Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésées ont présenté des griefs individuels, dans lesquels elles alléguaient que l’employeur avait contrevenu à l’article 52 de leur convention collective, lorsqu’il a refusé leur demande de congé payé car elles ont omis de se présenter au travail – la première fonctionnaire s’estimant lésée était en retard de trois heures en raison d’une tempête de neige et la deuxième n’était pas en mesure de se présenter au travail en raison de l’annulation de son vol de retour au Canada à la suite de ses vacances – les deux employées ont affirmé qu’elles n’étaient pas en mesure de se présenter au travail en raison de circonstances indépendantes de leur volonté – en ce qui concerne la première employée, la formation de la Commission a admis le grief, puisqu’elle a estimé que la fonctionnaire s’estimant lésée avait fait des efforts raisonnables pour se présenter au travail, bien qu’elle aurait pu utiliser d’autres moyens – le grief de la deuxième employée a été rejeté puisque la formation de la Commission a estimé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas prévu une marge d’erreur pour des circonstances imprévues lorsqu’elle a planifié son voyage – dans son cas, la décision de l’employeur de rejeter la demande était raisonnable. Grief de Mme Close admis.Grief de Mme Stevens rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-03-02
  • Dossier:  566-02-7231 et 7232
  • Référence:  2016 CRTEFP 18

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

CECILIA CLOSE ET ANDREA STEVENS

fonctionnaires s'estimant lésées

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Close et Stevens c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Sydney (Nouvelle-Écosse)
les 2 et 3 juin 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

1        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi ») avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

2        Cecilia Close est une agente de prestation de services, classifiée CR-05. Elle est une employée du Centre de traitement des cas de Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC » ou « l’employeur ») à Sydney, en Nouvelle-Écosse.

3        Le 9 février 2011, Mme Close s’est présentée au travail trois heures en retard en raison du temps qu’elle a dû consacrer au déneigement de son entrée de cour à la suite d’une tempête de neige qui a commencé le 8 février 2011, et qui s’est poursuivie toute la nuit. Elle a demandé trois heures de congé payé en vertu de l’article 52 (« congé payé ou non payé pour d’autres motifs ») de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») pour le groupe Services des programmes et de l’Administration (PA), qui venait à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »).

4        L’employeur a refusé d’accorder le congé demandé par Mme Close. On lui a donné le choix de reprendre les heures perdues ou d’utiliser un autre type de congé payé.

5        Le 13 avril 2011, elle a déposé un grief (le « grief de Mme Close ») dans lequel elle a allégué une violation de l’article 52 de la convention collective. Le grief a été entendu et rejeté au deuxième et au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief et a été renvoyé à l’arbitrage le 22 juin 2012.

6        Andrea Stevens (elle et Mme Close sont les fonctionnaires s’estimant lésées (les « fonctionnaires »)) est également une agente de prestation de services, classifiée CR-05, au Centre de traitement des cas de CIC, à Sydney. Entre le 17 et le 26 mai 2011, elle a pris des vacances en Europe. Le vendredi 27 mai 2011, elle devait travailler de 8 h 30 à 14 h 15. Cependant, il y a eu des problèmes avec son vol de retour d’Europe et elle n’a pas été en mesure de revenir à temps pour travailler les heures prévues à son horaire. Elle a demandé 5,25 heures de congé payé en vertu de l’article 52 (« congé payé ou non payé pour d’autres motifs ») de la convention collective qui a succédé à celle mentionnée plus tôt et qui venait à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective suivante »).

7        L’employeur a refusé d’accorder le congé payé demandé par Mme Stevens en vertu de l’article 52 de la convention collective suivante. Par conséquent, elle a dû utiliser un congé annuel pour compenser son absence.

8        Le 6 juillet 2011, Mme Stevens a déposé un grief alléguant une violation de l’article 52 de la convention collective. Son grief a été entendu et rejeté au deuxième et au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 22 juin 2012.

9        Bien que les dates d’expiration des conventions collectives applicables soient différentes, la disposition en question est la même et est libellée comme suit :

52.01 L’Employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a)       un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

b)       un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention.

10        Puisque les deux griefs visent le même employeur, le même milieu de travail et la même disposition de la convention collective, les parties ont demandé qu’ils soient mis au rôle et entendus ensemble en arbitrage. À l’audience, les éléments de preuve relatifs à chacun des griefs ont été présentés séparément. Toutefois, les arguments des deux griefs ont été présentés conjointement. Le format de la présente décision reflète cette approche.

I. Résumé de la preuve

A. Grief de Mme Close

11        Mme Close a témoigné et a cité son mari, Curtis Close, à témoigner. Elle a produit six documents. L’employeur a cité Elizabeth Keough, une gestionnaire, à témoigner et il a produit trois documents.

12        Selon son propre témoignage, Mme Close habite à 12 kilomètres de son lieu de travail, dans un secteur qu’elle a décrit comme étant [traduction] « plutôt rural ». Les terrains sont de grande dimension et, par conséquent, ses voisins sont peu nombreux. Elle a affirmé que ce secteur n’est pas desservi par le transport collectif. Pour avoir accès au transport collectif, elle doit se rendre à un centre commercial situé à environ huit kilomètres de sa résidence. Selon elle, il lui faudrait marcher environ une heure ou plus jusqu’au centre commercial pour prendre l’autobus. Habituellement, le trajet en voiture entre sa résidence et son lieu de travail prend environ 15 minutes. Son mari et elle ont acheté la propriété en question vers 2002. Elle a déclaré que le terrain est plus bas que les autres terrains sur cette rue et que la pente entre le point le moins élevé de son entrée de cour et la rue est prononcée. Selon M. Close, l’entrée de cour a environ 35 pieds de longueur et environ 7 pieds de largeur.

13        Selon les observations de Mme Close relativement à l’accumulation de neige sur le toit des maisons situées sur sa rue, les maisons de son côté de la rue reçoivent plus de neige. Elle a fait valoir que, étant donné que son terrain est plus bas que les autres et qu’il semble s’y accumuler plus de neige, l’entrée de cour pose problème durant l’hiver. Elle estime que l’installation de trottoirs par la municipalité a augmenté la pente de son entrée de cour et que, par conséquent, celle-ci est plus difficile à entretenir l’hiver.

14        Mme Close et son mari utilisent une souffleuse à neige pour déneiger leur entrée de cour. En règle générale, c’est M. Close qui manœuvre la souffleuse. Selon le témoignage de ce dernier, il n’était économiquement ni faisable ni fiable d’embaucher quelqu’un pour déneiger leur entrée de cour à leur place. Mme Close a déclaré être atteinte d’arthrite et d’une bursite à la hanche. Si elle marche sur le sable ou dans la neige, l’inflammation s’active et elle ressent fréquemment de la douleur. C’est notamment pour cette raison qu’elle et son mari ont fait l’achat de la souffleuse et que c’est son mari qui l’utilise. Elle ne l’avait jamais utilisée avant le 9 février 2011.

15        La neige a commencé le 8 février 2011. En raison de la neige abondante, Mme Close, qui travaille habituellement de 7 h à 15 h 15, a quitté le travail une heure plus tôt; elle était préoccupée par les conditions météorologiques. Elle s’est rendue directement à la maison. Les routes étaient glissantes et elle devait conduire prudemment. Ce jour-là, une demi-heure a été nécessaire pour effectuer un trajet qui en prend habituellement 15 minutes. Il y avait déjà une accumulation de neige dans son entrée de cour lorsqu’elle est arrivée à sa résidence. Il a continué de neiger durant la nuit. Entre le 8 et le 9 février 2011, 24,4 centimètres de neige sont tombés (pièce G-2).

