Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté deux plaintes contre l’agent négociateur, en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, parce que l’employeur se serait prétendument adonné à des pratiques déloyales de travail au sens de l’article 185 – le plaignant a allégué que l’agent négociateur avait contrevenu à son devoir de représentation équitable en refusant de le représenter à l’égard des questions relatives à des mesures d’adaptation qu’il avait soulevées auprès de son employeur et dans deux griefs – le plaignant n’a pas participé à l’audience et il n’a pas non plus demandé une remise de celle‑ci – c’était au plaignant qu’incombait le fardeau d’établir la preuve, selon une prépondérance des probabilités, que l’agent négociateur avait omis de s’acquitter de son devoir de représentation équitable – la formation de la Commission a déterminé que, en se fondant uniquement sur les faits allégués dans les plaintes, le plaignant avait omis de présenter le fondement factuel à l’appui de l’allégation voulant que l’agent négociateur ait agi d’une façon qui était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi – la formation de la Commission est parvenue à la conclusion que le plaignant n’avait pas l’intention de donner suite à ses plaintes et que, à toutes fins utiles, il les avait abandonnées.    Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-04-04
  • Dossier:  561-34-736 et 746
  • Référence:  2016 CRTEFP 27

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

JOSEPH BATE

plaignant

et

Alliance de la Fonction publique du Canada

défenderesse

Répertorié
Bate c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Personne
Pour l'intimée
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
Le 21 mars 2016
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

Plaintes devant la Commission

1        Le 22 octobre 2014, Joseph Bate (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »). Il a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de le représenter à l’égard des questions relatives à des mesures d’adaptation qu’il avait soulevées auprès de son employeur. Dans cette plainte, le plaignant a réclamé des dommages non précisés de 250 000 $, ainsi que des excuses de la part de la défenderesse à titre de voies de réparation.

2        Le 7 avril 2015, le plaignant a déposé une autre plainte contre la défenderesse, dans laquelle il prétendait qu’elle avait une fois de plus manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de le représenter relativement à deux griefs. Dans cette plainte, le plaignant a réclamé des dommages non précisés de 100 000 $ ainsi que des excuses de la part de la défenderesse à titre de réparations.

3        Les deux plaintes ont été déposées en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Cet alinéa est ainsi rédigé :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

4        Au sens de l’article 185 de la Loi, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1). La disposition de la Loi citée à l’article 185 qui s’applique à ces plaintes est l’article 187, qui est ainsi rédigé :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

5        Essentiellement, l’article 187 a été adopté afin d’obliger les organisations syndicales et leurs représentants à respecter leur devoir de représentation équitable qui, selon le plaignant, n’a pas été respecté par la défenderesse lorsqu’elle a refusé de le représenter relativement à ses griefs.

6        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission »), et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013. De plus, en vertu de l’article 395 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013, le commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes attributions qu’une formation de la Commission.

L’audience

7        Le 4 décembre 2015, les parties ont été avisées que l’audience de ces affaires aurait lieu à Toronto, en Ontario, du 21 au 23 mars 2016. Un avis d’audience confirmant ces dates a également été envoyé aux parties le 5 février 2016.

8        Le 24 février 2016, le plaignant a écrit ce qui suit à la Commission : [Traduction] « Malheureusement, en raison de ma maladie, je ne serai pas en mesure d’assister à l’audience. J’espère que les affaires pourront tout de même être instruites sur la base des éléments de preuve présentés à ce jour. » Le plaignant n’a fourni aucun document ni détail à l’appui de cette déclaration. Il n’a pas non plus demandé une remise de la procédure.

9        Le 21 mars 2016, la défenderesse a assisté à l’audience et était prête à poursuivre la procédure. Le plaignant ne s’est pas présenté. Compte tenu de sa déclaration précédente et du fait qu’aucun document ni détail n’avait été présenté pour justifier son absence, j’ai décidé de tenir l’audience en son absence.

10        La défenderesse a déposé une requête pour que les deux plaintes soient rejetées au motif que le plaignant avait omis d’établir une preuve prima facie.

Résumé de l’argumentation

11        La défenderesse a fait valoir qu’il n’y avait tout simplement aucun fondement factuel à l’appui des plaintes déposées en vertu de l’article 190 et que le plaignant ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir une preuve de pratique déloyale de travail, tel qu’allégué dans chacune des plaintes.

