin à la relation d’emploi.

121        La fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait été obligée de prendre sa retraite pour des raisons financières. L’ancienne Commission et la Cour fédérale se sont penchées sur cette raison dans Mutart. Selon l’article 211 de la Loi, je n’ai pas compétence à l’égard de toute cessation d’emploi en vertu de la LEFP. L’acceptation de la démission et de la demande de retraite était une fonction relevant du pouvoir de l’administrateur général aux termes de l’article 63 de la LEFP, qui n’est pas assujetti à mon examen.

122        L’avocate de la fonctionnaire a également soutenu que M. Genest ne souhaitait pas son retour, ce qui va à l’encontre de son témoignage. La preuve non contredite de M. Genest était qu’il ne pouvait pas permettre à la fonctionnaire de retourner au bureau des passeports de Fredericton pendant que l’enquête était en cours. Également selon son témoignage, il n’était pas tenu d’envisager le retour de la fonctionnaire au milieu de travail à l’époque, car elle était absente en raison d’un congé de maladie avec certificat médical et, si elle lui avait fourni un certificat médical indiquant qu’elle était apte à retourner au travail, l’employeur aurait cherché un autre emplacement pour elle s’il y en avait un de disponible. Ce scénario n’équivaut pas au fait de ne pas souhaiter le retour de la fonctionnaire au milieu de travail. Cette pratique est conforme à la politique de l’employeur sur la prévention du harcèlement et envisage un retour au travail et non pas, comme le soutient la fonctionnaire, un souhait de l’éliminer du milieu de travail.

D. La nouvelle Commission devrait-elle accorder à la fonctionnaire une prorogation du délai pour présenter un grief de licenciement implicite?                                                                                                                  

123        Cette demande a été présentée au motif que la fonctionnaire ignorait, avant le 5 septembre 2014, les motifs sur lesquels l’allégation de licenciement implicite est fondée. Ayant conclu qu’elle n’a pas été licenciée, qu’elle a volontairement mis un terme à la relation d’emploi et qu’elle n’a pas été suspendue sans autorisation par l’employeur, Potter ne s’applique pas. Il semble y avoir peu à gagner en accordant la prorogation du délai. La fonctionnaire a peu de possibilités de réussite et aucun élément nouveau n’a été mis en lumière qui justifierait la prorogation. Cela est d’autant plus vrai que la fonctionnaire connaissait l’ensemble des faits sur lesquels l’argument relatif à la prorogation du délai était fondé avant la date de sa retraite. Elle aurait pu présenter un grief de licenciement implicite en tout temps après l’acceptation de sa démission. Elle a choisi de ne pas le faire, car elle voulait savoir qu’elle serait la mesure disciplinaire, ce qui ne constitue pas une raison suffisante pour la nouvelle Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de proroger le délai pour présenter un grief.

124        Le fardeau de la preuve incombe aux fonctionnaires dans les demandes de prorogation de délai pour présenter un grief. Dans la présente affaire, la fonctionnaire n’a pas présenté de motifs clairs, logiques et convaincants pour expliquer la raison pour laquelle le délai pour présenter son grief devrait être prorogé (voir Schenkman).De même, la preuve appuyant son argument portant sur la préclusion est inexistante ou insuffisante. La présentation d’une copie d’un formulaire de grief, qui est accessible en ligne dans le site Web de la nouvelle Commission et auquel la fonctionnaire aurait pu accéder à tout moment avant sa démission ou dans le délai de 35 jours précisé dans le Règlement de la Loi, n’appuie pas la conclusion selon laquelle l’employeur a renoncé aux délais pour la présentation d’un grief.

125        Les parties ont cité de nombreuses affaires à l’appui de leurs arguments. Bien que j’aie lu et examiné chacune de ces affaires, j’ai choisi de citer uniquement celles qui revêtent une importance particulière relativement à la présente affaire.

126        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

127        Le dossier est fermé.

128        La demande de prorogation de délai est rejetée.

Le 23 février 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans
la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.