16        Mme Close ne se souvenait pas s’il y avait eu plus de neige que d’habitude durant le mois de février 2011. Elle a reconnu en contre-interrogatoire que, au cours du mois en question, il y avait eu des accumulations de neige plus importantes que celle des 8 et 9 février (pièce G-2). Elle a convenu que, selon le bulletin météorologique de février 2011, près de 30 centimètres de neige étaient tombés entre le 1er et le 3 février 2011. Elle ne se souvenait pas si elle avait eu de la difficulté à se rendre au travail lors des journées visées.

17        Mme Close n’a eu aucune difficulté à conduire son véhicule dans l’entrée de cour lors de son retour du travail, le 8 février. Elle n’a pas jugé nécessaire de se stationner plus près de la rue. Par expérience, elle savait qu’elle devait tirer profit de toute la longueur de l’entrée de cour afin d’obtenir l’accélération requise pour gravir la pente.

18        Le 8 février 2011, M. Close n’a pas nettoyé l’entrée de cour. Mme Close a déclaré qu’elle avait jugé inutile de déneiger l’entrée de cour, le 8 février, puisqu’on annonçait des précipitations de neige toute la nuit et que, de toute façon, son mari allait devoir la déneiger le lendemain matin.

19        Cependant, le matin du 9 février 2011, M. Close n’a pas été en mesure de déneiger l’entrée de cour comme il l’avait prévu, en raison d’une douleur qui est apparue au cours de la nuit et qui était liée à une vieille blessure au dos. Il a déclaré ne pas avoir été capable de manœuvrer la souffleuse à neige, le 9 février. Il a ajouté qu’il n’était pas capable de se déplacer en raison de la douleur, même si, selon Mme Close, il a sorti la souffleuse de la remise pour lui montrer comment s’en servir.

20        M. et Mme Close ont déclaré qu’il y avait tellement de neige accumulée dans l’entrée de cour qu’il n’aurait pas été possible de sortir la voiture sans enlever la neige au préalable. Mme Close n’a pas appelé la personne à qui elle faisait parfois appel pour déneiger son entrée de cour, parce qu’elle a tenu pour acquis, par expérience, qu’il ne serait venu qu’après avoir déneigé l’entrée de ses clients habituels, soit probablement en après-midi. Elle n’a pas non plus envisagé de prendre un taxi parce qu’elle aurait alors dû marcher jusqu’à la rue dans cette neige épaisse, puisque, selon elle, aucun taxi ne se serait engagé dans son entrée de cour. Elle a avoué en contre-interrogatoire n’avoir jamais envisagé de simplement ouvrir un sentier le long de l’entrée de cour jusqu’à la rue et y prendre un taxi. Elle a également déclaré n’avoir jamais tenté de se rendre au bureau par covoiturage avec des voisins parce que ces derniers ne prenaient pas la même direction pour se rendre à leur travail. Même si un de ses collègues habitait quelque part dans le même lotissement, elle n’a jamais communiqué avec lui pour vérifier s’il pouvait faire le trajet en voiture au travail avec elle.

21        Mme Close a décidé que la meilleure option consistait à nettoyer l’entrée de cour elle-même, et ce, même si elle n’avait jamais utilisé la souffleuse à neige. Elle a déclaré que, même si elle avait commencé tôt, plusieurs heures ont été nécessaires parce qu’elle devait s’arrêter souvent pour reposer sa hanche.

22        Une fois l’entrée de cour dégagée, le trajet jusqu’au travail s’est fait en 20 minutes. Mme Close a déclaré qu’elle était arrivée peu après 10 h. À son arrivée, elle s’est adressée à son superviseur, Nelson Martel. Elle ne se souvenait pas si elle lui avait téléphoné plus tôt dans la matinée pour lui expliquer sa situation, mais elle l’a fait à son arrivée au travail. Elle a présenté un formulaire de congé relatif à une demande de congé payé pour d’autres motifs, auquel on attribue le code de congé « 699 ».

23        La demande de congé 699 présentée par Mme Close a été rejetée le 31 mars 2011. Une autre superviseure, Anne-Louise MacNeil, lui a indiqué qu’elle allait devoir reprendre les heures manquées le 9 février 2011. Mme Close a déclaré avoir repris ces heures en travaillant une heure de plus pendant trois jours. Elle ne se souvenait pas du moment exact, mais elle a déclaré que, selon elle, elle avait discuté avec Mme MacNeil de la question de reprendre ses heures de travail.

24        Quand Mme Close a appris que sa demande de congé avait été rejetée, elle a écrit à Mme Keough, la gestionnaire aux opérations à la citoyenneté, pour lui expliquer les circonstances. Elle lui a décrit en détail les conditions météorologiques du 9 février 2011, et elle a souligné que les écoles, l’université et le centre commercial avaient été fermés en raison des conditions météorologiques. Elle a expliqué l’aménagement de son terrain et a souligné que son mari n’avait pu s’occuper du déneigement le matin en question parce qu’il n’était pas bien et que, par conséquent, elle avait déneigé l’entrée de cour. Elle a également expliqué qu’en raison de son problème à la hanche, elle n’avait pu effectuer le déneigement rapidement. Elle a remis en question la méthode de vérification des faits de son employeur puisqu’à sa connaissance, aucun de ses collègues n’avait été interrogé au sujet de leur heure d’arrivée au travail le 9 février 2011 (pièce G-6).

25        Le 13 avril 2011, Mme Keough a répondu à Mme Close et lui a confirmé que sa demande de congé avait été rejetée (pièce G-6). Elle a écrit qu’un certain nombre de facteurs avaient été pris en considération au moment de décider de rejeter la demande. Elle a souligné que les directeurs de trois ministères de la région avaient été consultés et qu’ils avaient tenu compte des conditions météorologiques, des prévisions continues, de la question de savoir si le transport collectif avait continué de fonctionner, et des conditions routières. Elle a indiqué que l’employeur appuyait l’utilisation d’un congé « 699 » dans certaines circonstances particulières qui sont indépendantes de la volonté de l’employée, mais que, selon elle, les circonstances dans le cas de Mme Close n’étaient pas hors de son contrôle.

26        Mme Keough a déclaré avoir reçu une version électronique de la demande de congé de Mme Close (pièce E-2) le 9 février 2011. Elle a indiqué qu’en règle générale, elle vérifie toutes les demandes de congé récemment présentées par les employés et consulte les autres gestionnaires pour savoir si ces derniers ont reçu des demandes semblables. Elle consulte également les Ressources humaines pour s’assurer que sa réponse est conforme aux autres réponses relatives à des demandes de ce genre et elle demande des renseignements supplémentaires aux chefs d’équipes et aux employés qui ont présenté une telle demande. Elle a souligné que les renseignements qu’un employé peut présenter dans une demande de congé électronique sont limités. Une fois qu’elle a eu reçu tous les renseignements pertinents, elle rend sa décision.