12        La défenderesse a ajouté que les documents présentés par le plaignant n’avaient pas permis d’établir une preuve prima facie qu’elle avait agi de mauvaise foi ou d’une façon arbitraire ou discriminatoire en matière de représentation du plaignant, ni dans ses rapports avec lui.

13        La défenderesse a soutenu qu’il n’y avait aucun droit absolu concernant la représentation syndicale et les agents négociateurs ont une grande latitude dans la détermination des questions qu’ils appuieront. La défenderesse a reconnu que, bien qu’elle ait l’obligation d’agir avec équité, sincérité, intégrité et compétence lorsqu’il s’agit de prendre de telles décisions, le plaignant n’a pas prouvé, selon les documents qu’il avait présentés, que la défenderesse n’avait pas satisfait à ces exigences dans ces situations-ci. Puisque le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience, il lui a été impossible de s’acquitter du fardeau de la preuve d’un tel manquement. Également, l’absence du plaignant à l’audience a rendu impossible la défense complète de la défenderesse puisqu’elle ne pouvait pas contre-interroger le plaignant ou remettre en cause sa documentation.

Motifs

14        Comme je l’ai mentionné, le plaignant a été avisé de la date et de l’heure de l’audience et a choisi de ne pas y assister. Il n’a pas demandé une remise d’audience. Le représentant et le témoin de la défenderesse se sont tous les deux rendus à Toronto, aux frais de la défenderesse, et ils étaient prêts à poursuivre.

15        Comme l’a affirmé l’ancienne Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et

Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, au paragr. 31, dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 187 de la Loi,  le fardeau de la preuve incombe au plaignant. En raison de ce fardeau, le plaignant doit présenter des éléments de preuve qui établissent, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable.

16        La Commission et ses prédécesseurs ont souvent formulé des commentaires à l’égard du droit de représentation des employés syndiqués. Dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragr. 17, l’ancienne Commission a rejeté l’idée selon laquelle il s’agissait d’un droit absolu :

[17] La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision. […]

17        Le rôle de la Commission consiste à déterminer si la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire dans sa représentation du plaignant ou dans ses rapports avec lui.

18        Comme l’a affirmé l’ancienne Commission dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, au paragr. 38, « […] [l]a barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haut à dessein. […] ». En l’espèce, la Commission a exigé du plaignant qu’il établisse qu’il y a eu contravention de l’article 187 de la Loi, qui, à son tour, exige qu’il présente le fondement factuel à l’appui de l’allégation voulant que le défendeur ait agi d’une façon qui était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. J’estime que le plaignant n’a pas présenté un tel fondement.

19        En me fondant uniquement sur les faits allégués dans les plaintes, je ne suis pas en mesure de conclure que la preuve présentée constitue un fondement suffisant établissant qu’il y a eu contravention de l’article 187 de la Loi en raison d’une conduite arbitraire, d’un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part de la défenderesse. Pour satisfaire au fardeau de la preuve qui lui incombait, le plaignant était tenu de produire suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la défenderesse n’avait pas, de quelque façon que ce soit, respecté son devoir de représentation équitable. Le plaignant n’a certainement pas aidé sa cause en ne se présentant pas à l’audience et en acceptant que l’affaire soit instruite in absentia (en son absence). Je ne peux simplement pas me fier aux documents joints aux plaintes, car ils ne m’ont pas été soumis en bonne et due forme et n’ont fait l’objet d’aucune forme de contestation de la part de la défenderesse. Quoi qu’il en soit, à mon avis, ces documents n’établissent pas une preuve prima facie, et ce, dans aucune des plaintes.

20        J’estime que le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve exposant les détails de ses plaintes, dans la mesure nécessaire pour établir la façon dont les actes ou les omissions de la défenderesse contrevenaient à l’article 187 de la Loi. Je ne peux que conclure qu’il n’avait pas l’intention de donner suite à ses plaintes et que, à toutes fins utiles, il les avait abandonnées.

21        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

22        Les plaintes sont rejetées.

Le 4 avril 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

Stephan J. Bertrand,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique

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