27        Dans le cas de Mme Close, le 28 mars 2011, Mme Keough a demandé au chef d’équipe de lui fournir des renseignements supplémentaires (pièce E-3). Elle a déclaré qu’elle souhaitait fournir à Mme Close l’occasion d’expliquer pourquoi elle n’avait pas été en mesure de se présenter au travail à l’heure prévue, le 9 février 2011, compte tenu du fait que les employés sont tenus de s’organiser en fonction d’une météo défavorable. Elle a déclaré qu’au moment de demander les renseignements, elle ne disposait que des commentaires inscrits dans la demande de congé électronique de Mme Close en guise d’explication pour sa situation particulière.

28        Le 31 mars 2011, n’ayant reçu aucun renseignement supplémentaire, Mme Keough a refusé d’accorder le congé demandé par Mme Close. Elle a déclaré qu’elle en avait décidé ainsi parce que la seule information relative aux circonstances propres à Mme Close dont elle disposait révélait que cette dernière n’avait pas été en mesure de se présenter au travail parce que son entrée de cour n’avait pas été déneigée. Selon Mme Keough, la décision de déneiger l’entrée de cour afin de se présenter au travail à l’heure prévue n’était pas indépendante de la volonté de Mme Close.

29        Mme Keough a déclaré avoir reçu l’explication de Mme Close (pièce G-6) le 7 avril 2011. Elle a examiné les renseignements fournis par Mme Close et a consulté les Ressources humaines. L’explication de Mme Close n’a pas modifié sa conviction selon laquelle il incombait à Mme Close de s’assurer de se présenter au travail à l’heure prévue. Le fait que les écoles et le centre commercial étaient fermés, le 9 février 2011, n’a pas modifié sa position. La décision de maintenir le bureau ouvert a été prise conjointement avec d’autres ministères en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, notamment les conditions routières et le fait que le transport collectif était disponible.

30        Mme Keough a fait valoir que les employés font des choix lorsqu’ils choisissent leur lieu de résidence et qu’au moment de faire ces choix, ils doivent être prêts à affronter une météo défavorable dans le but de se rendre au travail à l’heure prévue. Le fait que le mari de Mme Close était malade le jour en question n’a eu aucune incidence sur son opinion. À son avis, d’autres possibilités s’offraient à Mme Close en ce matin du 9 février 2011. Elle aurait pu téléphoner à un collègue pour lui demander de venir la prendre chez elle, ou appeler un taxi. Elle aurait également pu s’organiser pour que quelqu’un vienne déneiger son entrée de cour, ou elle aurait pu modifier ses heures de travail de manière à éviter d’être en retard.

31        Mme Keough a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle ne savait pas si des collègues de Mme Close habitaient près de chez elle et qu’elle n’avait aucune connaissance de l’état de la résidence de Mme Close ou de son entrée de cour. Elle a convenu qu’en s’occupant de déneiger elle-même son entrée de cour, Mme Close avait fait un effort raisonnable pour se rendre au travail.

32        Mme Keough a déclaré qu’à sa connaissance, Mme Close n’avait pas repris les heures manquées du 9 février 2011. Néanmoins, en réponse à une question que je lui ai posée, elle a déclaré qu’elle ignorait si Mme Close avait repris les heures en question.

B. Grief de Mme Stevens

33        Mme Stevens a témoigné et a déposé quatre documents en preuve. L’employeur a cité Joanne Harvey, sa gestionnaire, à témoigner et il a présenté un document.

34        Mme Stevens a déclaré qu’elle était allée en vacances en France avec sa mère et de sa fille, en mai 2011. Son mari a réservé les vols et, selon les arrangements prévus, elles devaient partir pour la France le 17 mai 2011 et revenir le 26 mai 2011. Mme Stevens a pris ses crédits de congé annuel pour la période du 17 au 26 mai 2011, inclusivement. Elle devait revenir au travail le 27 mai 2011, à 8 h 30, conformément à son horaire habituel.

35        Le 17 mai 2011, selon l’itinéraire planifié par son mari, Mme Stevens devait de déplacer de Halifax à Marseille, en France, en passant par Philadelphie, en Pennsylvanie, et par Francfort, en Allemagne. Pour son retour à Halifax, le 26 mai 2011, elle devait partir de Marseille et passer par Francfort et Philadelphie (pièce G-2). Selon l’horaire prévu de son vol de retour, elle s’attendait à arriver à Halifax à 23 h 26. Elle avait prévu faire le trajet de Halifax à Sydney en voiture et arriver vers 3 h, le 27 mai.

36        En contre-interrogatoire, à la question de savoir pourquoi son retour de la France avait été planifié de façon à ce que son heure prévue d’arrivée à Sydney n’était qu’à quelques heures de son retour prévu au travail, Mme Stevens a répondu que ces vols étaient les plus économiques que l’on pouvait trouver à court préavis. Elle ne savait pas si d’autres vols auraient pu lui permettre d’arriver chez elle plus tôt. Son mari avait réservé les vols et elle lui avait confirmé que cet horaire lui convenait. Elle a déclaré que, selon elle, il n’était pas risqué de planifier un vol de retour dont l’arrivée prévue n’était qu’à quelques heures du début de son quart de travail. Elle l’avait déjà fait sans problème et, si le trajet s’était déroulé comme prévu, elle serait retournée au travail à l’heure prévue, le 27 mai 2011, et ce, malgré son arrivée à 3 h.

37        Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme prévu. Le vol de Mme Stevens, dont le départ prévu de Philadelphie vers Halifax était à 8 h 25, a été retardé et annulé (pièce G-4). Cette information lui a été transmise à son arrivée à la porte d’embarquement. Le transporteur aérien a annoncé aux passagers qu’ils devaient changer leurs réservations. Suivant l’avis du transporteur aérien, elle a réservé un siège sur le même vol, le lendemain, avec le même transporteur aérien. On lui a  dit que cette option était la seule dans son cas. Cependant, en discutant avec son mari plus tard en soirée, elle a appris qu’en vertu de la politique d’annulation du transporteur aérien, elle était autorisée à réserver un vol de retour avec un autre transporteur aérien.

38        Le lendemain matin, Mme Stevens est retournée à l’aéroport de Philadelphie à 7 h 30. Puisque le vol qu’elle avait réservé le soir d’avant ne partait qu’en soirée, elle a décidé de vérifier s’il lui serait possible de prendre un vol qui partait plus tôt. S’appuyant sur les renseignements relatifs à la politique d’annulation du transporteur aérien que lui avait transmis son mari, elle est retournée voir l’agent de service à la clientèle du transporteur aérien et ce dernier a trouvé un vol qui passait par Montréal, au Québec, pour lequel elle serait une passagère en attente. Le départ de son vol, à partir de Philadelphie, était à 11 h 14, et il arrivait à Montréal à 12 h 30. Une fois à Montréal, elle a de nouveau été mise en attente pour un vol à destination de Halifax. En fin de compte, elle a réussi à prendre le vol de 16 h 25 à destination de Halifax, lequel est arrivé à 17 h, le 27 mai 2011, soit après sa journée prévue de travail (pièce G-4).

39        Finalement, Mme Stevens n’est arrivée chez elle que bien plus tard que prévu puisque ses bagages n’ont pas voyagé sur le même vol qu’elle. Ses clés de voiture étant dans sa valise, il lui était impossible de prendre le volant et de retourner à la maison. Par conséquent, elle a dû attendre l’arrivée de son mari, qui a fait le trajet de Sydney à Halifax pour lui apporter ses clés de voiture.

40        Le 27 mai 2011, Mme Stevens a envoyé un message à sa chef d’équipe lui expliquant ses problèmes de voyages. À son retour au travail, le 30 mai 2011, elle a eu la confirmation que sa chef d’équipe avait reçu le message.

41        Mme Stevens a présenté une demande de congé 699 et on lui a dit qu’elle devait s’adresser à sa gestionnaire, Mme Harvey. Ce faisant, on lui a dit de présenter la demande de congé avec tous les documents à l’appui aux fins d’évaluation. Le 17 juin 2011, elle a été informée que sa demande était rejetée.

42        Mme Harvey a déclaré qu’elle avait refusé la demande de congé parce qu’elle estimait que les circonstances n’étaient pas indépendantes de la volonté de Mme Stevens, laquelle avait réservé ses jours de congé annuel et planifié son itinéraire. La planification d’un nombre suffisant de jours de congé pour couvrir sa période de voyage ou la planification d’un horaire de vol en prévision d’éventuels problèmes n’est pas indépendante de sa volonté. Elle a plutôt choisi de planifier un horaire de vol qui ne lui offrait que très peu de marge de manœuvre. À la demande de Mme Stevens, Mme Harvey a justifié par écrit les motifs du rejet de la demande de congé en question (pièce E-1).

43        Mme Harvey a reconnu en contre-interrogatoire que l’annulation du vol de Philadelphie à Halifax était hors du contrôle de Mme Stevens et qu’elle avait fait un effort raisonnable pour se rendre chez elle. Néanmoins, Mme Harvey a déclaré que, selon elle, le problème reposait d’abord et avant tout sur la planification initiale du voyage. Elle estimait qu’il incombait à Mme Stevens de planifier ses projets d’une manière appropriée lui assurant un retour au travail à l’heure prévue.

I. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estiment lésées

44        La clause 52.01a) est identique dans les deux conventions collectives et a fait l’objet de nombreuses décisions rendues par les prédécesseurs de la CRTEFP. La déclaration la plus récente relative à l’interprétation du libellé en question se trouve dans Martin c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2014 CRTFP 37.

45        Dans cette affaire, l’arbitre de grief a adopté un critère à deux volets. Premièrement, il faut établir si les circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé l’empêchent de se rendre au travail. Deuxièmement, si le premier critère est satisfait, il faut établir si le congé payé a été refusé sans motif raisonnable par l’employeur, si une demande en ce sens a été présentée. Les employés n’ont pas à déployer des efforts héroïques pour se rendre au travail. L’unique exigence consiste à établir si des circonstances qui ne leur sont pas directement imputables les ont empêchés de se rendre au travail. Le caractère raisonnable ou déraisonnable de la décision de rejeter la demande de congé payé est une question de fait qui consiste à déterminer si, à un moment donné, les circonstances en cause ont empêché l’employé de se rendre au travail.

46        Citant Cloutier et al. c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-21838 à 21840 (19920721), [1992] C.P.S.S.R.B. No 104 (QL), et Colp et Bunch c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-23215 et 23216 (19930803), [1993] C.P.S.S.R.B. No138 (QL), dans lesquelles était examiné un libellé identique à celui de la clause 52.01a) des conventions collectives, l’AFPC a soutenu que l’employeur devait tenir compte des circonstances particulières des fonctionnaires s’estimant lésés lors du rejet de leur demande de congé payé. Dans Cloutier, l’arbitre de grief a estimé que l’employeur n’avait pas exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a omis d’évaluer si les circonstances des employés qui s’étaient présentés au travail étaient les mêmes que celles des fonctionnaires s’estimant lésés. Dans Colp, l’arbitre de grief a statué que le fait que les fonctionnaires s’estimant lésés demeurent à une distance considérable de leur lieu de travail ne constituait pas en soi un motif de rejet de leur demande de congé spécial. Il doit y avoir des preuves démontrant que le choix du lieu de résidence des fonctionnaires a eu pour effet d’empêcher ces derniers de se présenter au travail dans des conditions normales; toutefois, dans ce cas particulier, la preuve a permis d’établir que les fonctionnaires avaient rarement manqué du travail en raison de tempêtes.

1. Grief de Mme Close

47        Comme il en a été décidé dans Colp, Mme Close ne peut être blâmée en raison de son choix de lieu de résidence. Aucun élément de preuve n’a fait état d’une quelconque difficulté de cette dernière à se rendre au travail lorsque les conditions météorologiques étaient normales. De plus, elle a pris des mesures raisonnables afin d’être prête à affronter les intempéries en raison de la particularité de son lieu de résidence. Son mari et elle ont acheté une souffleuse à neige, que M. Close manœuvrait lui-même parce que la blessure à la hanche de Mme Close l’empêchait de le faire elle-même.

48        Le 9 février 2011, d’importantes quantités de neige se sont accumulées (pièce G-2). M. Close n’a pas été en mesure de déneiger l’entrée de cour en raison d’une ancienne blessure au dos qui lui causait de la douleur. Mme Close a décidé de déneiger l’entrée de cour et, puisqu’elle n’avait pas l’habitude de manœuvrer la souffleuse à neige et en raison de sa blessure à la hanche, il lui a fallu plusieurs heures pour le faire. Elle a déclaré n’avoir pas fait appel à un entrepreneur en déneigement parce que, selon son expérience, il ne serait venu qu’après s’être occupé de tous ses clients réguliers. Elle n’a appelé de taxi parce que, selon son expérience, aucun chauffeur de taxi n’allait s’aventurer dans son entrée de cour dans de telles conditions, et, par conséquent, elle aurait tout de même eu à marcher péniblement dans cette neige jusqu’à la rue pour embarquer dans la voiture de taxi, ce qui aurait empiré son problème à la hanche.

49        En contre-interrogatoire, la question de savoir pourquoi elle n’avait pas simplement ouvert un sentier le long de l’entrée de cour jusqu’à la rue pour y prendre un taxi plutôt que de déneiger toute l’entrée de cour a été posée à Mme Close. Néanmoins, rien n’indique que cette façon de faire aurait été plus rapide. De plus, on ne peut s’attendre à des efforts héroïques de Mme Close ni qu’elle ne pense à tout. Elle a fait un effort raisonnable et s’est rendue au travail, bien que trois heures en retard.

50        Plutôt que d’évaluer la demande de congé spécial de Mme Close en fonction de ses circonstances spéciales, l’employeur a évalué si d’autres employés s’étaient trouvés dans des circonstances similaires. Mme Keough a déclaré qu’elle avait consulté les Ressources humaines par souci d’uniformité. Néanmoins, dans la poursuite de cet objectif, il est possible qu’elle ait omis de juger chaque situation en fonction des faits propres à chacune d’entre elles, comme le veut la jurisprudence. Cloutier était fondée sur cette omission d’évaluer les circonstances individuelles.

51        Qui plus est, Mme Keough a été influencée par sa conviction selon laquelle les circonstances particulières de Mme Close n’étaient absolument pas indépendantes de sa volonté, d’autant plus qu’elle avait elle-même choisi le lieu de sa résidence. Cependant, comme il en a été décidé dans Colp, Mme Close n’aurait pas dû être mise en cause en raison de son choix de lieu de résidence alors qu’aucun élément de preuve n’a démontré que, dans des conditions météorologiques normales, elle a eu des problèmes à se rendre au travail. Les conditions météorologiques étaient indépendantes de la volonté de Mme Close tout comme l’était par ailleurs l’état de santé de son mari. En rejetant la pertinence des fermetures d’écoles et du centre commercial, Mme Keough a semblé vouloir chercher des motifs pour refuser le congé demandé par Mme Close plutôt que de véritablement tenter savoir si Mme Close a été empêchée de se présenter au travail pour des raisons qui étaient indépendantes de sa volonté. Il est remarquable que Mme Keough ait admis que Mme Close avait déployé des efforts raisonnables pour se rendre au travail.

52        Il faut également souligner que Mme Close a produit l’unique élément de preuve directe établissant si elle avait repris ses heures manquées ou non. Mme Keough a convenu qu’aucun élément de preuve ne lui avait été présenté établissant que Mme Close n’avait pas travaillé les heures supplémentaires en question. Des crédits de congés devraient lui être accordés conformément à la clause 52.01a) de la convention collective puisqu’elle a repris les heures en question.

2. Grief de Mme Stevens

53        Le 27 mai 2011, Mme Stevens n’a pu se présenter au travail en raison de l’annulation de la partie du trajet de Philadelphie à Halifax de son vol de retour en provenance de l’Europe, le soir du 26 mai 2011. Suivant l’avis du transporteur aérien, un siège lui a été réservé sur le même vol le lendemain. Le matin du 27 mai 2011, elle est retournée à l’aéroport de Philadelphie pour vérifier s’il lui serait possible de partir plus tôt sur un autre vol. Elle a réussi à en trouver un et elle est retournée à Halifax, en soirée, le 27 mai 2011. Elle n’a pas tenté d’acheter d’autres billets, le 26 mai 2011, et ainsi avoir la possibilité de revenir à temps pour se présenter à son quart de travail comme prévu. Cependant, selon la jurisprudence, les employés ne sont pas tenus d’épuiser toutes les options imaginables ou entreprendre des mesures héroïques pour se rendre au travail.

54        Mme Stevens n’a pu se présenter au travail en raison de circonstances qui ne lui étaient pas imputables. Mme Harvey, sa gestionnaire, a convenu que les circonstances qui ont empêché le retour de Mme Stevens étaient indépendantes de la volonté de cette dernière et elle a convenu qu’elle avait par ailleurs fait des efforts raisonnables pour revenir chez elle dans la mesure où cela lui était possible. Par conséquent, la décision de rejeter sa demande de 5,25 heures de congé spécial était déraisonnable.

55        Dans Martin, il est souligné que, pour déterminer si une décision est fondée sur un motif raisonnable ou non, il faut se demander si les circonstances qui ont empêché l’employé de se rendre au travail ont changé. En l’espèce, rien n’a changé. Le vol de Mme Stevens a été annulé et elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour se rendre chez elle dans les meilleurs délais.

56        Mme Harvey a déclaré avoir été influencée par le fait que Mme Stevens n’avait pas planifié assez de temps entre l’heure du retour et le début prévu de son quart de travail. Toutefois, Mme Stevens a déclaré avoir antérieurement procédé de la sorte sans problème et qu’elle s’était présentée au travail à temps. Aucun élément de preuve contraire n’a été présenté. Dans Martin, le vol de retour de la fonctionnaire en provenance de l’Europe était également à une heure rapprochée de celle prévue de sa première journée de travail suivant ses jours de congé annuel. L’arbitre de grief dans cette affaire ne lui a pas imputé la responsabilité de cette situation et a souligné que, bien que certains risques soient inhérents aux voyages, aucun élément de preuve ne milite en faveur d’un partage des risques.

57        Grâce aux efforts qu’elle a elle-même déployés, Mme Stevens est arrivée chez elle plus tôt que si elle avait simplement suivi l’avis du transporteur aérien, un élément qui n’a pas été soulevé dans la note de service de l’employeur soulignant les motifs justifiant son refus d’accorder le congé demandé (pièce E-1).

58        Les employés ne peuvent pas prévoir toutes les difficultés qui peuvent survenir lors d’un voyage. Ils ne sont pas clairvoyants et ils ne peuvent pas prévoir les problèmes. Ils ne sont pas tenus de l’être non plus. Les choses se produisent de manière inattendue. Ce motif est notamment à la base du fondement de l’existence de la clause 52.01a) de la convention collective et, par conséquent, le grief devrait être accueilli.

B. Pour l’employeur

59        L’employeur a soutenu qu’il importe de se rappeler que la clause 52.01a) de la convention collective porte sur le pouvoir discrétionnaire et que tout examen des demandes de congé présentées en vertu de cette disposition doit respecter le pouvoir discrétionnaire de l’employeur plutôt que de le limiter. Cette clause ne peut être interprétée avec une souplesse telle que l’employeur se verrait obliger d’accepter les décisions des employés même si celles-ci sont déraisonnables. Le pouvoir discrétionnaire de l’employeur a explicitement été reconnu dans la clause, laquelle a été négociée par les parties. En acceptant le libellé de la clause, l’AFPC a accepté que toute demande de congé accordée en vertu de cette disposition était assujettie à ce pouvoir discrétionnaire et que les demandes de congé seraient évaluées conformément aux critères établis.

60        L’exigence la plus importante de la clause 52.01a) de la convention collective est la suivante « […] lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail […] ». Il en découle donc qu’il incombe à l’employé d’établir que les circonstances ne lui étaient pas directement imputables.

61        Une analyse en deux volets a été élaborée dans Martin. Selon la première exigence, il incombe à l’employée d’établir que les circonstances ne lui étaient pas directement imputables. Une fois ce fait établi, il faut déterminer si le congé a été refusé sans motif raisonnable. L’évaluation du caractère raisonnable n’oblige pas l’arbitre de grief à se substituer à l’employeur. Il est simplement requis que la réponse de l’employeur s’inscrive dans un éventail de décisions raisonnables. De plus, l’obligation d’enquêter de l’employeur, accueillie dans Martin, ne peut être étirée au point de restreindre le pouvoir discrétionnaire de l’employeur et de renverser le fardeau de la preuve. Il n’incombe pas à l’employeur d’établir si les circonstances étaient directement imputables à l’employé; c’est plutôt à l’employé qu’il incombe de le faire.

62        La question de déterminer si les circonstances sont directement imputables à l’employé est une notion qui repose sur des faits et de nombreuses décisions arbitrales traitent de la question. La plupart d’entre elles portent sur des conditions météorologiques défavorables. Chaque décision doit être rendue à la lumière des faits qui lui sont propres. Il ne convient pas d’accepter des déclarations d’ordre général tirées de la jurisprudence sans examiner les faits précis sur lesquels ces déclarations sont fondées.

1. Grief de Mme Close

63        L’employeur m’a renvoyé à Strickland c. Conseil du Trésor (Commission de la capitale nationale), dossier de la CRTFP 166-02-14697 (19850215), [1985] C.P.S.S.R.B. No. 74 et Dollar v. Treasury Board (Canada Employment and Immigration Commission) (1979), 21 L.A.C. (2d) 34. Il a soutenu qu’il fallait tenir compte de plusieurs facteurs pertinents. À titre d’exemple, le genre de route que devait utiliser Mme Close, l’état de son véhicule, la fermeture des écoles et d’autres lieux publics, ainsi que le caractère éloigné du lieu en question peuvent tous être pertinents pour déterminer si les circonstances l’empêchant de se présenter au travail lui étaient directement imputables.

64        Il ne s’agissait pas d’un lieu éloigné. Même si les écoles et le centre commercial étaient fermés, aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que les routes étaient dangereuses ou infranchissables. Au contraire, elle a indiqué qu’une fois le déneigement de son entrée de cour terminé, il ne lui a fallu que 15 minutes de plus que d’habitude pour se rendre au travail. Il n’y avait rien d’inhabituel dans cette tempête de neige; elle n’était qu’une parmi tant d’autres en février 2011.

65        La difficulté à se rendre au travail est liée à son entrée de cour. Son mari et elle ont choisi cette maison en sachant très bien que l’entrée de cour pouvait poser problème. Ils n’ont rien fait pour corriger la situation, même après que l’installation de trottoirs par la municipalité ait amplifié le problème, selon Mme Close. L’employeur ne devrait pas avoir à absorber les contrecoups des choix de Mme Close.

66        Si Mme Close n’a pu se présenter au travail, ce n’est pas en raison de circonstances qui ne lui étaient pas directement imputables, mais bien en raison des choix qu’elle a faits. Elle a choisi de ne pas garer son automobile de manière à pouvoir sortir plus facilement de l’entrée de cour le lendemain matin. Elle a choisi de ne pas nettoyer l’entrée de cour la veille et ainsi alléger la tâche du lendemain. Elle a choisi de ne pas se lever plus tôt pour nettoyer l’entrée de cour. Elle a choisi de ne pas faire appel à un entrepreneur en déneigement ou de ne pas demander l’aide d’un voisin. Elle a décidé de ne pas faire appel à un taxi.

67        À l’instar de la situation dans Sinclair c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14295 (19840507), [1984] C.P.S.S.R.B. No. 64 (QL), et Chutter c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-15160 (19870325), [1987] C.P.S.S.R.B. No. 73 (QL), Mme Close n’a pas été en mesure de se rendre au travail en raison de ses choix plutôt qu’en raison de circonstances qui étaient indépendantes de sa volonté. Les employés ne sont pas tenus d’épuiser toutes les options possibles, mais bien de déployer des efforts raisonnables et d’envisager des options raisonnables. Elle ne l’a pas fait. Il n’est pas déraisonnable pour l’employeur de conclure que de meilleurs choix auraient pu être faits afin de s’assurer que Mme Close se rende au travail à l’heure prévue. L’employeur a également cité Ryan et Ryan c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord), dossiers de la CRTFP 166-02-11431 et 11432 (19820820), [1982] C.P.S.S.R.B. No. 143 (QL), et Webber c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17970 (19890711), [1989] C.P.S.S.R.B. No. 185 (QL).

2. Grief de Mme Stevens

68        Mme Stevens a fait un choix risqué lorsqu’elle a réservé le dernier vol en provenance de l’Europe, ne lui laissant ainsi aucune marge de manœuvre. Elle a pris cette décision pour des raisons économiques, un risque auquel elle s’est exposée consciemment. Elle aurait dû tenir compte du fait que les vols sont parfois annulés et planifier son voyage en conséquence. Elle n’a exploré d’autres avenues qu’après l’annulation de son vol et, à ce moment-là, il était déjà trop tard pour qu’elle puisse se rendre au travail à l’heure prévue.

69        L’employeur a soutenu que la question du caractère raisonnable de la réservation initiale du vol de retour de la fonctionnaire n’avait pas réellement été abordée dans Martin, mais que cette question avait été abordée de façon particulière dans Justason c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-10376, [1982] C.P.S.S.R.B. No. 132 (QL), où il a été conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire n’avait pu se rendre au travail à l’heure prévue parce que la planification ne comprenait pas de marge de manœuvre en cas de circonstances exceptionnelles et que le fardeau de cette décision aurait dû lui revenir plutôt qu’à l’employeur.

70        L’employeur a demandé que les deux griefs soient rejetés au motif que les fonctionnaires n’avaient pas satisfait au critère établi dans Martin. Aucun élément de preuve n’a été présenté établissant que les circonstances qui les avaient empêchés de se rendre au travail étaient indépendantes de leur volonté et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de poursuivre l’analyse. De plus, même s’il est déterminé que les circonstances étaient indépendantes de la volonté des fonctionnaires, l’employeur a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière raisonnable.

C. Réplique des fonctionnaires s’estimant lésées

71        Bien que le pouvoir dont il est question à la clause 52.01a) des conventions collectives soit discrétionnaire, le pouvoir discrétionnaire absolu, lui, n’existe pas. L’employeur doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable. De plus, les fonctionnaires n’ont pas soutenu que l’employeur devait enquêter chaque circonstance. Néanmoins, dans le cadre de l’exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire, l’employeur doit connaître les faits, c’est-à-dire, les « fondement[s] factuel[s] » pour emprunter l’expression utilisée dans Martin.

72        En ce qui a trait au grief de Mme Close, bien que l’employeur ait soutenu que les routes étaient praticables, ce facteur ne posait aucun problème pour Mme Close et il n’est donc pas pertinent. Mme Close n’a pas été en mesure de se rendre au travail à l’heure prévue en raison de l’état de son entrée de cour et de la blessure au dos de son mari, laquelle a empêché ce dernier d’accomplir sa tâche habituelle de déneiger l’entrée de cour. Sa façon de procéder et ses décisions de stationner dans son espace habituel et de ne pas déneiger son entrée de cour la veille étaient totalement raisonnables puisqu’elle ne pouvait pas prévoir que son mari ne serait pas en mesure de déneiger le lendemain matin.

73        Les décisions citées par l’employeur sont anciennes et se distinguent des affaires dont il est question en l’espèce. Il est préférable de s’appuyer sur les décisions plus récentes citées par les fonctionnaires. Les deux griefs devraient être accueillis et je demeurerai saisie de ces griefs aux fins de mise en œuvre.

IV. Motifs

74        Les griefs dont je suis saisie portent sur l’interprétation et l’application de la clause 52.01a) de la convention collective, qui est rédigée comme suit :

52.01 L’Employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a)       un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

[…]

75        Le congé prévu à l’article 52 de la convention collective est assujetti à un pouvoir discrétionnaire, mais l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire par l’employeur est restreint par l’exigence selon laquelle ce dernier ne doit pas refuser sans motif raisonnable d’accorder le congé demandé en vertu de cette disposition. Il incombe aux fonctionnaires d’établir, premièrement, que des circonstances qui ne leur sont pas directement imputables les ont empêchées de se rendre au travail et, deuxièmement, que leurs demandes de congé ont été refusées sans motif raisonnable.

76        Des versions semblables à cette disposition ont été inscrites à des conventions collectives depuis plus de 30 ans et, par conséquent, son interprétation et son application ont été examinées dans de nombreuses décisions. Pour la plupart, les cas ayant trait à l’article 52 ou ses versions antérieures soulèvent des allégations qui reposent sur des faits et qui soulèvent la question de savoir si les circonstances qui ont empêché l’employé de se rendre au travail leur étaient directement imputables. Barrett c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-7738 (19800123), rendue en 1979, portait sur l’interprétation d’un libellé presque identique à celui en l’espèce. À la page 10 de cette décision, la CRTFP a décrit comme suit les questions fondamentales en matière d’interprétation :

[…] l’objet de la convention collective n’est pas de refuser une demande légitime de congé spécial présenté par un employé prévoyant et prudent qui, malgré toutes ses précautions, se trouve aux prises avec les pires aléas. Dans un tel cas, l’employé se doit de faire un effort sincère pour atténuer les conséquences défavorables de ces imprévus. Et l’employeur, après avoir tenu compte des principaux facteurs, doit agir de façon raisonnable lorsqu’il détermine si la demande de congé spécial de l’employé est justifiée. Au fond, l’employeur ne doit pas considérer que les retards occasionnés par le mauvais temps constituent systématiquement un obstacle à l’octroi des congés spéciaux sur lesquels les parties se sont entendues lorsqu’elles ont négocié la convention collective. […]

77        Je suis d’accord avec cette approche. La clause 52.01a) de la convention collective prévoit que les employés qui sont inclus dans son champ d’application en retirent un avantage négocié. Elle assure une forme de protection lorsque, malgré sa diligence raisonnable et sa prévoyance, un employé ne peut se présenter au travail en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Il ne fait aucun doute que cet avantage découle d’un pouvoir discrétionnaire, mais l’exercice de ce pouvoir par l’employeur doit être raisonnable. Comme il a été souligné dans Barrett, l’employeur ne peut établir une norme dont la rigidité et la fermeté empêcheraient tout employé d’y satisfaire et, par conséquent, de rendre sans objet la disposition.

78        La question de savoir si un employé ne peut se présenter au travail en raison de circonstances indépendantes de sa volonté est une question de fait. Comme l’a souligné l’employeur dans son argumentation, la jurisprudence portant sur cette question traite souvent de conditions météorologiques défavorables. Dans de tels cas, les facteurs comme l’état des routes, le lieu de résidence de l’employé et les tentatives d’atténuer les effets des conditions météorologiques, ont souvent été considérés comme pertinents. Cependant, aucune règle stricte ne découle de la jurisprudence parce que chaque situation doit être examinée en fonction des circonstances qui lui sont propres.

79        J’estime que, dans la même veine que Barrett, lors de l’analyse dans le but de déterminer si les circonstances qui ont empêché l’employé de se présenter au travail lui étaient directement imputables, la première question devrait être de savoir si, en étant prévoyant et attentif, les circonstances donnant lieu au grief auraient raisonnablement pu être anticipées et prévenues. Il me semble que, si la réponse est affirmative, alors l’employé est responsable de ne pas avoir pris toutes les mesures raisonnables à cet égard.

80        Si la réponse est négative, alors la question à poser est la suivante : des mesures raisonnables ont-elles été prises par l’employée pour contourner ou surmonter les circonstances qui l’ont empêchée de se rendre au travail? Si l’employée n’avait aucune possibilité raisonnable de prévoir ou de prévenir les circonstances en cause, et qu’elle a pris des mesures adéquates pour régler le problème, alors il me semble que lesdites circonstances ne peuvent lui être directement imputées. Dans ce cas, l’employeur doit tenir compte des faits qui sont propres à la situation particulière de l’employée et tirer une conclusion raisonnable fondée sur ces faits.

A. Grief de Mme Close

81        Selon les éléments de preuve présentés, la résidence de Mme Close était située dans un quartier qui se trouvait à environ 15 minutes, en voiture, de son milieu de travail. Ce secteur n’était desservi par aucun transport collectif et elle se rendait quotidiennement au travail en voiture. Aucun élément de preuve n’a permis de conclure que, dans des circonstances normales, il lui était difficile de se rendre au travail en raison de son lieu de résidence. En fait, en contre-interrogatoire, il a été soulevé que, au cours de février 2011, il y avait eu des précipitations de neige plus importantes que les 8 et 9 février 2011. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été présenté étayant que Mme Close avait eu de la difficulté à se rendre au travail ces jours-là. Par conséquent, j’en conclus que son lieu de résidence n’était pas un facteur déterminant l’empêchant de se rendre au travail, le 9 février 2011.

82        Mme Close a déclaré que son mari et elle avaient décidé que l’achat et l’utilisation d’une souffleuse à neige allaient être à la fois le moyen idéal, le plus efficace et le plus économique pour nettoyer leur entrée de cour durant les mois d’hiver. Aucun élément de preuve n’a été présenté selon lequel, en règle générale, cette décision n’était pas raisonnable. M. Close a déclaré que c’était lui qui s’occupait du déneigement. Si cette mesure n’avait pas été raisonnable ou qu’elle avait été inefficace, je me serais attendue à ce que l’on me présente des éléments de preuve étayant que les difficultés à se rendre au travail lorsqu’il neige étaient habituelles pour Mme Close. Aucun élément de preuve en ce sens n’a été présenté.

83        Ni le lieu de résidence de Mme Close ni les mesures que son mari et elle avaient prises en vue de déneiger l’entrée de cour durant l’hiver ne l’ont empêchée de se rendre au travail, le 9 février 2011; c’est la blessure au dos de son mari qui a empêché ce dernier de manœuvrer la souffleuse à neige qui l’empêché de se rendre au travail. À mon avis, il était impossible de prévoir et de prévenir cet événement et il ne s’agissait pas d’une circonstance directement imputable à Mme Close.

84        Il faut alors se demander si les mesures prises par Mme Close pour atténuer le problème étaient raisonnables. J’estime qu’elles l’étaient. Elle a déclaré que son mari et elle avaient, à l’occasion, fait appel à un entrepreneur en déneigement et que, se fondant sur l’expérience du passé, ce dernier ne serait pas venu nettoyer leur entrée de cour, le matin du 9 février, avant de s’être occupé de tous ses clients réguliers. Puisque son évaluation de la situation est fondée sur son expérience, je considère qu’il n’est pas déraisonnable de ne pas avoir fait appel à ses services.

85        Elle n’a pas fait appel à un taxi parce qu’elle savait que le chauffeur refuserait de s’aventurer dans l’entrée de cour, et qu’en raison de sa blessure à la hanche, elle s’estimait incapable de marcher péniblement dans cette épaisse couche de neige pour se rendre jusqu’à la rue. Contre-interrogée afin de savoir pourquoi elle n’avait pas simplement ouvert un sentier le long de l’entrée de cour jusqu’à la rue au lieu de déneiger l’entrée de cour au complet, elle a avoué que l’idée ne lui était jamais venue à l’esprit. Elle n’a également pas fait appel à des voisins à des fins de covoiturage, puisque ces derniers ne travaillent pas dans le même secteur qu’elle et que, par conséquent, cette option ne convenait pas. Même si elle avait réussi à obtenir les services d’un taxi ou à se rendre au travail par covoiturage, son secteur n’était desservi par aucun transport collectif et, par conséquent, il lui fallait penser à un moyen de revenir à la maison à la fin de la journée.

86        Mme Close n’a pas omis de planifier le déneigement de son entrée de cour. Elle ne s’est pas contentée d’attendre tranquillement sans faire d’effort. Les moyens raisonnables sur lesquels elle comptait habituellement en matière de déneigement n’étaient pas disponibles et, après avoir évalué ses choix, elle a décidé que la meilleure stratégie serait d’effectuer elle-même le déneigement, en dépit du fait qu’elle était incommodée par une blessure à la hanche et que ça lui prendrait plus de temps que si son mari s’en était occupé. Je ne peux conclure que les mesures qu’elle a prises étaient déraisonnables, même si, hypothétiquement, d’autres mesures auraient pu être plus efficaces.

87        La décision de Mme Keough de refuser la demande de congé de Mme Close était fondée sur des considérations qui, selon moi, ne s’appliquent pas aux circonstances particulières de Mme Close. Le fait que trois ministères aient décidé de demeurer ouverts parce que les routes n’étaient pas fermées et que le transport collectif n’était pas interrompu n’est pas un facteur pertinent en ce qui a trait aux circonstances particulières de Mme Close. Les problèmes de Mme Close ne sont pas uniquement imputables à la tempête, mais bien à l’effet combiné de la tempête et de la blessure au dos de son mari.

88        Selon Mme Keough, Mme Close était responsable de sa mésaventure parce qu’elle a décidé de son lieu de résidence et que, par conséquent, elle était également responsable de trouver des moyens de composer avec la météo défavorable de manière à se présenter au travail à l’heure prévue. À mon avis, cette conclusion ne tient pas compte du fait que le lieu de résidence de Mme Close ne pose habituellement pas problème, que cette dernière a pris des mesures pour pouvoir affronter la météo défavorable et que ces mesures étaient habituellement efficaces.

89        Mme Keough a également estimé que Mme Close aurait dû prendre des mesures supplémentaires afin de se présenter au travail à l’heure prévue, le jour en question, comme faire du covoiturage avec un collègue ou un voisin, mais elle ignorait si ces options étaient raisonnables ou envisageables ou si elles auraient été plus efficaces que les mesures prises par Mme Close. Quoi qu’il en soit, bien qu’elle ait été au courant de l’incapacité de M. Close, Mme Keough a jugé que ce facteur n’était pas pertinent à titre de facteur empêchant Mme Close de se rendre au travail le 9 février 2011. Pour ces motifs, je considère que son rejet de la demande de congé présentée par Mme Close n’était pas raisonnable.

90        Mme Close a déclaré qu’elle avait repris ses trois heures de retard. Aucun élément de preuve contredisant son témoignage n’a été présenté. Par conséquent, je conclus qu’elle a travaillé les trois heures conformément à la demande de l’employeur. J’estime que le refus d’accorder les trois heures de congé demandées en vertu de la clause 52.01a) de la convention collective n’était pas raisonnable et qu’on n’aurait pas dû l’obliger à reprendre les trois heures en question. Par conséquent, des crédits de congés devraient lui être accordés en vertu de la clause 52.01a), conformément à sa demande et, par conséquent, elle devrait recevoir une indemnité correspondant aux trois heures qu’elle a été obligée de travailler.

B. Grief de Mme Stevens

91        Mme Stevens a allégué que l’employeur avait refusé sans motif raisonnable sa demande de congé annuel présentée en vertu de la clause 52.01a) de la convention collective, lorsqu’elle n’a pas été en mesure de se présenter au travail à 8 h 30, le 27 mai 2011, en raison de l’annulation d’une étape de son vol de retour en provenance de l’Europe.

92        Mme Stevens a soutenu qu’elle n’avait pas pu travailler, le 27 mai 2011, en raison de circonstances qui ne lui étaient pas directement imputables. Je ne suis pas d’accord. Elle a planifié son horaire de vol sans se laisser la moindre marge de manœuvre en cas d’imprévus. Selon ses réservations initiales, son retour à Sydney était seulement prévu à 3 h, le 27 mai 2011, et elle devait reprendre sa journée de travail à 8 h 30. Elle partait de Marseille, en passant par Francfort et Philadelphie, à destination d’Halifax. Le fait que l’annulation de son vol soit hors de son contrôle ou qu’elle ait pris toutes les mesures possibles pour se trouver un autre vol n’est pas pertinent si l’on tient compte du fait qu’une fois son vol annulé, il n’y avait aucun moyen de se présenter au travail à l’heure prévue puisqu’aucune marge de manœuvre n’a été prévue.  

93        Dans Barrett, portant sur un grief déposé en vertu d’une disposition similaire à la clause 52.01a) de la convention collective, l’arbitre de grief a estimé que l’employé n’avait pas planifié de manière appropriée son voyage de retour de vacances, compte tenu de la saison et des retards potentiels. L’arbitre de grief a écrit ce qui suit à la page 10 :

[…] on peut considérer qu’il ne tenait qu’à lui [l’employé] de prévoir les retards que les mauvaises conditions atmosphériques pouvaient occasionner et de s’allouer suffisamment de temps pour pouvoir reprendre le travail au moment voulu. Ne pas parer à de telles éventualités est en soi une imprudence qui ne devrait pas normalement donner lieu aux avantages que l’employeur peut accorder à sa discrétion aux termes de la clause 18.04 […]

94        De même, dans Justason, le fait qu’un employé ne se soit pas accordé suffisamment de marge de manœuvre en prévision de circonstances imprévisibles dans la planification de son voyage a été jugé comme la véritable raison de son impossibilité à se présenter au travail tel que requis et comme une circonstance qui lui était directement attribuable.

95        Je souscris aux principes énoncés dans Barrett et Justason. Mme Stevens était responsable de ses préparatifs de voyage. Elle savait qu’elle avait réservé sa place sur le dernier vol partant de Philadelphie à destination d’Halifax, le 26 mai, qu’il lui fallait faire le trajet de Halifax à Sydney en voiture, et qu’elle arriverait, si tout se déroulait exactement comme prévu, à peine cinq heures et demie avant de commencer sa journée de travail à l’heure prévue à l’horaire. Un retard à n’importe laquelle des étapes de son itinéraire de retour pouvait faire en sorte qu’elle manque le dernier vol et ainsi l’empêcher de retourner à Sydney à temps pour sa journée de travail prévue. Elle ne s’est laissé aucune marge de manœuvre pour s’ajuster aux problèmes inhérents aux voyages par avion, comme la météo défavorable ou les problèmes mécaniques ou encore la perte de bagages. À mon avis, ce genre de planification ne satisfait pas à l’exigence selon laquelle les employés doivent être raisonnablement prévoyants et prendre les mesures raisonnables afin de s’assurer de pouvoir se présenter au travail. L’employeur ne devrait pas avoir à payer pour le risque couru par Mme Stevens et le manque de prévoyance dont elle a fait preuve.

96        Je conclus que Martin ne s’applique pas en l’espèce. Dans cette affaire, il était question des mesures prises par la fonctionnaire après l’annulation de son vol. Je n’ai pas examiné la question de savoir si elle s’était alloué une marge de manœuvre suffisante dans la planification de son voyage 

97        En l’espèce, je conclus que Mme Stevens ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir qu’elle n’avait pu se présenter au travail en raison de circonstances qui ne lui étaient pas directement imputables; par conséquent, je ne peux accueillir le grief.

98        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

99        Le grief 566-02-7231 de Mme Close est accueilli. J’ordonne à l’employeur d’accorder à Mme Close les crédits correspondant aux trois heures de congé demandées en vertu de la clause 52.01a) de la convention collective comme elle l’a demandé dans son grief et, par conséquent, de l’indemniser pour les trois heures qu’elle a travaillées suivant la directive de l’employeur pour remplacer les heures qui auraient dû lui être accordées à titre de congé, conformément à la clause 52.01a).

100        Je demeurerai saisie de la question pour une période de 60 jours aux fins de la mise en œuvre de présente décision.

101        Le grief 566-02-7232 de Mme Stevens est rejeté. J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 2 mars 2016.

Traduction de la CRTEFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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